La commission désigne Mme Agnès Canayer rapporteur sur la proposition de loi constitutionnelle n° 143 (2022-2023), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger et à garantir le droit fondamental à l'interruption volontaire de grossesse.
La commission désigne M. André Reichardt rapporteur sur la proposition de loi n° 174 (2022-2023), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à protéger les logements contre l'occupation illicite.
La commission désigne M. François-Noël Buffet rapporteur sur la recevabilité de la proposition de résolution n° 198 (2022-2023) tendant à la création d'une commission d'enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l'industrie pharmaceutique française, présentée par Mme Laurence Cohen et plusieurs de ses collègues.
Mes chers collègues, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste a demandé la création d'une commission d'enquête au titre de son « droit de tirage » sur la pénurie de médicaments et les choix de l'industrie pharmaceutique française.
Notre commission doit se prononcer sur la recevabilité de cette proposition de résolution, qui sera présentée à la Conférence des présidents du 18 janvier prochain.
Ce texte respecte l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires.
D'une part, il n'a pas pour effet de reconstituer une commission d'enquête ayant achevé ses travaux depuis moins de douze mois.
D'autre part, il porte sur la gestion de services publics, puisque la commission d'enquête devrait notamment faire porter ses investigations sur l'évaluation d'une politique de santé publique, s'agissant plus précisément de la disponibilité des médicaments, et de la politique industrielle de l'État dans le domaine pharmaceutique.
Je vous invite donc à constater la recevabilité de cette proposition de résolution, sans qu'il soit nécessaire d'interroger le garde des sceaux.
La commission constate la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la pénurie de médicaments et les choix de l'industrie pharmaceutique française.
Mes chers collègues, nous accueillons aujourd'hui, sur l'initiative de Mme Marie-Pierre de La Gontrie, de MM. Patrick Kanner et Jérôme Durain, MM. Christian Vigouroux et Florian Roussel, auteurs d'un rapport sur la lutte contre les discriminations dans l'action des forces de sécurité, rendu à la suite d'une mission qui leur a été confiée par le ministre de l'intérieur et le garde des sceaux en 2021.
Le rapport de MM. Vigouroux et Roussel a été rendu en juillet 2021, mais il est d'une certaine actualité, puisqu'il n'a été rendu public qu'il n'y a quelques mois.
Il est intéressant pour nous d'en avoir connaissance, puisque sa problématique est connexe à certains de nos travaux : je pense notamment à ceux sur la police judiciaire et sur la formation initiale et continue des forces de police et de gendarmerie. C'est aussi un complément utile aux débats sur la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), adoptée récemment.
L'accusation de discrimination est, on le sait, souvent brandie par certains pour mettre en cause la légitimité de l'action des forces de sécurité intérieure. La discrimination dont font l'objet les agents des forces de police et de gendarmerie est, en retour, plus souvent éludée, alors qu'elle est aussi réelle.
Or l'un des mérites de l'étude qui vous avez menée, messieurs, avec l'assistance de plusieurs corps d'inspection, est d'avoir une approche globale de la discrimination dans le contexte de l'action menée au quotidien par les forces de l'ordre, en abordant à la fois la question de la discrimination qui peut être causée par certains de leurs membres, mais aussi de la discrimination dont leurs membres peuvent être les victimes, soit dans l'institution policière elle-même, soit de la part de tiers.
Un autre mérite est de placer cette approche dans le lien qu'entretiennent les citoyens avec les femmes et les hommes qui ont la charge de les protéger au quotidien. Ce lien, nous en sommes tous témoins, est, pour une partie de la population, empreint d'une grande méfiance, que le sentiment d'une discrimination que certains se plaisent à présenter comme systémique ne fait qu'attiser.
Au terme de vos travaux, vous avez formulé plus d'une cinquantaine de propositions, dont certaines sont très opérationnelles.
Je vous remercie de votre présence aujourd'hui pour nous détailler vos constats et ces propositions, qui ne manqueront pas de nourrir notre propre réflexion. Je vous laisse la parole pour un propos liminaire.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, merci de votre invitation. C'est toujours un honneur d'être entendu par le Sénat.
Le rapport sur la lutte contre les discriminations dans l'action des forces de sécurité n'engage que nous. Nous avons écrit ce rapport en toute liberté, sur la base de nos investigations et, parfois, de nos convictions. À l'autorité politique de prendre ses responsabilités et d'en faire ce qu'elle estime devoir en faire. On entend souvent dire que les rapports administratifs ne servent à rien. Si j'en étais convaincu, je n'aurais pas accepté cette mission.
M. Roussel et moi avions déjà conduit une précédente mission sur les suites de la loi de transformation de la fonction publique de 2019. Notre tandem s'est donc reconstitué pour traiter de la discrimination.
Je constate que le paragraphe 2.5.3 du rapport annexé à la Lopmi s'intitule « Renforcer la lutte contre les discriminations ». Pour y avoir passé quelques années, je sais qu'une telle expression est rare dans l'histoire des textes du ministère de l'intérieur. Je me réjouis que le Parlement ait adopté un document qui la contienne - elle n'est pas neutre. Le même paragraphe comporte des mentions encore plus rares dans la longue histoire de la sécurité en France : « la lutte contre le racisme, l'antisémitisme, la haine anti-LGBT et tout type de discrimination. »
Je constate aussi que le rapport mentionne un ministère qui doit ressembler à la population. Le sujet est essentiel, presque de nature constitutionnelle. L'article 74 de la Constitution a consacré, pour les collectivités d'outre-mer, un droit de recruter en fonction de critères de population. Toute la tradition française, à laquelle je suis attaché, dit le contraire, à savoir que le concours est neutre. Je souscris à l'idée de prendre garde à une dissociation totale entre le visage de la police et celui de la population, qui figure dans le rapport. C'est une décision courageuse.
Il y a quelques années, j'ai assisté, à Mexico, à l'arrêt d'une manifestation sur une autoroute occupée par des manifestants. La quasi-totalité de ces derniers avait le type andin, et les policiers étaient, eux aussi, à 100 % de type andin. Cela faisait réfléchir à cette nécessité que vous avez inscrite dans la loi.
Je constate aussi un changement à la tête des inspections générales de la police et de la gendarmerie nationales. Nous proposons d'ouvrir ces inspections à des professionnels de différents ordres. En matière de sécurité peut-être plus qu'ailleurs, la diversité apporte à la vérité. Or les forces de sécurité ont un devoir de vérité.
Depuis la rédaction de notre rapport, les choses ont tourné. L'inspecteur général de la gendarmerie nationale me rappelait ainsi que nos propositions 2, 10 11, 16, 17, 22, 28 sont déjà plus ou moins mises en oeuvre ou à l'étude. Je souhaite évidemment que nos propositions ne restent pas lettre morte.
Selon le code pénal, la discrimination est une atteinte à la dignité de la personne. Son article 225-1 pose une interdiction de traitement fondé uniquement sur différents critères que vous connaissez, depuis l'apparence physique jusqu'à la prétendue race. Évidemment, la discrimination est révélée par des traitements défavorables, mais le fait que la définition même ne porte pas le terme « défavorable » peut faire réfléchir. Il peut, à la limite, y avoir des traitements favorables qui pourraient être discriminants.
Il faut avoir en tête le contexte du rapport, qui n'est pas neutre. Dès 1985, la revue Sociologie du travail consacrait un numéro spécial à la police. En 1989, j'ai eu l'honneur, sous l'autorité de Pierre Joxe, de contribuer à la création de l'Institut des hautes études de la sécurité intérieure (IHESI), qui faisait entrer la recherche dans le monde de sécurité et qui a prospéré sous tous les gouvernements jusqu'à sa suppression et son remplacement par l'Institut des hautes études du ministère de l'intérieur (IHEMI) il y a trois ans. Je souhaite ardemment que cette présence de la recherche perdure.
Le terrain a été labouré par un rapport de l'IHESI de 1991 et par un rapport du sociologue Michel Wieviorka sur la police et le racisme. Nous ne prétendons donc pas arriver sur un terrain qui n'aurait pas du tout été exploré. Toute une série de travaux a alerté sur la nécessité absolue de proscrire le racisme dans les forces de sécurité.
Le contexte mérite que l'on s'y arrête un instant. Le rapport m'a été confié parce que je suis déontologue du ministère de l'intérieur au sens de la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique . Il existe donc un lien entre le sujet et le devoir déontologique.
Pour avoir observé l'action des forces de sécurité depuis longtemps, il me semble qu'elle est tiraillée entre trois tendances.
La première tendance est la célébration des forces de sécurité. Je veux évoquer mon texte fétiche, qui est la préface d'un très beau livre sur l'histoire du corps des gardiens de la paix rédigée en 1896 par le sénateur Pierre Waldeck-Rousseau. Cette préface lumineuse porte sur le devoir des gardiens de la paix, l'ingratitude de la population à leur égard et la mission plurielle des forces de sécurité. Matérialisé par l'applaudissement des forces de sécurité après les attentats de 2015 ce premier mouvement procède de la connaissance de ce que la Nation doit aux forces de sécurité.
Deuxième tendance, inverse : l'accusation. Elle est illustrée par deux ouvrages qui ne quittent pas ma bibliothèque, comme des alertes auxquelles il faut penser : l'ouvrage de Mediapart « Ne parlez pas de violences policières » - sous-entendu « Parlez-en beaucoup »... - et l'opuscule de l'avocat William Bourdon, Violences policières. De fait, il existe tout un courant dénonciateur qui énonce des vérités qu'il faut aussi prendre en compte - sinon on ne nous aurait pas demandé ce rapport.
