Conformément à la décision unanime du bureau de la commission, je vous propose une répartition strictement proportionnelle des rapports pour avis budgétaires. Jadis, on octroyait tout au plus un ou deux rapports à l'opposition. Le président Hyest avait fait évoluer les choses ; il s'agit désormais de parfaire le processus.
Très bien !
Sont nommés rapporteurs pour avis pour l'examen du projet de loi de finances pour 2012 :
- sur les relations avec les collectivités territoriales, M. Bernard Saugey (mission « Relations avec les collectivités territoriales » et mission « Avances aux collectivités territoriales ») ;
- sur la sécurité, Mme Eliane Assassi (mission « Sécurité ») ;
- sur l'asile, M. Jean-Pierre Sueur, et sur l'immigration, l'intégration et la nationalité, Mme Corinne Bouchoux (mission « Immigration, Asile et Intégration ») ;
- sur la sécurité civile, Mme Catherine Troendle (mission « Sécurité civile ») ;
- sur l'administration pénitentiaire, M. Jean-René Lecerf, sur la protection judiciaire de la jeunesse, M. Nicolas Alfonsi, et sur la justice judiciaire, Mme Catherine Tasca (mission « Justice ») ;
- sur la justice administrative, M. Yves Détraigne, et sur la justice financière, M. André Reichardt (mission « Conseil et contrôle de l'Etat ») ;
- sur les pouvoirs publics, M. Michel Delebarre (mission « Pouvoirs publics ») ;
- sur les départements d'outre-mer, M. Félix Desplan, et sur les communautés d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie, M. Christian Cointat (mission « Outre-mer ») ;
- sur l'administration territoriale, M. Jean-Patrick Courtois, et sur la vie politique, cultuelle, associative, M. Gaëtan Gorce (mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ») ;
- sur la stratégie des finances publiques et la modernisation de l'Etat, Mlle Sophie Joissains, sur la fonction publique, Mme Jacqueline Gourault (mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ») ;
- sur le programme coordination travail gouvernemental (sondages, SIG, SGG, Matignon), M. Alain Anziani, et sur la protection des droits et libertés, Mme Virginie Klès (mission « Direction de l'action du Gouvernement ») ;
- sur l'égalité entre les hommes et les femmes, Mme Nicole Bonnefoy (mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ») ;
- et sur le développement entreprise et emploi, M. Antoine Lefèvre (mission « Economie »).
L'ordre du jour appelle également la nomination d'un rapporteur sur la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon. M. Richard Yung ayant quitté notre commission, je vous propose M. Michel Delebarre.
M. Michel Delebarre est désigné rapporteur de la proposition de loi n° 525 (2010-2011) tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon.
Enfin, il nous faut nommer un rapporteur sur la proposition de loi visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d'art de rétablissement des voies. Je vous propose M. Christian Favier.
M. Christian Favier est désigné rapporteur de la proposition de loi n° 745 (2010-2011) visant à répartir les responsabilités et les charges financières concernant les ouvrages d'art de rétablissement des voies.
Nous allons désigner les co-rapporteurs pour les trois rapports d'information que vous propose le bureau de la commission : droit d'asile, carte judiciaire et polices municipales. Ces duos majorité-opposition sont une grande innovation du président Hyest.
MM. Jean-Yves Leconte et Christophe-André Frassa sont désignés rapporteurs de la mission d'information sur la Cour nationale du droit d'asile.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Yves Détraigne sont désignés rapporteurs de la mission d'information sur la carte judiciaire.
MM. René Vandierendonck et François Pillet sont désignés rapporteurs de la mission d'information sur les polices municipales.
La commission examine la proposition de loi n° 26 (2011-2012), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à instaurer un service citoyen pour les mineurs délinquants.
Le titre de cette proposition de loi ne reflète pas totalement son contenu, depuis que le Gouvernement y a introduit, à l'Assemblée nationale, un article 6 concernant l'organisation de la justice pénale des mineurs.
Sur la forme, on nous impose un calendrier très contraint : le texte n'a été voté par les députés que le 12 octobre ! Pourquoi mettre en oeuvre la procédure accélérée ? On s'étonne d'une telle implication du Gouvernement derrière une proposition de loi dont la pertinence est plus que discutable... Manifestement rédigée dans l'urgence, elle entraîne de nombreuses confusions. A titre d'exemple, les représentants de la PJJ que nous avons entendus sont persuadés que les mineurs délinquants placés en EPIDe (Etablissement public d'insertion de la Défense) ne relèveront plus de la justice ; ceux des EPIDe, en revanche, pensent que les jeunes resteront sous l'autorité directe de la PJJ... On ne sait si le texte concerne les mineurs récidivistes, multirécidivistes ou primo-délinquants, si la qualification des crimes ou délits sera prise en compte ou non. La confusion règne également autour du caractère « militaire » du dispositif, sachant que le ministère de la Défense contribuera à hauteur de 2 millions d'euros. D'un côté, on parle de « contrat », de volonté des jeunes à rentrer dans le dispositif, de l'autre, d'une mesure de contrainte imposée par le juge...
