La commission procède à l'examen des amendements sur son texte n° 334 (2016-2017) sur la proposition de loi n° 231 (2016-2017), présentée par M. Alain Anziani et les membres du groupe socialiste et républicain, tendant à renforcer les obligations comptables des partis politiques.
Nous abordons les amendements de séance sur le texte de la commission sur la proposition de loi de M. Anziani et ses collègues du groupe socialiste et républicain visant à renforcer les obligations comptables des partis politiques.
Articles additionnels avant l'article 1er
L'amendement n° 9 rectifié vise à introduire une souplesse bienvenue pour les candidats, suggérée par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).
Les candidats dont les comptes de campagne présentent un excédent auraient un délai supplémentaire pour attribuer cet excédent à une association de financement d'un parti politique ou à un ou plusieurs établissements reconnus d'utilité publique. Compte tenu des délais que met la CNCCFP à statuer, ce délai supplémentaire leur permettrait de connaître le montant de cet excédent avant de déterminer à qui ils souhaitent l'affecter. J'y suis favorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 9 rectifié.
L'amendement n° 10 rectifié a pour objet de mettre fin à une situation d'inégalité. Actuellement, un candidat peut verser l'excédent de fonds à un parti politique si ce dernier recourt à une association de financement électorale, mais pas si son mandataire est une personne physique. Cette distinction, d'ailleurs critiquée par la CNCCFP, n'a pas de justification apparente. Il est proposé d'y mettre fin, raison pour laquelle je propose un avis favorable.
Je souscris tout à fait à cet amendement. La distinction qui existe actuellement résulte d'une omission dans la loi : on a voté en croyant que tous les partis politiques avaient une association de financement. Or la moitié d'entre eux ont un ou plusieurs mandataires financiers. La rectification proposée est donc très pertinente.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 10 rectifié.
L'amendement n° 8 rectifié tend à interdire à un parti politique de financer un candidat lorsque ce parti a été sanctionné pour un manquement à ses obligations comptables.
Actuellement, parmi les personnes morales, seul un parti politique peut soutenir financièrement un candidat ; mais si ce parti ne respecte pas ses obligations comptables, il n'est plus considéré par le juge comme un parti politique, donc il ne peut plus financer une campagne électorale.
L'amendement reprend cette jurisprudence en la formulant sous forme d'une sanction frappant le parti politique, ce qui me semble fragiliser la disposition. Le droit actuel ne permet qu'un pur constat et ne procède pas d'une logique punitive. Celle-ci induit une procédure quasi juridictionnelle pour prononcer la sanction et la possibilité de recours contre cette décision.
Pour cette raison, je vous propose de ne pas retenir cette proposition, qui risque d'aboutir à des effets paradoxaux...
La finalité de cet amendement est tout à fait pertinente. Cependant, un parti politique sanctionné par la CNCCFP ne pourrait plus jamais financer un candidat, sans limitation de durée ! Il faut donc améliorer la rédaction. Je m'abstiendrai.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 8 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
L'amendement n° 11 rectifié vise à interdire à un parti politique de fournir à des candidats des biens ou services à un prix supérieur au prix d'achat effectif et de consentir des prêts à un taux supérieur au taux légal, sous peine de sanctions pénales.
Cet amendement répond à des situations précises. En effet, certains partis politiques n'effectuent pas de dons aux candidats. Ils leur facturent des prestations, qui sont ensuite remboursées par l'État au titre de leurs dépenses de campagne. Cette pratique a été jugée légale par le Conseil d'État, puis par la CNCCFP, à partir de 2000. Toutefois, un parti a été récemment accusé de fournir des prestations surévaluées. La CNCCFP a réagi en réduisant le prix facturé au prix réel, diminuant d'autant le remboursement sur fonds publics, afin d'éviter tout enrichissement des candidats et donc des partis politiques.
L'amendement tend à franchir une étape, en obligeant les partis politiques à être payés au prix d'achat effectif. Le sujet est important, mais soulève des questions. Ainsi, l'État peut-il contraindre des personnes privées - des candidats et des partis politiques - qui, avant le remboursement, utilisent leurs fonds propres, à convenir d'un prix fixé à l'avance ? La question sur la constitutionnalité n'a pas de réponse évidente. Or la CNCCFP n'est pas sans arme, comme je l'ai indiqué précédemment. Pour ces raisons, le sujet étant particulièrement complexe, je demande le retrait de cet amendement, tout en comprenant l'objectif.
Comme la proposition de loi, cet amendement n'est pas exempt d'arrière-pensées politiques. Cette connotation est tout à fait regrettable. Il faudrait définir le prix de toutes les prestations ; et des conditions de mise à disposition par les partis politiques identiques pour tous les candidats. Quand on voit que des banques françaises prêtent à tel candidat, mais pas à tel autre, on peut s'interroger sur les raisons d'un tel boycott... Je ne m'associerai pas à l'opération politicienne dont relève l'amendement.
Je ne peux laisser M. Masson proférer de tels propos. On voit bien que la substance même de cette proposition de loi fait consensus ! Au reste, ses mesures ne sont pas nouvelles, puisqu'elles figuraient déjà dans le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Mais peut-être M. Masson préfère-t-il l'opacité...
La commission demande le retrait de l'amendement n° 11 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
L'amendement n° 4 rectifié tend à préciser les informations qui figurent sur les documents d'appel aux dons en faveur des candidats lors de campagnes électorales, afin qu'ils connaissent les plafonds existants et les sanctions encourues en cas de dépassement. Cette précision me paraît utile.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 4 rectifié.
L'amendement n° 16 rectifié a pour objet d'abaisser le plafond de remboursement des dépenses électorales de 47,5 % à 45 % du plafond de dépenses autorisées. Ce plafond a déjà été abaissé en 2011, de 50 % à 47,5 % ; et le plafond des dépenses électorales qui sert de base de calcul a été gelé depuis 2011. Je ne vois pas du tout l'intérêt d'abaisser encore ce plafond.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 16 rectifié.