Cependant, face à l'accusation, je pense toujours aux policiers tués auxquels Waldeck-Rousseau rendait hommage. Voilà quinze jours, je traversais Romorantin, dont le monument aux morts rend hommage, non seulement aux tués de la guerre, mais aussi au gardien de la paix Alphonse Robin, tué en 1944, à Jean Cruchet, tué dans son service en 1973, et à Xavier Jugelé, abattu sur les Champs-Élysées parce qu'il était policier et seulement parce qu'il portait l'uniforme. Je n'oublie pas le prix du sang dans la police et la gendarmerie nationales, au rythme de 8 à 10 tombés chaque année. Il n'empêche qu'il faut répondre aux accusations de violences ou de discrimination.
Troisième tendance, dont j'espère qu'elle est la plus répandue : la réflexion, l'observation. Je renvoie là à une autre de mes bibles, Le droit de la police, de Jacques Buisson, qui est à la fois professeur d'université, ancien membre de la Cour de cassation et ancien directeur de l'École nationale supérieure de la police. Je me permets également de citer mon propre ouvrage Du juste exercice de la force, paru il y a trois ans, où je parle des sujets qui nous intéressent et du contrôle de la police.
À cet égard, la mission qui nous a été confiée par quatre ministres - une première lettre de mission nous avait été donnée par M. Christophe Castaner et Mme Nicole Belloubet le 2 juillet 2020, mission confirmée, à la fin de l'année 2020, par leurs successeurs respectifs, MM. Gérald Darmanin et Éric Dupond-Moretti - est une occasion unique.
En premier lieu, nous croyons tous deux que, en abordant les difficultés - y compris les faits de discrimination - dans la police, on la grandit, quand, en les taisant, on prend des risques pour la police elle-même et pour la Nation. Notre ligne est d'appeler les choses par leur nom. Oui, il y a de la discrimination dans la police. La question est de savoir comment la déceler et comment la traiter.
En deuxième lieu, nous n'oublions pas que l'article 12 du code de procédure pénale prévoit que la police judiciaire est exercée sous la direction du procureur de la République et que l'article 15-2 du même code prévoit des inspections conjointes justice-police quand un officier de police judiciaire a un comportement administratif problématique. Nous avons donc voulu associer les deux. J'avais d'ailleurs demandé à être missionné par les deux ministères - intérieur et justice -, et non par un seul des deux.
En troisième lieu, nous avons voulu traiter des discriminations commises et des discriminations subies par la police nationale. Nous avons discuté, à Marseille, avec des policiers appartenant à des minorités visibles accusés de servir le pouvoir blanc. Il faut prendre en considération ces réalités.
En quatrième lieu, nous avons voulu mener nos investigations sur la base de documents et d'entretiens, mais aussi aller sur le terrain. De fait, nous avons passé des journées avec les forces de l'ordre en plusieurs endroits, à Marseille, Lille, etc. Je ne surestime pas la vérité de nos investigations sur le terrain : j'ai le souvenir d'une visite à la gare de Sarcelles où le nombre de policiers présents pouvait laisser penser qu'il venait d'y avoir un attentat... Ces déplacements permettent tout de même de sentir des choses, y compris par ce que l'on ne vous montre pas.
Nous avons reçu toutes les organisations syndicales. Il était très important qu'elles voient comment nous travaillions et qu'elles comprennent que notre travail n'était pas dirigé contre elles. Nous avons aussi discuté avec plusieurs grandes organisations de défense des droits humains.
L'objet du rapport est de nommer les questions par les mots justes. Commencer à parler de discriminations, c'est prendre conscience qu'elles existent. Nous avons travaillé sous la houlette de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de son article 12. La force publique n'a de sens que pour défendre les libertés. Nous sommes allés rencontrer les policiers et les gendarmes dans cet état d'esprit.
Il y a plusieurs années que je me bats contre le concept de « chaîne pénale », utilisé à tout bout de champ, comme si l'action de maintien de la paix publique était une série de maillons ayant le même sens et la même dimension. Rien ne ressemble plus à un maillon qu'à un autre. À cet égard, l'investigation policière, le défèrement au juge et la mise en oeuvre de la sanction par l'administration pénitentiaire ne sont pas du tout une série de maillons ! Le rapport de la justice à la police n'est pas le même du tout que celui de la police à la pénitentiaire ou de la police à la justice. L'esprit de vérité qui doit permettre de guider les forces de sécurité est une mission au service de la liberté. Il faut appeler un chat un chat.
Je vais résumer nos 54 propositions en cinq axes.
Premier axe : savoir vrai. Nous développons beaucoup, dans notre rapport, la manière dont les statistiques sont élaborées et classées. Il est très important de développer la recherche et le rapport à la science. C'est la proposition 10. La justice a renforcé son potentiel de recherche. Je souhaite que le ministère de l'intérieur, seul ou avec la justice, développe ce contact avec les chercheurs. C'est une manière d'aérer et de prévenir certains problèmes.
Nous défendons les enquêtes de victimation - ou perception des infractions - qui étaient réalisées par l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) et qui sont maintenant reprises directement par le système de recherche du ministère de l'intérieur. Elles aident fortement à comprendre la sous-estimation des discriminations, peu nombreuses en tant qu'infractions saisies par les systèmes de l'intérieur et a fortiori par les systèmes de justice. Cela ne veut pas dire qu'elles n'existent pas ! Pour comprendre ce décalage, il convient de développer les enquêtes de victimation. C'est notre proposition 26.
Florian Roussel reviendra sur l'Observatoire des discriminations que nous proposons.
Nous avons regardé les natures d'infractions (Natinf) poursuivies dans les statistiques de la justice. La discrimination est difficile à prendre en compte, car elle accompagne souvent une infraction principale - une violence, une insulte, une injure. Il y a encore de gros efforts à faire pour disposer d'un tableau de bord, mais je vois des pistes intéressantes dans le rapport annexé à la Lopmi.
Deuxième axe : parler vrai, oser poser sur la table. À ce titre, je rends hommage aux quatre ministres qui ont osé nous mandater pour étudier les discriminations dans la police, y compris celles que commettent ses agents. Utiliser les bons mots, c'est le sens de nos propositions 1, 2 et 3. Il convient de travailler en collaboration avec le Parlement - c'est le sens de nos propositions 4 et 5 -, avec les associations - c'est notre proposition 7 -, et avec les organisations de défense des droits de l'homme.
Je me souviens que, lorsque le ministère de la justice avait travaillé à un guide de la détention avec l'Observatoire international des prisons (OIP), voilà vingt-cinq ans, le ton qu'ils employaient n'était pas le même. Pourtant, ils avaient réussi à produire un guide commun. Je ne désespère donc pas qu'il y ait, aujourd'hui, un travail commun. La police et les organisations de défense des droits humains peuvent et doivent travailler ensemble.
L'ouverture des jurys - c'est la proposition 11 - a déjà commencé. J'ai été vice-président du jury de recrutement de l'École nationale de la magistrature durant trois mois. Sur sept membres du jury, il n'y avait que deux magistrats ! On peut penser que ce n'est pas assez. Pour ma part, je trouve très positif que les magistrats soient recrutés par des personnalités issues de différents horizons. Je souhaite que cela se développe encore davantage pour la police.
Troisième axe : qualifier vrai. La définition des infractions est très importante. Pour enregistrer les procédures, nos propositions 13 et 24 tendent à revigorer la qualification de discrimination, qui est très dissolvante de la volonté de vivre en commun dans une société ordonnée.
Quatrième axe : répondre vrai. Quand une réponse est nécessaire, il faut la donner. La discrimination ne peut pas rester sous le boisseau. J'approuve ce que le rapport Lopmi prévoit en matière d'accueil et de confidentialité : il est insupportable pour une victime d'avoir à parler de violences délicates qui touchent à son intimité quand il y a quinze personnes derrière elle dans la queue... Au reste, la police et la gendarmerie nationales n'ont pas attendu le rapport pour aborder le sujet. Il faut accueillir les victimes de discriminations sans les décourager, sans leur poser de questions indiscrètes autres que celles nécessitées par l'enquête. C'est le sens de nos propositions 15 et 17.
Ensuite, il est important d'avoir une réponse interne. Nous ne sommes pas de ceux qui disent que la justice fera l'affaire ! La première responsabilité d'un service administratif est d'organiser sa propre police, avec une hiérarchie exemplaire, qui sait détecter les phénomènes très en amont. On nous a cité l'exemple d'un service d'où toutes les femmes partent. Nul besoin d'être un grand spécialiste de déontologie pour comprendre qu'il y a, dans ce service, un problème de rapport entre sexes ! Nous alertons sur ces petits signaux qu'il est facile pour un chef de ne pas voir.
Nous avons été sensibles au fait que la gendarmerie rédigeait des lettres de mise hors de cause des agents ayant fait l'objet d'une enquête pour discrimination quand il s'avérait que l'accusation était mensongère, de manière à ne pas laisser planer la suspicion.
S'agissant de la réponse disciplinaire et judiciaire, il nous est souvent apparu que la réaction était sous-proportionnée à la gravité de l'infraction. Nous formulons quelques propositions en ce sens. Le point 2.7 du rapport de la Lopmi a prévu une exclusion automatique du service pour certains délits, spécialement en matière de racisme et de discrimination : sa mise en oeuvre n'est pas impossible, mais elle mérite un examen très précis.
Enfin, il convient de progresser pour ne pas passer d'une action insuffisante à une saisine à tout crin de la justice dès que l'on bouge une oreille. Cependant, il faut appeler les choses par leur nom et transmettre les affaires de discrimination au pouvoir disciplinaire. À l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) et l'Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) de réagir par leurs enquêtes.
