La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Bernard Frimat.
La séance est reprise.
Texte de la commission
Nous reprenons la discussion du projet de loi de réforme des collectivités territoriales.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 1er.
L'amendement n° 354 rectifié, présenté par MM. Peyronnet, Sueur, Bel et Anziani, Mme Bonnefoy, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Krattinger, Mauroy et Povinelli, Mme Alquier, MM. Andreoni, Bérit-Débat et Berthou, Mme Blondin, MM. Bodin, Botrel et Boutant, Mmes Bourzai et Bricq, MM. Caffet et Chastan, Mme Cartron, MM. Courteau, Daunis et Daudigny, Mme Durrieu, MM. Fichet et Jeannerot, Mme Ghali, MM. Guérini et Guillaume, Mmes Khiari et Klès, MM. Lagauche, Marc, Le Menn, Lozach, Madec, Mazuir, Miquel, Mirassou, Patriat, Percheron, Rebsamen, Ries, Sergent, Signé et Teulade, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 337 du code électoral est complété par une phrase ainsi rédigée :
« La composition des conseils régionaux respecte les principes de la parité. »
La parole est à Mme Bernadette Bourzai.
Le projet de loi « relatif à l’élection des conseillers territoriaux » prévoit l’élection de 80 % d’entre eux au scrutin uninominal majoritaire à un tour, les 20 % restants étant élus sur des listes départementales et à la proportionnelle.
C’est une régression manifeste et inacceptable de la parité, et donc de la démocratie.
En effet, le scrutin uninominal n’est soumis à aucune des mesures paritaires contraignantes. Il ne favorise donc pas l’égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller territorial. De ce fait, il n’est pas conforme à la Constitution.
Souvenez-vous, chers collègues : aux élections cantonales de 2008, 87, 7 % d’hommes étaient élus conseillers généraux au scrutin uninominal, pour seulement 12, 3 % de femmes.
En revanche, le scrutin de liste avait permis, en 2004, l’élection de 47, 6 % de conseillères régionales.
Selon les projections établies par l’Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes en fonction des précédentes élections, il n’y aurait, en 2014, que 19, 3 % de femmes, pour 80, 7 % d’hommes parmi les futurs conseillers territoriaux.
Parce qu’il défavorise l’accès égal des femmes et des hommes aux fonctions et mandats électifs, ce projet de loi est contraire à l’article 1er de la Constitution, dont je vous rappelle les premiers termes du second alinéa : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ».
C’est la raison pour laquelle vous pouvez légitimement craindre la non-constitutionnalité des dispositions relatives au mode de scrutin du futur conseiller territorial.
En outre, je tiens à rappeler que, dans les conseils municipaux de communes de plus de 3 500 habitants, dans les conseils régionaux, au Parlement européen, c'est-à-dire partout où le mode de scrutin le permet – le scrutin de liste -, on retrouve désormais plus de 47 % de représentation féminine, sans oublier que, depuis la loi du 31 janvier 2007, la parité est devenue une exigence pour les exécutifs régionaux.
Aujourd'hui, nous sommes tous convaincus que cette représentation est bénéfique et qu’elle est indispensable au bon fonctionnement de nos institutions. Il est hors de question de revenir en arrière.
L’amendement que nous présentons, en précisant que la composition des conseils régionaux respecte les principes de la parité, permet d’inscrire dans la loi que le conseil régional doit être composé d’un nombre égal d’hommes et de femmes.
Monsieur le secrétaire d'État, de grâce, ne nous redites pas que la parité va progresser parce que le scrutin de liste paritaire s’appliquera dans les communes de plus de 500 habitants. Certes, ce sera bien le cas, et nous nous en réjouissons et nous proposons même d’aller plus loin, puisque nous souhaitons que ce principe s’applique dès la plus petite commune.
Cela étant, ne comptez pas sur notre patience. Nous n’avons pas à faire nos preuves et nos classes. Les femmes élues, à quelque niveau que ce soit, depuis les communes jusqu’à l’Assemblée nationale, …
… ainsi que dans les ministères, font chaque jour la preuve de leur capacité, de leur compétence, de leur présence, pour gérer la Cité et servir l’intérêt général.
Je vous l’ai dit en décembre, monsieur le secrétaire d'État, et je vous le répète : j’ai commencé ma carrière politique en 1978, lorsque le député Jacques Chirac déclarait que la femme idéale, selon lui, était la femme corrézienne, qui sert les hommes à table, qui se tient debout derrière et qui se tait !
Nous ne nous tairons plus !
Jacques Chirac l’a d’ailleurs lui-même compris, lui qui a demandé à sa femme de conquérir un canton et de le garder, ce qu’elle fait parfaitement depuis trente ans !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Avec des délégations !
Cet amendement porte sur un sujet de droit électoral et n’a pas sa place dans le présent texte ; il pourra être examiné lors de la discussion du projet de loi n° 61 spécifiquement dédié à ces questions.
Cela étant, la parité fait partie des exigences que devra prendre en compte le mode de scrutin applicable aux conseils territoriaux.
La commission des lois a donc émis un avis défavorable.
Nous avons entamé une série de réunions de travail avec les délégations aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes des deux assemblées, singulièrement avec Mme Michèle André, pour le Sénat, et Mme Marie-Jo Zimmermann, pour l’Assemblée nationale, afin d’améliorer le texte dans ce domaine.
Nous avons déjà eu trois réunions et d’autres sont prévues.
Je souligne, même si cela ne vous fait pas plaisir, madame la sénatrice, que, pour le passage au scrutin de liste aux élections municipales, l’abaissement du seuil de 3 500 habitants à 500 habitants constitue une avancée très importante pour les femmes.
Mme Bernadette Bourzai proteste.
Madame, que vous le vouliez ou non, cette disposition permet l’entrée de 40 000 femmes dans les conseils municipaux et un très grand nombre d’adjointes !
Par ailleurs, nous introduisons également la parité à l’échelon communautaire : entre 25 000 et 30 000 femmes feront leur entrée dans les conseils communautaires.
À l’heure actuelle, les conseils généraux comptent moins de 13 % de femmes puisque, sur 3 850 conseillers généraux, 488 seulement sont des femmes. Avec le projet du Gouvernement et la parité introduite sur la part proportionnelle, plus de 20 % de femmes siégeront désormais au sein des conseils généraux.
Sourires
Je rappelle que, aujourd’hui, quatre conseils généraux ne comptent aucune femme, et ce ne sont pas des assemblées départementales de droite !
Certes, les exécutifs ne sont pas encore à la hauteur, sous l’angle de la parité.
Quoi qu’il en soit, les assemblées régionales ont connu une progression du nombre de femmes en raison du mode d’élection.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, vous ne pouvez refuser ici l’affirmation du principe de la parité puisque vous avez précédemment été favorable à un amendement visant à assurer le respect d’autres principes.
Très bien ! sur les travées du groupe CRC-SPG.
Monsieur le secrétaire d'État, si vous voulez nous faire dire qu’il n’est pas bien que des majorités départementales de gauche n’aient pas fait attention à la représentation des femmes en tant que telle, j’en conviens tout à fait.
La loi n’est pas censée reposer sur la bonne volonté des uns et des autres. En l’occurrence, la loi a pour but d’organiser la parité. Or, vous serez d’accord avec moi, la situation actuelle dans les départements est tout sauf satisfaisante.
Convenir que le suppléant d’un homme doit être de sexe opposé, parier sur le fait que le conseiller général pourrait cumuler des mandats ou connaître un sort funeste sur le plan personnel pour espérer rééquilibrer l’assemblée départementale en faveur des femmes, voilà qui n’est pas à la hauteur des défis qui nous attendent !
Chacun pourra citer ici les assemblées qui, à travers l’Europe et le monde, sont bien plus féminisées que ne le sont les assemblées françaises.
Compter sur une simple dose de 20 % de proportionnelle pour permettre une féminisation – toute relative - de certaines assemblées n’est pas suffisant.
Soyons à la hauteur des attentes des femmes et de la plupart des hommes.
Mme Dominique Voynet. Mettons en place un mode de scrutin qui permette de respecter les exigences de la Constitution et de satisfaire les attentes de la société !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Mme Annie David. À écouter les explications de M. le secrétaire d'État, il faudrait sans doute le remercier de l’abaissement du seuil de déclenchement de la proportionnelle aux communes de 500 habitants, qui devrait permettre à un nombre très important de femmes d’entrer dans la vie politique.
M. le secrétaire d’État s’entretient avec M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.
Nous vous écoutons tous les deux !
Sourires
Mme Annie David. Si vous ne m’écoutez pas quand je parle de la parité, je vais vraiment me fâcher.
Nouveaux sourires
Monsieur le secrétaire d'État, il y a déjà beaucoup de femmes en politique aujourd'hui. Le problème est qu’elles n’arrivent pas à se faire élire !
Grâce à votre proposition, de nombreuses femmes seront désormais élues dans les communes.
En revanche, demain, beaucoup moins de femmes encore seront élues conseillers territoriaux puisque le type de scrutin que vous prévoyez ne leur permettra pas de se présenter. Mais pourquoi donc, me direz-vous ?
La question a déjà été posée hier, mais je n’hésite pas à la poser de nouveau aujourd’hui : qu’est-ce qui empêchera donc les femmes de se présenter ?
Sourires
Oui, chers collègues, tout simplement les hommes !
Dire aujourd’hui que les femmes peuvent entrer dans les conseils municipaux, ce n’est pas bien différent que de les cantonner, comme hier, à la cuisine et de ne les tolérer dans la salle à manger que pour servir en silence leurs élus de maris, puisque c’est ainsi que l’un des plus illustres d’entre eux se représentait la femme idéale !
J’ai participé à une conférence de presse organisée par l’association des femmes élues de l’Isère, mon département. La présidente de cette association nous a expliqué que, finalement, les femmes resteront en cuisine, puisqu’elles géreront des communes largement transformées en coquilles vides par l’intercommunalité et les transferts de compétences, pendant que les hommes pourront passer au salon – le futur conseil territorial…
Monsieur le secrétaire d’État, votre argument selon lequel beaucoup de femmes pourront entrer en politique grâce à ce projet de loi ne nous convainc pas. Je tenais à vous le faire savoir !
