Catherine Di Folco est désignée rapporteur sur le projet de loi organique n° 3583 (A.N., XVe lég.) relatif aux délais d'organisation des élections législatives et sénatoriales (procédure accélérée) et le projet de loi n° 3584 (A.N., XVe lég.) relatif aux délais d'organisation des élections municipales partielles et des élections des membres des commissions syndicales (procédure accélérée) (sous réserve de leur transmission).
Nous examinons maintenant le rapport de Thani Mohamed Soilihi sur les crédits de la mission « outre-mer ».
Les effets de la crise de la covid-19 ont été et sont encore très importants sur les économies ultramarines. Cela constitue un facteur supplémentaire de ralentissement de la convergence entre les économies ultramarines et celle de l'Hexagone. Dans ce cadre, la mission « outre-mer » est cette année encore pertinente, puisqu'elle vise à un rattrapage entre les outre-mer et la moyenne nationale.
Cette mission est, de façon récurrente, sous-exécutée : chaque année, les crédits consommés sont largement inférieurs aux crédits qui sont attribués en loi de finances. Cette situation tient au manque d'ingénierie des partenaires de l'État et de l'État lui-même sur ces territoires, aux difficultés financières de ces mêmes partenaires, au calendrier des commissions de validation des projets, qui se déroulent principalement au second semestre, et, en 2020, à la crise sanitaire
Après plusieurs années de sous-exécution, le ministère paraît conscient désormais de ce problème et prêt à y faire face. Un rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) a été rendu sur le sujet en avril dernier. En conséquence, le budget pour 2021 fait état d'un effort d'amélioration du pilotage budgétaire de la mission. Ainsi, les crédits de paiement pour 2021 sont ajustés à ce qui devrait être effectivement dépensé, en fonction de l'avancée des différents projets. Parallèlement, 70 % des crédits de la mission devraient être disponibles dès janvier, afin que les réunions des commissions de validation des projets puissent avoir lieu plus tôt dans l'année.
Cet effort de sincérisation des crédits est positif : il permet de disposer d'une vision plus crédible de la conduite des politiques de la mission « outre-mer ». Je nous invite toutefois à être vigilants afin que cela ne conduise pas à terme à une diminution de l'ambition budgétaire pour nos territoires ultramarins.
Ce n'est pas le cas dans le budget qui nous est présenté aujourd'hui : les crédits alloués à la mission « outre-mer » augmentent nettement, de 6,39 % en autorisations d'engagement et de 2,64 % en crédits de paiement. La programmation des crédits pour 2021 est marquée par un effort de relance à la suite de la crise de la covid-19, qui se traduit par des mesures nouvelles et un effort significatif en matière de construction et de rénovation des infrastructures, de soutien à l'emploi et à la formation, et d'accompagnement des collectivités territoriales.
En matière de construction et de rénovation des infrastructures, l'année prochaine sera la deuxième année de mise en oeuvre du plan logement outre-mer 2019-2022 : le projet de loi de finances pour 2021 prévoit une progression de 8 % des crédits mobilisables pour de nouveaux projets. Cela permettra de poursuivre la mise en oeuvre du plan et d'accompagner les stratégies territoriales des établissements publics fonciers et d'aménagement de Guyane et de Mayotte.
Un effort conséquent est également fait en faveur des constructions scolaires : plus de 13 millions d'euros supplémentaires sont destinés à compléter l'enveloppe budgétaire consacrée à la construction des établissements scolaires du premier degré à Mayotte, pour lesquels un total de 23 millions d'euros sera disponible en 2021 ; 17 millions d'euros supplémentaires en autorisations d'engagement sont destinés à la rénovation du lycée de Wallis-et-Futuna.
En matière de soutien à l'emploi et à la formation, 84 % des crédits du programme « emploi outre-mer » et 58 % des crédits de la mission sont, cette année encore, destinés à compenser les exonérations de charges patronales accordées aux entreprises ultramarines. Le projet de loi de financement pour la sécurité sociale a été l'occasion d'étendre le régime de compétitivité renforcée au secteur de l'audiovisuel. Après une année 2019 marquée par la mise en oeuvre progressive de la réforme et une année 2020 affectée par la crise et le fort recours à l'activité partielle, nous devrions pouvoir obtenir une évaluation de la réforme de 2019 en 2021.
Le service militaire adapté (SMA) a de nouveau montré toute sa pertinence lors de la crise sanitaire. Le niveau d'insertion a certes baissé en 2020, mais il demeure à un niveau très élevé et devrait avoisiner les 74 % à la fin de l'année. Les régiments du SMA ont pu être mobilisés dans le cadre de la gestion de la crise épidémique. Ces bons résultats justifient qu'un effort permanent soit mené afin que le dispositif demeure de qualité et en adéquation avec les enjeux de chaque collectivité ultramarine.
En ce qui concerne l'accompagnement des collectivités ultramarines, troisième priorité du budget outre-mer pour 2021, des efforts sont prévus pour l'aide à l'équipement des territoires. Cela passe par les contrats de convergence et de transformation, qui visent à réduire significativement et durablement les écarts de développement en matière économique, sociale et environnementale. En 2021, plus de 188 millions d'euros sont prévus en autorisations d'engagement et plus de 128 millions d'euros en crédits de paiement au titre de ces contrats. L'aide à l'équipement des territoires passe également par le fonds exceptionnel d'investissement, qui voit ses crédits maintenus à un niveau élevé. C'est conforme aux engagements pris par le Gouvernement lors de la réforme des dépenses fiscales destinées aux outre-mer en 2019.
Des actions fortes devraient également être menées afin d'accompagner les collectivités dans la conduite de leurs projets. Des plateformes d'aide à l'ingénierie à destination des collectivités territoriales ont vu le jour cette année à Mayotte et en Guyane. Une première évaluation de ces plateformes démontre leur efficacité, puisque des projets ont été réactivés et d'autres lancés sur ces deux territoires. Une première estimation fait apparaître que la consommation des crédits de la mission « outre-mer » pour l'année 2020 devrait être largement meilleure qu'habituellement pour Mayotte et la Guyane.
Par ailleurs, et à la suite du rapport de nos collègues Patient et Cazeneuve sur les finances locales en outre-mer, un amendement adopté à l'initiative du Gouvernement par l'Assemblée nationale est venu ajouter aux crédits de la mission « outre-mer » 30 millions d'euros en autorisations d'engagement et 10 millions d'euros en crédits de paiement. Ces crédits supplémentaires ont vocation à mettre en oeuvre un nouveau type de contrats pour accompagner les collectivités en difficulté financière. J'y suis tout à fait favorable, car ces nouveaux contrats permettront de multiplier les outils d'aide à l'ingénierie dont disposent les collectivités ultramarines, sans introduire de mécanismes punitifs.
Pour terminer, je souhaite vous rappeler que les crédits portés par la mission « outre-mer » ne constituent qu'un dixième environ de l'effort total de l'État en faveur des territoires ultramarins. Il s'agit des actions spécifiques de l'État dans les outre-mer, chaque ministère étant par ailleurs chargé de la mise en oeuvre de ses politiques sur l'ensemble du territoire français, outre-mer compris. Ainsi, l'effort global de l'État en faveur des territoires ultramarins en 2021 représenterait 24,47 milliards d'euros en AE et 24,13 milliards d'euros en CP, parmi lesquels 1,5 milliard d'euros devrait provenir de plan de relance, ce qui correspond au poids des territoires ultramarins dans l'économie française.
L'ensemble de ces éléments me conduisent donc à vous proposer de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
Je suis inquiet pour l'avenir de nos collectivités d'outre-mer sur les plans politique, social et économique. J'aimerais élargir notre discussion aux dépenses des caisses d'allocations familiales et à celles liées au revenu de solidarité active (RSA) sur ces territoires. La sous-consommation chronique des crédits budgétaires doit nous alerter sur les capacités de l'État et des collectivités territoriales ; la sous-administration des collectivités ultramarines est inquiétante compte tenu de la gravité de la situation sociale et économique, mais aussi eu égard à la situation de l'immigration à Mayotte et à La Guyane.
Il faut distinguer les départements et régions d'outre-mer des autres collectivités d'outre-mer. La présentation budgétaire mélange tout, alors que certaines mesures dont on parle ne sont pas applicables ailleurs que dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution. Je reste, en réalité, très réservée sur ces crédits.
Le bleu budgétaire vante les contrats de convergence, mais je n'ai rien vu pour la Polynésie française. Vous évoquez le service militaire adapté - il est devenu une école de la troisième chance -, mais son image a été ternie l'an passé en Polynésie française par une affaire de viol sur une élève dans les îles Marquises, et son auteur a été condamné. Il serait bien de voir ce qui se passe précisément dans le Pacifique, notre commission pourrait y consacrer une mission d'information. Trop souvent, les outre-mer sont rangés dans un même ensemble, alors que les situations y sont très différentes et les compétences des collectivités aussi. On nous renvoie souvent à notre statut plus autonome de collectivités d'outre-mer, mais le principe de solidarité vaut pour la nation tout entière, il ne doit pas s'arrêter à telle ou telle considération d'organisation juridique.