Articles additionnels après l'article 1er
La mesure relative à l'élection des sénateurs que vise l'amendement n° 5 rectifié est déjà satisfaite. En effet, l'article L. 308-1 du code électoral renvoie au chapitre V bis du titre Ier du livre Ier du code électoral. Au sein de ce chapitre, le dernier alinéa de l'article L. 52-11 prévoit, depuis 2011, un gel temporaire des plafonds des dépenses électorales, qui s'applique aussi aux élections sénatoriales.
En outre, l'adoption de cet amendement pourrait conduire à exempter nos collègues sénateurs représentant les Français établis hors de France de ce gel, puisqu'il n'insère pas la disposition également au sein l'article 48 de la loi du 22 juillet 2013. Que certains candidats fassent l'objet d'un traitement différent ne serait pas compréhensible.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 5 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
L'amendement n° 12 rectifié a pour objet d'interdire à un parti politique de fournir à un autre parti politique des biens ou services à des prix supérieurs au prix d'achat effectif et de consentir des prêts à un taux supérieur au taux légal.
Même objet donc que pour la facturation des prestations par un parti politique à un candidat, mais ici le risque d'inconstitutionnalité est plus évident. Les partis politiques disposent librement de leurs fonds et peuvent convenir d'un prix d'achat ou d'un taux d'emprunt supérieur à celui du marché, dès lors qu'ils ne perçoivent pas forcément d'aides publiques et qu'ils sont, en tout état de cause, libres d'en disposer. L'atteinte au libre exercice de leur activité serait réelle, d'autant que, dans le cas présent, ces prestations n'ouvrent droit à aucun remboursement, à la différence de celles dont peut bénéficier un candidat.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 12 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
L'amendement n° 2 rectifié tend à préciser les informations qui figurent sur les documents d'appel aux dons en faveur des partis politiques, afin que tous connaissent les plafonds existants et les sanctions encourues en cas de dépassement. Cette précision me paraît utile.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 2 rectifié.
Je suis favorable à l'amendement n° 3 rectifié, qui vise à supprimer l'actualisation, par le pouvoir réglementaire, des plafonds en matière de financement des partis politiques. À ma connaissance, cette faculté n'a jamais été utilisée.
Au demeurant, la fixation du plafond annuel de don qu'une personne physique peut accorder aux partis politiques doit-elle relever d'un décret simple, ou ne devrait-elle pas relever uniquement de la loi ?
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 3 rectifié.
L'amendement n° 15 rectifié vise à la consolidation des comptes d'un parti politique, en intégrant toutes ses entités locales. La mesure est louable dans son objectif, mais quasiment impossible à réaliser en pratique.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 15 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
L'amendement n° 13 rectifié a pour objet de supprimer une exigence procédurale dont la lourdeur est régulièrement soulignée par la CNCCFP. Tous les partis politiques, même ceux qui disposent de recettes faibles, doivent faire certifier leurs comptes par deux commissaires aux comptes. Un seul suffirait, pour les partis dont les recettes et les dépenses sont inférieures à 230 000 euros. J'y suis favorable, sous réserve d'une rectification précisant que ce seuil vise les ressources, non le cumul des recettes et des dépenses.
J'ai déposé des amendements qui vont dans le même sens. La situation actuelle est totalement aberrante : pour certains partis politiques, aux activités insignifiantes, les honoraires versés aux deux commissaires aux comptes sont supérieurs aux dons encaissés.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 13 rectifié, sous réserve de rectification.
Article 2
L'amendement n° 1 rectifié reprend celui que j'avais proposé lors de l'examen du texte en commission et que j'avais retiré pour que le débat ait lieu en séance publique.
La proposition de loi prévoit que les flux financiers entre les partis politiques, et entre les partis politiques et les candidats, doivent être communiqués à la CNCCFP, afin qu'elle en publie les montants nets, c'est-à-dire sans le détail des différentes opérations financières.
Je me suis interrogé sur la constitutionnalité de cette disposition. En effet, la jurisprudence constitutionnelle relative à l'article 4 de la Constitution, qui garantit aux partis politiques le libre exercice de leur activité, est réduite ; et les limites des contraintes que le législateur peut leur fixer n'ont jamais été précisément définies.
À cet égard, l'amendement soulève une question : la loi peut-elle obliger les partis politiques à informer la CNCCFP de flux financiers qui ne sont, par ailleurs, aucunement limités par la loi ? Quel est le but de cette information, puisque, à la différence d'autres opérations financières avec les partis politiques, ces transferts sont totalement libres ?
Au reste, je m'interroge sur l'utilité de ces informations. S'il s'agit de « tracer » les emprunts souscrits par un parti, voire un microparti, l'information sera déjà rendue publique par la CNCCFP grâce à cette proposition de loi. Solliciter des partis politiques des informations supplémentaires excède l'objectif de ce texte, qui se concentre sur les emprunts souscrits et consentis par les partis. Gardons-nous de fragiliser constitutionnellement la proposition de loi. Les mesures de l'article 2 n'excéderaient-elles pas l'objectif poursuivi par le législateur ? Pour ces raisons, je suis favorable à cet amendement.
Je ne partage pas du tout le point de vue de M. le rapporteur. Je ne suis pas du tout convaincu par l'existence d'un problème de constitutionnalité. La liberté de gestion des partis n'interdit pas une obligation de transparence ! Il ne me paraît pas inintéressant de savoir comment fonctionnent les flux, très importants, de partis politiques à partis politiques.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 1 rectifié.
Articles additionnels après l'article 2
L'amendement n° 14 vise à obliger les partis politiques à changer de commissaires aux comptes tous les six ans. La création d'une obligation supplémentaire ne me paraît pas avoir un intérêt évident sur l'indépendance des commissaires aux comptes. Elle me semble contraindre inutilement leur choix.
Je sollicite donc le retrait de cet amendement.
Compte tenu du rôle très particulier du commissaire aux comptes, qui est non pas un conseiller, mais un garant de la régularité, les raisons pour lesquelles on oblige les sociétés anonymes à changer de commissaire aux comptes tous les six ans tombent sous le sens.
Ce rôle de vérificateur est au moins aussi important à l'égard d'un parti politique qu'à l'égard d'une société, non seulement pour l'intérêt du parti, mais aussi pour le public. Par comparaison, la mesure serait utile.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 14 et, à défaut, y sera défavorable.
