Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission entend Mme Dominique Pouyaud, candidate proposée par le Président du Sénat, en tant que personnalité qualifiée, aux fonctions de membre du Conseil supérieur de la magistrature, en application de l'article 65 de la Constitution.
Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Dominique Pouyaud, dont la désignation est proposée par le Président du Sénat pour exercer les fonctions du membre de Conseil supérieur de la magistrature en remplacement de Mme Jacqueline de Guillenchmidt, démissionnaire.
Mme Dominique Pouyaud est professeur de droit à l'université Paris Descartes depuis l'an 2000. Elle est l'auteur de nombreuses publications sur le droit administratif, dont un ouvrage à paraître sur le droit des contrats. Elle a participé à de nombreux jurys de concours, elle est également membre de l'association française pour la recherche en droit administratif.
Je suis très honorée que le Président du Sénat m'ait proposée aux fonctions de membre du Conseil supérieur de la magistrature. C'est une lourde responsabilité. Cette organisation est, en effet, chargée de garantir l'indépendance de l'autorité judiciaire aux côtés du Président de la République. Des réformes successives ont renforcé son rôle et son indépendance. Depuis 2008, il n'est plus présidé par le Président de la République ou le garde des sceaux. Depuis 1993, le Conseil comprend une formation sur les magistrats du parquet. Enfin, alors que la réforme de 1993 mettait l'accent sur l'unité du corps judiciaire, celle de 2008 a autorisé sa saisine par les citoyens pour renforcer la confiance dans le système judiciaire.
L'indépendance est la qualité première d'une bonne justice, même si elle ne suffit pas à la garantir. Elle est dans l'intérêt des citoyens qui entretiennent un rapport quotidien avec la justice, que ce soit dans leur vie personnelle ou professionnelle. Surtout, l'autorité judiciaire est gardienne des libertés. Mais si les citoyens demandent toujours à la justice indépendance, impartialité et intégrité, ils la veulent désormais plus accessible, moins inégalitaire et plus rapide. Ces fortes attentes engendrent des déceptions. D'où des critiques parfois contradictoires : on reproche à la justice d'être à la fois trop laxiste et trop sévère. L'irruption du pénal dans la politique a accru ces critiques, avec un problème de fond : les moyens qui lui sont dévolus.
Les membres du Conseil supérieur de la magistrature doivent, comme les juges, être indépendants et impartiaux ; le Conseil constitutionnel l'a rappelé. Professeur d'université, je crois remplir ces conditions. Je n'ai jamais eu d'engagement politique au cours de ma carrière. Je suis vice-doyen, directeur des études, responsable des étudiants de deuxième année, du master 2 de droit public général et des licences à la faculté. Si je remplis des fonctions administratives, j'apprécie surtout le contact avec les élèves.
En prolongement de mes activités à l'université, j'essaie également d'écrire des articles. Le poste de secrétaire général de la Revue française de droit administratif que j'occupe depuis 25 ans - je l'ai également été à la Revue du droit immobilier - me permet de suivre l'actualité de la justice judiciaire. Ce domaine m'a toujours intéressée. J'ai d'ailleurs créé à la faculté un cours sur les institutions juridictionnelles qui me semblait manquer.
Cela dit, mes travaux ne me prédisposent pas particulièrement à siéger au sein du Conseil supérieur de la magistrature. Hormis un petit article sur la responsabilité dans le monde de la justice, mes recherches ont surtout porté sur le droit des contrats.
