La gravité des événements exige que nous délibérions aujourd'hui à nouveau du sujet dont nous avons délibéré la semaine dernière ; nous avions estimé que l'état d'urgence tel qu'il était appliqué jusqu'à présent n'était pas efficace, et que l'essentiel de la sécurité publique était assuré par la mobilisation des forces de l'ordre, du renseignement et de l'appareil de justice, ainsi que par l'application rigoureuse des lois en vigueur, que nous n'avons pas manqué d'étoffer ces derniers mois.
Le texte qui nous est soumis ne fait pas que proroger l'état d'urgence ; il en modifie également le régime. Nous pouvons donc rester cohérents, en disant oui à la prorogation de l'état d'urgence, à condition qu'il soit réellement utile.
Je vous propose de désigner à nouveau M. Michel Mercier rapporteur.
M. Michel Mercier est désigné rapporteur sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant l'application de la loi n° 55-385 relative à l'état d'urgence.
MM. Philippe Bas et Michel Mercier, Mme Catherine Troendlé, MM. François-Noël Buffet, Jean-Pierre Sueur et Alain Richard et Mme Éliane Assassi sont désignés en qualité de membres titulaires ; MM. Félix Desplan et Christophe-André Frassa, Mme Jacqueline Gourault et MM. Jean-Yves Leconte, Jacques Mézard, François Pillet et André Reichardt sont désignés en qualité de membres suppléants.
J'espère que cette commission mixte paritaire sera conclusive : nous avons cette responsabilité en partage.
La commission examine ensuite le rapport et le texte qu'elle propose pour le projet de loi n° 803 (2015-2016), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.
Outre la prorogation de l'état d'urgence, ce texte contient des dispositions pérennes enrichissant le droit pénal. La semaine dernière, je vous avais dit que la prorogation de l'application de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, dont les dispositions ont été très peu utilisées dans les dernières semaines, n'était plus utile. Si ce projet de loi était la simple reconduction de celui du 26 mai, j'aurais gardé la même position et vous aurais proposé de ne pas le voter.
Mais il augmente les pouvoirs de l'autorité administrative pendant l'état d'urgence et comporte des dispositions de fond en matière de lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme. Cela nous aidera à mieux lutter contre le terrorisme après l'abject attentat de Nice.
Je ne suis pas adepte des grandes envolées lyriques. Je n'ai pas envie rejeter la faute sur tel ou tel. J'ai vécu l'affaire Merah alors que j'étais en responsabilité. Je vois les évolutions des esprits, de la législation. Je crois qu'il faut encore nous armer davantage. Le vrai danger est celui d'un délitement du pays, ce qui nécessite un vrai réarmement moral. L'union nationale, c'est souvent une formule, comme peut l'être la concentration des forces républicaines. Mais nous sommes tous comptables devant les Français de l'unité profonde de la Patrie autour des valeurs qui ont fondé la République. Ce texte, avec les amendements que je vous propose, peut y concourir. Ce n'est pas un texte miracle, une martingale ; mais il donne des outils aux autorités administrative et judiciaire.
Le texte de l'Assemblée nationale apporte des modifications importantes au texte gouvernemental : la durée de l'état d'urgence est portée, avec le soutien du gouvernement, à six mois - l'amendement que je pensais vous proposer dans ce sens n'a donc plus de raison d'être ; les fouilles de véhicules et de bagages par les forces de l'ordre et la retenue sur place des personnes dont le domicile est perquisitionné sont autorisées.
Je vous propose trois séries d'amendements qui augmentent les pouvoirs de l'autorité administrative pendant l'état d'urgence, renforcent le droit commun de manière pérenne en matière de lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme, améliorent le renseignement.
Les débats s'étant achevés à 5 heures ce matin à l'Assemblée nationale, nous n'avons pas pu prendre connaissance du texte avant ce matin, pas plus que des 18 amendements du rapporteur. Je sollicite donc une suspension de vingt minutes pour que les uns et les autres se concertent.