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 592, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel rédigé ainsi :
I. - Le premier alinéa de l’article L. 338 du code électoral est ainsi rédigé :
« Les conseillers régionaux sont élus dans chaque région au scrutin de liste à deux tours sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l’ordre de présentation. Chaque liste regroupe l’ensemble des candidats de la région, tous départements confondus. »
II. - L’article L. 338-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 338-1. - Au sein d’une même région, le nombre de représentants, au conseil régional, du département le plus peuplé, ne peut excéder 50 % du nombre total de conseillers régionaux. »
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Sur la forme, j’en conviens, monsieur le rapporteur, monsieur le secrétaire d’État, cet amendement porte sur un sujet de droit électoral et « n’a pas sa place dans ce projet de loi » : il est facile d’anticiper sur votre argumentation, puisqu’elle est la même pour tous les amendements de cette nature.
Sur le fond, considérez que cet amendement constitue une sorte d’acte de foi dans les régions. Vous expliquez d’ailleurs régulièrement vouloir faire de l’échelon régional un pôle fédérateur et dynamique, doté de compétences lui offrant un véritable rayonnement territorial et légitimé par une gouvernance renforcée.
Je vous rejoins sur ce point, monsieur le secrétaire d’État : la région apparaît en effet aujourd’hui, à l’heure de l’Europe, comme la dimension propice au déploiement des politiques publiques qui assurent le dynamisme des territoires, en matière d’emploi, de formation, de recherche, d’innovation ou encore de développement économique durable.
Cela étant, une fois les motivations exposées, il serait logique de mettre concrètement en musique cette ambition régionale !
En ce qui concerne les compétences, nous l’avons déjà dit, nous regrettons que leur clarification soit reportée à un texte ultérieur. Nous pressentons la suppression de la clause générale de compétence des régions, inscrite plus loin dans ce projet de loi. Cela ne les aidera pas, bien évidemment, à valoriser leur territoire. Au contraire !
À l’heure où l’État se désengage de nombreux domaines qui relevaient jusqu’ici de sa compétence, sans transférer pour autant les ressources financières correspondantes, on peut légitimement s’interroger sur le devenir des diverses politiques aujourd’hui largement soutenues par les régions et les autres collectivités, notamment la politique culturelle. Quelle est donc la logique de cette réforme, monsieur le secrétaire d’État ? Souhaitez-vous encourager l’émergence de régions fortes, comme cela est affirmé dans l’exposé des motifs du projet de loi, ou entendez-vous continuer de les affaiblir, comme vous le faites, en rognant leur domaine de compétence et en les empêchant de consolider leurs ressources ?
Dans une perspective démocratique, il me semble important d’instaurer un mode de scrutin permettant de faire valoir pleinement le fait régional, en évitant à la fois la « cantonalisation », dénoncée par certains membres de mon groupe, et la départementalisation qui sous-tend l’actuel mode de scrutin. Un scrutin de liste régionale, paritaire, me paraîtrait de nature à nourrir l’idéal régional.
Pour éviter la surreprésentation du département le plus peuplé, nous avons par ailleurs prévu que 50 % au plus des élus pourraient être issus de celui-ci. C’est, hélas, une tendance de fond : afin de garantir l’assiduité et de faciliter la participation de leurs représentants au conseil économique et social régional, la tentation est grande, pour les associations, les organisations syndicales et les chambres consulaires, de désigner des personnes issues du département où se trouve la capitale régionale. C’est particulièrement vrai dans les régions où l’un des départements est beaucoup plus peuplé que les autres, par exemple Midi-Pyrénées ou le Languedoc-Roussillon.
Cette disposition, qui répond à la préoccupation exprimée tout à l’heure par Jacques Blanc au sujet de la représentation équitable des différentes composantes du territoire régional, vise à instaurer un mode de scrutin rendant à l’ensemble régional sa cohérence et son lustre.
Mme Voynet a deviné l’avis de la commission ! Je ne peux que lui confirmer que son amendement n’a pas sa place dans ce projet de loi, mais qu’il la trouvera certainement dans le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux.
La commission a donc émis un avis défavorable.
M. Jean-René Lecerf. Je souhaite simplement faire observer que, dans une région ne comptant que deux départements, comme celle que vous et moi connaissons bien, monsieur le président, il serait extrêmement difficile d’appliquer le dispositif présenté par Mme Voynet : comment faire alors en sorte que le nombre de conseillers territoriaux issus du département le plus peuplé n’excède pas 50 % de l’effectif total de l’assemblée ?
Exclamations amusées sur les travées de l ’ UMP.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 640 rectifié, présenté par MM. Pozzo di Borgo et P. Dominati, est ainsi libellé :
Après l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 2512-1 est ainsi rédigé :
« Les affaires de la commune de Paris sont réglées par les délibérations d’une assemblée dénommée conseil de Paris , présidée par le maire de Paris. » ;
2° L’article L.2512-2 est abrogé ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 2512-5, après les mots : « son règlement intérieur », les mots : « en distinguant les règles applicables aux délibérations du conseil en formation de conseil municipal et en formation de conseil général » sont supprimés ;
4° À l’article L. 2512-8, après les mots : « du conseil de Paris », les mots : « siégeant en formation de conseil municipal ou de conseil général » sont supprimés ;
5° Les articles L. 3411-1 à L. 3412-2 sont abrogés.
II. - Les charges éventuelles qui découleraient, pour les collectivités territoriales, de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par une augmentation de la dotation globale de fonctionnement et de la dotation générale de décentralisation.
III. - Les charges éventuelles qui résulteraient pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux tarifs visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.
Ce sujet a déjà été abordé tout à l’heure par M. Dominati et moi-même, à l’occasion de la discussion de l’amendement n° 603 rectifié.
Le présent amendement a un double objet.
En premier lieu, Paris étant à la fois une commune et un département, nous demandons que les fonctions de conseiller général soient exercées à l’avenir par les conseillers territoriaux, et donc que le conseil municipal de Paris soit dissocié du conseil général.
En second lieu, il nous paraît nécessaire que les conseillers territoriaux de Paris soient élus non pas à la proportionnelle, comme le prévoit le texte actuel du projet de loi, mais dans des circonscriptions territoriales. Cela permettrait que les quelque 2 millions d’habitants de la capitale, où un ménage sur deux est constitué par une personne vivant seule, selon les statistiques de l’INSEE, connaissent au moins leurs élus.
En réponse à notre amendement précédent, M. Mercier a indiqué, comme l’avait déjà fait M. le ministre de l’intérieur devant la commission des lois, que la réforme concernant Paris serait traitée dans le projet de loi relatif au Grand Paris. J’ai alors objecté à M. Mercier que ce dernier texte ne comporte pas, pour l’heure, de volet institutionnel.
Je vous repose donc la question, monsieur le secrétaire d’État, par le biais du présent amendement : comment cet aspect institutionnel sera-t-il intégré dans la réflexion sur le Grand Paris ? Ne serait-il pas envisageable de traiter le problème à l’occasion de la discussion de l’article 5 du présent projet de loi, consacré aux métropoles ?
Cet amendement vise à modifier le régime spécifique du Conseil de Paris en supprimant la compétence départementale de celui-ci. Je rappelle que le périmètre de la commune de Paris est strictement identique à celui du département de Paris : la double compétence des conseillers de Paris relève donc de considérations de bonne gestion.
La modification proposée ne semble pas pouvoir être envisagée dans l’immédiat, dans la mesure où il importe de tenir compte des conséquences institutionnelles qu’entraînera la réforme du Grand Paris. Vous disposerez donc de deux occasions pour représenter votre suggestion, mon cher collègue : soit lors de la discussion du projet de loi relatif au Grand Paris, soit, si vous estimez que la situation n’évolue pas assez rapidement, lors de l’examen du projet de loi n° 61, que nous aborderons à la fin du deuxième trimestre.
Pour ces raisons, la commission souhaiterait que cet amendement soit retiré.
Je ne peux que confirmer l’avis émis cet après-midi par mon collègue Michel Mercier et demander le retrait de cet amendement, en attendant la fin des discussions sur le mode d’élection des futurs conseillers territoriaux. Il sera alors temps de décider si celui-ci sera applicable ou non aux représentants de Paris au conseil régional d’Île-de-France.
Si cet amendement n’était pas retiré, le Gouvernement serait dans l’obligation d’émettre un avis défavorable.
Monsieur Pozzo di Borgo, l’amendement n° 640 rectifié est-il maintenu ?
Tout à l’heure, M. Mercier nous a indiqué, comme vous, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, que la question de l’élection des conseillers territoriaux dans des circonscriptions territoriales sera traitée dans le projet de loi consacré spécifiquement à ce sujet. Nous sommes d’accord.
Cependant, M. Mercier nous a également dit que la séparation entre conseil général et conseil municipal serait évoquée lors de la discussion du projet de loi relatif au Grand Paris. Or, ce texte, en son état actuel, ne comporte pas de volet institutionnel !
Je vais retirer mon amendement, mais je voudrais savoir, monsieur le secrétaire d’État, si vous confirmez les propos de votre collègue M. Mercier sur ce point.
Je souhaiterais cependant obtenir une réponse à ma question !
Chapitre II
Élection et composition des conseils communautaires
L’amendement n° 25, présenté par M. Masson, est ainsi libellé :
Avant l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au second alinéa de l’article L. 2541-1 du code général des collectivités territoriales, les mots : « de l’article L. 2121-22 » sont supprimés.
Cet amendement n’est pas soutenu.
L’amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Masson et Adnot, est ainsi libellé :
Avant l’article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 5212-7, le dernier alinéa de l’article L. 5214-7 et le dernier alinéa de l’article L. 5216-3 du code général des collectivités territoriales sont complétés par une phrase ainsi rédigée :
« Dans ce cas, le délégué titulaire empêché désigne en priorité pour le remplacer l’un des délégués suppléants de la commune qu’il représente ; à défaut, il peut donner procuration au délégué titulaire de son choix ».
La parole est à M. Philippe Adnot.
Cet amendement tend à lever une ambiguïté, en permettant à une commune de se faire représenter par un suppléant de son choix. Cette mesure me paraît de bon sens.
Dans quelques instants, nous examinerons, à l’article 2, l’amendement n° 512 rectifié bis, présenté par M. Charasse, qui règle le problème de manière plus complète. Je souhaiterais donc, mon cher collègue, que vous retiriez votre amendement à son profit ; à défaut, la commission émettrait un avis défavorable.
M. Philippe Adnot. Puisque le Gouvernement et la commission préfèrent donner satisfaction à M. Charasse, pour lequel j’ai beaucoup de sympathie, je retire mon amendement !