Actuellement, lorsque la CNCCFP constate un manquement d'un parti politique, elle prononce automatiquement une sanction, consistant en la perte des avantages fiscaux pour ses donateurs et du droit à percevoir les aides publiques. La Commission nationale déplore l'impossibilité de moduler la sanction en fonction de la nature et la gravité du manquement, qui est parfois simplement formel.
L'amendement n° 6 ouvre cette possibilité. J'y suis favorable, sous réserve d'une rectification précisant la durée maximale de la sanction que peut prononcer la CNCCFP, sanction qui, par analogie avec d'autres dispositions semblables, pourrait être fixée à trois ans.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 6, sous réserve de rectification.
L'amendement n° 7 aborde un problème délicat, mais réel. Certains partis politiques sont sanctionnés pour un manquement à leurs obligations légales. Un autre parti politique est alors créé et les fonds de celui qui vient d'être sanctionné sont transférés au second. De sorte que les sanctions n'ont pas d'effet pratique.
L'amendement a pour objet d'interdire à un parti politique, lorsqu'il est sanctionné, de financer un autre parti politique. Cette mesure n'est pas sans soulever des doutes sur sa constitutionnalité au regard de l'article 4 de la Constitution. En effet, peut-on priver de ce droit un parti politique de manière absolue ?
En outre, un manquement comptable, même mineur, à une obligation légale pourrait faire encourir au parti politique la suspension de son droit à financer un autre parti politique. La question de la proportionnalité de la sanction se pose donc.
En résumé, le sujet me paraît suffisamment épineux pour ne pas intégrer cet amendement au texte qui nous est présenté aujourd'hui.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 7 et, à défaut, y sera défavorable.
Article 3
L'amendement n° 17 tend à supprimer les dispositions reportant l'application des mesures proposées à 2018, ce qui est contraire à la position de la commission.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 17.
La commission donne les avis suivants sur les amendements de séance :
La commission examine le rapport de M. François-Noël Buffet et le texte qu'elle propose sur la proposition de loi n° 295 (2016-2017), adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant réforme de la prescription en matière pénale.
Chacun se souvient des conditions dans lesquelles la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière pénale, qui double les délais de prescription, était arrivée précipitamment au Sénat. Au mois de juin 2016, le Sénat avait renvoyé le texte en commission, pour nous donner le temps d'une analyse plus approfondie, notamment sur la problématique du délai de prescription des infractions commises sur les mineurs.
De fait, le 5 octobre 2016, la commission des lois a adopté un texte équilibré : doublement des délais de droit commun de la prescription de l'action publique ; allongement de cinq à six ans de la prescription de la peine pour les délits ; consécration légale de la jurisprudence relative au report du point de départ du délai de prescription pour les infractions occultes ou dissimulées, notamment les abus de biens sociaux ; suppression de l'imprescriptibilité pour les crimes de guerre...
Avant l'examen du texte en séance publique au Sénat, nous avons eu une discussion avec le ministère de la justice ainsi qu'avec le rapporteur de l'Assemblée nationale pour espérer un vote conforme, ensuite, à l'Assemblée nationale. Nous avons trouvé cet accord le 11 octobre 2016 sans difficulté. Il prévoyait notamment de donner suite à la proposition de François Pillet consistant à allonger de trois mois à un an la prescription de l'action publique des abus de la liberté d'expression commis sur Internet. Le Gouvernement et le rapporteur de l'Assemblée nationale étaient d'accord sur ce point.
Le texte a été voté en séance publique au Sénat tel que nous en étions convenus. Au mois de décembre, il a été voté conforme par la commission des lois de l'Assemblée nationale, sans difficulté. Les engagements pris par les uns et les autres ont été tenus. Reste que, en séance publique, les députés sont revenus au délai de prescription de trois mois pour les infractions commises sur internet. C'est le seul point qui a été modifié.
Dans ces conditions, je vous propose de maintenir la position exprimée, en octobre dernier, par notre commission des lois puis par le Sénat, en accord avec nos collègues députés. Tel est l'objet de l'amendement COM-1, qui vise à rétablir, à l'alinéa 2 de l'article 3, le délai de prescription d'un an, en lieu et place du délai actuel de trois mois, de manière que le plaignant puisse engager les procédures.
Cela concerne bien évidemment uniquement les messages litigieux publiés sur Internet.
Je veux faire une observation de méthode. Il est anormal que le Gouvernement remette en cause un compromis, « béni » par le garde des sceaux, l'Assemblée nationale et le Sénat. Nous ne pouvons accepter de travailler dans ces conditions. L'amendement de M. Buffet vise tout simplement à rétablir le texte de compromis auquel députés et sénateurs avaient abouti, lors d'une commission mixte informelle, en présence du Gouvernement.
J'attire l'attention sur le fait que cette disposition est parfaitement respectueuse des protections qu'il est nécessaire d'offrir aux journalistes qui s'expriment sur Internet autant que sur support papier.
Je remercie le rapporteur d'avoir pris l'initiative de réintégrer cette disposition dans le texte. Je rappelle qu'il s'agit du dernier lambeau des propositions que Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard et moi-même avions conjointement formulées à la suite de la mission d'information dont j'avais eu l'honneur d'être le rapporteur, aux côtés de Thani Mohamed Soilihi.
Vraiment, j'aimerais comprendre la motivation réelle de ceux et de celles qui vont sans doute continuer ce week-end à nous persécuter sur Internet... Je rappelle que la prescription que nous voulons allonger ne vise que des délits, en l'occurrence ceux commis sur Internet : dès lors qu'il ne s'agit pas d'injures ou de diffamation, l'expression d'opinions ou de sentiments et la divulgation d'informations n'en seraient absolument pas gênées !
Vraiment, j'aimerais comprendre pourquoi 34 députés ont voté la suppression de ces dispositions... Quelle image cela donne-t-il des accords entre le Sénat et l'Assemblée nationale, des explications de vote de la quasi-totalité des groupes, de l'avis du garde des sceaux, parfaitement cohérent avec la position des députés et des sénateurs ! Cette position est curieuse et ne laisse pas de m'étonner, mais je ne désespère pas de comprendre les raisons profondes et sans doute particulièrement légitimes qui l'ont inspirée.