L'EPIDe a été créé par ordonnance en août 2005, déjà dans l'urgence : 22 centres ont été ouverts en 24 mois, avec un budget de 95 millions d'euros. Le président de la République, Jacques Chirac, avait annoncé 50 centres en 2008, accueillant 20 000 jeunes, ce qui aurait rendu nécessaire l'affectation à l'EPIDe d'un budget de 500 millions d'euros. On en est loin aujourd'hui : il ne reste plus que 20 centres, avec un budget d'environ 80 millions d'euros pour 2012... En 2007, lors de l'annonce du grand « plan banlieues » du président Sarkozy, l'EPIDe n'était même pas cité parmi les dispositifs de la deuxième chance. En 2009, le Gouvernement annonce que l'EPIDe pourrait accueillir des mineurs non délinquants. Mais les établissements n'y sont nullement préparés, et rien ne bouge. Le contrat d'objectifs et de moyens n'a pu être signé qu'en 2009. Deux mille jeunes par an, c'est l'équivalent d'un lycée ! En 2011, retour de l'EPIDe, cette fois pour les mineurs délinquants, avec cette proposition de loi, donc sans étude d'impact, et qui plus est en procédure accélérée... Les premiers mineurs seraient placés dès février 2012 : difficile d'imaginer que le personnel ait été formé ou recruté d'ici là !
Par ailleurs, le Gouvernement a introduit par amendement un article 6 portant sur la justice pénale des mineurs, pour tenir compte des décisions du Conseil constitutionnel du 8 juillet et du 4 août 2011. Non seulement c'est un cavalier législatif, mais il n'y avait aucune urgence : le Conseil constitutionnel fixe l'échéance au 1er janvier 2013 ! Je doute d'autant plus de l'efficacité de cette mesure qu'elle n'a fait l'objet d'aucune concertation avec les magistrats.
M. Ciotti avait prévu de financer le dispositif par une hausse des droits sur les tabacs et alcools. Le Gouvernement a levé le gage à l'Assemblée nationale, assurant que le financement serait trouvé en interne, à hauteur de 8 millions d'euros : 2 millions d'euros du ministère de la Justice, 2 du ministère de la Défense, 2 du ministère de l'Emploi, et 2 du ministère de la Ville. Or le PLF n'en contient pas trace... La Défense est certes l'un des ministères de tutelle de l'EPIDe, et lui a cédé quelques emprises foncières et immobilières, mais elle ne lui a jamais versé un euro ! Quant à la PJJ, elle voit ses crédits baisser depuis plusieurs années, et perd une centaine d'équivalents temps plein cette année : où trouver 2 millions d'euros pour financer cette nouvelle mission, qui ne concernerait que 200 jeunes par an ? L'EPIDe s'inquiète de ne pas disposer du financement et des emplois nécessaires. Certes, un « bleu » de Matignon prévoit la création de 166 places, pour accueillir 200 jeunes par an - je l'ai vu, mais sera-t-il suivi d'effet ? J'attire votre attention sur le fait que, dans son rapport annuel pour 2011, la Cour des comptes estime que l'État n'a pas donné à l'EPIDe les moyens de fonctionner correctement ; il n'a notamment aucun budget d'investissement.
Sur le fond, ce texte repose sur une analyse très contestable de la délinquance des mineurs. La justice pénale des mineurs s'est beaucoup durcie, pour se calquer de plus en plus sur celle des majeurs : M. Ciotti comme le garde des Sceaux le reconnaissent. L'ordonnance de 1945 précise pourtant qu'un mineur ne peut être considéré comme un adulte, et que l'éducatif doit primer sur le répressif. Pour M. Ciotti, la diversité des réponses serait insuffisante - malgré les nombreuses mesures de milieu ouvert, les centres éducatifs fermés, les 1200 associations, les 300 établissements publics spécialisés dans l'accueil des jeunes délinquants. Le problème, c'est le manque de places, du fait de la baisse des crédits. Mieux vaudrait consacrer ces 8 millions d'euros aux établissements existants !
Selon M. Ciotti, la délinquance des mineurs serait en forte hausse. Certes, le nombre de mineurs mis en cause a augmenté, mais la proportion d'interpellés mineurs dans la délinquance globale a diminué ; en outre, il faut prendre en compte la progression démographique, l'efficacité croissante de la police et de la gendarmerie et une judiciarisation croissante d'incidents qui, autrefois, étaient considérés comme de « simples » incivilités. Le service « citoyen » de M. Ciotti concerne les 16-18 ans, or à cet âge, il est souvent trop tard : il faut intervenir dès le début du décrochage, vers 14 ans.
L'EPIDe repose sur le volontariat : les jeunes majeurs qui font acte de candidature ont connu des galères mais sont animés de la même volonté de s'en sortir. Certains de ces jeunes ont fait des bêtises, mais ont tourné la page. Je les ai rencontrés : ils disent avoir besoin des contraintes, de la rigueur du règlement intérieur, mais aussi avoir trouvé une famille, une écoute, une solidarité. La délinquance, ce n'est pas un état qui vous colle à la peau ; ce sont des actes posés par certains, à un moment de leur parcours.
Les EPIDe obtiennent de très bons résultats : près de 50 % de réinsertion en fin de parcours. C'est gigantesque mais loin des 85% ou 100% cités par ceux qui voudraient y placer tout le monde ! Les EPIDe accueillent quelques délinquants post-sentenciels, qui ont purgé leur peine. L'accueil de jeunes ayant des affaires judiciaires en cours, en revanche, s'est toujours soldé par un échec, et déstabilise toute une promotion. Les jeunes actuellement en EPIDe redoutent que ce ne soit « la zone », et que les éducateurs ne soient accaparés par les nouveaux pensionnaires. Il serait criminel, pour un simple effet d'annonce, de risquer de casser un dispositif qui fonctionne. Ce serait un manque respect envers les personnels et les pensionnaires des EPIDe.
