La séance est ouverte à dix heures quarante.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Madame la présidente, lors du scrutin n° 247, notre collègue Robert Navarro a été inscrit comme n’ayant pas pris part au vote, alors qu’il souhaitait voter contre.
Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
Conformément aux dispositions de la loi organique n° 2010-837 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et en application de l’article L. 831-1 du code de la sécurité intérieure, M. le Premier ministre a demandé au Sénat de lui faire connaître l’avis de la commission du Sénat compétente sur le projet de nomination de M. Francis Delon comme président de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement.
Cette demande d’avis a été transmise à la commission des lois.
Acte est donné de cette communication.
J’informe le Sénat que le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au droit des étrangers en France (n° 655, 2014-2015), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale est saisie au fond, est envoyée pour avis, à sa demande, à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 17 septembre 2015, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel un arrêt de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 4614-13 du code du travail (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) (2015 - 500 QPC).
Le texte de cet arrêt de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation de notre système de santé (projet n° 406, texte de la commission n° 654, rapport n° 653 [tomes I et II], avis n° 627 et 628).
Nous poursuivons la discussion du texte de la commission.
TITRE IER
RENFORCER LA PRÉVENTION ET LA PROMOTION DE LA SANTÉ
Chapitre III
Soutenir et valoriser les initiatives des acteurs pour faciliter l’accès de chacun à la prévention et à la promotion de la santé
Nous en sommes parvenus, au sein du chapitre III du titre Ier, à l’article 7 ter.
Le code de la santé publique est ainsi modifié :
1° L’article L. 1221-5 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « ou sur une personne majeure faisant l’objet d’une mesure de protection légale » sont supprimés ;
b) Au deuxième alinéa, les mots : « s’agissant des mineurs, » sont supprimés.
2° Au second alinéa de l’article L. 1271-2, les mots : « ou sur une personne majeure faisant l’objet d’une mesure de protection légale » sont supprimés.
L'amendement n° 647, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons ce matin pour l’examen d’un article introduit par la commission des affaires sociales du Sénat, et relatif au don du sang, dans le prolongement des débats intervenus hier soir.
La commission des affaires sociales a souhaité qu’il soit permis aux personnes majeures protégées de donner leur sang. Cette mesure de non-discrimination va apparemment dans le bon sens.
Je rappelle néanmoins que les personnes placées sous protection juridique ont droit, comme les autres, au respect de leur volonté. L’interdiction en vigueur répond ainsi au principe de consentement libre et éclairé à toute intervention médicale, lequel garantit le respect de l’intégrité du corps humain.
J’attire votre attention sur le risque d’atteinte au principe de libre détermination de l’usage de son corps que portent les dispositions introduites par la commission des affaires sociales, avec, je n’en doute pas, une volonté positive de non-discrimination.
Je demande donc la suppression de cet article.
Madame la ministre, l’article 16-3 du code civil prévoit certes que le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement à tout acte portant atteinte à l’intégrité du corps humain dans l’intérêt thérapeutique d’autrui.
Pour autant, la personne sous tutelle est-elle, par principe, incapable d’exprimer un tel consentement ? La commission des lois, dont je suis le rapporteur pour avis, a estimé que tel n’était pas le cas. La personne sous tutelle doit pouvoir, dans la mesure du possible, continuer à accomplir seule des actes strictement personnels.
D’ailleurs, l’article 459 du code civil dispose que « la personne protégée prend seule les décisions relatives à sa personne dans la mesure où son état le permet ».
En outre, la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs a réaffirmé le principe de subsidiarité des mesures de protection et la nécessité de préserver autant que possible l’exercice de leurs droits sur les personnes protégées.
Dans le cadre des travaux préparatoires, les membres de l’association nationale des juges d’instance que nous avons reçus nous ont confié que, « en pratique, cette interdiction totale est parfois ressentie comme une véritable injustice par des majeurs protégés, y compris sous tutelle, qui sont ainsi privés de la reconnaissance sociale et de l’estime de soi que peut entraîner la pratique du don du sang ».
Hier soir, à propos du débat concernant le don du sang des homosexuels, Mme Ségolène Neuville, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion, a indiqué ceci : « Cela fait des années qu’une catégorie de population est discriminée. » C’est pourquoi la commission des lois souhaite vivement qu’il n’en soit plus ainsi à l’avenir.
Il appartiendrait donc au médecin, lors de l’entretien préalable au prélèvement – un entretien préalable est organisé lors de tout prélèvement –, d’apprécier si l’état de la personne permet le don, ce qui n’est finalement pas très différent de la situation actuelle. En effet, la vérification de la capacité de la personne est purement déclarative par le biais du questionnaire. Si la personne répond sans difficulté à ces questions et qu’elle ne manifeste pas de troubles particuliers au moment de l’entretien avec le médecin, celui-ci n’a aucun moyen de vérifier qu’elle fait en réalité l’objet d’une mesure de protection et que son don est interdit par la loi.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois émet un avis défavorable sur cet amendement.
Je tiens simplement à souligner, madame la présidente, que la commission des affaires sociales fait une entière confiance à la commission des lois et se range à son avis.
Je suivrai l’avis de M. le rapporteur pour avis.
Cela étant, je me permets de souligner que des majeurs handicapés mentaux sous tutelle peuvent parfois, dans le cadre de l’entretien avec le médecin – je puis en témoigner, car certaines personnes très proches se trouvent malheureusement dans cette situation –, répondre par l’affirmative sans être réellement éclairés des conséquences de leur propos.
C’est pourquoi je me demande si, lors de l’entretien, le majeur handicapé mental est accompagné du tuteur, qui peut, lui, apprécier avec le médecin la bonne compréhension de la question. Telle est ma préoccupation.
Cela étant, je rejoins l’avis de la commission des lois, tout en relevant qu’il convient de prendre un minimum de précautions dans ce genre de situation.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 7 ter est adopté.
La troisième partie du code de la santé publique est ainsi modifiée :
1° A À l’article L. 3121-3, qui devient l’article L. 3411-6, après le mot : « risques », sont insérés les mots : « et des dommages » ;
1° L’article L. 3121-4 est abrogé ;
1° bis A Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV est complété par un article L. 3411-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 3411 -7. – I. – La politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogue vise à prévenir les dommages sanitaires, médicaux, psychologiques et sociaux, la transmission des infections, les risques de morbi-mortalité par surdose ou mésusage liés à la consommation de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants, et à orienter les usagers vers un parcours de soins tout en faisant face à la diversité des publics consommateurs, à l’évolution des modes de consommation et des produits consommés.
« II. – Sa mise en œuvre comprend et permet les actions visant à :
« 1° Délivrer des informations sur les risques et les dommages associés à la consommation de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants ;
« 2° Orienter les usagers de drogue vers les services sociaux et les services de soins généraux ou de soins spécialisés, afin de mettre en œuvre un parcours de santé adapté à leur situation spécifique et d’améliorer leur état de santé physique et psychique et leur insertion sociale ;
« 3° Promouvoir et distribuer des matériels et produits de santé destinés à la réduction des risques ;
« 4° Promouvoir et superviser les comportements, les gestes et les procédures de consommation et de prévention des risques et à visée éducative et thérapeutique. La supervision consiste à favoriser la prise de conscience des usagers à l’égard des pratiques à risques, à les accompagner et à leur prodiguer des conseils relatifs aux modalités de consommation des substances mentionnées au I afin de prévenir ou de réduire les risques de transmission des infections et les autres complications sanitaires. Elle ne comporte aucune participation active aux gestes de consommation ;
« 5° Participer à l’analyse, à la veille et à l’information, à destination des pouvoirs publics et des usagers, sur la composition, sur les usages en matière de transformation et de consommation et sur la dangerosité des substances consommées.
« II bis. – L’intervenant agissant conformément à sa mission de réduction des risques et des dommages bénéficie, à ce titre, de la protection mentionnée à l’article 122-4 du code pénal.
« III. – La politique de réduction des risques et des dommages s’applique également aux personnes détenues. » ;
1° bis L’article L. 3121-5 devient l’article L. 3411-8 et est ainsi modifié :
a) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et des dommages » ;
b) Au troisième alinéa, après le mot : « risques », sont insérés les mots : « et des dommages » ;
2°
Supprimé
3° Le titre Ier du livre IV est ainsi modifié :
a) Après le neuvième alinéa de l’article L. 3411-3, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« – la politique de réduction des risques et des dommages en direction des usagers de drogue mentionnée à l’article L. 3411-7 ; »
b) Après le chapitre Ier, il est inséré un chapitre Ier bis intitulé : « Réduction des risques et des dommages » et comprenant les articles L. 3411-6 à L. 3411-8, tels qu’ils résultent des 1°A, 1° bis A et 1° bis du présent article ;
c) Le même chapitre Ier bis est complété par un article L. 3411-9 ainsi rédigé :
« Art. L. 3411 -9. – Sauf dispositions contraires, les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État. »
Le groupe communiste, républicain et citoyen votera l’article 8.
Je le rappelle, le principe de réduction des risques est inscrit dans la loi depuis 2004. Toutefois, bien souvent, la mise en œuvre de ces dispositions était définie uniquement dans des textes réglementaires, ce qui fragilisait certaines pratiques, notamment, des professionnels.
L’objectif est donc de sécuriser les interventions ; je pense, par exemple, au fait de prémunir les professionnels de toute éventuelle poursuite pénale. En effet, la réduction des risques est avant tout une réponse de santé publique : il s’agit non pas de moraliser les usagers de drogue, mais d’éviter tout risque de contamination ou d’infection.
Que cet objectif vise également les personnes détenues me semble aller dans le bon sens, loin des tabous ! D’ailleurs, il faut absolument mettre en place un plan d’échange de seringues dans les prisons.
L’aspect nouveau de cet article 8 tient également à la prise en compte de la notion de « dommages » dans l’expression « réduction des risques et des dommages ». Cette évolution sémantique fait l’objet de nombreux débats, je le sais, parmi les spécialistes des addictions, tant l’idée de dommages peut induire une notion plus « moralisatrice », avec des soins et une responsabilisation de l’individu.
Mais, avec la rédaction retenue, la dimension de la réduction des risques est prise en compte et légitimée ; et c’est ce qui me semble très important.
Je profite de cette occasion pour demander à Mme la ministre un premier bilan d’étape, à mi-chemin, du plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les conduites addictives 2013-2017. Cela nous intéresserait beaucoup.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 1057, présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
1° Alinéa 11
Après le mot :
Participer
insérer les mots :
à la collecte,
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le cas échéant, des dispositifs d’alertes sanitaires peuvent être déclenchés afin d’informer les usagers de drogues lorsque des substances en circulations créent un danger immédiat et grave pour la vie et la santé des personnes.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
L’article 8 concerne la politique de réduction des risques, y compris en prison.
L’idée est principalement de conférer un cadre législatif à cette politique, afin de sécuriser juridiquement les actions menées auprès des usagers de drogues et d’autoriser le développement de stratégies d’action innovantes, qui est nécessaire.
L’amendement n° 1057 vise à préciser une mission : la mission de veille et d’analyse des produits. Cette mission tend à spécifier que des produits en circulation doivent être collectés et analysés au cas par cas. L’idée est de les tester pour mieux connaître leur qualité et leur provenance.
En outre, il est proposé que ces produits puissent faire l’objet, en cas de surdosage ou de composition particulièrement dangereuse avec risques graves et immédiats pour la santé, d’alertes sanitaires à destination des usagers de drogues. Cette formulation permet ainsi de mieux recenser les substances en circulation.
L'amendement n° 872 rectifié bis, présenté par MM. Amiel, Barbier, Mézard et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après le mot :
Participer
insérer les mots :
au recensement des substances en circulation et
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
L’article 8 vise à redéfinir la politique de réduction des risques et des dommages pour les usagers de drogues et énumère notamment les domaines d’action visés.
Ainsi, il est prévu que les actions tendent à « participer à l’analyse, à la veille et à l’information, à destination des pouvoirs publics et des usagers, sur la composition, sur les usages en matière de transformation et de consommation et sur la dangerosité des substances consommées ».
Toutefois, cette action ne peut se faire sans un recensement des produits. Comment rendre compte aux usagers et aux pouvoirs publics des dangers des substances dont le recensement n’est pas prévu ?
Aussi, il est proposé d’intégrer le recensement des diverses substances dans les actions de la politique de réduction des risques. Cela permettrait ainsi de mieux connaître les différentes substances en circulation.
Conformément à ce qu’a proposé la commission des affaires sociales, nous avons substitué au mot « collecte », qui fait un peu penser à la collecte des ordures ménagères
Exclamations.
J’espère que la commission émettra un avis favorable sur cet amendement, ainsi – espérons-le – que Mme la ministre.
L’amendement n° 1057 prévoit un dispositif d’alerte sanitaire en cas de dangers posés par la circulation de certaines drogues.
Or il semble que cette mesure soit déjà prévue dans le cadre des missions de l’Institut de veille sanitaire, l’InVS. Un dispositif d’alerte sur les risques sanitaires émergents chez les usagers de drogues a été mis en place en 2007 par la direction générale de la santé, dans le cadre d’une procédure spécifique associant l’ANSM, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, l’OFDT, l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, la MILDECA, la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, et l’InVS, utilisant le système de surveillance syndromique OSCOUR.
En conséquence, l’amendement n° 1057 semble satisfait. C’est pourquoi je vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir le retirer ; à défaut, la commission y sera défavorable.
En revanche, la commission est favorable à l’amendement n° 872 rectifié bis dans la mesure où ce texte a été modifié sur un point rédactionnel à l’invitation, hier, de la commission des affaires sociales.
Selon nous, la précision apportée n’est pas inutile, car elle tend à améliorer l’information sur les nouveaux produits entrant en circulation. La commission est donc favorable à cet amendement à la suite, je le répète, de la modification demandée par la commission.