Cinquièmement, enfin, je veux m'arrêter sur le contrôle d'identité. Nous ne reprenons pas l'analyse du récépissé développée par plusieurs organisations et par la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Après profonde réflexion, nous pensons que cela n'atteindrait pas le résultat attendu et créerait une difficulté dans l'exécution des tâches en jetant une suspicion sur le policier, qui deviendrait une machine à débiter des bordereaux. Toutefois, nous pensons, comme beaucoup de sociologues que nous avons consultés, comme Fabien Jobard ou Christian Mouhanna, que le sujet est douloureux pour le public, notamment pour les jeunes de minorités visibles - encore que, l'autre jour, le bourgeois que je suis est le seul à avoir été arrêté sur le quai du métro par les vigiles de la RATP...
Le récépissé ne nous a pas convaincus. Mais, comme nous l'avons dit dans le rapport, nous sentons que les choses sont en train d'être prises en main par la justice. En 2021, l'État a été condamné pour faute lourde pour contrôle discriminant parce que n'avaient été contrôlées, en gare du Nord, dans une classe qui revenait de voyage, que trois personnes, toutes appartenant aux minorités visibles. Il est évident que les choses sont en train de changer.
La police et la gendarmerie doivent prendre des initiatives. Chacune de nos propositions peut paraître insuffisante en soi, mais si toutes étaient mises en oeuvre, je suis sûr que le rapport entre police et population changerait.
À ce sujet, je recommande la revue Après-demain de 2020. J'y ai écrit un article intitulé « La police peut-elle sourire ? ». Les agents de police sont-ils toujours obligés, quand ils contrôlent, de se comporter comme si vous aviez déjà tué trois personnes ? Elle peut expliquer le but du contrôle avec calme et maîtrise.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens d'abord à vous remercier de cette invitation à venir nous exprimer devant vous aujourd'hui.
Pour ma part, je vais exposer trois pistes de réflexion que nous avons longuement développées dans le rapport. La première porte sur l'évolution des rapports entre les forces de sécurité intérieure et la société civile ; la deuxième concerne l'évolution du traitement administratif et disciplinaire des faits de discrimination commis par les agents ; la troisième a trait à une proposition spécifique au droit pénal.
Sur le premier point, nous constatons, dans le rapport, que, ces dernières années, les relations se sont distendues entre les forces de gendarmerie et surtout de police et les représentants de la société civile, la plupart des principales associations, les avocats, les enseignants-chercheurs spécialisés. Un de nos interlocuteurs a parlé de la police nationale comme d'une « forteresse assiégée ». Les termes ne sont pas anodins.
Les causes sont multiples - il serait trop long de les évoquer ici -, mais il est évident que cette situation n'est pas satisfaisante. Nous avons esquissé plusieurs pistes pour essayer d'y remédier.
M. Vigouroux a déjà évoqué deux pistes importantes : l'élaboration de guides communs entre l'administration et les associations et l'ouverture des jurys de recrutement. Je veux en mentionner trois autres.
La première est le recours plus fréquent aux référents spécialisés au sein de la police et de la gendarmerie, sur le modèle des référents LGBT qui travaillent à la préfecture de police, mais qui, dans certaines circonscriptions, ne sont pas suffisamment valorisés, alors qu'ils peuvent notamment jouer le rôle d'interlocuteur privilégié des associations. Ce n'est pas spécifique à la France : au Royaume-Uni, par exemple, on compte beaucoup sur de tels interlocuteurs. Certaines associations - je pense notamment à une association de défense des droits des Roms - nous ont fait savoir qu'elles étaient très intéressées par l'existence d'un interlocuteur dédié sur ces questions.
La deuxième piste est l'animation de formations à destination des forces de l'ordre par des représentants associatifs ou des avocats. Cela existe déjà, mais devrait probablement être approfondi. D'autres thèmes de formation pourraient être abordés, comme les comportements associés à certaines cultures. Cela existe à l'étranger, notamment en Allemagne, afin de prévenir certaines maladresses ou certaines formes de stigmatisation par les forces de l'ordre lors de leurs échanges avec les populations concernées.
Troisièmement, la proposition de créer un Observatoire des discriminations, auquel seraient associés les représentants associatifs, vise à mieux évaluer le phénomène. Il existe aujourd'hui des carences statistiques. Nous avons essayé de recouper les signalements de discrimination. Tous signalements confondus, nous en avons trouvé 12 000 sur une année, quand les enquêtes de victimation révélaient que 7 % des plus de 14 ans avaient déclaré avoir été victimes de tels faits au cours des deux dernières années. Cet écart colossal soulève différentes questions et montre, entre autres, un problème d'évaluation statistique, notamment pour le ministère de la justice, compte tenu des difficultés à recenser les plaintes sur le sujet. Il apparaît important que les différents services mettent en commun leurs informations et échangent entre eux, en lien avec les associations, afin d'obtenir des données communes aussi consensuelles que possible sur le sujet.
Il y aurait beaucoup à dire sur le traitement administratif et disciplinaire des faits de discrimination. Il y a, aujourd'hui, une vraie volonté de la hiérarchie de mieux traiter ces faits lorsqu'ils sont constatés, à la fois en faisant remonter les signalements - c'est tout l'objet des plateformes de signalisation en ligne -, mais aussi en menant des investigations approfondies et en sanctionnant les coupables. Il n'y a sûrement pas d'impunité en la matière.
Cependant, différentes pistes nous paraissent devoir être envisagées pour adapter encore mieux cette réponse disciplinaire. Ce sont des pistes que nous avons bien sûr centrées sur notre domaine précis d'analyse, à savoir les discriminations dans la police et la gendarmerie, mais c'est peut-être un constat plus général au sein de la fonction publique.
Les mesures de suspension conservatoire - je parle en particulier des faits internes aux services - ne sont pas prononcées aussi régulièrement qu'elles devraient l'être, notamment lorsque les faits - de harcèlement sexuel, par exemple - ont un lourd retentissement psychologique pour la victime. De même, nous nous sommes étonnés que les signalements au parquet soient aussi peu fréquents, alors que les faits de discrimination constituent très souvent des crimes ou des délits.
À l'inverse, lorsqu'une procédure pénale a été engagée à la demande de la victime, il est parfois regrettable que l'administration attende l'issue de cette procédure pour engager des poursuites disciplinaires, alors que les deux procédures pourraient aller de pair. Il n'y a pas besoin d'attendre que le pénal tienne le disciplinaire en l'état. Au reste, cela pourrait valoir pour beaucoup d'autres administrations.
Nous avons parfois relevé des faits assez sérieux de discrimination dans les écoles de formation des policiers et des gendarmes et nous nous sommes étonnés de la réponse qui leur a été donnée. Dans certains cas, il n'y a pas eu de mesures d'exclusion définitive alors que les faits révélaient une inaptitude de l'élève à exercer les fonctions. Plus généralement, dans un certain nombre de dossiers, nous nous sommes interrogés sur la légèreté de la sanction qui avait pu être prononcée : un simple rappel à la loi, alors que les faits de discrimination paraissaient assez sérieux. Nous en citons quelques exemples précis dans le rapport.
Il est frappant que, pour les discriminations internes aux services, ce soit, dans bien des cas, la victime elle-même des faits de discrimination qui ait dû partir dans une autre circonscription de police. Si l'auteur des faits a parfois été sanctionné, il est resté en fonction, à son poste. Le message envoyé n'est pas satisfaisant. Ce constat général vaut aussi en ce qui concerne les faits de discrimination commis à l'égard des tiers.
Les signalements sont parfois directement gérés par les circonscriptions de police. C'est normal : ils sont nombreux. Nous nous sommes cependant étonnés d'un traitement parfois très succinct, alors que les faits remontés étaient assez précis. On ne peut se contenter de répondre que la plainte est trop succincte, surtout lorsque celle-ci fait état d'injures racistes ou antisémites lors d'un contrôle de police. On ne peut se contenter de répondre que le contrôle était justifié et que la personne contrôlée était en infraction au code de la route. D'autres réponses ont pu nous sembler maladroites, notamment dans certains cas d'accusations d'injures homophobes, ou minimiser la réalité des faits.
J'ajoute que, sur ce sujet, nous avons comptabilisé 36 signalements en quelques années de la part du Défenseur des droits. Aucun n'a donné lieu à des poursuites disciplinaires. Cela paraît étrange dans la mesure où il semblait parfois exister des éléments.
Il ne faut pas non plus sous-estimer la problématique des lanceurs d'alerte. Il est tout à fait logique qu'ils soient poursuivis sur le plan disciplinaire si des faits leur sont reprochés, mais, dans certains cas - je pense à deux d'entre eux en particulier -, le traitement administratif qui leur a été réservé a pu nous sembler plus sévère que celui qui avait été réservé aux personnes qu'ils dénoncent. Cela nous a interrogés.
Dernier point que je veux évoquer : l'adaptation du droit pénal. Notre proposition principale porte sur l'injure non publique commise par les personnes dépositaires de l'autorité publique. Actuellement, que son auteur en soit policier ou non, une injure non publique est passible d'une contravention de cinquième classe, punie de 1 500 euros d'amende. Lorsque l'injure est publique, elle devient un délit, passible d'un an de prison et de 45 000 euros d'amende. Le distinguo entre injure publique et non publique et très subtil - je ne reviens pas sur la jurisprudence très développée de la Cour de cassation. Mais, lorsqu'il s'agit d'actes commis par des personnes dépositaires de l'autorité publique, cette distinction n'apparaît pas toujours pertinente. Est-il plus grave pour un policier de proférer une injure raciste dans la rue ou dans un fourgon de police ? On pourrait penser que les deux faits appellent la même réponse pénale.
