Sur proposition du comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques (CEC) de l'Assemblée nationale, la Cour des comptes a été saisie d'une demande d'évaluation de la politique de prise en charge des personnes présentant des troubles du spectre de l'autisme. Le rapport a été présenté devant le comité par le Premier président le 24 janvier.
Je vous remercie, monsieur le président, de nous offrir l'opportunité de présenter le résultat de nos travaux devant votre commission. Je suis accompagné de M. Laurent Rabaté, conseiller maître, rapporteur général de l'évaluation, du professeur Patrick Netter, membre de l'Académie nationale de médecine, en qualité de conseiller-expert, de Mme Esmeralda Luciolli, rapporteure, M. Noël Diricq, conseiller maître, président de section, et contre-rapporteur de cette enquête à visée évaluative.
Avant d'exposer les principaux éléments du rapport, je voudrais vous faire part de quatre éléments de contexte indispensables à la bonne compréhension de la démarche évaluative.
Selon la classification internationale des maladies de l'Organisation mondiale de la santé, la plus utilisée dans le monde, l'autisme est un trouble envahissant du développement, qui se manifeste avant l'âge de trois ans par un développement anormal ou déficient et une perturbation caractéristique du fonctionnement dans chacun des trois domaines suivants : les interactions réciproques, la communication et les comportements au caractère répétitif. Le handicap associé, qui persiste le plus souvent tout au long de la vie, est variable, allant de léger à sévère, et est presque toujours associé à des difficultés d'apprentissage.
La définition de « troubles du spectre de l'autisme (TSA) que la Haute Autorité de santé retient est tirée du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, publié par l'Association américaine de psychiatrie et connu dans sa dernière édition de 2013 par son acronyme anglais DSM-5.
Le nombre de personnes concernées en France peut être estimé, sur la base d'un taux de prévalence de 1 %, à 700 000 environ réparties comme suit : 100 000 jeunes de moins de 20 ans environ et près de 600 000 adultes si l'on retient le même ratio pour le reste de la population, bien que les adultes aujourd'hui identifiés ne soient qu'environ 75 000. 4,5 garçons sont touchés pour 1 fille, proportion qui est néanmoins contestée par certaines études.
Mais ces chiffres masquent une grande diversité des tableaux cliniques, selon qu'y sont ou non associés un retard mental, des troubles psychiatriques, eux-mêmes multiples, ou dans 20 à 25 % des cas des troubles épileptiques souvent diagnostiqués avec retard.
L'acte fondateur de la politique publique, sous la pression des associations de parents d'enfants autistes qui se sont progressivement structurées pour faire entendre leur exigence d'une écoute plus grande, est la circulaire du 27 avril 1995 signée par la ministre de la santé, Simone Veil. Son objectif était de mettre en place un réseau de prises en charge, dans le cadre de plans d'action régionaux.
À partir de 2005 ces actions ont été organisées dans le cadre de trois plans nationaux successifs : 2005-2007, 2008-2010, 2013-2017 (avec néanmoins une interruption en 2011 et 2012). Ces différents plans témoignent d'une relative continuité des objectifs, à savoir l'amélioration du repérage et du diagnostic, la transformation de l'offre sanitaire et médico-sociale et la mise en oeuvre de bonnes pratiques.
Toutefois, un contraste évident apparaît, à la lecture de ces plans successifs, entre le caractère relativement limité des moyens alloués (200 millions d'euros environ au total, pour le 2ème plan comme pour le 3ème plan) et l'ambition croissante des objectifs.
Les dépenses publiques afférentes aux seules prises en charge des dépenses de soins de cette population de personnes autistes s'élèvent à environ 4 milliards d'euros par an. L'enjeu financier est sans doute bien supérieur. La Cour estime à 2,7 milliards d'euros les autres coûts non individualisables, hors dépenses de scolarité qui figurent dans le compte de l'éducation. Le nombre d'adultes autistes est sous-estimé et les coûts externes liés à l'autisme n'ont jamais été valorisés en France, contrairement aux États-Unis ou au Royaume-Uni, alors que, comme pour d'autres formes de handicap, la perte de qualité de vie pour les parents, souvent obligés de réduire leur activité professionnelle, est réelle. L'enjeu médico-économique est donc majeur.
Le troisième élément de contexte que je voudrais souligner tient au fait que l'État a une obligation de résultat vis-à-vis des personnes autistes.
Les politiques publiques en matière de handicap sont encadrées par divers instruments internationaux ratifiés par la France : la Convention internationale relative aux droits des personnes handicapées ratifiée par la France le 18 février 2010, la Convention internationale des droits de l'enfant, enfin la Convention européenne des droits de l'homme et la Charte sociale européenne. La France a été sanctionnée, en 2003 et en 2013, pour violation de l'article 15 de la Charte sociale européenne.
C'est notamment sur le fondement de ces obligations qu'a été adoptée la loi du 11 février 2005 sur le handicap qui reconnaît, en son article 90, aux personnes autistes, un droit à une prise en charge pluridisciplinaire tenant compte de leurs besoins et difficultés spécifiques, disposition que le Conseil d'État a interprétée, dans un arrêt du 16 mai 2011, comme imposant à l'État une obligation de résultat. En posant le principe que le service public veille à l'inclusion scolaire de tous les enfants, sans aucune distinction, la loi du 8 juillet 2013 pour la refondation de l'école s'inscrit dans la même logique.
En 2016-2017, environ 40 % des saisines du Défenseur des droits ou des juridictions administratives relatives aux droits des enfants en situation de handicap concernent des enfants autistes.
Le dernier élément de contexte porte sur la méthodologie spécifique adoptée pour conduire cette évaluation de politique publique. La Cour a mobilisé des instruments d'analyse éprouvés par les sciences sociales, notamment afin de mettre en lumière les positions respectives des parties prenantes d'une politique, en soulignant aussi bien les consensus que les lignes de partage.
