La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu intégral de la séance du jeudi 2 avril 2015 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 3 avril 2015, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le III de l’article L. 3120 2 et les articles L. 3122 2 et L. 3122 9 du code des transports (Voitures de transport avec chauffeur) (2015-472 QPC).
Le texte de décision de renvoi est disponible à la direction de la Séance.
Acte est donné de cette communication.
La parole est à Mme Dominique Gillot, auteur de la question n° 1034, transmise à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le ministre, depuis août 2014, les règles d’éligibilité au Fonds social européen, le FSE, sont mouvantes. L’accord-cadre signé le 5 août 2014 entre l’Assemblée des départements de France et l’État prévoit que les plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi, les PLIE, et les conseils généraux contractualisent pour clarifier les responsabilités respectives des acteurs de l’inclusion et définir la stratégie territoriale d’intervention du Fonds social européen.
Pour la programmation en 2014, la demande de subvention globale des associations devait être accessible sur le site dans la rubrique « Ma démarche FSE » pour la fin du mois de septembre 2014. Or les informations sur le cadre – à savoir le schéma du périmètre global ou le schéma restreint –, les critères de sélection, tout comme la précision des axes d’élection des ateliers et chantiers d’insertion suivant leurs particularités ont fluctué pendant plusieurs semaines.
Le service FSE indiquait qu’il était possible que les ateliers et chantiers d’insertion, les ACI, se positionnent sur plusieurs axes, tout en présentant un dossier pour chaque projet : il convenait toutefois de s’assurer que le projet soit bien conforme aux objectifs décrits dans l’appel à projet.
Le service en charge de l’insertion par l’activité économique de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, a ensuite précisé que l’appel à projet FSE était ouvert aux structures d’insertion par l’activité économique, les SIAE, sur l’axe 3 uniquement, alors que le service FSE de la DIRECCTE parlait de l’éligibilité des SIAE aux différents axes, tout en n’apportant pas de certitudes sur le financement de l’axe 3 en 2014.
Enfin, les documents « appel à projet et critères de sélection 2014 » – Accompagner vers l’emploi les demandeurs d’emploi et les inactifs et soutenir les mobilités professionnelles – ont été reçus, pour lancement définitif, le 16 octobre, avec une limite de dépôt fixée au 17 novembre 2014.
Entre-temps, les associations valdoisiennes, qui m’ont saisie, ont été informées par l’unité territoriale régionale – c’est elle qui instruit sur la forme les documents – que les chantiers d’insertion ne seraient plus éligibles sur l’enveloppe État-région, parce qu’ils ne relèveraient pas d’une compétence régionale ; mais aucune confirmation ne m’a été donnée de leur basculement sur l’enveloppe État-département, le conseil général du Val-d’Oise se retranchant derrière ses compétences obligatoires.
Dès lors, vous en conviendrez, monsieur le ministre, la situation est particulièrement dramatique. Ces tergiversations ne permettent pas l’utilisation de crédits destinés à l’accompagnement des personnes les plus éloignées de l’emploi. Les associations qui devaient bénéficier de ces fonds se retrouvent livrées à elles-mêmes, sans interlocuteur et sans moyens. Pour la plupart, il s’agit, à court terme, d’une fermeture programmée.
Pourtant, dans sa conférence de presse du 5 février 2015, le Président de la République a rappelé le « formidable travail que font ces femmes, ces hommes » des associations dans le cadre de l’accès aux droits et aux chances de réussite équitable et a précisé que « les crédits des associations seront non seulement préservés, mais augmentés ».
C’est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de préciser clairement la nature des dispositions mises en place pour sauver le financement du Fonds social européen 2014 et enclencher une procédure pour 2015 qui garantisse des règlements et des délais compatibles avec la simple bonne gestion tant des deniers publics que de l’efficience et de l’énergie de ces partenaires locaux dévoués.
Madame la sénatrice Dominique Gillot, vous souhaitez obtenir un certain nombre d’éclaircissements sur un dossier qui a connu diverses péripéties.
En effet, l’année 2014 a été une phase de transition pour la gestion des fonds européens, avec l’adoption des différents actes nécessaires à la mise en route de la nouvelle programmation 2014-2020 : ainsi, les règlements européens, publiés le 20 décembre 2013, ont été déclinés par l’accord de partenariat avec la France le 8 août 2014 et, concernant le Fonds social européen, le Programme opérationnel national, ou PON, a été approuvé par la Commission le 10 octobre dernier. Le programme opérationnel régional FEDER-FSE 2014-2020 pour la région d’Île-de-France a été approuvé par la Commission européenne le 18 décembre 2014. Je rappelle que l’approbation de la Commission est à chaque fois nécessaire.
Dans ce contexte, plusieurs mesures ont été mises en œuvre afin d’assurer la continuité, notamment pour l’insertion par l’activité économique, l’IAE, malgré les contraintes liées à cette période de transition. Les PLIE franciliens ont ainsi bénéficié en 2014 d’une tranche additionnelle de subvention globale au titre du programme FSE 2007-2013, qui a permis de cofinancer un certain nombre d’actions en lien avec les ateliers et chantiers d’insertion.
Par ailleurs, ainsi que vous l’avez vous-même souligné, cinq appels à projet ont été publiés dès le 16 octobre 2014. Ils prévoyaient la possibilité de déposer des projets pluriannuels, avec une rétroactivité possible au 1er janvier 2014. Ils ont permis aux acteurs de l’IAE de solliciter du FSE au titre des trois axes du programme opérationnel national ; dix-huit dossiers ont été déposés dans ce cadre.
Concernant l’organisation des délégations de gestion de l’État aux départements et aux PLIE pour les crédits relatifs à l’inclusion, le préfet d’Île-de-France a notifié le 17 juillet 2014 les enveloppes plafonds attribuées à chaque territoire départemental. À l’issue des concertations, l’enveloppe définitive déléguée à chacun des douze organismes intermédiaires retenus a été notifiée entre novembre 2014 et janvier 2015. Ce sont ainsi 223 millions d’euros de crédits du FSE qui sont délégués en Île-de-France aux départements et aux PLIE pour le financement des actions relatives à l’inclusion.
Ces organismes intermédiaires élaborent actuellement leur programmation FSE et peuvent dès 2015 cofinancer les projets relatifs à l’insertion par l’activité économique.
Enfin, conformément à l’accord État-région du 17 février 2015, les projets relatifs à la création d’activité dans le domaine de l’économie sociale et solidaire sont éligibles aux appels à projet de la région d’Île-de-France dans le cadre du programme opérationnel régional FEDER-FSE 2014-2020, dont la programmation démarre en 2015.
Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions.
Il s’agit d’un dossier à la fois très technique et extrêmement complexe, mais aussi très politique. Nous avons vraiment besoin de ces associations sur le terrain, et les explications que vous venez de donner montrent bien le désarroi dans lequel se retrouvent certaines d’entre elles. Entre les différentes dates, la difficulté des directions et des services de la DIRECCTE à travailler ensemble, faute d’en avoir l’habitude, et leur tendance à se renvoyer la balle, un certain nombre d’associations ont perdu ou pensent avoir perdu leurs droits à financement pour 2014.
Je sais que depuis que je vous interroge sur ce dossier, monsieur le ministre, vous avez organisé des réunions de travail et que des voies de sortie positives existent. Toutefois, j’insiste vraiment pour que les associations puissent récupérer leur droit à un financement pour 2014 : en effet, les crédits ont été engagés. Un certain nombre de responsables ne se versent plus de salaire et sont en grande détresse psychologique, ne sachant pas comment ils vont pouvoir maintenir les actions qui ont été menées avec les résultats que vous connaissez, ces actions participant véritablement à la réduction du chômage dans notre pays.
J’insiste donc pour que le plan 2014-2020 soit mis en place, que le décret de février 2015 nous donne des assurances, mais aussi pour que les associations puissent récupérer leur droit à financement de manière rétroactive en 2014.
La parole est à Mme Nicole Bricq, auteur de la question n° 1037, adressée à M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur les établissements publics d’insertion de la défense, les EPIDE, et particulièrement sur le centre de Montry, que je connais bien puisqu’il est dans mon département, et que vous connaissez aussi.
Ces structures peu connues ont été mises en lumière par le Président de la République lors de sa conférence de presse du 3 février dernier, et, joignant les actes à la parole, il est venu avec vous, monsieur le ministre, en visite à Montry le 16 février.
Ces structures permettent à des jeunes, souvent sans qualification et en situation d’échec, de trouver leur place dans la société, de disposer de prérequis nécessaires au travail en équipe, et rendent ainsi possible leur entrée dans le monde du travail. En s’attachant à agir en direction des jeunes afin de leur offrir une nouvelle chance de construire leur vie, les EPIDE sont un outil utile à l’apprentissage du vivre ensemble dans nos territoires.
Je connais de longue date l’action menée par l’EPIDE de Montry en Seine-et-Marne, dont l’avenir semblait encore incertain à l’automne dernier. Bénéficiant d’un cadre sportif et naturel et d’une proximité avec les zones d’activités de l’Est parisien particulièrement adaptés à l’orientation vers l’emploi, l’EPIDE de Montry peut accueillir jusqu’à 150 volontaires.
À l’occasion de sa venue à l’EPIDE de Montry, le Président de la République a salué la pédagogie qui y est appliquée et qui permet à plus de 50 % des jeunes de trouver un emploi, taux remarquable par rapport à d’autres EPIDE sur d’autres territoires.
Monsieur le ministre, comment allez-vous mettre en œuvre les objectifs fixés par le Président de la République et quelles seront les conséquences pour l’EPIDE de Montry ?
Madame la sénatrice Nicole Bricq, ainsi que vous l’avez rappelé, l’EPIDE, qui a été mis en place en 2005, est chargé de l’organisation et de la gestion du dispositif d’accompagnement à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans sans diplôme, sans titre professionnel ou en voie de marginalisation, pour une durée de six à douze mois.
L’EPIDE peut globalement accueillir aujourd’hui 2 085 jeunes dans dix-huit centres sur le territoire métropolitain où il organise des formations et actions d’insertion au profit de jeunes ayant souscrit un contrat dit de « volontariat pour l’insertion ».
En offrant aux jeunes volontaires un hébergement de semaine – les actions se doublent en effet d’un hébergement –, l’EPIDE leur permet, par une présence constante et intensive de plusieurs mois, au plus près du personnel réalisant leur accompagnement et leur formation, d’effectuer un travail en profondeur sur leur savoir-être, leur savoir comportemental.
Une pédagogie alliant éducation civique, débats et actions de solidarité complète ce dispositif et la formation de ces jeunes citoyens afin qu’ils s’inscrivent pleinement dans la société. L’acquisition des codes sociaux est en effet indispensable non seulement pour vivre en société et exercer pleinement sa citoyenneté, mais également pour une intégration réussie dans un collectif de travail.
Après des débuts délicats, vous l’avez rappelé, l’EPIDE a vu ses résultats en matière d’insertion croître régulièrement et s’est progressivement construit une place dans le monde de l’insertion professionnelle – plus de 50 % des jeunes trouvent, au sortir de l’EPIDE, une place dans le monde du travail –, en offrant un service spécifique et complémentaire aux réponses apportées par les autres dispositifs.
Le Gouvernement a récemment réaffirmé son intérêt pour les spécificités attachées à l’EPIDE. Lors de sa visite au centre de Montry le 16 février 2015, le Président de la République a annoncé l’extension des capacités d’accueil de l’EPIDE pour intégrer 1 000 volontaires supplémentaires chaque année, et ce dès 2015. Cet engagement, correspondant à la création de 570 places supplémentaires, a été réaffirmé par le comité interministériel à l’égalité et à la citoyenneté du 6 mars 2015. Alors qu’on ne savait, au début de 2015, quel serait son avenir, l’EPIDE s’est ainsi vu conforté.
Le choix a été fait d’accroître les capacités d’accueil de quinze centres pour répondre à cet objectif. Celui de Montry, que nous avons visité ensemble, verra sa capacité d’accueil passer ainsi de 150 à 180 places d’ici à la fin de l’année, ce qui nécessitera la réalisation de travaux, notamment pour réorganiser les locaux.
Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse précise. J’avais lu dans la presse que le nombre de places allait être porté à 2 650, mais je ne connaissais pas la répartition entre les différents centres.
La mise en lumière du Président de la République a été extrêmement utile sur cette question qui est discutée au niveau interministériel. Trois ministères sont en jeu et se renvoient la balle, si vous me permettez l’expression, ce qui rend difficile la prise de décision par l’État. Mais, en l’espèce, c'est du sort des jeunes dont il est question, et je vous remercie d’avoir agi avec célérité. Je reconnais bien là la marque du Président de la République : quand on veut, on peut !
La parole est à Mme Françoise Gatel, auteur de la question n° 1035, adressée à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur la situation des entreprises adaptées et l’accès à l’emploi des personnes handicapées.
Il faut en convenir, dix ans après la promulgation de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, l’égalité des chances d’accès à l’emploi n’est pas atteinte : le nombre de chômeurs en situation de handicap continue de s’accroître, avec plus de 423 000 personnes, avec un taux de chômage évoluant deux fois plus vite que celui des autres populations.
Dans le même temps, le rôle économique et social joué par le secteur adapté est primordial. Le dynamisme de ce modèle est confirmé : il représente 30 000 emplois, dont 24 000 pour des salariés handicapés, engendre un chiffre d’affaires cumulé de plus de 1 milliard d’euros et offre une réelle stabilité aux salariés, dont 91 % sont en contrat à durée indéterminée.
Dans la période économique difficile de 2012 à 2014, le bilan des engagements des acteurs du secteur adapté a été très positif : en effet, la création nette d’emplois dans les entreprises adaptées a dépassé les 2 000 postes depuis 2012. Le profil des personnes recrutées répond parfaitement aux engagements du pacte pour l’emploi que ce secteur avait signé avec l’État.