De même, la presse s'est fait l'écho, ces dernières années, de plusieurs affaires assez lourdes d'injures racistes ou antisémites répétées sur les réseaux sociaux, avec un fort retentissement, une vraie atteinte à l'image de l'institution et au devoir d'exemplarité de l'agent et, parfois, des sanctions disciplinaires lourdes, jusqu'à la révocation. Ces faits n'ont pourtant donné lieu qu'à une poursuite devant le tribunal de police pour simple contravention.
Enfin, dans la mesure où les faits d'injures non publiques à l'encontre d'une personne dépositaire de l'autorité publique constituent à très juste titre un délit, on ne peut s'empêcher de penser que la réciproque devrait être vraie.
Au nom du groupe Socialiste, écologiste et républicain, je remercie très chaleureusement MM. Vigouroux et Roussel pour le caractère de vérité de leur discours et la tonalité du rapport, qui est à fois très éclairant, courageux, libre et qui pose des mots justes sur des réalités complexes. Je remercie aussi le président de la commission des lois, qui a fait droit à notre demande d'audition : il nous a semblé que ce rapport, que nous avons découvert par Mediapart avant que le ministère de l'intérieur ne le rende public - peut-être aurait-il d'ailleurs fallu que ce soit l'inverse... -, méritait que l'on s'y intéresse.
Ce rapport est dense, riche, quasi exhaustif, et permet de dépassionner un certain nombre de sujets qui nous tiennent vraiment à coeur sur les rapports entre police et population, qui touchent au fonctionnement et à l'éthique de la police républicaine.
Notre groupe avait défendu l'idée que l'on pouvait faire de ces discriminations subies ou commises par les forces de sécurité un indicateur de performance budgétaire. Une secrétaire d'État, depuis démissionnaire, avait répondu en séance que ce n'était pas utile puisque cela figurait déjà dans les rapports de l'IGPN et l'IGGN. Ce n'est pas le cas. Notre collègue Philippe Dominati avait émis un avis favorable, au nom de la commission des finances, sur la création de cet indicateur budgétaire. L'amendement avait donc été voté, et le ministre de l'intérieur avait estimé que cette création était souhaitable. Si nous parvenons à obtenir gain de cause, ce sera grâce à votre rapport...
Pouvez-vous nous communiquer les difficultés que vous avez rencontrées concernant le manque de statistiques ? Comment peut-on approfondir ces données pour qu'elles soient utiles politiquement ?
Pouvez-vous nous expliquer en quelques mots pourquoi vous avez écarté le récépissé ? En séance, une ministre nous avait fait part de l'existence d'une mission de la Cour des comptes sur les contrôles d'identité. En avez-vous connaissance ?
Effectivement, les rapports entre la population, d'une part, et la police et la gendarmerie, d'autre part, se sont distendus. Sur le terrain, les sénateurs ressentent les efforts de la police et de la gendarmerie pour aller au plus près des citoyens.
La qualité du renseignement français, qui était l'un de nos fleurons il y a quelques dizaines d'années, s'est estompée, justement sous l'effet de cette distension. Il convient, pour la qualité de notre police et de notre gendarmerie, que ce rapport se raffermisse. Il me semble que des instructions sont données en ce sens. Avez-vous pu le mesurer ?
Nous avons préconisé les caméras-piétons pour lutter contre les discriminations supposées, notamment lors d'interpellations ou de contrôles d'identité. Avez-vous pu en évaluer l'efficacité ? Du moins, préconisez-vous de le faire dans votre rapport ?
Je suis élue depuis très longtemps sur la zone Roubaix-Tourcoing et je suis universitaire. À ce titre, j'ai rencontré, il y a une vingtaine d'années, un jeune qui s'appelait Abdelkader Haroune. Il est devenu commissaire général de police à Roubaix.
Abdelkader Haroune a le profil type de quelqu'un qui aurait pu déraper, comme beaucoup de jeunes de banlieue, et qui s'est raccroché à la police pour se construire. Il a créé les Chemins de la réussite, association qui aide les enfants et les jeunes qui se sentent discriminés dans le cadre de leurs études pour les aider à évoluer et à accéder aux concours. Dernièrement, lors d'un colloque que nous avons organisé ensemble à la mairie de Tourcoing, des jeunes entrés dans la police - beaucoup d'origine maghrébine, issus de quartiers ou de classes sociales défavorisés... - ont témoigné de leur fierté d'avoir intégré la police et de leur confiance en celle-ci. Leurs témoignages laissaient penser que la gendarmerie, la magistrature et surtout la police pouvaient vraiment jouer le rôle d'ascenseur social. Tous avaient dû franchir de nombreuses étapes avant d'arriver à leur poste, et rencontré de grandes difficultés pour trouver des stages. Avec Abdelkader Haroune, nous avons créé un tutorat pour épauler les jeunes désirant entrer dans la police.
Les policiers issus des quartiers risquent de subir des discriminations, leurs anciens copains de virées les prenant pour cibles. Souvent, cela ne va pas beaucoup plus loin que des attaques verbales : on les traite de « vendus ». L'école de police de Roubaix en a pris acte et veille à les soutenir face à de telles réactions.
Il me semble que l'on voit moins de réactions de ce type dans la gendarmerie. Pouvez-vous me le confirmer ? Les jeunes qui arrivent en caserne paraissent plus encadrés dès le départ. Il semble en aller de même dans la magistrature.
Vous appelez, monsieur Vigouroux, à un élargissement du champ des jurys de concours. J'ajouterai, s'agissant des concours, qu'il faut éviter certaines matières, comme la culture générale, que ces jeunes n'ont pu acquérir du fait de leurs origines.
Je veux vous remercier pour ce rapport très instructif.
J'avais déposé, en 2014, un texte concernant le contrôle au faciès. Quand on regarde les statistiques, il est très rare que les bourgeois blancs soient arrêtés ! Malgré les travaux de Fabien Jobard et de René Lévy, qui ont été complétés par des Américains, on ne voit pas de grande évolution.
Sur les caméras et les récépissés, il y a eu des expériences en Espagne, aux États-Unis et au Canada. Ne pourrait-on pas s'en inspirer ?
Les contrôles au faciès sont insupportables pour ceux qui les subissent, parfois plusieurs fois par jour. Ce facteur de discrimination est encore moins supporté aujourd'hui avec le mouvement woke.
Les élèves des formations, surtout les femmes issues de l'immigration, se plaignent de nombreuses discriminations. Le nombre d'heures de formation aux discriminations et au racisme ne paraît pas assez important dans les écoles.
Il faudrait aussi organiser des stages de formation en faisant venir des experts, pour renouveler la perception de la discrimination, qui évolue, et pour voir comment la lutte contre les discriminations s'organise dans d'autres pays, comme en Allemagne et aux États-Unis.
Merci à tous les deux pour la qualité de vos travaux. Merci au président de notre commission d'avoir organisé cette audition.
Lorsque nous l'avons interrogé, le ministre de l'intérieur, en réponse à une question de Jérôme Durain, a déclaré : « Je suis très favorable aux conclusions du rapport de Christian Vigouroux, déontologue du ministère de l'intérieur, sur les actes et propos racistes et discriminants au sein de la police - et je suis favorable au changement. Je suis donc prêt à travailler sur des amendements sur le sujet, par exemple dans la Lopmi. » Il a évoqué le fait que ce rapport ne proposait pas le récépissé pour le contrôle d'identité, a annoncé qu'il rendrait public ce rapport et qu'il fallait avancer sur ce sujet.
Quelles sont les suites qui ont été données à ces travaux, qui sont désormais un peu anciens ?
Je vous remercie, messieurs, pour vos développements.
Votre rapport a-t-il concerné les outre-mer ? La problématique des discriminations y existe. Elle y prend une forme spécifique : les originaires mutés en métropole dans la police, la gendarmerie ou la pénitentiaire qui cherchent à revenir dans les territoires d'outre-mer vivent leur situation de non-retour comme une discrimination.
Monsieur Durain, je ne suis, hélas, pas encore ministre de l'intérieur ! Les indicateurs sont très importants. À titre personnel, convaincu de la nécessité de qualifier, de mesurer et de parler vrai, je pense que tout indicateur - par exemple, le taux de protestation - serait utile, y compris dans les documents budgétaires. Dans un service de forces de sécurité, la maîtrise de la force et de l'autorité est un élément de performance au sens de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). Maîtriser la force sans jamais empiéter sur la dignité de la personne, c'est le coeur de métier de la police.
Les efforts en matière de statistiques sont anciens. Il a fallu des années pour que le ministère de l'intérieur et celui de la justice aient des professionnels des statistiques - des inspecteurs généraux de l'Insee - à la tête de leur service de statistiques ! Nous avons demandé, dans le rapport, que l'on affine les distinctions et que les discriminations ne soient plus traitées comme un bloc unique. Je suis raisonnablement optimiste.
Monsieur Marc, nous avons trouvé maints exemples du souci de la police et de la gendarmerie d'aller au contact de la population. De nombreuses initiatives ont été prises, au niveau institutionnel, d'abord - partenariats opérationnels avec les élus -, mais aussi au niveau du terrain, des intéressés eux-mêmes. Je me souviens en particulier d'un échange très instructif que nous avons eu avec le directeur départemental de la sécurité publique du Nord, qui avait longuement insisté sur son souci que ses agents prennent systématiquement contact avec les bailleurs sociaux ou encore les commerçants, afin que la police soit vraiment au contact de la population et que les signaux faibles des problèmes lui soient très vite relayés. De nombreuses initiatives locales sont encouragées au niveau national. C'est important.