Pour autant, on attend des personnalités qualifiées un regard extérieur, impartial, que je pense pouvoir porter. Je suis imprégnée de l'intérêt général, qui est en filigrane du droit administratif ; pour avoir fait des études de sociologie et d'histoire, je n'envisage pas les choses sous un angle strictement juridique. Cela me semble essentiel quand le Conseil supérieur de la magistrature a d'abord pour mission de sélectionner environ 2 000 magistrats par an, que ce soit en délivrant une proposition, un avis simple ou conforme. Étudier les dossiers et les comparer, auditionner les candidats m'est familier. On dit que ce travail est de bénédictin, éplucher les arrêts du Conseil d'État l'est aussi... Je participe au recrutement des étudiants du master 2 de droit public général, après avoir siégé huit ans au sein du comité de sélection des maîtres de conférences et professeurs du Conseil national des universités. En outre, je suis membre du comité de l'université qui donne son avis sur l'évolution de la carrière des enseignants. Je fais également partie de jurys de concours : le CFPA depuis 25 ans et autrefois le CAPA, le concours d'administrateur à l'Assemblée nationale depuis une dizaine d'années et, surtout, celui de conseiller des tribunaux administratifs d'appel depuis 5 ans. Cette dernière expérience est fort intéressante : j'ai constaté, avec l'apparition de l'épreuve de motivation depuis trois ans, que les attentes étaient identiques pour les juges administratifs et judiciaires. Si le travail universitaire est souvent solitaire, j'ai appris en participant à ces jurys la collégialité, maître-mot du Conseil supérieur de la magistrature.
Ma connaissance de la jurisprudence administrative pourrait ne pas être inutile, dans la mesure où le Conseil d'État connaît des recours dirigés contre les décisions ou les avis rendus par le Conseil supérieur de la magistrature, en matière disciplinaire ou en matière de nomination.
Voilà les éléments qui, dans une carrière linéaire, purement universitaire, pourraient justifier ma nomination au Conseil supérieur de la magistrature.
Merci. J'ai apprécié la façon pragmatique dont vous abordez le rôle du Conseil supérieur de la magistrature : sa mission première est, non d'élaborer une doctrine sur la justice du XXIe siècle, mais de participer au choix des magistrats, d'évaluer l'adéquation des profils aux postes à pourvoir. Ce dont vous avez l'expérience, en dépit d'une carrière à première vue éloignée de l'institution judiciaire.
Madame le vice-doyen, vous avez insisté sur vos connaissances. Il vous en faudra beaucoup en géographie ! C'est essentiel pour apprécier les demandes de mutation des magistrats...
À votre sens, faut-il aller jusqu'à dessaisir le garde des sceaux de son autorité sur la direction des services judicaires, qui prépare les dossiers soumis au Conseil supérieur de la magistrature pour assurer l'indépendance de la justice ? Certains le pensent.
Peut-être serait-il bon d'introduire un peu de biodiversité au sein du Conseil national des universités puisqu'il remplit les mêmes fonctions que le Conseil supérieur de la magistrature.
Dans le prolongement des propos de M. Mercier, l'une des principales difficultés des agents publics est d'identifier qui est leur employeur, qui joue le rôle de gestionnaire des ressources humaines. Le Conseil supérieur de la magistrature confronte diplômes et expériences afin de déterminer si le candidat proposé est le bon pour chaque emploi. Ce faisant, il ne valorise les ressources de chacun que par défaut. Ne pensez-vous pas qu'il pourrait consacrer une partie de ses débats à bâtir une politique globale de valorisation du potentiel des magistrats ?
Désolée, je suis titulaire d'une licence d'histoire, non de géographie... Je tâcherai de me rattraper ! Dessaisir totalement le garde des sceaux de son autorité sur les services ? Ce serait une profonde transformation. L'indépendance de la justice passe par l'avis conforme pour les magistrats du siège ; elle est moins sûrement établie pour les magistrats du parquet. Le garde des sceaux actuel s'est engagé à suivre les avis simples du Conseil, mais que fera son successeur ? La Cour européenne des droits de l'homme trouve à y redire ; le juge administratif pourrait aussi considérer qu'une telle pratique est à la limite de l'incompétence négative puisque le ministre abandonne systématiquement sa compétence au profit du Conseil qui lui rend cet avis. Une modification serait souhaitable, on en parle depuis longtemps. Le Conseil supérieur de la magistrature doit-il réfléchir à une politique plus globale de valorisation du potentiel des magistrats ? Sans doute. Ces derniers temps, il a fait un effort de transparence dans ses rapports sur les raisons qui président à ces choix.
La réunion, suspendue à 9 heures, reprend à 9 h 15
Notre matinée est incroyablement chargée. Le travail de commission est abrégé, quand le travail en séance dure. Le contraire de l'objectif poursuivi il y a quelques années par le constituant ! C'est paradoxal. Je vous demande donc de tout faire pour aller vite. J'en suis navré.