Sourires
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° L’article L. 5211-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5211 -6. – Les métropoles, communautés urbaines, communautés d’agglomération et communautés de communes sont administrées par un organe délibérant composé de délégués des communes membres élus au suffrage universel direct dans les conditions fixées par la loi. Les autres établissements publics de coopération intercommunale sont administrés par un organe délibérant composé de délégués élus par les conseils municipaux des communes membres dans les conditions fixées à l’article L. 2122-7 du présent code. » ;
2° Les I et I bis de l’article L. 5211-7 sont abrogés ;
3° L’article L. 5211-8 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « des articles L. 2121-33 et L. 2122-10 » sont remplacés par les mots : « de l’article L. 2121-33 », et les mots : « qui les a désignés » sont remplacés par les mots : « de la commune dont ils sont issus » ;
b) À la fin du troisième alinéa, les mots : « par le nouveau conseil » sont remplacés par les mots : « conformément aux dispositions de l’article L. 5211-6 » ;
c) Le quatrième alinéa est complété par les mots : « selon les modalités prévues à l’article L. 2122-7 pour les syndicats de communes et celles prévues par la loi pour les autres établissements publics de coopération intercommunale » ;
d) Les cinquième et dernier alinéas sont supprimés ;
4° L’article L. 5212-7 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« À défaut pour une commune d’avoir désigné ses délégués, cette commune est représentée au sein du comité du syndicat par le maire si elle ne compte qu’un délégué, par le maire et le premier adjoint dans le cas contraire. L’organe délibérant est alors réputé complet.
« Toute commune déléguée créée en application de l’article L. 2113-10 du présent code est représentée au sein du comité syndical, avec voix consultative, par le maire délégué ou, le cas échéant, par un représentant qu’il désigne au sein du conseil de la commune déléguée. » ;
5° L’article L. 5215-10 est abrogé.
Cet article, qui traite de l’élection des conseillers communautaires, n’est pas sans poser un certain nombre de problèmes.
Je ne m’étendrai pas sur le fait qu’il entérine la création des métropoles avant même que notre assemblée ne se soit prononcée sur le sujet. Nous y reviendrons certainement dans la discussion…
Nous avons déjà eu à plusieurs reprises l’occasion d’indiquer que nous n’étions pas opposés à ce que les électeurs aient leur mot à dire dans la désignation des délégués des communes au sein des conseils communautaires, et donc à la mise en œuvre de la méthode du fléchage des candidats.
C’est, semble-t-il, ce que l’on nous propose, mais la discussion parlementaire sur cette disposition est renvoyée à un projet de loi ultérieur. Cela ne saurait nous rassurer ! Il ne nous paraît d’ailleurs pas acceptable d’adopter un principe – encore un ! – sans avoir de prise sur la définition de ses modalités d’application.
Nous aurons l’occasion d’insister sur ce point au long du débat : notre conception de l’intercommunalité est fondée sur le volontariat et sur le libre choix des communes. Nous rejetons donc, en la matière, toute décision autoritaire.
Les établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, ne sont pas et ne doivent pas devenir des collectivités territoriales, ni en droit ni en fait. Il s’agit avant tout de structures de coopération et de mutualisation, représentant les communes qui en sont membres. En conséquence, il nous apparaît absolument nécessaire de maintenir un lien institutionnel fort entre la commune, représentée par son conseil municipal, et la structure intercommunale.
Dans ces conditions, retenir un mode de scrutin fondé sur le suffrage universel direct, avec une élection autonome des conseillers communautaires, serait inopportun. Cela accroîtrait de fait les pouvoirs des intercommunalités au détriment de ceux des communes et légitimerait une forme de tutelle, ce que nous refusons.
Or la réforme proposée par le Gouvernement, sans jamais que cela soit explicitement dit, va précisément dans le sens de l’intégration des communes au sein des intercommunalités. La commission des lois évoque d’ailleurs, s’agissant de l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct, un « corollaire indispensable au fort degré d’intégration et aux larges compétences des EPCI à fiscalité propre ».
Nous savons donc bien quel est l’objectif de la majorité : donner la primauté aux intercommunalités pour, à terme, vider les communes de leur substance. Cela exige de créer des structures plus importantes, dont le modèle serait la métropole, cumulant pouvoirs et compétences.
Je pense que nous devons être très attentifs et refuser que l’intercommunalité se transforme en une machine à faire disparaître la démocratie communale et la libre administration des communes. L’alinéa 3 de l’article 2, en indiquant simplement que les délégués des communes seront élus au suffrage universel direct, laisse le champ libre à toute modification ultérieure. Or le projet de loi recouvre déjà trop de non-dits.
D’ailleurs, le rapport de la commission des lois souligne, à juste titre, que les dispositions incluses dans le projet de loi n° 61 pourront être modifiées par le débat parlementaire. Du flou s’ajoute donc au flou !
Effectivement, nous devrons pouvoir exercer notre droit d’amendement à cette occasion – du moins c’est ce que nous espérons, car, en définitive, peu de nos propositions sont acceptées par le Gouvernement… Néanmoins, nous restons méfiants et préférons donc le faire jouer dès aujourd’hui, afin de nous assurer que la méthode du fléchage ne pourra pas être remise en cause au bénéfice d’un autre mode de scrutin destiné à mettre en place, à la tête des intercommunalités, des équipes indépendantes dépourvues d’élus municipaux.
Les délégués communautaires sont et doivent rester liés au conseil municipal dont ils sont issus : telle est la philosophie qui sous-tend les amendements que nous avons déposés à cet article 2.
Au moment où nous abordons la discussion des articles relatifs à l’intercommunalité, je souhaite préciser quelles sont nos propositions et nos positions sur ce thème.
Premièrement, nous avons beaucoup œuvré pour le développement de l’intercommunalité. En effet, on doit à la gauche la loi du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République, qui a créé les communautés de communes, et la loi du 12 juillet 1999 relative au renforcement et à la simplification de la coopération intercommunale, qui a créé les communautés d’agglomération.
La méthode que nous avons toujours préconisée, celle de laisser la liberté de choix aux communes, a été, me semble-t-il, la bonne : l’intercommunalité a énormément progressé par le simple volontariat et concerne désormais plus de 92 % des communes.
Nous sommes donc attachés à la liberté des communes et, à cet égard, nous émettrons des réserves chaque fois qu’une disposition du projet de loi accordera un poids à nos yeux excessif aux représentants de l’État. Il nous semble qu’il faut encourager jusqu’au bout ce mouvement volontaire, qui a porté ses fruits.
Bien sûr, nous savons que le représentant de l’État devra forcément intervenir, ici ou là, quand il s’agira d’achever le processus, et nous ne nous y opposons pas. Mais nous estimons qu’il faut faire confiance autant que possible aux libertés communales.
Deuxièmement, nous pensons que l’intercommunalité, quelle que soit sa forme, ne doit jamais se traduire, explicitement ou implicitement, par la suppression des communes.
Nous avons besoin de deux niveaux : la commune est un échelon de proximité, tandis que l’intercommunalité permet de traiter des dossiers, relatifs par exemple au développement économique, à l’aménagement du territoire, à l’environnement, aux transports, que les communes ne peuvent prendre en charge seules.
En moins de quinze ans, nous avons donc assisté à ce que l’on pourrait appeler la révolution tranquille et silencieuse de l’intercommunalité. Le niveau communautaire est en progression, et nous proposons d’en tirer les conséquences. C’est pourquoi nous avons déjà présenté un amendement qui tendait à prévoir que la réalité des communautés soit prise en compte, à l’avenir, en particulier s’agissant du mode d’élection des élus départementaux. Nous le savons bien, dans nos territoires, les espaces de projets sont les communautés de communes, et non les cantons. Cela est une bonne chose, aussi pensons-nous que la région et le département doivent s’articuler autour de cette réalité montante de l’intercommunalité.
Troisièmement, de même qu’il faut des régions fortes, il faut des communautés fortes.
À cet égard, il est aujourd’hui indispensable d’accroître un certain nombre de compétences et de moyens accordés aux intercommunalités, dès lors que cette évolution s’opère toujours dans le respect des communes. Il n’y a pas là de contradiction ! En vérité, je pense même que ce sont les intercommunalités qui permettent le maintien des communes. Ainsi, sans elles, beaucoup de ces quelque 36 700 communes de France auxquelles nous tenons apparaîtraient comme n’étant pas viables. Le mouvement de l’intercommunalité a permis de conforter les communes !
Nous demandons donc plus de compétences, plus de moyens, plus de reconnaissance pour les communautés, et une bonne articulation entre celles-ci, les départements et les régions.
Reste la question de la démocratie, sur laquelle ma position sera quelque peu différente de celle de Mme Mathon-Poinat. Le débat est ancien et, pour nous, il n’est pas clos.
Le système du fléchage, tel qu’il est proposé par le Gouvernement, sera à notre sens un progrès pour les communautés de communes, les communautés d’agglomération, les communautés urbaines. Toutefois, nous savons qu’il ne faut pas exagérer la portée de cette évolution : les citoyens continueront de se prononcer sur des listes municipales, certains candidats ayant vocation, en cas d’élection, à siéger à l’échelon intercommunal.
C’est pourquoi nous estimons qu’il faudra un jour se demander s’il est moins légitime d’élire au suffrage universel direct les délégués communautaires dans une métropole, qui procédera, si nous avons bien compris, d’un degré d’intégration plus fort que les communautés urbaines ou d’agglomération, que l’équipe municipale d’une commune de 60 habitants ou le conseiller général d’un canton urbain dont aucun habitant ne connaît le périmètre ni les compétences. Je vous assure, mes chers collègues, que la réalité cantonale n’est plus guère perceptible dans une grande ville, au point que, dans bien des cas, la population ignore jusqu’à l’identité du conseiller général !
Nous pensons donc que, si une communauté urbaine ou d’agglomération fait le choix de pousser plus loin l’intégration en constituant une métropole, il convient de poser la question de l’instauration du suffrage direct pour l’élection des conseillers communautaires, afin que les citoyens puissent faire entendre leur voix à cet échelon.
Tel est le débat que nous souhaitons ouvrir pour l’avenir. Il faudra, d’une manière ou d’une autre, traiter cette question de la démocratie.
Le présent article tend à instaurer l’élection des délégués siégeant au sein des intercommunalités au suffrage universel direct. C’est une très bonne chose !
Compte tenu de la montée en puissance des EPCI à fiscalité propre dans le paysage territorial et de l’étendue des compétences structurantes pour la vie locale à présent déléguées par les communes aux intercommunalités, il était essentiel, et même urgent, de permettre aux électeurs de désigner de façon directe, plus transparente et plus démocratique, les élus censés les représenter au sein de celles-ci.