Tout d’abord, je tiens à préciser que l’article 8 porte la nécessité d’une évolution des politiques de réduction des risques.
Les politiques engagées en la matière depuis le milieu des années quatre-vingt-dix ont incontestablement permis des résultats tout à fait positifs. Ainsi, le taux de prévalence du VIH a été divisé par quatre. Les résultats sont donc au rendez-vous grâce à des politiques particulièrement résolues et déterminées.
Néanmoins, depuis le début ou le milieu des années 2000, on assiste à une recrudescence des risques, qui correspond à une évolution des pratiques, des environnements et, aussi, des drogues consommées. C’est pourquoi nous devons faire évoluer nos politiques.
À cet égard, madame David, il appartiendra à la MILDECA de faire régulièrement le point sur la mise en œuvre des politiques que nous portons.
Je demanderai à Mme Archimbaud de bien vouloir retirer l’amendement n° 1057, qui, au fond, ne me semble pas apporter d’éléments nouveaux par rapport au texte existant.
En effet, les CAARUD, les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction, et les structures engagées dans la lutte en vue de la réduction des risques ont déjà la possibilité de faire de la collecte. L’ouverture du champ de la collecte, sans plus de précision, peut être porteuse de risques. La rédaction que nous proposons, madame la sénatrice, fait l’objet d’un consensus parmi les acteurs engagés dans la réduction des risques. À défaut d’un retrait de l’amendement n° 1057, je serais donc obligée d’émettre, au nom du Gouvernement, un avis défavorable.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 872 rectifié bis, qui n’est pas tout à fait de même nature en ce qu’il apporte une précision en matière d’information, je m’en remets à la sagesse du Sénat, même si je ne suis pas certaine, pour être honnête, que la disposition proposée soit totalement nécessaire.
Compte tenu des explications données, je le retire, madame la présidente.
L'amendement est adopté.
L’amendement n° 713, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les médecins souhaitant être prescripteurs de traitement aux opiacés reçoivent un agrément subordonné à une formation en addictologie.
La parole est à Mme Annie David.
Cet amendement a pour objet d’instaurer une formation préalable destinée aux médecins prescripteurs de traitements de substitution. Il s’agit à la fois de garantir aux patients une prescription adaptée et efficace et de prévenir les dérives en matière de prescription qui ont pu se produire récemment.
La mise à disposition de la buprénorphine haut dosage, la BHD, en médecine de ville a impliqué de plus en plus directement les médecins généralistes dans la mise en œuvre des traitements de substitution aux opiacés, en leur fournissant une réponse institutionnelle leur permettant de nouer une relation thérapeutique avec leur patient.
La BHD, un opiacé de synthèse utilisé dans le traitement de la dépendance à l’héroïne ou à d’autres opiacés, permet aux personnes dépendantes aux opiacés illicites d’arrêter leur consommation sans ressentir les signes du manque et de réduire les risques liés à leur consommation. Ce traitement peut être transitoire en vue d’un sevrage complet ou être maintenu aussi longtemps que nécessaire.
La BHD peut être primoprescrite par tout médecin, sans restriction d’activité. Cette facilité de prescription et de délivrance en fait le traitement de substitution aux opiacés le plus couramment dispensé en France.
Si une nouvelle discipline est apparue à la fin des années quatre-vingt-dix, l’addictologie, avec la création d’un diplôme d’études spécialisées complémentaire et de nombreux diplômes universitaires, les médecins formés actuellement ne sont pas tenus de suivre un module d’addictologie parmi leurs enseignements transversaux, alors qu’une telle formation leur offrirait une prévention individuelle ciblée et les préparerait à prendre en charge leurs patients de manière adéquate.
Or des médecins peu ou mal formés aux questions liées aux addictions ne prescriront peut-être pas les dosages de BHD suffisants ou adéquats ; et, comme le rappelle l’institut national de la santé et de la recherche médicale, l’INSERM, des dosages inadéquats ou insuffisants de BHD contribuent au nomadisme médical, les personnes dépendantes cherchant à obtenir des dosages supérieurs, voire au mésusage du traitement.
Par ailleurs, les patients peinent à percevoir les objectifs de leur traitement, qui, de leur point de vue, sont rarement explicités et souvent peu réajustés pour s’adapter à des besoins évolutifs au cours d’un traitement de longue durée. Cette absence de clarté des objectifs peut, à la longue, mettre à mal la relation entre le soignant et le soigné, déjà fragilisée par l’instabilité des situations des usagers pendant la durée du traitement.
Dans ce contexte, il nous paraît souhaitable de favoriser la mise en place de véritables projets thérapeutiques, en prévoyant la formation des médecins aux processus addictifs et à l’ensemble de la palette des alternatives thérapeutiques possibles.
Il nous a semblé que l’adoption de cet amendement risquerait d’être contre-productive, en freinant la prise en charge de la douleur. Il convient en effet qu’un docteur en médecine générale puisse continuer de prescrire des opiacés, même sans avoir suivi de formation en addictologie. Si l’on suivait votre raisonnement, ma chère collègue, il n’y aurait plus de médecins spécialistes, puisque, pour exercer une spécialité, il faudrait les avoir étudiées toutes !
L’avis de la commission est donc défavorable.
Madame David, il importe en effet de sécuriser la prescription, mais sans multiplier les barrières à l’entrée, dans l’intérêt des personnes qui ont besoin d’un accompagnement médical.
Améliorer la formation des médecins et veiller à ce qu’elle soit toujours adaptée, oui ! D’ailleurs, l’assurance maladie obligatoire a lancé un plan de contrôle portant à la fois sur les prescriptions et sur les prescripteurs, afin de lutter contre le nomadisme dont vous avez parlé et de vérifier la qualité des prescriptions. Ce plan de contrôle est mis en œuvre en partenariat avec les pharmacies, qui ont un regard direct sur la délivrance des produits.
Je tiens à vous rappeler que la délivrance des produits de substitution, en particulier de la méthadone, est strictement encadrée depuis 1995 : ces produits ne peuvent être prescrits que sur ordonnance sécurisée, et la durée maximale de prescription est fixée à vingt-huit jours ; en outre, la délivrance est fractionnée par périodes de sept jours au maximum et l’ordonnance doit obligatoirement comporter le nom de la pharmacie choisie par le patient pour assurer la délivrance.
Par ailleurs, un cadre spécifique est en vigueur pour la méthadone, puisque les médecins de ville ne peuvent pas en faire une première prescription, mais seulement reconduire une prescription antérieure.
Madame David, je ne voudrais pas que l’adoption de votre amendement envoie le message d’une restriction et de la fixation de nouvelles barrières au détriment des personnes qui ont besoin d’être accompagnées. Je vous demande donc de bien vouloir le retirer ; si vous le mainteniez, j’y serais défavorable.
Je comprends l’inquiétude de Mme David au sujet d’un problème qui est bien réel, comme l’a montré le rapport établi il y a quelques années par la mission d’information bicamérale sur les toxicomanies.
Seulement, ma chère collègue, il me semble que votre amendement pose un problème de rédaction. En effet, plutôt que de « prescripteurs de traitement aux opiacés », il conviendrait de parler de prescripteurs de traitement de substitution aux opiacés, car ce sont ces traitements qui posent problème, qu’il s’agisse de Subutex ou de méthadone.
Quant à votre idée de prévoir un agrément, il me semble qu’il y a déjà de nombreux niveaux de formation des médecins… Il n’est pas souhaitable d’instituer encore un échelon supplémentaire.
Toutefois, madame David, je le répète, je comprends votre inquiétude, d’autant plus justifiée que nous avons affaire à un trafic. De fait, madame la ministre, il faut bien voir que, indépendamment des prescriptions réglementaires assurées par les médecins, de nombreux malades sont victimes de ventes sauvages, notamment de Subutex, liées à un trafic international. Il y a là un véritable problème de société.
Au sein de notre groupe, c’est Laurence Cohen qui connaît le mieux les problèmes d’addictologie ; elle a d’ailleurs été rapporteur de la commission sur ces questions. Notre collègue a été alertée, notamment à propos des dérives dont M. Barbier vient de parler, mais aussi au sujet des difficultés rencontrées par certains patients pour suivre correctement leur traitement, difficultés qui les contraignent, dans leur esprit, à pratiquer le nomadisme médical.
J’entends, madame la ministre, qu’un plan de contrôle est en train d’être mis en œuvre par l’assurance maladie ; peut-être le rapport dont M. Barbier a parlé a-t-il contribué à donner l’alerte et à inspirer certaines des mesures qui sont prises.
En l’absence de Laurence Cohen, qui n’a pu venir siéger ce matin, je retire notre amendement, non sans vous assurer, madame la ministre, que nous surveillerons de près les suites qui seront données à ce problème par l’assurance maladie.
L’amendement n° 713 est retiré.
L’amendement n° 1058, présenté par Mmes Archimbaud et Benbassa, M. Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ne peut être poursuivie des chefs d’usage illicite et de détention illicite de stupéfiants, la personne qui détient pour son seul usage personnel et consomme des stupéfiants dans le cadre d’actions de réductions des risques, telles que définies par le présent article.
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
L’article 8 du projet de loi donne une reconnaissance légale à la réduction des risques, ce qui marque une avancée importante. Dans le même esprit, les auteurs de cet amendement vous proposent de mettre fin aux poursuites qui visent les personnes détenant pour leur seul usage personnel et consommant des stupéfiants dans le cadre d’actions de réduction des risques – j’insiste sur cette dernière précision.
Cette évolution correspond aux pratiques qui ont cours dans les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues, les CAARUD, dont Mme la ministre a mentionné l’action, avec le concours d’acteurs bénévoles formés dont la présence favorise l’échange, le dialogue et l’efficacité du dispositif, notamment en ce qui concerne l’orientation dans le parcours de santé, la création d’un lien de confiance et l’appropriation par les personnes du parcours de santé.
Les auteurs de cet amendement proposent que, dans le cadre d’actions de réduction des risques, la détention de produits stupéfiants ne puisse être réprimée lorsque l’usager les réserve à son seul usage personnel. Nous comprenons leur intention, mais nous nous interrogeons : peut-on énoncer ce principe sans définir précisément le lieu dans lequel cette dérogation s’appliquerait, ainsi qu’il est fait à l’article 9 ?
En effet, les actions de réduction des risques n’ont pas forcément lieu dans des locaux spécifiques : elles peuvent se dérouler en des lieux plus habituellement fréquentés par les usagers de drogues. Dans ces conditions, prévoir une dérogation aussi générale nous a laissés dubitatifs.
La commission a donc émis un avis défavorable.
Madame la sénatrice, une nouvelle rédaction a été trouvée à l’Assemblée nationale, sur l’initiative notamment de députés du groupe écologiste : elle garantit les professionnels des politiques de réduction des risques, ainsi que l’ensemble des intervenants qui y concourent, contre les risques pénaux qu’ils pouvaient courir. Cette rédaction, qui garantit leur protection, correspond à un équilibre satisfaisant, qui rassure toutes les parties prenantes.
Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.
La commission des affaires sociales du Sénat a retiré de l’article 8 du projet de loi la mention relative à l’adaptation de la politique de réduction des risques et des dommages aux spécificités du milieu carcéral, pour insister sur la nécessité d’assurer aux personnes détenues un accès au traitement équivalent à celui qui existe en milieu ordinaire.
Je signale que l’article 8 rappelle le principe en vigueur, énoncé par la loi du 18 janvier 1994 : l’égalité d’accès au traitement entre le milieu carcéral et le milieu ordinaire.
Dans la mesure où, aujourd’hui, les détenus ne bénéficient pas encore de l’ensemble des outils de prévention des risques, nous avons besoin de mettre en œuvre des politiques de prévention concrètes à leur intention, en adaptant les mesures au milieu carcéral. C’est pourquoi la ministre de la justice et moi-même avons souhaité la création d’un groupe de travail visant à expertiser les modalités de mise en place de programmes d’échanges de seringues en détention.
Pour la même raison, je souhaite le rétablissement de la mention supprimée par la commission.
Cet amendement du Gouvernement vise à réintroduire à l’article 8 une mention supprimée par la commission des affaires sociales, qui prévoit l’adaptation de la politique de réduction des risques aux particularités du milieu carcéral.
La commission des affaires sociales entend garantir aux personnes détenues les mêmes droits qu’aux autres citoyens dans le domaine de la prévention et de la distribution de matériel destiné à la réduction des risques, notamment d’échanges de seringues.
La mention dont Mme la ministre souhaite le rétablissement a été supprimée par la commission des affaires sociales à la demande des médecins de prison, qui souhaitent pouvoir assurer le secret médical en ce qui concerne les détenus et, surtout, la sécurité des échanges de seringues qui ont lieu de toute façon, afin d’éviter la contamination. Nous estimons que notre position, qui répond à leur demande, assure la sécurité des détenus, dans le respect du secret médical.
La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
À l’invitation du ministère de la justice et avec les associations d’aide aux personnes détenues, nous avons été amenés à visiter des établissements pénitentiaires au cours de ces dernières semaines, ce que j’ai fait dans mon département, à Pau et à Bayonne. Au-delà de la prise en considération des problèmes propres au milieu carcéral, nous avons discuté de cet aspect particulier du dossier et du problème de la prévention des risques.
En raison de mon expérience, je me trouve tout à fait en phase avec l’amendement défendu par le Gouvernement. Je suis certes avec attention les propositions des différents corapporteurs de la commission des affaires sociales, mais je crois véritablement, pour l’avoir vécu sur le terrain, dans le milieu carcéral, que l’amendement du Gouvernement doit être pris en compte sur l’ensemble de ces travées, au-delà de nos différences politiques.
Pour notre part, nous sommes quelque peu sceptiques par rapport à l’amendement du Gouvernement. En effet, l’article 8, en son alinéa 13, prévoit que « la politique de réduction des risques et des dommages s’applique également aux personnes détenues. » En précisant que l’application de cette politique se fera « selon des modalités adaptées au milieu carcéral », le texte de cet amendement fait donc quelque peu redondance avec la rédaction actuelle de l’article.