La sous-administration outre-mer est en effet bien réelle. Des différences, du reste, existent entre collectivités ultramarines. Par exemple, à population équivalente, Mayotte compte 40 % d'administration étatique en moins que la Guyane.
Concernant la distinction entre la situation des collectivités de celles des départements et régions d'outre-mer, la mission « outre-mer » est globale, il est donc difficile d'indiquer les dépenses par territoire. Je peux toutefois vous assurer que la Polynésie française n'a pas été oubliée, et si j'insiste sur certains territoires, c'est parce qu'ils sont très en retard.
Il n'y a pas eu de mission évaluant l'impact de la crise sanitaire outre-mer, je demanderai une telle mission au président de notre commission.
Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s'abstient, pour poursuivre ses réflexions.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « outre-mer ».
À titre liminaire, je tiens à saluer l'engagement et la réactivité des agents publics : ils assurent la continuité du service alors que nous traversons une crise sanitaire sans précédent. Notre pays compte 5,56 millions d'agents publics, dont 21 % dans les hôpitaux, 35 % dans les collectivités territoriales et 44 % dans l'administration de l'État. Le Gouvernement ne sait pas combien d'entre eux ont été touchés par la covid-19. J'espère que nous aurons cette information prochainement.
Nous avons voté, à l'été 2019, la loi de transformation de la fonction publique. Or, si 95 % des décrets ont été publiés, il manque encore des textes d'application importants, en particulier sur la santé au travail, l'accès à la haute fonction publique et les autorisations spéciales d'absence.
Je crois que l'on peut dire désormais de façon certaine que le Gouvernement a renoncé à ses objectifs de réduction des effectifs de l'État, alors que l'objectif annoncé en 2017 était de supprimer 50 000 postes sur le quinquennat, puis 10 500 postes à l'issue du grand débat national. Le projet de loi de finances (PLF) pour 2021 propose de supprimer 157 équivalents temps plein (ETP) ; compte tenu des 26 883 ETP créés depuis 2018, il faudrait, ne serait-ce que pour atteindre l'objectif le moins élevé du Gouvernement, supprimer près de 8 500 postes en 2022, ce qui n'est guère crédible.
L'effort devrait porter cette année, une fois encore, sur les opérateurs, seuls 11 ETP étant supprimés dans les ministères. Les secteurs régaliens et l'enseignement supérieur seraient préservés, les suppressions de postes portant principalement sur les finances, la transition écologique et le travail. Le ministère de la santé et ses opérateurs bénéficieraient de 76 ETP supplémentaires, ce qui peut paraître faible au regard de leur mobilisation pour faire face à la crise sanitaire.
Au total, seuls 2 065 ETP seraient supprimés dans l'administration de l'État depuis 2018. Les difficultés du Gouvernement pour maîtriser les effectifs ont donc commencé bien avant la crise sanitaire. En réalité, je vous en parle depuis trois ou quatre ans. Du reste, l'agence de reconversion des agents de l'État n'est toujours pas installée. Le Gouvernement a-t-il réellement l'intention de diminuer les effectifs dans la fonction publique ? Lors de son audition, Amélie de Montchalin nous a dit qu'elle n'était pas la ministre des effectifs, mais celle de la qualité du service au public...
S'agissant de l'organisation de l'État, le Gouvernement souhaite renforcer la déconcentration, un objectif confirmé par des circulaires en juillet 2018 et en juin 2019 : le Premier ministre s'est engagé à ce que toutes les créations d'emplois autorisées pour l'an prochain soient affectées, sauf exceptions justifiées, dans les services départementaux de l'État et aucune dans les administrations centrales.
La masse salariale de l'État atteint 91,20 milliards d'euros dans ce PLF pour 2021 : malgré le gel du point de l'indice de la fonction publique, elle augmente de 1,45 milliard d'euros par rapport à la loi de finances 2020, à cause du glissement vieillesse-technicité (GVT) et des mesures catégorielles. L'effet des créations de postes, lui, ne compte que pour 100 millions d'euros dans cette augmentation.
Depuis 2014, pour harmoniser les primes des agents, l'État développe le régime indemnitaire tenant des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel (RIFSEEP), qui s'applique également aux collectivités territoriales. Ce régime s'articule autour de deux composantes : l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (IFSE), fixée selon la nature des fonctions exercées par l'agent, et un complément indemnitaire annuel (CIA), qui valorise l'engagement professionnel.
La généralisation du RIFSEEP dans les services de l'État était prévue en 2017 ; nous sommes en 2020, l'objectif n'a pas été atteint et ne le sera pas, puisque le Gouvernement a abandonné tout projet de planification. Il a abrogé le calendrier de déploiement du régime et supprimé l'indicateur budgétaire correspondant. Il s'agit d'un coup d'arrêt regrettable, d'autant que le RIFSEEP n'intègre toujours pas la valorisation des résultats d'un service, qui me semble pourtant très importante pour assurer la cohésion des équipes.
Le RIFSEEP n'exclut pas l'attribution d'autres primes, notamment la prime « covid-19 » versée aux agents ayant garanti la continuité des services publics pendant la crise sanitaire. Cette nouvelle prime a été versée à 162 852 agents de l'État au 30 septembre 2020, ce qui représente un coût de 97,13 millions d'euros, avec des situations très hétérogènes en fonction des ministères : certains n'ont pas - du moins, pas encore - utilisé l'enveloppe ou ont préféré utiliser des primes déjà existantes ; d'autres, au contraire, ont dépassé le plafond. Nous serons vigilants sur le sujet et redemanderons, au début de l'année prochaine, des chiffres actualisés. L'engagement des agents publics doit être valorisé à sa juste mesure, comme le Gouvernement s'y est engagé.
Sur le plan budgétaire, le programme 148 « Fonction publique » finance les actions interministérielles en matière de formation à hauteur de 39 % du programme, d'action sociale à hauteur de 58 % et de gestion des ressources humaines, pour 3 %. Malgré son intitulé générique, il n'intervient qu'en complément des initiatives de chaque ministère.
En 2021, ce programme intègre une nouvelle mission « Transformation et fonction publiques ». Il s'établit à 224,37 millions d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse notable de 6,87 % par rapport à l'exercice 2020.
Concernant le volet formation, plus de 80 % des crédits sont destinés aux instituts régionaux de formation (IRA) et à l'École nationale d'administration (ENA). Cette année, il convient de noter le nouvel effort pour développer les classes préparatoires intégrées (CPI). Il existe aujourd'hui 27 CPI, qui comptent 714 élèves et accompagnent les étudiants et les demandeurs d'emploi de condition modeste dans la préparation des concours administratifs.
Afin de renforcer les CPI, le Gouvernement propose de créer 1 000 places supplémentaires - pour un coût évalué à 7 millions d'euros en CP - et de doubler le montant de l'allocation pour la diversité. On peut toutefois regretter que le modèle des CPI ne soit pas étendu à la fonction publique territoriale, dans laquelle il conviendrait d'encourager la diversification des profils. Le Gouvernement et le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) échangent depuis plusieurs années sur le sujet, sans résultat pour l'instant.
S'agissant du volet « action sociale » du programme 148, il finance neuf prestations dont l'objectif consiste à améliorer les conditions de vie des agents en matière de restauration, de logement, d'accès aux loisirs et de prise en charge de la petite enfance. Afin de financer les engagements pris par le Gouvernement lors du rendez-vous salarial de 2020, cette enveloppe augmente de 5,3 millions d'euros dans le PLF pour 2021. Seul le nombre de chèques-vacances diminuerait, sans doute en raison de la crise sanitaire.
Toutefois - chaque année, je vous dis la même chose -, les coûts de gestion de l'action sociale interministérielle restent élevés, à hauteur de 5,26 %. Pour rémunérer les prestataires extérieurs de cette administration, le coût total s'élève à 6,85 millions d'euros.
Je voudrais maintenant attirer votre attention sur l'apprentissage, qui reste encore sous-développé dans la fonction publique. L'administration emploie environ 5 % des apprentis, alors que l'État, les collectivités territoriales et les hôpitaux représentent près de 20 % des actifs. Les problèmes de débouchés demeurent : à l'exception des agents de catégorie C, les apprentis doivent passer un concours pour être titularisés à leur poste. Seuls 10 % des apprentis du secteur public intègrent l'administration après l'obtention de leur diplôme, le plus souvent en contrat à durée déterminée (CDD).
Pour rappel, la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique permet aux employeurs de titulariser les apprentis en situation de handicap. Le Sénat avait adopté un amendement prévoyant cette expérimentation, qui doit se poursuivre jusqu'en 2025. Nous veillerons à en évaluer les résultats.