Pour ce faire, l'équipe a conduit de très nombreux entretiens individuels et collectifs, tant en région, principalement en Nouvelle Aquitaine, dans les Hauts-de-France, en Bourgogne-Franche-Comté et en Ile-de-France, qu'à l'étranger - Belgique, Danemark, Norvège, pays basque espagnol, Québec, Suède, Italie. Si vous le souhaitez, je pourrai d'ailleurs revenir sur les riches enseignements de ces comparaisons internationales, que vous trouverez en détail dans le rapport.
Nous avons par ailleurs enrichi les données à notre disposition en développant des sources inédites jusque-là. Je n'en citerai que deux : d'une part, un sondage d'opinion auprès d'un échantillon représentatif de professionnels de santé libéraux de premier recours ; d'autre part, près de 3 000 témoignages de familles de personnes autistes et de personnes autistes elles-mêmes, recueillis afin de mieux appréhender la diversité des parcours et des attentes.
Enfin, toutes ces démarches ont été menées avec l'appui d'un comité d'accompagnement réunissant des représentants des principales parties prenantes. Je tiens à les remercier pour leur implication et pour leurs éclairages toujours riches et constructifs.
Je voudrais à présent exposer les éléments essentiels de ce rapport, ses principaux constats et les orientations pour l'avenir qu'il propose.
De ses travaux, la Cour a dégagé trois constats principaux qui composent une photographie aussi précise que possible de la politique de prise en charge de l'autisme et de ses modalités de mise en oeuvre.
Tout d'abord, si la connaissance des TSA a progressé dans les années récentes, notamment sous l'impulsion des plans nationaux que j'évoquais en introduction, elle demeure trop lacunaire.
Les causes des TSA sont progressivement mieux connues. Des études diversifiées sont conduites en France comme à l'étranger et prennent appui sur des disciplines et des outils en plein essor, comme l'analyse du génome, l'imagerie cérébrale, les neurosciences ou le suivi de cohortes sur longue durée. Au-delà de facteurs génétiques, qui commencent à être identifiés, des facteurs environnementaux ont été mis en évidence, notamment la consommation pendant la grossesse de Dépakine, médicament contre l'épilepsie dont les effets secondaires sur le développement n'ont été repérés que récemment.
Les critères de reconnaissance des TSA, quant à eux, ne sont sans doute pas encore stabilisés, que ce soit en France ou dans l'ensemble des pays membres de l'OCDE.
Au stade actuel, on ne « guérit » pas l'autisme, mais des modes d'accompagnement fondés sur des méthodes éducatives et comportementales permettent de réduire les manifestations des troubles et rendent souvent possible une inclusion durable dans la vie sociale et professionnelle. A l'inverse, en l'absence de soins pertinents, le risque de « sur-handicap » est élevé, avec parfois l'entrée dans une sorte de « cercle vicieux », qui induit ensuite des prises en charge très lourdes dans la durée. La définition de traitements pertinents, conçus dans la continuité de parcours inclusifs, constitue donc un enjeu collectif important, financier autant que juridique, sanitaire autant qu'éducatif.
Les recommandations de bonne pratique, sur le diagnostic, les interventions, ou la gestion des « situations complexes », établies par la Haute Autorité de santé (HAS) et l'Agence nationale d'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) - aujourd'hui fusionnées - pour la France mais selon des standards assez semblables pour les différents pays développés, ont progressivement dégagé la nécessité d'interventions précoces, de méthodes individualisées et de « guidance parentale ».
En définitive, il n'est pas discutable que les enjeux que recouvrent les TSA sont désormais mieux reconnus et que les connaissances à leur sujet sont plus solidement établies. Cela peut être mis pour partie au crédit des trois « plans autisme » successifs, dont l'un des objectifs communs était le développement et la diffusion des connaissances.
Pour autant, des lacunes subsistent, en particulier en ce qui concerne les adultes.
Des recommandations de bonnes pratiques de la HAS et de l'Anesm spécifiques aux adultes autistes sont attendues dans les prochaines semaines. Elles sont d'autant plus indispensables que les comparaisons internationales conduites par la Cour ont mis en évidence la situation particulière - et particulièrement défavorable - de la France à cet égard.
Après le niveau général des connaissances, j'en viens au deuxième constat du rapport, qui porte sur les résultats effectifs des politiques de prise en charge des personnes autistes.
Je commencerai par les résultats des dispositifs en faveur des enfants, qui apparaissent contrastés au regard de leurs fortes ambitions.
En ce qui concerne le repérage et les diagnostics précoces, les progrès sont indéniables. L'expérimentation puis la généralisation des centres de ressources autisme (CRA), création du premier plan autisme, ont permis de progresser vers la constitution d'un réseau de structures capables d'effectuer des diagnostics de proximité et de former les professionnels de premier recours au repérage des TSA. Cette couverture reste cependant insuffisante, les délais entre le repérage des premiers troubles et le diagnostic restant très longs - jusqu'à 2 ans et 8 mois -, et les CRA, censés être réservés aux cas complexes, sont le plus souvent engorgés et peinent à répondre à la demande.
En outre, certaines ambitions sont demeurées « lettre morte ». Le 3ème « plan autisme » prévoyait de faire de l'examen systématique des enfants dans leur 24ème mois un moment privilégié pour le repérage des TSA, grâce à une refonte du carnet de santé. Bien que validée par la HAS en mai 2016, celle-ci n'est toutefois pas entrée en vigueur. De même, les efforts de formation initiale et continue des médecins que prévoyait ce plan sont restés limités.