Devons-nous nous résigner à expédier des sujets qui ne sont pas minces ? Lutte contre le terrorisme, laïcité... Vous avez écrit, le 14 janvier 2016, une lettre au Président de la République, dans laquelle vous protestez contre l'alourdissement du travail parlementaire. Or vous y avez contribué : nous avions décidé de travailler, de manière consensuelle, sur l'état d'urgence. Le jour même, vous faisiez une conférence de presse annonçant une proposition de loi sur le même sujet ! J'y ai vu une attitude quelque peu partisane.
La solution serait peut-être que vous renonciez à cette proposition de loi, au bénéfice du projet de loi. Mme Troendlé a bien dit hier qu'un seul texte suffisait ! Nous ne saurions nous résigner à un examen superficiel de ces sujets.
Je ne connais qu'un texte en matière de répression du terrorisme : c'est celui que j'ai déposé. Il résulte de travaux entamés début 2015, après les attentats de janvier. J'ai écrit au Premier ministre pour lui indiquer des pistes - il ne m'a toujours pas répondu. Il faut bien que le Parlement prenne l'initiative pour remédier à la carence gouvernementale. Le Gouvernement a décidé, finalement, de présenter son propre texte - qui viendra sans hâte. Il nous sera toujours loisible alors de reverser dans le projet de loi les dispositions que nous aurons adoptées ici.
La commission procède au vote sur la proposition de nomination par le Président du Sénat aux fonctions de membre du Conseil supérieur de la magistrature.
Que nos deux collègues les plus jeunes, Mme Cécile Cukierman et M. Thani Mohamed Soilihi, veuillent bien me rejoindre en tant que scrutateurs.
Il est procédé au vote.
Voici les résultats du scrutin :
Nombre de votants : 40
Bulletins blancs : 5
Nombre de suffrages exprimés : 35
Pour : 35
Contre : 0
La commission a donné un avis favorable à la nomination de Mme Dominique Pouyaud pour siéger au sein du Conseil supérieur de la magistrature.
Puis la commission examine le rapport de M. Hugues Portelli pour les propositions de loi organique n° 3 (2015-2016) visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires et n° 4 (2015-2016) visant à supprimer le remplacement des parlementaires en cas de prolongation d'une mission temporaire, présentées par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi organique n° 3.
Le parlementaire en mission est apparu sous la seconde République. Alexis de Tocqueville avait un ami proche, Francisque de Corcelle. En mars 1849, Tocqueville est ministre des affaires étrangères, Corcelle est député : il sera désigné comme envoyé officiel en Italie, avec rang de ministre plénipotentiaire - tout en restant député ! Première entorse au principe strict de séparation des pouvoirs. La loi du 15 mars 1849 a créé les parlementaires en mission - avec une limitation à six mois. Sous la Vème République, le législateur organique fixe des règles d'incompatibilité assez strictes entre le mandat parlementaire et les activités non électives, seuls les professeurs d'université et les ministres des cultes d'Alsace-Moselle bénéficiant d'une dérogation.
Or, dès octobre 1958, apparaît la pratique des parlementaires en mission - avec une limite de six mois, comme en 1849. Il s'agit d'une fonction publique non élective ; le parlementaire reste pleinement parlementaire pendant cette mission ; celle-ci ne donne lieu à aucune indemnité. Le contrôle de la nomination par le juge administratif est pour le moins léger, de même que pour la prolongation. Le Conseil constitutionnel a été saisi une fois, en l'occurrence, de la prolongation d'Edgar Faure, parlementaire en mission chargé des célébrations du bicentenaire de 1989. Cette mission ayant duré plus de six mois, un électeur du Doubs a saisi le Conseil constitutionnel - qui a décliné de se prononcer faute pour le bureau de l'assemblée d'origine du parlementaire d'avoir été préalablement saisi.
Le Conseil d'État a une jurisprudence aussi prudente. Dans l'arrêt Mégret de 1998, il estime qu'une mission temporaire est effective si elle s'est achevée par la remise d'un rapport. Or, ce n'est pas toujours le cas...
Certains cas sont plus surprenants : pour Christian Nucci, nommé Haut-commissaire en Nouvelle-Calédonie pendant six mois, puis, après une interruption, à nouveau nommé pour une seconde mission identique, l'Assemblée nationale a considéré qu'il s'agissait d'une seule et même mission...