Sur les caméras-piétons, notre rapport est intervenu au moment très précis où le nouveau dispositif venait d'être mis en oeuvre. Nous n'en avons donc pas vu les résultats. En revanche, nous avons été témoins des très fortes attentes des policiers et des gendarmes sur le sujet. Tous déploraient la qualité très insuffisante de l'ancien système et espéraient vraiment que ces caméras leur seraient très utiles à la fois pour se défendre lorsqu'ils sont mis en cause pour des faits de discrimination et pour les protéger eux-mêmes lorsqu'ils sont pris à partie. Ces attentes ont-elles été satisfaites ? Je ne peux pas vous en dire plus.
La question des caméras-piétons m'intéresse. Il se trouve, en effet, que je suis président du Comité d'éthique de la vidéoprotection à Paris. Voilà deux ans que j'essaie, avec tout un ensemble de personnalités, de faire en sorte que ce dispositif ne déborde pas ce pour quoi il est fait. Nous avons chaleureusement recommandé l'usage de caméras-piétons, et Florian Roussel a raison de dire que les policiers les attendent.
Cependant, les caméras-piétons posent plusieurs questions. Qui informe que vous êtes filmé ? Qui allume ? Est-ce le policier qui contrôle qui prend l'initiative d'allumer la caméra ? Qui éteint ? Il arrive qu'un policier préfère éteindre si le ton monte... Qui conserve ? Pourquoi conserve-t-on le film de telle opération et fait-on disparaître celui de telle autre opération ? Ces questions méritent d'être examinées. Tous les praticiens nous disent que, quand la personne en face du policier est informée qu'elle est filmée, le ton n'est plus tout à fait le même. C'est compréhensible.
Madame Lherbier, l'expérience de Roubaix nous intéresse. Une police ou une gendarmerie qui ressemble à la population est nécessaire - spécialement en outre-mer, monsieur le sénateur Mohamed Soilihi -, mais il ne faut pas commencer à faire des exclusions a contrario parce que l'on ne rentre pas dans des pourcentages. Je n'emploie jamais le terme « discrimination positive », mais aller chercher des élites ou des cadres dans des populations qui ne sont absolument pas prédestinées à embrasser une carrière dans le service public, comme on l'a fait sous la Troisième République, est tout à fait dans l'esprit que nous recherchons.
Les « biais cognitifs » sont fondamentaux. Si l'on refuse la magistrature à ceux qui ne connaissent pas Giraudoux par le menu, mais sont fans de mangas ou de telle ou telle production grand public, la République se portera mal. Nous plaidons, dans le rapport, pour la diversité des jurys et l'orientation non pas vers les seules connaissances, mais aussi vers le jugement et le respect. Cela se mesure dans les concours.
Madame de La Gontrie, je retrouve certaines de nos propositions dans le rapport de la Lopmi : le parcours de la victime, qui est délicat mais nécessaire, le fait que la police ressemble relativement à la population, la formation.
Il est très bien que la Cour des comptes s'occupe de la formation des policiers, qu'il faut rallonger - je pense surtout à la formation continue. Je crois beaucoup à la formation et à l'école ouverte aux organisations de défense des droits humains. Pourquoi la Ligue des droits de l'homme ou SOS Racisme ne viendraient-ils pas rencontrer les policiers ? Les uns et les autres font partie de la société. Il y a des expériences en ce sens tant dans la gendarmerie que dans la police.
Il faut faire attention à ne pas user sans précaution des outils technologiques comme les drones très qualifiés. Les nouveaux modes de caméras sont assez saisissants : on peut lire le livre qu'une personne lit à une terrasse de café avec une caméra située à 50 mètres ! Les caméras embarquées sont un moyen de pacifier le contact immédiat avec la personne contrôlée.
Le paragraphe 2.5.3 de la Lopmi sur la lutte contre les discriminations, la création du collège de déontologie, l'exclusion du service vont dans le sens de ce que Florian Roussel a indiqué sur la nécessité de sanctions plus appropriées. Sans aller jusqu'à l'exclusion systématique, on pourrait considérer que quelqu'un qui a commis des discriminations de manière réitérée n'est pas fait pour la police ou la gendarmerie.
S'agissant de la prise en compte des questions particulières à l'outre-mer, nous avons voulu discuter notamment avec la direction centrale outre-mer de la gendarmerie nationale. Sur le temps long, le fait qu'une part non négligeable des forces notamment mobiles de la gendarmerie soit présente en outre-mer interroge. Je considère que les forces mobiles, qui sont des forces d'intervention et qui ne sont pas si nombreuses dans le pays, ne doivent être utilisées que lorsque l'on ne peut pas faire autrement. Ce sujet doit être traité.
Permettez-moi de vous présenter une affiche du ministère de l'intérieur sur les différents types de discrimination - diffusée avant la publication de notre rapport. Elle liste 24 critères de discrimination pour disposer du label diversité de l'Agence française de normalisation (Afnor). Pour avoir, en d'autres temps, milité et obtenu que la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen soit affichée dans les commissariats et dans les prisons, je suis convaincu de l'utilité d'un tel affichage.
Une enquête au Conseil d'État, maison que nous connaissons bien tous les deux, a montré que, dans le personnel de cette institution, les deux principaux motifs de discrimination étaient l'âge et l'apparence physique. Cela peut faire réfléchir les fonctionnaires.
Merci beaucoup, monsieur Vigouroux, monsieur Roussel, de votre venue ce matin.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est suspendue à 11 h 50.
La réunion est reprise à 18 h 00.
Nous sommes heureux de vous accueillir, monsieur le garde des sceaux, dans un contexte particulier, puisque la semaine dernière, vous avez fait des déclarations sur le plan d'action issu des États généraux de la justice. C'est ce plan que vous allez nous présenter lors de cette audition et nous ouvrirons ensuite la discussion avec l'ensemble de nos collègues ainsi que deux des rapporteurs pour avis de la mission « Justice », Dominique Vérien et Agnès Canayer.
Notre justice a vécu et vit toujours une situation de malaise, marquée par la perte de confiance de nos concitoyens, comme l'avait montré l'Agora de la justice organisée par le Sénat en septembre 2021. Des propositions ont été faites, notamment dans le rapport d'information, publié en 2017, intitulé Cinq ans pour sauver la Justice !, que vous avez en partie reprises. Je pense en particulier à la nécessité d'un outil d'évaluation de la charge de travail des magistrats, au renforcement des pouvoirs de gestion des chefs de juridiction ou à la réorganisation de la mission d'administration centrale du ministère pour plus d'efficacité. Vos annonces convergent largement avec nos préconisations dans ce domaine.
Il faut également citer le rapport d'information d'Agnès Canayer et plusieurs collègues, en 2019, sur la justice prud'homale et celui de nos collègues Thani Mohamed Soilihi et François Bonhomme sur le droit des entreprises en difficulté, publié en 2021.
J'ai pu participer aux États généraux de la justice, et je vous remercie de m'y avoir convié. La commission des lois a suivi avec attention leurs travaux.
Sur les moyens, vous avez annoncé la création de 10 000 emplois d'ici à 2027, dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers, les 7 000 emplois restants relevant sans doute de l'administration pénitentiaire et d'autres secteurs. Peut-être pourrez-vous nous préciser la manière dont s'organiseront les recrutements ?
Sur la justice civile, vous souhaitez développer une politique de l'amiable, fondée sur la médiation, dont le processus figure déjà dans notre droit positif et que vous voulez valoriser. Nous aurions besoin d'informations sur les procédures concernées. La justice civile concentre les difficultés de sorte qu'il faudra y consacrer des efforts importants.
Concernant la justice pénale, vous annoncez une réforme de la procédure par voie d'ordonnance, ce qui, pour le Sénat, n'a rien de naturel. Nous souhaitons donc que vous nous apportiez des précisions sur ce projet pour éviter toute erreur d'interprétation entre le droit constant et les réformes envisagées. Si nous comprenons bien votre objectif de simplification, nous aurions besoin d'éclaircir certains points.
Enfin, il me faut évoquer l'aspect numérique de la justice, cher à la commission des lois, notamment à Dominique Vérien. Les efforts budgétaires ont été importants en la matière, durant ces dernières années. L'enjeu est désormais de nous doter d'un système efficace au service de la justice.
Qu'il me soit tout d'abord permis, à l'aube de cette année nouvelle, de vous souhaiter le meilleur à toutes et à tous.
J'ai l'honneur de vous présenter le résultat de huit mois de travail, issu des États généraux de la justice. Ces États généraux sont singuliers en ce qu'ils constituent un exercice démocratique inédit au cours duquel nos compatriotes ont été invités à s'exprimer sur leur justice. Ils l'ont fait par le truchement de la plateforme parlonsjustice.fr qui a recueilli un million de contributions. J'ai parcouru la France à la rencontre de nos concitoyens et les juridictions ont organisé des portes ouvertes qui leur ont permis d'échanger avec les magistrats et les greffiers. Les Français nous ont dit que la justice était trop lente et trop complexe.
Nous avons organisé une très large consultation des professionnels. Il y a d'abord eu le comité des États généraux de la justice présidé par Jean-Marc Sauvé, comité transpartisan auquel vous avez participé, monsieur le président, ainsi que la présidente de la commission des lois de l'Assemblée nationale et qui comprenait également les deux plus hauts magistrats de ce pays, des universitaires et des avocats. Des ateliers ont également été mis en place sur des thématiques différentes comme la procédure civile, la procédure pénale ou la justice économique et sociale. Le 8 juillet 2022, Jean-Marc Sauvé a remis son rapport au Président de la République, ainsi que les annexes, et nous sommes entrés dans le vif du sujet en organisant deux concertations, l'une en juillet, l'autre à l'automne dernier. À cette occasion, j'ai rencontré tous les acteurs du secteur.