Avant de suspendre, je souhaitais être parfaitement transparent : j'ai rencontré le président Dominique Raimbourg et le rapporteur Pascal Popelin de la commission des lois de l'Assemblée nationale pour préparer la commission mixte paritaire éventuelle. Je n'imagine pas que le texte ne soit pas voté à une très large majorité, même si chacun est libre.
La réunion, suspendue à 9 h 35, est reprise à 10 h 05
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Division additionnelle avant l'article 1er
Mon amendement COM-1 tire les conséquences des articles additionnels introduits par les députés dans le texte.
L'amendement COM-1 est adopté.
Article 1er bis
Mon amendement COM-2 supprime les dispositions introduites cette nuit à l'Assemblée nationale à l'initiative du groupe UDI, créant une commission mixte composée de sept députés et sept sénateurs destinée à assurer le suivi de l'état d'urgence. Autant l'obligation faite à l'administration de transmettre aux deux assemblées copie de tous les actes qu'elles prennent en application de l'état d'urgence, prévue dans l'amendement du président Raimbourg, est pertinente, autant la création d'une commission mixte est éloignée de l'esprit du bicaméralisme.
Ces sujets sont délicats. Je suis tout à fait d'accord avec la prorogation de l'état d'urgence, mais certaines mesures qui n'y sont pas liées demandent un examen approfondi. Je souscris à la proposition du rapporteur. Une commission réunissant des membres des deux assemblées n'est pas conforme au bicaméralisme.
Il s'agirait d'une commission mixte paritaire de suivi de l'état d'urgence.
Tout ceci signifie que le comité de suivi de l'état d'urgence du Sénat va perdurer.
Je le propose à la commission. S'il n'y a pas d'opposition, il en est ainsi décidé.
L'amendement COM-2 est adopté.
Articles additionnels après l'article 1er bis
Mon amendement COM-3 facilite la fermeture pendant l'état d'urgence, en application de l'article 8 de la loi du 3 avril 1955, des lieux de culte dans lesquels sont tenus des propos constituant une provocation à la haine, à la violence ou à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes.
Je voterai cet amendement. Néanmoins je rappelle que des lieux de culte ont d'ores et déjà été fermés, y compris dans les Alpes-Maritimes. Que cet amendement ne soit pas interprété avec manichéisme.
Nous ne voterons pas contre cet amendement, mais nous ne voterons pas pour non plus. Nous souscrivons aux propos de M. Vandierendonck. En outre, la rédaction est floue. Attention aux dérives possibles.
Je voterai cet amendement - un vote contre serait perçu négativement pas nos concitoyens, qui ne le comprendraient pas. Il est néanmoins superfétatoire. Les propos appelant au terrorisme, à la violence, à la haine, à l'islamophobie, à l'antisémitisme ou à l'homophobie sont prohibés et réprimés par le droit existant. Cet amendement est de précision.
Certains discours sont totalement inacceptables. J'entends dire : « Il n'y a qu'à fermer les mosquées ! » Non. La liberté religieuse existe dans ce pays. Mais si des propos répréhensibles sont tenus, la loi s'applique.
Je voterai cet amendement compte tenu de la situation, en rappelant tout de même que la loi de 1905 autorise déjà la répression, même si elle n'a pas été utilisée ces dernières années. On surajoute des textes au lieu d'appliquer ce qui existe déjà. Cet amendement a une vocation médiatique plutôt que pratique.
Mon amendement COM-4 renforce les pouvoirs de l'autorité administrative pendant la durée d'application de l'état d'urgence en donnant au ministre de l'intérieur et aux préfets les moyens d'interdire les cortèges, défilés et rassemblements sur la voie publique dont la sécurité ne pourrait être assurée de manière adéquate.
Il répond au Conseil constitutionnel qui, dans sa décision n° 2016-535 du 19 février dernier, en réponse à une question prioritaire de constitutionnalité, appelait à davantage de précision.
Nous ne pouvons accepter cet amendement qui réduit la liberté de manifester.
Cet amendement est totalement inacceptable. Le projet de loi est présenté en raison de l'attentat de Nice, or l'amendement vise les manifestations contre la loi sur le travail.
Il n'y en a aucun, c'est un fait objectif. La droite fait des manoeuvres politiciennes, de la surenchère, en exploitant l'émotion légitime de la population.