Cette proposition a été avancée, pour la première fois, par Pierre Mauroy dans un rapport publié en 2000. Si le Sénat ne s’y était pas alors opposé, on peut imaginer qu’elle serait déjà entrée en vigueur. Je salue donc comme elle le mérite cette avancée pour les citoyens, devenue consensuelle, ou presque, au fil du temps.
Pourtant, monsieur le secrétaire d’État, je regrette que nous ne puissions pas avoir une vision globale, cohérente de l’appareil législatif et institutionnel que vous nous proposez d’instituer. En effet, vous ne nous avez pas soumis de texte parachevant et simplifiant l’intercommunalité. Au contraire, nous le verrons plus loin, le présent projet de loi met en place des modalités d’organisation différentes, certes intéressantes, voire nécessaires dans le cas des métropoles, mais qui ne seront pas davantage lisibles pour nos concitoyens. Par ailleurs, puisque le Gouvernement semble tenir à réformer la gouvernance des régions et des départements, nous aurions aimé qu’il élabore un texte ad hoc.
L’article 2 tend donc à prévoir que les délégués communautaires seront élus au suffrage universel direct – cela est très bien ! – « dans les conditions fixées par la loi ». La définition des modalités de cette élection est par conséquent renvoyée à une loi ultérieure, au risque de nuire à l’intelligibilité du dispositif.
Le Conseil constitutionnel a pourtant fait sienne l’exigence d’intelligibilité de la loi, qu’il mentionne notamment dans des décisions de 1999 et de 2006. Selon ce principe, et conformément à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le législateur doit adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques.
M. Michel Charasse acquiesce.
Je ne reviens pas sur l’amendement présenté, à l’article 1er, par nos collègues de l’Union centriste, qui est venu déposer un brouillard épais sur une situation déjà pour le moins floue, s’agissant des modalités de l’élection des conseillers territoriaux. Mais, monsieur le rapporteur, puisque vous avez déjà annoncé que vous entendiez donner un avis favorable à l’amendement de M. Charasse, je tiens à dénoncer une méthode qui s’apparente à du teasing législatif, méthode que je juge contre-productive et qui nuit à la lisibilité de la loi pour les citoyens. Vous nous expliquez qu’il est hors de question d’ouvrir un débat sur le mode de scrutin envisagé et excluez de traiter de certains principes dans le cadre de ce projet de loi : attendez-vous, pour aborder les questions de fond, un signal, sous la forme d’un éventuel amendement ou sous-amendement émanant d’un groupe de cette assemblée ? Le débat n’a même pas lieu d’être sur ce point, monsieur le rapporteur, puisque vous venez de reconnaître que c’est bien ainsi que vous entendiez procéder.
Dans l’attente de votre réponse définitive, monsieur le secrétaire d'État, laissez-moi vous faire remarquer que vous vous exposez, une fois de plus, à la censure du Conseil constitutionnel. La cohérence de la loi n’est pas garantie, l’examen des dispositions étant saucissonné entre plusieurs textes et dispersé au fil du temps. Je ne peux que regretter cet état de choses, qui nuit à la qualité de notre travail et à sa perception par nos concitoyens.
Si j’avais eu la responsabilité de préparer un projet de loi sur la réforme des collectivités locales, je ne l’aurais peut-être pas rédigé de cette façon.
Quoi qu’il en soit, le Gouvernement a présenté son projet. Nous avons donc cherché, avec l’ensemble des élus, représentés notamment par l’Association des maires de France, l’Association des maires des grandes villes de France, l’Association des communautés urbaines de France et la Fédération des maires des villes moyennes de France, les moyens de l’améliorer.
Quelle a été l’évolution du texte et quelles positions avons-nous défendues ?
Par exemple, le projet de loi initial prévoyait que toutes les compétences seraient dévolues à la métropole, laquelle en déléguerait ensuite certaines aux communes. Nous nous sommes opposés à une telle démarche : il faut continuer à procéder dans l’autre sens, du bas vers le haut ; c’est la commune qui doit déléguer des compétences à la structure intercommunale.
Le Grand Lyon représente soixante années d’expérience de l’intercommunalité. Nous avons pu constater, au fil du temps, que, progressivement, un rapport de confiance s’établissait, amenant la commune à ne plus hésiter à déléguer un certain nombre de compétences à l’intercommunalité.
Dans le même esprit, le texte d’origine prévoyait logiquement que la métropole lèverait les impôts et centraliserait les recettes, avant d’en rétrocéder une partie aux communes en fonction des compétences très limitées qu’elles exerceraient. Sur ce point également, nous avons marqué notre opposition.
Je tenais à rappeler cela, afin d’éclairer le débat que nous aurons sur l’article 2, puis sur l’article 3.
L’élection des délégués communautaires au suffrage universel direct, comme le prévoit le texte, politisera-t-elle le scrutin ? Cela est vrai dans une large mesure, mais ce n’est pas moi qui ai inséré une telle disposition dans le texte ! On peut encore envisager, pour les communes les plus petites, des adaptations ; mais, pour les plus importantes, un minimum de concordance est nécessaire entre les personnes désignées par le suffrage universel et celles qui seront appelées à diriger l’intercommunalité. Sinon, si le décalage était trop important, l’injustice serait criante ! Je l’ai dit tout à l’heure, le Conseil constitutionnel sera vigilant sur ce point.
C'est la raison pour laquelle, en concertation avec les associations d’élus, nous avons déposé des amendements sur l’article 3 pour que soient prises en compte, sur le plan électoral, deux réalités : la démographie et le territoire, toutes les communes, même les plus petites, devant être représentées.
Avec l’ensemble des associations d’élus, nous sommes parvenus, me semble-t-il, à des solutions équilibrées, que nous souhaitons voir préserver. Il est assez rare que les groupes politiques de cette assemblée parviennent à s’accorder sur des propositions communes.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que les débats sur l’article 1er ne se sont pas déroulés dans la plus grande sérénité… Je ne reviendrai ni sur la forme ni sur le fond de cette discussion. Je souhaiterais, en revanche, établir un parallèle entre l’article 1er et l’article 2, dont nous allons maintenant débattre.
Ces deux articles font partie du titre Ier, intitulé « Rénovation de l’exercice de la démocratie locale ». De ce point de vue, l’article 1er s’avère pour le moins discutable, ce qui n’est pas tout à fait le cas de l’article 2.
En effet, même si je n’en approuve pas toutes les dispositions, cet article manifeste néanmoins une certaine volonté de renforcer la représentativité des assemblées intercommunales : il s’agit là d’une véritable tentative de rénovation – dans le bon sens, cette fois ! – de la démocratie locale.
J’ai eu l’occasion de le dire à de nombreuses reprises dans cet hémicycle, il faut rapprocher encore davantage les intercommunalités des citoyens. Dans cette perspective, l’élection des délégués communautaires directement par les citoyens me paraissait être une étape nécessaire et complémentaire de l’achèvement de la carte de l’intercommunalité.
On ne peut pas, en effet, d’un côté, constater la réalité du fait communautaire et se réjouir de le voir prendre une place croissante dans le quotidien des Français, et, de l’autre, ne pas en tirer les conséquences qui s’imposent en termes de renforcement de la légitimité des délégués communautaires. De ce fait, la question du mode de désignation de ces derniers était posée : il fallait choisir entre une élection au suffrage universel direct, le maintien du mode de désignation actuel ou le fléchage.
C’est le fléchage qui a été retenu, ce qui, à mes yeux, permet de trouver un moyen terme acceptable. Je rappelle que la totalité des associations d’élus, dont la mission Belot a entendu des représentants, y étaient favorables. Assez paradoxalement, c’est sur le mode de désignation de ses représentants au sein de l’intercommunalité que ce texte est le plus favorable à la commune, quand les autres dispositions la concernant remettent son existence même en cause. Mais nous y reviendrons, notamment à l’article 3.
Le fléchage interviendra donc sur la base des listes établies pour les élections municipales. L’avancée est réelle. Cela permettra notamment de respecter les objectifs en termes de parité, en compensant très légèrement la régression à laquelle nous condamne la création du conseiller territorial en la matière. Le recours au fléchage donnera également une meilleure lisibilité, une plus grande transparence au mandat de délégué communautaire, ce qui renforcera mécaniquement sa légitimité.
Pour autant, je l’ai déjà dit à différentes reprises, on aurait pu aller plus loin, notamment en appliquant le fléchage à toutes les communes, sans distinction de nombre d’habitants, contrairement à ce que pensent certains de nos collègues. Si les élections municipales dans les toutes petites communes présentent effectivement des spécificités, elles ne sont pas nécessairement contradictoires, me semble-t-il, avec le fléchage. De toute manière, dès lors que l’on veut renforcer la légitimité du délégué communautaire et démocratiser son mode d’élection, il ne peut être question d’établir une distinction entre les citoyens selon la taille de leur commune de résidence.
Au final, cet article 2 ne va, globalement, pas assez loin. Il révèle les contradictions du texte sur la place des communes dans notre paysage institutionnel, eu égard notamment à certaines dispositions figurant à l’article 3.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Je voterai cet article, qui correspond à une vieille revendication de l’Association des maires ruraux de France. Nous étions alors bien seuls à proposer ce mode de scrutin, qui semblait à d’autres parfaitement révolutionnaire et contraire aux intérêts de la ruralité…
Aujourd'hui, les intercommunalités ont pris un tel poids, avec les compétences multiples qu’elles exercent et l’importance des budgets qu’elles gèrent, que l’on ne pouvait pas les laisser éternellement souffrir d’un déficit démocratique.
Ceux d’entre nous qui, comme moi, sont issus de petites ou de moyennes communes, n’auront sans doute pas manqué d’être frappés par le fait que l’intercommunalité n’est jamais évoquée lors des campagnes municipales. Seule l’opposition en parle, pour la dénigrer, avant d’ailleurs, en cas de victoire, de se hâter de chausser les bottes de l’équipe précédente ! Cette loi devrait au moins permettre de placer le sujet de l’intercommunalité au cœur du débat démocratique.
Cela étant, nous sommes nombreux à penser que l’intercommunalité est non pas une collectivité, mais, pour reprendre l’excellente formule de notre collègue Jean-Pierre Chevènement, une « coopérative de communes ». Dans ces conditions, il ne peut y avoir de concurrence avec la commune en matière de légitimité, les délégués au sein de l’intercommunalité devant être ceux de la commune, et ne pas exercer leur mandat à titre personnel.
C'est la raison pour laquelle la formule du fléchage – le terme n’est pas très heureux, mais il est compréhensible par tous – qui a été finalement adoptée permet de résoudre la quadrature du cercle. Monsieur le secrétaire d’État, j’espère que vous trouverez une formule aussi satisfaisante pour la désignation des conseillers territoriaux.