Le nombre de parlementaires en mission s'accroît. Certains exercent de facto une mission sans être nommés officiellement - pour préparer une proposition de loi, assurer le suivi d'une loi en vigueur, préparer une transposition de directive. Deuxième cas de figure : un décret est pris et publié au Journal officiel, sans forcément indiquer la lettre de mission...
M. Mézard estime que ces pratiques sont contraires à l'esprit de la Constitution, puisqu'elles conduisent le parlementaire à exercer à la fois une mission parlementaire et une mission administrative, chacune à plein temps. Pour son mandat parlementaire, il peut déléguer son vote à l'Assemblée nationale. Récemment, on a ainsi vu apparaître in extremis quatre délégations de vote de parlementaires en mission - qui ont fait basculer le résultat du vote !
Depuis la révision constitutionnelle de 2008, un député nommé ministre revient au Parlement quand il quitte le Gouvernement : exit les remaniements ministériels, place au turn over continu, on l'a vu encore ce matin. De même, nous avons des parlementaires en mission continue, qui tournent... La proposition de loi organique de M. Mézard me paraît parfaitement justifiée.
La première proposition de loi organique supprime le parlementaire en mission. La seconde est une solution a minima, qui prévoit une élection législative ou sénatoriale partielle plutôt que la nomination du suppléant ou du suivant de liste. J'y suis également favorable.
M. Portelli a parfaitement résumé la situation. Nous avons eu très récemment l'illustration de certaines dérives. Il est temps de remettre les pendules à l'heure, ce sera un progrès dans la transparence.
Notre rapporteur a méconnu une composante de la genèse de la Constitution de 1958 : la grande admiration de Michel Debré pour le système britannique, où des secrétaires parlementaires jouent le rôle d'adjoint du ministre, tout en restant parlementaires. L'Allemagne fait de même.
Exercer à plein temps plusieurs missions, c'est vrai pour beaucoup de parlementaires, dans leur département ou leur ville... Gardons-nous par conséquent d'aller trop loin dans ce raisonnement. L'important est que nommer un parlementaire en mission ne perturbe pas la vie parlementaire.
C'est une exagération théorique que de voir dans cette situation une aberration. Beaucoup de parlementaires sont intéressés par ces missions. Je reconnais toutefois qu'il faudrait supprimer la possibilité de prolonger les missions, et d'installer, par ce biais, le suppléant. Mais supprimer le parlementaire en mission serait un appauvrissement de la vie institutionnelle.
Le second texte, en revanche, ne me pose pas de problème.
Quelles seraient les conséquences de l'adoption de cette proposition de loi organique ? Le rapporteur invoque, comme principal argument, le cumul des missions. Est-ce considérer que le mandat de parlementaire ne peut être cumulé avec quelque activité que ce soit ? C'est apporter de l'eau au moulin des partisans du non-cumul, voire de ceux qui prônent l'interdiction de toute activité professionnelle. Pour ma part, je suis encore agriculteur en activité. Appuyons-nous plutôt sur la distinction entre pouvoir exécutif et législatif, puisque le parlementaire a aussi pour mission de contrôler le Gouvernement et l'application des lois !
La Constitution de 1958-1962 n'est pas celle d'aujourd'hui, où tous les pouvoirs, y compris législatifs, sont à l'Élysée ! Les parlementaires en mission sont un des outils du pouvoir exécutif, qui ne fait plus appel au référendum - sinon pour s'asseoir dessus. La première proposition de loi organique me convient.
M. Bignon et moi-même allons être désignés parlementaires en mission pour effectuer, dans un délai précis, un travail qui s'ajoutera au travail parlementaire, et qui ne donnera lieu à aucune indemnisation. Cela dit, j'estime, m'exprimant à titre personnel, qu'il est temps de mettre fin à une situation choquante, paradoxale sur les modalités de remplacement des parlementaires en mission. On pourrait citer des exemples de cooptation... Je voterai le deuxième texte et m'abstiens sur le premier.
Au Royaume-Uni, tout membre du Gouvernement doit être parlementaire. Les secrétaires parlementaires sont les assistants du ministre. La situation n'est en rien comparable à la nôtre.