Je souhaite une explication du rapporteur. L'autorité administrative a déjà la capacité d'interdire les rassemblements, me semble-t-il...
Les policiers et les gendarmes sont en nombre limité, c'est un fait ! Ils ne peuvent pas être partout à la fois. L'objectif, c'est de sérier les priorités.
Des interdictions de manifestations ont déjà été décidées, confirmées par le Conseil d'État. Comme le précédent, cet amendement est inutile.
Il est nécessaire, car il met l'accent sur la sécurité et sur les moyens dont on dispose pour l'assurer. Il ajoute une précision utile.
Je le voterai, dès lors qu'il sauvegarde l'entier contrôle du juge administratif. C'est une garantie essentielle.
Je ne peux pas ne pas réagir à ce qu'a dit mon collègue Grosdidier. La droite a supprimé des milliers de postes de policiers, lorsqu'elle était au pouvoir. Et voilà le résultat... On préfère rogner sur la démocratie plutôt que de prendre les mesures qui s'imposent pour nous doter d'une police à la hauteur de nos valeurs.
Le résultat, c'est que vous proposez par cet amendement de rogner le droit de manifester.
Les pouvoirs publics et le ministère de l'intérieur ont mis un point d'honneur à ce que toutes les manifestations contre la loi « travail » puissent se dérouler, aussi lourdes soient les mesures à prendre pour assurer la sécurité. Le Gouvernement a choisi de tout mettre en oeuvre pour que ces manifestations aient lieu.
Évitons de parler des manifestations, car ce n'est pas ce dont il s'agit dans l'amendement. Nous avons même corrigé le texte pour que le mot n'y figure pas. Que dit le droit commun ? L'article L. 211-4 du code de la sécurité intérieure vise la protection de l'ordre public. Notre amendement a pour objet de protéger la sécurité de ceux qui participent aux défilés, cortèges et rassemblements et non d'interdire les manifestations pour trouble à l'ordre public. Il s'agit de permettre à l'autorité administrative d'interdire les cortèges, défilés et rassemblements sur la voie publique si elle ne dispose pas des moyens suffisants pour assurer la sécurité des participants. C'est à cette demande que nous souhaitons répondre.
Dans notre État de droit, toute interdiction prise en application de cet amendement pourra être déférée devant la juridiction administrative. Le préfet devra apporter la preuve qu'il n'y a pas d'atteinte aux libertés publiques et il devra motiver sa décision en montrant qu'il ne disposait pas des moyens de protection suffisants. Cette mesure ne vaut que pendant l'état d'urgence et sera mise en oeuvre sous le contrôle du juge administratif.
L'amendement COM-4 est adopté.
Article 1er ter
L'amendement COM-5 réécrit, dans un souci d'amélioration juridique, le dispositif adopté par les députés, qui introduit dans la loi du 3 avril 1955 une nouvelle prérogative permettant au préfet d'ordonner, en cas de menace terroriste, des contrôles d'identité et des fouilles des bagages et des véhicules. Cette nuit, les députés ont adopté une disposition en ce sens, dont la rédaction ne nous satisfait pas complètement. Nous souhaitons que le procureur de la République continue à jouer un rôle. La décision du préfet, qui devra être écrite et motivée, désignera les lieux concernés, qui devront être précisément définis, ainsi que la durée de l'autorisation, qui ne pourra excéder vingt-quatre heures. Le procureur de la République en sera informé sans délai.
C'est une précision qui va dans l'intérêt du préfet. Une décision non motivée n'aurait pas grand avenir, pour peu qu'elle soit attaquée devant les juridictions administratives.
L'amendement des députés était trop général. Il fallait le préciser. La police municipale ne peut pas participer à une mission de type régalien. Le Conseil constitutionnel ne l'accepterait pas. Il y a eu des précédents.
S'il n'était pas informé sans délai, je ne donne pas cher de cet amendement devant le Conseil constitutionnel.
Article additionnel après l'article 2
L'amendement COM-6 applique outre-mer les modifications introduites au sein de la loi du 3 avril 1955.
L'amendement COM-6 est adopté.