En outre, une telle précision risque d’empêcher l’application des mêmes droits entre détenus et personnes non détenues.
Par conséquent, cet amendement est soit inutile, parce qu’il est redondant, soit restrictif pour les personnes en détention. Dans le doute, le groupe CRC s’abstiendra.
Notre amendement vise bien à garantir l’effectivité du principe de l’égalité dans l’accès au droit.
La loi de 1994, dont j’ai d’ailleurs célébré l’anniversaire l’an dernier en me rendant au centre pénitentiaire du Mans, qui avait été portée par Mme Simone Veil, est une grande loi pour les détenus, puisqu’elle pose le principe de l’égalité dans l’accès au droit en matière de santé et d’accès aux politiques de réduction des risques.
Aussi, dès lors que ce droit est inscrit dans la loi, la question est plutôt de savoir si les détenus accèdent effectivement à ces politiques. Or la réponse est non. Les médecins eux-mêmes le disent : le fait d’être détenu crée des contraintes particulières.
Sans vouloir vous manquer de respect, monsieur Milon, je pense que vous avez anticipé sur un autre amendement et sur un autre article lorsque vous avez évoqué la position défendue par les médecins en prison.
En proposant d’ajouter ces quelques mots, le Gouvernement défend l’idée qu’il faut se donner les moyens de mettre en place des stratégies spécifiques pour garantir l’effectivité de l’accès au droit en prison. Le fait est d'ailleurs que certains protocoles en milieu ouvert ne peuvent être déclinés en milieu fermé, comme l’échange de seringues par exemple.
L’échange de seringues, s’il est en théorie possible, ne peut en réalité avoir lieu dans les mêmes conditions selon que l’on est libre ou détenu. En effet, une personne en détention n’est pas libre d’aller et venir et ne peut pas procéder elle-même à un tel échange. Un cadre particulier est donc nécessaire.
Il faut réfléchir à des modalités d’accès au droit adaptées à la situation des détenus et nous donner les moyens de prendre en considération la réalité des conditions dans lesquelles ils vivent, si nous voulons faire progresser leurs droits.
Je suis assez d’accord avec les propos de notre collègue Annie David. En effet, les médecins que nous avons rencontrés confirment qu’il existe des échanges de seringues et considèrent que, là où l’on trouve de la drogue – comme en prison, dans les faits –, on devrait disposer des mêmes droits qu’à l’hôpital. Selon eux, il est très important que, en matière de santé, les détenus soient traités comme s’ils étaient à l’extérieur de la prison.
Madame la ministre, vous avez évoqué l’article du projet de loi qui établit l’absolue nécessité de respecter le secret professionnel. Cependant, il s’agit bien là d’un autre article que l’article 8, sur lequel je partage l’analyse de M. le corapporteur.
Je suis prêt à soutenir l’amendement du Gouvernement, à la condition que vous vous engagiez, madame la ministre, à publier une circulaire relative à l’application de cet article.
En effet, comme l’ont dit certains de nos collègues, le texte risque d’aboutir à des interprétations différentes selon la situation interne propre à chaque établissement carcéral. Pour lever toute ambiguïté et éviter que l’on se retrouve dans la situation évoquée par Mme David, il faudrait s’assurer qu’une circulaire d’application soit adressée dans toutes les prisons.
Je vous rejoins sur ce sujet, madame David.
Si l’on insérait un amendement comme celui du Gouvernement dans un projet de loi sur la santé, le ministère de la santé perdrait la main au profit du ministère de la justice. En effet, ce dernier pourrait notamment considérer que les seringues qui sont échangées entre détenus sont des armes possibles. C’est là que réside la difficulté, même si les médecins nous ont indiqué qu’il existait déjà des seringues rétractables, qui ne peuvent pas être regardées comme des armes.
Il ne faut pas voter en faveur de cet amendement, car les politiques de santé en milieu carcéral risqueraient de ne plus dépendre de la responsabilité du ministère de la santé.
Je me réjouis que ce débat extrêmement important ait lieu. Les prises de position des uns et des autres, qui se déroulent dans le calme et la sérénité, …
Sourires.
… montrent que, au fond, nous cherchons tous à trouver les conditions d’une meilleure prise en charge des personnes en détention.
La loi de 1994 a représenté une avancée majeure, notamment parce qu’elle a placé les politiques et les pratiques de santé en milieu carcéral sous l’autorité du ministère de la santé, alors que tout ce qui concernait la vie en prison – y compris la santé – dépendait jusqu’alors du ministère de la justice.
Évidemment, il est question de la prison. Toutefois, tout ce qui touche au domaine de la santé dans cet espace relève intégralement du ministère de la santé. Si mon ministère travaille avec celui de la justice pour faciliter l’intégration des politiques de santé dans l’environnement carcéral, il n’empêche que seuls les professionnels de santé et le ministère de la santé sont responsables en matière de pratiques de santé.
En ce qui concerne l’amendement du Gouvernement, monsieur Vasselle, il me semblait que son objet était suffisamment clair.
Cependant, comme je l’ai déjà dit, un groupe de travail commun entre le ministère de la santé et celui de la justice travaille actuellement sur ces sujets. Il me paraîtrait tout à fait positif et souhaitable que des circulaires interprétatives ou des recommandations soient adressées aux établissements carcéraux, afin qu’il soit bien clair que l’enjeu réside dans l’intérêt pour la santé des personnes détenues.
M. Alain Vasselle acquiesce.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 8 est adopté.
I. – L’article L. 3421-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Toutefois, sous réserve des dispositions du troisième alinéa, la première infraction constatée est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe. » ;
2° Au deuxième alinéa, les mots : « de ce délit » sont remplacés par les mots : « du délit prévu au premier alinéa ».
II. – Après l’article L. 3421-1 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 3421-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3421 -1 -1. – Dans le cas prévu à la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 3421-1, la contravention est accompagnée des coordonnées des centres spécialisés de soins aux toxicomanes les plus proches. »
III. – Au second alinéa de l’article L. 3421-2 du code de la santé publique, les mots : « lorsque le délit a été constaté » sont remplacés par les mots : « lorsque l’infraction a été constatée ».
IV. – Au début du premier alinéa de l’article L. 3421-4 du code de la santé publique, les mots : « La provocation au délit prévu » sont remplacés par les mots : « La provocation à l’infraction prévue ».
V. – Le conseil communal ou intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance est informé du nombre d’infractions constatées pour le premier usage de stupéfiants.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 643 est présenté par le Gouvernement.
L'amendement n° 714 est présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 643.
La commission des affaires sociales a souhaité substituer à la sanction pénale s’appliquant actuellement à la première infraction d’usage de stupéfiants, à savoir le délit, une contravention de troisième classe. Le Gouvernement est défavorable à cette évolution, car il souhaite une approche équilibrée entre le maintien de l’interdit relatif à la consommation de stupéfiants et la mise en place de sanctions adaptées.
Une réflexion est en cours dans le cadre de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives, la MILDECA. Le cas échéant, elle devrait prochainement aboutir à des pistes d’amélioration concernant la norme pénale relative à l’usage de stupéfiants.
Cependant, à ce stade, comme cette réflexion n’est pas arrivée à son terme, il me semble que la contraventionnalisation du premier usage de stupéfiants serait un mauvais signal à adresser.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l'amendement n° 714.
Selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, la France se distingue nettement des autres pays d’Europe en matière de consommation de drogues. Ainsi, elle est le seul pays dont le taux de consommation chez les adolescents est largement supérieur à 15 %. Il y aurait également 1 million de consommateurs réguliers et quelque 500 000 usagers quotidiens de drogues parmi les adultes.
D’une part, il faut faire le constat que la consommation de drogue est repartie à la hausse chez les jeunes de 17 ans : selon les derniers chiffres à disposition, près de la moitié d’entre eux en a déjà fait l’expérience, et près d’un sur dix en fume régulièrement. La pénalisation de l’usage n’empêche donc pas la hausse de la consommation !
D’autre part, les filières d’approvisionnement sont en train de changer : l’autoculture progresse et les Cannabis social club – ces groupements de personnes qui mettent en commun leurs moyens pour leur consommation personnelle – se développent. Nous devons en tenir compte. Selon les estimations officielles, 100 000 à 200 000 Français se seraient lancés dans l’autoculture, ce qui représenterait plus de 11 % de la consommation de cannabis chaque année en France. Il faut ouvrir les yeux sur cette réalité !
Les produits présents sur le marché ont également tendance à contenir des taux de tétrahydrocannabinol, ou THC – le principe actif du cannabis – de plus en plus élevés, si bien que les professionnels de santé mettent en garde contre les effets dangereux qu’ils induisent. Ces substances auraient besoin d’être contrôlées.
Selon nous, la consommation du cannabis, produit illicite et pourtant parmi les plus consommés en France, ne doit plus être sanctionnée d’une peine d’emprisonnement et d’une amende. Les dispositions législatives actuelles ont déjà fait la preuve de leur inefficacité, tant sur l’évolution du nombre de consommateurs que sur l’encombrement inutile des tribunaux et des prisons qu’elles entraînent. Il conviendrait donc, tout simplement, de dépénaliser l’usage du cannabis.
Ces amendements identiques visent à la suppression de l’article 8 bis A introduit par la commission des affaires sociales du Sénat.
Le dispositif que nous avons adopté part du constat que la législation relative aux infractions en matière de stupéfiants, qui date, ne l’oublions pas, des années 1970, n’a pas prouvé son efficacité. L’article 8 bis A est donc issu d’une proposition déposée par plusieurs sénateurs du groupe RDSE et adoptée par le Sénat le 7 décembre 2011.
Cet article vise à réprimer la première consommation de drogue illicite par une sanction proportionnée, facile à appliquer et effective, en appliquant l’amende prévue pour les contraventions de la troisième classe. L’objectif est bien entendu de décourager le premier contact, qui est généralement déterminant, avec le monde des stupéfiants.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Au travers de ces débats, nous voyons bien tous les problèmes qui sont posés par la consommation de cannabis. Nombreux sont ceux qui sont favorables à une dépénalisation de cette substance, comme nous venons de le voir avec l’amendement défendu par M. Watrin. Le Gouvernement nous dit qu’une étude est en cours. Cependant, cela fait des années que l’on parle de ce problème et nous ne voyons toujours rien revenir.
Nous parlons aujourd’hui du premier usage du cannabis, car d’après les études statistiques de l’Observatoire des drogues et des toxicomanies, comme l’a souligné M. Watrin, la consommation de cannabis est en constante augmentation : quelque 42 % des adultes et 48 % des jeunes en ont consommé au moins une fois ; parmi ces 48 % de jeunes, 9 % sont des fumeurs réguliers et 22 % en ont un usage considéré comme problématique. Nous sommes donc face à un véritable fléau social, et nous devons avancer sur ce sujet. C’est la raison pour laquelle il avait été proposé dès 2011, de manière assez consensuelle, d’intervenir dans ce domaine.
Je rappelle aussi que 18 000 consommateurs sont suivis par les CSAPA, les Centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie, et 38 000 par des professionnels, dont la moitié leur a été adressée par la justice à la suite d’une interpellation pour usage. Ainsi, en l’état actuel du droit, la justice renvoie la moitié des consommateurs vers les professionnels de santé.
Comme l’a souligné M. le corapporteur, la réponse pénale est lacunaire et pusillanime. D’une part, elle est inadaptée aux réalités quotidiennes de la consommation de cannabis, et, d’autre part, elle apparait pour le moins peu efficace au regard de la progression de la consommation.
Il est évident qu’il n’est pas durablement envisageable de faire encourir à de jeunes consommateurs de cannabis, nullement voués à l’addiction, une peine de prison d’un an, même si nous savons par avance, sans trop le dire, que la sanction ne sera pas appliquée.
Qu’en est-il alors de la valeur de l’interdit et du respect dû à la loi pour ces jeunes ? Est-il raisonnable de remettre à la discrétion du procureur de la République le choix de ne pas engager de poursuites pénales, sachant que l’hétérogénéité territoriale de la politique pénale pratiquée dans ce domaine est tout à fait étendue ?
Il faut répondre à la réalité du primo-usage par la création d’une amende contraventionnelle sanctionnant la première consommation, car cette catégorie spécifique appelle par là même une réponse spécifique. Que personne n’y voie une volonté d’aller vers la banalisation de la consommation de cannabis réclamée par certains.
J’espère que la proposition d’instaurer une contravention à la première consommation de cannabis sera retenue. La fixation du taux de l’amende, avec l’accord de la commission, à la troisième classe, est raisonnablement dissuasive et renforce l’efficacité de cette mesure.
Dans l’objet de l’amendement du Gouvernement, Mme la ministre précise que la stratégie en matière de lutte contre les stupéfiants doit se faire « dans le cadre du maintien de l’interdit relatif à la consommation de stupéfiants et de la lutte contre les trafics ».
Or on ne peut maintenir le dispositif d’interdiction de lutte contre les trafics sans accompagner celui-ci de sanctions, qu’il s’agisse de celle qui a été proposée par notre collègue Gilbert Barbier ou de celles qui figurent dans le code pénal. La position de la commission défendue par Alain Milon me paraît donc tout à fait justifiée.
Le caractère dissuasif de la mesure me semble essentiel. Par ailleurs, je me réjouis que le dernier alinéa de l’article prévoie d’informer les conseils de lutte contre la délinquance, sur le plan territorial, ce qui permettra aux élus locaux d’être des acteurs, aux côtés des forces de police et des personnels de la justice, pour tenter de contenir la consommation de cannabis.
Les membres du groupe socialiste partagent l’argumentation de Mme la ministre sur l’amendement n° 643 du Gouvernement, comme sur l’amendement précédent. Bien entendu nous voterons en faveur de cet amendement.