S'agissant de l'offre de prise en charge destinée spécifiquement aux enfants autistes, que les plans successifs visaient à renforcer, les résultats sont également contrastés.
Les données les plus récentes mettent en évidence un effort réel de rattrapage en termes de places dans les établissements et services médico-sociaux. En particulier, le développement d'unités d'enseignement maternelles autisme (UEMa) et de services d'éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad) « précoces » constitue un progrès significatif.
Mais ces offres répondent aux besoins de 15 % seulement des enfants environ, tandis que divers signes de tension sur les capacités globales persistent, qu'il s'agisse du nombre d'enfants avec TSA accueillis en Belgique ou de la longueur des listes d'attente. La réalité de l'adaptation des services et établissements médico-sociaux « de droit commun » aux enfants autistes reste peu documentée, donc confuse, et l'offre psychiatrique demeure éloignée du niveau attendu et mal différenciée par rapport au secteur médico-social.
Enfin, un effort important a été fait pour inclure les enfants souffrant d'autisme dans des classes ordinaires ou dans des classes collectives (« Ulis ») du système éducatif. Des personnels mieux formés et au cadre d'emploi unifié ont été mis à leur disposition. Les indicateurs disponibles montrent cependant que les difficultés propres aux enfants présentant des TSA se traduisent par une progression plus lente de leur niveau scolaire, par rapport aux autres enfants en situation de handicap. En effet, près de 30 % des enfants atteints d'autisme âgés de 16 à 20 ans ne dépassent pas le niveau de l'école maternelle.
Le troisième et dernier constat de la Cour porte sur les actions à destinations des adultes souffrant de TSA : faisant écho au faible niveau des connaissances à leur sujet, les ambitions et les résultats des dispositifs en leur faveur apparaissent particulièrement limités. Les parcours demeurent en effet encore peu structurés.
En témoignent en particulier la faiblesse de l'accompagnement de la transition entre la prise en charge des enfants et celle des adultes, que ce soit dans les établissements ou « en ville », la rareté des dispositifs spécifiques favorisant l'insertion sociale et professionnelle ou encore le nombre limité de structures temporaires ou « de répit » à la disposition des aidants familiaux, bien plus nombreuses dans les pays voisins.
L'ensemble de ces constats a nourri trois grandes orientations, déclinées en 11 recommandations, qui constituent autant de propositions dans la perspective de l'adoption du 4ème « plan autisme ».
Elles visent à compléter, pour ce qui concerne spécifiquement l'autisme, les orientations générales engagées récemment dans le champ du handicap, en faveur d'une individualisation des parcours et d'une recherche systématique d'inclusion, du développement des accueils de répit et de l'accès aux soins somatiques. Elles complètent également les réformes en cours de la psychiatrie des mineurs, des modalités de fonctionnement des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) et des outils en faveur de l'inclusion scolaire.
Sur le plan de la méthode, avant de présenter rapidement les orientations proposées par la Cour, je voudrais insister sur le fait que les objectifs du 4ème « plan autisme » ne doivent pas nécessairement être nombreux. En revanche, il est impératif qu'ils soient clairs, assortis d'indicateurs solides et donc évaluables à terme par toutes les parties prenantes.
La première orientation proposée par la Cour concerne l'approfondissement des connaissances, dont les lacunes apparaissent particulièrement peu acceptables dans quatre domaines « clés » pour le ciblage de l'action publique.
Il s'agit des coûts des prises en charge ; du diagnostic des adultes ; des composantes de l'offre de soins et d'accompagnement ; enfin, de la mesure de la sévérité des troubles.
Cela implique en amont de stimuler et de mieux structurer la recherche, qui demeure trop cloisonnée et trop peu diversifiée. La Cour préconise donc la création d'un institut de recherche du neuro-développement adossé à l'Inserm et appelé à la fois à coordonner les recherches existantes sur les TSA et à les mutualiser avec celles qui portent notamment sur les dyspraxies, les dyslexies ou les troubles du comportement.
La deuxième orientation vise à mieux articuler les interventions des partenaires, au service d'un objectif renforcé d'inclusion.
Des volets très importants de la politique en direction des personnes autistes relèvent de la responsabilité des collectivités territoriales, ce qui signifie que l'État ne peut pas décider seul. Il apparaît donc nécessaire à la Cour de prévoir les modalités d'un partenariat global, décliné ensuite par territoire grâce aux outils contractuels existants déjà entre les ARS et les conseils départementaux ou entre l'État et les régions.
En ce qui concerne l'inclusion scolaire des personnes atteintes de TSA, la mise en oeuvre des partenariats renforcés entre les établissements scolaires et les établissements médico-sociaux qui viennent d'être annoncés par l'État devraient être complétée par l'identification de personnes ressources spécifiques dans chaque département et dans chaque territoire de santé. Ceux-ci seraient aptes à intervenir directement en cas de difficulté majeure ou à conseiller les professionnels de « première ligne », dans les classes ordinaires ou dans les ESMS polyvalents.
La Cour recommande également d'intégrer les unités d'enseignement des ESMS dans des sites scolaires ordinaires, de mutualiser les formations des intervenants auprès des enfants et d'intensifier les efforts de déploiement d'outils spécialisés.
Enfin, la troisième orientation consiste à mieux assurer des prises en charge de qualité dans l'ensemble des territoires.
Pour le repérage et le diagnostic, les agences régionales de santé (ARS) devraient construire un réseau qui soit à la fois gradué et plus efficace. C'était une priorité du 3ème plan, mais tout ou presque reste à faire. Cela suppose en particulier que les données recueillies par les centres de ressources autisme (CRA) puissent être consolidées et exploitées.