Les professionnels nous ont dit que la justice manquait de moyens, ce que nous savions déjà ; qu'ils avaient besoin d'une pause législative, les textes trop nombreux rendant le droit trop complexe ; et que le ministère devait réorganiser les relations entre l'administration centrale et les juridictions locales. Un exemple suffit à illustrer le problème : pour commander quatre armoires dans une juridiction, il faut passer par l'administration centrale, ce qui prend du temps, de sorte que l'on ne peut pas apporter de réponse immédiate à ceux qui ont les mains dans le cambouis. Il faut donc autonomiser les juridictions locales et faire confiance aux acteurs de terrain. Cela vaut aussi pour l'informatique et, à ce sujet, je souhaite que chaque juridiction soit dotée d'un technicien informatique, car ce n'est pas la direction des services judiciaires qui peut réparer une bécane qui plante, si je puis le dire ainsi.
La dernière singularité de cette réforme, c'est que des moyens supplémentaires lui sont adossés.
Nous avons porté 60 propositions concrètes et, là encore, de manière inédite, ces mesures sont consensuelles. Non pas que le garde des sceaux et son équipe aient cédé à tout, mais nous avons beaucoup écouté les acteurs sur le terrain. Nous reprenons d'ailleurs dix des seize propositions que vous aviez réaffirmées lors de l'Agora de la justice en septembre 2021.
Vous avez voté récemment le budget de la mission « Justice ». Nous avons embauché 700 magistrats, 850 greffiers et 2 000 contractuels. Le budget a connu une hausse de 8 % sur trois années consécutives, depuis que je suis ministre, et il a augmenté de 44 % depuis qu'Emmanuel Macron est Président de la République. Nous allons désormais mettre en place le plan d'embauche de 1 500 magistrats et 1 500 greffiers que vous avez mentionné en introduction. Le reste des recrutements se dessinera de façon plus précise au fil de l'eau et concernera les assistants de justice et les contractuels. En effet, nous avons constaté que leur recrutement avait été bénéfique dans toutes les juridictions, de sorte que la circonspection initiale s'est transformée en une forte demande de leur pérennisation. Ces contractuels, dont 1 000 ont été envoyés au pénal et 1 000 au civil, ont permis un déstockage massif des dossiers, soit 25 % du stock aux affaires familiales, par exemple. D'où l'idée de les institutionnaliser et de les pérenniser dans l'équipe autour du magistrat.
Le budget devrait augmenter jusqu'à 11 milliards d'euros d'ici à la fin du quinquennat, ce qui représente en cumulé 7,5 milliards d'euros alloués à la justice. Les objectifs sont clairs : nous voulons embaucher, construire des établissements pénitentiaires, moderniser et agrandir les palais de justice, numériser la justice et revaloriser les agents du ministère.
La qualité de vie au travail est un sujet important. Les magistrats et les greffiers sont en difficulté. Le référentiel « charge de travail » que l'on avait créé dans les années 2010 a été, pour ainsi dire, mis sous le tapis avec la poussière. La justice a été abandonnée pendant des décennies. Nicole Belloubet a ressorti cet outil, en 2019, et j'ai accéléré sa mise en place. Nous pourrons l'expérimenter, très prochainement, dans cinq juridictions, ce qui nous donnera une vision claire, nette et précise des besoins. En attendant, j'ai lancé un appel à tous, syndicats et responsables du ministère, pour mettre en place un accord-cadre inédit sur la qualité de vie au travail. Il est temps de régler les difficultés auxquelles sont confrontés les magistrats et les greffiers.
En ce qui concerne l'organisation, il faut favoriser la déconcentration. Tout ne doit pas remonter à Paris : c'est là un voeu des magistrats. Par exemple, un arrêté de congé maternité peut tout à fait être signé au niveau régional plutôt que par le ministère. Idem pour la gestion des moyens informatiques. Il faut aussi redéfinir les compétences du secrétariat général et de la direction des services judiciaires, car la confusion est trop grande.
Le défi numérique, c'est de viser le zéro papier à l'horizon 2027. C'est ambitieux, mais les juridictions administratives ont réussi à le faire. Il faut un outil unique sur lequel magistrats, avocats et greffiers pourront travailler. Parmi les autres priorités, il y a le renforcement de la sécurisation du réseau, l'accélération des logiciels, ainsi que l'envoi d'un technicien dans toutes les juridictions pour régler au jour le jour et heure par heure les difficultés éventuelles.
Où trouver le vivier nécessaire au recrutement ? Nous souhaitons simplifier les conditions d'accès à la magistrature - il en existe sept aujourd'hui -, en préservant l'excellence des recrutements. Nous souhaitons en particulier élargir les passerelles accessibles aux avocats. On aura aussi nécessairement besoin de magistrats exerçant à titre temporaire (MTT) et de magistrats honoraires dans le cadre des procédures amiables. La formation à l'École nationale de la magistrature (ENM) devra prendre en compte la dimension éthique liée à la profession. Je veux ouvrir l'école, afin qu'on y enseigne aussi le management d'équipe, la médiation et des sujets concrets : pourquoi ne pas envisager qu'un plombier vienne expliquer aux élèves ce qu'est l'artisanat ? Je souhaite aussi que les futurs magistrats rencontrent nos compatriotes les plus défavorisés. Il faut de l'éclectisme dans cette formation, car l'un des griefs que l'on fait aux magistrats est souvent d'être jeunes...
Il convient également de séparer le grade de l'emploi. Pourquoi la cour d'appel devrait-elle se priver d'un magistrat qui a mérité un grade supérieur, comme c'est le cas aujourd'hui ? Le rapport Sauvé insiste sur la qualité des décisions en première instance. En outre, l'équipe autour du magistrat permet de juger plus vite, en préparant la jurisprudence et le jugement ; elle contribue aussi à régler un certain nombre de problèmes comme la solitude du magistrat et la perte de sens du métier ; enfin, elle constitue un vivier pour le recrutement de futurs magistrats.
Nous souhaitons également lancer une réflexion sur la responsabilité des magistrats. En accord avec le Conseil supérieur de la magistrature (CSM), nous avons mis en place une expérimentation pour évaluer les chefs de cour et de juridiction.
Il faut une organisation plus réactive en matière de ressources humaines. Ainsi, nous avons créé une sorte de brigade de l'urgence qui oeuvrera notamment à Cayenne et à Mamoudzou, où l'on constate un problème d'attractivité. Des magistrats en poste en métropole ont été sollicités pour aller y exercer six mois et un jour - cette durée a son importance pour des raisons fiscales. Le CSM a donné son accord et j'ai rencontré les volontaires : il y en avait plus que de postes à pourvoir.
Le deuxième impératif est celui de la proximité. Je souhaite que le ministère développe une application pour les smartphones, qui pourra, dès le mois d'avril prochain, faciliter l'accès de nos concitoyens à la justice, en leur fournissant des informations : il pourra ainsi y avoir un simulateur pour le calcul des pensions alimentaires, une page rappelant les barèmes et les critères de l'aide juridictionnelle, un système de géolocalisation permettant de trouver le tribunal compétent, le point de justice le plus proche, ou d'avoir accès à un avocat ou à un notaire. À partir de 2024, nous irons plus loin et une victime pourra demander une indemnisation devant le tribunal correctionnel ou faire une demande d'aide juridictionnelle.
Pour que les Français puissent mieux connaître leur justice, j'ai souhaité que certaines audiences soient filmées et qu'elles soient diffusées avec la pédagogie et le recul suffisants. Il faut aussi que la justice soit enseignée dès le collège. Avec le ministre de l'éducation nationale, Pap Ndiaye, nous avons donc mis en place le passeport ÉducDroit, grâce auquel les élèves pourront apprendre ce que sont la justice et la République : peut-être cela évitera-t-il certains cas de délinquance ?
Nous souhaitons surtout relancer la politique de l'amiable. Le projet relève du domaine réglementaire, mais je souhaite associer étroitement les parlementaires à cette politique de l'amiable que je lancerai le 13 janvier prochain. Elle existe déjà sous la forme des modes amiables de règlement des différends (Mard), au travers des conciliateurs et des médiateurs. Un conseil national de la médiation existe, mais on y a peu recours.
Nous nous sommes inspirés de ce qui se fait à l'étranger, notamment aux Pays-Bas, où le contentieux civil, deux fois supérieur au nôtre, est traité en deux fois moins de temps. En France, dans le cadre d'un procès en responsabilité, il faut aujourd'hui d'abord décrire les faits de part et d'autre pour engager la mise en état ; puis les avocats échangent leurs conclusions et il y a au moins un ou deux renvois... Les justiciables ne comprennent pas ces renvois et n'en peuvent plus, sauf, bien entendu, celui qui est dans une démarche dilatoire. Le juge n'intervient qu'à la fin de cette très lourde mise en état, ce type de procès durant en moyenne deux ans. Or quand on touche à des affaires qui relèvent de l'intime, comme le droit de visite, le droit d'hébergement ou bien une question de filiation, ce délai est infiniment long.
Dans le système que je souhaite mettre en place, le juge intervient pour trancher la question de droit, avant cette mise en état dont la longueur est insupportable ; une fois celle-ci tranchée, il invite les parties à trouver un accord. Cette intervention du juge pour prononcer un jugement bien en amont évite l'appel. Ce système permet de recentrer le juge sur son coeur de métier, à savoir dire le droit, tout en laissant les parties s'arranger sur les indemnités, de sorte que les avocats sont pécuniairement valorisés, dans le cadre de l'aide juridictionnelle. La réduction des délais va du double au simple, de sorte qu'il me semble qu'il n'y a pas à hésiter.