Monsieur Vasselle, le groupe communiste ne défend pas la légalisation, mais la dépénalisation, ce qui n’est pas la même chose.
La dépénalisation maintient l’interdit, afin de pouvoir réprimer les revendeurs. En revanche, la dépénalisation de l’usage du cannabis permet de faire en sorte que les jeunes ne soient pas condamnés.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'article 8 bis A est adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 715, présenté par Mmes Cohen et David, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article L. 3421-1 du code de la santé publique est complété par une phrase ainsi rédigée :
« L’usage du cannabis est exclu de ces dispositions. »
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
En France le cannabis est prohibé depuis 1970, avec au maximum un an de prison et 3 750 euros d’amende, comme le prévoit l’article L. 3421-1 du code de la santé publique. Dans la pratique, si l’emprisonnement pour usage est exceptionnel, les amendes, elles, perdurent. La police verbalise, alors que sa mission principale est normalement de se concentrer sur le trafic.
Je ne citerai pas de nouveau les chiffres de consommation qui viennent d’être rappelés par plusieurs de mes collègues, mais je réclame des politiques de prévention plus efficaces vis-à-vis des jeunes, via des outils pédagogiques plus percutants sur les effets du cannabis, et valorisant les pratiques réduisant les risques.
Les sénateurs de notre groupe défendent, vous l’aurez compris, une consommation responsable et maîtrisée. Le problème, comme nous venons de le voir, tient à ce que l’on refuse de mener un véritable débat public renseigné sur ce sujet, ce qui permettrait d’envisager les actions les plus efficaces et de dépasser les débats que nous venons d’avoir en mettant fin à la confusion entre légalisation et dépénalisation.
Les Français sont pour la dépénalisation. Selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies, si 78 % d’entre eux sont contre la vente libre du cannabis, six sur dix, contre trois sur dix en 2008, estiment que l’on pourrait autoriser l’usage de cannabis sous certaines conditions : seulement pour les personnes majeures et en dehors de la conduite automobile.
Mes chers collègues, au travers de cet amendement, notre groupe vous propose de dépénaliser la consommation de cannabis. N’est-ce pas là au fond le meilleur moyen de faire reculer les trafics dans les quartiers et par là même les violences et règlements de compte liés à la conquête d’un marché juteux ?
L'amendement n° 839 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Archimbaud et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l’article 8 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La section 4 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal est complétée par un article 222-43-… ainsi rédigé :
« Art. 222-43-… – Ne peuvent donner lieu aux poursuites pénales prévues au premier alinéa de l’article 222-35, au premier alinéa de l’article 222-37 et à l’article 222-40 la production, la fabrication, le transport, la détention, l’acquisition ou l’usage illicites de cannabis dans le cadre d’un usage contrôlé du cannabis thérapeutique. »
La parole est à Mme Aline Archimbaud.
Le présent amendement vise à dépénaliser l’usage contrôlé du cannabis thérapeutique. Comme plusieurs études scientifiques l’ont montré, celui-ci possède en effet une efficacité significative lorsqu’il est utilisé en complément de thérapeutiques ou comme substitution à d’autres traitements médicaux. À ce titre, le cannabis a de nombreuses propriétés médicales, parmi lesquelles des propriétés antidouleur, anti-spasmes, anti-vomitives et stimulantes pour l’appétit.
Le 8 janvier 2014 l’ANSM, Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, a autorisé la mise sur le marché du Sativex. Ce médicament à base de cannabis est un spray buccal, utilisé chez certains patients atteints de sclérose en plaques.
Il me semble nécessaire d’avancer sur ce sujet. C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous invite à voter en faveur de cet amendement.
Concernant l’amendement n° 715, qui vise à dépénaliser l’usage du cannabis, je rappelle que nous avons rejeté il y a quelques semaines une proposition de loi présentée par Mme Benbassa et le groupe écologiste qui proposait justement de légaliser le cannabis.
M. Alain Milon, corapporteur. La légalisation et la dépénalisation, c’est la même chose...
Protestations sur les travées du groupe CRC.
M. Alain Milon, corapporteur. Vous avez raison, ma chère collègue, c’est pire !
Souriressur les travées du groupe Les Républicains.
Dans le cadre de nos débats sur cette proposition de loi, nous nous étions référés à des rapports selon lesquels le cannabis avait un effet destructeur sur les cellules de notre cerveau.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, ne serait-ce qu’en raison des considérables désastres cérébraux provoqués par la consommation de cannabis, en particulier chez les jeunes. Nous ne voulons pas être responsables de cette situation, comme nos collègues ayant autorisé la cigarette il y a quelques dizaines d’années sont responsables des effets que cette décision a entraînés.
L’amendement n° 839 rectifié est quelque peu différent, puisqu’il vise à dépénaliser l’usage du cannabis à des fins thérapeutiques.
Madame Archimbaud, l’utilisation du cannabis thérapeutique est admise par certains États, mais il ne saurait être question d’en faire un produit d’automédication. Il est en effet préférable de laisser les instances sanitaires compétentes évaluer l’intérêt thérapeutique des médicaments contenant du tétrahydrocannabinol, ou THC. Et dès lors qu’un médicament contenant du THC sera autorisé et prescrit, les personnes l’utilisant ne courront aucun risque d’être pénalisées.
La commission émet donc également un avis défavorable sur l’amendement n° 839 rectifié.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 715 de Mme David ; je ne reviens pas sur les explications que j’ai déjà données.
S’agissant de l’amendement défendu par Mme Archimbaud, qui vise le cannabis thérapeutique, le débat est ouvert. J’ai autorisé voilà deux ans environ la possibilité de mettre sur le marché un médicament à base de cannabis, sur prescription médicale, notamment pour lutter contre des douleurs ne pouvant être traitées, en particulier chez les patients atteints de sclérose en plaques.
L’autorisation de mise sur le marché a été accordée, le processus de fixation du prix de ce médicament est engagé et je souhaite que les négociations aboutissent le plus rapidement possible, dans l’intérêt des patients. À cet égard, il appartiendra à chacun d’assumer ses responsabilités.
Compte tenu de cette perspective, je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
En effet, le Gouvernement ne soutient pas l’idée qu’on puisse avoir accès en « libre-service » à du cannabis, comme c’est possible notamment dans certains États américains, le consommateur décidant lui-même de son usage thérapeutique ou non.
Je vous remercie de vos explications, madame la ministre. Peut-être n’ai-je pas été suffisamment claire tout à l’heure, mais je précise que mon amendement fait référence à « un usage contrôlé du cannabis thérapeutique ». Nous visons donc une utilisation totalement encadrée par les médecins, dans des situations de souffrance bien précises, auxquelles certains d’entre vous, mes chers collègues, ont sans doute déjà été confrontés.
Notre idée est que les médecins aient la possibilité légale de recourir au cannabis à usage thérapeutique, qu’ils ne soient pas hors-la-loi ce faisant. Nous leur faisons toute confiance pour apprécier s’il est possible de soulager, ou non, leur patient par ce moyen. En outre, les décrets d’application pourraient préciser les règles d’usage.
Pour moi, il n’est pas question que ce cannabis soit placé en « libre-service » ; je parle bien d’un usage thérapeutique encadré. Compte tenu de ces explications, je maintiens mon amendement, madame la présidente.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Le chapitre Ier du titre Ier du livre IV de la troisième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 3411-5-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3411 -5 -1. – Les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie assurent, pour les personnes ayant une consommation à risque, un usage nocif ou présentant une dépendance aux substances psychoactives ainsi que pour leur entourage, des missions de prise en charge médicale, psychologique, sociale et éducative et de réduction des risques. Ils assurent également une mission de prévention des pratiques addictives. » –
Adopté.
(Non modifié)
I. – À titre expérimental et pour une durée maximale de six ans à compter de la date d’ouverture du premier espace, les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques et des dommages pour usagers de drogue mentionnés à l’article L. 3411-8 du code de la santé publique, désignés par arrêté du ministre chargé de la santé après avis du directeur général de l’agence régionale de santé, ouvrent, dans des locaux distincts de ceux habituellement utilisés dans le cadre des autres missions, une salle de consommation à moindre risque, qui est un espace de réduction des risques par usage supervisé, dans le respect d’un cahier des charges national arrêté par le ministre chargé de la santé.
II. – Ces espaces sont destinés à accueillir des majeurs usagers de substances psychoactives ou classées comme stupéfiants qui souhaitent bénéficier de conseils en réduction de risques dans le cadre d’usages supervisés mentionnés à l’article L. 3411-7 du même code. Dans ces espaces, ces usagers sont uniquement autorisés à détenir les produits destinés à leur consommation personnelle et à les consommer sur place dans le respect des conditions fixées dans le cahier des charges mentionné au I du présent article et sous la supervision d’une équipe pluridisciplinaire comprenant des professionnels de santé et du secteur médico-social, également chargée de faciliter leur accès aux soins.
La personne qui détient pour son seul usage personnel et consomme des stupéfiants à l’intérieur d’une salle de consommation à moindre risque créée en application du présent article ne peut être poursuivie pour usage illicite et détention illicite de stupéfiants.
Le professionnel intervenant à l’intérieur de la salle de consommation à moindre risque et qui agit conformément à sa mission de supervision ne peut être poursuivi pour complicité d’usage illicite de stupéfiants et pour facilitation de l’usage illicite de stupéfiants.
III. – Les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue mentionnés au I adressent chaque année un rapport sur le déroulement de l’expérimentation au directeur général de l’agence régionale de santé dans le ressort de laquelle ils sont implantés, au maire de la commune et au ministre chargé de la santé.
IV. – Dans un délai de six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation, portant notamment sur son impact sur la santé publique et sur la réduction des nuisances dans l’espace public.
V. – Les articles L. 313-1-1 et L. 313-3 à L. 313-6 du code de l’action sociale et des familles ne s’appliquent pas aux projets de mise en place d’une salle de consommation à moindre risque mentionnée au I.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, cet article crée et définit le mode de fonctionnement de salles de shoot, appelées pudiquement « salles de consommation à moindre risque ».
Je tiens à rappeler que ces salles seront créées dans des locaux distincts des centres d’accueil et d’accompagnement. Déjà, il existe une véritable imprécision autour du lieu d’implantation de ces locaux et de leur financement, à un moment où les établissements de santé publics manquent cruellement de moyens, en particulier humains.
Le texte prévoit que ces salles accueilleront uniquement des usagers de stupéfiants majeurs. Dès lors, on peut s’interroger sur le sort réservé aux mineurs. J’aurais préféré la mise en œuvre de mesures novatrices pour lutter contre la drogue dans les établissements scolaires, la création de dispositifs imaginatifs d’information et de prévention !
Dans ces salles, les toxicomanes apporteront leur drogue et la consommeront sur place, tout cela sous la supervision, donc sous la responsabilité, d’une équipe pluridisciplinaire.
On crée là une zone d’immunité qui s’étendra mécaniquement au trajet nécessaire à la personne pour se rendre dans cette salle. Mes chers collègues, j’appelle votre attention sur le fait que ces gens auront dans leur poche de la drogue, la transporteront, par exemple, dans le tramway. Interpellés par la police, ils pourront invoquer leur immunité en expliquant qu’ils se rendent à la salle de shoot. Je vous laisse imaginer la situation… C’est insupportable !
Cela pose de multiples problèmes juridiques, liés notamment au transport de la drogue. Dans ma commune, des contrôles sont régulièrement effectués dans les tramways. Dans une situation similaire, nous-mêmes, parlementaires, ne serions pas protégés par notre immunité, s’agissant d’un flagrant délit !
Ce serait faire preuve d’angélisme que de ne pas imaginer que le périmètre de la salle de shoot, où la police n’interviendra pas, servira aux toxicomanes et aux dealers de lieu de contact.
Étendue aux professionnels travaillant au sein de la salle et facilitant ainsi l’usage illicite de stupéfiants – la loi de 1970 n’est pas abrogée –, l’immunité prévue dans le texte sera-t-elle toujours opposable en cas d’incidents graves pouvant conduire à la mort ? Je ne le pense pas, au contraire.
Si vous pensez que les familles ne porteront pas plainte contre le personnel d’encadrement, c’est que vraiment vous ne percevez pas l’évolution de la société ! Aucun membre du corps médical, lors des opérations les plus périlleuses, ne bénéficie d’une telle protection.
Vous comprendrez, mes chers collègues, que je suis tout à fait opposé à cet article. J’y reviendrai lors de l’examen de mon amendement de suppression de l’article. Il ne s’agit pas d’agiter les peurs face à un véritable problème de santé publique, mais de débattre, en conscience, sur les conséquences de notre vote d’aujourd’hui.
Je comprends les préoccupations de la commission et les difficultés que soulève cette question. Certes, il est proposé d’adosser ces centres à une structure hospitalière, solution toujours préférable aux salles de shoot dont on nous avait annoncé la création plus ou moins ex nihilo dans les rues de Paris ou ailleurs.
Je veux dire au président Milon, avec toute l’estime que je lui porte, que je suis très gêné. Bien sûr, comme je viens de le rappeler, ces centres seraient adossés à une structure hospitalière. Toutefois, comme vient de le dire Jean-Pierre Grand, autoriser à transporter les produits en question, sincèrement, je trouve cela pour le moins compliqué à gérer et extrêmement embarrassant.
Pardonnez-moi de prendre le cas de l’Île-de-France : on sait bien ce qu’est la situation dans notre région, on sait bien ce qu’est la situation à Paris, on sait bien ce qu’a été l’opposition des élus de Paris et de l’Île-de-France, et pas seulement ceux de droite, à la création d’une salle de shoot.
L’intégration de cette salle à une structure hospitalière, c’est une chose, mais, comme l’a dit Jean-Pierre Grand, que certains puissent se promener dans le métro, dans le RER ou ailleurs avec de la drogue sur eux, sincèrement, ce n’est pas fait pour rassurer le citoyen lambda.