Le développement d'une offre d'intervention précoce, notamment de services spécialisés, devrait par ailleurs être renforcé par redéploiement des moyens actuels des établissements médico-sociaux ou sanitaires. C'est une véritable stratégie de « désinstitutionalisation » que la Cour promeut. Les partenariats entre les services médico-sociaux et le secteur psychiatrique devraient être encouragés.
Pour les adultes, la construction de parcours plus inclusifs est attendue des ARS. Il conviendrait de suivre plus particulièrement les situations des adultes accueillis « au long cours », dans le cadre d'hospitalisations souvent inadéquates, de même que celle des enfants dont la prise en charge en hôpital de jour ne serait plus conforme aux indications. Les uns et les autres devraient être réorientés vers des établissements sociaux et médico-sociaux dotés de moyens adaptés.
Enfin, le suivi des actions doit être renforcé. Le 3ème plan avait prévu plus de 200 indicateurs dits « de suivi » et de « résultats » mais ceux-ci n'ont pas été renseignés et leurs modalités de collecte n'ont d'ailleurs pas été définies. Faute de priorités claires, les deux derniers plans ont pris la signification d'un simple document d'intention, en pratique non suivi. Un accent particulier devrait donc être mis à l'avenir sur les remontées d'information en provenance des ARS, sur la définition sélective des meilleures pratiques, sur l'évaluation diagnostique des résultats et le retour d'expérience de tous les cas de rupture ou de régression.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, vous l'avez compris, nos recommandations ne visent évidemment pas à réserver aux personnes atteintes de TSA un « traitement de faveur » au sein de la politique du handicap. Au contraire, le 4ème plan autisme devrait veiller à être exemplaire d'une démarche articulant des objectifs d'amélioration communs à toutes les personnes en situation de handicap et une attention suffisante aux spécificités des prises en charge complexes que rendent nécessaires les TSA.
Je vous remercie de votre attention et suis à votre disposition, avec les magistrats qui m'entourent, pour répondre à vos questions.
Je tenais à remercier la Cour des comptes de la qualité de son rapport, qui s'ajoute aux travaux préparatoires de la prochaine Conférence nationale du handicap sous l'égide du Gouvernement ainsi qu'à nos propres travaux sur l'exil de personnes handicapées en Belgique et sur le financement de la prise en charge du handicap, dans le cadre d'un groupe de travail récemment lancé.
J'ai particulièrement apprécié la distinction que vous avez établie entre le coût apparent et le coût réel de la politique publique du handicap. Nos travaux à venir s'attacheront davantage préciser la nature et l'ampleur de cet écart. J'ai été aussi sensible à vos propos sur l'insuffisance de l'offre médico-sociale à destination des personnes autistes.
Vous n'avez en revanche pas abordé la question des complexités administratives de toute sorte auxquelles les établissements et services médico-sociaux se heurtent : cofinancement de certaines structures, lourdeurs de la procédure d'appels à projets, déclenchement d'un 4ème plan autisme alors que les crédits du troisième ne sont pas encore tous consommés...
Concernant les CRA, pouvons-nous nous satisfaire de leur nombre et que savons-nous de leur répartition sur le territoire national ?
Vous avez rapidement évoqué les sujets liés à la scolarité des enfants autistes. J'entends bien qu'il nous faut aller vers une société plus inclusive, mais disposons-nous de personnels suffisamment formés à l'Éducation nationale pour ce faire ?
Concernant les recommandations de bonne pratique émises par la HAS, je rappelle que nous sommes toujours en attente de celles concernant les adultes atteints d'autisme. Est-il besoin de rappeler, mes chers collègues, que la pratique du « packing » avait encore cours il y a de cela quelques mois à peine ?
Je conclurai en vous rejoignant pleinement sur l'idée d'un institut de la recherche.
Je joins mes remerciements à ceux de mon collègue. Pourriez-vous à titre liminaire nous éclairer sur les motifs de votre saisine ? La Cour des comptes n'étant pas une institution sanitaire, quel regard particulier a-t-elle pu porter sur la question de l'autisme ?
Je voudrais ensuite rappeler que les familles comptant un membre atteint d'autisme sont très attachées à la dénomination de « handicap spécifique ». De cet attachement découlent des réactions assez vives lorsqu'il leur est proposé un traitement essentiellement fondé sur une prise en charge psychiatrique, alors que le développement des neurosciences semble offrir une alternative plus satisfaisante. J'y suis pour ma part favorable, étant donné que la recherche ne parviendra probablement jamais à découvrir une cause unique à l'autisme et que la seule hypothèse vraisemblable semble être celle d'une polyétiologie.
Certains opèrent un raccourci un peu rapide de la psychiatrie à la psychanalyse. Que pensez-vous de cette dernière, dont on dénonce très souvent les effets néfastes ? Comment peut-on expliquer le retard de la France vis-à-vis de ses voisins qui ont depuis longtemps adopté d'autres méthodes ?
Dans le prolongement de l'intervention de mon collègue, je souhaitais, en tant qu'ancien président de conseil d'administration d'un centre hospitalier spécialisé (CHS), rappeler qu'il ne devrait pas être de leur compétence d'accueillir des enfants autistes. Je suis également un élu des Hauts-de-France et peut à ce titre attester le développement de structures en Belgique bien plus adaptées que les CHS pour l'accueil de jeunes autistes. Avons-nous les capacités financières, au niveau de nos conseils départementaux, pour en faire autant ?