Les syndicats de magistrats semblent prêts à valoriser ce type de procédure qui a l'avantage de la simplicité. De plus, un justiciable acceptera beaucoup mieux une décision de justice à laquelle il aura participé plutôt que si elle lui est imposée. « Une bonne décision de justice est une décision qui enferme toutes les parties », disait un de mes vieux amis avocats, aujourd'hui décédé. Le juge qui rend le jugement sera aussi celui qui homologuera l'accord et nous imposerons d'aider les cours dans le cadre de l'homologation, afin que celle-ci se fasse très rapidement.
Une autre procédure existe, issue du Canada, qui est celle du règlement amiable. Les parties demandent d'emblée une conciliation et le juge, dans une salle qui n'est pas la salle d'audience, car la symbolique est importante, devient en réalité un juge de paix. Il enlève la robe et devient conciliateur, en conservant toutefois l'aura du juge. Si cela ne fonctionne pas, on revient au procès traditionnel, mais avec des délais plus longs.
Les praticiens m'opposeront qu'on perdra du temps avec cette procédure. C'est la raison pour laquelle nous voulons embaucher davantage de MTT, car nous souhaitons que ce soit ce magistrat honoraire qui soit le conciliateur à l'origine. Une fois l'accord trouvé, les parties le rédigent et il est homologué dans un délai court. Au Québec, 72 % des procédures de règlement amiable réussissent. Les magistrats québécois nous ont expliqué que la difficulté tenait sans doute à la nécessité d'adopter une nouvelle culture, le juge devant se départir de son imperium de juge pour se mettre au niveau des parties. Toutefois, le jeu en vaut la chandelle.
On garantira ainsi une meilleure rétribution de l'investissement des avocats dans l'aide juridictionnelle. On diversifiera la formation à l'ENM, aux écoles du barreau et à l'école du greffe en vue de ces nouvelles procédures. Enfin, nous envisageons d'impliquer aussi les assureurs, dans le cadre des protections juridiques qu'ils doivent à leurs assurés. En effet, ils pourraient inciter leurs clients à demander d'emblée cette procédure amiable.
Nous ferons connaître cette procédure dès le 13 janvier prochain, afin que chacun puisse s'en emparer et y réfléchir. Il faut aussi tenir compte de ce qui existe déjà. Je me rendrai, vendredi prochain, au tribunal judiciaire de Grasse où un système amiable est en place, qui est particulièrement intéressant. Nous souhaitons codifier l'amiable en regroupant dans un seul chapitre les éléments qui figurent dans le code de procédure civile de manière disparate.
Par ailleurs, nous voulons desserrer l'étau des délais du décret Magendie. C'est une forte demande des avocats auxquels nous demanderons, en parallèle, de structurer les écritures pour répondre à la demande des magistrats. Un travail, dont nous pensons qu'il va aboutir, est en cours entre la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) et le Conseil national des barreaux (CNB). La voie de la requête signifiée doit devenir le mode unique de saisine du juge au civil, avec l'objectif de réduire de moitié les délais d'ici à la fin du quinquennat. La Chancellerie fournira un suivi et des indicateurs et je rendrai compte publiquement une fois par an de l'évolution de nos délais.
En outre, nous prendrons trois mesures non judiciaires et consensuelles pour les plus défavorisés : la possibilité de bénéficier de l'accompagnement social personnalisé, du mandat de protection future ou de l'habilitation familiale sera élargie pour mieux protéger les personnes âgées et leurs familles - le vieillissement de la population nous l'impose. Je veux revenir sur les objectifs de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs et renforcer ainsi le recours aux mesures non judiciaires de protection. Le but est double : mieux protéger et alléger la charge de travail des magistrats et des greffiers.
En ce qui concerne le conseil des prud'hommes, les moyens d'aide à la décision, les formations et l'indemnisation des conseillers seront renforcés et les candidatures seront assouplies. Sur les questions d'instruction des affaires et d'audiencement, nous souhaitons renforcer les prérogatives des présidents des tribunaux judiciaires et des greffiers. Les délais sont trop longs ; nous devons accentuer, en concertation avec le Conseil supérieur de la prud'homie, la communication entre les conseillers prud'homaux, les magistrats et les présidents de juridictions.
En matière de justice économique, nous prévoyons la codification du droit international privé. Le rayonnement de notre droit participe de celui de notre pays. Le tribunal des activités économiques que nous voulons mettre en place à titre expérimental concernera tous les opérateurs économiques, car l'activité économique ne dépend pas exclusivement des entreprises, mais des sociétés civiles immobilières (SCI), des associations, des professions libérales, des commerçants et artisans, ou encore des agriculteurs, qu'il convient de mieux protéger. Nous envisageons également une contribution financière des entreprises dans les très gros litiges. Cela se fait partout ailleurs et permettrait d'abonder le budget de la justice, en particulier l'aide juridictionnelle. De plus, cela répondrait au « syndrome de la marque », c'est-à-dire l'idée selon laquelle la justice économique française serait moins bonne, car elle est gratuite. Les critères seront définis en étroite collaboration avec le ministère de l'économie et des finances.
Je tiens à vous rassurer, monsieur le président, sur la réécriture par ordonnance du code de procédure pénale à droit constant. Depuis que je suis garde des sceaux, nous avons recouru à ce procédé pour établir le code pénitentiaire et le code de la justice pénale des mineurs, et nous n'avons pas squeezé le débat, au contraire. Nous allons lancer un travail technique de réécriture, complexe, qui nécessite la mise en place d'un comité scientifique regroupant des professionnels de très haut niveau. Lors de ma présentation à la presse, j'ai montré le code de procédure pénale de 1959 et celui de 2003 : la différence de volume est éloquente. Il faut computer les trop nombreux délais : dies a quo, dies ad quem... C'est un casse-tête !
Vous avez bien raison. L'article 145-2 du code de procédure pénale est un poème dadaïste ! Une simplification des cadres d'enquête est également nécessaire.
Par ailleurs, des mesures de simplification « dans le dur » relèveront du véhicule législatif classique et auront vocation à être opérationnelles - dans la tonalité de l'ensemble des 60 mesures, c'est-à-dire peu de conceptuel, mais du concret. Nous voulons donner davantage de droits au témoin assisté qui, selon une boutade, a moins de droits que le mis en examen alors qu'il est plus innocent : il ne peut pas demander certains actes, des éléments ne lui sont pas notifiés... Nous comptons également élargir la procédure de comparution à délai différé, pour que le procureur ne soit plus forcé de recourir à une nouvelle information, totalement inutile, lorsqu'il ne reste qu'un ou deux actes à réaliser pour prendre une mesure de détention. C'est le choix de la lourdeur... Nous devons laisser le juge des libertés et de la détention (JLD) prendre la mesure et autoriser un délai de quatre mois pour la réalisation de l'acte, car la charge de travail actuelle embolise le cabinet d'un juge d'instruction.
De plus, je souhaite que l'on puisse perquisitionner la nuit pour les crimes. En effet, l'intérêt de poster des policiers ou gendarmes devant la porte sans pouvoir entrer me semble limité. Cela laisse la possibilité de nettoyer la scène de crime ou même de réitérer d'autres faits. Nous pouvons gagner en efficacité, d'autant que beaucoup de dérogations existent déjà en matière de perquisition. De même, la procédure de comparution immédiate doit être simplifiée en harmonisant les délais de renvoi - il y en a deux, il n'en faut qu'un. Je veux également permettre au JLD de modifier un contrôle judiciaire, car la situation est ubuesque : si le tribunal correctionnel ordonne un contrôle judiciaire pour violences conjugales, il faut réunir à nouveau le tribunal et ses trois magistrats si la victime déménage, pour changer un seul mot, celui de la ville. L'économie est simple : nous passons de trois juges à un seul. En outre, le Conseil constitutionnel a augmenté les tâches du JLD ; ne pourrait-on pas les partager avec un autre magistrat ?
Par ailleurs, nous souhaitons recourir à des amendes forfaitaires par procès-verbal électronique pour toutes les contraventions qui ne sanctionnent pas des violences. Cela a trois mérites : alléger le travail de la police, supprimer les ordonnances pénales et arrêter de réunir le tribunal de police pour des faits mineurs. Le plan comporte plusieurs mesures sur la place de la victime, notamment le guichet unique et une meilleure information - j'ai demandé à Alexandra Louis, déléguée interministérielle à l'aide aux victimes, de me faire des propositions en ce sens.
S'agissant des enfants victimes, les unités d'accueil pédiatriques des enfants en danger (Uaped) vont continuer d'être développées. Nous encourageons également le recours aux chiens d'assistance judiciaire, qui sont très utiles, car, par leur présence, la parole d'un enfant s'ouvre - cela m'a notamment été confirmé par un enquêteur et une juge d'instruction.
Les objectifs cibles visent à réduire de manière substantielle les délais d'audiencement en matière correctionnelle, entre douze mois pour les dossiers les plus lourds et six mois pour les convocations par officier de police judiciaire.
En matière de revalorisations salariales, les magistrats bénéficient de 1 000 euros supplémentaires, et les greffiers d'une augmentation de 12 % - de nouvelles annonces interviendront dans un calendrier dédié concernant les greffiers et les surveillants pénitentiaires.