Division additionnelle avant l'article 3
L'amendement COM-7 tire les conséquences des articles additionnels introduits dans le texte, qui en ont élargi l'objet au-delà de la seule question de l'état d'urgence.
L'amendement COM-7 est adopté.
Article 3
L'amendement COM-8 réintroduit les dispositions que le Sénat avait adoptées lors de l'examen du projet de loi de lutte contre le crime organisé et le terrorisme. Il s'agit de créer un régime d'application des peines pour les personnes condamnées pour terrorisme qui soit complet et réellement plus rigoureux.
La loi du 3 juin 2016 a rendu plus exigeantes les conditions de libération conditionnelle des personnes condamnées pour terrorisme, mais nous ajoutons d'autres mesures.
Nous voterons contre cet amendement, comme nous avons voté contre lors de l'examen de votre proposition de loi. L'Assemblée nationale a adopté cette nuit, à l'initiative du groupe Les Républicains, un amendement qui supprime toute automaticité de la réduction des peines en matière de terrorisme. Par conséquent, cet amendement n'est pas utile.
M. Ciotti a su s'arrêter au bon endroit. L'amendement de M. Mercier, malgré tout le talent qu'il déploie, n'est que de communication politique. C'est dommage !
Nous ne manquerons pas de rapporter à M. Ciotti le sentiment de modération qu'il a su vous inspirer, hier soir.
Cet amendement est gênant : nous légiférons sous le coup de l'émotion. Or cette loi de prolongation de l'état d'urgence vise à renforcer et à encadrer les mesures administratives pour améliorer la prévention du terrorisme. S'il s'agissait d'une loi classique, cet amendement serait un cavalier. L'émotion nous submerge. Ne laissons pas pour autant la raison de côté. Les mots ont un sens précis. Faire la loi dans l'irrationalité est dangereux. Nos concitoyens demandent des actions claires. Le mélange des genres n'a pas sa place, ici. Nous savons tous que ce texte ne sera pas soumis au contrôle du Conseil constitutionnel. N'en profitons pas pour faire prospérer des cavaliers qu'il aurait censurés. Ce serait entretenir la confusion. L'important, c'est de mettre en place les mesures administratives de prévention qui s'imposent.
Je ne voterai pas cet amendement. Comment pourrait-on envisager d'utiliser un texte de prorogation de l'état d'urgence pour pulvériser un équilibre toujours à l'honneur du Sénat ? Je ne me sens lié par aucun accord avec l'un ou l'autre des groupes dominants à l'Assemblée nationale, ni a fortiori avec le Gouvernement. Je comprends la finalité de cet amendement et je ne la partage pas. Bien sûr, il faut rassurer l'opinion et, n'étant pas laxiste, je suis pour une application stricte de la loi. Utiliser ce texte pour faire passer des mesures de ce genre : non.
Nous avons déjà adopté cette disposition au Sénat, à trois reprises cette année.
J'entends bien les arguments qui font valoir la pureté du droit. Cependant, il nous faut aller plus loin, si nous voulons que l'état d'urgence soit efficace. Nous avons déjà voté les mesures que nous vous proposons. Cette nuit, le Gouvernement a accepté d'élargir son texte. C'est sur ce nouveau texte que nous nous prononçons, et non pas sur la version initiale. Le Gouvernement a changé de position. Il ne s'agit pas seulement de proroger l'état d'urgence, mais aussi de prendre de nouvelles mesures. Preuve en est, l'article 4 que nous allons examiner a trait au régime de vidéosurveillance dans les cellules des établissements pénitentiaires. Cet article a été introduit à l'Assemblée nationale avec l'accord du Gouvernement. Nos amendements sont exactement de même nature. Il n'y a donc nulle incohérence de notre part.
Article 4
Simplification rédactionnelle : l'amendement COM-18 supprime la seconde phrase de l'alinéa 4. Il convient de le rectifier pour supprimer également l'alinéa 25.
L'amendement COM-18 ainsi rectifié est adopté.
Articles additionnels après l'article 4
L'amendement COM-9 réintroduit la création d'un délit autonome de séjour à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes, que le Sénat avait votée à l'occasion de la première lecture du projet de loi « lutte contre le crime organisé et le terrorisme ».