L'État s'était fixé comme objectif d'employer 10 000 apprentis dès la rentrée 2016. En 2017, nous avions presque atteint l'objectif et, aujourd'hui, le chiffre s'avère en net recul : en 2019, les ministères et leurs opérateurs ne comptaient que 7 078 apprentis.
L'État emploie 44 % des agents mais ne représente que 35 % des recrutements d'apprentis dans le secteur public. Les collectivités territoriales restent les premiers employeurs d'apprentis, avec près de 60 % des contrats conclus.
Pour mémoire, la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a apporté une nouvelle source de financement aux collectivités territoriales : le CNFPT prend en charge 50 % des frais de formation des apprentis pour les contrats conclus après le 1er janvier 2020. À l'époque, vous vous en souvenez peut-être, cela avait agacé le CNFPT, qui craignait de ne pas pouvoir financer cette nouvelle compétence. L'État s'est penché sur la question et un mécanisme de compensation partielle a été mis en place pour éviter des conséquences trop lourdes sur le budget de l'établissement : chaque année, le Gouvernement fixera un plafond de financement pour le CNFPT, les dépenses supplémentaires étant prises en charge par l'organisme France compétences. Sachant qu'un certain nombre d'apprentis n'intègrent pas la fonction publique et sont ensuite employés dans le secteur privé, cette prise en charge d'une partie de la formation des apprentis par le secteur privé n'est pas incohérente.
Ce mécanisme de compensation pourrait être activé dès 2021 afin de stabiliser l'apport annuel du CNFPT à hauteur de 25 millions d'euros. Ce dernier indique que son déficit pourrait atteindre 6 millions d'euros en 2021, avec le risque d'une nouvelle dégradation au cours des années suivantes ; il estime que ses réserves budgétaires seront consommées dès 2024, ce qui lui imposerait de recourir à l'emprunt.
Si les collectivités territoriales font figure de bons élèves, l'État, quant à lui, a pris du retard concernant l'apprentissage, alors même que la France n'a jamais compté autant d'apprentis : à la fin de l'année 2019, secteurs privé et public confondus, 491 000 contrats d'apprentissage étaient en cours, soit une hausse de 16 % par rapport à l'année 2018.
En juillet 2019, le Premier ministre a publié une circulaire afin de relancer la dynamique des recrutements d'apprentis dans la fonction publique de l'État. L'objectif - très largement hors d'atteinte - était alors de recruter 11 129 apprentis en 2020.
Comme l'année dernière, je tiens à pointer le manque de coordination entre les ministères. En l'absence de cadrage national, chaque ministère doit négocier les conditions de prise en charge de ses apprentis avec les centres de formation d'apprentis (CFA), ce qui constitue une perte d'efficacité notable.
Je regrette également la suppression de la dotation interministérielle pour le financement de l'apprentissage : depuis 2019, la rémunération et la formation des apprentis sont directement prises en charge par les budgets des ministères, ce qui nuit à la lisibilité et à la dynamique de cette politique.
Pour l'État, l'apprentissage représente aussi un enjeu financier. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a entraîné une forte augmentation du coût de formation. En cohérence avec les niveaux de prise en charge déterminés par les branches professionnelles du secteur privé, ce coût est passé de 5 000 euros par an et par apprenti en 2018 à 6 500 euros en 2019.
En conséquence, je vous propose un amendement pour créer une dotation interministérielle de 15 millions d'euros, sur l'exemple de ce que prévoyaient les lois de finances de 2016 à 2018. L'enveloppe était alors plus importante - elle atteignait les 30 millions d'euros - mais les règles de recevabilité financière des amendements nous empêchent d'aller au-delà. Cette dotation aurait pour objet d'inciter les ministères à recruter des apprentis en prenant en charge une partie de leur rémunération et de leurs frais de formation.
Au bénéfice de toutes ces explications, je vous propose d'émettre un avis favorable sur les crédits du programme 148 « Fonction publique ».
La diminution du nombre de fonctionnaires ne représente pas « l'alpha et l'oméga » d'une politique, mais j'aimerais disposer d'une étude comparative avec nos pays voisins, notamment en ce qui concerne le temps de travail. Si l'on augmente de 10 % le temps de travail, peut-être pourrait-on baisser de 10 % le nombre de fonctionnaires.
La fonction publique territoriale est celle qui recrute le plus. Je m'interroge sur les conséquences de certaines lois que nous avons votées - je pense notamment à la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Ainsi, après avoir rassemblé la communauté de communes et le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM), on s'est aperçu que cela coûtait plus cher... En effet, lorsqu'il s'agit de ramasser les ordures ménagères en milieu rural, sur des étendues aussi grandes, il est nécessaire de disposer de cadres intermédiaires pour organiser et surveiller le travail. Sans même parler de l'agrandissement des régions. Quelles sont les conséquences de telles lois ? Et quelles sont également les conséquences, pour les conseils départementaux, de la prise en charge des mineurs non accompagnés (MNA) ? Tout cela pèse sur les finances des départements, et ces dépenses ne sont jamais compensées par l'État...
Je suggère que la commission réalise, dans l'année, un panorama des modes de recrutement pratiqués dans la fonction publique.
Nous restons fidèles à l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (DDHC) : on n'accède aux offices publics qu'en fonction de son talent et de son mérite. Mais le concours me semble, en réalité, être devenu une exception. Il ne s'applique ainsi pratiquement pas pour la catégorie C, qui représente 60 % des recrutements dans la fonction publique. Il serait utile de connaître l'ampleur de ces modes rénovés de recrutement et aussi de vérifier qu'ils préservent les garanties élémentaires d'égal accès à la fonction publique et d'objectivité du choix.
Madame le rapporteur, quelle est votre réflexion sur la suspension du jour de carence au printemps dernier et sur « la suspension de cette suspension » pendant le deuxième confinement ?
Par ailleurs, l'augmentation des crédits favorisant la diversification des profils dans la fonction publique me semble bénéfique. Au regard du rapport rendu par Frédéric Thiriez, on observe toutefois des points de vue changeants de la part du Gouvernement. Il serait bien de parvenir à une stabilité, mais peut-être est-ce trop demander.
La question n'est pas d'être simplement une « ministre des effectifs ». Mais, dans les ministères comme dans la fonction publique territoriale, la qualité du travail et le bien-être des agents sont aussi liés au nombre de fonctionnaires pleinement disponibles.
Dans ce rapport, je relève également les enjeux de la formation. Le groupe communiste républicain citoyen et écologiste ne défend pas, par principe, la réduction des effectifs publics. Nous devons sans doute repenser les affectations pour un certain nombre de postes. Sans vouloir figer les méthodes de travail dans le temps, et au regard de l'évolution de la société ces dernières années, il apparaît nécessaire de maintenir un nombre important d'agents publics au plus près des territoires de la République.
Enfin, je voudrais attirer votre attention sur le coût de l'apprentissage pour les collectivités territoriales. Un certain nombre d'élus dans mon département m'ont alertée sur le fait qu'ils étaient obligés de réduire le nombre d'apprentis, notamment pour des raisons financières. Si les acteurs publics n'ont plus recours à l'apprentissage, beaucoup de jeunes seront privés de la possibilité de valider leur formation.
Mon groupe ne votera pas les crédits alloués à cette mission, qui, en l'état, nous semblent en deçà des besoins de la France.
Je félicite Mme le rapporteur pour la qualité de son travail. J'ai été frappée, comme Cécile Cukierman, par les propos de la ministre disant que la qualité du service rendu ne dépendait pas directement des effectifs. Ces propos doivent être, si j'ai bien compris, modulés en fonction du contexte.
Dans nos collectivités territoriales, nous connaissons bien les problèmes de coûts de fonctionnement. La contrainte suscitant l'imagination, nous arrivons à rendre des services et à réorganiser le travail.
Vous avez évoqué une augmentation du nombre de postes concernant les services sanitaires. Cela concerne-t-il des postes administratifs ou de soignants ? Nous savons, par exemple, que la principale comorbidité, s'agissant de la covid-19, est l'obésité. Pour un patient obèse, il faudra toujours deux aides-soignants afin de lui prodiguer des soins ; la qualité de soins dépend donc des effectifs du service...
Alain Marc propose une étude comparative avec les pays voisins ; cela peut être l'objet d'un travail complémentaire, sachant que des études ont déjà été demandées dans le cadre de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique.
Concernant l'impact de la prise en charge des mineurs non accompagnés sur les finances des conseils départementaux, je ne peux pas vous répondre ; le programme 148 ne traite que de la fonction publique de l'État. Peut-être faudra-t-il reposer la question au moment de la présentation du rapport de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Alain Richard propose la réalisation d'un panorama des modes de recrutement dans la fonction publique. Il s'agit, effectivement, de quelque chose d'intéressant. Vous avez raison de souligner que la voie des concours devient minoritaire. Vous avez évoqué la garantie élémentaire d'égalité d'accès : pour les agents contractuels, la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique prévoit qu'une commission de recrutement évalue la valeur professionnelle des candidats.