Je vous engage à relire les comptes rendus des débats de l'Assemblée nationale : je ne retire pas une virgule aux propos de Marie-George Buffet, ni à ceux du ministre de la justice, ni à ceux de nos collègues des divers groupes qui ont pris part aux débats sur ce point !
La ministre de la culture s'est occupée de cette question. Cela n'a rien de surprenant, le journalisme relève de la culture, pas de la justice.
Je suis d'accord avec tout ce qui a été dit, mais le monde journalistique a très mal pris ce délai de prescription, le considérant comme une censure. On peut le comprendre, surtout quand la presse fait déjà face à de nombreux problèmes.
Selon moi, le délai de trois mois est suffisant pour Internet. Dans le pays de la liberté d'expression, ne soumettons pas la presse internet à un délai qui pourrait apparaître comme une forme de censure !
Je vous l'accorde bien volontiers.
La réunion, suspendue à 9 h 55, est reprise à 10 h 5.
Nous passons à l'examen de l'article 3 de la proposition de loi, sur lequel notre rapporteur a déposé un amendement.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 3
Nous remercions notre excellent rapporteur, qui a convaincu la quasi-totalité d'entre nous.
La commission examine le rapport de M. Mathieu Darnaud et le texte qu'elle propose sur le projet de loi n° 315 (2016-2017), adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain.
Après l'échec de la commission mixte paritaire du 21 décembre dernier, le Sénat est à nouveau saisi du projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain. Le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture n'est que la reprise, sous quelques réserves, de celui qu'elle avait voté en première lecture.
Si nos deux assemblées se sont rejointes pour approuver la fusion de la commune et du département de Paris en une collectivité unique à statut particulier, des oppositions de principe demeurent sur l'organisation politique et institutionnelle de cette future collectivité, ainsi que sur la création de nouvelles métropoles hors de l'Île-de-France. Le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture cristallise ces désaccords, malgré la volonté que nous avons exprimée en commission mixte paritaire de poursuivre les échanges pour rapprocher les points de vue de nos deux assemblées, ce qui n'avait alors pas pu être fait, faute de temps.
Le calendrier précipité a été préjudiciable à un dialogue fructueux entre nos deux assemblées. Nous déplorons l'engagement de la procédure accélérée, s'agissant d'une réforme qui fait évoluer en profondeur le statut de la ville-capitale, dont la dernière modification d'ampleur date de plus de trente ans, et qui s'est enrichie de nombreuses dispositions en première lecture, en particulier en matière d'aménagement métropolitain.
La commission mixte paritaire a été convoquée dès le 21 décembre dernier, soit le lendemain de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un texte considérablement enrichi de trente-cinq nouveaux articles.
Nous avons constaté la persistance d'oppositions de principe, dont plusieurs fondamentales. D'abord, l'Assemblée nationale rejette les retouches apportées par le Sénat au statut de Paris, en refusant le rééquilibrage au profit des arrondissements, en maintenant un regroupement ponctuel de secteurs qui n'est que partiellement justifié - à ce sujet, nous avons observé des divergences au sein même de la majorité municipale parisienne - et en s'opposant à une rationalisation aboutie des pouvoirs de police, même si nous avons réussi à tomber d'accord sur les aérodromes parisiens, un amendement de M. Capo-Canellas ayant été repris par nos collègues députés.
Ensuite, nos deux assemblées ont adopté des avis très tranchés et très différents en ce qui concerne les évolutions du régime métropolitain. C'est tout le paradoxe de ce texte, destiné au départ à traiter du statut de Paris : ce sont les autres dispositions qui ont le plus cristallisé les oppositions.
La méthode suivie pour créer de nouvelles métropoles ne nous paraît pas aller dans le bon sens. Peut-être est-il aujourd'hui nécessaire de redéfinir ce qu'on entend par « métropole ». En tout état de cause, il eût été à la fois plus simple et plus sain que le Gouvernement annonce d'emblée ses intentions. Or après qu'il nous eut proposé la création de deux fois deux métropoles, avec des motivations différentes, nous avons vu arriver trois métropoles supplémentaires qui n'étaient pas du tout annoncées, et dont la création laisse présager que d'autres, comme Limoges ou Amiens, viendront bientôt frapper à la porte.
Enfin, des cavaliers intempestifs ont été introduits dans le projet de loi, ce dont Mme Cécile Untermaier, vice-présidente de la commission des lois de l'Assemblée nationale, s'est émue : « J'ai le sentiment qu'on est en train de vider les placards de l'administration ! » a-t-elle relevé...
En définitive, je constate que l'Assemblée nationale n'a tenu aucun compte des débats pourtant riches qui ont eu lieu au Sénat, si ce n'est sur la question des aérodromes. De surcroît, elle est revenue sur les arbitrages rendus lors de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité et à la citoyenneté, en prévoyant, à l'article 37 ter, la création de la Foncière solidaire, dont l'articulation avec les établissements publics fonciers demeure une difficulté.
Dans ces conditions, je vous soumets une motion tendant à opposer au projet de loi la question préalable.
Je suis en complet désaccord avec l'idée de voter encore une fois une question préalable : ce serait la quatrième fois en moins de deux mois que, sur des textes importants, le Sénat déciderait de ne rien dire. La Constitution lui donne pourtant la possibilité de s'exprimer après la commission mixte paritaire en adoptant des amendements, avant que l'Assemblée nationale ne soit éventuellement appelée, en lecture définitive, à adopter soit son texte, soit celui établi par notre assemblée. Si nous vous suivions, monsieur le rapporteur, nous nous priverions de la possibilité de nous exprimer !
Du reste, s'il était aussi évident que vous le dites que la bonne procédure consiste à décider de ne pas peser dans le débat, on comprendrait mal pourquoi MM. Charon, Karoutchi, Marseille, Dupont, Dallier, Reichardt, Mme Joissains, MM. Guerriau, Delahaye, Cadic, Gabouty, Lefèvre, Favier et Chiron auraient déposé les amendements que nous avons sous les yeux, sans compter nos autres collègues qui en déposeront en vue de la séance publique. Tous ont considéré qu'il y avait matière à discuter : ils seront sans doute en désaccord avec la question préalable. Ou alors il y aurait une contradiction totale au sein des groupes de la majorité sénatoriale...