Je souhaiterais soulever deux points. Le premier me vient de mon expérience comme pédiatre : je puis vous assurer que les examens menés au 24ème mois et les signalements d'alerte que nous portons au conseil départemental ne sont que très rarement pris en compte. Lorsque nous nous tournons vers les CHU ou vers les centres d'action médico-sociale précoce (CAMSP), on nous répond que seules les demandes émanant directement des parents sont admissibles. Lorsqu'une alerte est prise en compte, les délais d'attente sont environ de 6 mois, alors qu'une prise en charge immédiate est requise. Par ailleurs, je suis également élue d'une commune qui a, grâce à la mobilisation d'acteurs associatifs et en dépit des réticences des autorités médicales locales, installé une unité pour enfants autistes il y a quinze ans. Depuis, ces enfants ont grandi et l'unité ne convient plus à leur prise en charge : ils ont dû être déplacés dans une autre structure d'une commune voisine, qui ne bénéficie que de trois contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE). Il est donc dommage d'exposer ces jeunes à de telles ruptures uniquement en raison d'un défaut de coordination et de formation.
Je souhaite également insister sur l'importance d'un dépistage précoce. J'irais même plus loin que ma collègue : 24 mois, c'est beaucoup trop tard. Songeons aux effets dévastateurs que peut entraîner dans un couple parental l'annonce d'un diagnostic d'un spectre autistique. Pour limiter ce genre de menaces, le diagnostic doit être mené le plus tôt possible.
Je suis très favorable à ce que nous systématisions l'évaluation des grands plans nationaux sur l'autisme, dont j'ai l'impression qu'ils se succèdent sans avoir été préalablement pleinement appliqués. L'association France Autisme prétend ainsi que sur l'ensemble des fiches-action du 3ème plan autisme, 22 n'ont pas encore trouvé d'application ! De façon générale, je m'interroge sur la traduction concrète sur nos territoires des décisions figurant dans les différents plans : les rapprochements préconisés entre les CRA, les CAMSP et l'aide sociale à l'enfance n'ont toujours pas lieu, les dotations attribuées par les agences régionales de santé (ARS) sont parfois réparties sans qu'une véritable équité ne soit respectée entre départements...
S'agissant de la complexité administrative, elle est réelle mais cela n'est pas propre à la France. Nos voisins connaissent également une répartition des compétences dans le domaine médico-social.
Par ailleurs, ce n'est pas parce que la loi et la jurisprudence font de l'État le responsable en dernier ressort de la prise en charge des personnes souffrant de TSA qu'il doit ou peut décider seul. L'objet de notre rapport n'est pas de remettre en cause l'organisation décentralisée des pouvoirs publics en France, une démarche partenariale doit être mise en oeuvre.
S'agissant des CRA, notre rapport ne constitue pas une remise en cause mais souligne la nécessité d'une mise en cohérence des actions des différents acteurs. Notre recommandation n° 7 est de les restructurer en en créant un par nouvelle région, lié par un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens avec l'ARS, avec laquelle les liens doivent être renforcés.
Les CRA devront animer un réseau gradué donnant toute sa place aux professionnels de premier recours que sont notamment les pédiatres. S'agissant du second recours, les spécialistes devraient systématiquement être adossés à un CHU pour bénéficier de ses ressources.
L'Éducation nationale a rempli ses objectifs quantitatifs, mais il faut maintenant améliorer l'aspect qualitatif. Il y a un enjeu de formation initiale et continue des professionnels. L'accueil d'un enfant autiste au sein d'une classe doit être anticipé et constituer un projet collectif. L'expérience montre que cet accueil est bénéfique pour les autres enfants de la classe.
Dans d'autres pays, on constate une insertion plutôt réussie, avec des enseignants spécialisés.
Concernant la prise en charge des adultes, il est important que des recommandations soient publiées afin de réduire les ruptures dans la prise en charge.
Notre proposition de créer un institut national du neurodéveloppement procède de l'idée selon laquelle la recherche ne doit pas être cloisonnée. La création d'un tel institut pourrait permettre de cristalliser des moyens accrus en faveur de la recherche.
Concernant la saisine de la Cour des comptes sur ce sujet, nous ne prétendons pas concurrencer l'expertise de la HAS. Toutefois, il nous a semblé que cette question comporte un certain nombre d'aspects administratifs et financiers. Le regard de la Cour des comptes nous semble donc complémentaire d'une approche plus médicale qui relève de la HAS.
La HAS n'a pas retenu la psychanalyse comme une approche pertinente dans le traitement de l'autisme. S'agissant de la psychiatrie, il existe un débat sur la place qui doit lui être accordée. Chez certains de nos voisins, ce débat a été tranché et la psychiatrie a une place clairement définie et circonscrite.
Un effort doit être réalisé pour faciliter la transition vers l'âge adulte, l'arrivée à l'âge de vingt ans étant trop souvent source de rupture dans les prises en charge.
Il est important de distinguer le repérage du diagnostic. La borne du 24ème mois nous semble pertinente au regard de la refonte du carnet de santé. Pour autant, les étapes antérieures sont très importantes pour le repérage précoce.
Ce sont les associations qui ont permis de faire émerger une politique publique en matière d'autisme. Le dialogue entre elles et les pouvoirs publics est parfois difficile, mais leur action demeure indispensable.
Le plan autisme devrait comporter moins de fiches-actions mais mieux les mener à terme. La question du logement est symptomatique : on a créé une fiche-action mais aucune concertation avec les collectivités ayant la compétence du logement n'a été menée.
Je souhaiterais vous faire part de plusieurs témoignages recueillis dans mon propre département. Je rejoins les remarques de mes collègues sur les lacunes qu'on peut déplorer concernant le dépistage précoce et la nécessité d'un traitement évolutif dès la petite enfance. Par ailleurs, pour rebondir sur la remarque de mon collègue Michel Amiel sur les effets néfastes d'une approche exclusivement psychanalytique, je voulais attirer l'attention sur les méthodes Treatment and Education of Autistic and Related Communications Handicapped Children (TEACCH) et Applied Behavior Analysis (ABA) qui proposent d'intéressantes alternatives. Enfin, plusieurs parents m'ont interpelée sur la spécificité de la prise en charge de l'autisme aux États-Unis, qui présenterait de très nombreux atouts mais qui, pour d'évidentes raisons financières, n'est pas à la portée de tout le monde. Pourrait-on davantage s'en inspirer ?