S'agissant de la justice pénale des mineurs, le Conseil constitutionnel a estimé que le juge qui a conduit l'instruction ne peut pas présider la juridiction de jugement...
Le Gouvernement a jusqu'au 1er janvier 2013 pour proposer de nouvelles règles. Les magistrats ont des propositions à faire, qui tiennent compte de l'organisation des tribunaux et de la charge de travail des juges des enfants. L'exigence d'impartialité du jugement doit être conciliée avec celle de la continuité du suivi éducatif. Il faut donc prendre le temps de la réflexion. Les dispositions sur la comparution du mineur devant le tribunal correctionnel pour mineurs à délai rapproché à la demande du parquet sont un subterfuge. La procédure rapide, calquée sur la justice des majeurs, ne permet pas d'investigations approfondies sur la personnalité et les antécédents du mineur. Le Conseil constitutionnel avait pourtant refusé que le tribunal correctionnel pour mineurs puisse être saisi de cette façon !
Se faisant l'écho des inquiétudes des militaires, la commission de la Défense de l'Assemblée nationale, saisie de ce texte, s'est prononcée contre. Les militaires savent former les jeunes, ils n'ont pas encore perdu la culture du service militaire, mais ils refusent d'être réduits à une caricature de « gros bras » chargés de rééduquer des jeunes difficiles : ce n'est pas leur métier. Et le ministère de la Défense n'a pas 2 millions d'euros à consacrer à cette mission !
Les personnels de l'EPIDe sont convaincus de remplir une mission de service public, au service de la République : ils ne fermeront pas la porte aux mineurs. À condition que cette nouvelle mission soit financée, que leur soient accordés les ETP nécessaires, qu'ils participent au choix des mineurs accueillis et que ceux-ci relèvent bien de la PJJ. Ils ont le sentiment que les moyens qu'on leur accorde sont conditionnés à l'accueil des mineurs. Comprenez leur inquiétude : on déstabilise un dispositif qui a au contraire besoin de sérénité pour fonctionner dans la durée.
Les élus locaux sont hostiles à cette réforme, qui brouille l'image des EPIDe, aujourd'hui bien acceptés par la population. Les jeunes, aujourd'hui intégrés à la vie de la commune, accueillis dans les entreprises, craignent d'être assimilés demain à des délinquants. L'inquiétude des personnels et des pensionnaires est d'autant plus compréhensible que le directeur général de l'EPIDe a, par deux fois, été brutalement remercié !
Bref, il n'y a rien à retirer de ce texte de circonstance. Je vous propose donc de suivre Mme Borvo Cohen-Seat et d'adopter une motion tendant à opposer la question préalable. Cela ne nous interdit pas de réfléchir à un dispositif adapté aux mineurs, et notamment aux 14-18 ans, mais cela nécessite une longue concertation avec les acteurs concernés.
Je partage le vibrant plaidoyer de Mme Klès en faveur de l'EPIDe, qui fait un travail remarquable. Il y en a d'ailleurs un à la frontière de nos départements, l'Ille-et-Vilaine et le Maine-et-Loire.
Excusez une question de béotien : les EPIDe faisaient-ils déjà l'unanimité chez les parlementaires lors de leur création ?
Il me semble avoir entendu à l'époque des présentations parfois caricaturales... Les élus locaux s'inquiétaient du type de population qui y serait accueillie. Heureusement, ce n'est plus une préoccupation aujourd'hui.
Nous manquons en effet de places pour les jeunes qui rencontrent des difficultés, que celles-ci soient liées à ce que leur entourage leur fait subir ou à leur propre comportement. Faute de places en centre éducatif fermé, les juges sont tentés de placer dans les établissements classiques de l'aide sociale à l'enfance des jeunes qui n'en relèvent pas... La question préalable a son mérite sur le plan politique, mais elle empêchera le débat au fond.
Je remercie Mme Klès pour son rapport, mais je regrette qu'elle ne veuille pas aller jusqu'à clarifier le texte. La délinquance des mineurs préoccupe nos concitoyens. Cette proposition de loi mérite donc un débat plus approfondi parce qu'elle élargit la gamme des mesures offertes au juge. Or, lorsque l'on a affaire à des personnalités en construction, il faut prendre des mesures personnalisées, pratiquer une sorte d'orfèvrerie humaniste. Peut-être cette proposition est-elle en partie inspirée par des considérations d'image, mais, dans sa lettre, elle ne crée aucune nouvelle sanction, mais une mesure d'éducation et d'insertion.
Il faut être attentif en revanche à ne pas introduire un élément de toxicité désorganisant les EPIDe. Ceux-ci fonctionnent pour le moment sur la base du volontariat ; or ce texte préserve ce principe. Le placement en EPIDe pourra être prononcé dans le cadre de la composition pénale, de l'ajournement de peine ou du sursis avec mise à l'épreuve, mais dans tous les cas, le juge devra recueillir l'accord du mineur et de son représentant légal, en vertu du principe selon lequel on ne peut imposer un travail dans le cadre d'une sanction. Le texte prévoit aussi l'intervention de la PJJ.