Pour ma part, je vous invite à rejeter la motion. Je m'étonne que M. Darnaud l'ait déposée, parce qu'il est, je crois, ouvert au débat et tout à fait partisan que le Sénat joue pleinement son rôle. Puisque nous avons la possibilité de débattre et d'adopter un texte, faisons-le ! Il reviendra ensuite à l'Assemblée nationale de trancher, conformément à la Constitution. Si le Sénat prend l'habitude de renoncer à s'exprimer, que penseront de lui nos concitoyens ?
Le Sénat s'est prononcé dans le détail sur ce texte, à l'issue d'un débat extrêmement riche. Il l'a amendé en profondeur, jouant ainsi pleinement son rôle législatif. Seulement, depuis lors, l'Assemblée nationale a systématiquement détruit ce travail.
Ce faisant, elle a fermé la porte à tout accord avec le Sénat sur ce texte. Comme, au surplus, il s'agit d'un texte extrêmement politique - remarquez que je ne reproche pas à ses auteurs de faire de la politique en cette période - il me semble que le Sénat joue son rôle en décidant de donner un coup de semonce, pour signifier qu'il n'est pas dupe de ce qui est en train de se passer pour Paris.
Monsieur le président, je ne suis pas du tout d'accord avec vous, surtout pas dans la période actuelle, où notre institution est mise en cause de plusieurs côtés.
Certes, il n'y a pas eu de dialogue en commission mixte paritaire, mais sur un certain nombre de thèmes, je pense qu'un accord pouvait être trouvé.
La position que M. le rapporteur nous propose est, selon moi, purement politicienne et assez incompréhensible. Le rôle d'une assemblée n'est pas de bloquer, mais de proposer !
En votant cette motion, nous ne nous priverons que d'une chose : parler aux murs !
Nous savons tous qu'il s'agit d'un texte en partie double : au départ, j'étais assez séduit par l'idée de modifier le statut de Paris, mais, chemin faisant, je me suis aperçu que le débat se terminait en empoignades pour savoir où serait le pouvoir et tenter de conserver des majorités - pour aujourd'hui, car, demain ou après-demain, bien entendu, on changera les choses. Le résultat ne m'a pas spécialement satisfait. Nous avons assisté, en vérité, à un bel exemple d'activités politiciennes ! C'est dommage, car le statut de Paris mérite réellement d'être amélioré.
En ce qui concerne l'extension du domaine des métropoles, on va ajouter aux incohérences de la loi NOTRe de nouvelles incohérences... Ce n'est pas dans la précipitation que l'on pourra traiter ce type de problèmes. Personne n'a pris la peine de mesurer ce qu'implique la généralisation des métropoles !
Je pense qu'on se moque du monde ! On voudrait absolument, avant la débâcle, faire passer un certain nombre de textes pour faire plaisir à un certain nombre de gens - songez au redécoupage des régions. Arrêtons le massacre !
Même si l'on peut souscrire à un certain nombre de critiques formulées par M. le rapporteur, en ce qui concerne notamment le recours à la procédure accélérée pour une réforme aussi importante que la modification du statut de Paris, mais aussi la création de nouvelles métropoles, dont la signification doit, en effet, être bien mesurée, ce qui justifie la tenue d'un débat spécifique, je ne suis pas favorable à la question préalable. Quel que soit le sort réservé à ses propositions par l'Assemblée nationale, le Sénat, chambre des collectivités territoriales, doit jouer tout son rôle !
Monsieur Sueur, la majorité sénatoriale n'est pas dans la contradiction ; elle fait face à un dilemme. Le même dilemme qui se pose à nous chaque fois que les députés refusent de prendre en compte les points de vue du Sénat : nous sommes partagés entre le souci de manifester notre opposition en rejetant l'ensemble du texte et celui d'améliorer ce texte ou de le rendre moins mauvais. Ce dilemme est constant dans notre assemblée, quelles que soient les majorités.
Le texte, à certains égards, a été élaboré pour faire plaisir, avec des critères de détermination des métropoles qui manquent d'objectivité. De ce point de vue, je regrette qu'aucune des deux assemblées n'ait pris en compte le critère premier de la conurbation.
Je ne reviens pas sur mon argumentaire au sujet de la métropole de Metz par rapport à celle de Nancy, mais on voit bien que, avec des critères très subjectifs, on crée des avantages pour certains, des désavantages pour d'autres. Sur ce point précis, le texte adopté par l'Assemblée nationale n'est pas destiné à faire plaisir à tel ou tel, monsieur Collombat, mais à rétablir une situation plus équilibrée et plus objective.
Notre débat en première lecture a été particulièrement nourri, et nous n'avons pas opposé de fin de non-recevoir aux innombrables amendements de dernière minute.
En ce qui concerne les métropoles, un sujet de grande importance, chaque semaine amène son lot de nouveautés ! À trois reprises, nous avons découvert une nouvelle métropole, qui sortait du chapeau. Souvenez-vous de l'embarras de M. le ministre lorsque nous l'avons interrogé sur la métropole de Tours, et qu'il ne savait pas encore bien quelle position adopter : une semaine plus tard, il affirmait la nécessité absolue de créer cette métropole pour faire face à celle d'Orléans...
Pour que le Sénat puisse se faire entendre dans de bonnes conditions, il faut un minimum d'expertise. Comment voulez-vous que nos travaux soient fructueux quand les éléments nous sont communiqués au compte-gouttes, ce qui nous place dans l'incapacité de nous prononcer sérieusement sur le fond ?
Monsieur Sueur, sur le projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer, le Sénat a montré sa volonté de travailler de façon objective au bénéfice des territoires. Preuve que notre attitude est loin d'être purement politicienne !
Simplement, il faut parfois dénoncer la façon dont les textes sont examinés et le peu de respect que l'on témoigne à la Haute Assemblée. Parler à des murs, pour reprendre l'expression de M. Collombat, finit par lasser... Sur le fond comme sur la forme, nous avons toutes les raisons d'adopter la motion COM-33 tendant à opposer la question préalable.
La commission décide de soumettre au Sénat une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi.
L'ensemble des amendements deviennent sans objet.