En ce qui concerne le champ pénitentiaire, le rapport Sauvé préconisait l'évaluation du « bloc peines » : je vais confier cette mission à l'inspection générale de la justice (IGJ). La formation continue pour les agents sera favorisée par la création de plusieurs centres de formation interrégionaux. Nous avons déjà agi pour la régulation carcérale, mais la politique de transfèrement n'est pas suffisante. Nous allons observer avec beaucoup d'attention l'application des mesures visant à développer le recours à la libération sous contrainte, entrées en vigueur le 1er janvier. Au-delà de la régulation, nous souhaitons bannir les sorties sèches, génératrices de récidive, sans perdre de vue les conséquences sur la surpopulation carcérale. Je ne reviens pas sur le plan 15 000 places de prison, si ce n'est pour dire un mot des nouvelles structures d'accompagnement vers la sortie (SAS), dont l'acronyme fait sens. Nous comptons par ailleurs développer le travail en prison et le travail d'intérêt général, et généraliser le dispositif de caméras-piétons, qui apporte davantage de sécurité pour le personnel pénitentiaire en dissuadant quelques agressifs.
Sur le volet de la justice pénale des mineurs, nous allons poursuivre la construction de centres éducatifs fermés (CEF) et mettre en place un partenariat entre l'armée et la protection judiciaire de la jeunesse.
J'ai présenté ces 60 mesures de manière sommaire, mais je suis à votre disposition pour répondre aux questions que vous voudrez bien me poser.
Nous nous réjouissons de ces annonces reprenant les travaux des États généraux de la justice, qui portaient un regard à 360 degrés sur notre justice, en grande difficulté. L'augmentation des moyens est particulièrement bienvenue pour récupérer un retard endémique. Ma première question porte sur la méthode : avez-vous établi un calendrier précis pour que vos réformes s'articulent bien, en vue d'une bonne acceptabilité de la part des professionnels, qui ont du mal à assimiler les réformes successives ? Par ailleurs, sur la question de l'équipe autour du magistrat, vous vous inspirez certainement du rapport de Dominique Lottin ; avez-vous réfléchi à la place des greffiers dans cette équipe ? Enfin, prévoyez-vous une évaluation de la mise en oeuvre du code de la justice pénale des mineurs ?
Vous affichez un objectif zéro papier en 2027, un ministère entièrement numérisé, ainsi qu'une application smartphone informative pour les justiciables d'ici à quatre mois - mesures ambitieuses s'ajoutant à la procédure pénale numérique, au gros chantier Portalis et à la transformation ou au remplacement du logiciel Cassiopée. Vos services informatiques ont-ils les moyens de faire face à de telles ambitions ? Le rapport Sauvé met en garde sur le sentiment d'abandon de certains agents en cas de numérisation. Quelles organisation et maîtrise d'ouvrage entendez-vous mettre en place pour mener à bien l'ensemble de ces tâches ?
Par ailleurs, la magistrature s'est largement féminisée, au point de craindre pour la parité : réfléchissez-vous à une manière de corriger ce biais afin de maintenir au moins 40 % d'hommes parmi les magistrats ?
S'agissant des violences intrafamiliales, les comparutions à délai différé peuvent-elles favoriser l'attribution d'un bracelet anti-rapprochement à une personne en attente de jugement qui s'y opposerait ?
Enfin je formulerai deux remarques. Tout d'abord, les conseils départementaux ont du mal à désigner les administrateurs ad hoc sur la question des enfants victimes, au point que des tribunaux y renoncent. Ensuite, les tribunaux de commerce ne disposent toujours pas d'adresses mail dédiées ni d'enveloppe budgétaire pour acheter eux-mêmes, par exemple, leur papier.
Je suis très intéressé par la manière dont va se dérouler la numérisation : quelle équipe sera-t-elle mise en place à la Chancellerie pour développer le système de manière pérenne sous votre responsabilité ?
Votre présentation fait écho aux préoccupations et aux souffrances éthiques que nous avons pu constater dans les juridictions lors de nos déplacements. La codification du droit international privé me semble une très bonne chose : les éléments d'extranéité en matière de succession, de divorce ou d'adoption sont essentiels. Pouvez-vous nous indiquer un calendrier sur cette mesure de lisibilité ?
Vous avez présenté un plan ambitieux qui replace le système judiciaire au coeur des préoccupations. Mes questions portent sur le rapport d'information que j'ai réalisé avec Jean Sol sur l'expertise psychiatrique et psychologique en matière pénale : quels progrès sont-ils réalisés en matière de recrutement et de formation dans ces professions ? Par ailleurs, en matière de renforcement du règlement amiable des litiges, ont été évoquées des mesures telles que la déjudiciarisation de la saisie des rémunérations, qui soulagerait les greffes, et la possibilité pour le juge aux affaires familiales (JAF) d'ordonner des mesures d'accompagnement à la parentalité et de prévention des besoins de l'enfant avant la saisine du juge des enfants. Qu'en est-il ?
Je vous livre une simple suggestion sur votre schéma pour réformer le code de procédure pénale, à savoir légiférer séparément sur les articles modifiés, car il serait risqué d'inclure des modifications de fond dans une recodification. Ceinture et bretelles, je ferais, à votre place, d'abord le projet de loi de modification, puis un projet de loi trois mois après comprenant l'article d'habilitation.
Je précise qu'en plus du comité scientifique, un comité de suivi associera les parlementaires.
Madame Canayer, sur les questions de méthode et d'acceptabilité, une large consultation me permet de dire que la plupart des mesures retenues sont consensuelles. Soit vous êtes caporalistes, soit vous appelez à un partage de la réflexion, comme nous l'avons fait pour le recours à l'amiable, que j'appelle de mes voeux. Nous sommes donc plutôt optimistes sur l'accueil de ce plan, qui devrait intervenir au printemps.
En ce qui concerne l'équipe autour du magistrat, elle comptera évidemment des greffiers, mais aussi des enseignants et des assistants de justice. Nous voulons d'ailleurs pérenniser ces derniers, qui représentent un vivier potentiel : lors de la dernière prestation de serment à l'ENM, des « sucres rapides » étaient présents. Les deux prochaines promotions de l'ENM sont d'ailleurs deux promotions historiques, puisque leurs effectifs augmentent de 81 %. Nous avons dû installer des bâtiments modulaires et avons trouvé le terrain pour le futur bâtiment qui accueillera les cours à partir de 2024.
Pour ce qui est du code de la justice pénale des mineurs, nous aurons une évaluation en septembre 2023, mais nous pouvons d'ores et déjà dire que les délais sont passés du double au simple. Je rappelle qu'un délinquant mineur sur deux était jusqu'alors jugé alors qu'il était devenu majeur. Les stocks de dossiers traités selon l'ancienne procédure sont presque résorbés, sauf exception, à l'instar de Bobigny, où la délinquance des mineurs est très présente. À Toulon, par exemple, il ne restait que vingt dossiers il y a quelques mois.
Madame Vérien, j'ai nommé un nouveau secrétaire général adjoint qui a conduit la procédure pénale numérique à Amiens pour nous aider à réaliser cet effort indispensable sur le numérique. S'agissant de la maîtrise d'ouvrage, après observation de ce qui s'est fait dans les autres ministères, nous allons désigner des chefs de projets, avec des objectifs très précis et des indicateurs. En ce qui concerne la féminisation de la magistrature, mon rôle est de veiller à ce qu'il n'y ait aucune discrimination au moment du concours. De fait, il y a plus de jeunes femmes que de jeunes hommes dans les facultés de droit et elles réussissent mieux les concours. Me voyez-vous sérieusement interdire à certaines femmes d'accéder à la magistrature parce qu'elles seraient trop nombreuses ?
Le biais se trouve plus en amont. Nous avons bien réussi à faire entrer plus de filles chez les ingénieurs...
En tant que ministre, il est important que je mette en place la parité. Elle n'est d'ailleurs pas respectée au sein de mon cabinet : il compte plus de femmes que d'hommes. Mais, en ce qui concerne la justice, il ne s'agit plus d'un choix, mais d'un concours : que le meilleur gagne - en l'occurrence les filles, ce à quoi je ne vois pas d'inconvénient.
Au bout du compte il peut y avoir des inconvénients, comme les médicaments qui sont dosés par des hommes pour des hommes sans penser aux femmes... C'est un vrai sujet de politique publique que de savoir comment favoriser une meilleure mixité.
Nous avons connu une époque où les hommes étaient beaucoup plus nombreux ; peut-être les choses finiront-elles par s'équilibrer.
La réponse à votre question sur la possibilité d'attribuer un bracelet anti-rapprochement dans l'attente du jugement dans le cadre de la procédure de comparution à délai différé est oui, bien sûr. J'ai d'ailleurs oublié d'annoncer une mesure importante : actuellement, lors d'une remise en liberté pour cause de nullité de procédure, on ne peut que prononcer un contrôle judiciaire ; je souhaite que l'on puisse placer un bracelet électronique.
Monsieur Leconte, des travaux universitaires sont déjà en cours sur le code de droit international privé. Il s'agit d'un travail de romain, mais j'estime qu'il peut être mené à bien d'ici à dix-huit à vingt-quatre mois - c'est le temps qu'il a fallu pour réaliser le code pénitentiaire.
Monsieur Roux, sur la déjudiciarisation, nous souhaitons que nos commissaires de justice interviennent dans ce cadre, ce qui allégera fortement le travail des greffiers.
Enfin, en ce qui concerne le conseil d'Alain Richard, nous allons le suivre pour partie, mais nous n'allons pas refaire un texte spécifique pour tenter d'obtenir l'habilitation.
Nous vous remercions pour votre présentation, monsieur le garde des sceaux.
Cette audition a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 19 h 25.