Certains redoutent que ce mode d’élection politise le scrutin dans les petites communes. Mais n’y fait-on pas déjà de la politique ?
Mme Dominique Voynet applaudit.
C'est pourquoi nous estimons qu’il n’y a pas de raison de réserver un sort particulier aux communes de moins de 500 habitants. Pour autant, des aménagements pratiques sont envisageables dans leur cas. On pourrait par exemple admettre la présentation de listes incomplètes, ce qui, soit dit par parenthèse, règlerait le problème de la parité.
Cet article correspond à mon sens à un assez large consensus, et je souhaite son adoption. Si, par la suite, les communes appartenant à de grandes intercommunalités décidaient, à une écrasante majorité qualifiée, d’aller plus loin et d’envisager d’autres modalités de coopération, cela ne me choquerait pas, mais il ne faut pas que, sous couvert de mettre en place des structures intercommunales, on cherche à faire disparaître les communes.
M. Jean-René Lecerf applaudit.
Je n’avais pas prévu d’intervenir à ce stade du débat, mais un certain nombre de propos que j’ai entendus m’incitent à prendre brièvement la parole.
Je voudrais tout d’abord dire à M. Sueur qu’il n’a pas le monopole de la défense des petites communes.
Il est important de le préciser, car, depuis l’annonce de cette réforme, on cherche à faire croire aux élus que ce projet de loi viserait à remettre en cause l’existence même des communes. C’est totalement faux ! En adressant ses vœux aux parlementaires, le Président de la République a clairement indiqué qu’il voulait une réforme ambitieuse afin de renforcer les communes.
Il a également rappelé à plusieurs reprises que la commune était la cellule de base de la démocratie.
Pour ma part, j’ai déposé un amendement, qui sera examiné à l’article 5, tendant à inscrire dans la loi que, quelque nécessaire que soit la coopération intercommunale, l’échelon de base de la démocratie reste la commune. Je tiens à réaffirmer très clairement, à ce stade du débat, que la réforme ne remet pas en cause l’existence des communes. Tous ceux qui tentent de faire croire le contraire cherchent à faire peur aux élus et à nos concitoyens.
En matière de coopération intercommunale, je suis d’accord avec MM. Sueur et Collombat pour souligner que la coopération intercommunale, quel que soit le nom qu’on lui donne, ne doit pas entrer en rivalité avec les communes. Elle doit au contraire les fédérer, être un outil à leur service.
En revanche, je ne suis pas du tout mes collègues sur la question du mode de scrutin dans les petites communes : il n’y a pas de politisation de la vie municipale dans les communes de moins de 500 habitants.
M. Hervé Maurey. Ceux qui prétendent le contraire mentent effrontément ou n’ont jamais rencontré un maire de petite commune !
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Je connais un maire socialiste, par ailleurs conseiller général, dont la commune franchira prochainement le seuil des 3 500 habitants. Il en est très malheureux, car, à l’avenir, deux listes devront nécessairement s’affronter : l’une dite de droite, l’autre dite de gauche, alors que, jusqu’à présent, il constituait une liste unique regroupant des personnes venues de tous horizons politiques et mues par le seul intérêt général.
Pour l’heure, je le répète, dans les communes de moins de 500 habitants, il n’y a pas de politisation de la vie municipale. Tous les nombreux maires que je rencontre – je ne crois pas que ceux de l’Eure soient très différents des autres – sont résolument opposés à un abaissement du seuil prévu. C’est pourquoi, comme je l’ai déjà annoncé, je proposerai au contraire de le relever de 500 à 1 500 habitants.
M. Hervé Maurey. Je vous invite instamment, chers collègues de l’opposition, à aller sur le terrain à la rencontre des maires.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Peut-être rencontrez-vous moins d’élus de terrain que moi parce que vous avez été élus à la proportionnelle.
Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.
Ce débat très intéressant reflète la diversité de nos expériences.
Il a été dit et répété en de nombreuses occasions, ici même et en d’autres lieux, que la commune est la cellule de base de la démocratie, …
… certains allant jusqu’à affirmer que la commune est à la démocratie ce que la cellule biologique est au corps humain, c'est-à-dire sa composante vitale. Le président Larcher se plaît d’ailleurs à dire que les Français connaissent et plébiscitent deux élus : le Président de la République et le maire. Je crois que c’est la réalité.
Cela étant, encore faut-il que les dispositions que nous allons voter correspondent bien à cette pétition de principe. Or, toutes les simulations qui ont été faites, en particulier par l’Assemblée des communautés de France, qui représente tout de même 1 100 EPCI regroupant 35 millions d’habitants, monsieur Collomb, …
Et l’Association des maires de France ? Elle représente plus de 60 millions de Français !
… montrent que si le dispositif de l’article 3, dans sa rédaction actuelle, s’applique très bien aux grosses intercommunalités, telles que les communautés urbaines ou les futures métropoles, ou à celles dont les communes membres ne présentent pas de différences de population trop fortes – je pense par exemple à la communauté d’agglomération de Bayonne-Anglet-Biarritz ou à la communauté de communes de notre collègue Guéné, qui compte quelque 3 200 habitants répartis de manière équilibrée dans seize communes –, il n’en va pas du tout de même pour les communautés d’agglomération et les communautés de communes dont la ville-centre pèse très lourd par rapport à la quarantaine ou à la cinquantaine de communes qui l’entourent. C’est le cas à Aurillac, chez notre collègue Mézard, ou à Saint-Flour, chez notre collègue Jarlier, ainsi que dans la communauté de communes du président Larcher : la ville-centre y détient actuellement sept sièges sur trente-six ; avec le nouveau système, vingt-trois sièges sur quarante-six lui reviendront, et toutes les autres communes n’auront plus qu’un siège. Autrement dit, il suffira à la ville-centre de rallier une autre commune pour pouvoir imposer sa volonté. Ce n’est pas l’esprit de l’intercommunalité !
J’en veux pour preuve, mes chers collègues, que tous les maires de ville-centre ici présents ont minoré le poids de celle-ci quand ils ont voulu créer une intercommunalité, afin de rassurer les petites communes, en leur montrant qu’il ne s’agissait pas de les écraser. Va-t-on maintenant changer les règles du jeu et restreindre leur représentation au sein de l’intercommunalité, au profit de la ville-centre ? Elles seront alors prises au piège, et réduites à l’impuissance.
Si le dispositif demeure en l’état, l’alternative sera la suivante : soit les maires des petites communes se désintéresseront complètement de l’intercommunalité et ne viendront plus y siéger ; soit, au contraire, ils se regrouperont et s’organiseront pour s’opposer à la ville-centre. Monsieur le secrétaire d’État, vous allez susciter, entre les villes-centres et leur périphérie, des oppositions qui n’existaient pas auparavant. J’appelle votre attention sur ce problème particulièrement important.
Mes chers collègues, est-ce nous sénateurs, défenseurs des territoires, des élus locaux et des collectivités territoriales, …
M. Dominique Braye. … qui allons faire subir cela aux maires des petites communes ? Allez donc le leur expliquer si vous y tenez, mais alors vite, avant 2014 !
M. Michel Charasse applaudit.
Concernant l’élection des délégués communautaires dans les communes de moins 500 habitants, je ne partage pas du tout le sentiment de M. Maurey.
Le scrutin uninominal dans lequel on peut rayer des noms sur une liste est plus favorable à ceux qui ne font rien qu’à ceux qui travaillent beaucoup, dont il est toujours facile de dénigrer l’action.
En tout état de cause, on constitue déjà des listes dans les petites communes.
En effet, et pour notre part nous proposerons de maintenir la possibilité de présenter des listes incomplètes, tout en éliminant celle d’être élu sans avoir été candidat.
Cela étant dit, là n’est pas l’essentiel : la question de l’éventuelle suppression des communes est autrement importante.
Il est vrai qu’il n’est nulle part écrit que l’on va supprimer les communes. Au contraire, chacun se pose en défenseur de la proximité et y va de sa louange aux maires et aux 550 000 conseillers municipaux de notre pays. Pourtant, notre conviction profonde est que cela ne correspond pas à la logique de ce texte. Il en va de même pour les départements : en dépit de l’attachement unanimement proclamé à cet échelon territorial, nous pensons que leur suppression est inscrite en filigrane dans le projet de loi, d’ailleurs inspiré par le rapport Balladur, lequel évoque l’ « évaporation » des départements et prône en outre clairement la constitution de « communes nouvelles ». Ne subsisteraient alors plus que deux niveaux : l’intercommunalité et les communes nouvelles, d’une part, la région, d’autre part.
Je suis conscient que le projet du Gouvernement ne va pas jusque-là. Il ne sera pas très facile de créer des communes nouvelles, l’obligation de recourir à un référendum en l’absence de consensus entraînant un blocage définitif du processus. Cependant, imaginez que l’on mette en place une incitation financière, comme en prévoyait la loi Chevènement – certes, l’État est actuellement plutôt impécunieux, mais cette situation peut changer d’ici à quelques années, par exemple grâce à une montée de l’inflation –, et si elle se conjugue à un étranglement budgétaire des communes, les maires se précipiteront dans une voie qui mènera à la disparition de celles-ci. Telle est, j’en suis convaincu, la logique ultime du présent projet de loi.
Je viens d’entendre tous les arguments des partisans de l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel par la voie du fléchage. Apparemment, ce système est plus démocratique que la désignation directe des délégués par les conseils municipaux.
Je voudrais attirer l’attention sur l’esprit de l’intercommunalité. Jusqu’à présent, l’intercommunalité était une coopérative de communes. Avec l’élection des délégués communautaires selon le système du fléchage et la multiplication des communes où s’appliquera le scrutin proportionnel de liste, vous allez introduire dans les conseils communautaires les divergences idéologiques et politiques séparant les différentes listes. C’est inévitable.
Cela est plus démocratique, nous dit-on, mais je voudrais souligner que si les états-majors décident très vite, il faut du temps pour percevoir les conséquences de ce que l’on veut.
La désignation des conseils communautaires selon ce système va entraîner une politisation, pas forcément au bon sens du terme. Certes, la politisation peut évidemment être positive, lorsqu’elle a trait aux grandes options idéologiques, mais en l’occurrence on verra apparaître, s’agissant de projets très concrets, tels que la création d’un gymnase ou la définition d’un intérêt communautaire sur telle ou telle voirie, des majorités quasiment automatiques, qui obéiront beaucoup plus à des présupposés politiques qu’à des considérations de terrain. Cela aussi est inévitable.