En revanche, il faut sans doute préciser le rôle de l'EPIDe. Mais si nous votons la question préalable, nous refusons d'exercer notre pouvoir ! Vous n'êtes pas la première, Madame le Rapporteur, à constater qu'un texte qui nous arrive de l'autre chambre ou du Gouvernement est mal ficelé ! J'observe depuis hier une dérive qui consiste, pour le Sénat, à laisser systématiquement la main à l'Assemblée nationale. Pour le coup, ce serait une anomalie démocratique.
Je remercie Madame le rapporteur, avec qui je suis d'accord sur bien des points : dans la justice des mineurs, l'éducation doit primer sur la répression. La commission des lois sait montrer, dans la lutte contre la délinquance, un visage humaniste et souriant. Or cette proposition de loi n'est pas répressive : elle crée une alternative à la prison. Il faut un continuum de mesures (protection de l'enfance, prévention de la délinquance, traitement de celle-ci par des mesures non nécessairement répressives) et permettre aux jeunes qui ont versé dans la transgression de retrouver le droit chemin. Le juge statuera en fonction de la personnalité de l'intéressé. Il est dit explicitement que le placement en EPIDe sera contractuel et supposera l'accord du mineur et de sa famille. Nous pouvons compter sur le discernement des magistrats ! Les EPIDe ont fait leurs preuves, et sont capables d'accueillir un public légèrement différent.
Je regrette donc que le Sénat passe son tour et renonce à amender le texte.
Ce texte ne fait pas l'unanimité, même à droite. En recourant à une proposition de loi, on a voulu éviter les fourches caudines du Conseil d'Etat ; la procédure accélérée montre le peu de sérieux de la démarche. C'est encore une fois un texte d'affichage, qui flatte l'opinion publique en mettant en avant les notions d'autorité et de discipline. Il illustre l'échec, en matière de sécurité, de ce Gouvernement qui a démantelé la PJJ et la police de proximité, réduit les moyens des travailleurs sociaux et les effectifs de la police.
La proposition de loi est incohérente et inutile. Il y aurait tout au plus 500 places dans les EPIDe, qui ne sont d'ailleurs pas une panacée en matière de réinsertion. M. Ciotti et ses collègues continuent de détricoter l'ordonnance de 1945, sans s'attaquer aux causes réelles du malaise de la jeunesse.
Aucune adaptation n'étant possible, nous appelons à un rejet pur et simple. Tel est le sens de la question préalable déposée par Mme Borvo Cohen-Seat.
Nous sommes nombreux à nous poser des questions sur ce texte. Est-ce une bonne idée de faire cohabiter, au sein des EPIDe, des jeunes en échec qui tentent de se réinsérer et des jeunes primo-délinquants ? Toutefois, comme pour le projet de loi sur la répartition des contentieux que je rapportais hier en séance, rejeter ce texte au lieu de l'amender, c'est laisser le dernier mot à l'Assemblée nationale. Le remède n'est-il pas pire que le mal ? Le Sénat n'a-t-il pas à jouer un rôle modérateur ? Le risque est que le texte final provoque certaines dérives.
Ne confondons pas compromis et compromission. Pour qui demeure attaché à certains principes, il est difficile d'accepter ce texte, même moyennant des aménagements. Cette proposition de loi a une vocation purement médiatique, et n'a pas pour objet de lutter efficacement contre la délinquance des mineurs : 200 à 500 jeunes seulement seraient concernés chaque année. D'ailleurs, le Gouvernement et sa majorité ne cessent de diminuer les crédits et les effectifs de la PJJ ; les places mises à disposition par les collectivités locales pour des travaux d'intérêt général restent inoccupées. « Le juge conservera son pouvoir d'appréciation », dit-on. C'est bien le moins ! « Il devra recueillir l'accord du mineur et de son représentant. » Mais est-on véritablement libre, lorsqu'on ne peut choisir qu'entre un EPIDe et la prison ? Ce texte n'est pas bon, et il n'est pas possible d'arrondir les angles. Nous nous y opposerons.
Je m'associe aux propos de M. Détraigne. Monsieur Mézard, lorsqu'on cherche à répondre aux attentes de ses concitoyens, on ne risque aucune compromission ! Mme le rapporteur a fort bien analysé les problèmes posés par ce texte, et nous la rejoignons sur bien des points. Pour autant, sa conclusion ne peut nous satisfaire. Nous reconnaissons tous qu'il y a des problèmes que ce texte ne résout pas. Pouvons-nous rester sans rien faire ? Il faut donner aux jeunes délinquants la possibilité de s'en sortir. Le Sénat doit jouer son rôle de réflexion. Aucune difficulté posée par cette proposition de loi ne me paraît d'ailleurs insurmontable.
Certes, il ne faut pas abîmer les EPIDe. Si un de mes enfants avait des difficultés, je l'enverrais dans un EPIDe ; mais s'il devait y fréquenter des délinquants, je m'en garderais bien ! Dans sa version actuelle, le texte n'offre pas les garanties suffisantes. Pourquoi donc ne pas nous donner le temps de l'amender ? Il est encore temps de saisir cette chance. La politique politicienne ne m'intéresse pas : je veux m'attaquer aux problèmes rencontrés par nos concitoyens.
J'aborderai deux problèmes de procédure. Tout d'abord, l'article 6 est un cavalier, que nous ferons censurer par le Conseil constitutionnel. Ensuite, le Sénat doit-il voter la question préalable ? Ce ne serait pas la première fois : rappelez-vous lorsque la gauche était au pouvoir ! C'était une manière de dire que les textes « idéologiques » ne l'intéressaient pas.