Dans le même temps, les résultats de la réactualisation d’une étude ont prouvé que, dès que l’État investit un euro dans un emploi dans une entreprise adaptée, il récupère, par le biais des différents organismes collecteurs, au moins la même somme. Cette même étude montre également que, globalement, chaque emploi retrouvé par un travailleur handicapé dans une entreprise adaptée représente une économie de près de 10 000 euros pour la collectivité.
Dans le cadre de la préparation des arbitrages pour l’exercice 2015, la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle a recensé des besoins supplémentaires équivalents à 1 200 postes de travail, dont 200 servant à accompagner 58 projets de nouvelles créations d’entreprise adaptée.
Ces besoins exprimés ne pourront pas être couverts en 2015, puisque l’enveloppe supplémentaire allouée par la loi de finances ne prévoit que 500 postes supplémentaires.
Monsieur le ministre, faisant le constat que la situation de l’emploi des personnes handicapées n’a jamais été aussi compliquée et que le modèle de l’entreprise adaptée est une des réponses possibles et efficientes à cette situation, quelle est la position du Gouvernement quant à la négociation, avec les associations représentatives du secteur, d’un nouveau plan de développement du secteur adapté pour 2016-2021 ?
Madame la sénatrice Françoise Gatel, vous l’avez rappelé, les entreprises adaptées constituent indiscutablement un acteur majeur de la politique d’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap. Depuis la loi du 11 février 2005, elles ont rejoint le milieu ordinaire de travail, devenant ainsi des acteurs économiques à part entière.
Dans un contexte économique difficile, avec un taux de chômage deux fois plus important pour les personnes handicapées que pour la population générale, les entreprises adaptées connaissent une croissance d’activité continue que le Gouvernement soutient et accompagne pleinement – je tiens à le dire.
Malgré un contexte budgétaire contraint, le Gouvernement a ainsi apporté un soutien financier sans précédent aux entreprises adaptées, avec le financement de 2 500 postes supplémentaires sur trois ans : 1 000 postes en 2012, 1 000 postes en 2013 et 500 postes en 2015. Vous m’avez interrogé sur les raisons de ce soutien.
L’engagement financier de l’État est passé de 269 millions d’euros en 2012 à 310 millions d’euros en 2015, soit une augmentation de près de 15 %. Au financement de ces postes s’ajoute, par ailleurs, une subvention d’un montant de 40 millions d’euros destinée à soutenir les entreprises adaptées dans leur rôle d’accompagnement social des travailleurs handicapés qu’elles emploient. C’est donc au total 350 millions d’euros qui seront mobilisés par l’État en 2015 en faveur des entreprises adaptées.
Par ailleurs, lors de la Conférence nationale du handicap qui s’est tenue le 11 décembre 2014, le Président de la République a souligné la nécessité de poursuivre le développement du secteur adapté et a annoncé la création de 1 000 postes supplémentaires d’ici à deux ans. Il se trouve que tous les postes fournis pour ce secteur n’avaient pas été pourvus : les 500 postes que j’ai évoqués correspondent donc aux besoins pour cette année.
Enfin, au-delà de cet engagement financier, le Gouvernement poursuit son action de modernisation et de consolidation du modèle économique que constituent les entreprises adaptées. L’État a ainsi engagé en novembre 2014 des travaux avec l’ensemble des associations représentatives du secteur pour fluidifier les relations entre le secteur et l’État, simplifier et faciliter les démarches des entreprises adaptées, favoriser la professionnalisation de leurs salariés et développer des passerelles avec les entreprises ordinaires – c'est aussi l’objectif –, dans une logique de sécurisation du parcours professionnel des personnes handicapées.
Madame la sénatrice, je vous assure que l’État est très sensible au secteur des entreprises adaptées et qu’il poursuivra en 2015 les efforts qu’il a déjà engagés.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse très précise sur la situation actuelle. Ma question portait aussi sur l’avenir et sur l’intérêt d’une contractualisation pluriannuelle. Je pense, et vous l’avez également évoqué, qu’il faut donner de la visibilité et de la stabilité à un secteur qui est vraiment efficace, mais qui connaît aujourd’hui un problème du vieillissement de ses salariés.
La parole est à M. Michel Savin, auteur de la question n° 1046, transmise à Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Monsieur le ministre, nos universités font régulièrement appel à de nombreux intervenants – on estime leur nombre à plus de 100 000 –, qui assurent des enseignements de façon ponctuelle sous le statut de vacataires de l’enseignement supérieur.
Régulièrement, ces personnels rencontrent des difficultés à recouvrer la rémunération due pour leur travail et interpellent les pouvoirs publics à ce sujet. Ce fut encore le cas au mois de janvier dernier, lorsque les vacataires de l’université Lyon 2 ont débuté une grève, qui s’est poursuivie plusieurs jours, pour demander entre autres le paiement des heures de cours dispensés cinq à six mois plus tôt.
Les universités de Tours, Toulouse, Bordeaux, Caen, Clermont-Ferrand, Strasbourg et d’autres encore ont également alerté les pouvoirs publics sur ces situations préoccupantes.
Les revendications correspondent à des demandes qu’il paraît invraisemblable de devoir encore formuler aujourd’hui : la signature du contrat de travail, basé sur un volume horaire ferme, avant le début des cours ; l’envoi de la feuille de paie en même temps que le versement du salaire ; le paiement des heures de travail effectuées dans le mois qui suit la prestation.
En effet, en France, un vacataire attend en moyenne entre trois mois et six mois pour être payé par l’université.
Les universités justifient souvent les retards de versements par les contraintes d’une gestion administrative lourde et par de longs délais d’établissement des relevés horaires.
Cet état de fait est difficilement supportable pour les vacataires. Ces derniers, qui sont déjà dans une position instable en raison de leur statut, ne peuvent prévoir l’utilisation de leur revenu, souvent versé de manière trop aléatoire.
Les signaux d’alarme qui nous sont régulièrement envoyés à ce sujet me poussent, monsieur le ministre, à vous interroger : quelles mesures pourraient-elles être prises de façon pérenne par le Gouvernement pour remédier à ces situations que l’on peut souvent qualifier de « précaires » ?
Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Najat Vallaud-Belkacem.
Vous l’avez dit, les établissements publics d’enseignement supérieur peuvent faire appel, pour des fonctions d’enseignement, à des agents temporaires vacataires, qui sont recrutés parmi les étudiants inscrits en vue de la préparation d’un diplôme de troisième cycle de l’enseignement supérieur.
Les vacataires sont employés pour une année au maximum : la nature de leur emploi nécessite donc de revoir à chaque rentrée leur dossier administratif. Cette situation conduit parfois à certains retards dans le traitement de leurs dossiers par les services administratifs des établissements employeurs. Néanmoins, vous l’avez dit, il est inacceptable que les vacataires attendent parfois plusieurs mois le paiement des heures qu’ils ont effectuées.
Pour autant, il paraît nécessaire de maintenir le dispositif de l’embauche en début d’année, car il permet aux étudiants de trouver une source de revenus au sein de leur université et aux établissements de compléter le service des enseignants titulaires.
S’agissant de la situation des agents vacataires de l’université Lyon 2, que vous avez citée, le retard pris dans le versement des rémunérations a pu être résolu. Il était lié à plusieurs absences au sein du personnel administratif de l’université.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement est attentif à la situation des agents temporaires vacataires de l’enseignement supérieur. À ce titre, à la demande de Mme la ministre, les services du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche rappellent régulièrement aux établissements que le paiement des heures de vacation doit être effectué mensuellement, à la suite du service fait, et accompagné d’une fiche de paie correspondante.
Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier de votre réponse.
Tout comme vous, j’estime que le dispositif de l’embauche en début d’année doit être maintenu. En effet, s’agissant de l’enseignement dans les universités concernant certaines professions, notamment d’avenir – je pense en particulier aux métiers du secteur du numérique et de l’audiovisuel –, les cours ne peuvent bien évidemment pas être dispensés par un seul professeur. L’université a aujourd’hui l’obligation de recruter des vacataires très spécialisés dans les formations dispensées dans ces matières.
J’entends que Mme la ministre de l’éducation nationale a donné des directives très ciblées pour que le paiement des heures effectuées soit effectué dans le mois suivant les heures effectuées. C'est bien la moindre des choses que les vacataires soient rémunérés pour le travail accompli !
Il ne faudrait pas que les situations rencontrées par certaines universités se reproduisent, voire se pérennisent. En effet, la question qui se pose aujourd'hui est aussi celle de la qualité de l’enseignement supérieur et de la recherche dans nos universités. L’enjeu est important pour notre jeunesse.
Je le redis, le Gouvernement doit veiller à ce que ces difficultés ne se reproduisent pas afin d’éviter, à la rentrée prochaine, des situations de blocage dans plusieurs universités françaises.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, auteur de la question n° 1018, adressée à Mme la ministre des outre-mer.
Madame la ministre, nous avons la chance de vivre dans un pays qui attire de nombreux touristes. En effet, 85 millions de personnes ont choisi la destination France en 2014.
L’objectif fixé par le Gouvernement est de passer à 100 millions de touristes. Pour l’atteindre, nous devons cependant améliorer notre offre et être capables de répondre aux attentes de ces derniers. C’est ainsi que nous pourrons attirer une partie de plus en plus importante de celles et ceux qui partent à la découverte du monde.
Le tourisme, s’il renforce le rayonnement de la France à l’international, est aussi un facteur de croissance important, grâce aux devises qu’il rapporte et, surtout, aux emplois créés dans l’ensemble des filières touristiques, aujourd’hui estimés à 2 millions.
C’est toutefois sur l’ensemble des territoires français que nous devons agir par la mise en œuvre de mesures facilitant la venue des touristes et les incitant à consommer sur place. Je pense en particulier au développement économique touristique en Polynésie, qui ne doit plus seulement être stimulé par les dispositifs de défiscalisation ultramarins, que deux mesures, par exemple, pourraient venir utilement compléter.
Premièrement, l’ouverture des magasins en horaires étendus, de dix heures à vingt-deux heures, et une ouverture dominicale a minima pendant la période touristique haute ainsi que la mise en valeur de la qualité des services haut de gamme dans ce marché fortement concurrentiel permettraient de satisfaire, notamment, les attentes des croisiéristes.
Encore faudrait-il que ceux-ci puissent débarquer. À cette fin – c’est la seconde mesure que je préconise –, la délivrance des visas et leurs modalités d’obtention pourraient être facilitées. La clientèle des croisières représente, en effet, plusieurs centaines de milliers de personnes, qui sont à terre pendant seulement quelques heures, durant lesquelles nous pourrions mieux répondre à leurs besoins.
Je souhaiterais donc savoir, madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour permettre à la Polynésie française de se développer à la mesure du potentiel de croissance qui est le sien dans une zone dynamisée, plus que d’autres, par l’économie chinoise.
Madame la sénatrice, le tourisme est le principal vecteur de recettes extérieures de la Polynésie française. En 2013, il a représenté 13 % de la richesse et 16, 3 % de l’emploi salarié, réparti dans 2 470 entreprises.
Le tourisme international est la branche la plus importante du commerce extérieur polynésien, dont il représente 78 % des ressources propres. À ce titre, le soutien à ce secteur d’activité constituera la deuxième enveloppe financière du contrat de projet 2015–2020, à hauteur de 8, 950 milliards de francs Pacifique.
En glissement annuel, au mois de novembre 2014, la croissance du tourisme était de 9, 9 % par rapport à 2013. Cette croissance profite à tous les types et modes de tourisme pratiqués en Polynésie française.
Outre la stimulation économique que permettent les outils d’incitation fiscale, l’objectif principal de l’action publique est de mettre en œuvre des outils d’action volontaristes, grâce, notamment, au développement du GIE Tahiti Tourisme, pour augmenter la capacité d’accueil touristique et renforcer la compétitivité des établissements hôteliers polynésiens. Le lancement récent de la nouvelle marque « The Island of Tahiti », fondée sur l’authenticité de la Polynésie française pour se démarquer de la concurrence internationale, est porteur de nombreux espoirs.
Le développement de l’activité touristique de la Polynésie française passe également par une meilleure captation de la clientèle de croisière. Selon les derniers chiffres du mois de novembre 2014, les croisiéristes progressent de 51, 7 % par rapport à novembre 2013.
Les effectifs du marché asiatique connaissent également une hausse, de l’ordre de 18, 4 % en glissement annuel, au mois de septembre 2014, et les récents accords entre la Polynésie française et la direction de l’aviation civile chinoise, permettant l’ouverture de liaisons aériennes avec les villes de Beijing, Shanghai et Canton selon une fréquence de quatorze vols réguliers ou chartérisés par semaine, rendront possible la consolidation de cette tendance.
Parallèlement, comme vous le notiez, d'ailleurs, l’État a considérablement assoupli les conditions d’obtention d’un visa pour les visiteurs chinois, avec la mise en place d’une dispense pour les séjours inférieurs à quinze jours. En outre, pour les touristes individuels, une extension du régime d’exemption de visa fait actuellement l’objet d’une concertation interministérielle.
S’agissant du développement de l’incitation à la consommation sur place, grâce notamment à l’adaptation des horaires d’ouverture des magasins – question que vous avez soulevée –, la compétence relève exclusivement de la législation sociale applicable localement. En application du principe de la liberté du commerce et de l’industrie, l’amplitude horaire des commerces est laissée à la libre appréciation des commerçants, sous réserve du respect des dispositions du code du travail local.
Enfin, je vous indique que le Conseil de promotion du tourisme tiendra une séance plénière consacrée aux outre-mer le 24 juin prochain, sous la présidence conjointe du ministre des affaires étrangères et du développement international et de moi-même, et que Mme Maina Sage, députée de Polynésie, est chargée de préparer cette séance.
Madame la ministre, je veux vous remercier de votre réponse très détaillée et très précise.
Je salue l’action globale de l’État, qui est sur tous les chantiers, et œuvre, notamment, à faciliter l’arrivée des touristes, par avion, par bateau…
Je crois qu’aujourd'hui, si nous voulons véritablement atteindre ce chiffre très ambitieux de 100 millions de touristes pour la France et ses territoires, nous avons aussi besoin d’actions concrètes.