Je reconnais n’y avoir pas moi-même spontanément pensé. C’est au fil du temps que je suis arrivé à cette conclusion : ce mode de scrutin par fléchage va transformer l’esprit de l’intercommunalité, qui ne sera plus une coopérative de communes, mais deviendra un quatrième niveau de collectivité. Tel est bien l’objectif visé, au fond, par le projet de loi.
En effet, je ne suis pas convaincu par l’argument développé par M. Maurey tout à l’heure, selon lequel nul ne conteste que la commune est l’échelon de base de la démocratie et est à ce titre intangible. En réalité, les communes nouvelles constituent une innovation déjà inquiétante à cet égard, parce qu’une telle structure pourra être créée sur l’initiative d’un préfet ou d’un EPCI désireux d’absorber les communes qui le constituent.
Au-delà, c’est l’intercommunalité même, dont vous aurez transformé l’esprit, qui va inéluctablement diminuer la légitimité des maires. Jusqu’à présent, ces derniers choisissaient dans une très large mesure les délégués communautaires qui allaient les assister pour défendre leur commune. À partir du moment où l’élection de ces délégués se fera par fléchage, ils seront désignés dans l’ordre des listes. Des majorités ou des minorités de rencontre se formeront donc forcément à l’échelon du conseil communautaire. Vous aurez alors pollué, sans l’avoir voulu, l’esprit de l’intercommunalité.
En diminuant la légitimité des maires, vous ferez inévitablement s’estomper le rôle des communes. Je ne pense pas que ce soit ce que vous voulez, mais je vous garantis que c’est le résultat auquel vous aboutirez en faisant adopter en l’état le dispositif.
Si cette discussion a parfois tendance à s’égarer, cela est dû à l’organisation du projet de loi.
Par exemple, sauf erreur de ma part, la mention du seuil de 500 habitants ne figure pas dans le texte. Cela étant, il sera toujours possible, dans une petite commune, de présenter une liste d’intérêt local, comme cela se pratique déjà souvent, un scrutin de liste ne se traduisant pas obligatoirement par un affrontement dur entre deux sensibilités politiques. Tel n’est pas, cependant, l’objet de mon intervention.
Je préside le conseil général d’un département comptant 535 000 habitants et 816 communes. Il s’agit du deuxième département français par le nombre de communes, après le Pas-de-Calais. Je veux réaffirmer ici mon attachement à l’échelon communal en tant qu’échelon de base de l’organisation territoriale dans notre pays. La commune est bien, comme cela a déjà été dit, l’unité de base de la démocratie, l’unité de base du fonctionnement social, le lien entre les habitants et le premier niveau d’initiative, à la condition bien sûr que le maire ait toute sa légitimité et dispose d’un pouvoir réel, dans le cadre d’institutions qui demeureraient semblables à ce qu’elles sont aujourd’hui.
C’est là, monsieur Maurey, que je ne suis pas tout à fait d’accord avec vous. Je voudrais bien vous croire, quand vous affirmez que ce projet de loi tend à protéger et à renforcer la commune. Mais son article 8 instaure la commune nouvelle, qui sera certes constituée sur la base du volontariat, mais aussi sur l’initiative du représentant de l’État dans le département !
On nous explique qu’il s’agit seulement de remplacer la loi Marcellin et que le nouveau dispositif ne fonctionnera pas davantage que cette dernière. En ce cas, et si vous ne voulez pas que ce texte soit le vecteur de la fusion des communes, le plus simple est de voter contre l’article 8 ou de le retirer du projet de loi. Si vous le maintenez et si vous l’approuvez tel qu’il est, cela signifie bien que ce texte est sous-tendu par la volonté de supprimer l’échelon communal et de fusionner les communes au sein de communes nouvelles.
J’en reviens à la défense de la commune comme cellule de base de notre organisation territoriale. La commune est moderne, elle n’appartient pas au passé, mais elle ne pourra s’inscrire dans l’avenir que si elle participe à une intercommunalité. Si un projet de loi était nécessaire, c’était bien pour clarifier le lien entre communes et intercommunalités, s’agissant en particulier de l’élection des conseillers communautaires. Comme cela a déjà été dit, plusieurs options étaient possibles à cet égard. Certains allaient jusqu’à préconiser l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires. Pour ma part, j’estime que la proposition qui nous est ici présentée peut être une solution de compromis. Elle permettrait de rendre plus simple et plus lisible la désignation des conseillers communautaires, tout en sauvegardant la légitimité et le pouvoir des maires.
Nous sommes en réalité presque tous d’accord pour estimer que l’intercommunalité a sauvé les petites communes, qui étaient souvent dans l’incapacité de répondre seules aux attentes de nos concitoyens. L’intercommunalité leur a ainsi permis d’assurer à leurs habitants des services qu’elles n’étaient pas en mesure de leur rendre auparavant, particulièrement dans le milieu rural.
Cela étant, si les maires s’approprient les réalisations permises par l’intercommunalité, en omettant au passage de mentionner qu’elle est à leur origine, ils rejettent sur elle la responsabilité des manques constatés. Dès lors, il apparaît souhaitable de mettre davantage en lumière, lors des élections, la question de l’intercommunalité. Tous les membres de la mission Belot s’étaient rejoints sur ce point.
Le fléchage pour l’élection des délégués communautaires nous est apparu, à ce stade du développement de l’intercommunalité, comme étant la seule solution, et je me réjouis qu’elle ait été retenue. Elle permettra à ceux qui construisent une liste de déterminer, avant les élections, qui siégera à l’échelon communautaire. Ce point me semble important. Avec l’abaissement du seuil à 500 habitants, accepté par l’Association des maires de France – je tiens ici à rendre hommage à son président, Jacques Pélissard –, nous disposerons d’un outil qui permettra d’introduire dans le débat électoral communal, au bénéfice d’un très grand nombre de nos concitoyens, la notion de représentation communautaire et de sécuriser l’élection du maire au conseil de l’intercommunalité.
En effet, jusqu’à présent, certains maires avaient parfois du mal à obtenir d’un conseil municipal à la composition complexe leur délégation au conseil communautaire. J’en ai connu qui ne parvenaient pas à se faire désigner ou qui ne voulaient pas passer sur le corps de leurs conseillers municipaux pour y réussir. Avec le nouveau dispositif, cette difficulté sera levée. Sur ce point, je ne cacherai pas ma satisfaction, car il est très important que les maires puissent siéger au conseil de l’intercommunalité.
Nous avons évoqué la possibilité d’abaisser le seuil jusqu’au premier habitant, comme l’a proposé courageusement la Fédération nationale des maires ruraux. Nous ne sommes peut-être pas en situation de le faire aujourd’hui, et il convient de ne pas brûler les étapes, mais cette question méritera néanmoins d’être posée.
Fort d’une expérience de trente-neuf années, je ne crois pas que, en milieu rural, l’existence de deux listes signifie nécessairement que l’une soit de droite et l’autre de gauche. Affirmer cela, c’est faire preuve d’une méconnaissance du monde rural. Certes, le cas peut parfois se présenter, mais il est minoritaire. Dans les campagnes, le maire, qu’il soit de droite ou de gauche, fait en général la liste « de son mieux » – je parle en connaissance de cause ! –, ce qui conduit souvent à des mélanges. Quoi qu’il en soit, quand sur une liste le nombre de candidats inscrits est égal à celui des sièges à pourvoir, les intéressés peuvent au moins se regarder dans les yeux sans honte. Il n’en va pas toujours de même en ce qui concerne les listes à rallonge, comme on en voit aujourd’hui…
Il s'agit là d’une étape importante, et il serait bon, parce que nous nous sommes rarement entendus depuis le début de ces débats, que nous la franchissions tous ensemble, afin de pouvoir la présenter conjointement aux maires. Je me suis rendu dans vingt-cinq départements pour y tenir des réunions sur ce sujet : les gens demandent des explications, mais quelle que soit leur tendance politique, ils ne manifestent pas d’opposition de fond.
L'amendement n° 123, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.
Une fois encore, le Gouvernement nous demande de nous prononcer sur un dispositif, tout en renvoyant à plus tard la définition d’un certain nombre de modalités. Or les précisions à venir conditionnent la façon dont s’organisera, en l’occurrence, l’intercommunalité.
Comme d’autres orateurs l’ont souligné avant moi, la genèse de ce projet de loi, depuis les travaux du comité Balladur, montre bien qu’il s'agit ici, pour une bonne part de ses inspirateurs, d’une première étape, l’objectif étant à terme d’intégrer les communes dans les intercommunalités, avant de les supprimer en tant que collectivités locales de plein exercice.
Comme nous refusons absolument cette évolution, nous proposons la suppression de l’article 2.
Certes, vous affirmez que vous envisagez une élection des délégués communautaires par fléchage, mais cet élément ne figure pas dans le projet de loi. En outre, les articles suivants et certains projets relatifs aux intercommunalités laissent penser que l’on entend transformer progressivement ces dernières en collectivités locales. À terme, puisqu’il ne peut y avoir de double légitimité, les communes seraient dissoutes dans les communes nouvelles, les métropoles ou autres formes d’intercommunalité.
Cette perspective n’est absolument pas satisfaisante. Avant d’aller plus loin dans l’examen de ce texte, il faudrait que le Gouvernement précise clairement dès maintenant ce qu’il entend faire de l’intercommunalité.
C’est pourquoi je défends la suppression de cet article. Si le mode de scrutin était précisé, si la conception coopérative de l’intercommunalité était réaffirmée, peut-être pourrions-nous revoir notre position. En effet, nous ne sommes bien évidemment pas hostiles par principe à l’intercommunalité, mais celle-ci peut être entendue de bien des façons… Hélas, nous pouvons craindre que la conception que vous en avez ne soit pas du tout celle que nous défendons !
L’élection des délégués communautaires au suffrage universel direct constitue selon nous une réforme importante, qui permettra de renforcer la légitimité des intercommunalités aux yeux de nos concitoyens. En effet, ces derniers participeront ainsi directement à la désignation de ceux des conseillers municipaux qui seront délégués communautaires.
Il s'agit là d’un progrès considérable, auquel nous tenons. La commission des lois a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Le débat que nous venons d’avoir a été suffisamment consensuel, me semble-t-il.
L’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct par fléchage garantit la légitimité des conseils municipaux, des maires et donc des communes, tout en renforçant le caractère démocratique du fonctionnement des EPCI, qui lèvent l’impôt mais, paradoxalement, ne sont pas, pour l’heure, concernés par le suffrage universel.
Le système du fléchage permet de répondre à cette exigence.