Je souhaiterais vous poser trois questions. La première concerne les cas d'incapacité de jeunes parents à s'occuper de leurs enfants autistes et de prise en charge directe par leurs grands-parents : y a-t-il un dispositif spécifique prévu pour ce genre de situation particulièrement complexe ?
Ensuite, plaçons-nous dans l'hypothèse où l'enfant autiste ne peut pas bénéficier d'une inclusion scolaire en raison de la lourdeur de son handicap. Quel établissement médico-social est en mesure de prendre le relai et comment s'organise l'inclusion de l'enfant dans un milieu médico-social où d'autres enfants sont déjà pris en charge ?
Enfin, pour revenir sur le sujet du traitement psychanalytique, a-t-on des preuves avérées du lien entre autisme et environnement familial ?
Je partage tout à fait les opinions de la Cour des comptes et de mes collègues sur la nécessité d'un transfert de la prise en charge du sanitaire vers le médico-social. La « réponse accompagnée pour tous » s'inscrit dans cette optique mais ne bénéficie pas de suffisamment de moyens pour connaître une effectivité réelle et homogène. Quelles préconisations financières pourrait-on prendre pour que les départements puissent correctement appliquer ce nouveau dispositif ?
Mes collègues ont exprimé l'essentiel de mes préoccupations. Je tenais simplement à souligner le manque de connaissances scientifiques aujourd'hui répandues parmi nos concitoyens sur les troubles du spectre autistique et l'idée d'un institut de recherche spécifique me semble à cet égard particulièrement opportune.
Outre les remarques de mes collègues sur les carences du diagnostic précoce, que je rejoins parfaitement, je souhaitais saluer le rôle actif et indispensable que joue le tissu associatif dans le maintien et la continuité des démarches entreprises par les familles. Ils sont un relai souvent indispensable des pouvoirs publics, dont je m'étonne parfois qu'ils n'assurent pas suffisamment le suivi et l'accompagnement des familles de personnes handicapées.
Vous avez avancé le chiffre de 4 milliards d'euros : s'agit-il de la prise en charge effective au titre de la politique publique à destination des personnes atteintes d'autisme ou du niveau requis de crédits qui assurerait que la prise en charge soit efficace pour toutes les personnes concernées ? L'information est importante : il me paraît essentiel que nous disposions une bonne fois pour toutes du montant budgétaire à consacrer à la question, afin de rattraper le retard que nous accusons, notamment sur nos voisins belges.
En conclusion de ces questions, il me paraissait important de formuler une remarque d'ordre général. J'ai l'impression que le mouvement s'est récemment inversé dans la prise en charge du handicap entre professionnels et bénévoles. Les premiers ont aujourd'hui le primat sur les seconds et c'est heureux, mais cela donne lieu à mon sens à deux phénomènes que la prégnance du bénévolat était parvenue à éviter : le saupoudrage des crédits et les guerres de chapelle entre différents professionnels de la prise en charge. Il nous faut prendre garde à ces deux écueils.
L'idée de créer un institut national s'inspire de la démarche qui a conduit à la création de l'institut national du cancer. L'Inca a réellement fait progresser la coordination de la recherche sur le cancer dans une logique pluridisciplinaire. S'agissant de l'autisme, des progrès pourraient venir des neurosciences comme des technologies d'imagerie. Il s'agit d'adopter une approche couvrant l'ensemble des troubles du neurodéveloppement.
Pr Patrick Netter, membre de l'académie nationale de médecine, conseiller expert. - La recherche en la matière bénéficie d'une diversité de financeurs dont les actions ne sont pas coordonnées. L'Inca a structuré la recherche sur le cancer et lui a donné une visibilité. Un institut national permettrait, sur le même modèle, d'associer la recherche fondamentale, le développement de technologies nouvelles, la recherche en santé publique ou encore en sciences sociales. Nous proposons de placer cet institut sous l'autorité de l'Inserm, afin d'éviter d'avoir à créer une nouvelle administration.
On n'identifie pas bien les coûts directs liés à l'autisme et encore moins bien les coûts indirects. Cela dit, c'est également le cas chez nos voisins, la question de l'autisme étant incluse dans celle du handicap.
Le 3ème plan autisme prévoyait un budget global de 223 millions d'euros pour la période 2013-2017. La prise en charge représente une dépense de 4 milliards d'euros par an. Néanmoins ces chiffres ne tiennent pas compte des coûts indirects et la dépense de soins de ville ou les dépenses d'ALD liées à l'autisme sont certainement sous-évaluées.
Il conviendrait d'étudier les coûts du point de vue des familles qui les supportent et non plus sous l'angle du prix à la place dans les établissements. La Drees nous a indiqué que la mise en connexion de différents systèmes d'information, qui est prévue à horizon 2021, pourrait améliorer les données dont on dispose.
Une meilleure connaissance des coûts supposerait au demeurant qu'on améliore la connaissance de la prévalence de l'autisme.
Pour ces raisons, nous ne sommes pas en mesure de chiffrer les moyens supplémentaires qui seraient nécessaires. Nous avons néanmoins identifié un certain nombre de redéploiements possibles.
Nous avons en effet identifié des poches de dépenses inefficientes, notamment lorsque des personnes sont accueillies inutilement à l'hôpital alors que des solutions moins coûteuses seraient davantage adaptées à leur situation.