Jean-Pierre Sueur, la suspension du jour de carence a été mise en place en raison de la crise sanitaire : il paraissait difficile de le maintenir pendant le premier confinement. En amont de la crise, le jour de carence a toutefois eu des effets sur l'absentéisme dans la fonction publique. Ne l'oublions pas.
Les préconisations du rapport de Frédéric Thiriez n'ont, pour l'instant, pas été mises en application. Nous attendons l'ordonnance sur la haute fonction publique pour le début de l'année prochaine.
Cécile Cukierman, je comprends votre lien entre le bien-être des agents et la qualité du service rendu. Là encore, nous attendons toujours une ordonnance sur la santé au travail.
Concernant le coût de l'apprentissage pour les collectivités territoriales, je suis d'accord avec vous. Toutes les communes ne sont peut-être pas informées du fait que la moitié du coût de formation est prise en charge par le CNFPT. Cela dit, le coût de rémunération des apprentis demeure, sans compter l'investissement par rapport aux maîtres d'apprentissage.
Enfin, Marie Mercier, l'augmentation du nombre de postes dont je parlais dans le secteur sanitaire concerne 76 ETP supplémentaires pour le ministère de la santé et ses opérateurs, qui relèvent de la fonction publique de l'État. Nous n'avons pas encore les chiffres pour la fonction publique hospitalière.
Nous devons maintenant statuer sur l'amendement présenté par notre rapporteur.
Comme évoqué lors de ma présentation liminaire, l'amendement II-329 propose de créer une dotation interministérielle de 15 millions d'euros pour développer l'apprentissage dans la fonction publique de l'État. Ce dispositif s'inspire de ce que prévoyaient les lois de finances de 2016 à 2018.
L'amendement II-329 est adopté.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Transformation et fonction publiques », sous réserve de l'adoption de son amendement.
La réunion, suspendue à 10 h 15, est reprise à 14 h 30.
Comme chaque année lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF), la commission des lois vous reçoit, madame la ministre, dans le cadre de ses travaux sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».
Permettez-moi d'attirer votre attention sur deux points. Nous sommes très attentifs, d'une part, à la diminution du montant des impositions économiques dont bénéficient les collectivités territoriales et à sa compensation par une part de TVA, qui modifient leur panier de ressources et, d'autre part, aux dispositifs de compensation et de soutien à l'investissement local prévus par l'État, qui suscitent, par leur niveau ou les modalités de leur attribution, des commentaires plus ou moins enthousiastes.
L'examen des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » s'inscrit dans un contexte exceptionnel, dont la première conséquence est de « casser les barrières » entre les différentes lois de finances et les diverses missions.
Les équilibres de la loi de finances pour 2020 ont déjà été sensiblement modifiés par les mesures de soutien adoptées dans les troisième et quatrième lois de finances rectificatives. En outre, la discussion budgétaire est marquée par le plan de relance, dans lequel les territoires vont jouer un rôle majeur. Enfin, je veux dire que ce n'est pas ici la fin de l'histoire : le Gouvernement continuera de surveiller attentivement la situation des finances locales ; nous avons institué des cadres de travail avec le bloc communal et l'Assemblée des départements de France (ADF) - j'y reviendrai si vous le souhaitez.
Ce PLF 2021 confirme les orientations respectées depuis plus de trois ans, au premier rang desquelles le renforcement des moyens accordés aux collectivités locales. Ainsi, les concours financiers augmenteront de 1,2 milliard d'euros, déduction faite des mesures de périmètre. Cette augmentation est rendue possible grâce à la stabilité des principales dotations versées depuis quatre ans, à savoir la dotation globale de fonctionnement (DGF), bien sûr, mais aussi des dotations d'investissement classiques comme la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).
Ce PLF consacre aussi de nouveaux moyens à destination des collectivités. Des crédits sont destinés à financer les mesures de soutien adoptées dans la loi de finances rectificative de juillet dernier : les crédits de paiement (CP) alloués à la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) exceptionnelle ainsi que les crédits nécessaires pour alimenter, en 2021, le « filet de sécurité » sur les recettes fiscales et domaniales de 2020. Par ailleurs, le fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) devrait connaître une progression de 546 millions l'année prochaine du fait de la très bonne tenue des investissements locaux en 2019 et au début de l'année 2020. En outre, au travers d'une mesure adoptée par l'Assemblée nationale, l'État soutiendra directement le fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux (FNPDMTO) entre départements, pour un coût estimé à 60 millions d'euros. Si le coût est supérieur, l'État compensera. Enfin, le Sénat examinera cette semaine un amendement du Gouvernement visant à garantir les fonds communaux de péréquation des DMTO, pour un coût compris entre 15 et 50 millions d'euros.
Pour soutenir l'investissement, la procédure de versement du FCTVA sera automatisée à partir de 2021 : nous passerons progressivement d'un système de remboursement sur la base de dossiers papier à un remboursement automatisé. La mise en oeuvre se fera de manière progressive pour vérifier que la nouvelle procédure fonctionne correctement et n'entraîne pas de surcoût par rapport au régime actuel. Elle ne concernera dans un premier temps que les collectivités dont les dépenses sont éligibles au FCTVA l'année de la dépense. Cette mesure me semble bienvenue, notamment pour les petites communes, qui sont souvent moins armées pour les tâches administratives.
En complément, nous proposons de renforcer la solidarité entre territoires dans la répartition de la DGF, cette solidarité étant plus que jamais à l'ordre du jour avec la crise que nous connaissons. La péréquation augmentera de 220 millions au total, soit 90 millions pour la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR) ; 30 millions pour la dotation d'intercommunalité et 10 millions pour la péréquation des départements. Cette solidarité bénéficiera aussi largement aux communes d'outre-mer, dont la trajectoire de rattrapage préconisée dans le rapport de Georges Patient et de Jean-René Cazeneuve sera accélérée.
Par ce PLF, il s'agit, comme chaque année, d'adapter les mécanismes de répartition des concours financiers pour tenir compte des réformes.
En l'occurrence, nous tenons notre engagement de rénover les modalités de calcul des indicateurs financiers pour tenir compte de la réforme de la fiscalité locale afin que celle-ci ne produise aucun effet de bord sur les dotations. Les paramètres inscrits dans ce PLF pourront tout à fait être rouverts - je propose qu'ils le soient l'année prochaine au comité des finances locales (CFL) et au Parlement avant l'entrée en vigueur du nouveau système en 2022.
Je veux répondre aux inquiétudes formulées quant aux mesures fiscales votées en première partie du PLF. Comme vous le savez, j'ai longtemps été élue locale. J'entends évidemment la préoccupation de ceux qui craignent que l'État ne remette en cause certains acquis ; je pense notamment aux compensations attribuées lors de la suppression ou de la diminution d'impôts locaux.
Il est tout à fait normal que l'engagement du Président de la République de supprimer la taxe d'habitation (TH) ait été tenu. Le schéma de compensation qui entrera en vigueur en 2021 a fait l'objet de longues concertations : les communes conservent leur levier de taux - d'ailleurs le Sénat l'avait approuvé l'année dernière. S'agissant de la réforme des impôts de production, que votre assemblée a d'ailleurs largement approuvée lors du vote de la première partie du PLF, je veux réitérer devant vous les engagements très clairs pris par le Gouvernement et au respect desquelles je veillerai personnellement : la compensation de la part régionale de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) est assurée par l'attribution d'une part de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ; la compensation passe, pour le bloc communal, par un nouveau prélèvement sur les recettes de l'État, dont vous avez voté la création en première partie.
On ne le dira jamais assez, ces compensations intégrales et dynamiques apportent des garanties sans commune mesure avec les mécanismes figés que nous avions jusqu'alors, à l'image du fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR), mis en oeuvre après la suppression de la taxe professionnelle. Ces mesures témoignent de l'importance que nous accordons aux préoccupations financières des élus locaux depuis le début du quinquennat.
Votre audition, madame la ministre, nous permet d'évoquer des questions qui vont au-delà de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » stricto sensu. Cette mission a été examinée par la commission des finances la semaine dernière, et je présenterai mon rapport pour avis à la commission des lois demain matin. J'aborderai trois sujets.
Dans le cadre des perspectives des finances locales, les contrats dits « de Cahors » ont été suspendus en raison de la crise sanitaire. Une loi de programmation des finances publiques sera prochainement présentée au Parlement. Envisagez-vous une refonte ou un abandon de ce dispositif contractuel ? Avec la crise sanitaire et économique, il importe de savoir comment nous pourrons aborder les choses.
Ainsi que l'a évoqué le président François-Noël Buffet, permettez-moi de revenir sur les impôts économiques, sur lesquels les collectivités territoriales ont partiellement la main. Nous sommes particulièrement vigilants sur la question de l'autonomie financière et de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Quid, à cet égard, de l'article 4 de la proposition de loi organique pour le plein exercice des libertés locales, que le Sénat a adopté il y a quelques semaines et qui tend à redéfinir les ressources propres dont disposent les collectivités territoriales ?