Au reste, nous savons tous que le tourisme est créateur d’emplois. Je tiens à le rappeler, au moment où le Gouvernement est très fortement engagé dans une lutte sans merci contre le chômage. Tout ce que nous pouvons faire pour faciliter les créations d’emplois et la venue de nombreux étrangers chez nous doit donc être mis en œuvre.
La parole est à M. Vincent Delahaye, auteur de la question n° 1036, adressée à M. le ministre de l'intérieur.
Madame la ministre, je souhaite attirer l’attention de M. le ministre de l’intérieur sur l’impossibilité, pour les agents de police municipale, de verbaliser par timbre-amende les infractions aux arrêtés municipaux.
Le maire doit veiller, au travers de ses pouvoirs de police, à assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques dans sa commune. Il est chargé, sous le contrôle administratif du représentant de l’État dans le département, de la police municipale, de la police rurale et de l’exécution des actes de l’État qui y sont relatifs. À ce titre, le maire est l’autorité compétente pour prendre et faire respecter les mesures nécessaires et se trouve souvent confronté à des infractions qui portent atteinte aux sujets énumérés, tels que les consommations d’alcool ou les travaux mécaniques sur la voie publique.
L’article L. 511–1 du code de la sécurité intérieure donne aux agents de police municipale le pouvoir de constater, par procès-verbal, les infractions aux arrêtés de police du maire. Ce procès-verbal doit être rédigé par le policier municipal, après que celui-ci a relevé l’identité du contrevenant. Il est ensuite transmis, par l’intermédiaire de l’officier de police judiciaire professionnel territorialement compétent, au procureur de la République, qui devra faire entendre le contrevenant, puis, éventuellement, faire poursuivre ce dernier devant le tribunal de police.
Dans la réalité, le procureur de la République, accaparé par des dossiers plus graves, classe très souvent sans suite ce procès-verbal, empêchant que les infractions relevées par le policier municipal sur le territoire de sa commune soient effectivement sanctionnées. Je rappelle que ces infractions concernent le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques et qu’il est préjudiciable que certains citoyens indélicats puissent ressentir et entretenir un sentiment d’impunité, car, dans les faits, ils ne sont jamais, ou presque, sanctionnés.
Financièrement, ces infractions sont prévues et réprimées par l’article R. 610–5 du code pénal, qui prévoit que la violation des interdictions ou le manquement aux obligations édictées par les décrets et arrêtés de police sont punis de l’amende prévue pour les contraventions de la première classe, ce qui représente, actuellement, une amende peu dissuasive de 38 euros maximum.
Pour améliorer la procédure actuelle, en permettant de rendre la police municipale plus efficace, de mieux faire respecter les arrêtés de police du maire et de désencombrer les tribunaux, je propose les pistes de réflexion suivantes.
Tout d’abord, il convient de faire figurer l’article R. 610–5 du code pénal dans l’article R. 48–1 du code de procédure pénale. En effet, celui-ci dresse la liste des infractions pour lesquelles l’action publique est éteinte par le paiement d’une amende forfaitaire. Par exemple, les contraventions des quatre premières classes du code de la route sont verbalisables par timbre-amende. Outre la rapidité de cette procédure et son efficacité, qui n’est plus à démontrer, les montants des amendes peuvent être beaucoup plus élevés et donc bien plus dissuasifs.
Ensuite, le montant maximal des amendes prévues pour les contraventions de la première classe doit être relevé de 38 euros à 100 euros.
Enfin, il faut modifier l’article R. 610–5 et prévoir que les décrets et arrêtés de police du maire soient punis de l’amende prévue pour les contraventions de la première ou de la deuxième classe, portant le montant maximum de 38 euros à 150 euros.
Je souhaite connaître l’avis du ministre sur ces propositions et la suite qu’il entend leur donner.
Monsieur le sénateur, pour commencer, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du ministre de l’intérieur, qui est retenu par d’autres obligations.
Vous l’interrogez sur les conditions dans lesquelles les agents de police municipale pourraient verbaliser par timbre-amende les infractions aux arrêtés municipaux.
Comme vous le savez, les policiers municipaux disposent d’une compétence d’attribution pour assurer l’exécution des arrêtés de police du maire et pour rechercher et établir, par procès-verbaux, les contraventions à ces arrêtés, les infractions limitativement énumérées à l’article R. 15–33–29–3 du code de procédure pénale, certaines contraventions au code de la route ainsi que l’interdiction de fumer dans les lieux collectifs.
Seules certaines de ces contraventions figurent dans l’article R. 48–1 du code de procédure pénale, qui fixe la liste limitative de celles qui peuvent être éteintes par le paiement d’une amende forfaitaire. Comme vous le soulignez, les policiers municipaux ne disposent pas de la possibilité de dresser un timbre-amende en cas de contravention aux arrêtés de police du maire qui ne sont pas pris en application d’une réglementation nationale.
Le Gouvernement est favorable aux possibilités d’extension du recours au timbre-amende, qui présente de nombreux avantages quant au recouvrement. En effet, la procédure de l’amende forfaitaire permet de moduler le montant de l’amende en fonction de sa date de paiement et de solder la dette au Trésor public, selon le cas, par un montant minoré, normal ou majoré.
Dans cet esprit, vous proposez de faire figurer les dispositions de l’article R. 610–5 du code pénal, concernant les infractions aux décrets et arrêtés de police sanctionnées d’une contravention de la première classe, dans l’article R. 48–1 du code de procédure pénale.
Cette solution ne semble pas totalement satisfaisante, car elle ne permettrait pas de déterminer à l’avance, de façon limitative et sélective, les infractions donnant lieu à une amende forfaitaire. Cela pose un problème de principe, car le système de la forfaitisation permet à des agents verbalisateurs d’appliquer une sanction sans que le parquet soit en mesure d’apprécier l’opportunité des poursuites.
En revanche, et cela peut répondre à votre préoccupation, il est tout à fait possible de créer des contraventions réprimant de façon spécifique la violation de certains types d’arrêtés municipaux ou de règlements de police de portée nationale et de prévoir leur forfaitisation au cas par cas. Cela peut se faire par voie réglementaire.
À titre d’exemple, un décret en Conseil d’État qui précise la contravention de violation des règles en matière de ramassage d’ordures sera prochainement publié. Ce texte prévoit notamment que la contravention pour entrave à la libre circulation sur la voie publique, qui peut être constituée lorsque les ordures abandonnées entravent ou diminuent la liberté ou la sûreté de passage, sera forfaitisée et pourra désormais être constatée par les policiers municipaux.
Un groupe de travail sera prochainement constitué entre le ministère de l’intérieur et le ministère de la justice pour élaborer conjointement une liste des infractions dont la forfaitisation pourrait être utilement décidée de cette manière. Il pourrait ainsi être fait droit à votre demande.
Vous proposez également de relever le montant maximal des amendes prévues pour les contraventions de la première classe de 38 euros à 100 euros. Cette proposition nécessitera une modification législative, qui ne peut pas être réalisée isolément, en application des principes de nécessité et de proportionnalité des peines.
Enfin, vous proposez d’inscrire dans le code pénal que les arrêtés de police du maire puissent être sanctionnés d’une contravention de la première ou de la deuxième classe, ce qui porterait à 150 euros, au lieu de 38 euros, le montant maximal de l’amende. C’est une piste qui peut effectivement être explorée, pour des infractions préalablement identifiées, dans le cadre du groupe de travail que j’évoquais à l’instant.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. J’espère que M. le ministre de l’intérieur sera sensible à la demande que j’ai formulée, car de nombreux maires sont, comme moi, confrontés à des difficultés dans l’application des arrêtés municipaux édictés dans différents domaines.
J’ai bien noté qu’une de mes solutions n’était pas forcément acceptable, puisqu’il faut une liste définie des infractions aux arrêtés municipaux qui pourraient faire l’objet de contraventions. Toutefois, ce sujet de l’efficacité de l’action du maire et de la police municipale me semble devoir être pris très au sérieux.
Dans cette mesure, et étant partisan de l’extension du champ des contraventions permettant de faire respecter les arrêtés du maire, je serais heureux d’être sollicité, éventuellement par écrit, par le groupe de travail dont vous avez annoncé la constitution, de façon à pouvoir donner mon point de vue sur la liste des infractions aux arrêtés du maire qui semblent devoir faire l’objet de contraventions.
Madame la ministre, je vous remercie de transmettre à votre collègue mon souhait d’être associé à leur définition.
La parole est à Mme Élisabeth Doineau, auteur de la question n° 1050, adressée à M. le ministre de la ville, de la jeunesse et des sports.
Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur l’obligation de fournir un certificat médical au titre de l’exercice d’activités sportives de loisir.
En effet, j’ai été sollicité dans mon département, la Mayenne, par un citoyen soucieux de l’intérêt général et responsable d’organisation de petites courses à pied. Ce n’était d’ailleurs pas la première fois qu’il sollicitait les instances nationales pour réformer une procédure inutilement lourde, rébarbative et coûteuse. Je me fais donc devant vous, monsieur le ministre, le porte-parole d’une réflexion pleine de bon sens menée par cet organisateur.
Chaque année, il s’agit d’une véritable contrainte. En effet, un certificat médical de non-contre-indication à la pratique sportive est systématiquement demandé et doit être renouvelé chaque année pour s’inscrire dans un club sportif de quelque nature que ce soit.
Par ailleurs, si un non-licencié souhaite participer à une course de dix kilomètres, ou parfois moins, organisée dans le cadre d’un événement donné, il est là encore nécessaire de prendre rendez-vous avec son médecin généraliste pour obtenir le fameux sésame : le certificat médical.
Cette disposition décourage bon nombre de personnes de participer à ces activités, qui sont souvent organisées dans une optique d’échanges et de solidarité et dans un esprit bon enfant.
Ne croyez pas que je souhaite passer outre l’avis médical, mais, bien souvent, il ne s’agit ni de marathons ni de semi-marathons.
Il conviendrait donc d’assouplir certaines dispositions, comme celle qui permet aux organisateurs d’activités physiques ou sportives d’exiger la production d’un certificat médical de non-contre-indication à la pratique sportive, même en l’absence d’obligation légale explicite.
Par ailleurs, ce document doit certifier l’absence de contre-indication à la pratique de tel ou tel sport précisément identifié, et non valider une aptitude générale au sport. Ainsi, ne serait-il pas plus opportun d’inverser la charge de la preuve ?
Enfin, outre la corvée que cela représente pour le particulier, cette obligation entraîne un coût inévitable pour les finances de la sécurité sociale. Il convient par conséquent de réformer ce système au plus vite.
La circulaire du 27 septembre 2011 relative à la rationalisation des certificats médicaux rappelle les cas dans lesquels le certificat médical est obligatoire. M. le secrétaire d’État à la réforme de l’État, Thierry Mandon, a annoncé mercredi 5 novembre 2014 sa volonté de réformer le certificat obligatoire pour s’inscrire dans un club sportif.
Aussi, je vous remercie, monsieur le ministre, de bien vouloir m’indiquer quand les mesures de simplification concernant le certificat médical au titre de l’exercice d’activités sportives seront mises en place, et d’en préciser la nature.
Madame la sénatrice Élisabeth Doineau, je partage votre analyse. Le développement de la pratique du sport sous des formes de plus en plus diverses, vous les avez rappelées, constitue un atout pour la santé publique. Il faut l’encourager et la réforme du certificat médical de non-contre-indication va dans ce sens.
C’est pour répondre à cet enjeu, et à l’engagement du Gouvernement, que j’ai souhaité que cette mesure soit intégrée dès à présent, au projet de loi de modernisation de notre système de santé.
Avec le soutien de Marisol Touraine, un amendement gouvernemental a été proposé en commission des affaires sociales en première lecture à l’Assemblée nationale. Il pourra être complété par un amendement parlementaire qui sera examiné la semaine prochaine en séance publique.
Le principe même d’une visite médicale permettant d’attester de l’absence de contre-indication à la pratique du sport en loisir ou en compétition n’est pas remis en cause. Et j’insiste sur ce point, il ne doit pas l’être.
Cependant, le caractère systématique et indifférencié de ce contrôle médical annuel en fait trop souvent une « formalité », pour les sportifs, et les médecins qui voient leurs cabinets médicaux pris d’assaut en période de rentrée scolaire ou en fin d’année. Il nous faut redonner du sens au suivi médical des sportifs, à travers quatre mesures de simplification, que je vais évoquer rapidement.
La première mesure de simplification vise à permettre à un médecin de délivrer un seul certificat médical pour plusieurs activités sportives.
Actuellement un certificat médical ne vaut que pour une discipline. Avec cette mesure, un pratiquant d’athlétisme et de canoë pourra se voir délivrer un seul certificat médical pour la pratique de ces deux activités sportives. Il s’agit là d’une mesure de bon sens.
La deuxième mesure de simplification concerne la fréquence moindre de ce contrôle médical.
Le certificat de non-contre-indication restera nécessaire lors de l’établissement initial de la licence sportive – cela paraît naturel –, puis il devra être renouvelé seulement tous les deux ou trois ans, selon l’âge du licencié, les antécédents ou facteurs de fragilités connus du sportif, et au regard des contraintes d’intensité de la pratique et de la discipline.
Un décret viendra préciser la fréquence de la visite médicale au vu des critères que je viens de souligner.
Dans l’intervalle entre deux certificats médicaux, le licencié devra remplir un auto-questionnaire de santé lui permettant de déceler d’éventuels symptômes de fragilité pour lui-même.
Néanmoins, pour les sports présentant des risques particuliers pour la santé ou la sécurité du pratiquant, comme l’alpinisme, la plongée ou le parachutisme, le certificat médical restera annuel, et ce pour des raisons évidentes.
La troisième mesure de simplification vise à permettre à un sportif de prendre part à des compétitions à partir du moment où il fournit une licence sportive en cours de validité. Ainsi, il ne sera pas nécessaire de fournir un certificat médical supplémentaire pour participer à un événement comme celui que vous avez évoqué.