La question de la reconnaissance du rôle des grands-parents pose celle de la reconnaissance des aidants. Il conviendrait de publier des éléments de guidance à destination des aidants familiaux qui sont souvent laissés seuls face à des situations qui les dépassent. L'encadré page 35 de notre rapport fait le point sur les différentes méthodes existantes. Il conviendrait néanmoins, pour des questions de propriété intellectuelles, de mettre à disposition des recommandations officielles émanant des pouvoirs publics.
La séparation qui existe en France entre le sanitaire et le médico-social est une particularité française. Plutôt que de la remettre en cause, il convient d'en tenir compte et de trouver des voies d'amélioration.
En matière d'autisme, il n'est pas possible de poser un diagnostic définitif avant l'âge de trois ans. Le repérage d'éventuels signes doit néanmoins commencer plus tôt et donner lieu à une prise en charge précoce et à des bilans réguliers.
Pour répondre à M. Mouiller, il convient en effet que cet institut couvre l'ensemble des questions de neurodéveloppement et non pas uniquement l'autisme.
Article additionnel avant l'article 1er
Je comprends les intentions des auteurs de l'amendement n° 1 qui illustre parfaitement le dilemme que nous avions évoqué en discussion générale. Je partage sans réserve les préconisations de notre collègue député Pierre Dharréville et suis favorable à ce que les droits sociaux des proches aidants soient homogénéisés et renforcés. Ma nièce est atteinte de la maladie de Rett avec un handicap lourd. Je connais donc bien la situation des personnes handicapées et des aidants familiaux. Néanmoins, je ne pense pas qu'un rapport soit l'instrument opportun. Par ailleurs, l'adoption de cet amendement risque de reporter l'adoption de cette proposition de loi. On nous tend une main, saisissons-la. Avis défavorable dans l'immédiat. À l'avenir toutefois, vous avez raison, il faudra aller plus loin.
Il s'agit d'un amendement d'appel pour tester la volonté politique du Gouvernement de répondre aux préconisations formulées par la mission flash sur les aidants familiaux.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°1.
Article 1er
L'amendement n° 8 précise que les enfants sont éligibles au dispositif d'indemnisation s'ils souffrent d'une pathologie « directement » occasionnée par l'exposition de l'un de leurs parents à des produits phytopharmaceutiques. Il est cohérent avec la rédaction adoptée à l'alinéa précédent s'agissant des victimes environnementales dont la pathologie doit résulter « directement » de l'exposition à des produits phytopharmaceutiques. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 8.
L'amendement n° 9 supprime l'alinéa 5 qui dispose qu'un arrêté conjoint des ministres chargés de la santé et de l'agriculture établit la liste des pathologies ouvrant accès au dispositif d'indemnisation pour les victimes non professionnelles. Nous avons introduit cette disposition pour mieux encadrer le dispositif. L'arrêté interministériel sera en quelque sorte le pendant, pour les victimes non professionnelles, des tableaux de maladies professionnelles en vigueur pour les victimes professionnelles. Pour établir cet arrêté, le Gouvernement pourra se fonder sur ces tableaux ainsi que sur les résultats de l'expertise collective de l'Inserm de 2013. La commission médicale indépendante devra ensuite se prononcer sur le lien entre la pathologie en cause et l'exposition de la victime aux produits phytopharmaceutiques, sur le modèle du système existant pour le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA). En revanche, il ne revient pas à cette commission de dresser elle-même la liste des pathologies.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9.
L'amendement n° 2 rectifié prévoit que l'arrêté des ministres chargés de la santé et de l'agriculture qui précisera les pathologies ouvrant droit à indemnisation devra également être signé par le ministre chargé des outre-mer. Une telle disposition n'est pas habituelle. Les décisions des ministres s'appliquent outre-mer. Toutefois, étant donné l'exposition particulière des outre-mer, et des Antilles en particulier, aux produits phytosanitaires, sagesse.
Je voterai cet amendement. Les ministres de tutelle sont certes compétents pour tout le territoire national, mais à cause des délais de transmission ou du temps nécessaire pour apprécier les spécificités ultramarines, les décisions s'appliquent tardivement outre-mer... Avec cet amendement, on gagnerait en efficacité.
En fait, pour qu'une décision s'applique outre-mer, il faut qu'elle ait été prise en interministériel. Je soutiendrai cet amendement.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 2 rectifié.
Article 2
L'amendement n° 3 rectifié prévoit que la composition du conseil de gestion du fonds d'indemnisation est fixée non par décret mais par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé, des outre-mer et de l'agriculture. Avis défavorable : le périmètre d'action du Premier ministre, qui sera amené à signer le décret prévu à l'article 2, inclut l'outre-mer.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3 rectifié.
L'amendement n° 10 précise que le conseil de gestion du fonds d'indemnisation inclut notamment des représentants de l'industrie des produits phytopharmaceutiques. La composition du conseil de gestion sera arrêtée par décret. L'adoption de cet amendement aurait pour conséquence de ne faire figurer dans la loi qu'une partie de la composition du conseil de gestion, ce qui n'apparaît pas satisfaisant. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.
Article 3
L'amendement n° 11 prévoit l'obligation pour le demandeur de justifier d'un lien direct et certain entre l'exposition à des produits phytopharmaceutiques et sa pathologie. Cet amendement, qui revient sur la rédaction adoptée par la commission, rend l'accès au dispositif d'indemnisation extrêmement complexe. La commission a fait le choix de privilégier une présomption de causalité, dans le sens de l'évolution de la jurisprudence s'agissant du droit de la responsabilité en matière de santé. Dans une décision du 21 juin 2017, la Cour de justice de l'Union européenne retient ainsi « des indices graves, précis et concordants » pour conclure à un lien de causalité. De manière générale, la jurisprudence française reconnaît désormais que le doute scientifique ne fait pas nécessairement obstacle à la preuve requise du demandeur dès lors que celui-ci peut faire valoir un faisceau d'indices. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.