Difficile d'être à la fois du côté du Parlement, qui vote les lois, et du Gouvernement, qui les applique. La situation est schizophrénique ! On sait, quand on est rapporteur, les pressions du Gouvernement, du président du Conseil constitutionnel, pour faire retirer tel ou tel amendement. Entorses scandaleuses au principe de séparation des pouvoirs ! Aujourd'hui, le ministre est un parlementaire en mission : son suppléant lui rend son siège dès qu'il quitte le Gouvernement... Pour mettre un point d'arrêt à cette dérive, il faut voter la proposition de loi organique.
Je demande une brève suspension de séance.
La réunion, suspendue à 10 heures, reprend à 10 h 05
Il y a 3 amendements, rédactionnel, de cohérence et de coordination, présentés par le rapporteur. Nous lui faisons confiance.
Article 1er
Les amendements COM-1 et COM-3 sont adoptés.
Article 2
L'amendement COM-2 de suppression est adopté.
La proposition de loi organique n° 3 est adoptée dans la rédaction issue de ses travaux.
Compte tenu du vote intervenu sur le premier texte, le second texte perdrait son objet en séance.
Si le premier texte n'était pas voté en séance publique, il serait utile d'adopter le second.
Notre groupe aurait voté le deuxième texte, s'il avait été mis au vote.
Pour la séance publique, vous pouvez toujours rédiger un amendement au premier texte qui vient d'être adopté pour arriver au résultat du second texte.
Le sort des amendements examinés par la commission pour la proposition de loi organique n° 3 est retracé dans le tableau suivant :
Puis la commission examine le rapport de M. Jacques Mézard et les textes qu'elle propose pour la proposition de loi n° 225 (2015-2016), présentée par Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Jean-Léonce Dupont et Jacques Mézard portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes et sur la proposition de loi organique n° 226 (2015-2016), présentée par Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Jean-Léonce Dupont et Jacques Mézard relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes.
Nous saluons notre collègue Philippe Bonnecarrère, rapporteur pour avis de la commission de la culture.
Ce texte découle des travaux de la commission d'enquête, dont le rapport a été adopté à l'unanimité. Ce travail s'inscrit dans la suite de celui de notre ancien collègue, le doyen Gélard, qui avait déposé deux propositions de loi, dont nous nous sommes largement inspirés.
Notre but n'est pas de détruire les autorités administratives indépendantes (AAI). Nous avons entendu la quasi-totalité de présidents d'autorités, compétents et intelligents. Mais il y a manifestement une dérive. Depuis 1978, on crée une AAI par an en moyenne, sans critères, avec des règles de fonctionnement très différentes, des chevauchements... Cette prolifération fait peser un risque d'éclatement de l'action de l'État et d'illisibilité des institutions, et freine le contrôle parlementaire. Plusieurs AAI tiennent leur qualité non de la loi mais de la doctrine administrative. Tel M. Jourdain, le Parlement découvre qu'il a créé, sans le savoir, des AAI !
Le périmètre a varié. Ainsi, le champ des règles établies en 2013 sur les déclarations d'intérêt et de situation patrimoniale reste incertain : plus de 15 % des membres de collèges ont d'ailleurs refusé de s'y plier, sans conséquences particulières. Qu'aurions-nous entendu si des parlementaires avaient réagi ainsi !
Les interprétations différentes font varier la liste des AAI, en fonction de la volonté supposée du législateur... Il nous est donc apparu souhaitable de dresser la liste dans la loi - comme M. Gélard le proposait dès 2006 - en fixant un socle de règles transversales garantissant leur indépendance et leur impartialité, comme nous y a incités M. Sauvé, vice-président du Conseil d'État.
Cette proposition de loi a pour vocation de fixer le statut général des AAI et autorités publiques indépendantes (API). Nous l'avons accompagnée d'une proposition de loi organique, notamment sur les incompatibilités. La compétence exclusive du législateur doit être affirmée pour la création de ces AAI. Il est temps de rationaliser le paysage des AAI en limitant à 20 leur nombre.
Ce texte ne modifie pas les attributions des AAI et ne propose pas de fusion. Les deux textes harmonisent simplement le statut de ces autorités, en prévoyant une consolidation des règles communes et des dérogations motivées.