Enfin, les modalités de répartition de la DETR en enveloppes départementales ont fait l'objet d'un rapport de notre collègue députée Mme Pires Beaune, qui propose de premières pistes mais évoque aussi les difficultés d'une réforme d'ampleur en la matière. Quelles conclusions envisagez-vous d'en tirer afin de faire en sorte que la DETR soit recentrée sur les territoires ruraux ?
La mission « Relations avec les collectivités territoriales » totalise 3,8 milliards d'euros sur les quelque 105 milliards prévus au titre des transferts de l'État vers les collectivités territoriales.
Je ne contesterai pas les chiffres donnés par Mme la ministre ; des efforts importants sont consentis pour ce qui concerne les investissements. On verra ce qu'il en sera du filet de sécurité créé pour faire face à la pandémie, car le diable se cache dans les détails.
Je veux m'appesantir sur les grandes articulations du système des finances locales. Le produit de la fiscalité locale s'établit à quelque 95 milliards. Le manque à gagner sera grosso modo de 35 milliards avec la suppression ou l'exonération de la taxe d'habitation et la baisse des impôts de production. Même si vous avez indiqué, madame la ministre, que vous avez pris rendez-vous avec des associations d'élus, on voit très bien que notre système ne peut plus fonctionner comme avant, alors qu'une part croissante d'impôts nationaux est intégrée dans le panier de ressources des collectivités territoriales. De la même manière, on peut s'interroger sur la place du Parlement. Oui à la concertation, mais c'est tout de même le Parlement qui vote l'impôt.
La péréquation n'est pas forcément au rendez-vous. La péréquation horizontale du bloc communal est fixée depuis quelques années à 1 milliard d'euros ; la péréquation verticale, quant à elle, se fait sur l'enveloppe normée. Peut-être est-il temps de réviser le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), afin d'en lisser les effets ?
Même si les termes de l'article 72-2 de la Constitution seront toujours respectés, quid de l'autonomie financière des collectivités ? Les régions ne pourront actionner leur levier fiscal que sur 10 % de leurs recettes, les départements sur un tiers et le bloc communal 62 %. Compte tenu de l'attachement des Français et des élus au levier fiscal, qui est un lien entre le contribuable et la cité, si je puis dire, nous avons tous intérêt à réfléchir à l'impôt que nous devons conserver. En effet, lorsque tous les impôts territorialisés seront supprimés, il sera difficile d'en recréer d'autres.
Vous le savez, je suis très attaché à la mise en place d'une nouvelle gouvernance systémique - vous m'avez d'ailleurs demandé, madame la ministre, ce que recouvre cette notion. Le nouveau système prévoyant une grande part d'impôts nationaux, il nous faut redéfinir les rapports entre les collectivités, le Parlement et l'État, sauf à ne plus parler de libre administration des collectivités.
Telles sont les trois pistes sur lesquelles nous devrions mener une réflexion.
Les contrats dits « de Cahors » ont été suspendus en 2020 à cause de la crise. Cet outil a été utile et efficace. Mais il convient d'analyser à la fois le budget de l'État et celui des collectivités territoriales. Il importera de définir des outils de nature à associer les collectivités territoriales aux comptes publics, en choisissant les bonnes trajectoires : les dépenses de fonctionnement, les dépenses d'investissement, la prise en compte de l'endettement ? Nous devrons construire ces trajectoires avec les élus. Autrement dit, on n'est pas prêt à remettre en place les contrats « de Cahors » tels quels, si c'est ce que vous voulez m'entendre dire.
Sur les impôts de production, j'entends bien ce que vous dites. Toutefois, concernant le bloc communal, pour remettre les chiffres en perspective, on parle ici de 3,2 milliards de diminution sur un montant total de 43 milliards d'euros. Cette question pose effectivement le problème de l'autonomie fiscale et de l'autonomie financière des collectivités. Sont également mises en question les relations entre l'État et les collectivités territoriales. Comme Charles Guené l'a rappelé, certaines décisions ont renforcé la part de l'impôt national, notamment au détriment des régions et, dans une moindre part, des départements. Aussi, nous devons nous demander si nous ne devons pas repenser la gouvernance des relations entre l'État et les collectivités territoriales.
Quand il s'est agi de la suppression de la part régionale de la DGF, les régions n'ont pas hésité un seul instant à augmenter leur part de TVA. Selon moi, on ne peut pas considérer de la même manière, d'un côté, les régions et les départements et, de l'autre, le bloc communal, où l'attachement au levier fiscal est très important. Mais cela ne nous empêche pas de regarder ce qui se fait dans d'autres pays. En Allemagne, par exemple, les Länder n'ont pas d'autonomie fiscale, mais, chaque année, l'État et les collectivités débattent des dotations qui leur seront allouées. Or ce pays est fédéral.
Pour répondre à Charles Guené, j'ai bien parlé de la consultation des élus locaux et du Parlement. Autrefois, avec le cumul des mandats, bon nombre de parlementaires étaient aussi des élus locaux.
D'où la nécessité de consulter les associations d'élus parce qu'elles représentent les élus locaux.
Nous avons précisément la mission constitutionnelle de représenter les collectivités territoriales !
Monsieur Hervé, sur la DETR, l'amendement adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, à la suite du rapport de M. Cazeneuve et de Mme Pires Beaune, a introduit un critère de ruralité de la commune. Dans la répartition de la DETR, l'effet rural a été renforcé. Cette mesure répond à vos attentes - c'est moi qui ai tranché cette question au dernier moment. Nous avons veillé à mettre en place un système progressif afin de ne pas pénaliser trop durement certaines communes.
Concernant la péréquation, j'ai rappelé précédemment que le Gouvernement soutient le niveau de la péréquation verticale via les prélèvements sur recettes (PSR) qui alimentent le fonds DMTO des départements. Sur le bloc communal, priorité a été donnée au soutien aux recettes de fonctionnement dans la troisième loi de finances rectificative. Un amendement du Sénat a prévu d'intégrer les pertes de DMTO que subiront les communes de moins de 5 000 habitants. Pour ce qui concerne l'investissement public local, la DSIL est abondée via le plan de relance.
Vous avez indiqué, messieurs les rapporteurs, que cette mission constitue une toute petite partie des relations entre l'État et les collectivités territoriales. Instituons au Parlement un débat entre l'État et les collectivités territoriales - je dis bien un débat. Je sais que certains d'entre vous sont attachés à la création pour les collectivités territoriales d'une loi de finances ou de financement distincte. Je vous le dis franchement, je ne suis pas sûre que les collectivités territoriales y aient intérêt. Peut-être faut-il faire évoluer la maquette, afin d'avoir une vision plus large des relations entre l'État et les collectivités territoriales.
Initialement, le Gouvernement avait mis l'accent sur l'équilibre des comptes publics, notamment le respect des critères concernant le déficit public - inférieur à 3 % du PIB - et la dette publique - inférieure à 60 % du PIB. Vous vous inscrivez dans cette ligne, d'une certaine façon, avec la recentralisation des moyens de financement des collectivités locales. On peut comprendre cette orientation, même si je ne la partage pas. Pour autant, dans le cadre de la pandémie, alors que l'État est en train de s'abstraire de cette discipline budgétaire, vous continuez à l'appliquer au niveau local.
Le versement mobilité affecté aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM) a connu une baisse non négligeable. Le premier confinement a entraîné une chute de 30 % du trafic, avec des conséquences sur les recettes induites. La troisième loi de finances rectificative a prévu une aide d'État pour compenser la baisse des recettes du versement mobilité durant la crise sanitaire, mais 90 % des AOM n'en ont pas bénéficié. Comment comptez-vous répondre à cette question, au moment même où l'investissement dans les transports demeure nécessaire ?
Je vous poserai trois questions. Ma première question porte sur la philosophie générale. Vous allez compenser au centime près, dites-vous, la suppression des impositions économiques versées par les entreprises et affectées aux collectivités territoriales. Mais cela fait des décennies que nous entendons ce discours - vous le voyez, je ne parle pas de politique partisane. Il s'agit toujours de diminuer la part d'autonomie fiscale des collectivités et d'augmenter les dotations de l'État, à tel point que nous nous rapprochons de l'Allemagne, où les Länder n'ont d'autres ressources que des dotations de l'État fédéral. Cela pose problème eu égard à notre conception et à notre tradition républicaine d'un pouvoir fiscal des collectivités locales. Quel est votre point de vue en la matière ? Est-ce à regret que vous vous engagez dans cette voie ? Pensez-vous possible qu'un gouvernement fasse un jour machine arrière en recréant des impôts locaux pour diminuer les dotations de l'État ? Pour ma part, je crains que ce mouvement ne soit irréversible.
Ma deuxième question porte sur le la troisième loi de finances rectificative. Je crains que le filet de sécurité créé pour les collectivités locales ne soit quelque peu léger au regard de l'estimation de 8 milliards d'euros de dépenses supplémentaires à engager par les collectivités en raison de la crise sanitaire. Quid de son devenir d ? J'ai le sentiment qu'il ne va pas perdurer... Quelque 250 millions d'euros ont été prévus cette année pour le bloc communal et 430 millions pour combler les pertes de recettes d'Île-de-France Mobilités. Mais rien n'est prévu pour les AOM dans les autres régions.