Enfin, la quatrième et dernière mesure de simplification, proposée par les députés et soutenue par le Gouvernement, c’est l’accès aux activités sportives organisées par les fédérations scolaires à partir du moment où les jeunes sont reconnus aptes à la pratique en cours d’éducation physique et sportive, EPS. Là encore, il s’agit là d’une mesure de bon sens.
Madame la sénatrice, je compte sur vous pour soutenir et confirmer ces dispositions lors de l’examen prochain du texte au sein de votre assemblée.
Monsieur le ministre, je vous remercie de ces éléments de réponse tout à fait satisfaisants. Bien évidemment, je soutiendrai ces propositions en commission des affaires sociales.
Je voudrais également vous remercier de la célérité avec laquelle le Gouvernement va agir dans ce sens, pour simplifier les obligations liées à la pratique sportive. En France, nous avons souvent l’habitude, permettez-moi l’expression, de mettre « ceinture et bretelles » ! Par conséquent, les mesures de simplification seront les bienvenues.
La parole est à M. Antoine Lefèvre, auteur de la question n° 1011, adressée à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question aborde un phénomène qui paraît devenir récurrent relatif à la désertification médicale.
À ce propos, je voudrais rappeler les chiffres de l’Aisne, qui sont alarmants : 212 médecins pour 100 000 habitants, avec une moyenne d’âge de 55 ans, dont près de 36 % de plus de 60 ans…
Ce manque de médecins contribue à créer une insécurité sanitaire croissante dans nos campagnes et dans nos villes.
Dans la réponse à une précédente question écrite que j’avais posée sur ce même sujet en 2012, il m’avait été répondu, en août 2013, « que l’accès aux soins urgents en moins de 30 minutes sera effectif d’ici 2015 ». Eh bien en 2015, nous y sommes !
Le recours à des centres de santé avait aussi été annoncé. Leur modèle économique devait d’ailleurs être révisé : l’Inspection générale des affaires sociales devait faire des propositions pendant l’été 2013 sur ce sujet. Qu’en est-il en 2015 ?
Certains maires, confrontés à cette pénurie de médecins généralistes, ont tenté d’inciter des praticiens étrangers à venir s’installer.
Ces communes, au départ en retraite de leur médecin, ont donc investi à la fois dans le cabinet – ordinateur, télétransmission, salle d’attente et logement équipés –, dans la prise en charge des loyers du domicile, et parfois même dans l’inscription scolaire des enfants, afin d’accueillir dignement un nouveau médecin et permettre à leur commune de rester attractive.
Ce sont souvent des praticiens originaires de pays d’Europe de l’Est, et parlant donc le français.
Pour information, ces médecins formés à l’étranger constituaient, déjà en 2010, 44 % des installations en Picardie. En 2012, dans l’Aisne, sur trente nouveaux médecins, seize étaient étrangers.
Or certains de ces médecins ne s’installent que pour quelques mois, et quittent ensuite ces communes pour un autre lieu, parfois toujours en France, sans même prévenir la commune et sans même respecter les conventions signées.
Deux fois déjà, à ma connaissance, des communes de mon département en ont été victimes, celles de Gandelu et Pinon, en janvier dernier.
Cependant, il semblerait que l’Aisne ne soit pas seule victime de telles pratiques.
Les maires ou présidents d’intercommunalité se retrouvent désemparés, sans possibilité de recours, alors que les frais engagés sont souvent très importants.
Les patients, après le temps nécessaire à l’appréhension de leur nouveau médecin, se retrouvent sans solution de remplacement, parfois en plein traitement.
Le conseil de l’Ordre ne dispose pas non plus de moyens d’action, dans la mesure où ces médecins ne sont parfois même pas inscrits.
Les réponses apportées alors à la question écrite, dont je reprends les termes aujourd’hui, n’étaient déjà pas satisfaisantes pour les communes, et c’est pourquoi, monsieur le secrétaire d’État, je la réitère aujourd’hui.
Alors que dans le projet de loi sur le vieillissement, actuellement en navette, on prône le « rester à la maison » pour les personnes âgées, celles-là mêmes qui ne peuvent se déplacer vers ces maisons de santé – tardant d’ailleurs à sortir de terre –, et pour lesquelles les visites à domicile sont récurrentes, maintenir le maillage actuel en médecins dits « de campagne » est une nécessité, voire une obligation.
Aussi, monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de bien vouloir me faire savoir les mesures concrètes envisagées contre ces pratiques. Quels pourraient être les recours des maires envers ces médecins, que je qualifierai de sans scrupules, qui mettent patients, élus et contribuables en difficulté ?
Pourrait-on prévoir des poursuites, des pénalités, des modalités de remboursement de certains frais engagés par la commune, à l’instar des mesures envers les étudiants ayant bénéficié d’une bourse d’étude d’une collectivité en vue d’une installation postérieure, et tenus de la rembourser en fin d’études dans le cas d’un désistement ?
Ces modalités pourraient-elles être inscrites dans le projet de loi relatif à la santé actuellement en discussion à l’Assemblée nationale ?
Monsieur le sénateur, je vous prie d’excuser l’absence de Marisol Touraine, qui m’a chargé de vous apporter la réponse suivante.
Améliorer l’accès aux soins de proximité et réduire les inégalités entre les territoires est une priorité du Gouvernement, et c’est dans cet objectif que Marisol Touraine a lancé dès la fin de l’année 2012 « le pacte territoire-santé », auquel vous faites référence.
Parmi les douze engagements du pacte, un point essentiel consiste à faciliter et à sécuriser les conditions d’installation de médecins dans les zones sous-dotées. C’est notamment l’objet des contrats de praticiens territoriaux de médecine générale.
Le bilan de ce pacte, deux ans après sa mise en place, confirme bien qu’une nouvelle dynamique est lancée.
Les premiers recrutements de praticiens territoriaux de médecine générale sont intervenus dès septembre 2013. Aujourd’hui, plus de 370 contrats ont été signés. Le dispositif sera étendu très prochainement aux médecins spécialistes.
Pour créer des conditions d’installation attractives, il faut également soutenir le travail en équipe, plébiscité par les nouvelles générations de professionnels de santé. C’est l’objet des maisons de santé pluridisciplinaires, qui regroupent plusieurs professionnels, auxquelles vous avez également fait référence. Entre 2012 et 2013, leur nombre a plus que doublé, passant de 174 à 370. En 2015, il devrait y en avoir plus de 800, et nous visons 1 800 maisons de santé en 2017.
Par ailleurs, Mme la ministre vient de mettre en œuvre la rémunération d’équipe par la voie d’un règlement arbitral.
L’ensemble de ces dispositions permettent d’assurer l’installation durable des médecins sur un territoire.
Enfin, dans le cadre du projet de loi de modernisation de notre système de santé, actuellement examiné par l’Assemblée nationale, Marisol Touraine a souhaité que les objectifs du pacte territoire-santé soient inscrits dans la loi et que la lutte contre les inégalités territoriales d’accès aux soins soit réaffirmée comme un des enjeux majeurs de notre politique de santé.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement reste pleinement mobilisé, car c’est dans la durée que nous mesurerons la portée de nos efforts.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, pour cette réponse. Néanmoins, les effets du pacte territoire-santé peinent à être visibles. Comme vous l’avez rappelé, une nouvelle dynamique est nécessaire.
Pour autant, je n’ai pas obtenu de réponse concernant les attentes très concrètes des élus. Pour que ce pacte territoire-santé produise tous ses effets, il est indispensable que les élus qui s’engagent dans la création de ces maisons médicales puissent avoir des garanties face à ces médecins peu scrupuleux, dont j’ai évoqué les attitudes. Par conséquent, la loi de modernisation de notre système de santé devra apporter des réponses plus concrètes que les intentions que vous venez de rappeler.
La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 1028, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question porte sur un sujet très important pour le Poitou-Charentes, à savoir le projet d’autoroute A 831 reliant Fontenay-le-Comte et Rochefort. Bien entendu, j’associe à cette question mes collègues des régions et départements concernés.
Depuis la réponse du Premier ministre en février dernier, force est de constater qu’il n’est pas un jour sans que chacun y aille de son commentaire sur ce projet, et le moins que l’on puisse dire c’est qu’il règne une certaine cacophonie.
Même le journal Sud–Ouest s’était emparé du sujet ; il titrait le 1er avril : « François Hollande a tranché, l’A 831 branchée, l’autoroute vers la Vendée sera créée mais réservée aux véhicules électriques ». Bien sûr, je ne ferai aucun commentaire : il s’agissait d’une simple anecdote.
Reprenons notre sérieux et revenons-en à la genèse de ce dossier : ce projet a été déclaré d’utilité publique par décret en Conseil d’État le 12 juillet 2005, pour une durée de dix ans. Cette déclaration d’utilité publique, ou DUP, arrivant bientôt à échéance, il faudra de nouveau solliciter le Conseil d’État pour obtenir une prorogation. Monsieur le secrétaire d’État, qu’en est-il ?
Rappelons que les recours intentés devant le Conseil d’État et la Commission européenne ont fait l’objet de rejets en 2007. En septembre 2011, le projet a été inscrit au schéma national d’infrastructures de transport.
De nombreuses études environnementales ont été réalisées sur ce projet, notamment par la Ligue de protection des oiseaux, dans le cadre d’une convention de recherche appliquée.
La commission « Mobilité 21 » a remis un rapport, le 27 juin 2013, reconnaissant l’intérêt socioéconomique du projet, ainsi que son impact positif sur le désenclavement des territoires, la desserte du littoral et du port de La Rochelle.
Dans un contexte budgétaire contraint, ce projet n’est certes pas une priorité pour le Gouvernement. Pour autant, il n’a pas été abandonné, comme l’a rappelé M. le Premier ministre. En décembre 2013, il a ainsi été demandé que les efforts d’insertion soient accompagnés d’actions complémentaires visant à inscrire le projet dans une démarche volontariste de développement durable.
Sous réserve de ces modifications, il n’y avait aucune objection à ce que la procédure de consultation soit lancée pour connaître le coût de l’ouvrage.
En parallèle, les services de l’État ont chiffré une solution alternative au contournement de la ville de Marans – dans le nord du département de la Charente-Maritime – qui, à ce jour, n’a pas été portée à la connaissance du public. Toutefois, à l’instar des conclusions de l’étude d’impact de la DUP qui avait comparé défavorablement les deux tracés, on peut s’interroger sur la pertinence d’une telle alternative à l’A 831.
Monsieur le secrétaire d’État, cette question aurait pu être adressée au Premier ministre, qui écrivait, en juillet dernier, dans un courrier adressé à Bruno Retailleau – alors président du conseil général de la Vendée – et à Dominique Bussereau – président du conseil général de la Charente-Maritime – être disposé à engager l’appel à concessions des entreprises pour connaître le coût du projet. En préalable, il proposait que les modifications environnementales substantielles soient portées à la connaissance du public ou à celle Mme la ministre de l’écologie, dont on connaît déjà le point de vue : pour elle, ce sera non.
Cette réponse me paraît inadmissible de la part d’une ministre du Gouvernement, par ailleurs ancienne présidente du conseil régional de Poitou-Charentes, alors que d’autres engagements ont été pris par le Premier ministre.
J’ai donc choisi une troisième voie, si je puis dire, celle qui consiste à vous interroger, en espérant enfin obtenir les réponses idoines. §Il s’agit d’un dossier important, madame la présidente, c’est la raison pour laquelle je me permets d’insister.
Les enjeux économiques de ce projet, soutenu par la région Pays de la Loire, les départements de la Charente-Maritime et de la Vendée, ainsi que, je le souhaite, par la région Aquitaine–Limousin–Poitou-Charentes en devenir, sont très importants.
Les clubs d’entreprises des régions concernées, rassemblés à La Rochelle le 26 mars dernier – soit plus de trois cents chefs d’entreprise et dirigeants économiques du sud de la Vendée et de la Charente-Maritime…
Monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple, pouvez-vous nous faire part de l’état d’avancement de ce dossier et des intentions du Gouvernement sur trois questions principales : quid de la prolongation du décret de déclaration d’utilité publique ? La consultation nécessaire auprès des entreprises sera-t-elle lancée et dans quels délais ? Entendez-vous formaliser un calendrier précis ?
En un mot, quel est l’avenir de l’A 831 ?
Monsieur le sénateur, comme vous l’avez rappelé, la commission « Mobilité 21 » a souligné le bilan socioéconomique agrégé favorable du projet d’autoroute A 831. Elle a aussi évoqué les controverses soulevées par le projet « quant à son intérêt et à ses conséquences au plan environnemental ». À ce titre, la Commission « Mobilité 21 » a classé le projet dans la catégorie des projets dont le financement n’était pas prioritaire.
À la suite de ces conclusions, des collectivités territoriales ont manifesté leur soutien, notamment financier, à l’opération. Il s’agit en particulier du conseil régional des Pays de la Loire et des conseils généraux de Vendée et de Charente-Maritime.
À la fin de l’année 2013, l’État a indiqué aux collectivités concernées sa décision de poursuivre la procédure de concession sous les conditions suivantes : d’une part, que cela n’ait pas de conséquence budgétaire pour l’État et, d’autre part, que les efforts déjà entrepris pour conférer à l’autoroute A831 une meilleure insertion environnementale soient valorisés et accompagnés d’actions complémentaires visant à inscrire plus encore le projet dans une démarche de développement durable.
En février 2015, le Premier ministre a rappelé, dans un courrier adressé aux élus concernés, la démarche qu’il souhaitait mettre en œuvre pour ce projet : porter à la connaissance du public les améliorations apportées au projet, lancer un nouvel appel à candidatures auprès des entreprises, effectuer des expertises complémentaires sur les solutions alternatives et, enfin, au vu de l’ensemble de ces éléments, décider des suites à donner. Le travail interministériel se poursuit autour de ces objectifs.
Votre réponse me plaît, monsieur le secrétaire d’État, mais encore faut-il que l’on avance concrètement.