Je m'étonne de la position de M. Bas. Le texte sur la protection de la jeunesse, adopté ici dans un esprit de relatif consensus, même si nous nous étions abstenus, avait été précédé par des états généraux avec les professionnels et spécialistes de la jeunesse délinquante. Beaucoup venaient de Seine-Saint-Denis et n'étaient pas précisément de droite... La présente proposition de loi, en revanche, n'a été précédée d'aucune concertation, les syndicats s'en sont émus. Elle pose à l'évidence de graves problèmes : on veut faire jouer aux EPIDe un rôle qui n'est pas le leur, sans leur donner les moyens d'évoluer, ce qui supposerait des crédits, une réorganisation et peut-être la création de filières. Nous avons d'abord contesté la création de ces établissements, mais force est de reconnaître qu'ils fonctionnent.
La commission de la défense de l'Assemblée nationale, où siège Mme Alliot-Marie, ancien ministre de la Défense et ancien garde des Sceaux, a fait part de sa préoccupation face à ce texte qui risque de les dénaturer.
Nous avons la ferme volonté de lutter contre la délinquance des mineurs, ce problème de société qui bouleverse les quartiers urbains et maintenant les campagnes, qui s'accompagne d'ailleurs du développement d'une économie souterraine. Mais est-il bien correct de présenter cette proposition de loi comme une solution miracle, alors que le Gouvernement a déposé un projet de budget où les crédits de la justice, de la PJJ, de l'aide aux associations qui gèrent les établissements et font de la prévention sont en baisse ?
Ce problème mérite une réflexion de fond : tel est le sens de cette question préalable. Nous pourrions d'ailleurs créer une mission d'information...
Il faut savoir qui va où et qui fait quoi : qui accompagne, qui prévient, qui sanctionne, etc.
Nous retenons l'idée de créer une mission d'information. Nous en avons déjà attribué trois aujourd'hui, mais nous sommes libres d'en créer d'autres à l'avenir.
M. Peyronnet et moi-même formulions des recommandations concordantes dans notre rapport sur les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM) et les centres éducatifs fermés (CEF). Ce rapport est trop récent pour être déjà caduc.
J'ai lu ce rapport avec attention, mais après le diagnostic, il est temps de formuler des propositions : tel serait le sens de la nouvelle mission d'information.
Sur le fond, je suis très largement d'accord avec Madame le rapporteur. Ce texte dénaturerait les missions des EPIDe, en y faisant se côtoyer deux publics très différents. On saborde une institution qui fonctionne.
Quant à l'article 6, introduit à la demande du Gouvernement, ses premier et quatrième alinéas répondent à une décision QPC du Conseil constitutionnel, et mériteraient d'être adoptés. Les deuxième et troisième alinéas, en revanche, sont un cavalier, particulièrement... cavalier !
A titre personnel, je suis donc opposé à cette proposition de loi. Mais voter la question préalable, ce serait rendre un immense service à M. Ciotti, car son texte entrerait en vigueur encore plus vite. Je conseillerais donc à la majorité sénatoriale de demander plutôt le renvoi en commission, qui bloquerait la navette parlementaire et nous permettrait d'entamer un travail de fond.
Guère, car le Gouvernement pourrait nous demander de nous prononcer le jour même : telle est la dure loi de l'ordre du jour prioritaire...
Ce texte privilégie l'éducation plutôt que la répression, dit-on. Mais l'article 3 autorise à jeter en prison ceux qui ne se plieraient pas à l'obligation de séjour en EPIDe. La liberté de choix des jeunes est très réduite... Or pour qu'un processus éducatif réussisse, il faut que l'intéressé y adhère un minimum ! Par ailleurs, cette proposition de loi détourne les EPIDe de leur objet.
Voter la question préalable, est-ce rendre la main à l'Assemblée nationale ? Outre que les députés peuvent encore changer d'avis, la situation m'évoque des scènes de cantine, où l'on n'a le choix que de renvoyer le plat ou de le tartiner de moutarde pour en couvrir le goût... Il faut savoir dire non : ce texte nous mène dans une impasse. La discussion générale permettra à chacun de s'exprimer, et l'on verra que sur cette question difficile les positions ne sont pas tranchées.
Vous avez raison : contrairement à l'Assemblée nationale, le Sénat examine la question préalable après la discussion générale.
Je n'ai pas changé d'avis : il me paraît étrange qu'une question préalable ne soit justement pas préalable... Mais nous appliquons le Règlement.
Il y a aujourd'hui 40 000 mineurs délinquants en milieu ouvert, et l'on ne prévoit que 166 places pour eux dans les EPIDe... Cette proposition de loi ne résoudra rien. Elle néglige la prévention, alors qu'il faudrait renforcer l'encadrement à l'école. On parle beaucoup d'internats d'excellence ; pourquoi ne pas créer des internats d'insertion, fondés sur une démarche à la fois pédagogique et professionnelle ? Il faut associer les familles, les écoles et les éducateurs, dans un travail triangulaire, plutôt que d'enfermer les mineurs dans des établissements où ils côtoieront des majeurs, au risque de détruire ce qui marche. A Europe Ecologie les Verts, nous sommes hostiles à la militarisation de l'insertion des mineurs délinquants, au primat du redressement sur la pédagogie. Cette proposition de loi est purement cosmétique, et nous la rejetterons.