Enfin, vous avez mis en place le programme « Petites villes de demain », avec une expérimentation dans trois régions. Quel est le coût de cette opération ? J'ai entendu parler d'un budget de 3 milliards sur plusieurs années. Avez-vous prévu une enveloppe budgétaire dédiée ou s'agit-il d'un redéploiement partiel des crédits existants ? Telle est l'interrogation des élus que j'ai rencontrés.
Je me félicite de votre adhésion à certaines des propositions émises par le Sénat, notamment l'intérêt et la pertinence d'un débat annuel sur les finances des collectivités locales. Je ne doute pas que vous soyez aussi séduite par un principe qui nous tient beaucoup à coeur : je veux parler du principe selon lequel « qui décide paie ». Aujourd'hui, au regard de l'évolution des ressources des collectivités et de l'impact de la crise sanitaire, une nouvelle conception de l'autonomie financière des collectivités territoriales se dessine, ainsi que l'a souligné Charles Guené, avec une sorte de recentralisation des ressources. Par nécessité et changement - il ne s'agit pas là d'une critique -, on ne pourra pas faire l'économie de réfléchir à un nouveau système.
J'évoquerai la question de la compensation de l'augmentation des dépenses et de la perte de ressources des collectivités liées à la fermeture de services ; je pense aux cantines, aux piscines. Nombre de communes ont beaucoup de services gérés en régie, leurs recettes ont diminué tandis que le niveau de leurs dépenses de fonctionnement est resté souvent le même. Je crains que le compte n'y soit pas, alors qu'elles vont participer fortement au plan de relance.
Sur la péréquation horizontale, je rejoins les propos de Charles Guené. On a inventé le FPIC à un moment où il était nécessaire, mais dans un écosystème intercommunal très différent de celui d'aujourd'hui. Cela me fait penser à une plage convexe sur l'île de Groix, qui se déplace avec la marée : ici aussi, on court après le FPIC !
La DETR et la DSIL sont certes stabilisées à un niveau élevé depuis plusieurs années. Mais, n'y voyez pas malice de ma part, les projets éligibles à ces dotations ont également beaucoup augmenté.
Concernant le FCTVA, ne pourrait-on pas avancer le calendrier de remboursement de l'État aux collectivités ? Certaines collectivités perçoivent le remboursement de la TVA en année n+2. N'est-il pas possible de faire en sorte que le remboursement ait lieu en année n+1, afin de faciliter la relance ? Cette demande ne me semble pas excessive.
Enfin, j'évoquerai les communes nouvelles. En les créant, les élus optimisent leurs moyens et, surtout, consolident la ruralité au travers d'une offre de services renforcée. Le dispositif prévoit qu'une commune nouvelle bénéficie d'une dotation pendant trois ans. À l'issue de ces trois ans, elle peut connaître une baisse de ses dotations allant jusqu'à 40 %. Une commune nouvelle de 10 000 habitants regroupant cinq petites communes ne sera pas une véritable ville. À l'instar de ce qui a été fait pour les métropoles, ne peut-on pas prévoir au-delà des trois ans un lissage de la baisse des dotations ?
Mon intervention est en fait une supplique. Vous êtes venue le 27 août dernier dans la communauté de communes Yonne-Nord, qui connaît des problèmes importants liés à la taxe d'habitation. Je le rappelle, cette communauté de communes était en faillite, avec des dettes à hauteur de 2 millions d'euros ; la nouvelle équipe a dû augmenter, en 2018, de 120 % la part intercommunale de la taxe d'habitation notamment. Or cette nouvelle manne est maintenant supprimée, et l'État compensera sur la base de 2017. Ma collègue Marie Evrard a déposé un amendement sur ce sujet ; j'espère un avis de sagesse, sinon favorable, du Gouvernement. Cette communauté de communes ne doit pas être la seule à connaître ces difficultés. Comment faire pour les aider ?
Ma première remarque est d'ordre général. Il me semble qu'une commune est bien administrée quand elle connaît ses dotations, celle de la DGF notamment.
Je prendrai l'exemple de la quatrième ville de l'Aveyron qui compte 12 000 habitants. En 2014, elle percevait 1,2 million d'euros de DGF, contre 400 000 euros aujourd'hui. Le maire a cherché à en connaître les raisons ; on lui a répondu que cette baisse était due à une variation du potentiel fiscal de sa commune. Convenez-en, cela ne veut rien dire pour une commune dont la population est pauvre et qui a fait beaucoup d'efforts pour proposer des équipements sociaux.
Il serait souhaitable que les élus connaissent une bonne fois pour toutes les règles de calcul des dotations - on le doit d'ailleurs à nos édiles communaux.
Ma seconde question concerne le plan de relance. On a beaucoup parlé des entreprises qui vont en bénéficier, mais nous n'avons pas d'informations claires pour ce qui concerne les collectivités. Il semblerait que ce plan soit uniquement consacré à la transition écologique. Or nos collectivités ont un poids économique, ne serait-ce que par le biais des travaux publics. Tous les arbitrages ont-ils été rendus ? Nous aimerions que d'autres projets puissent être subventionnés.
Monsieur Kerrouche, vous soulignez que nous ne respectons pas l'équilibre budgétaire national, mais la crise de la covid-19 a des conséquences importantes sur le budget de l'État. La crise sanitaire oblige les gouvernements à soutenir l'économie. Vous ajoutez que l'on appliquerait une austérité budgétaire au niveau local. On peut ne pas être d'accord avec la politique menée, mais je ne peux pas vous laisser dire que le Gouvernement étrangle les budgets locaux. Je vous rappelle la stabilité des dotations, l'augmentation de 1,2 milliard de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». L'État intervient au total à hauteur d'un peu plus de 7 milliards d'euros, notamment au travers du filet de sécurité.
Concernant les AOM, à la suite de l'arbitrage qui avait été rendu pour Île-de-France Mobilités, nous avons proposé et obtenu de dupliquer le dispositif des avances remboursables aux AOM de province : elles bénéficient de la compensation budgétaire sur une partie des pertes fiscales et d'avances remboursables pour le reste des pertes fiscales et des pertes tarifaires. Toutefois, certaines estiment ne pas être traitées à égalité. Pour éviter toute ambiguïté, je souligne que la compétence transport est exercée soit directement par les intercommunalités, soit au travers d'un syndicat. Pour établir le montant de la compensation, on fait la moyenne des ressources sur trois ans.
Or, les syndicats n'ont qu'une seule ressource, le versement mobilité. Si leurs ressources ont baissé en 2020 en comparaison de la moyenne des trois dernières années, elles sont compensées. A contrario, les intercommunalités qui exercent la compétence transport bénéficient d'autres recettes fiscales. Il arrive donc parfois que la recette globale soit supérieure à la baisse du versement mobilité, ce qui explique la non-compensation.
Monsieur Sueur, j'ai bien annoncé le chiffre de 3 milliards pour le programme « Petites villes de demain ». Le budget est composé de crédits de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui est un partenaire très important. Parmi ceux-ci se trouvent des crédits d'ingénierie, en particulier de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH). Chaque ville labellisée est pourvue d'un chef de projet, payé à 75 % par l'État, les 25 % restants étant à la charge de la commune ou de l'intercommunalité. Des enveloppes dédiées à l'ingénierie sont également prévues pour l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), ainsi que des mobilisations de crédits d'investissement. Je rappelle à ce propos que trois DSIL, si je puis dire, sont prévues cette année : la DSIL traditionnelle à hauteur de 570 millions d'euros ; la DSIL « exceptionnelle », abondée de 1 milliard d'euros en juillet dernier ; et des crédits supplémentaires, au titre de la rénovation thermique des bâtiments, dans le cadre du plan de relance, dont l'enveloppe globale d'un montant de 100 milliards doit être dépensée dans les deux ans à venir.
À cet égard, je répondrai à M. Alain Marc, que les 100 milliards du plan de relance sont divisés en trois parties : écologie, compétitivité et cohésion territoriale et sociale. Les collectivités territoriales peuvent bénéficier de l'ensemble de ces crédits. Nous avons évalué à 16 milliards d'euros les crédits susceptibles de leur être transférés. Je rappelle que le pilotage sera réalisé par un comité régional, composé du président de région et du préfet de région, et par un comité départemental, en lien avec le préfet de département et le président du conseil départemental.
Concernant la DGF de la ville de l'Aveyron que vous avez citée, je vous invite à me transmettre le dossier afin que je puisse vous répondre précisément.
Le pouvoir fiscal des collectivités territoriales est en effet une question de philosophie, monsieur Sueur. Pour moi, la question du bloc communal ne se pose pas dans les mêmes termes que pour le niveau départemental et régional.