En conséquence, la commission des lois n'ayant pas adopté de texte, en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera en séance sur le texte du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture. Les amendements qui avaient été déposés pourront l'être de nouveau en vue de la séance publique. Dans l'hypothèse où la question préalable ne serait pas adoptée par notre assemblée, l'examen des articles porterait sur le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.
Le sort des amendements examinés par la commission des lois est retracé dans le tableau suivant :
La commission examine le rapport de M. André Reichardt et le texte qu'elle propose sur la proposition de loi n° 207 (2016-2017), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à favoriser l'assainissement cadastral et la résorption du désordre de propriété.
Cette proposition de loi a été déposée par M. Camille de Rocca Serra et plusieurs de ses collègues en octobre dernier.
Elle met en place un dispositif civil pour sécuriser la possession des biens par le jeu de la prescription acquisitive, et assouplir les règles de gestion des indivisions. Cela s'accompagne de mesures fiscales temporaires visant à inciter les Corses à sortir d'une situation foncière problématique.
Les chiffres avancés par le rapporteur du texte à l'Assemblée nationale, M. Camille de Rocca Serra, sont éloquents : l'absence de titre de propriété concernerait 34 % du total des parcelles en Corse.
Le texte comportait six articles à l'origine ; il n'en compte plus que cinq après que le Gouvernement a levé le gage prévu à l'article 6 au cours de son examen à l'Assemblée nationale. Les articles 1er et 2 concernent le volet civil de la réforme, les articles 3 à 5 regroupent des dispositions de nature fiscale. Nous avons délégué l'examen au fond de ces articles à la commission des finances.
L'article 1er crée un acte de notoriété acquisitive notarié. Dans la version initiale de la proposition de loi, lorsqu'un acte de notoriété notarié constatait une possession répondant aux conditions de l'usucapion, à savoir trente années de possession continue et non interrompue, paisible, publique et non équivoque, l'action en revendication de la personne qui se prétendait le véritable propriétaire du bien était enserrée dans un délai de cinq ans. Ces dispositions étaient applicables non seulement en Corse, mais aussi sur l'ensemble du territoire national, et ce pour les actes de notoriété établis jusqu'au 31 décembre 2027.
La proposition de loi a été modifiée en première lecture à l'Assemblée nationale. Désormais, seule l'action dirigée à l'encontre de l'acte de notoriété acquisitive serait encadrée par un délai de cinq ans. Il serait donc toujours possible d'exercer une action en revendication du bien au-delà des cinq années prévues. Cependant, dès lors que l'acte de notoriété acquisitive est devenu incontestable, la preuve que le possesseur n'est pas dans son bon droit serait plus difficile à apporter.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a estimé opportun de rappeler que la possession pouvait toujours se prouver par tous moyens, l'utilisation d'actes de notoriété acquisitive n'étant qu'une simple faculté. Elle a ensuite précisé la nature de ces actes. Ceux-ci devraient contenir des éléments matériels attestant des qualités et de la durée de la possession ; une publication par voie d'affichage et sur internet était prévue. À ces deux obligations, l'Assemblée nationale a ajouté une obligation de publicité au service de la publicité foncière. Elle a également supprimé le caractère temporaire du dispositif.
Enfin, l'Assemblée nationale a ajouté un nouvel article 2261-2 dans le code civil, selon lequel le possesseur est présumé propriétaire jusqu'à preuve du contraire et, à ce titre, est défendeur à l'action en revendication exercée par celui qui se prétend le véritable propriétaire.
Au fil des auditions, j'ai pu constater que les difficultés foncières liées à l'inexistence de titres de propriété étaient en réalité circonscrites à la Corse et à certaines collectivités ultramarines. Or il n'est pas satisfaisant de répondre à des difficultés locales spécifiques par une règle générale applicable à l'ensemble du territoire, où la propriété est constatée par titre et où la possession acquisitive ne joue qu'à la marge, dans des conditions strictement définies à l'article 2261 du code civil.
Lors de l'examen en première lecture du projet de loi de programmation relatif à l'égalité réelle outre-mer, le Sénat a introduit dans le texte, à l'initiative du Gouvernement, un nouvel article 34 terdecies qui consacre l'utilisation des actes de notoriété acquisitive pour les immeubles situés en Guadeloupe, en Martinique, à La Réunion, en Guyane, à Saint-Martin et à Mayotte, territoires ultramarins qui, comme la Corse, sont touchés par des désordres fonciers. La question est donc sur le point d'être réglée pour les territoires ultramarins, puisque le projet de loi relatif à l'égalité réelle outre-mer devrait être définitivement adopté d'ici peu. Il ne reste plus qu'à rendre ce dispositif applicable en Corse.
C'est dans cette perspective que nos collègues Joseph Castelli et Jacques Mézard ont récemment déposé un amendement au projet de loi de ratification de diverses ordonnances relatives à la Corse, reprenant en grande partie la présente proposition de loi. Cependant, notre commission des lois l'a déclaré irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution.
S'agissant du volet civil, cet amendement transposait pour la Corse l'article 34 terdecies du projet de loi relatif à l'égalité réelle outre-mer. Sur le fond, le recours aux actes de notoriété acquisitive était limité dans l'espace : seule la Corse était concernée. Il était également limité dans le temps, comme le prévoyait la présente proposition de loi dans sa rédaction initiale. Le dispositif ne devait s'appliquer qu'aux actes de notoriété acquisitive établis jusqu'au 31 décembre 2027, date à laquelle le groupement d'intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse (Girtec) cessera de fonctionner.
Cet amendement ne reprenait pas certaines précisions inutiles introduites dans la proposition de loi par l'Assemblée nationale. À cet égard, il revenait aux termes de la proposition de loi initiale et définissait les actes de notoriété acquisitive comme des actes notariés de notoriété qui constatent « une possession répondant aux conditions de la prescription acquisitive », plutôt que comme des actes contenant les éléments matériels attestant des qualités et de la durée de cette possession. Enfin, il supprimait le nouvel article 2261-2 du code civil, qui ne faisait que rappeler l'application de la procédure civile de droit commun.
Pour ma part, j'estime que l'amendement de nos collèges Castelli et Mézard apporte une réponse pertinente à la problématique corse. Mon amendement COM-1 en reprend donc la teneur.