La déclaration d’utilité publique arrivant à son terme, il va falloir la proroger. Il s’agit donc de prendre une décision ferme, dans un délai très court.
Or ce gouvernement m’inquiète beaucoup : alors qu’elle se trouvait à La Rochelle samedi dernier, Mme Ségolène Royal a condamné ce projet qui suppose une protection environnementale importante. Qui commande dans ce gouvernement ? Si les promesses de Mme Royal sont du même acabit que celles qui ont été faites au sujet des autoroutes… J’en passe et des meilleures.
Quoi qu’il en soit, monsieur le secrétaire d’État, je compte sur vous pour demander à M. le Premier ministre de proroger la déclaration d’utilité publique et de faire appel aux entreprises.
Mme la présidente. Merci d’avoir rattrapé le retard que vous aviez pris lorsque vous avez posé votre question, monsieur Laurent !
Sourires.
La parole est à M. Michel Raison, auteur de la question n° 1030, adressée à M. le secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question concerne le département de la Haute-Saône, trop enclavé.
Le 27 juin 2013, dans le cadre de la « remise à plat » des priorités du schéma national des infrastructures de transport – le SNIT –, la commission « Mobilité 21 », installée auprès du secrétaire d’État chargé des transports, a conclu que la priorité devait être donnée à la réalisation, dans les meilleurs délais, des déviations de Langres et de Port-sur-Saône, dans le cadre du volet autoroutier des nouveaux contrats de plan État-région, qui ont succédé aux programmes de modernisation des itinéraires routiers, ou PDMI.
Cette décision est venue confirmer les enjeux de desserte, d’accessibilité et d’équilibre des territoires traversés. Les crédits nécessaires à la réalisation de la déviation de Port-sur-Saône sont inscrits dans le nouveau PDMI franc-comtois, concrétisant ainsi le travail engagé depuis 2002. Je ne parle ici que des crédits d’autorisation de programme ; j’espère que les crédits de paiement seront également inscrits…
L’État s’est également engagé à financer la déviation sud de Langres, autre infrastructure composant l’apport de l’État dans un projet de tronçon autoroutier Langres-Vesoul, finalement classé par cette fameuse commission parmi les secondes priorités, quel que soit le scénario financier envisagé.
Il apparaît que la déviation sud de Langres n’a pas été inscrite dans le PDMI de la région Champagne-Ardenne. Il apparaît également que ce projet n’a pas été retenu dans le cadre du plan de relance autoroutier notifié le 19 mai 2014 par la France à la Commission européenne, laquelle a avalisé le 30 octobre 2014 les avenants aux contrats de concessions autoroutières permettant le financement du plan de relance à hauteur de 3, 2 milliards d’euros.
Je vous demande donc, monsieur le secrétaire d’État, de préciser les raisons pour lesquelles la prolongation de la concession de la société des Autoroutes Paris-Rhin-Rhône, ou APRR, qui permettrait une mise en service en 2020 du contournement sud de Langres n’a pas été autorisée.
Dans un contexte très tendu entre l’État et les sociétés autoroutières, je vous remercie de bien vouloir me préciser si le plan de relance sera bien engagé et si des négociations sont encore ouvertes afin d’aboutir à un deuxième plan de relance favorable à la croissance, à l’emploi et à l’aménagement du territoire national.
Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur deux opérations routières importantes pour la desserte de la Haute-Saône que sont la déviation de Port-sur-Saône et le contournement sud de Langres.
Tout d’abord, s’agissant de la déviation de Port-sur-Saône sur la RN 19, je vous confirme que les crédits nécessaires sont inscrits au contrat de projet État-région 2015-2020 de la région Franche-Comté. L’État se mobilise ainsi fortement aux côtés des collectivités concernées, notamment le département de la Haute-Saône, pour la réalisation de cette opération importante.
Pour ce qui concerne le projet de contournement sud de Langres, vous avez raison de rappeler que l’inscription des études préalables à l’enquête publique avait été envisagée dans le cadre du projet de plan de relance autoroutier.
Cependant, lors de l’examen du projet de plan de relance par la Commission européenne en 2014, l’option d’un financement par adossement à la concession existante d’APRR pour l’A 31 n’a pas été considérée comme conforme au droit européen de la commande publique.
En effet, les trafics prévisionnels de ce contournement sont trop faiblement liés à ceux de l’autoroute A 31 pour justifier l’argument de continuité de l’autoroute existante. Cela explique donc que le projet de contournement sud de Langres ne figure pas dans la liste des opérations validée par la Commission européenne le 28 octobre dernier.
Je précise que d’autres opérations de contournement autoroutier proposées dans le cadre du plan de relance ont fait l’objet de la même analyse juridique et n’ont pu être retenues pour des raisons similaires, tel, par exemple, le très gros projet de contournement de Caen.
L’opération n’a pas été abandonnée pour autant : afin de poursuivre le travail engagé, une enveloppe financière de 5 millions d’euros, dont 3 millions en part État, a été intégrée au mandat de négociation du préfet de la région Champagne-Ardenne pour la réalisation des études préalables à l’enquête publique et des acquisitions foncières du contournement sud de Langres.
L’ambition de l’État est de pouvoir porter le projet à l’enquête publique préalable à la déclaration d’utilité publique dans les meilleurs délais. Le calendrier prévoit ainsi une enquête publique pour 2018 et une déclaration d’utilité publique en 2019.
Pour préserver l’avenir, le projet de contournement est conçu de façon à être intégrable à une future liaison autoroutière entre Langres et Vesoul.
La mobilisation des collectivités locales aux côtés de l’État sera indispensable pour permettre une concrétisation rapide de cette opération, dont je mesure bien l’importance pour le développement économique local.
S’agissant du plan de relance, les réflexions sont encore en cours et des propositions seront faites dans les prochains jours.
Merci, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse, qui peut sembler rassurante !
Au-delà du développement économique du territoire de la Haute-Saône, c’est surtout le maintien de son tissu industriel qui est en jeu. Nous avons la chance d’avoir à Vesoul l’usine spécialisée dans la fabrication et la distribution de pièces de rechange Peugeot et Citroën dans le monde entier.
Or, une fois les deux déviations terminées, nous risquerions de perdre des pans entiers de l’activité de cette usine si ce tronçon ne se faisait pas, au moins la partie reliant Vesoul à la région parisienne. Un millier d’emplois pourraient être en jeu !
C'est la raison pour laquelle, monsieur le secrétaire d’État, nous comptons sur vous pour faire accélérer toute cette procédure routière.
M. le secrétaire d’État marque son approbation.
Mes chers collègues, en attendant l’arrivée de M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante.
La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, auteur de la question n° 990, adressée à M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question porte sur les conséquences, pour les offices du parc social, des procédures de rétablissement personnel, ou PRP, de certains locataires.
Les bailleurs sociaux sont confrontés à une augmentation du nombre de locataires surendettés qui entament une procédure dite de « rétablissement personnel » auprès de la Banque de France, en vue d’obtenir un effacement des loyers impayés. Dans ce cas, l’annulation de ces loyers par la commission de surendettement est quasi systématique, alors que de nombreux dossiers pourraient être réglés par un réaménagement de la dette.
Cette situation est gravement préjudiciable aux organismes d’habitation à loyer modéré qui, contrairement aux créanciers privés ou aux organismes de crédit, ne sont pas destinés à faire des bénéfices. Les pertes financières sont source d’injustice sociale, puisque d’autres locataires, malgré des situations personnelles parfois difficiles, payent leur loyer à temps. Enfin, cela engendre un important préjudice financier pour les bailleurs sociaux, qui réduisent les investissements d’entretien, et ce toujours au détriment des personnes payant leur loyer et voyant les conditions d’habitation se détériorer.
Par exemple, Côte d’Azur Habitat, premier bailleur social de mon département des Alpes-Maritimes, est lourdement frappé par l’accroissement du coût des PRP dans ses comptes. Entre 2010 et 2014, le montant total des sommes ayant fait l’objet d’un abandon de créance s’est élevé à 1 368 850 euros.
De plus, certains locataires récidivent et n’hésitent pas à entamer systématiquement une nouvelle procédure auprès de la Banque de France, dès que la décision d’expulsion devient imminente. Dans les Alpes-Maritimes, 47 % des locataires bénéficiaires d’une PRP étaient de nouveau en impayés entre 2012 et 2013, ce taux s’établissant à 40 % entre 2013 et 2014.
La PRP est donc devenue une démarche de facilité, permettant d’annuler les dettes sans chercher à trouver d’autres moyens de solvabilité.
Enfin, si la façon d’établir la PRP ne change pas, les bailleurs privés risquent de freiner leurs investissements sur le marché locatif. Il s’agit là d’un très mauvais signal pour la construction de logements, alors même que les objectifs de construction n’ont pas été tenus en 2014.
Monsieur le secrétaire d’État, qu’entendez-vous faire pour responsabiliser certains locataires peu scrupuleux du parc social qui accumulent des crédits à la consommation ? La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon », prévoyait, je le rappelle, la création d’un fichier national des crédits.
Projetez-vous de modifier la procédure des PRP afin de pouvoir hiérarchiser les dettes des demandeurs ? Cela permettrait d’annuler en priorité les dettes contractées auprès des établissements de crédit et d’exclure du dispositif au moins une partie de celles qui sont dues aux bailleurs sociaux.
Le problème auquel vous faites référence, madame la sénatrice, est connu et documenté. Les bailleurs, qu’ils soient publics ou privés, ont parfois à faire face aux conséquences des décisions de surendettement et des procédures de rétablissement personnel.
De manière générale, ces décisions portant sur les conditions de recouvrement des dettes de loyer peuvent poser un certain nombre de difficultés de trésorerie, notamment aux petits propriétaires privés. Dans certains cas, que vous signalez être en augmentation, des annulations de dettes de loyer peuvent effectivement survenir. C’est à cette difficulté particulière que votre question s’intéresse.
Je tiens d’abord à revenir sur un des éléments évoqués par vos soins. Vous expliquez faire face de plus en plus fréquemment, dans le département des Alpes-Maritimes, à un comportement dommageable consistant à combiner crédits multiples à la consommation et procédures de rétablissement personnel à répétition, et regrettez que le Gouvernement ait renoncé à mettre en place un registre national des crédits, qui vous paraît répondre à cette préoccupation.
La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation prévoyait bien la création d’un registre national des crédits aux particuliers. Mais cette section du texte de loi a été entièrement supprimée, le Conseil constitutionnel ayant jugé que la création de ce registre portait « au droit au respect de la vie privée une atteinte qui ne [pouvait] être regardée comme proportionnée au but poursuivi ». Cette décision fait notamment suite, je le rappelle, à la saisine de soixante sénateurs du groupe UMP qui avaient fait valoir ce point de vue et auxquels le juge constitutionnel a donc donné raison.
J’ajoute que toute personne engageant une démarche auprès de la commission de surendettement est immédiatement inscrite au FICP, le fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, qui est consultable par tous les établissements accordant des crédits.
S’agissant de l’autre partie de votre question, madame la sénatrice, je tiens à souligner que le risque est, en pratique, très limité pour un bailleur social.
En effet, le paiement du loyer est assuré à titre principal par le dispositif d’aide personnalisée au logement, dit APL, dès lors que le public effectif des locataires correspond à la cible. Les plafonds de ressources APL et les plafonds de ressources des constructions étant globalement alignés, le risque est donc très largement amorti : jusqu’à 80 %. Dès lors, au regard du volume de son parc, il est peu probable qu’un bailleur soit réellement mis en difficulté.
Toutefois, si un bailleur se trouvait réellement en difficulté, il pourrait faire appel à la CGLLS, la Caisse de garantie du logement locatif social. Comme vous le savez, cet établissement public à caractère administratif, recueillant des ressources auprès des bailleurs, peut venir en aide à n’importe lequel d’entre eux qui, pour une raison ou pour une autre, y compris du fait d’une difficulté liée à des effacements de dettes de loyer, serait amené à y avoir recours.
Pour conclure, la Banque de France a développé un partenariat avec le ministère du logement pour mieux travailler sur l’articulation avec les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, les CCAPEX. Depuis le début de l’année 2015, les secrétariats des commissions adressent mensuellement, aux correspondants CCAPEX, un fichier reprenant les dossiers recevables avec la présence d’une dette locative.
La loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR, prévoit par ailleurs des possibilités de réaction plus rapide des bailleurs sociaux lors des premiers impayés, notamment une obligation de déclaration à la CCAPEX.
On peut entendre les arguments que M. le secrétaire d’État vient de développer si l’on s’en tient aux procédures de rétablissement personnel concernant les locataires de bonne foi. Pour autant, le problème n’est en rien élucidé pour les bailleurs privés ou les bailleurs sociaux qui se trouvent confrontés à un certain nombre de locataires utilisant ce type de procédure avec une mauvaise foi avérée, pour éviter un plan de rééchelonnement de leur dette locative, dispositif auquel les offices publics d’habitat ne s’opposent absolument pas.
C’est toujours envoyer un très mauvais signal, me semble-t-il, que de permettre une rupture d’équité entre des locataires ayant recours aux procédures de rétablissement personnel pour gommer leurs dettes et d’autres locataires qui, confrontés à des situations matérielles difficiles, sont prêts à envisager, avec leur bailleur, un rééchelonnement de leurs dettes de loyer et, in fine, leur règlement. Il est essentiel de faire preuve d’équité, surtout vis-à-vis des locataires qui se comportent bien et respectent leurs droits et leurs devoirs.
La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 1023, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du numérique.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, reprenant pour l’essentiel les orientations du programme national très haut débit engagé en 2010 par le gouvernement de François Fillon, le plan France Très Haut Débit, mis en œuvre par l’actuel gouvernement depuis 2013, prétend couvrir 100 % de la population à l’horizon 2022.
Ce plan laisse la part belle aux investisseurs privés, censés desservir 57 % de la population, et laisse le soin aux collectivités locales et à leurs groupements d’assurer une couverture des territoires restants, les plus coûteux, avec un concours limité de l’État.
Deux ans après la mise en place de ce plan, je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, que vous établissiez un premier bilan.