Ce n'est pas le même sujet. L'automaticité que vous créez n'est pas pertinente. Les repentis, les gens qui reviennent, ont tous une histoire particulière et complexe. Certains méritent d'être considérés comme des criminels. D'autres reviennent parce qu'ils ont été horrifiés par ce qu'ils ont vu. Il y a les repentis sincères et les repentis d'apparence. Nous ne voterons pas cet amendement. C'est à la justice d'apprécier les circonstances de ces retours.
Quelle que soit l'incrimination, c'est au juge qu'il appartient de décider si le prévenu mérite ou non sa peine. Il n'y a jamais d'automaticité. Cet amendement tend simplement à isoler le délit de séjour à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes pour en faire un chef autonome d'incrimination.
Nous avons déjà eu ce débat. Comment revenir sur un texte dont l'encre n'est pas encore sèche ? D'autant que, compte tenu de ce qu'est devenu le monde, il faudrait redéfinir ce qu'est un théâtre d'opérations de groupements terroristes à l'étranger. Ce n'est plus seulement l'Irak ou la Syrie, comme on pourrait le croire. Et encore, l'on peut aller là-bas pour d'autres motifs que de fomenter un projet terroriste. Créer ce type d'incrimination, en laissant à la justice le soin de tout traiter, serait une erreur. En aura-t-elle les moyens ? Restons-en aux mesures administratives prévues dans la dernière loi.
L'amendement COM-10 améliore les mesures administratives de la loi du 3 juin 2016. Il complète l'article 225-2 du code de la sécurité intérieure en prévoyant que le temps d'assignation à résidence des personnes de retour des théâtres d'opérations de groupements terroristes à l'étranger sera renouvelable deux fois par décision motivée.
L'amendement porte donc la durée maximale de l'assignation à résidence à trois mois au lieu d'un, mais pas d'un seul coup, puisqu'il faut un renouvellement.
L'amendement COM-10 est adopté.
L'amendement COM-11 réintroduit dans le projet de loi les dispositions que le Sénat avait adoptées lors de la première lecture du projet de loi « lutte contre le crime organisé et le terrorisme » pour augmenter les durées de détention provisoire dans le cas des mineurs mis en examen pour acte de terrorisme. Cette disposition ne vise que les mineurs âgés de 16 à 18 ans. C'est une mesure qui est réclamée avec force par le parquet national antiterroriste. Cette demande a encore été renouvelée, avant-hier, auprès du garde des sceaux. Pour l'instant, seuls dix jeunes sont concernés, tous extrêmement dangereux. Il s'agit d'une mesure très circonstanciée. Elle est nécessaire pour élucider des situations terroristes graves.
Si un mineur est mis en examen pour un acte de terrorisme, la justice doit statuer dans l'année. Nous sommes, par principe, contre l'extension à deux ans de la détention provisoire, donc sans jugement, pour des mineurs.
Les affaires de terrorisme sont complexes. Il est bien sûr souhaitable qu'un mineur soit renvoyé devant le tribunal dans les délais les plus brefs. Mais s'il a participé à une entreprise terroriste, on ne peut pas postuler qu'il l'a fait seul. Et des dizaines de magistrats enquêtent, ainsi que de nombreux policiers... On ne peut pas le traduire seul devant la justice sous prétexte qu'il est mineur : les affaires complexes doivent être jugées dans leur globalité.
Il s'agit, je le répète, d'une demande pressante du parquet, qu'on ne peut pas soupçonner de vouloir allonger les procédures relatives aux mineurs uniquement pour les faire durer. Elle ne concerne que les mineurs de plus de seize ans. Presque des adultes ! Dois-je rappeler que certains envisageaient d'accorder le droit de vote dès seize ans ?
L'amendement COM-11 est adopté.
L'amendement COM-12 réintroduit les dispositions que le Sénat avait adoptées afin de criminaliser, par la création d'une circonstance aggravante, les associations de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste qui sont commises à l'occasion, ou sont précédées, d'un séjour à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes.