Je comprends très bien que l’on ne peut pas non plus ne rien faire, ne rien tenter, et je mesure, encore une fois, toute la difficulté de cette question. Je ne suis pas médecin, je ne suis pas directeur d’hôpital ; néanmoins, j’aurais préféré que l’on trouvât une méthode permettant de traiter ces cas au sein des hôpitaux, en évitant que les usagers de ces centres n’y viennent et n’en repartent avec leurs produits sur eux, car j’y suis très réticent.
C’est avec beaucoup d’humilité que je dis au président Milon que je voterai les amendements de suppression de cet article.
Avec l’article 9, nous sommes dans la continuité d’une action menée par le Gouvernement avec courage, qui tend à accompagner la réduction des risques chez les usagers de drogues.
Rappelons-le, la politique de réduction des risques est l’un des succès les plus marquants pour la santé publique dans notre pays. C’est grâce à elle, notamment, que la proportion d’usagers de drogues contaminées par le VIH est passée de 30 % dans les années quatre-vingt-dix à 10 % en 2011, lesquels ne représentent plus que 1 % des diagnostics de séropositivité.
M. Roger Karoutchi s’exclame.
Une politique, donc, qui se place du côté de la santé, de la thérapeutique plutôt que du répressif, qui laisse les personnes livrées à elle-même et qui n’apporte, toutes les expériences l’indiquent, aucune solution concrète et durable, ni du point de vue de la santé ni du point de vue de la préservation de l’ordre et de la salubrité publics.
Cette approche propose de vivre avec les drogues tout en réduisant les risques sanitaires qui leur sont associés. Les salles de consommation à moindre risque dont il est question avec cet article sont des lieux qui sont établis afin d’améliorer la santé des usagers de drogues et de mettre fin aux « scènes ouvertes », ces pratiques d’injection visibles dans l’espace public.
L’expérience d’autres pays montre largement le bien-fondé de ces lieux, tout comme l’acceptation avec le temps des riverains et des forces de l’ordre, lorsqu’ils sont associés au processus de concertation locale, notamment.
Les usagers de ces lieux, de par l’accompagnement qui est organisé d’un point de vue tant social que sanitaire, peuvent, outre y apprendre les bons réflexes de prévention en santé, être soutenus dans leur démarche de sortie du fléau de l’addiction.
C’est pour toutes ces raisons que le groupe socialiste soutient fermement cette mesure et ne votera pas les amendements tendant à la supprimer ou à en réduire la portée.
Nous remercions les rapporteurs du soutien qu’ils apportent au dispositif en reconnaissant sa nécessité et son efficacité.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 153 rectifié est présenté par MM. Barbier, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin, Requier et Vall.
L'amendement n° 296 est présenté par M. Grand.
L'amendement n° 502 est présenté par M. Lemoyne.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l’amendement n° 153 rectifié.
Il est des situations où la perception des choses varie en fonction des convictions personnelles.
Dans les débats précédents, madame la ministre, à l’occasion de l’examen de deux amendements, vous avez voulu culpabiliser une majorité de sénateurs qui ne partageaient pas vos vues en matière de lutte contre l’alcoolisme ou le tabagisme.
En revanche, aujourd’hui, vous entendez nous convaincre des bienfaits pour la santé publique de l’ouverture de salles d’injection supervisée.
Avec Serge Blisko, François Pillet et Françoise Branget, nous avons rendu voilà quatre ans un rapport sur la toxicomanie rédigé à la demande de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, l’OPECST. Je m’inspire de ses conclusions pour tenter de convaincre notre assemblée de la nocivité de cette décision pour la santé publique.
Compte tenu du temps qui m’est imparti, je m’en tiendrai au volet sanitaire pour répondre aux arguments avancés par les défenseurs de cette proposition
La réduction des risques ? Certes, cela peut éventuellement limiter les risques de surdosages ou d’autres urgences.
Concernant la contamination, il est avéré que les utilisateurs de ces centres à l’étranger – pour rédiger ce rapport, nous avons observé ce qui se passait hors de nos frontières – sont non pas des primoconsommateurs, mais malheureusement des personnes multirécidivistes et déjà porteuses de différentes affections transmissibles.
L’expertise collective menée en juillet 2010 par l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, conclut qu’il est difficile de quantifier de manière fiable les résultats de ces centres en matière de réduction des risques, les usagers ayant recours aux autres dispositifs de réduction qui concernent cette population. L’expertise conclut qu’il est tout à fait malaisé d’isoler l’impact de ces centres.
Autre argument : les centres conduiraient à une amélioration de l’accès aux soins. Là encore, l’étude menée tant à Vancouver qu’à Genève avance que seulement 0, 4 % des visites conduisent à un accès effectif aux soins.
Je rappelle l’affirmation de Xavier Emmanuelli, président fondateur du SAMU social : « Je précise que les salles d’injection constituent une perversité. »
Je rappelle les conclusions de l’Académie de médecine, qui affirme qu’une démarche médicale ne peut consister à favoriser l’administration de la drogue qui suscite une addiction.
Je rappelle également que cette proposition a fait l’objet d’une condamnation sévère de l’Organe international de contrôle de stupéfiants, chargé de surveiller l’application des traités internationaux relatifs aux contrôles des drogués.
Je ne m’attarderai pas sur l’acceptation plus qu’incertaine de ces centres par la population – c’est un autre problème –, du message ambigu délivré vis-à-vis des non-consommateurs, mais aussi de toutes ces personnes dépendantes qui envisagent de rompre avec leur addiction.
Mon cher collègue, je me vois obligée de vous interrompre, car vous avez épuisé votre temps de parole ; j’en suis désolée.
Je rappelle à chacun que le temps de présentation d’un amendement est désormais de deux minutes et trente secondes.
La parole est à M. Jean-Pierre Grand, pour présenter l’amendement n° 296.
Par cet article, le Gouvernement souhaite passer outre la décision du Conseil d’État d’octobre 2013 qui a considéré que l’ouverture d’une salle de shoot, telle qu’elle est prévue à Paris, n’était pas conforme à la loi de 1970 sur les stupéfiants. Il vient donc modifier la loi pour permettre l’expérimentation de ces salles, qualifiées pudiquement de « salles de consommation à moindre risque ».
Or les consommateurs réguliers de drogue dure sont des êtres humains gravement malades, que l’on doit avant tout soigner et sevrer. L'État n'a pas pour mission d'entretenir et de financer cette addiction mortelle.
Les salles de shoot ne soignent pas et ne sèvrent pas. Elles banalisent, facilitent l'usage des drogues dures. Elles rassurent artificiellement le toxicomane, ce qui fait dire à l'association Drug Free Australia que le risque est trente-six fois plus important d'avoir une overdose dans une salle de shoot que dans « la rue »
Mme la ministre le conteste.
On peut aussi observer que les salles de shoot, en sécurisant la personne, peuvent inciter à plus de prises régulières et parfois même à franchir la porte pour la première injection.
En Australie, comme en Amérique du Nord, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse, en Espagne et en Norvège, ces expériences font dire à un journaliste, dans son enquête, que le bilan mondial est plutôt négatif ; en tout cas, il n'est pas positif. Au reste, si ces expériences étaient aussi probantes que certains le laissent croire, l’Allemagne, depuis près de vingt ans qu’elle a mis en œuvre ce dispositif, aurait multiplié les salles de shoot. Or elle ne le fait pas.
Enfin, en France, les lois de la République précisent que la vente, la détention et l'usage de la drogue sont interdits. Qui peut trouver normal que l’on s'en affranchisse dans un « périmètre sacré » pour les toxicomanes et mécaniquement pour les dealers ? Dans ce périmètre aux abords des salles de shoot, la police ne pourra remplir sa mission, qui est de faire fuir les toxicomanes, de les arrêter et de les punir.
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne, pour présenter l'amendement n° 502.
Nous nous attaquons à un sujet important, et j’avoue qu’il est très difficile de prendre la parole après les explications de Gilbert Barbier, tant son expérience, le rapport qu’il a produit et la synthèse qu’il en a tirée sont éclairants et ô combien intéressants.
Hier, Mme la secrétaire d’État Ségolène Neuville déclarait, un peu maladroitement, que les votes émis dans cet hémicycle constituaient des signaux envoyés à la société. Quel signal adresserait-on en adoptant cet article prévoyant la mise en place, sous couvert expérimental, mais tout de même durant six ans, de ces salles de consommation ?
Je ne veux aucunement nier la nécessité d’instaurer une politique de lutte contre cette addiction en faveur de celles et de ceux qui se droguent, vivant loin des regards et souvent en rupture totale avec la société : ils ont vraiment besoin d’être aidés pour s’en sortir.
Deux philosophies s’affrontent en la matière. Pour ma part, je suis favorable au déploiement de mesures complémentaires pour accompagner les toxicomanes vers le sevrage, plutôt que d’entretenir cette dépendance.
Comme solution de rechange, nous pourrions renforcer les moyens conventionnels des centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction de risques pour usagers de drogues, les CAARUD, créés par la loi de 2004, et aller plus loin, notamment pour entrer en contact avec les cas les plus lourds, en développant par exemple des maraudes et en favorisant les prises en charge médicalisées.
Comme je le lisais dans le rapport d’information sur les toxicomanies de MM. Gilbert Barbier et Serge Blisko, la référence aux communautés thérapeutiques qui ont été mises en place en certains endroits permet d’apporter des réponses d’une autre nature.
À mon sens, l’article 9 pose plusieurs problèmes, de fond comme de forme, avec une étude d’impact trop lapidaire. L’Académie nationale de médecine a fait part de ses réticences concernant un tel dispositif, qui risque de susciter des difficultés liées à l’ordre public, ainsi que l’a évoqué Jean-Pierre Grand.
Pour toutes ces raisons, je plaide en faveur de l’adoption de ces amendements de suppression.
Je ne reviendrai pas sur le débat que nous avons mené au sein de la commission des affaires sociales, mais j’entends bien les arguments de M. Roger Karoutchi sur les problèmes de sécurité.
Je suis plus circonspect concernant l’immunité qu’a évoquée M. Grand. En effet, si celle-ci s’appliquait aux utilisateurs de drogue, elle ne serait effective que dans le cadre de la salle de shoot, et pas obligatoirement à l’extérieur de ce local.
Je ne vous ai pas interrompu, mon cher collègue ; je vous remercie d’en faire de même avec moi.
Les problèmes de sécurité, tels qu’ils ont été évoqués, existent à l’extérieur et perdureront si vous refusez cette proposition sans en formuler d’autres pour favoriser des rencontres entre ceux qui consomment de la drogue et des personnels désireux de les aider à sortir de cette situation.
La création de salles de shoot n’est pas une idée nouvelle, puisqu’elle a déjà été présentée voilà quelques années par Mme Bachelot-Narquin, …
… l’une des premières ministres de la santé à soumettre cette proposition, avant de la retirer aussi rapidement, ce qui fut selon moi un tort, dans la mesure où une telle expérience sur le sujet aurait pu être extrêmement intéressante.
Si on ne fait rien pour les toxicomanes, ils continueront de se droguer sans entrer en contact avec personne, n’importe où et dans des conditions de salubrité qui sont loin d’être exemplaires. En mettant ces salles à leur disposition, ils pourront rencontrer des équipes médicales spécialisées, conformément au vœu de la commission des affaires sociales d’adosser ces lieux à des structures existantes ou de les installer à l’intérieur d’hôpitaux.
Certains amendements visent même à faire en sorte que le maire de la commune concernée, ou le maire de quartier à Paris, Lyon ou Marseille, soit prévenu, voire qu’il donne son accord, sans que son avis soit décisif pour autant.
Si nous permettons aux toxicomanes de rencontrer dans ce genre d’endroits des spécialistes, en particulier des addictologues, qui pourront peut-être les prendre en charge et les aider à sortir de la drogue, nous aurons fait un progrès considérable.
Honnêtement, les voisins des centres hospitaliers seront peut-être gênés par l’arrivée prétendument massive de ces drogués, mais aujourd’hui, ce sont d’autres riverains qui subissent les nuisances là où se fait le trafic de drogue.
Mes chers collègues, qu’il y ait un seul toxicomane par hôpital, sur l’ensemble du territoire national, qui soit sauvé de la drogue, et la création de ces salles sera largement justifiée ! Si vous en sauvez dix, vous aurez accompli une action humanitaire extrêmement importante. Néanmoins, si vous laissez ces personnes se droguer dans les rues dans des conditions sanitaires déplorables, vous n’en sauverez aucun. Notre action en matière de santé consiste, je le répète, à faire en sorte que les spécialistes de l’addictologie puissent, avec les psychiatres, les sortir de là.
Il s’agit simplement d’une expérimentation : permettez que, dans six mois, on en établisse le bilan. Vous serez alors consultés de nouveau.
Si l’on a constaté que, dans ces salles de shoot, sont arrivés des dizaines de millions de drogués vivant sur le territoire national, ce qui à mon avis ne sera pas le cas, on reviendra sur le sujet. Si au contraire, à l’issue de ce délai, on se rend compte que, hormis ceux qui auront eu peur du rendez-vous médical, du contrôle policier et de l’obligation de justifier de leur identité, les toxicomanes ayant rencontré des médecins font l’objet d’un suivi médical, essaient de sortir de la drogue et y parviennent, alors l’expérimentation sera un succès.
Si l’on s’aperçoit en revanche qu’aucune personne enfermée dans la drogue n’en sort et que c’est la chienlit complète, ce sera un échec. La ministre le constatera, nous l’imiterons et nous nous en tiendrons là. Toutefois, permettez au moins que l’on procède à cet essai, dont les effets seront à mon avis tout à fait positifs.
Il est important de resituer la place que nous entendons donner à cette expérimentation, car c’est bien de cela qu’il s’agit, de salles de consommation supervisée.