À ce titre, pouvez-vous m’indiquer l’état des déploiements des opérateurs privés dans leurs zones d’intervention, le taux de raccordement et le rythme attendu de ces déploiements, au regard des engagements pris ?
Je souhaiterais également savoir quelles initiatives le Gouvernement a pris ou entend prendre pour contrôler et garantir la tenue des engagements des opérateurs.
Concernant les initiatives publiques, je vous demande de bien vouloir préciser l’état des déploiements, le taux de raccordement et le rythme attendu de ces déploiements.
Dans un contexte budgétaire extrêmement tendu pour les collectivités et leurs groupements, pensez-vous que les subventions limitées du FSN, le Fonds national pour la société numérique, à savoir 300 euros par prise, suffiront à garantir un déploiement ambitieux dans les territoires ruraux ?
Pour ma part, je ne le pense pas. Alors que le coût par prise peut atteindre 2 000 euros dans certains territoires, je ne pense pas que 300 euros soient suffisants et, surtout, permettent d’assurer une péréquation, qui est nécessaire.
En matière d’aménagement numérique du territoire, la question de la téléphonie mobile est également essentielle. Je me réjouis que, dix jours avant le premier tour des élections départementales, le Premier ministre ait découvert ce problème.
À l’issue du Comité interministériel aux ruralités, qui s’est tenu le 13 mars dernier, le Gouvernement a en effet annoncé un certain nombre de mesures, qui vont dans le bon sens en matière de couverture des territoires en téléphonie mobile.
Toutefois, au-delà des effets d’annonce, comment entendez-vous passer très concrètement des paroles aux actes, avec quels moyens et quel calendrier ?
Vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, nos territoires ont un besoin vital de couverture mobile, et la bonne volonté des opérateurs est, chacun le sait, tout à fait limitée. En matière de couverture mobile, notamment, force est en effet de constater que ces derniers ne respectent pas toujours leurs engagements. Ainsi, en février 2010, ils se sont engagés dans un accord tripartite à poursuivre le déploiement de leur réseau 3G et à atteindre une couverture équivalente à celle de la 2G d’ici à la fin de l’année 2013. Or nous sommes en 2015, et à peine un tiers de l’objectif annoncé a été atteint.
C’est donc avec beaucoup d’intérêt que j’attends, monsieur le secrétaire d’État, vos réponses à mes questions.
Monsieur le sénateur, la couverture numérique en réseaux à très haut débit fixes et mobiles constitue un important levier d’égalité des territoires. Il s’agit d’un moyen pour améliorer la productivité des entreprises, l’accessibilité des services publics et l’attractivité des territoires.
Avec le plan France Très Haut Débit, nous avons voulu que le passage à une nouvelle génération de réseau soit l’occasion de combler des inégalités d’accès.
Ce plan a aussi marqué le retour de l’État stratège en matière de télécommunications. Il s’appuie sur l’intervention combinée des collectivités territoriales, des opérateurs privés et de l’État. Ce partenariat est essentiel pour atteindre l’objectif du très haut débit pour tous en 2022. L’État apporte 3, 3 milliards d’euros de soutien aux projets des collectivités et son soutien est renforcé dans les territoires les plus ruraux.
Où en sommes-nous ? S’agissant de l’état des déploiements en fibre optique jusqu’à l’abonné des opérateurs privés, 3, 4 millions de prises avaient été déployées à la fin de l’année 2014, soit une hausse de plus de 30 % en un an. À ce stade, les opérateurs respectent globalement leurs trajectoires de déploiement. Mais le Gouvernement sera particulièrement vigilant à ce que l’ensemble des opérateurs, et en particulier le nouvel SFR, poursuivent bien leurs investissements pour couvrir 57 % de la population en très haut débit.
Les conventions de suivi et de programmation des déploiements passées avec les collectivités sont l’outil privilégié pour confirmer localement ces engagements. À ce jour, une quarantaine de conventions ont été signées par les opérateurs Orange et SFR et une trentaine sont en cours de négociation.
S’agissant des initiatives publiques, 73 dossiers de collectivités ont été déposés, ce qui représente 86 départements, un investissement public global de près de 10 milliards d’euros, un soutien de l’État de 2, 7 milliards d’euros, et plus de 6 millions de lignes très haut débit. Début mars, l’État avait engagé 1, 5 milliard d’euros sur les 3, 3 milliards d’euros prévus d’ici à 2022. Il devrait apporter en moyenne 50 % du financement public par prise. Au total, la couverture en très haut débit de notre territoire a d’ores et déjà considérablement progressé, avec plus de 13 millions de logements éligibles au 31 décembre 2014, soit une hausse de 20 % sur un an.
Nous avons aussi décidé de compléter la couverture mobile en zone rurale. Un courrier a été récemment adressé à tous pour préciser nos intentions. Je vous rappellerai simplement deux de nos objectifs : une couverture de l’ensemble des communes en zone blanche de la téléphonie mobile fin 2016 et la couverture de ces mêmes communes en internet mobile à la mi-2017.
Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie des éléments statistiques que vous venez d’apporter.
Vous avez dit que l’État stratège était de retour. C’est un slogan que j’entends régulièrement, mais que j’avoue ne pas comprendre complètement. En effet, vous avez repris à peu de choses près la politique de vos prédécesseurs.
Au-delà des chiffres, il faut bien avoir à l’esprit qu’il existe malheureusement encore de nombreux territoires dans lesquels il n’y a même pas de haut débit, voire de débit tout court. Il ne convient donc pas de nous gorger de mots témoignant de notre autosatisfaction. La réalité, c’est des territoires sans haut débit et sans téléphonie mobile.
Or une telle situation concourt au mal-être des territoires, notamment ruraux, mal-être qui s’exprime à l’occasion des élections. Sur le terrain, on le voit bien, l’une des principales demandes concerne une couverture numérique satisfaisante.
Il nous faut vraiment nous atteler à cette tâche ! C’est d’ailleurs l’objet du groupe de travail mis en place au Sénat sur l’aménagement numérique du territoire, qui a commencé ses travaux voilà quelques semaines et qui formulera des propositions concrètes. Au-delà des mots, il faut passer aux actes. Sur ce sujet, nous serons extrêmement vigilants.
Le problème, monsieur le secrétaire d’État, c’est que, comme d’autres avant vous, vous privilégiez les opérateurs au public. Tant que nous mènerons une politique qui considère les opérateurs uniquement comme des vaches à lait – on les taxe, mais sans leur fixer une obligation de couverture –, les choses n’avanceront pas.
Or, en la matière, il y a malheureusement peu de changements au rendez-vous et sur le terrain.
La parole est à Mme Catherine Procaccia, auteur de la question n° 997, adressée à Mme la secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question porte sur le dégroupage téléphonique abusif.
Il arrive régulièrement que des citoyens français ayant souscrit à des offres triple play se retrouvent, du jour au lendemain, sans téléphone, sans internet et sans télévision, alors qu’ils n’ont pas été préalablement prévenus.
Et pour cause ! Leur ligne a été résiliée par leur opérateur, à la demande d’un opérateur concurrent, sans qu’ils aient souhaité changer d’opérateur ou souscrit à une nouvelle offre.
Lorsqu’ils parviennent finalement à joindre leur opérateur, ils doivent attendre plusieurs jours, si ce n’est plusieurs semaines, pour que la ligne soit rétablie et de nouveau opérationnelle.
Monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais que vous me précisiez si des vérifications doivent être effectuées par l’opérateur pour s’assurer de l’effectivité de la demande du titulaire de la ligne. Par ailleurs, quelles obligations s’imposent aux deux opérateurs pour rétablir le titulaire de la ligne dans ses droits, et ce dans les plus brefs délais ?
Madame la sénatrice, les changements de ligne non sollicités, communément qualifiés d’« écrasements à tort », résultent soit de pratiques commerciales abusives, en l’occurrence de ventes forcées que les corps d’enquête de l’État recherchent et répriment, soit d’erreurs techniques. De tels incidents peuvent s’avérer pénalisants pour les consommateurs concernés, a fortiori ceux qui, ayant souscrit à une offre triple play, se voient privés de l’ensemble des services qui y sont liés.
Conscients de la nécessité de lutter contre ce phénomène, les pouvoirs publics et les opérateurs ont pris des initiatives dans ce domaine. En outre, de nouvelles règles dans le processus technique de conservation du numéro, c'est-à-dire la portabilité, entreront en vigueur en octobre 2015 et devraient permettre une diminution sensible des cas d’écrasement à tort.
Quatre engagements clefs, pris par la Fédération française des télécoms, la FFT, sous l’égide des pouvoirs publics et applicables depuis le 1er janvier 2009, visent à prendre en charge les consommateurs victimes d’un écrasement à tort. Ces engagements sont les suivants.
Premièrement, la mise en place d’un interlocuteur unique, qui est l’opérateur contractuel du client, afin de rétablir la situation. Cela s’est traduit par la création de cellules dédiées chez tous les opérateurs pour assurer la coordination interopérateurs.
Deuxièmement, le client doit retrouver sa connexion dans un délai maximal de sept jours ouvrés à partir du constat de la perte de ligne.
Troisièmement, la gratuité du rétablissement de l’accès est prévue lorsque l’écrasement à tort est avéré.
Quatrièmement, le client est indemnisé par son opérateur.
L’opérateur contractuel, qui engage sa responsabilité puisque l’écrasement entraîne une interruption du service, se voit ainsi reconnu comme interlocuteur unique de l’abonné. Il lui appartient de régler les problèmes rencontrés par son client et d’indemniser ce dernier. Toutefois, si l’abonné n’est pas satisfait de l’indemnisation accordée par son opérateur, il a la possibilité de demander réparation pour le préjudice subi auprès de l’opérateur fautif à l’origine de l’écrasement à tort, conformément aux dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil.
Une décision de l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, qui prendra effet le 1er octobre 2015, permettra également d’améliorer sensiblement la fiabilité du processus de portabilité. En effet, à partir de cette date, un consommateur souhaitant changer d’opérateur devra donner à son nouvel opérateur non seulement le numéro de téléphone fixe qu’il souhaite conserver, mais aussi un code, associé à sa ligne, obtenu par interrogation d’un serveur vocal : le relevé d’identité opérateur, ou RIO. Celui-ci fournira, outre le numéro fixe, l’identité de l’opérateur technique et celle de l’opérateur commercial. Je vous passe les détails techniques, que je tiens néanmoins à votre disposition, madame la sénatrice.
Également à partir du 1er octobre 2015, un système d’identification de l’accès au numéro, le SIAN, donnera aux opérateurs, en temps réel, sur la base de la fourniture du numéro de téléphone et du RIO de la ligne, les informations permettant d’identifier clairement l’installation sur laquelle doivent avoir lieu les interventions techniques en vue du raccordement au nouvel opérateur, à savoir l’adresse technique d’installation et le nom de l’abonné.
La mise en place de ces dispositifs permettra de fiabiliser le traitement des demandes de portabilité et de limiter ainsi les écrasements à tort.
Monsieur le secrétaire d’État, dans la mesure où je n’avais pas utilisé la totalité du temps qui m’était imparti pour poser ma question, j’apprécie d’avoir pu bénéficier d’une réponse très complète de votre part. Par ailleurs, je suis effectivement désireuse de connaître les détails techniques que vous venez d’évoquer.
Je suis satisfaite de savoir qu’un tel dispositif sera mis en place à compter d’octobre 2015. Parce que j’ai été sollicitée par des abonnés ayant subi ce type de coupures au cours de cette année, j’ai mené quelques recherches et découvert que, en 2007, avant la loi Chatel, les écrasements à tort existaient déjà, l’opérateur étant tenu de rétablir la ligne dans les plus brefs délais.
Or vous me dites que, depuis quelques années, celui-ci ne dispose que de sept jours ouvrés. Je peux vous assurer que ce n’est pas le cas ! Il a même récemment fallu que j’intervienne, comme je le pouvais, pour que le dossier de certains abonnés, dont la ligne était écrasée depuis dix à quinze jours, soit bien traité. Dix à quinze jours, monsieur le secrétaire d’État, c’est énorme !
Je note que l’ARCEP mettra en place le RIO. Il s’agit d’une procédure bien connue, puisqu’elle s’applique déjà pour la portabilité de nos téléphones mobiles. Elle permettra certainement de faire avancer les choses.
J’espère que tout sera opérationnel en octobre de cette année. Hervé Maurey a mentionné à l’instant l’existence de zones blanches, ces endroits non couverts par les réseaux. Il y a aussi ces personnes qui habitent dans des zones couvertes, et qui perdent soudainement le bénéfice de la couverture. Et ces Français, monsieur le secrétaire d’État, se trouvent fort dépourvus quand la coupure est venue !
La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la question n° 1039, adressée à M. le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique.
Monsieur le secrétaire d’État, la papeterie UPM-Chapelle-Darblay de Grand-Couronne, en Seine-Maritime, spécialisée dans la production de papier journal, est, vous le savez, un des fleurons du savoir-faire français en matière de production de papier à partir de déchets recyclés. La gamme de ses produits couvre l’ensemble des besoins de la presse quotidienne ou gratuite.
Soucieuse de la préservation de l’environnement, cette usine, qui emploie 400 salariés, utilise le transport fluvial, via l’axe de la Seine, pour livrer les grandes imprimeries parisiennes. Elle est également l’une des premières entreprises à avoir installé une chaudière fonctionnant à la biomasse sur son site.
Au moment où l’économie circulaire est au cœur des réflexions, l’annonce de la volonté de la direction de mettre fin à l’activité de sa machine « PM 3 », qui produit le papier recyclé, est incompréhensible.
Outre les 196 emplois directs qui seraient supprimés du fait de cette décision, c’est, à court terme, l’existence même du site de production de Grand-Couronne qui est menacée.
Au-delà de la question de l’avenir du site de Chapelle-Darblay, c’est, plus largement, l’avenir de toute l’industrie papetière française qui est, aujourd’hui, menacé, tout comme celui de la filière de recyclage du papier, lequel est pourtant un marché porteur et en pleine expansion.