Je reviens sur la question du volontariat. Les majeurs accueillis en EPIDe reçoivent un pécule divisé en deux : la première moitié couvre leurs dépenses courantes, la seconde ne leur est versée qu'en fin de séjour. Si ce pécule est aussi versé aux mineurs délinquants, comment croire qu'ils choisiront d'aller en EPIDe plutôt qu'en prison dans le seul objectif de se réinsérer ? Leur choix sera biaisé. Si en revanche cet argent ne leur est pas versé, comme certaines dispositions de la proposition de loi l'autorisent, cela introduira une inégalité avec les majeurs.
Les EPIDe accueillent déjà quelques majeurs délinquants. En post-sentenciel, cela marche très bien, mais en pré-sentenciel, non : lorsque des jeunes ont été orientés vers les EPIDe par des missions locales, alors qu'ils ont des affaires judiciaires en cours, ils ont déstabilisé le groupe avant de quitter le centre.
Plusieurs d'entre vous ont dit que cette proposition de loi étendait les possibilités offertes aux juges, mais ceux-ci ne sont pas demandeurs ! Les personnels de la PJJ en ont assez qu'on ne leur fasse pas confiance. C'est à la PJJ qu'il faudrait affecter ces 8 millions d'euros que l'on veut offrir aux EPIDe pour remplir des missions qui ne sont pas les leurs.
La question préalable nous interdit-elle de débattre ? Non, car il y aura une CMP et une nouvelle lecture dans chaque assemblée avant que le Gouvernement puisse donner le dernier mot aux députés. C'est toujours autant de temps de gagné, et l'on peut espérer que le Gouvernement laissera ce texte dans ses cartons. Quant au renvoi en commission...
J'oubliais que, lorsque le Gouvernement a inscrit le texte sur son ordre du jour prioritaire, il peut demander à la commission de se prononcer dans la journée.
Nous pourrions rédiger ensemble la question préalable, en nous inspirant du texte de Mme Borvo Cohen-Seat, et en ajoutant que nous créerons une mission d'information sur l'expérience des EPIDe et les nouvelles mesures à envisager. Celles-ci devraient relever de la responsabilité du ministère de la Justice, plutôt que de ceux de la Ville, de l'Emploi ou de la Défense. Les EPIDe fonctionnent bien, mais ne chargeons pas la mule !
Enfin ce texte n'est pas acceptable parce qu'il n'est pas financé : le « bleu » de Matignon n'a aucune traduction au niveau de Bercy.
Merci à Mme le rapporteur pour son sens de la synthèse et sa conviction. Nous pouvons créer une mission d'information quand bon nous semblera. Inutile de l'indiquer dans la motion.
QUESTION PRÉALABLE
Je n'ai reçu aucun amendement, et nous passons immédiatement à l'examen de la motion tendant à opposer la question préalable, présentée par Mme Borvo Cohen-Seat et le groupe CRC.
Lorsque l'on est parlementaire, il faut savoir affirmer ses convictions et ses principes. Le Gouvernement, à quelques mois d'échéances électorales, veut afficher sa détermination à lutter contre la délinquance des mineurs par une énième loi sécuritaire. Pourtant les statistiques montrent que cette délinquance n'augmente pas plus vite que celle des majeurs. On nous dit que les mineurs d'aujourd'hui ne peuvent être traités comme ceux d'hier, qu'ils doivent être assimilés à des majeurs. Au ministère de l'Intérieur puis à la présidence de la République, M. Sarkozy a promu une politique de plus en plus répressive, mais qui s'est révélée parfaitement inefficace. Jamais on ne s'attaque aux racines du problème. Assez !
Le Gouvernement a voulu cette proposition de loi pour éviter de solliciter l'avis du Conseil d'Etat. Il a engagé la procédure accélérée, ce qui est un comble pour un texte d'origine parlementaire. Les « bleus » budgétaires font apparaître un financement croisé entre les trois ministères de tutelle des EPIDe, que l'on s'était jusqu'à présent peu soucié de financer. On nous prend pour des idiots, et je reste polie...
Aujourd'hui les EPIDe n'accueillent que des majeurs. Avant d'y faire entrer des mineurs, il aurait fallu se concerter avec les professionnels qui s'occupent de la jeunesse en difficulté et de la jeunesse délinquante, avec la PJJ, les syndicats de magistrats et le ministère de la Défense. L'ordonnance de 1945 permet d'ailleurs d'habiliter des établissements à recevoir des mineurs, et il n'était pas besoin d'une nouvelle loi.
Nous avons le devoir de refuser cette nouvelle atteinte à l'ordonnance de 1945. Il faut au contraire lui redonner tout son sens et réaffirmer la responsabilité de l'Etat dans la protection et l'éducation de la jeunesse, dans la prévention de la délinquance des mineurs. Au lieu de cela, les budgets affectés ne cessent de baisser, et l'on préfère sanctionner et enfermer. Environ 11 000 adolescents passent chaque année devant la justice, mais les faibles moyens sont concentrés sur les 5 % d'entre eux qui sont condamnés. Il faut mettre un terme à cette politique absurde. Si l'on veut améliorer la protection de l'enfance en danger, l'accompagnement des jeunes en difficulté et la prévention de la délinquance, il y a beaucoup à faire !