Certains de nos concitoyens se droguent, et nous avons mis en place des politiques de réduction des risques – nous en avons évoqué certaines auparavant –, qui se diversifient. Budgétairement, nous accompagnons ces politiques de prévention avec des engagements financiers tout à fait significatifs : 600 millions d’euros environ entre la sécurité sociale et l’État pour la prévention et l’accompagnement.
Cependant, nous constatons chez nous, comme d’autres pays l’ont fait avant nous, que des usagers de drogues sont totalement marginalisés et échappent, si j’ose dire, à toutes les politiques qui ont été mises en place, dont certaines ont cours actuellement. Ce sont souvent, mais pas toujours, des personnes qui vivent dans la rue, qui se trouvent dans une situation d’extrême précarité sociale et sanitaire et qui se livrent à des injections de drogue, de jour comme de nuit, dans des lieux publics, souvent les parcs et les escaliers de gares, au vu et au su de tous.
Nous sommes donc face à un double enjeu, à la fois de sécurité sanitaire pour ces personnes et d’ordre public pour l’ensemble de la communauté, principalement urbaine, puisque c’est dans les villes que ces concentrations ont lieu.
Des politiques en ce sens ont cours ailleurs en Europe et dans le monde depuis plusieurs décennies : quelque 39 villes européennes ont d’ores et déjà mis en place des salles de consommation à moindre risque. Les résultats sont au rendez-vous.
Pour notre part, nous proposons d’expérimenter dans des communes qui sont candidates pour cela. Il ne s’agit pas d’imposer à qui que ce soit l’installation de ces salles. D’ailleurs, deux communes se sont publiquement portées candidates, Paris et Marseille. Je ne dis rien des autres, car des réflexions se sont engagées ailleurs, indépendamment de la couleur politique des villes concernées.
En Espagne, par exemple – cette situation est néanmoins observée dans tous les pays voisins –, le premier résultat d’une telle expérimentation a consisté en une diminution significative des décès par overdose, ce qui représente un enjeu sanitaire très important : le taux de décès par overdose est passé de 1 830 en 1991 à quelque 770 en 2008. Les résultats sont à peu près équivalents pour la Norvège ou les Pays-Bas.
Par ailleurs, nous constatons dans l’ensemble de ces pays que la mise en place de salles de consommation s’est accompagnée d’une réduction très forte – à peu près de moitié, parfois un peu plus –, du taux annuel de nouvelles infections par le VIH, grâce à un encadrement et un accompagnement sanitaire. Dans certains pays, comme les Pays-Bas, a même été enregistrée une suppression totale des cas de contamination par le VIH chez les usagers de drogue.
Nous observons aussi dans ces pays une réduction très forte de la quantité de déchets liés aux injections laissés dans les lieux publics, puisque, en France, l’on retrouve régulièrement des seringues usagées, notamment dans des bacs à sable ou sur les escaliers des gares.
Cette expérimentation n’est pas destinée à un public large d’usagers de drogue, puisque ceux-là sont pris en charge, avec des résultats plus ou moins positifs selon les individus, par des structures, les CAARUD, des lieux d’accompagnement social et sanitaire.
Nous ciblons une population qui, aujourd’hui, échappe à toutes les politiques mises en place auparavant et se retrouve livrée à elle-même, abandonnée, sans accompagnement social, sanitaire et psychologique. Comme l’a dit M. le corapporteur, si nous avons la possibilité de sauver une personne par centre, cette mesure est positive. Or nous espérons que ce sera bien plus que cela !
Ne nous faisons pas d’illusion : toutes les personnes accompagnées n’échapperont pas à la drogue, mais nous avons les moyens de réduire très significativement les décès directement liés à sa consommation. Des centaines d’overdoses pourront être évitées, des centaines de prises en charge sanitaires supplémentaires accélérées, et tout cela pour un coût limité.
Les politiques de prévention des risques représentent en effet un coût de 600 millions d’euros, tandis que celui d’une salle de consommation à moindre risque est évalué à environ 800 000 euros par an. Nous avons prévu pour cette mesure un budget de 3, 5 millions d’euros dans les premières années, car seules quelques expérimentations seront lancées sur le territoire avant l’évaluation.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’en appelle donc vivement à un vote de responsabilité sanitaire, mais aussi de bienveillance et d’attention envers des personnes souvent totalement perdues et abandonnées. Il est de notre responsabilité collective de les aider en leur proposant des solutions thérapeutiques.
Je fais miens tous les arguments qui viennent d’être présentés par M. le corapporteur et Mme la ministre.
Je voulais rappeler que ce sujet avait été évoqué en 2010 par Mme Roselyne Bachelot-Narquin, alors ministre de la santé, qui proposait elle aussi d’expérimenter des salles de consommation de drogue. Elle avait été désavouée par le Premier ministre de l’époque, M. François Fillon, qui avait préféré faire primer la morale et l’idéologie sur la raison scientifique. Les mêmes choix politiques ont fait, un temps, interdire la publicité pour le préservatif au motif que cela aurait constitué une incitation à la débauche, ou dénoncer le programme d’échange de seringues.
C’est pourquoi je tiens à saluer solennellement la position de notre commission des affaires sociales, qui, je la cite, a « mesuré l’intérêt qui s’attache à l’expérimentation des salles de consommation à moindre risque, après les auditions et les échanges menés avec les professionnels de l’addictologie ».
Madame la ministre, je veux saluer de la même façon votre détermination, votre lucidité, vous qui prenez le risque que ces propositions ne deviennent la cible facile de commentaires caricaturaux, pour ne pas dire populistes et démagogiques. Notre débat n’a pas jusque-là été préservé de tels propos.
Les études de l’INSERM, l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, et de l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies établissent les effets positifs qu’entraîne l’ouverture de ces salles : moins de contaminations, moins de consommations sauvages sur la voie publique, moins de nuisances pour les riverains, moins de dépenses en matière de santé et moins d’exclusion.
La pédagogie étant affaire de répétition, je redis qu’il s’agit d’une expérimentation, qui s’adresse aux personnes usagées marginalisées. L’enjeu est de sécurité sanitaire, de sécurité publique. Ces salles seront ouvertes en concertation avec les responsables locaux.
Je veux le dire avec beaucoup de cœur, la Haute Assemblée s’honorerait, honorerait le débat politique et ferait la preuve de son ouverture sur les réalités de notre société en rejetant ces amendements de suppression.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.
Je soutiens très fortement les positions de M. le corapporteur.
Tout le débat tient dans cette question : « Est-on pour ou contre les salles de shoot ? » Dans la rédaction actuelle du texte, la commission a clairement indiqué sa volonté de se situer dans une démarche médicale et de soin.
Il est important de le rappeler, vu les difficultés rencontrées à Paris pour trouver un lieu expérimental, afin d’accueillir ces salles de shoot. En effet, le débat sur la sécurité publique ne doit pas occulter les aspects positifs de cette démarche : les médecins insistent ainsi sur les bienfaits de l’accompagnement et du dialogue, mais aussi sur la possibilité de sortir un certain nombre de personnes de cette difficulté.
La plupart des anciens toxicomanes avec lesquels j’ai échangé m’ont confié qu’ils s’en étaient sortis grâce à une rencontre déterminante. Dans 90 % des cas, il s’agit d’un soignant.
M. Alain Milon, corapporteur, acquiesce.
Comme un certain nombre de mes collègues, je suis donc favorable au maintien de l’article, tout en précisant qu’il faudra peut-être renommer ces salles d’accompagnement des personnes toxicomanes. C’est un message que nous devons adresser aux soignants et aux personnes qui espèrent sortir d’une situation de dépendance.
Contrairement à notre collègue M. Mouiller, je me situe du côté de ceux qui plaident en faveur de la suppression de cet article.
En effet, légiférer dans ce domaine risque d’être interprété par nos concitoyens comme une façon de légaliser la consommation de drogues, alors même que l’arsenal législatif en vigueur depuis de nombreuses années a pour objectif de lutter contre cette consommation. Nous devons veiller à ne pas adresser de message contradictoire à l’opinion publique.
J’entends bien les arguments développés par M. Milon, ainsi que par Mme la ministre, qui a étayé son exposé des motifs en citant quelques exemples parmi nos voisins européens, comme l’Espagne ou les Pays-Bas. Des dispositifs similaires ont permis d’obtenir des résultats significatifs, semble-t-il, ce qui plaide en faveur du maintien de cet article ; en tout cas, nous ne pouvons y être insensibles.
Toutefois, je n’ai pas été insensible non plus à l’argumentaire développé par notre collègue, M. Barbier, bien que celui-ci n’ait pu aller jusqu’au bout de son intervention. Comme nos collègues MM. Grand et Lemoyne, il s’est appuyé sur des expériences menées dans d’autres pays européens, en Amérique du Nord et en Australie, dont les résultats ont été jugés peu probant par un certain nombre d’experts et de journalistes ayant enquêté sur le sujet.
Si aucune expérimentation n’avait été conduite dans d’autres pays, je comprendrais que la France procède à des évaluations. Mais pourquoi ne pas tenir compte des nombreuses expérimentations qui ont déjà été menées et considérer qu’il n’est pas probant de mettre en place ce dispositif sur le territoire national ?
Pour toutes ces raisons, je voterai en faveur de ces amendements identiques de suppression.
Monsieur le corapporteur, j’épouse les positions de la commission sur l’ensemble de ce texte. Toutefois, s’agissant des salles de shoot, je ne vous suivrai pas.
J’entends bien votre raisonnement, mais je ne crois pas à la concertation avec les communes : on leur demandera leur avis, et si elles disent non, on passera outre ! Ainsi, on imposera aux villes des salles de shoot, éventuellement à proximité des hôpitaux.
Par ailleurs, Mme la ministre nous a bien dit, même si ce fut peut-être plus clair pour d’autres dispositions du projet de loi, qu’elle voulait en revenir à son texte. Contre mes convictions, j’aurais accepté la rédaction proposée par la commission si j’avais été persuadée que cette expérimentation serait vraiment adossée à des hôpitaux et aurait lieu avec l’avis favorable des communes. Or, pour l’instant, je ne suis pas convaincue que ce sera le cas. Je voterai donc ces amendements identiques de suppression.
Le groupe CRC souhaite apporter son soutien à l’article 9, tel qu’il est rédigé. Il ne votera donc pas les amendements identiques de suppression. Comme Mme la ministre l’a rappelé, il s’agit d’une expérimentation de salles de consommation à moindre risque.
Nous tenons à saluer la position responsable des corapporteurs, convaincus, comme nous, de l’utilité sanitaire de telles structures, notamment à la suite de l’audition de professionnels de la réduction des risques. En effet, le but des salles de consommation à moindre risque est de fournir un accès aux soins plus rapide aux usagers de drogue les plus éloignés des parcours de soins, et ainsi les protéger de tout risque d’infection, de contamination, d’overdose, etc.
Pour essayer de convaincre nos collègues, je voudrais rappeler quelques faits.
Premièrement, il est nécessaire de faire évoluer une loi qui date de 1970.
Deuxièmement, on dénombre dans le monde une centaine de salles de consommation de drogue, et ce dans 10 pays, dont 8 sont situés en Europe. Mme la ministre en a cité quelques-uns, mais il y a aussi des salles de consommation au Portugal, en Espagne, en Allemagne, au Danemark, entre autres. Celle de Berne en Suisse existe depuis 1986 ! La France est donc bel et bien en retard.
Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.
En Suisse, le nombre de décès par overdose a été divisé par deux en vingt ans. Selon le rapport publié en 2010 par I’INSERM sur les centres d’injection supervisée, « les salles de consommation ont permis de diminuer les risques liés à la prise de drogues injectables et de toucher des populations exclues en facilitant leur intégration dans un parcours de soins ».
Troisièmement, dans les pays qui ont mis en place ces structures, on constate non pas une augmentation de l’utilisation des drogues et hausse de la délinquance, comme peuvent le craindre leurs détracteurs, mais, au contraire, une baisse des nuisances autour des structures.
Voilà quelques brefs éléments qui doivent nous inciter à autoriser enfin ces expérimentations. Mme la ministre l’a également rappelé, plusieurs villes de tendances politiques différentes se sont portées volontaires. Il est temps de prendre cette question de santé publique à bras-le-corps !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Monsieur le corapporteur, il n'y a pas deux sortes de sénateurs, ceux qui auraient compris qu’il faut soigner cette addiction mortelle et les autres, totalement insensibles, qui seraient opposés à ce texte. Nous sommes tous d’anciens élus de terrain et nous connaissons ce dossier par cœur. Nous sommes tous mobilisés contre ce fléau.
Quand je montrais les parts d’ombre de votre texte, vous m’avez rétorqué que les toxicomanes ne bénéficieraient pas d’une immunité, celle-ci s’appliquant seulement dans la salle de shoot. Voilà une affirmation bien étonnante ! En effet, toutes les personnes qui se rendent dans une telle salle auront nécessairement de la drogue sur elles. Les policiers le sauront et devront donc s’abstenir d’intervenir sur le parcours des toxicomanes. Je vous laisse expliquer tout cela aux forces de l’ordre !
Aujourd'hui, ce qu’il faut faire, c’est renforcer les services d’addictologie, la prévention et l’éducation à l’école, dans les lycées et les universités. De grâce, n’adressons pas ce signal négatif, qui est d'ailleurs d'abord politique. Comme sur d’autres sujets, le Gouvernement veut faire plaisir aux Verts.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologique.
M. Jean-Pierre Grand. Toutefois, nous n’avons pas à tomber dans ce panneau. Pardonnez-moi, mes chers collègues, mais je n’ai pas été élu sénateur de la République, sous l’étiquette politique qui est la mienne, pour voter l’ouverture des salles de shoot !
Applaudissements sur de nombreuses travées du groupe Les Républicains.
Ils adhèrent absolument à la position de la commission des affaires sociales, aux arguments défendus par son président, et à l’avis du Gouvernement.