L’article 3 porte pour partie sur les modalités de la désignation des délégués communautaires. Nous y reviendrons en outre dans quelques semaines, lors de la discussion du « paquet électoral ».
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 508 rectifié, présenté par MM. Collin, Charasse, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier et MM. Mézard, Tropeano et Plancade, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa
« Art. L. 5211-6. - Les établissements publics de coopération intercommunale et notamment les métropoles, communautés urbaines, communautés d'agglomération et communautés de communes, sont administrés par un organe délibérant composé de délégués élus, en leur sein, par les conseils municipaux des communes membres dans les conditions fixées à l'article L. 2122-7 du présent code. » ;
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
Cet amendement vise à préserver le système actuel de désignation des conseillers communautaires par les conseils municipaux. En effet, ces derniers incarnent la légitimité de la commune.
J’entends dire que plusieurs associations de maires seraient tombées d'accord sur ce système de désignation par fléchage.
Tout à fait, mon cher collègue ! Il leur sera peut-être beaucoup pardonné, parce qu’elles ne voient pas quelles seront les conséquences de la mise en œuvre du système du fléchage, me semble-t-il.
Je m’entretenais récemment avec le maire d’une très grande ville, qui, lui, comprenait très bien quels seraient les effets de ce mécanisme : dès lors que les listes minoritaires disposeront d’un quart de la représentation de la ville-centre, nous entrerons dans un processus aléatoire de formation de majorités de circonstance, sur des bases qui pourront être excessivement politiciennes.
Les maires ne seront plus maîtres du choix des conseillers communautaires, comme ils le sont très largement aujourd'hui : ces derniers, en réalité, ne seront pas désignés au suffrage universel ; ils seront les conseillers élus en tête de liste, tout simplement. C’est l’ordre de la liste, tout à fait rigide, qui s’appliquera, et on ne pourra le modifier en fonction de considérations pratiques.
Mes chers collègues, le système actuel est souple. Je vous mets en garde : à force de multiplier les contraintes, la loi finira par rigidifier l’intercommunalité, qu’il s’agisse de la désignation des conseillers communautaires ou de la fixation de leur nombre selon l’importance démographique de la commune. Et on ne peut pas exclure que, un jour, le Conseil constitutionnel constate que la légitimité des maires et l’existence des communes se trouvent menacées !
Je présente donc, au nom de mes collègues du groupe du RDSE, cet amendement qui se veut essentiellement pédagogique. En effet, nous savons que les partis ont déjà pris leur décision, comme d’habitude au niveau des états-majors, mais sans avoir vraiment analysé les conséquences de la mise en œuvre de ce dispositif. Quand celles-ci seront enfin perçues, il sera alors trop tard, malheureusement !
M. Jacques Mézard applaudit.
L'amendement n° 121, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Supprimer le mot :
métropoles,
La parole est à Mme Odette Terrade.
Il s'agit ici d’un amendement de principe.
En effet, la nouvelle rédaction de l’article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales que vous nous soumettez, monsieur le secrétaire d'État, fait référence à un objet juridique non identifié : la métropole.
Cette notion n’existe pas dans notre arsenal juridique. Elle ne sera créée qu’à l’issue de nos débats, avec l’adoption définitive de ce projet de loi, et n’apparaîtra qu’au cours de la discussion de l’article 5. Par conséquent, la mentionner dès l’article 2 pose problème.
Aussi, comment accepter de préciser dès maintenant que les métropoles seront administrées par des délégués des communes membres ? Une fois encore, nous sommes confrontés à un texte global dont on pourrait considérer qu’il est mal construit s’il ne relevait pas en fait d’une tactique visant à faire accepter certaines propositions avant même que leur bien-fondé ne soit discuté.
Or, puisque nous sommes opposés à la création des « métropoles », nous ne pouvons que demander la suppression de ce terme à cet endroit du texte. Si nous ne le faisions pas, nous laisserions penser que nous pouvons nous satisfaire de la création de ce nouveau type d’intercommunalité, alors qu’il ne saurait en être question.
L'amendement n° 509 rectifié bis, présenté par MM. Charasse, Collin, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier et MM. Mézard, Tropeano, Vall et Plancade, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Supprimer les mots :
élus au suffrage universel direct
La parole est à M. Jean-Pierre Chevènement.
Il s'agit d’un amendement de coordination, cohérent avec les arguments que j’ai déjà développés.
Je suis très attaché à l’intercommunalité, et je veux vous mettre en garde contre ce que vous allez faire par inadvertance. En croyant bien faire, en imaginant aller dans le sens de la démocratie, vous allez, me semble-t-il, rigidifier de façon tout à fait excessive le fonctionnement des conseils communautaires. Cela aura été dit !
L'amendement n° 122, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
membres élus
insérer les mots :
dans le cadre de l'élection municipale
La parole est à Mme Marie-Agnès Labarre.
Je ne reviendrai pas sur l’argumentaire qui a fondé notre demande de suppression de l’article 2 dans son ensemble. Chacun comprendra que je défends ici un amendement de repli.
Notre objectif est d’ancrer le scrutin pour l’élection des délégués communautaires, pour le lier aux élections municipales. Inscrire cette précision dans le texte ne dissiperait pas toutes nos inquiétudes, mais elle les apaiserait pour partie. Et si nos craintes sont infondées, rien ne vous empêche, chers collègues de la majorité, de voter en faveur de cet amendement !
L'amendement n° 71 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Bailly, Pillet, Pinton, Mayet, Trillard, Houel et Cornu et Mme Rozier, est ainsi libellé :
Alinéa 3, première phrase
Après les mots :
suffrage universel direct
insérer les mots :
pour toutes les communes dont le conseil municipal est élu au scrutin de liste,
La parole est à M. Rémy Pointereau.
Il s'agit d’un amendement de précision.
L’alinéa 3 du présent article vise à généraliser l’élection des délégués communautaires au suffrage universel par fléchage à toutes les communes. Or je n’y suis favorable que pour les communes où s’applique le scrutin de liste. Dans les autres, où se pratique le panachage, j’estime que c’est le conseil municipal qui doit continuer à désigner les délégués communautaires. Il me semble important de préciser ce point dès maintenant.
Un prochain projet de loi fixera le seuil de population à partir duquel les conseils municipaux seront élus au scrutin de liste. Pour ma part, je préférerais que le seuil retenu soit de 2 000 ou de 2 500 habitants, afin d’éviter une politisation excessive du scrutin dans les communes rurales. Même si certains ici pensent le contraire, je suis persuadé que ce risque est avéré, et je tiens absolument à éviter une telle évolution : dans ces communes, l’intérêt général doit primer sur toute autre considération.
L'amendement n° 619 rectifié, présenté par M. Maurey, Mme Morin-Desailly, M. Dubois et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Alinéa3, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Des délégués suppléants en nombre identique à celui des délégués titulaires des communes membres sont élus dans les modalités fixées par la loi dans la limite du nombre des membres du conseil municipal.
La parole est à M. Hervé Maurey.
Cet amendement vise à instaurer des délégués communautaires suppléants. Cette création me semble particulièrement nécessaire dans la mesure où, dans la prochaine répartition des sièges au sein des conseils communautaires, certaines communes ne disposeront plus que d’un seul siège. Il convient que celles-ci puissent être représentées et défendues si le délégué titulaire est empêché.
Cette disposition m’a été suggérée par les maires avec lesquels je suis en contact sur le terrain. En effet, nombre de conseils municipaux s’inquiètent du fait qu’ils n’auront plus qu’un seul délégué au sein de l’établissement public de coopération intercommunale, alors que ce cas de figure reste aujourd'hui assez rare. L’adoption de cet amendement permettrait de les rassurer.
L'amendement n° 512 rectifié bis, présenté par MM. Charasse, Collin, Baylet et Barbier, Mme Laborde, M. Fortassin, Mme Escoffier et MM. Mézard, de Montesquiou, Tropeano, Plancade et Vall, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'une commune ne dispose que d'un seul délégué, elle désigne dans les mêmes conditions un délégué suppléant qui peut participer avec voix délibérative aux réunions de l'organe délibérant en cas d'absence du délégué titulaire et si celui-ci n'a pas donné procuration. »
La parole est à M. Michel Charasse.
Il s’agit d’une disposition très simple. Dans la mesure où de plus en plus de communes ne seront à l’avenir représentées que par un seul délégué, nous proposons que le conseil municipal soit obligé de désigner un délégué suppléant qui remplacera le délégué titulaire absent, si ce dernier n’a pas donné procuration.
Si le délégué titulaire donne procuration, pas de problème. Dans le cas contraire, c’est le délégué suppléant qui participera aux réunions, avec voix délibérative.
Tel est l’objet de cet amendement.
La commission souhaite que les délégués communautaires soient élus au suffrage universel direct. Elle émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 508 rectifié, qui vise à maintenir la désignation par les conseils municipaux.
La commission émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 121, qui tend à supprimer le mot « métropoles ». Or la commission considère que la création des métropoles est nécessaire, car elle constitue une avancée importante pour la compétitivité de nos plus grandes agglomérations.
L'amendement n° 509 rectifié bis étant contraire à la position de la commission sur la désignation des délégués communautaires au suffrage universel direct, l’avis est défavorable.
M. Michel Charasse. Voilà comment on traite le père de l’intercommunalité !
Sourires
L'amendement n° 122 vise à prévoir que les conseillers communautaires seront élus dans le cadre de l’élection municipale. Cela va de soi, mais ce sera encore plus clair en le disant. C’est pourquoi la commission émet un avis favorable.
L'amendement n° 71 rectifié tend à écarter, pour les communes dont les conseillers municipaux ne sont pas élus au scrutin de liste, l’application du principe suivant lequel les conseillers communautaires sont élus au suffrage universel direct, en raison des difficultés techniques de l’organisation d’un tel scrutin dans ce cas. Cette proposition est tout à fait opportune, et l’avis de la commission est donc favorable.
L'amendement n° 619 rectifié tend à prévoir la création de délégués communautaires suppléants pour tous les délégués titulaires. Or, quand une commune compte plusieurs délégués titulaires, procuration peut être donnée à un autre délégué titulaire en cas d’absence de l’un d’entre eux. La commission préfère l’amendement n° 512 rectifié bis, qui a le même objet mais vise spécifiquement le cas des communes ne comptant qu’un seul délégué, et elle demande donc le retrait à son profit de l’amendement n° 619 rectifié.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 508 rectifié, à regret car les lois Chevènement sur l’intercommunalité ont marqué une étape importante.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur les amendements n° 121 et 509 rectifié bis. En revanche, il est favorable à l'amendement n° 122, ainsi qu’à l'amendement n° 71 rectifié.