L'article 2 issu des travaux de l'Assemblée nationale prévoit l'assouplissement des règles de majorité applicables en matière d'indivision. Actuellement, le code civil impose une règle de majorité qualifiée des deux tiers des droits indivis pour effectuer les actes d'administration et de conservation d'un bien. Le seuil serait abaissé à la majorité simple lorsque la propriété est acquise par prescription constatée dans un acte de notoriété acquisitive. De même, l'unanimité ne serait plus exigée pour les actes de disposition sur un bien nouvellement titré, à la suite de l'établissement d'un acte de notoriété acquisitive. Une majorité des deux tiers suffirait alors.
Selon les auteurs de la proposition de loi, pour sortir de situations de blocage provoquées par le comportement d'une minorité, voire d'un seul indivisaire « taisant » ou en opposition franche avec les autres, les règles actuelles ne sont pas suffisantes, du moins pas pour les indivisions complexes corses.
Bien que l'article 2 soit très dérogatoire au droit commun, il répond à un véritable besoin. Sans cet assouplissement des règles, l'article 1er serait privé d'effets. Une fois la propriété reconstituée, une fois les droits des différents indivisaires reconnus par des actes de notoriété acquisitive, la situation serait à nouveau bloquée en raison de l'impossibilité pour les indivisaires, souvent nombreux et issus de plusieurs générations, de gérer et plus encore de céder le bien, faute d'unanimité.
Cependant, comme l'ont révélé nos travaux, des détournements de la règle demeurent possibles. Par exemple, alors même qu'elles disposeraient de titres de propriété valables, certaines personnes de mauvaise foi pourraient s'adresser à un notaire pour qu'il établisse, en toute bonne foi, ignorant l'existence de ces titres, un acte de notoriété acquisitive. Ils bénéficieraient ensuite des règles assouplies de fonctionnement de l'indivision et pourraient contourner l'opposition ou le silence d'un indivisaire connu et identifié.
Par ailleurs, s'il présente un intérêt évident pour la Corse, ce texte ne devrait pas pouvoir s'appliquer à l'ensemble du territoire. J'ai donc déposé un amendement COM-2 qui règle ces deux problèmes tout en donnant pleine satisfaction aux Corses.
Quant à l'amendement COM-3, il concerne le droit local d'Alsace et de Moselle.
Dans le projet de loi « Justice du XXIe siècle », le Sénat et l'Assemblée nationale avaient adopté conforme un article modifiant la loi de 1884 concernant le renouvellement du cadastre, la péréquation de l'impôt foncier et la conservation du cadastre des départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin pour rendre la prescription acquisitive applicable dans les départements d'Alsace et de Moselle. Or, cette mesure a été censurée comme cavalier législatif par le Conseil constitutionnel. Mon amendement a pour objet d'introduire cette disposition dans la proposition de loi que nous examinons, puisqu'elle traite de prescription acquisitive et de cadastre.
Pour gagner du temps, notre rapporteur vient de présenter à la fois son rapport et ses amendements.
À en juger par l'écart qui existe entre son titre et son contenu, ce texte me semble un peu hypocrite. Je vois mal en quoi il pourrait favoriser « l'assainissement cadastral » et résorber quelque « désordre » que ce soit, sauf à en créer de plus importants ! Notre commission a examiné toutes sortes de textes. Si l'un d'eux justifie l'adoption d'une question préalable, c'est bien celui-là !
En disposant que la possession vaut titre, le cinquième alinéa de l'article 1er a pour principal effet de revenir sur la distinction majeure faite par notre droit entre biens immeubles et biens meubles, ainsi que sur le droit pratiqué dans notre pays depuis le haut Moyen Âge. Ce texte, c'est un peu la règle du Châtelet, lorsque les immeubles étaient adjugés à la bougie par les notaires royaux ! C'est le règne de la confusion.
S'il est réellement nécessaire de voter des dispositions spécifiques à la Corse, examinons un texte qui porte sur la Corse et non une proposition de loi à portée générale. Comme l'a suggéré le rapporteur, il vaudrait mieux reprendre l'amendement de Joseph Castelli et Jacques Mézard qui portait spécifiquement sur la Corse, plutôt que de bouleverser tout notre droit civil. Sans compter que l'issue d'un tel texte est tout sauf certaine.
Faire disparaître la distinction entre ces règles de propriété des immeubles et des meubles dans notre droit me paraît poser de véritables problèmes juridiques. Il n'est pas satisfaisant d'examiner ce sujet à toute vitesse...
C'est précisément pourquoi notre rapporteur propose des procédures connues en matière immobilière, comme l'usucapion, et de mieux encadrer cette question.
Le désordre foncier en Corse est une réalité. La piste esquissée à l'Assemblée nationale, avec l'appui des notaires de Corse, ne peut être balayée d'un revers de main. Bien sûr, un certain nombre de précisions doivent être apportées : c'est ce que nous propose notre rapporteur.
On devrait écouter avec beaucoup d'attention les remarques très pertinentes de Michel Mercier sur le titre de la proposition de loi. Notre rapporteur a lui-même précisé que le texte visait à régler des problèmes limités à la Corse et non pas à l'ensemble du territoire.
Cela étant, considérer que le problème n'existe qu'en Corse me laisse dubitatif. En tant que maire d'une commune rurale, j'ai été confronté à plusieurs reprises aux revendications de particuliers qui entendaient obtenir la propriété de parcelles à la suite de la disparition de chemins communaux. En raison de la négligence de quelques collectivités locales, certains agriculteurs qui cultivaient ces espaces depuis plus de trente ans se les sont appropriés au motif que la prescription trentenaire les rendaient propriétaires de fait. Pourtant, aucun acte ne validait ce transfert de propriété. Il s'agissait bien, dans ces cas, de prescription acquisitive.
Selon moi, les difficultés ne se limitent pas à la Corse et peuvent parfaitement survenir dans n'importe quelle commune rurale en France.
Le problème ne se pose certes pas uniquement en Corse, mais nulle part ailleurs il n'a pris une envergure aussi exceptionnelle ! Près d'un tiers des propriétés, nous dit le rapporteur !