Il s’agit bien d’un problème de santé. Il faut se préoccuper, avec bienveillance, de certains de nos concitoyens qui sont très loin de nous, qui ont rompu avec toute la vie sociale et sociétale.
De plus, ces salles de consommation à moindre risque doivent faire l’objet d’une expérimentation très encadrée, qui ne sera en aucun cas imposée aux municipalités : ne seront concernées que les communes volontaires.
Monsieur Lemoyne, vous l’avez rappelé avec raison : la lutte contre la toxicomanie doit bénéficier d’une stratégie globale. Or ces salles de consommation à moindre risque ne représentent qu’une toute petite partie du dispositif d’ensemble élaboré pour la prévention des addictions, à destination d’un public très ciblé.
Vous soulignez que le problème existe et qu’il exige des solutions. Vous précisez : il faut pouvoir entrer en contact avec les personnes concernées, qui ne se laissent pas facilement aborder. Vous ajoutez qu’il faut mettre en œuvre une prise en charge médicalisée très sérieuse. C’est exactement ce qui est proposé à travers l’expérimentation de ces salles !
Il convient de faire preuve de bienveillance – je reprends ce mot, qui a déjà été employé – envers certains de nos concitoyens qui sont très loin de la société, pour tenter de résoudre un véritable problème de santé publique.
Au-delà des appartenances partidaires des uns et des autres, si le Sénat pouvait prendre position pour ce dispositif, il émettrait un véritable signal. Notre pays est placé sous pression par des discours populistes dangereux et caricaturaux, qui diffusent le poison de la division et de la peur de l’autre. §Une position sage et raisonnable, de la part du Sénat, ferait du bien !
Mes chers collègues, à l’origine, je ne souhaitais pas m’exprimer sur cet important dossier.
Sourires sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Toutefois, je me dois d’intervenir, après avoir entendu M. Daudigny, et Mme Archimbaud, qui, à l’instant, a une nouvelle fois parlé de postures politiques « caricaturales », « populistes », en évoquant celles et ceux qui n’auraient pas compris le principe des salles de shoot.
Je vous l’assure : je me suis rendu à ce débat sans arrière-pensée. Comme les uns et les autres, j’ai beaucoup lu sur ce sujet. J’ai été interpellé, j’ai reçu des courriels. Ce matin, j’ai écouté nos discussions très attentivement. Je suis entré dans cet hémicycle sans savoir dans quel sens je voterai.
Après avoir écouté les uns et les autres, je tiens à vous dire qu’en mon âme et conscience je ne peux pas suivre l’avis de la commission. Je le regrette vivement.
Les inconvénients de ces salles me semblent dépasser leurs avantages, en nombre et en importance.
Il est très facile de dire : « Faisons des expériences, nous verrons ensuite », …
… et d’ajouter : « Seules les communes qui veulent créer ces structures seront concernées ».
Vous le savez bien, dans notre pays, une fois qu’une expérience est lancée, elle perdure – c’est le moins que l’on puisse dire.
En outre, même si, cette expérience se révélant trop difficile, les autres collectivités n’ouvrent pas de telles salles, il ne fait aucun doute que les structures déjà créées perdureront, avec peut-être moins de garanties encore que ce que l’on avance aujourd’hui.
Mes chers collègues, je vous prie de croire que je m’exprime sans arrière-pensée. J’en ai simplement assez de ces leçons de morale ; on nous les a infligées avant-hier à propos de la publicité sur le vin, hier à propos du paquet neutre ; elles se renouvellent aujourd’hui.
La position que j’exprime est tout sauf politique : je vais précisément à l’encontre de M. le président de la commission et de Mme la rapporteur, qui sont de mon bord politique. Mais, je le répète, je ne peux suivre la position de la commission, et je voterai ces amendements de suppression !
Mes chers collègues, je tiens à opérer quelques mises au point.
(Mme Patricia Schillinger s’exclame.) À ce titre, qui, dans cet hémicycle, est allé visiter une salle de shoot à l’étranger ?
M. Jean-Pierre Godefroy et Mme Patricia Schillinger lèvent la main, ainsi que M. le corapporteur.
Les initiatives mises en œuvre à l’étranger ont été évoquées. Je le souligne d’emblée : on peut faire dire un peu ce que l’on veut aux statistiques. Or ces structures ont, parallèlement, été examinées attentivement. §
Eh bien, moi aussi ! Je suis allé à Genève, où j’ai passé une journée au sein des locaux de Quai 9. J’ai vu comment ces services fonctionnaient. Il faut voir les choses comme elles sont.
En outre, il m’a semblé, en écoutant le discours de M. le président de la commission, que, pour l’heure, la France ne faisait rien et laissait à l’abandon les personnes concernées… C’est faire fi de ce qui se passe dans les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour les usagers de drogues, les CAARUD, ou dans les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie, les CSAPA. Des professionnels travaillent sans relâche au sein de ces structures.
Pour employer au mieux les crédits disponibles, ne serait-il pas préférable d’organiser des maraudes, comme le préconisait M. Emmanuelli, et ainsi d’inciter les personnes concernées à se rendre dans les centres déjà existants ?
On nous précise que ces salles de consommation à moindre risque seront adossées aux hôpitaux. Mais ces derniers disposent déjà de centres comme les CSAPA !
À ce propos, nous débattons non pas d’une absence de risque, mais d’un « moindre risque ». Il s’agit toujours de l’injection d’un produit toxique.
À mes yeux, il faut faire véritablement confiance aux réseaux qui existent dans notre pays. Beaucoup d’hôpitaux, et notamment de centres hospitaliers universitaires, les CHU, disposent de services d’addictologie performants. Pourquoi créer ces pseudopodes adossés à certains établissements hospitaliers ? Aujourd’hui, on ne peut dire exactement comment ces salles fonctionneront et quels seront leurs résultats.
Quitte à mentionner les exemples étrangers, rappelons que nombre de salles d’injection à moindre risque ont fini par fermer. La salle de Berne a été évoquée. Pour ma part, je signale que les deux salles existant à Zurich ont dû fermer leurs portes, compte tenu des troubles qu’elles causaient à l’ordre public.
Je serai très brève, madame la présidente. Je tiens simplement à dire que je soutiens pleinement Mme la ministre.
Il y a un peu plus de dix ans que je suis élue sénatrice, et cela fait également dix ans que cette question fait débat. J’ai travaillé dix-neuf ans en Suisse, à Bâle-Ville et à Bâle-Campagne. Je connais les problèmes en question, et je souhaite féliciter ce pays, qui s’est engagé depuis trente ans pour venir en aide à ces personnes en difficulté.
Je ne suis pas pour la politique « des trois singes », à savoir : on n’entend rien, on ne voit rien et on ne fait rien.
Aujourd’hui, nous avons la possibilité de lancer une expérimentation, qui, je le note au passage, n’a rien à voir avec une généralisation. Voilà dix ans que l’on parle de ce problème, que des rapports y sont consacrés ! Et, pendant ce temps, on laisse les personnes concernées dans la rue, sans secours.
Mme Patricia Schillinger. C’est à nous, parlementaires, d’aller dans le sens de l’action. Une proposition nous est présentée. L’heure du vote est venue, et chacun prendra ses responsabilités. Pour ma part, je suis fière que Mme la ministre défende cette position. Cette solution relève d’une politique de santé : engageons-nous !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.
Mes chers collègues, d’une certaine manière, les nombreux arguments qui ont été développés vont tous dans le même sens : celui de la lutte contre ce fléau qui est la drogue. Au sein de la Haute Assemblée, personne n’est favorable à l’usage de la drogue. Nous voulons tous trouver des solutions face à ce problème.
Dès lors, au terme du vote qui va avoir lieu, on ne saurait opposer les « bons » et les « mauvais » sénateurs. L’enjeu, c’est de trouver la meilleure solution. Si on la connaissait, il serait facile de l’appliquer.
De nombreuses initiatives ont déjà été engagées. M. Barbier vient d’en citer plusieurs. Dans les agglomérations, chacun connaît, par exemple, le réseau ville-hôpital. Malgré toutes ces actions, un certain nombre de personnes continuent, hélas ! de se droguer. Je crois que, malheureusement, ce phénomène de marginalité persistera toujours.
Face à ce problème, les salles de shoot ne sont peut-être pas la meilleure réponse à apporter. Au demeurant, on ignore quels résultats elles pourraient donner.
Aussi, je voterai la suppression de cet article.
Mes chers collègues, je respecte infiniment les diverses positions qui viennent d’être exprimées, quelles que soient les travées d’où elles émanent. Mais, je l’affirme, comme ancien maire de Roubaix : le courage dont fait preuve Mme la ministre sur cette question mérite également le plus grand respect.
La mesure en question permettra de renforcer les services d’addictologie qui existent déjà à l’hôpital. Je me sentirais presque lâche…
M. René Vandierendonck. … si je ne le déclarais pas : j’apporte mon soutien à Mme la ministre !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Mes chers collègues, permettez-moi de vous livrer, brièvement, un témoignage personnel.
L’un de mes fils est éducateur spécialisé. Il travaille, en cette qualité, dans une grande association d’Amiens, la capitale picarde, qui se consacre précisément aux drogués et aux problèmes auxquels ceux-ci font face.
Je peux vous l’affirmer : les éducateurs spécialisés comme les addictologues appellent de leurs vœux la création des salles de shoot. En effet, ces professionnels observent au quotidien les dégâts que peut causer la drogue, lorsqu’elle est consommée dans l’espace public sans encadrement, sans aucune garantie sanitaire. Au moins, l’expérimentation des salles de shoot, structures qui seront adossées à un hôpital et qui seront bien sûr encadrées, permettrait d’aider ces personnes, qui sont en grande difficulté, et de faire reculer l’usage de la drogue !
Voilà pourquoi je salue l’initiative de Mme la ministre. Bien entendu, je voterai l’article 9 et je ne voterai donc pas ces amendements de suppression.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Mme Catherine Deroche, corapporteur. Mes chers collègues, en abordant ces dispositions relatives aux salles de consommation réduite – je préfère cette expression à celle de « salles de shoot », qui est très médiatique mais qui a nécessairement une connotation caricaturale
Mme Evelyne Yonnet applaudit.
… j’étais très partagée. Bien que médecin, j’étais sensible aux arguments développés par divers orateurs, et notamment par Jean-Pierre Grand, qui a mis l’accent sur une forme d’incohérence : la drogue n’est pas légale et, cependant, on inviterait telle ou telle personne à venir « se piquer » à tel endroit.
Ensuite, la commission a mené de nombreuses auditions. Nous avons entendu de nombreux acteurs qui vivent au côté de ces personnes droguées. Ces dernières ne sont même plus borderline : elles ont totalement franchi les frontières de la société !
Bien sûr, ces salles de consommation réduite ne résoudront pas tous les problèmes d’addiction, surtout chez ces publics. Mais j’en suis arrivée à cette conviction : ces structures doivent prendre place dans tout l’arsenal utilisé pour lutter contre la toxicomanie.
De plus, il s’agit là d’une expérimentation. À l’étranger, des tentatives similaires ou pu fonctionner ou non. Mais les statistiques sont très variables, et l’on fait dire un peu ce que l’on veut aux études qui sont produites. Au fond, la meilleure expérience, c’est toujours celle que l’on fait soi-même. Voilà pourquoi il faut ouvrir cette possibilité.
Catherine Procaccia nous a déclaré : si j’étais certaine que ces salles seront adossées à des hôpitaux, que leur création sera soumise à l’accord des maires concernés, je voterais leur création. Mais si l’on supprime cet article, …
… on ne pourra même pas examiner et faire adopter les amendements que nous avons déposés, qui tendent à assurer cette proximité avec l’hôpital et à associer les maires.
Dans le cadre d’une telle expérimentation, je ne vois pas comment il serait possible d’implanter des salles de consommation à moindre risque contre l’avis du maire.
Certains parents voient leurs enfants s’éloigner d’elles de plus en plus – la vie est faite de belles rencontres, certes, mais elle est aussi marquée par de mauvaises rencontres. Outre nos enfants et nos petits-enfants, n’importe quel membre de notre famille peut être concerné.
Il faut donner leur chance à ces salles de consommation à moindre risque ! Voilà pourquoi je voterai contre ces amendements de suppression.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Pierre Grand. Je n’en ai pas le pouvoir ! Si ces amendements ne sont pas votés, ce sera grâce à la commission et au groupe socialiste !
Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 153 rectifié, 296 et 502.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 34 rectifié bis est présenté par Mme Morhet-Richaud, MM. Béchu, Cambon, César, Chatillon, Commeinhes et de Nicolaÿ, Mmes Duchêne et Duranton, MM. Grand, Gremillet et Houel, Mme Lamure, MM. P. Leroy, Karoutchi, Malhuret, Masclet et Morisset, Mme Primas, MM. Reichardt, Revet, D. Robert, Vogel, Danesi et Gournac et Mme Mélot.
L'amendement n° 291 rectifié quater est présenté par Mme Imbert, MM. D. Laurent, Longuet, Laufoaulu, Lefèvre, Mouiller, Mandelli et Reichardt, Mme Deromedi, MM. Huré, G. Bailly, Bonhomme, Mayet et Kennel, Mme Debré, MM. B. Fournier, Raison, de Raincourt, Laménie, Vaspart et Houpert, Mme Estrosi Sassone, MM. Cornu, Bouchet, Vasselle et Pointereau et Mme Gruny.
L'amendement n° 882 rectifié est présenté par MM. Amiel et Guérini.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 1
Après les mots :
directeur général de l'agence régionale de santé
insérer les mots :
et en concertation avec le maire de la commune concernée
La parole est à Mme Patricia Morhet-Richaud, pour présenter l'amendement n° 34 rectifié bis.
Les collectivités locales et leurs élus sont incontestablement de plus en plus souvent impliqués dans les questions de santé. C’est pourquoi la décision et les conditions d’installation de salles de consommation à moindre risque doivent faire l’objet d’une concertation, en amont, entre l’agence régionale de santé, l’ARS, la structure porteuse et le maire de la commune concernée.