Dans le cadre du filet de sécurité, l'État s'engage à abonder le budget d'une collectivité si ses recettes constatées en 2020 tombent en deçà d'un seuil fixé par la loi. En l'espèce, celui-ci correspond à la moyenne des recettes perçues en 2017, 2018 et 2019. L'État compense la collectivité à due proportion. Si les recettes sont supérieures, il n'intervient évidemment pas. Il est intéressant de constater que, pour ce qui concerne les recettes communales, l'État devrait décaisser 230 millions d'euros, alors que l'évaluation de départ s'élevait à 750 millions d'euros pour 12 000 communes annoncées. Or, seules 2 500 communes sont finalement concernées.
J'entends déjà dire que l'État ne tient pas sa parole. Mais les comptes des collectivités démontrent que la crise est moins grave que l'on ne l'avait imaginé, ce dont nous pouvons nous réjouir. Il en est de même pour les avances remboursables de DMTO aux départements : 2,7 milliards avaient été annoncés, mais le décaissement devrait finalement s'élever à environ 400 millions. En effet, la baisse des DMTO est beaucoup moins importante que prévu, et c'est tant mieux. À l'inverse, si c'est nécessaire, on financera plus que prévu, comme je l'ai annoncé pour l'enveloppe de péréquation horizontale à destination des départements.
Je l'ai dit en introduction, l'histoire n'est pas finie : si des difficultés persistent l'année prochaine pour les collectivités territoriales, nous serons là. Il est donc dangereux, pour reprendre la formule de Mme Gatel, de dire : « qui décide, paie. »
En ce moment, il semble que la formule de rigueur soit plutôt « qui paie décide »...
Concernant le FCTVA, 10 % des collectivités bénéficient aujourd'hui du remboursement en année n ; 65 % en n+1 et 25 % en n+2. Accélérer le calendrier de versement serait coûteux pour les finances publiques de l'État, même si ce processus est intéressant pour les collectivités.
Il me semble pourtant qu'en 2008, lors de la crise, le Gouvernement avait anticipé le remboursement de la TVA, justement pour permettre aux collectivités locales d'investir le plus possible et de soutenir l'activité.
L'automatisation de la procédure de remboursement permettra, à terme, des remboursements plus rapides. Quoi qu'il en soit, 75 % des collectivités n'attendent pas plus d'un an pour être remboursées.
Pour les communes nouvelles, le pacte de stabilité sur la DGF s'étend sur trois ans - tel est l'engagement du Gouvernement.
Pendant trois ans, un pacte financier consolide le cumul des dotations que les communes percevaient individuellement, donnant parfois lieu à un bonus. À l'issue de ces trois ans, la commune nouvelle se retrouve dans le régime de droit commun. Ainsi, une commune nouvelle qui rassemble 7 000 habitants, mais qui émane de l'addition de communes plus rurales, peut parfois perdre entre 30 et 40 % de ses dotations.
Lors de la création des métropoles, on n'a eu aucun état d'âme à assurer la consolidation et la pérennisation des dotations. De plus, les élus qui créent des communes nouvelles ont l'audace et le courage de projeter leur territoire dans l'avenir, de consolider la ruralité et de maintenir des services. Or ils se retrouvent pénalisés au bout de trois ans. Il y a là une véritable interrogation de fond, et ma proposition de lissage de la perte de dotations est sage et raisonnable.
Mais les règles sont connues dès la création de la commune.
Non, nul ne précise qu'il y aura une chute de 40 % des dotations au bout de trois ans !
Une étude sur le sujet pourrait s'avérer utile.
Enfin, la question de la communauté de communes Yonne-Nord fera l'objet d'une note, que je vous transmettrai.
Personne ne reproche ici le fait que cette crise ait engendré des dépenses supplémentaires importantes et nécessaires, y compris pour le soutien à l'activité économique. En revanche, des choix politiques ont été faits quant à la capacité à trouver des recettes nouvelles - et c'est là où nos positions divergent. Par exemple, on se satisfait qu'une grande entreprise du numérique contribue aux recettes de l'État à hauteur de 350 ou 400 millions d'euros, mais on pourrait récupérer bien plus si l'on tenait compte des recettes qu'elle a engrangées durant la crise. La recette libérale tient la corde au sein du Gouvernement... Cela pose la question de savoir comment les choses sont redéployées ensuite, notamment au niveau des collectivités territoriales.
Il faut régler le problème d'urgence que vont connaître les intercommunalités, les départements et les régions, avec la suppression des impôts de production. Si les régions ont accepté, c'est parce qu'elles y étaient contraintes. Les élus avaient exprimé de fortes inquiétudes quant à la construction des budgets 2021, et c'est donc finalement une proposition du « moins pire » qui a été retenue face à la non-perception attendue de la CVAE.
Il faut le dire, on observe un mouvement général tendant à nationaliser un certain nombre d'impôts locaux, ce qui remet en cause le lien direct entre une contribution financière et le développement des politiques qui en découlent. Je ne me fais pas à l'idée que les groupements de communes ou les régions, qui ont aujourd'hui la compétence du développement économique, ne vont plus percevoir une partie des impôts de production. À terme, l'enjeu est le libre choix sur les politiques mises en oeuvre. In fine, il persiste une forte inquiétude sur ce qui sera réellement compensé.
Les communes sont fortement fragilisées dès cette année, puisqu'elles ont été fortement mises à contribution, au travers de différentes dépenses. Concernant les masques, on aurait pu prévoir un remboursement dès le début de la crise, et non pas à partir du 13 avril. D'autres dépenses, comme les produits de nettoyage ou les heures supplémentaires passées à appliquer le protocole sanitaire, représentent un coût pour les communes. Sans parler du manque de recettes d'un certain nombre de petites communes, qui n'ont pas pu louer les salles des fêtes, ou qui ont consenti des exonérations de loyer... Tout cela peut paraître anecdotique au niveau d'une commune, car cela ne représente que 15 000 ou 20 000 euros en moyenne pour le premier confinement. Mais, cumulées, ces pertes représentent plusieurs centaines de millions d'euros à l'échelle d'un département comme la Loire. Les communes vont devoir équilibrer le budget de 2020, dans un contexte où leurs capacités d'autofinancement se réduisent, et, à court terme, des investissements seront reportés. Au-delà des mesures d'urgence, il convient de réfléchir à sécuriser les budgets de nos communes.
Oui, la DETR reste stable ; oui, on a abondé une part exceptionnelle de DSIL ; oui, on a des plans de relance... Mais les communes doivent avoir les moyens d'investir. Si elles peuvent obtenir jusqu'à 80 % de subventions, dans la réalité, les communes participent de plus en plus aux investissements à hauteur de 30 ou 40 %. Je veux envoyer un signal d'alerte : il faut porter une attention toute particulière aux communes dans les mois qui viennent.
Je rejoins les derniers propos de ma collègue Cécile Cukierman quant aux budgets 2020 et 2021.
Lors de l'examen du projet de quatrième loi de finances rectificative, le Sénat a voté à la quasi-unanimité un amendement permettant de compenser les pertes de recettes des régies communales. Celui-ci n'a malheureusement pas survécu à la commission mixte paritaire (CMP).
Toutefois, certaines collectivités vont accuser des pertes de recettes conséquentes, notamment dans les zones de montagne. Par exemple, le département des Hautes-Pyrénées compte sept stations thermales, dont beaucoup sont gérées en régie municipale. Ce sont donc les petites communes qui vont devoir compenser ces pertes de recettes, alors que leurs moyens sont limités. Le dispositif de compensation sera-t-il revu ? Tout au moins, au-delà d'une compensation brute, serait-il possible de prévoir des mécanismes budgétaires permettant de soulager les communes ? Celles-ci essaient de négocier des reports d'échéance de leurs emprunts, sans succès. Ne pourrions-nous pas travailler sur ces pistes ? Ou encore, prévoir des exonérations temporaires de charges, à l'image des contributions au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), ou renforcer la DGF ?
J'ai entendu que les principes qui encadreraient le financement par l'État des actions destinées à favoriser l'efficacité énergétique des collectivités donneraient lieu à une circulaire du Gouvernement. En savons-nous plus que le chiffre global de 1 milliard d'euros annoncé ? Prévoyez-vous des critères d'attribution ou vérifiera-t-on l'efficacité des dispositifs ?
Madame la ministre, vous avez raison de consulter les associations d'élus locaux, mais les sénateurs, représentants des collectivités territoriales de la République, n'ont pas perdu contact avec la réalité du territoire : ils sont membres de leurs conseils municipaux, de leurs conseils communautaires, et parfois de leurs assemblées départementales ou régionales. Mais surtout, ils sont au contact de leurs grands électeurs chaque semaine - vous le savez bien, vous qui étiez vous-même sénatrice.
Même si je ne suis pas aussi philosophe que Jean-Pierre Sueur, je m'interroge sur la cohérence de certaines politiques. Vous vantez la stabilité des dotations, mais cela signifie aussi une perte du pouvoir d'achat chaque année, en fonction de l'évolution de l'inflation. Pendant ce quinquennat, on peut évaluer cette perte entre 7 et 9 %.