L'amendement COM-13 concerne la rétention de sûreté et la surveillance de sûreté : nous le connaissons bien !
Nous avons toujours été opposés à cette rétention de sûreté. Cela m'étonnerait que la commission mixte paritaire aboutisse si nous la maintenons, car elle se heurte à un principe constitutionnel : quand un jugement a été prononcé et que la personne a purgé sa peine, les choses s'arrêtent !
Pour mon groupe, c'est une question de fond, sur laquelle nous ne pouvons pas transiger. Quand on cherche l'union, il y a des lignes à ne pas franchir. En l'occurrence, je le dis clairement, la ligne est franchie, avec les conséquences qui peuvent s'ensuivre...
L'amendement COM-14 réintroduit le caractère automatique de la peine complémentaire d'interdiction du territoire français, sauf décision contraire du juge, spécialement motivée, pour les personnes étrangères condamnées pour terrorisme.
L'amendement COM-14 est adopté.
L'amendement COM-15 est important. Il concerne des techniques complexes nécessaires aux services de renseignement, qui sont réclamées par la commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR). En gros, il s'agit de localiser en temps réel une personne suivie, en surveillant à qui elle téléphone, sans savoir ce qu'elle dit, où elle est, en temps réel...
pour le seul suivi d'un individu particulièrement soupçonné de préparer un mauvais coup, sur autorisation du Premier ministre, après avis de la commission nationale consultative, uniquement en matière de terrorisme, avec tous les contrôles prévus par la loi sur le renseignement.
L'amendement COM-15 est adopté.
L'amendement COM-16 concerne l'application du texte outre-mer. Je suggère toutefois de modifier son II afin de rendre également applicable le I de l'article 4.
Il en est ainsi décidé.
L'amendement COM-16 ainsi rectifié est adopté.
Intitulé du projet de loi
L'amendement COM-17 modifie l'intitulé du projet de loi pour tirer la conséquence des articles additionnels introduits à l'Assemblée nationale et par notre commission.
L'amendement COM-17 est adopté.
La question posée est simple : voulons-nous prolonger l'état d'urgence ? Notre réponse est attendue par tout le pays, et elle sera positive. Nous voterons ce texte en commission et en séance publique. Pour autant, nous avons exprimé notre désaccord avec les quatre amendements COM-8, COM-9, COM-11 et COM-13, que nous n'entendons pas, par ce vote, cautionner.
J'ai exprimé mon désaccord avec quelques amendements. Je ne pourrai donc pas voter ce texte, et je réunirai mon groupe avant la séance publique. S'il a, tout comme le projet initial du Gouvernement, une vertu médiatique, face à l'émotion légitime voire à la révolte de nos concitoyens, ce texte ne répond aucunement à la véritable question, qui est de savoir si nos services de sécurité et de renseignement ont les moyens matériels et humains nécessaires, pour faire correctement leur travail, dans les jours, les semaines et les mois qui viennent. L'on nous répondra peut-être que c'est un autre débat, c'est pourtant le débat de fond. Nous répondons aux chaînes d'information en continu, à certains articles de presse, mais ne résolvons, avec ce texte, aucun des problèmes de fond.
En effet, ce n'est pas sur ce texte, ni sur la législation, que reposera principalement le rétablissement de la sécurité face au terrorisme. Pour autant, nous cherchons à donner le plus d'armes possible - dans le cadre de l'État de droit - au Gouvernement et à ses services, afin qu'ils assurent une meilleure protection des Français.
Après le drame horrible du 14 juillet, une nouvelle prorogation de l'état d'urgence est-elle nécessaire ? Je ne le crois pas, comme je l'ai dit à Matignon, et comme mon groupe l'a estimé ce matin à l'unanimité. Ce texte suscite des surenchères politiciennes sans rapport avec ce qui s'est passé le 14 juillet. Nous ne le voterons pas, pour des raisons de fond que nous expliquerons en séance publique : il y avait d'autres options.