Enfin, le Gouvernement émet un avis favorable sur l'amendement n° 512 rectifié bis, dont la rédaction semble plus simple et plus judicieuse que celle de l’amendement n° 619 rectifié.
La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote sur l'amendement n° 508 rectifié.
L’enfer étant pavé de bonnes intentions, je crains que l’amendement n° 508 rectifié n’aille à l’encontre de l’objectif visé par ses auteurs.
Trois systèmes sont possibles pour la désignation des délégués communautaires.
Le mécanisme actuel est fondé sur l’élection au suffrage universel indirect, qui est déjà une forme du suffrage universel. Je partage le point de vue exprimé par M. Collombat : comme lui, je ne pense pas que ce mode d’élection soit encore longtemps tenable, en raison de l’évolution des pouvoirs de l’intercommunalité, qui exige de renforcer la légitimité des élus communautaires.
Par ailleurs, en ce qui concerne le recours au suffrage universel direct, si le projet de loi retient le système du fléchage, qui me semble respecter très largement les communes, il existe une autre modalité, qui a toujours eu la préférence de Pierre Mauroy ou de Bernard Roman, ancien président de la commission des lois de l’Assemblée nationale et rapporteur du projet de loi relatif à la démocratie de proximité, comme l’a rappelé Mme Voynet tout à l’heure, ainsi que d’une grande partie de nos collègues du groupe socialiste siégeant au sein de la commission des lois du Sénat : l’élection au suffrage universel direct par scrutin de liste à l’échelle de l’intercommunalité.
Avec ce dernier mode de scrutin, il pourrait y avoir des maires « gagnants-perdants ». En effet, certains maires nouvellement élus mais ne figurant pas sur la liste parvenue en tête du scrutin à l’échelon intercommunal ne seront pas désignés délégués communautaires. Pis encore, c’est leur adversaire malheureux des élections municipales qui pourra occuper ce siège, s’il figurait, lui, sur la « bonne » liste à l’échelon communautaire !
Si nous adoptons cette forme d’élection au suffrage universel direct, ce sera la mort annoncée de nos communes !
Le système retenu dans le projet de loi permet à la fois de renforcer la légitimité des délégués communautaires et de préserver l’existence des communes.
Avec cet amendement, nos collègues du RDSE me semblent aller contre leurs propres convictions.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
Non, monsieur le président, je le retire au profit de l'amendement n° 512 rectifié bis, même si celui-ci me semble un peu restrictif.
L'amendement n° 619 rectifié est retiré.
La parole est à M. Gérard Collomb, pour explication de vote sur l'amendement n° 512 rectifié bis.
L’une des faiblesses de ce projet de loi est de vouloir mettre toutes les intercommunalités sur le même plan.
Je veux bien que toutes les communes ne disposant que d’un siège de délégué communautaire puissent désigner un suppléant, mais, sur les cinquante-sept communes qui composent la communauté urbaine de Lyon, quarante relèvent de ce cas de figure ! Ce ne sera plus un conseil communautaire, ce sera l’auberge espagnole ! Je ne saurai jamais quels seront mes interlocuteurs, puisque ce sera tantôt le délégué titulaire, tantôt le délégué suppléant qui siégera.
S’il en va de même au sein des commissions, cela deviendra totalement ingérable ! Et encore, la communauté urbaine de Lyon n’est pas celle qui compte le plus de communes : à Lille, par exemple, il y en a 122 !
Le cas échéant, il faudrait restreindre le champ du dispositif de cet amendement aux intercommunalités de moins de 40 communes.
Au-delà, ce sera ingérable ! On n’aura jamais affaire deux fois de suite à la même personne, et chaque nouvel interlocuteur demandera à réétudier le dossier ! Ce sera extrêmement complexe !
Mon intercommunalité suit à l’heure actuelle 800 projets d’investissement : comment traiter tous ces dossiers si, à chaque fois, titulaires et suppléants alternent ? Nous allons faire du sur-place, et ce texte, loin de booster les grandes agglomérations et les métropoles, va leur donner un terrible coup de frein !
Compte tenu de ce que je viens d’entendre, je suis obligé de prendre la parole !
Je m’y sens obligé !
Avec ce projet de loi, on touche à une caractéristique du mal français : vouloir trouver une solution unique à des situations totalement différentes.
En l’occurrence, il me paraîtrait pertinent d’exclure du champ du dispositif les 16 communautés urbaines de notre pays, pour ne viser que les 2 585 autres communautés.
Je ne doute pas que le problème soulevé par M. Collomb soit réel, même si je connais mieux la communauté urbaine de Bordeaux que celle de Lyon. Il serait bon de le prévenir en rectifiant l’amendement dans le sens que j’ai indiqué.
Il faut traiter la question au fond. Dans les métropoles, dans les communautés urbaines, la mise en œuvre d’une telle disposition dégradera, à mon sens, les conditions du débat.
Mais si ! Dans une métropole, les fonctions à assurer ne sont pas de même nature que dans une intercommunalité plus modeste. Cela compliquera les relations avec la technostructure, qui sont indispensables pour faire avancer ces entreprises publiques que sont les grandes agglomérations.
Autant le mécanisme proposé peut fonctionner à l’échelon d’une communauté de communes, …
… autant son application sera problématique dans les intercommunalités de grande dimension.
En effet, un conseil d’agglomération ou de métropole ne peut pas être une auberge espagnole. Les relations ne sont pas les mêmes dans les communautés de communes, souvent situées en milieu rural. Elles sont fondées sur un consensus local, et tout le monde est présent.
Je serais donc assez favorable au dépôt d’un sous-amendement tendant à viser exclusivement les communautés de communes…
Pas du tout ! Les communautés d’agglomération, elles aussi, sont preneuses !
Chacun son point de vue, mon cher collègue. Je considère simplement qu’il convient d’exempter des conseils d’agglomération comme ceux de Nantes, de Bordeaux…
Soit, mais je maintiens que le mécanisme n’est pas adapté pour les communautés d’agglomération, les communautés urbaines et les métropoles, où les délégués ne peuvent délibérer sans avoir une connaissance suffisante de dossiers à forts enjeux politiques ou financiers. Il faut assurer une continuité dans le suivi et la prise de décision, sinon le jeu devient assez dangereux. Il convient donc, à mon avis, de tester d’abord le dispositif à l’échelon des communautés de communes.
Je fais mienne l’argumentation de M. Yves Krattinger. J’y ajouterai deux éléments.
Certains d’entre nous se sont inquiétés de la possibilité d’une politisation excessive des assemblées intercommunales. Il me semble que ce risque serait accru si le suppléant était amené à remplacer au pied levé un maire. En effet, dans de nombreuses communes ne comptant qu’un seul délégué, celui-ci est le maire. Lui seul peut, en travaillant avec ses égaux dans le cadre d’un échange construit, nourri et prolongé, faire évoluer la position de sa commune. Le suppléant, en revanche, aura souvent un mandat impératif, et la discussion souffrira alors d’un manque de souplesse, ce qui ne permettra pas de faire évoluer les positions des uns et des autres jusqu’au nécessaire consensus.
Depuis que nous débattons des conseils communautaires et de leur mode d’élection, nous occultons un fait incontournable pour qui a l’expérience de la coopération intercommunale : les votes sont en définitive assez rares dans un conseil communautaire. On n’y passe pas son temps à calculer le nombre de voix dont disposent la majorité et l’opposition. L’un des avantages essentiels de l’intercommunalité, que ce soit dans les communautés de communes, dans les communautés d’agglomération ou dans les communautés urbaines, est d’être un lieu dans lequel on cherche à construire une majorité d’idée qui souvent transcende les étiquettes politiques, pour aboutir sinon au consensus, du moins à un très large accord.
Nous ne devrions donc pas adopter de façon hasardeuse des mesures qui pourraient mettre en péril cette recherche du consensus. Je fais mienne la proposition d’Yves Krattinger : procédons de manière expérimentale, en prévoyant la possibilité de désigner un suppléant pour les seules communautés de communes. Nous verrons ensuite si le dispositif est fécond et mérite d’être étendu ou si, au contraire, sa mise en œuvre conduit à une perte, en termes de qualité des débats et d’efficacité dans la recherche du consensus.
Je ne pensais pas que ce petit amendement technique méritait un tel débat. Mes chers collègues, gardons notre sang-froid !
Après le vote de ce projet de loi, un grand nombre de communes, qui ont actuellement deux, voire trois délégués, n’en compteront plus qu’un.
Autrement dit, quand le délégué ne peut pas être présent, la commune n’est pas représentée à la réunion du conseil. Bien entendu, il peut toujours donner procuration à un collègue d’une autre commune, en lui indiquant, chère Dominique Voynet, dans quel sens voter. Le délégué a tout de même une sorte de mandat impératif.
Je propose, avec plusieurs de mes amis, que dans le cas où la commune a un seul délégué, et dans ce cas seulement, un délégué suppléant soit obligatoirement désigné et remplace le titulaire s’il ne peut pas venir et, cher Gérard Collomb, s’il n’a pas donné procuration. Le délégué suppléant interviendra donc plutôt dans des cas exceptionnels, …
… lorsque le titulaire ne pourra pas être présent, lorsque la question sera très importante pour la commune et lorsque le conseil municipal lui aura, par exemple, demandé d’intervenir en conseil pour faire valoir son point de vue et les légitimes intérêts de la commune.
De grâce, arrêtons d’écraser les petites communes, ça suffit ! Elles ont tout de même le droit d’être entendues !
J’ajoute, cher Gérard Collomb, que je suis le plus ancien membre du comité des finances locales et que ce comité dispose d’un système de suppléants et de remplaçants. Jamais le comité ne s’est prononcé deux fois de suite avec les mêmes votants au titre des mêmes catégories de communes. Cela ne l’a pas empêché de voter et de devenir au fil des ans une instance efficace et respectée. Les élus de France ne peuvent que se féliciter du travail qu’on y fait !
Arrêtez de couper par tous les moyens la voix des petites communes ! Ça suffit ! Elles ont tout de même encore le droit de s’exprimer !
Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP.
Mes chers collègues, je vais maintenant lever la séance, ce qui permettra à ceux qui le souhaitent de préparer des sous-amendements pour demain matin !
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au jeudi 28 janvier 2010, à neuf heures trente, à quatorze heures trente et le soir :
Suite du projet de loi de réforme des collectivités territoriales (n° 60, 2009-2010).
Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (n° 169, 2009-2010).
Avis de M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (n° 198, 2009-2010).
Texte de la commission (n° 170, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.