Faute d’une volonté politique forte et du fait de l’absence de filière de tri suffisamment organisée, il semble aujourd’hui impossible de produire en France de la pâte à papier 100 % recyclée, destinée au papier de bureau de type « ramette ».
Pourtant, un minimum de coordination dans la filière de tri permettrait, par exemple, de collecter spécifiquement le papier de bureau de sites comme celui de la Défense, ou bien celui qui est utilisé dans les grandes entreprises et autres services publics, comme La Poste, la caisse primaire d’assurance maladie – CPAM –, ou encore les collectivités territoriales. C’est d’ailleurs ce que fait chaque jour notre voisin anglais, en collectant le papier dans le quartier de la City, pour exporter ensuite la pâte à papier en France.
Le site de Chapelle-Darblay est tout à fait adapté pour accueillir ces transformations industrielles, qui permettraient à la France d’organiser le recyclage de son papier.
De même, le marché du papier kraft est aujourd’hui en pleine expansion ; les besoins sont forts sur le territoire national, d’autant que le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte oblige, à compter du 1er janvier 2016, à ne plus utiliser de sacs plastiques. Or la machine « PM 3 », à l’activité de laquelle le groupe UPM veut mettre fin, permet notamment de produire ces sacs en papier à moindre à coût.
Pouvez-vous m’indiquer, monsieur le secrétaire d’État, dans quelle mesure le Gouvernement, outre la nomination d’un chargé de mission au niveau national sur la filière cellulose, compte-t-il accompagner la sauvegarde des 196 emplois menacés à Grand-Couronne et, plus largement, assurer l’avenir de l’industrie papetière de notre pays ?
Monsieur le sénateur, comme vous le savez, le développement des supports de communication numériques affecte de plein fouet l’industrie papetière, qui voit son chiffre d’affaires stagner ou baisser selon les supports. Pour le papier, par exemple, la baisse a été de 17 % au cours des quatre dernières années.
Ainsi, la filière cellulose fait face à des défis de taille ; l’enjeu social, vous l’avez rappelé, est important ; cette filière emploie en effet plus de 200 000 salariés. Ces défis peuvent toutefois se transformer en autant d’opportunités et relais de croissance, sous réserve d’adaptations de ses procédés de fabrication et de ses modèles d’affaires.
L’investissement dans l’innovation est un élément majeur d’adaptation. L’État soutient pleinement la filière sur ces objectifs en finançant le centre technique du papier et l’Institut technologique forêt cellulose bois-construction ameublement. L’État maintiendra ces soutiens.
La structuration de la filière est déterminante. Le Gouvernement soutient les comités stratégiques de la filière chimie et matériaux et de la filière forêt-bois, qui abordent les questions relatives au secteur de la cellulose et du recyclage des supports en papier. Le Gouvernement soutient également le travail très précis réalisé par M. Serge Bardy ; il encourage la poursuite de ses travaux à travers la nomination, vous y avez fait allusion, monsieur le sénateur, de M. Raymond Redding comme chargé de mission au niveau national sur la cellulose. Le Gouvernement veillera à ce que les travaux qu’il mène soient coordonnés avec les travaux du comité stratégique de la filière chimie et matériaux et du comité stratégique de la filière forêt-bois. Plusieurs des recommandations de M. Bardy ont déjà été reprises dans le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, notamment pour développer l’usage des papiers recyclés.
Après plusieurs restructurations et cessions au cours des dernières années, le groupe UPM, quant à lui, ne dispose plus que de deux unités en France.
C’est dans ce contexte que la « machine 3 » de la papeterie Chapelle-Darblay, spécialisée dans le papier journal à partir de fibres recyclées, va être arrêtée. En effet, le groupe finlandais UPM a décidé d’arrêter quatre de ses dix-huit machines à papier européennes : une à Chapelle-Darblay, mais aussi deux en Finlande et une au Royaume-Uni.
Cela correspond à une réduction de capacité de production de 805 000 tonnes, dont 130 000 tonnes à Grand-Couronne. Cette décision est motivée par la baisse structurelle de la demande de papier journal et une surcapacité en Europe, où les capacités sont estimées à 43 millions de tonnes, pour des débouchés, exportations comprises, de 36 millions de tonnes.
Il restera à Grand-Couronne la « machine 6 », qui peut produire jusqu’à 250 000 tonnes, pour laquelle le groupe a prévu un nouvel investissement de trois à cinq millions d’euros afin de la rendre plus compétitive.
Les procédures engagées au Royaume-Uni et en Finlande pour l’arrêt des trois autres machines concernées par le plan sont d’ores et déjà terminées.
En France, l’arrêt de cette machine mobilise les acteurs publics. De très nombreux contacts ont eu lieu entre la préfecture, les représentants du personnel et les élus avec la direction du site, afin d’analyser les conséquences de l’arrêt de la « machine 3 », pour le site même de Grand-Couronne et pour l’ensemble de la filière et ses salariés.
Il importe en effet d’étudier conjointement des solutions industrielles alternatives pour conserver l’activité sur le site. C’est l’objet de la commission industrielle paritaire mise en place récemment et pilotée par le chargé de mission Raymond Redding, dont la première réunion a été tenue le 25 mars. Cette commission rassemble les organisations syndicales, UPM ainsi que les services de l’État et a pour mission de faire émerger d’éventuels scénarios industriels alternatifs au simple arrêt de la « PM 3 ». Ceux-ci pourraient comporter la reconversion du site vers d’autres sortes d’activités papetières, comme cela a par exemple été fait avec succès pour la papeterie de Strasbourg du même groupe, réorientée vers la production de pâte désencrée.
Vous allez vite en besogne, monsieur le secrétaire d’État, en indiquant que la « machine 3 » va être arrêtée. Je rappelle que le groupe UPM fait tout de même des bénéfices assez énormes, et sa situation financière n’est pas menacée. Je rappelle également que les salariés ont jusqu’au 30 avril pour présenter un plan et des projets alternatifs.
Depuis le mois de novembre 2014, en particulier avec les salariés, je demande au Premier ministre, au ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, ainsi qu’à la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, qu’une table ronde sur l’avenir de la filière papetière soit organisée. Je souhaiterais qu’il soit répondu à cette proposition, pour que la direction, les organisations syndicales, les élus, de l’agglomération rouennaise notamment, étudient ensemble la question.
Cette usine UPM est située à Grand-Couronne, à côté, donc, de Petit-Couronne, où l’usine Petroplus a récemment fermé. La situation de l’emploi industriel en Seine-Maritime est donc gravement menacée.
Il faut se pencher sérieusement sur la question de la collecte du papier. Tout à l’heure, j’ai pris l’exemple de ce qui passe pour les bureaux de la City, en Grande-Bretagne : on y collecte les papiers, que l’on revend ensuite en France, après leur recyclage.
La suppression, par le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, de la distribution de sacs plastiques, qui seraient remplacés par des sacs en papier kraft, pourrait être utile à l’entreprise dont nous parlons. Sa reconversion dans ce domaine lui serait, en effet, totalement bénéfique.
Dès lors, je le répète, il faudrait que l’État, les salariés, les organisations syndicales, les chefs d’entreprise et les élus se rencontrent pour mettre les choses en place, le groupe UPM recevant des financements au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.
Mes chers collègues, nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Je vous rappelle qu’aura lieu à quinze heures, dans la salle des séances, la réception solennelle de Son Excellence M. Béji Caïd Essebsi, Président de la République tunisienne.
L’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
La séance est suspendue à onze heures vingt-cinq.
En fin de matinée, nous avons appris avec stupeur le décès de notre collègue Jean Germain, sénateur d’Indre-et-Loire. Il avait décidé d’achever son chemin et laissé un message à ses proches.
Nous sommes tous atterrés par cette terrible nouvelle et sous le coup de l’émotion.
Jean Germain était un collègue apprécié pour la qualité du travail qu’il menait à la commission des finances et pour l’empreinte qu’il laisse à sa chère ville de Tours à laquelle il s’est consacré pendant dix-neuf ans.
Nous partagions ensemble le même attachement pour le Liban.
Au nom du Sénat tout entier, je veux assurer toute sa famille, tous les Tourangeaux, ainsi que ses collègues du groupe socialiste et de la commission des finances, de notre immense tristesse en cet instant de deuil.
Nous mesurons l’immense solitude à laquelle un élu peut se trouver confronté lorsqu’il est mis en cause, pour des raisons qui atteignent son honneur, sans aucune considération pour son engagement au nom de l’intérêt général pour sa commune ou pour la nation. Jean Germain s’est senti condamné avant même d’être jugé, par un système qui n’a finalement jamais rien retenu depuis Pierre Bérégovoy.
Ce système, qui s’emballe, sans discernement, sans considération pour l’honneur, peut amener un homme à commettre l’irréparable.
Chacun, me semble-t-il, doit observer la mesure des jugements qu’il peut porter sur autrui et savoir qu’ils peuvent avoir des conséquences tragiques.
Un homme public, une femme publique, a droit au respect de sa dignité comme tout autre citoyen.
Je vous propose d’observer un moment de recueillement.
Mmes et MM. les sénateurs ainsi que les membres du Gouvernement observent une minute de silence.
À quinze heures quinze, M. Gérard Larcher, président du Sénat, et S.E. M. Béji Caïd Essebsi, président de la République tunisienne, font leur entrée dans la salle des séances. – Mmes et MM. les sénateurs, MM. les ministres se lèvent et applaudissent longuement.
Monsieur le président de la République tunisienne, c’est un immense honneur de vous accueillir aujourd’hui dans cette assemblée, alors que vous entamez votre visite d’État en France.
Monsieur le président, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les ambassadeurs, mesdames, messieurs les parlementaires, mes chers collègues sénateurs, le Sénat renoue à cette occasion le fil d’une tradition interrompue le 3 mars 1999, lorsque de cette tribune le président de la République tchèque, M. Vaclav Havel, prenait la parole presque dix ans après la chute du mur de Berlin.
À un homme et un peuple de liberté succèdent aujourd'hui un homme et un peuple de liberté !
Jamais en revanche un chef d’État venu du sud de la Méditerranée n’a été accueilli dans cette enceinte : tous vos prédécesseurs, monsieur le président de la République, étaient des chefs d’État européens. Vous êtes le premier chef d’État à la tête d’un pays appartenant au monde arabo-musulman à s’exprimer dans l’hémicycle du Sénat, siégeant en séance solennelle. C’est dire si votre allocution revêt un caractère exceptionnel.
Votre présence ne doit rien au hasard. À travers vous, à travers votre pays, le Sénat rend hommage à la mobilisation du peuple tunisien qui a su se jouer des obstacles et réussir sa transition démocratique, en rejetant à la fois les dérives autoritaires et le péril des fondamentalismes.
La Constitution de la IIe République tunisienne, adoptée le 27 janvier 2014, consacre un large spectre de droits fondamentaux, sans rien nier des valeurs traditionnelles de la Tunisie. Texte unique dans le monde arabe, votre constitution pose sans ambiguïté l’égalité entre les citoyennes et les citoyens devant la loi, et condamne toute discrimination entre les femmes et les hommes. Je tiens ici à saluer le courage et la détermination des femmes de Tunisie : elles furent et demeurent parmi les gardiens les plus vigilants de la démocratie.
Applaudissements.
La constitution tunisienne a également ouvert la voie à une série d’élections, l’élection législative d’octobre 2014, l’élection présidentielle, qui s’est déroulée pour la première fois au suffrage universel direct et a donné lieu à votre victoire, monsieur le président : c’était le 21 décembre dernier ! La communauté internationale dans son ensemble a salué la transparence et la régularité de ces scrutins. La transition politique de la Tunisie, qui aura duré quatre ans, s’est achevée au moment où votre présidence s’est ouverte.
Le rappel linéaire de ces étapes peut donner une impression de marche lente et continue vers la démocratie : ce serait oublier les débats, les tensions, le risque de réactions, le cadre régional, profondément instable, qui les ont accompagnées.
Ces chausse-trappes dans lesquelles votre pays n’est pas tombé font d’autant plus ressortir le sens des responsabilités de ses dirigeants dans leur diversité. Vous avez été l’un des acteurs les plus engagés dans le succès de la transition. Vous étiez Premier ministre, et vous m’aviez rendu visite en mai 2011, ici au Sénat, lorsqu’il s’est agi d’élire l’Assemblée nationale constituante tunisienne en octobre 2011. Monsieur le président de la République, vous incarnez, par votre expérience de la vie politique, le lien entre la Tunisie d’aujourd’hui et les idéaux qui ont inspiré la construction de l’État tunisien moderne, après l’indépendance : le statut personnel, la place accordée à l’islam dans la société, la conviction que le développement repose sur la généralisation de l’enseignement, une certaine conception de la Nation.
Il est probable que, sans ce terreau fertile hérité du passé, la Tunisie n’aurait pas surmonté les quatre années de transition avec les mêmes résultats.
Monsieur le président de la République, en Tunisie, en France, mais aussi bien au-delà du pourtour méditerranéen ou de l’Europe, le terrorisme continue de frapper.
C’était encore le cas le 2 avril dernier, au Kenya. La Tunisie et la France ont chacune payé, à quelques semaines d’intervalle, un lourd tribut au terrorisme. À Paris comme à Tunis, des familles ont été endeuillées : permettez-moi d’avoir une pensée particulière pour Yoav Hattab, tué lors de la prise d’otages de l’Hyper Cacher à Paris, le 9 janvier, et dont la famille est de Tunis, ainsi que pour l’ensemble des victimes assassinées au musée du Bardo à Tunis, le 18 mars dernier.
L’émotion collective a constitué une première réponse au terrorisme. Il y aura un « avant » et un « après » les marches de Paris et de Tunis, ces marches qui se répondent, tel un écho, de part et d’autre de la Méditerranée : nous sommes tous des cibles potentielles, Français, Tunisiens, quelle que soit notre nationalité ; nous sommes tous des cibles potentielles, juifs, chrétiens, musulmans, non-croyants, quelle que soit notre conviction. Ce n’est pas faire preuve d’angélisme que de l’affirmer, mais c’est faire face à la réalité : Daech, Al-Qaïda et d’autres encore auront démontré, si cela était nécessaire, que leurs victimes n’ont ni nationalité ni religion.