Sur l'organisation des AAI et API, nous limitons les mandats à six ans, non révocables et non renouvelables ; pour assurer la continuité, les membres seraient renouvelés de façon échelonnée dans le temps. Un membre ne pourrait exercer qu'un seul mandat au sein d'une seule AAI. En outre, il ne pourrait parallèlement siéger au sein du collège et de la commission des sanctions, conformément à une exigence constitutionnelle.
Certains ont vécu l'absence de leur autorité de la liste comme un désaveu, une déchéance - c'est révélateur !
En matière de déontologie, les membres doivent s'abstenir de siéger quand il y a situation de conflit d'intérêts, notion désormais définie par la loi. Leurs déclarations d'intérêts et de situation patrimoniale seraient consultables par les autres membres, mais non publiées. Dans le socle commun figurent le devoir de réserve, la disponibilité à temps plein des présidents - ce qui ne va pas de soi, apparemment - ainsi que l'incompatibilité avec certains mandats et fonctions juridictionnelles, nécessaire à la diversification des recrutements, pour mettre fin à une certaine consanguinité.
Il est prévu un contrôle par la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) car on relève certains problèmes déontologiques, quand par exemple un mandat dans une AAI se cumule avec une activité rémunérée par une entreprise du secteur concurrentiel. Certains cumuls posent des problèmes déontologiques. Un cadre déontologique s'appliquerait à leurs personnels. Les directeurs généraux et les secrétaires généraux seraient tenus aux mêmes obligations déclaratives que les membres.
Des règles particulières doivent s'appliquer à la HATVP : les déclarations d'intérêts et de situation patrimoniale de ses membres seraient, par exception, rendues publiques.
La loi fixerait des principes de fonctionnement des AAI : liberté de recrutement, le personnel étant placé sous la seule autorité du président ; liberté d'engagement des dépenses, sous le contrôle de la Cour des comptes, que certaines AAI contestent !
Quant au contrôle parlementaire, il doit s'appliquer aussi aux AAI, qui rendront un rapport annuel d'activité. Leurs présidents devront être nommés dans le cadre de la procédure fixée par l'article 13 de la Constitution.
Bref, nous proposons un régime cohérent applicable aux AAI et aux API, qui ne devront plus être créées autrement que par le législateur. Leur définition doit être précisée, aussi. Comme l'avait relevé le doyen Gélard, certaines ne sont actuellement ni indépendantes... ni des autorités !
Le Secrétariat général du Gouvernement nous a dit que la situation actuelle est satisfaisante, mais nous ne botterons pas en touche, quel que soit le lobbying de certains organismes.
Je voudrais rappeler que certains disposent de garanties d'indépendance sans être des AAI : Haut Conseil des finances publiques, Caisse des dépôts et consignations, AFP... Ils n'ont pas la qualité d'AAI sans qu'on leur dénie leur indépendance.
Merci. Vous créez un statut commun pour certains des organismes aujourd'hui appelés AAI. Pour les autres, le mode de fonctionnement ne sera pas modifié. Ce qui importe ce n'est pas le « standing », réel ou supposé, que confère l'appellation d'AAI. Quels organismes doivent figurer dans cette liste ? Nous le verrons en séance.
La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a approuvé l'esprit et les principes de ce texte. Les six amendements que nous vous soumettons expriment cette approbation, apportent des points de détail et formulent deux réserves.
Nous vous suivons sur le retrait de l'appellation d'AAI à la Commission nationale d'aménagement cinématographique, ainsi qu'aux médiateurs (du livre, du cinéma, bientôt de la musique) qui sont des personnes individuelles. Nous proposons quelques améliorations, notamment sur les règles de confidentialité des débats du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).
S'agissant de la liste des AAI, qui figure en annexe de l'article 1er, nous ne vous suivons pas sur l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) et la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi). La toute récente loi du 17 avril 2015, adoptée à l'unanimité au Sénat, a confirmé le statut d'AAI de l'ARDP. À l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité transmise par la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel a reconnu le 7 janvier le statut d'AAI à l'ARDP. Cette autorité comporte quatre magistrats qui veillent à l'application de la loi de 1947, selon laquelle la presse d'information générale doit être disponible partout dans le pays. Les dizaines de procédures qu'elle suscite sont régulées par l'ARDP dans des conditions satisfaisantes. Ne portons pas atteinte à un système qui fonctionne bien.