Si les règles que nous appliquons depuis le haut Moyen Âge n'ont pas permis de sortir de cette situation, il nous faut bien trouver une autre solution. Pour moi, ce texte constitue une première étape vers la résolution des difficultés. Par la suite, on pourra très bien l'améliorer et mettre fin aux abus s'il y en a.
Aborder ce sujet en le limitant strictement à la Corse, modulo le problème cadastral de l'Alsace et de la Moselle, me semble une bonne chose. Cette proposition de loi ne règlera pas tout, mais elle permettra un nettoyage cadastral efficace et facilitera la mise à plat complète de la situation foncière en Corse.
Le texte tel qu'il est modifié par les amendements de notre rapporteur me semble de nature à améliorer sensiblement les choses.
La situation foncière en Corse est embarrassante et exige d'être assainie. C'est pourquoi il convient de légiférer et de déroger temporairement aux règles applicables sur le reste du territoire, en limitant évidemment les effets de cette dérogation aux situations foncières qui le justifient.
Nous devons avoir pour seul objectif de reconstituer une connaissance et une assise juridique solide de la situation foncière dans ces deux beaux départements. La durée du régime temporaire doit être la plus réduite possible, mais il faudra vraisemblablement compter plusieurs décennies.
Appuyons-nous sur les procédures qui sont déjà en vigueur dans notre droit civil. C'est ce à quoi s'attache la proposition de loi, notamment dans sa version amendée par notre rapporteur.
Peut-on ou doit-on cantonner ces dispositions particulières et temporaires à la Corse ? Pour ma part, j'ai de grands doutes, car cette question touche aux principes élémentaires d'égalité et d'unité du droit français. La seule raison pour laquelle on pourrait déroger à ces principes tient à l'existence d'une situation foncière spécifique qui justifierait de ne traiter que le cas de la Corse.
Mes doutes portaient jusqu'à présent sur la véritable intention des auteurs. Le désordre foncier qu'ils invoquaient pour l'ensemble du territoire, servait-il de prétexte pour intervenir en Corse ? Ou, au contraire, ce désordre correspondait-il à la réalité dans d'autres zones du territoire ? S'il existe réellement un problème de biens sans maître ou sans propriétaire connu, même à un moindre degré que celui qui a été évoqué, le seul argument que l'on puisse imaginer pour contourner le principe d'égalité tombe.
En l'état actuel de nos travaux, j'incline à penser qu'il faudrait des dispositions applicables sur l'ensemble du territoire national. Cela étant, j'ai bien conscience que l'étendue de la dérogation mériterait alors une vigilance particulière de notre part. Par conséquent, je suis d'avis d'adopter une position prudente et d'aller dans le sens de notre rapporteur.
L'amendement relatif aux départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin éclaire le fait que notre droit n'est pas totalement uniforme sur le territoire national.
Il existe une spécificité en Alsace et en Moselle, comme en Corse. Cela étant, cette spécificité joue à l'inverse, car la loi du 31 mars 1884 concernant le renouvellement du cadastre, d'inspiration allemande, prévoit des règles très différentes des règles françaises : en France, la seule vocation du cadastre est de déterminer quels sont les redevables de l'impôt foncier ; en Allemagne, le cadastre détermine non seulement qui sont les redevables de l'impôt mais aussi qui sont les propriétaires. À cet égard, le système en Alsace et en Moselle est peut-être plus performant qu'ailleurs !
Dans le cadre de la législation allemande, la notion de prescription acquisitive ne pouvait donc pas exister. De ce point de vue, la loi de 1884 pose des problèmes aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle nous souhaiterions que la prescription acquisitive de droit français puisse s'appliquer dans les trois départements d'Alsace et de Moselle. Encore fallait-il trouver le texte dans lequel faire figurer cette disposition. C'est pourquoi je tiens à remercier notre rapporteur pour son initiative.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement COM-1 tend à rendre l'article 1er moins bavard que la version adoptée par les députés. En prévoyant un dispositif limité à la Corse et temporaire, puisqu'il s'applique aux « actes de notoriété dressés et publiés avant le 31 décembre 2027 », il apporte une réponse aux observations soulevées par les uns et les autres.
L'amendement COM-1 est adopté.
Article 2
Je le répète : sans l'assouplissement prévu à l'article 2, l'article 1er serait privé d'effets. Pardonnez-moi cet anglicisme, mais je vous invite à adopter le « package » que forment les articles 1er et 2.
Cet article est au moins aussi important que le précédent. En effet, c'est à cause de l'indivision que certains problèmes n'ont pas pu être réglés. Si on ne parvient pas à améliorer les règles de majorité applicables en matière d'indivision, on n'en sortira pas !
J'ai bien entendu les observations d'Alain Richard et c'est d'ailleurs avec beaucoup d'hésitation que j'ai élaboré ce rapport. Je suis d'autant plus favorable à l'idée de régler le problème pour la seule Corse que celui-ci est en passe d'être réglé pour les territoires ultramarins concernés.
Le Conseil constitutionnel s'est-il déjà prononcé sur le projet de loi Égalité réelle outre-mer ?
Non, pas encore. Ce texte est en cours d'examen.
L'amendement COM-2 est adopté
Articles 3, 4 et 5
Les amendements COM-4, COM-5, COM-6 et COM-7 sont présentés par la commission des finances. Dans la mesure où cette dernière se réunit ce matin en présence de son rapporteur général, Albéric de Montgolfier, celui-ci ne peut pas être présent avec nous pour les présenter. Cependant, je me suis entretenu avec lui hier soir pour en savoir davantage.
La commission des finances s'interroge sur plusieurs points de constitutionnalité. C'est la raison pour laquelle elle a déposé des amendements sur des dispositions fiscales qui ont fait l'objet d'un accord unanime à l'Assemblée nationale, accord auquel le Premier ministre a également souscrit.
Néanmoins, Albéric de Montgolfier reconnaît que ces quatre amendements ne résolvent pas toutes les difficultés. Avec son accord, il a par conséquent été convenu de ne pas les adopter. Cela permettra d'approfondir la réflexion.
Les amendements COM-4, COM-5, COM-6 et COM-7 ne sont pas adoptés.
Article additionnel après l'article 5
L'amendement COM-3 est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion est close à 11 h 05.