Bien évidemment, la réponse au terrorisme doit être sécuritaire : je sais que les autorités gouvernementales de nos deux pays travaillent en ce sens. Mais en Tunisie comme en France, des jeunes répondent à la tentation djihadiste et se radicalisent.
Il faut combattre la radicalisation et continuer à se mobiliser pour défendre les valeurs de la démocratie. Vous l’avez déclaré, « la Tunisie est un pays musulman, pas islamiste ».
Monsieur le président de la République, le temps me paraît venu d’un partenariat plus ambitieux entre la France et la Tunisie, afin d’être à la hauteur des enjeux et de la confiance qui nous lient.
Le Sénat est prêt à accomplir sa part du chemin. Je l’ai évoqué avec vous, monsieur le président Essebsi, et je le répéterai au président de l’Assemblée des représentants du peuple de Tunisie : en matière de décentralisation, en matière de coopération décentralisée, le Sénat français, assemblée des territoires, dispose d’une expertise spécifique dans les institutions de la République.
J’ai donc proposé que nous puissions travailler ensemble à un nouvel accord de coopération entre nos parlements.
Un partenariat plus ambitieux, aussi, est indispensable dans le domaine de l’économie : « il faut un minimum de bien-être pour pratiquer la vertu », avez-vous dit avec raison, citant Saint Thomas d’Aquin. Je forme des vœux pour que votre visite permette de progresser sur les dossiers bilatéraux.
Dans l’exercice de leurs fonctions de contrôle, les sénateurs veilleront à ce qu’un juste équilibre soit maintenu en faveur des aides destinées au sud de la Méditerranée, et donc à la Tunisie, dans le cadre de la politique européenne de voisinage.
Notre partenariat doit être plus ambitieux, enfin, en matière d’éducation. La Tunisie et la France ont la francophonie en partage, qui est porteuse de valeurs et d’une conception de la vie en société. Je sais, monsieur le président de la République, les efforts que vous accomplissez pour maintenir la place du français dans le système éducatif. Je souhaite que nous puissions vous aider à cet égard.
L’éducation est l’une des clefs d’une stratégie globale de réponse au terrorisme. Évitons les tracasseries administratives : les étudiants tunisiens sont les bienvenus en France. Renforçons notre coopération pour « élever les défenses de la paix dans l’esprit des hommes », comme le proclame le préambule de la Charte de l’UNESCO. Les sénateurs ici présents sont très nombreux, et c’est un signe d’amitié et de respect envers vous, monsieur le président de la République, comme envers la Tunisie. Chacun d’entre eux, comme je le fais à cet instant, aura à cœur de porter un message de confiance à l’égard de votre pays. Je le dis à nos compatriotes : renoncer à un déplacement touristique prévu en Tunisie, c’est quelque part céder à la pression terroriste, qui n’a pas de frontière ; c’est laisser le terrorisme envahir notre propre vie.
Monsieur le président de la République, de nouveau, soyez le bienvenu au Sénat de la République française, vous qui venez de l’autre rive de la Méditerranée, en voisin et en ami, porteur de valeurs qui nous sont si proches et que nous comprenons.
Depuis l’Antiquité, la Méditerranée n’a jamais constitué un obstacle à nos échanges. Et nous avons tant de moments d’histoire commune ! Moments heureux, parfois douloureux, mais qui ont au fond contribué à construire cette amitié si profonde.
Vive la Tunisie ! Vive la France ! Vive l’amitié franco-tunisienne !
Vifs applaudissements.
Monsieur le président du Sénat, messieurs les membres du Gouvernement, mesdames, messieurs les sénateurs, mesdames, messieurs, chers amis, c’est au peuple tunisien, à ses martyrs d’abord, mais aussi à tous ceux qui ont entrepris de démontrer au monde entier qu’en ce petit pays est né un grand dessein, que je dois l’honneur de m’exprimer devant vous aujourd’hui.
Notre dessein, c’est de construire, malgré les soubresauts, malgré l’agitation alentour, un havre de paix, de démocratie et de liberté, un lieu où le débat public est perçu comme une force et où la diversité, qu’elle soit culturelle, religieuse ou sociale, est considérée comme une richesse parce que la Tunisie est belle de cette diversité et que, pour reprendre Aragon, « fou qui songe à ses querelles au cœur du commun combat ».
C’est au nom du peuple et de cette diversité que je vous salue et que je vous exprime mes vifs remerciements pour cette invitation.
Nous n’oublions pas, monsieur le président du Sénat, cher Gérard Larcher, que vous fûtes l’un des premiers hommes d’État français à condamner ouvertement, plusieurs jours avant le 14 janvier 2011, la manière dont le régime d’alors répondait au soulèvement populaire. Nous n’oublions pas que, en 2014, le président du Sénat d’alors, M. Jean-Pierre Bel, était aux côtés du peuple tunisien pour célébrer la naissance de notre constitution.
Les slogans lancés au cours de la révolution ont puisé leurs sources dans les valeurs universelles de liberté, de justice et de démocratie. Comme le disait Pierre Mendès France, cher à nos deux patries, « la démocratie est d’abord un état d’esprit ».
En cette chambre haute du Parlement, temple de la démocratie, je peux affirmer que cet état d’esprit est aujourd’hui ancré dans notre vie politique, tout comme les valeurs démocratiques sont désormais ancrées dans notre constitution.
Le processus n’a certes pas été facile ; il n’est d’ailleurs pas achevé, et je m’incline devant la mémoire de ceux qui l’ont payé de leur vie. Un terrorisme aveugle, sans foi ni loi, a fait des victimes parmi les leaders tunisiens, les soldats, les membres des forces de sécurité, les civils et, tout récemment encore, parmi nos hôtes.
Mais tout au long de ce processus, le peuple tunisien et sa classe politique ont pu démontrer et affermir leur maturité, dépasser les oppositions et construire le consensus. Nous avons refusé de voir en la religion un élément de dissension, et nous gouvernons ensemble pour le renouveau économique et la justice sociale.
Ce n’est pas un hasard si la Tunisie a initié la vague des soulèvements arabes et a pu, en un temps si court, faire éclore les bourgeons que nous espérons annonciateurs d’un printemps. La Tunisie a toujours su marquer les esprits et contribuer à façonner son environnement régional. C’est en Tunisie qu’est né ce nom d’Ifriqya qui est devenu, par la suite, celui de tout le continent. C’est en Tunisie, que Phéniciens et Berbères ont donné naissance à l’un des plus grands ports de Méditerranée. C’est en Tunisie qu’a été fondé l’un des plus hauts lieux de l’Islam, la grande mosquée de Kairouan, et c’est de Tunisie que sont partis les fondateurs d’Al Quaraouiyine à Fès et d’Al Azhar au Caire.
La Tunisie de la Zitouna a donné à l’islam du juste milieu ses lectures les plus éclairées et parmi les plus brillants de ses savants. Cette lecture d’ouverture de l’islam n’est pas une innovation, c’est celle de la vieille orthodoxie malékite, bien antérieure aux doctrines rigides et extrémistes.
Très souvent, dans le monde, on confond islamisme et islam. L’islamisme est un mouvement essentiellement politique. Il instrumentalise la religion musulmane pour arriver au pouvoir en utilisant la force et la violence.
L’islam tunisien est également celui des réformateurs du XIXe siècle avec Kheireddine Pacha et d’illustres figures féminines telles que Aziza Othmana et Fatma El Fehria, ainsi que des réformateurs sociaux à l’instar de Mohamed Ali El Hammi et Tahar Haddad. À chaque fois, la Tunisie, confiante en son identité et attachée à son héritage, a répondu par les mots et non par la violence, mobilisant le génie face à l’obscurantisme.
C’est ainsi que la Tunisie a été le premier pays arabe à abolir l’esclavage en 1848, à promulguer une constitution en 1861, à donner le droit de vote aux femmes en 1957 et à initier, en 2011, un mouvement mondial et populaire de revendications démocratiques de la Kasbah à Tahrir, de la Puerta del Sol à Taksim, de Wall Street à Syntagma.
Ainsi la Tunisie est-elle à la fois singulière et complètement méditerranéenne, arabe, musulmane, africaine et inscrite dans une dynamique mondiale.
Notre histoire ouverte aux influences multiples nous a permis d’éviter des écueils, mais le message que nous portons aujourd’hui est celui de la parfaite compatibilité entre chacune de ces cultures et les valeurs de la République. Les peuples arabes et musulmans aspirent, comme tous les autres, à la démocratie, et le respect des libertés de croyance et de conscience y est possible. C’est ce qu’affirme notre constitution. Nous croyons en la possible coexistence pacifique entre les peuples et les religions. Elle est inscrite dans notre histoire.
Aussi sommes-nous frappés d’une grande tristesse lorsque la barbarie s’exprime de la manière la plus odieuse, comme cela a été le cas au Bardo, comme cela a été le cas à Paris en janvier dernier. Je tiens à saluer la mémoire de ses victimes, au nombre desquelles Yoav Hattab, que vous avez cité, monsieur le président, Elsa Cayat, François-Michel Saada et Georges Wolinski, qui étaient tous des enfants de Tunis.
Le refus de la barbarie s’exprimait déjà au cours de la Seconde Guerre mondiale par la bouche d’Habib Bourguiba, fondateur de la République tunisienne, qui, le 8 janvier 1943, à son retour d’exil, rappelait à l’ensemble de la population et à ses militants son rejet du fascisme et son soutien à la résistance gaulliste.
Je me rappelle que l’un de nos militants de base, interpellant Habib Bourguiba, lui avait dit ceci : « Alors, vous voulez que nous devenions des gaullistes, aujourd’hui ? » Ce à quoi Habib avait répondu : « Oui, monsieur, mieux vaut être gaulliste que dans les rangs des fascistes ! »
Vifs applaudissements.
Néanmoins, nos acquis ne sauraient occulter les graves dangers qui risquent de grever le processus de transition démocratique.
La situation économique et sociale du pays s’est dégradée. Les finances publiques ont été déséquilibrées. La croissance s’est affaiblie. L’investissement privé s’est ralenti et le taux de chômage a fortement augmenté. Les exemples historiques sont nombreux qui montrent que des révolutions échouent par dégradation des situations économiques.
À tout cela s’ajoute le prix très lourd que nous payons en raison de la situation d’un pays voisin, la Libye. N’oublions pas que l’intervention en Libye s’est faite en soutien aux aspirations du peuple libyen à la démocratie. La réussite de la transition tunisienne est de ce point de vue essentielle. Elle peut être un exemple vivant et proche d’une transition réussie, d’une prospérité renouvelée et renforcée, ainsi que d’un débat pacifié.
L’enjeu, aujourd’hui, pour la Tunisie, est de conforter sa transition politique par une relance économique soutenue.
La création d’emplois reste évidemment la priorité, et un vaste programme de réforme des systèmes de formation professionnelle et d’éducation est en cours de préparation.
Mais nous savons également que le rétablissement de la sécurité et l’apaisement du climat social sont des conditions nécessaires pour le redressement de la situation économique.
Pour l’ensemble de ces actions, la Tunisie a besoin aujourd’hui que ses partenaires et amis se tiennent à ses côtés : pour investir à nos côtés, pour mobiliser avec nous des investisseurs potentiels, mais surtout pour nous accompagner sur les actions les plus structurantes et de plus longue haleine que sont la formation et la réforme administrative. Et en ce lieu de représentation des collectivités territoriales de la République, je voudrais tout particulièrement mentionner la mise en place d’une nouvelle gouvernance régionale et locale : nous nous en sommes entretenus, monsieur le président du Sénat, et j’ai bien compris, à l’écoute de votre message, que vous étiez favorable à une telle évolution.
Pour atteindre ces objectifs, la coopération décentralisée entre villes, entre gouvernorats tunisiens et régions françaises jouera un rôle essentiel.
À cet effet, nous appelons à une politique volontariste en matière d’échanges, de partenariat et d’investissement, fondée sur la complémentarité.
Nous appelons à l’instauration avec nos partenaires d’un cadre permanent de réflexion, à la mise en place d’une fondation pour promouvoir l’intégration verticale
Europe-Méditerranée-Afrique, en y incluant peut-être les pays du Golfe – mais c’est là un avenir beaucoup plus lointain.
La France assumera en mai prochain la présidence du dialogue 5+5. Travaillons ensemble à faire de la Méditerranée le centre d’un espace de prospérité partagée et non pas un mur qui ne sera jamais assez haut pour garantir la sécurité des uns et pour contenir la désespérance des autres.
Au sud, la Tunisie continuera à œuvrer pour faire du Grand Maghreb une aire de coopération économique renforcée. Ensemble, nous pouvons faire de la Méditerranée un lieu d’échanges culturels, une force économique et un modèle de développement environnemental, car nous partageons les mêmes valeurs, une même histoire, ainsi qu’une culture et une langue.
La Tunisie continuera de jouer son rôle de pont entre les cultures, les continents, les religions, un pont entre les jeunesses d’Europe, du monde arabe et d’Afrique.
Dans ces conditions, monsieur le président, permettez-moi de conclure mon allocution en saluant ces jeunesses, en appelant au renforcement de leurs relations, en les invitant à être les gardiens et les acteurs des liens déjà forts et anciens entre nos deux pays.
Vive l’amitié entre la France et la Tunisie ! Vive le Sénat français !
Mmes et MM. les sénateurs ainsi que MM. les ministres se lèvent et applaudissent vivement et longuement.
Monsieur le président de la République tunisienne, le Sénat a été particulièrement honoré de vous accueillir dans sa salle des séances, en présence de plusieurs membres du Gouvernement.
Au nom de toute notre assemblée, je vous remercie chaleureusement pour votre intervention.
Applaudissements.
La séance, suspendue à quinze heures quarante, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.