À Roubaix, j'ai senti un immense rejet de la classe politique, tous bords confondus, ainsi qu'une contestation du Président de la République et de ces commémorations. Nos concitoyens appellent à davantage de cohésion de la classe politique. À cet égard, le travail fourni par le rapporteur n'appelle pas de contestation de ma part. Nous devrons toutefois corriger certains éléments, lors de la commission mixte paritaire, loin des médias, car ils sont irréalistes.
L'article 2, alinéa 9, prévoit ainsi que « l'autorité administrative demande, dès la fin de la perquisition, au juge des référés du tribunal administratif d'autoriser leur exploitation » et qu'« au vu des éléments révélés par la perquisition, le juge statue dans un délai de vingt-quatre heures. » Ayant été garde des sceaux, monsieur le rapporteur - ou membre éminent du Conseil d'État, monsieur le président - vous savez bien que c'est impossible !
Nous ne sommes pas insensibles à vos propos. Le rapporteur ne manquera pas de se pencher sur cette question : pour être utiles, nous devons veiller à ce que le moindre détail pratique soit réglé. Le texte ne sera pas refermé par le vote du Sénat. Nous vérifierons, le plus tôt possible, si ce délai de vingt-quatre heures peut être tenu...
Quelques jours avant le 14 juillet, j'avais soulevé, lors d'une séance de questions orales, le problème des moyens dont disposent les petites communes pour assurer la sécurité, puisque le maire est responsable de la sécurité dans sa commune. La réponse de Mme Pompili, qui connaît sans doute bien le sujet, m'avait pourtant laissé perplexe. Ce texte apporte-t-il des améliorations à cet égard ? Les communes qui ont une police municipale ne verront pas leurs moyens s'accroître, et celles qui n'en ont pas bénéficieront peut-être de la police nationale, si le préfet interdit d'autres manifestations...Je sais que ce n'est pas l'objet premier de ce projet de loi, mais pourriez-vous tout de même nous éclairer, monsieur le rapporteur ?
J'organise ce samedi un feu d'artifice qui rassemble chaque année plusieurs milliers de personnes dans ma commune. Outre la police municipale, nous aurons recours à des sociétés de sécurité privées, avec des maîtres-chiens. Nous avons demandé au préfet des moyens supplémentaires, il n'en a pas. Si nous votons cette loi, il pourra interdire le feu d'artifice, mais elle ne nous donnera pas de moyens supplémentaires - sur ce point, M. Mézard a raison. Et si nous annulons tout, les terroristes ont gagné...
S'il appartient aux maires d'assurer la sécurité sur des manifestations publiques sur le territoire de leur commune, la lutte contre le terrorisme ne relève que de l'État. C'est au préfet de prendre la responsabilité d'interdire la manifestation, s'il estime, au nom de l'État, ne pas pouvoir disposer des moyens nécessaires à assurer la sécurité au regard de son évaluation de la menace, au regard du risque terroriste, qui ne saurait retomber sur les épaules du maire.
La loi de 1941 a nationalisé la police : la police municipale n'a de compétences que dans le cadre des pouvoirs de police du maire.
J'entends bien, mais considérons les conséquences. Aucun préfet n'estimera que la sécurité est parfaitement assurée. Un hebdomadaire affirmait ce matin que la circulation des poids lourds était interdite à Nice, par décision municipale. La seule façon de l'empêcher était de disposer un fourgon sur la chaussée et un autre sur le trottoir. On peut répondre inlassablement...
Un appel m'a signalé ce matin un « son et lumière » en grande difficulté financière, car le public ne vient plus. Les Français ne supportent plus que nous nous renvoyions la balle, perpétuellement, entre le préfet, le maire, les parlementaires...
Nous sommes tous face à nos responsabilités. Arrêter tout, c'est, en effet, monsieur le rapporteur, donner la victoire aux terroristes. Nous devons faire le maximum pour nous prémunir, tout en sachant que le risque zéro n'existe pas. Les polémiques stériles détournent les Français de la politique, et ne favorisent qu'un seul parti, que vous connaissez tous.
À l'issue de ce débat, la commission adopte le texte dans la rédaction issue de ses travaux.
S'il y a des amendements « extérieurs », je réunirai la commission cet après-midi aussitôt après la discussion générale.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion est levée à 11 h 10