Le sous-amendement n° 1207, présenté par M. Lemoyne, est ainsi libellé :
Amendement n° 34 rectifié bis, alinéa 5
Compléter cet alinéa par les mots :
, et à Paris, Lyon et Marseille, en concertation avec le maire d’arrondissement ou de secteur concerné,
La parole est à M. Jean-Baptiste Lemoyne.
À travers ce sous-amendement, je propose que, dans les villes de Paris, Lyon et Marseille, la concertation ait lieu non seulement avec le maire de la commune, mais également avec le maire d’arrondissement ou de secteur concerné.
Mes chers collègues, vous vous demandez sans doute pourquoi le sénateur de l’Yonne que je suis s’intéresse à Paris, Lyon et Marseille. Outre que nous sommes tous sénateurs de la République tout entière, il se trouve qu’il fut un temps où j’étais élu à Paris. Je retiens de cette expérience que, sur des sujets un peu complexes pouvant donner lieu à des appréciations divergentes, comme ceux que nous traitons en ce moment, les élus d’arrondissement sont souvent en première ligne face aux administrés, lesquels vont spontanément interroger le maire d’arrondissement ou le maire de secteur.
Il me semblerait donc de bonne politique de prévoir que, dans ces trois villes, la concertation associe non seulement le maire de la commune, mais aussi ces élus de proximité.
La parole est à M. Philippe Mouiller, pour présenter l'amendement n° 291 rectifié quater.
Cet amendement tend à ce que le maire de la commune concernée soit associé à la réflexion sur l’ouverture d’une telle structure et à la décision d’ouverture de celle-ci, en tant que premier magistrat.
L'amendement n° 882 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission sur les amendements n° 34 rectifié bis et 291 rectifié quater, ainsi que sur le sous-amendement n° 1207 ?
La commission émet un avis favorable sur les amendements ainsi que sur le sous-amendement.
Je comprends bien que ces amendements paraissent de bon sens, mais, aux yeux du Gouvernement, il va de soi que les maires seront consultés ! C’est justement le bon sens qui l’impose.
D’ailleurs, le cahier des charges des expérimentations prévoit la mise en place d’un comité de pilotage local présidé par le maire de la commune, le directeur général de l’agence régionale de santé et le représentant de l’État dans le département, le maire d’arrondissement étant associé à la concertation pour Paris, Lyon et Marseille.
Aussi, la précision que les amendements et le sous-amendement tendent à apporter me paraît redondante par rapport à ce qui est prévu, et donc inutile.
Toutefois, comprenant bien la logique qui sous-tend cette disposition, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur ces amendements ainsi que sur le sous-amendement.
Le sous-amendement est adopté.
L ’ amendement est adopté .
n’a plus d’objet.
L'amendement n° 409 rectifié quinquies, présenté par MM. Mouiller, Retailleau, de Legge et Calvet, Mme Bouchart, MM. Lefèvre et Pellevat, Mme Morhet-Richaud, MM. A. Marc, de Nicolaÿ et Delattre, Mme Primas, M. Morisset, Mme Giudicelli, MM. Gournac et Bonnecarrère, Mmes Cayeux, Garriaud-Maylam et Micouleau, M. Allizard, Mme Duchêne, MM. Bouchet, de Raincourt, Joyandet, Chaize et Vogel, Mme Estrosi Sassone, MM. Pillet, Saugey, Genest, Darnaud, Mandelli, Cambon, Husson et Falco et Mme Deseyne, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
distincts de ceux habituellement utilisés dans le cadre des autres missions
par les mots :
adossés à un établissement de santé
II. – Alinéa 2, seconde phrase
Remplacer le mot :
supervision
par le mot :
responsabilité
La parole est à M. Philippe Mouiller.
Dans la logique de ce qui a été dit tout à l'heure, cet amendement vise à préciser que les salles de consommation seront adossées à un établissement de santé.
Je pense même que la rédaction devrait aller plus loin et prévoir que ces salles seront « intégrées » à un établissement de santé, le principe étant bien d’intégrer cette démarche dans un acte de médicalisation et donc de suivi.
J’ajoute qu’un accompagnement sanitaire et social est essentiel au sein de ces structures.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
En effet, les expérimentations pourront avoir lieu dans des lieux différents, selon ce qui paraîtra adapté à la situation de la ville.
À cet égard, je peux vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que, parmi les projets en cours, certains ne sont pas adossés physiquement à un hôpital, à la demande du maire et des associations locales, qui souhaitent structurer la prise en charge autrement.
Les salles de consommation n’ont pas une vocation hospitalière. Certaines – comme à Paris, d’après ce qui se dessine – pourront être situées à proximité des locaux d’un hôpital, voire intégrées à ceux-ci, mais ni leur supervision ni leur gestion ne seront hospitalières. L’accès à ces salles devra se faire par une porte d’entrée spécifique, clairement identifiée et distincte de celle de l’hôpital. En effet, les usagers des salles de consommation constituent des publics particuliers, qui ne doivent pas être confondus avec les patients qui se rendent à l’hôpital.
On le voit, les dispositions de cet amendement apparaissent plus restrictives que les projets en cours. Elles amèneraient certains d’entre eux à ne pas pouvoir être retenus.
On voit bien là l’ambiguïté du vote qui est intervenu sur les salles de consommation : maintenant que le principe en est adopté, on dévoile les batteries de Mme la ministre, dont on sait très bien qu’elle ne veut pas que ces salles soient adossées à l’hôpital et qui a toujours répété que ces structures seront indépendantes. Au reste, c’est la démarche qu’elle a toujours défendue !
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, je pense que vous n’étiez pas sans le savoir…
Dès lors, je veux dire à ceux qui déclarent aujourd'hui que les salles de consommation doivent être adossées à un hôpital que je peux me replier sur une telle solution, mais l’on sait très bien que ce n’est pas la volonté de Mme la ministre.
Je trouve quand même un peu fort de café que Gilbert Barbier mette en doute ma connaissance du sujet !
Mon cher collègue, j’ai toujours dit clairement qu’il s’agissait d’un problème médical et que ces salles de shoot devaient être « adossées » à l’hôpital, même si, aujourd'hui, je préfère le terme « intégrées » que propose notre collègue – la commission déposera un sous-amendement à l’amendement de Philippe Mouiller en vue de procéder à cette modification sémantique. D'ailleurs, l’expérimentation qui est train d’être mise en place à Paris se fait bien à partir d’un hôpital.
La position de la commission à ce sujet est claire ; elle figure dans le texte qui a été voté et n’a pas varié. Il s’agit d’intégrer les salles de consommation à un milieu hospitalier et de recueillir l’accord du maire ou du maire de quartier, de manière que les médecins addictologues participent à la surveillance des drogués et que les politiques participent à la décision d’ouverture de la structure.
C’est bien le sens des propositions que nous avions émises et les membres de la commission, y compris ceux de l’opposition sénatoriale, en avaient été informés.
Monsieur Barbier, je n’ai donc pas du tout changé d’avis sur ce sujet !
Comme je l’ai déclaré précédemment, la logique consistant à aider les toxicomanes à sortir de leur dépendance me semble largement supérieure à celle qui aurait pour effet de les entretenir, ne serait-ce qu’un peu, dans cette logique de dépendance.
De ce point de vue, le traitement médical ne doit pas être négligé.
En présentant son amendement, notre collègue Philippe Mouiller a évoqué l’intégration à un établissement de santé.
Mes chers collègues, j’avais demandé à prendre la parole pour vous proposer un sous-amendement visant à procéder à cette amélioration sémantique, mais M. le président de la commission vient de me devancer. Je voterai naturellement le sous-amendement qu’il déposerait en ce sens !
Je souhaite répondre à Gilbert Barbier.
Selon ce dernier, lorsque nous avons appelé à ne pas voter les amendements de suppression de l’article 9, nous avons assuré que les salles de consommation seraient ouvertes après recueil de l’avis du maire et qu’elles seraient adossées ou intégrées à l’hôpital. Or, Mme la ministre n’étant pas d’accord avec nous sur ces points, nous nous serions fait avoir.
Non ! La commission des affaires sociales du Sénat a une position très claire : elle souhaite que, dans le texte qui sera voté par le Sénat, l’expérimentation se fasse dans des lieux intégrés aux hôpitaux et après avis du maire. C’est ce que souhaitent également la majeure partie des membres du groupe auquel nous appartenons.
Certes, on sait bien quel est l’avenir des textes adoptés par le Sénat, mais vous n’avez pas le droit de dire, monsieur Barbier, qu’en proposant de renforcer le caractère médical de l’expérimentation nous sommes en train de nous faire avoir !
Le texte issu des travaux de la commission prévoit d'ores et déjà des expérimentations réalisées dans un cadre médical et en concertation avec les élus, et j’espère que le texte qui sera voté par notre assemblée fera de même.
Monsieur Philippe Mouiller, accepteriez-vous de rectifier votre amendement de manière à remplacer le mot « adossés » par le mot « intégrés », afin que la commission n’ait pas à déposer de sous-amendement en ce sens ?
Je suis donc saisie d’un amendement n° 409 rectifié sexies, présenté par MM. Mouiller, Retailleau, de Legge et Calvet, Mme Bouchart, MM. Lefèvre et Pellevat, Mme Morhet-Richaud, MM. A. Marc, de Nicolaÿ et Delattre, Mme Primas, M. Morisset, Mme Giudicelli, MM. Gournac et Bonnecarrère, Mmes Cayeux, Garriaud-Maylam et Micouleau, M. Allizard, Mme Duchêne, MM. Bouchet, de Raincourt, Joyandet, Chaize et Vogel, Mme Estrosi Sassone, MM. Pillet, Saugey, Genest, Darnaud, Mandelli, Cambon, Husson et Falco et Mme Deseyne, et ainsi libellé :
I. – Alinéa 1
Remplacer les mots :
distincts de ceux habituellement utilisés dans le cadre des autres missions
par les mots :
intégrés à un établissement de santé
II. – Alinéa 2, seconde phrase
Remplacer le mot :
supervision
par le mot :
responsabilité
La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
Je voterai l’amendement rectifié de M. Mouiller, mais je veux faire remarquer à Mme la rapporteur que son intervention comporte un petit hiatus.
En effet, je comprends que la volonté de la commission était de faire figurer à l’article 9 la notion d’intégration à l’hôpital. Or la commission n’a pris aucune initiative pour que le texte soit rédigé ainsi. L’ajout de cette précision devra donc passer par le vote d’un amendement extérieur en séance publique.
En effet, la notion d’intégration à l’hôpital ne figure pas dans le texte issu des travaux de la commission, déposé au mois de juillet.
Toutefois, monsieur Vasselle, cette semaine, lors de l’examen des amendements, nous avons clairement indiqué que la commission émettrait un avis favorable sur les amendements visant à inscrire cette notion dans le texte.
J’avais dit que le Sénat, dans sa globalité, s’honorerait de ne pas voter les amendements de suppression, ce qu’il a fait. Je pense qu’il s’agit d’un beau moment dans la vie de notre Haute Assemblée.
Sur ce point précis, nous partageons les arguments présentés par Mme la ministre. Cependant, il nous appartient de défendre notre position dans sa globalité et de rechercher un compromis sur ce sujet important.
Aussi, le groupe socialiste s’abstiendra sur cet amendement.
À l’instar de la position exprimée par notre collègue Daudigny, le groupe CRC s’abstiendra sur cet amendement, dont les dispositions ne vont pas tout à fait dans le sens de ce qui était proposé dans le texte de la commission pour les salles de consommation à risque réduit.
Par ailleurs, le terme « adossés » nous aurait mieux convenu : il soulignait l’existence d’un lien avec l’hôpital et sa structure tout en supposant un soutien, une coopération ; le terme « intégrés », quant à lui, suppose que ces salles se trouvent physiquement à l’intérieur de l’hôpital, ce qui peut poser quelques problèmes à certains établissements qui vont devoir trouver un lieu pour intégrer ce service. L’idée était pourtant la même, à savoir l’existence d’un lien avec l’hôpital.
Mme Colette Mélot s’exclame.
Mes chers collègues, nous avons tout de même le droit de nous exprimer pendant les deux minutes trente qui nous sont imparties ! Je ne partageais pas forcément vos explications, mais je les ai écoutées !
L'amendement est adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 873 rectifié est présenté par MM. Amiel, Mézard, Arnell, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall.
L'amendement n° 1061 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard et les membres du groupe écologiste.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, seconde phrase
Après les mots :
médico-social
insérer les mots :
ainsi que des acteurs de la promotion de la santé
La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour présenter l’amendement n° 873 rectifié.
La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 1061.
Cet ajout vise à mieux intégrer les acteurs associatifs de la promotion de la santé, qui ne seraient certes pas soignants ni travailleurs sociaux, mais malgré tout dûment formés, dans la mise en œuvre de l’expérimentation d’un espace de consommation à moindre risque.
Il s’agit par là de permettre un accompagnement renforcé sur les plans sanitaire et social, en complémentarité avec les acteurs médico-sociaux et soignants.
La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements identiques, car l’expression « ainsi que des acteurs de promotion de la santé » est trop large et ne fait référence à aucun acteur bien identifié.
La rédaction adoptée prévoyant qu’il s’agit de locaux intégrés dans un établissement de santé, elle est quelque peu contradictoire avec mon amendement. Aussi, je le retire, madame la présidente.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l'article.
Malgré les modifications apportées au texte – souhaitables, certes, car cela permettra de limiter les conséquences dénoncées par M. Barbier dans un argumentaire parfaitement construit –, je ne voterai pas l’article 9, par souci de cohérence, car j’ai voté l’amendement de suppression voilà quelques instants. La logique veut que j’adopte la même position.
L'article 9 est adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.