L'amendement n° 12 apporte deux précisions sur la commission médicale indépendante : il prévoit qu'elle se prononce sur l'existence d'un lien direct entre l'exposition et la pathologie et sur les demandes d'indemnisation ; et il précise qu'elle comprend notamment des experts de l'Anses et du centre anti-poison. L'adoption de cet amendement aurait pour conséquence de ne faire figurer dans la loi qu'une partie de la composition de cette commission, ce qui n'apparaît pas satisfaisant. Il reviendra au pouvoir réglementaire d'arrêter cette composition. Quant à la première partie de l'amendement, elle est déjà satisfaite par la rédaction du texte. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12.
L'amendement n° 4 rectifié prévoit que l'arrêté des ministres chargés de la santé et de l'agriculture, qui définira la composition de la commission médicale indépendante, devra également être signé par le ministre chargé des outre-mer. Sagesse.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 4 rectifié.
Les précisions de l'amendement n° 13, qui prévoit que la commission médicale indépendante peut procéder à toute expertise et investigation utiles et que les informations échangées en son sein sont confidentielles, sont en partie redondantes. En effet, il est déjà précisé à l'alinéa 4 de l'article 3 que le fonds « procède ou fait procéder à toute investigation et expertise utiles ». Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 13.
L'amendement n° 5 rectifié bis prévoit une commission scientifique indépendante chargée de se prononcer sur l'existence d'un lien direct entre l'utilisation du chlordécone et le paraquat et son incidence sur la pollution des sols et des rivières dans les Antilles. Si la préoccupation des auteurs de l'amendement est légitime, cet amendement élargit considérablement les missions du fonds dont l'objet précis doit demeurer l'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques. Il revient à d'autres organismes, comme l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), d'étudier l'incidence du chlordécone et du paraquat sur la pollution des sols et des rivières dans les Antilles. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5 rectifié bis.
Avis favorable à l'amendement n° 14 qui précise que la communication au demandeur de son dossier se fait sous réserve du respect du secret industriel et commercial.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n°14.
Article 4
L'amendement n° 15 précise que l'indemnisation répond à un barème forfaitaire prévu par décret. Il reviendra au fonds d'indemnisation des victimes des produits phytopharmaceutiques, comme c'est le cas pour le FIVA, de définir un barème indicatif approuvé par le conseil d'administration de la caisse, permettant de garantir l'égalité de traitement des demandeurs sur l'ensemble du territoire et d'assurer la cohérence dans la prise en compte des différents préjudices. Pour le FIVA, l'indemnisation est servie sous forme de rente dont la valeur est croissante en fonction du taux d'incapacité. Les rentes sont ensuite revalorisées dans les mêmes conditions que celles versées par la sécurité sociale. De telles modalités paraissent préférables à l'élaboration d'un décret qui implique nécessairement une procédure plus longue et contraignante. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 15.
L'amendement n° 16 prévoit que l'indemnisation à la charge du fonds est minorée « en cas d'utilisation non conforme des produits ». Une telle précision introduit un élément de complexité et sa mise en oeuvre serait particulièrement difficile : le fonds d'indemnisation ne serait pas en mesure de déterminer si l'utilisation a été « non conforme » et l'amendement ne précise pas les critères à prendre en compte pour établir cette non-conformité. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°16.
Article 5
Cet article, adopté par notre commission, encadre le droit d'action en justice du demandeur contre le fonds d'indemnisation. Avis défavorable à l'amendement n° 17 qui le supprime.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 17.
Article 6
Avis défavorable à l'amendement n° 18. Il est inutile de préciser que le recours subrogatoire exercé par le fonds est soumis aux règles définies par le droit commun. Il ressort de la rédaction actuelle de la proposition de loi que, si la victime a été indemnisée par le fonds, celui-ci se trouve subrogé dans les droits du demandeur et peut à ce titre saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) s'il dispose d'éléments de preuve suffisants pour engager une procédure en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur de la victime, selon les règles prévues par le code de la sécurité sociale.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°18.
Article 7
L'amendement n° 19 prévoit que lorsqu'il est suffisamment abondé, le fonds ne perçoit pas de recette issue de la taxe sur la vente de produits phytopharmaceutiques. Une telle précision ne paraît pas opportune.
Le produit de la taxe sur la vente de produits phytopharmaceutiques, de l'ordre de 4 millions d'euros, sert aujourd'hui à financer le dispositif de phytopharmacovigilance piloté par l'Anses. Les recettes collectées permettent de maintenir à l'équilibre le financement de ce dispositif. La commission a souhaité garantir la préservation de ce financement. C'est pourquoi elle a précisé que la taxe est affectée en priorité à l'Anses et, pour le reliquat, au fonds d'indemnisation. Le relèvement de la taxe au niveau du plafond défini par la loi permettrait en effet de dégager des ressources supplémentaires, de l'ordre de 2 millions d'euros, pour financer la mise en place du fonds. En tout état de cause, il ne pourra s'agir que d'une ressource d'amorçage. Les sources de financement devront ensuite être ajustées, élargies, en fonction de l'activité du fonds. Compte tenu de ces considérations, la précision apportée par cet amendement n'apparaît pas cohérente. Avis défavorable.
Il faudrait toutefois s'assurer qu'en cas d'excédent, le produit de la taxe ne serve pas à financer autre chose...
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 19.
Article 9
L'amendement n° 20 entend garantir l'anonymat des informations figurant dans le rapport annuel d'activité du fonds. La loi en vigueur garantit déjà la protection des données à caractère personnel. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 20.
TABLEAU DES AVIS
La commission désigne M. Dominique Watrin en qualité de rapporteur pour la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles en France continentale et dans les Outre-mer (n° 368, 2016-2017).
La réunion est close à midi.