J'ai le sentiment que chacun a pu s'exprimer sur cette motion, et je propose de passer au vote.
La motion n° 1 est adoptée.
Cette motion sera présentée en séance par Mme le rapporteur, mais chaque groupe pourra s'exprimer.
Puis la commission examine le rapport, en deuxième lecture, et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 744 (2010-2011), modifiée par l'Assemblée nationale, relative à la protection de l'identité.
Je serai synthétique, puisque la proposition de loi relative à la protection de l'identité vient au Sénat en deuxième lecture. L'Assemblée nationale est tombée d'accord avec le Sénat sur la quasi-totalité du texte, sauf sur la question du fichier. Pour protéger les citoyens contre les usurpations d'identité, nous avons jugé nécessaire de créer un fichier, mais celui-ci doit être encadré par des mesures de protection extrêmement fortes. Les députés ont considéré que ces garanties matérielles rendraient impossible l'identification des usurpateurs, que le fichier devait pouvoir être utilisé à d'autres fins, et que le texte que nous avions voté ne permettrait pas d'identifier les personnes décédées à l'occasion d'une catastrophe naturelle. Mais ce nouveau fichier diffère radicalement de ceux qui existent aujourd'hui, puisqu'il est voué, à terme, à recueillir des données sur 60 millions de Français : c'est ce que j'ai appelé le fichier des gens honnêtes... Il faut donc l'entourer de toutes les sécurités requises. En schématisant, on peut dire que les députés ont d'abord voulu qu'il y ait un risque zéro d'usurpation d'identité, quand nous avons voulu un risque zéro pour les libertés publiques. Mais ces deux exigences peuvent être conciliées.
L'idée est de lutter contre l'usurpation d'identité non par la répression, mais par la dissuasion : car un fraudeur qui se serait déjà vu délivrer une carte d'identité aurait 99,9 % de chances d'être découvert, au terme d'une enquête peu complexe...
contrairement à ce qu'on a prétendu. Je ne veux évidemment pas faire de procès d'intention. Mais il faut prendre toutes les précautions techniques pour qu'il soit impossible de détourner le fichier de sa destination et de porter ainsi atteinte aux libertés publiques. L'objet de la loi n'est d'ailleurs pas de faciliter les enquêtes criminelles !
En l'état, le texte me paraît d'ailleurs inconstitutionnel, et il est à coup sûr contraire à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. Le fichier doit être techniquement verrouillé. C'est pourquoi je vous proposerai de revenir au texte du Sénat, en ajoutant un alinéa qui interdit d'ajouter au fichier un dispositif de reconnaissance faciale. En première lecture, nous avons été unanimes. La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), qui a été saisie, doit rendre son avis d'ici l'examen du texte en séance ; je prévois d'organiser alors une audition de la présidente.
Je découvre cette proposition de loi puisque je n'étais pas sénateur lors de la première lecture. Les procédures de vérification de l'état civil peuvent-elles poser problème à nos compatriotes nés hors de France, étant donné la difficulté d'obtenir un certificat de nationalité ? Les mesures envisagées sont-elles cohérentes avec ce que décident nos partenaires de l'espace Schengen ? Elles risquent de rester sans effet si nous ne sommes pas suivis.
Cette proposition de loi traite d'un problème important, car les usurpations d'identité sont toujours plus nombreuses. Mais une protection seulement juridique contre les utilisations abusives du fichier ne suffit pas. Dispose-t-on des moyens techniques nécessaires pour empêcher tout détournement ?
Nous en sommes ramenés au débat de tout à l'heure : comme sur le texte relatif à la délinquance des mineurs, nous pouvons être constitutionnellement amenés à laisser la main à l'Assemblée nationale, mais nous devons tenir notre rôle de défenseurs des libertés.
Je le pense aussi. Ne nous leurrons pas : des intérêts économiques sont en jeu. Le Sénat doit manifester son attachement aux libertés publiques en votant l'amendement du rapporteur.
Monsieur Leconte, je ne suis pas revenu sur les points tranchés en première lecture, mais je vous rassure : s'agissant des vérifications d'état civil, les Français nés à l'étranger ne seront pas traités différemment des autres. Le fichier proposé est conforme aux réglementations en vigueur dans l'espace Schengen, même s'il y a des techniques très différentes. Hors de l'espace Schengen, on a souvent recours au passeport biométrique.
Oui, monsieur Détraigne, nous disposons des moyens techniques nécessaires pour empêcher tout détournement : la structure d'un fichier dont la base est « à lien faible » ne peut être modifiée après sa création. Il faudra dix à quinze ans pour collecter toutes les données, et une garantie juridique, qui peut être levée, ne suffit pas ; une garantie matérielle définitive est nécessaire.
M. Hyest a fait allusion à des intérêts économiques, mais le texte que je propose n'impose aucun système breveté : n'importe quel informaticien pourra proposer une organisation de fichier.
Enfin, la commission examine le rapport et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 264 rectifié (2009-2010) tendant à modifier la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.
EXAMEN DU RAPPORT
Ce texte comporte un unique article qui pallie une lacune de la loi du 23 février 2005 instituant un régime de protection spécifique de la communauté harkie. Je ne reviens pas sur l'histoire de cette communauté, nous la connaissons tous.