Vous avez indiqué que, pendant la crise, les dotations spécifiques comme la DETR et la DSIL avaient augmenté. Mais le problème est que l'on passe de dotations forfaitaires « libres d'emploi » à des dotations conditionnées par les priorités de l'État, et qui contraignent les collectivités à inscrire leurs projets dans ces choix étatiques. Philosophiquement, si je puis dire, cela pose un vrai problème de sincérité d'une politique au regard du respect des libertés locales. Ne vaudrait-il pas mieux augmenter régulièrement les dotations à due proportion des crédits aujourd'hui consacrés au soutien des investissements des collectivités ?
Le Gouvernement n'est pas le seul responsable de la politique de démantèlement de la fiscalité locale, menée en continu depuis le gouvernement Jospin. Le rapport entre ce qui est financé par la dotation et par la fiscalité fait la part belle aux dotations. Les recettes de substitution relèvent du débat politique, mais je ne suis pas convaincu que le dispositif que vous avez mis en oeuvre pour tirer les conséquences de la disparition progressive de la taxe d'habitation soit pérenne. Je souhaiterais avoir votre sentiment sur ce point.
D'abord, les communes reçoivent le produit d'un impôt qui devrait normalement faire l'objet des mêmes critiques que celles que la taxe d'habitation a subies ! En effet, l'assiette de la taxe foncière sur les propriétés bâties n'est pas meilleure, et, qui plus est, seuls les propriétaires sont redevables. On resserre donc le fondement de la fiscalité communale, ce qui pose problème. Ensuite, si affecter une part de la TVA au financement des départements paraissait astucieux lorsque son produit augmentait d'année en année, peut-on aujourd'hui se baser sur une ressource aussi dépendante de la conjoncture ? Surtout lorsque le contexte de crise nécessite des dépenses sociales de la part des départements...
L'impact de la diminution des impôts de production est certes marginal, avec 3,2 milliards d'euros sur un total de 43 milliards, mais il y a tout de même un risque de double effet, si on le place en parallèle avec la réforme de la taxe d'habitation. Réforme après réforme, on est face à un long processus d'amoindrissement de l'autonomie financière des collectivités territoriales.
Permettez-moi de m'exprimer maintenant à titre personnel et non plus en tant que rapporteur pour la commission des lois. Le FPIC est monté en charge, passant de 150 millions d'euros en 2012 à 1 milliard en 2017, stabilisé à ce niveau depuis. C'est une culture dont il faut sortir rapidement. En effet, l'épidémie et, subséquemment, la crise économique nous entraînent vers une exigence de remise en cause fondamentale de la péréquation horizontale telle qu'elle existe aujourd'hui. D'abord, parce que les collectivités concernées en premier par la crise sont celles qui paient le FPIC, et celles qui sont épargnées en bénéficient. On se trouve face à une solidarité inversée ! Les collectivités qui ont besoin de soutenir l'économie, d'investir ou d'assurer la solidarité sociale n'auront plus les ressources nécessaires, car elles les consacreront à un mécanisme de solidarité qui apparaît aujourd'hui anachronique. Il faut sortir de cette logique. Aujourd'hui, des communes pauvres dans des intercommunalités riches contribuent au FPIC. L'Est de la France, productif et dynamique économiquement, contribue fortement au FPIC, au profit de l'arc atlantique qui l'est moins eu égard aux ratios retenus pour le calcul. Or, lorsqu'on y superpose la carte des admissions en réanimation depuis le mois de mars, on constate que les besoins sont inversés, l'Est étant le plus touché. Je déposerai donc un amendement sur cette question. Il y a urgence à s'interroger sur la pérennité de ce fonds.
Si je comprends l'idée de réformer le FPIC, il serait réducteur de vouloir le supprimer. La péréquation est nécessaire dans notre pays, et c'est bien parce que l'on n'a pas voulu la mettre en place que l'État a voulu agir lui-même, au travers de la fiscalité nationale. La territorialisation de l'impôt est aujourd'hui peu concevable compte tenu de la variété de nos territoires.
Je suis favorable à une révision du FPIC afin qu'il soit basé sur des charges standard réelles, tout en tenant compte des recettes par ailleurs. Il ne faut pas opposer territoires ruraux et urbains : certains territoires ruraux ont besoin d'assumer leurs charges de base, mais certains territoires urbains ont aussi besoin d'assumer leur dynamisme. Réévaluons les critères. Mais si on le supprimait complètement, la péréquation serait uniquement faite verticalement. Il serait dommageable de faire assumer la péréquation à toutes les communes, sans distinction.
Les 3,2 milliards de baisses des impôts de production seront compensés par 3,2 milliards de prélèvements sur recettes, ce qui est beaucoup plus sécurisant que des crédits budgétaires, car ils sont évolutifs en fonction des bases. Pour votre information, madame Cukierman, le remboursement des masques aux collectivités s'élève à 215 millions d'euros, contre les 60 millions initialement prévus. L'État a donc financé près de 500 millions de masques.
Le filet de sécurité existe pour les collectivités territoriales, et je le répète, l'histoire n'est pas finie : nous verrons l'année prochaine s'il est nécessaire de le poursuivre.
La loi de finances rectificative instaure un mécanisme de protection sur les recettes fiscales et domaniales, mais Mme Carrère a soulevé le problème des recettes tarifaires.
Premièrement, ces pertes tarifaires sont très difficiles à identifier, car les nomenclatures comptables ne permettent pas de les retracer de manière fiable. Par exemple, les recettes des régies sont perçues sur un certain compte, tandis que l'affermage est perçu sur un autre. Ainsi, une compensation exigerait un travail ligne par ligne, impossible à réaliser en quelques mois. Deuxièmement, et même si cet argument est difficilement accepté par les élus locaux, la perte des recettes tarifaires due à la fermeture des services publics locaux s'est souvent accompagnée d'économies en termes de dépenses. Qui plus est, les recettes tarifaires relèvent de choix politiques, comme, par exemple, la gratuité d'une piscine municipale pour les moins de dix-huit ans. L'État n'a pas vocation à tout rembourser.
Cela étant, nous avons donné la possibilité aux communes d'étaler les charges relatives à la covid-19 sur cinq exercices budgétaires, selon une circulaire datant d'août 2020.
Enfin, nous sommes toujours ouverts à la discussion : nous avons accueilli les associations du bloc communal, et le Premier ministre a reçu hier les élus de la montagne au sujet des sports d'hiver. Nous sommes tout à fait conscients que la crise a des répercussions importantes sur les collectivités territoriales, et nous serons présents pour y répondre. Toutefois, il faut garder en tête que les dépenses de l'État se creusent. Les deux préoccupations principales du Gouvernement sont les suivantes : éviter les décès et l'effondrement de l'économie française.
Concernant les difficultés de financement bancaire, Bercy a indiqué que l'accès au crédit était globalement satisfaisant pour le moment.
Pour répondre à M. Richard, la circulaire sur la rénovation thermique a été diffusée vendredi dernier aux préfets, et elle vous sera transmise sans problème si vous le souhaitez.
Je comprends l'idée de M. Bas d'indexer les dotations sur l'inflation. Mais le budget de l'État est construit en fonction de la stabilité en euros sans indexation sur l'inflation. Ensuite, les dotations sont certes orientées selon les choix de l'État, mais soulignons que les commissions DETR les orientent aussi un peu.
Par ailleurs, je suis particulièrement soucieuse depuis mon entrée en fonctions d'accompagner les projets des élus. Il s'agit là d'une discussion qui va au-delà des enjeux financiers. Certains seraient peut-être tentés de dire que c'était mieux du temps de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR). Mais nous sommes aujourd'hui dans une situation très différente. Nous devons aider les collectivités à réaliser leurs propres projets, car elles seules connaissent les besoins de leurs habitants, j'en suis intimement convaincue. C'est pourquoi, même dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER), nous avons admis que la maquette n'était pas forcément la même partout. Les priorités des présidents de région ne sont pas les mêmes selon les territoires, et il faut donc laisser les projets des collectivités territoriales se développer et se croiser avec la volonté de l'État d'assumer certaines politiques publiques. Tout cela peut se faire en toute complémentarité.
Si je vous ai bien compris, monsieur Hervé, vous voulez déposer un amendement au sujet du FPIC pour engager la discussion. Mais, aujourd'hui, ce sont 24 000 communes françaises qui en bénéficient, ce qui constitue un fort mécanisme de solidarité. Je comprends que le débat soit posé, néanmoins je pense que le moment n'est pas approprié pour changer les règles.
Madame la ministre, je vous remercie pour les précisions que vous nous avez apportées. Vous aurez noté la préoccupation de la commission de veiller au bon financement des collectivités territoriales, qui restent, en ces temps de crise, les lieux où s'exerce concrètement la solidarité nationale.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 16 h 10.