La loi de 2005 a, d'une part, revalorisé l'allocation de reconnaissance versée aux harkis et, d'autre part, interdit toute injure ou diffamation, ainsi que l'apologie des crimes perpétrés à l'encontre de la communauté harkie. Pour les sanctions, elle renvoyait à l'état du droit en vigueur sans autre précision, ce que la Cour de Cassation a jugé insuffisant pour appliquer des peines. La proposition de loi permet de viser directement les peines déterminées par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
Une autre disposition concerne les associations, la proposition de loi leur permettant d'ester en justice en leur octroyant les droits de la partie civile.
Cette proposition de loi corrige utilement une lacune de la loi de 2005. Sans évoquer d'autres affaires qui ont défrayé la chronique, j'ai été témoin, à Roubaix, de mises en cause au quotidien. Les amendements proposés par le rapporteur apportent d'utiles corrections, en clarifiant les références aux articles 32 et 33 de la loi du 29 juillet 1881. La répartition est plus claire maintenant entre l'injure et la diffamation, mais, s'il s'agit bien d'achever le travail de reconnaissance de l'engagement de nos compatriotes harkis, qu'ils ont payé au prix fort, pourquoi ne pas se référer également à l'article 30 de la loi du 29 juillet de 1881, qui punit la diffamation envers les cours et tribunaux, les armées de terre ou de mer, les corps constitués et les administrations publiques d'une amende de 45 000 euros ? Quel meilleur signe de reconnaissance de leur appartenance à part entière à l'armée française ?
Je n'ai aucun problème sur le fond, mais je souhaiterais une clarification des définitions respectives de la diffamation et de l'injure. Sauf erreur, la première concerne l'imputation à quelqu'un de faits précis...
Je peux comprendre que les harkis soient protégés par une peine un peu plus forte que pour la diffamation ordinaire, mais comment peut-on cibler la diffamation d'un groupe à raison de sa qualité ?
Mme le rapporteur a abrégé son propos. Les associations visées par le texte sont celles visées par la loi du 1er juillet 1901. En outre, je soulève de nouveau un petit problème d'accord dans le texte proposé pour le paragraphe II de l'article 5.1 de la loi du 23 février 2005 : il faudrait accorder le sujet « le délit de diffamation et d'injures » au verbe « ont causé » et donc rétablir le pluriel « les délits » au lieu de « le délit ».
Peut-être ce que je vais dire est-il politiquement incorrect, à propos d'une proposition de loi utile et politiquement correcte, mais un peu catégorielle : ne risque-t-elle pas de nous entraîner dans un engrenage, d'autres communautés demandant d'autres lois spécifiques ?
Nous voici de nouveau devant une loi mémorielle. Nous autres historiens, nous avons un problème avec ce type de lois parce qu'elles nous obligent à écrire l'histoire d'une certaine façon : des associations invoquent la loi, nous accusant de diffamation si nous décrivons tel événement de telle façon. Je suis pour la reconnaissance des harkis, qui ne le serait, mais cette loi ne poursuit-elle pas un autre objectif, spécifique à la France, qui utilise les lois mémorielles, par rapport aux Etats-Unis où la liberté d'expression totale est garantie ? Tel est mon seul souci.
Sur l'article 30 de la loi de 1881, nous avons réfléchi : devions-nous compléter les dispositions de la loi de 2005 ou introduire un paragraphe au sein même de la loi de 1881 concernant l'engagement dans l'armée française ? Il semble que le législateur, depuis le décret de 2003 instituant la journée du 25 septembre et la loi du 23 février 2005, ait souhaité créer un régime spécifique pour les harkis. Telle est donc l'option que nous avons retenue pour cette proposition de loi.
Harki n'est pas une insulte. La communauté harkie s'est battue aux côtés de la France parce qu'elle se sentait française au cours de ce conflit si particulier. Néanmoins le terme de harki peut être employé dans un contexte péjoratif et être utilisé pour proférer une injure...
Des imputations ou insinuations sur le conflit d'Algérie qui peuvent constituer une diffamation...
de même que certains discours péjoratifs, sur les harkis, portant éventuellement sur ...
Est-ce une loi mémorielle ? Je ne le pense pas. Il s'agit de protéger une communauté ayant vécu des conflits fratricides, qui aujourd'hui se trouve déchirée et a besoin de retrouver son histoire, sa dignité et une certaine tranquillité d'esprit...
Je préfère entendre parler d'un ensemble d'hommes plutôt que de communauté.
Cette loi est utile. Par ailleurs, je partage tout à fait ce qu'a dit Mme Benbassa sur les lois mémorielles.
Article unique
Mon amendement n° 5 propose, à l'alinéa 4 de remplacer « le délit de diffamation et d'injures » par « les délits de diffamation et d'injures ».
En effet, le verbe étant au pluriel, il convient que le sujet le soit aussi. Surtout, cela aligne exactement le texte de la proposition de loi sur celui de la loi du 29 juillet 1881.
L'amendement n° 4 porte sur la faculté accordée aux associations défendant la cause des harkis, régulièrement constituées depuis cinq ans, d'exercer les droits reconnus à la partie civile. Dans la mesure où il s'agit d'un régime spécifique de protection, l'amendement prévoit que ces droits peuvent s'exercer sauf opposition expresse des personnes visées par la diffamation ou l'injure.
L'amendement n° 4 est adopté.
Nous ne prendrons pas part au vote, n'ayant pu en discuter au sein du groupe CRC.
L'article unique de la proposition de loi est adopté dans la rédaction de la commission.