Nous avons adopté il y a quelques mois un rapport de M. Loïc Hervé et Mme Corinne Bouchoux favorable au travail de la Hadopi. Son rôle est, d'après le Conseil d'État, « pré-pénal » en quelque sorte, puisqu'elle peut saisir le parquet et appliquer des « mesures techniques de protection » à caractère semi-pénal. Dès lors, il n'est sans doute pas souhaitable de lui ôter le statut d'AAI.
Merci pour cet exposé précis. Ce texte ne retire de pouvoir à aucune institution.
Ce statut général aurait des avantages, et reflète l'évolution annoncée par les dernières créations d'AAI qui ont montré des convergences. Cela dit, les petites AAI peuvent s'en trouver gênées : lorsqu'elles se réunissent tout au plus dix fois par an, leur président peut-il être à temps plein ? Cela signifiera qu'on choisira une personne à la retraite. Heureusement, l'article 3 de la proposition de loi prévoit la possibilité d'adaptations. La liste des AAI retenues est sujette à débat. Quelques-unes y manquent, je crois. D'où mon amendement COM-13, qui inclut notamment la Commission nationale du débat public, la Commission des participations et des transferts, la Commission des sondages... De même, la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) a beau n'être que consultative, son avis a toujours été suivi. Elle est à la charnière du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire. Aussi doit-elle rester une AAI, comme la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR).
Je suis entièrement d'accord avec mon collègue Alain Richard, notamment en raison du rôle de son président lors des perquisitions. L'article 15 de la proposition de loi doit être plus précis. Permet-il des mises à disposition ? Celles-ci limitent la capacité de choix lors des recrutements.
Pour poursuivre nos débats d'hier en séance sur le projet de loi relatif à la déontologie des fonctionnaires, pourquoi n'avoir pas prévu les délais dans lesquels la HATVP doit se prononcer ?
Les AAI se sont multipliées. Ce texte est donc bienvenu : le législateur reste souverain !
Ce texte répond à une exigence démocratique en identifiant les AAI, en les alignant sur les mêmes règles de fonctionnement et en restreignant leur nombre. Que les membres ne siègent pas dans plusieurs AAI, ce qui créerait une sorte de cursus honorum entre elles, est un gage de leur indépendance.
La Haute Autorité de santé (HAS) a pris des décisions qui ont fait débat. L'avez-vous auditionnée ? L'Agence nationale de sécurité du médicament lui est-elle liée ? Cette proposition de loi évitera-t-elle les conflits d'intérêts qui ont récemment défrayé la chronique, au préjudice de la sécurité sociale et même parfois de la santé de nos concitoyens ?
Je salue ce travail, dont j'approuve les orientations. Il faut lutter contre la prolifération des AAI, qui révèle une défiance croissante envers le fonctionnement de l'État et une déresponsabilisation dangereuse de celui-ci dans certains domaines. Toutefois, quelles que soient les limites de l'action de la Hadopi, il ne serait pas judicieux de la retirer de la liste des AAI car ce label confère de l'autorité - dont elle a grand besoin !
Quid pour les AAI non retenues dans la liste ? Qui créera les futures AAI ?
Le texte n'interdit pas à un parlementaire de présider une AAI. Les indemnités afférentes sont-elles cumulables ?
Aucun d'entre vous ne remet en cause l'interdiction pour l'avenir de créer une AAI autrement que par une loi. Notre commission d'enquête a auditionné chacun des 42 présidents. Celui de la HAS a démissionné quelques jours après son audition sans que cette démission soit liée à l'audition...
Bien sûr, nous n'avons pas prétendu évaluer l'activité de chaque AAI. Oui, la prolifération est dangereuse. Et encore, nous nous sommes cantonnés aux AAI et API - alors que les hauts conseils et autres commissions pullulent... Sur les délais obligatoires de la HATVP, nous y réfléchirons.
Seul le législateur pourra créer des AAI et les parlementaires qui y siègent ne touchent pas d'indemnité, comme l'a voulu le législateur organique en 2013. Depuis cette date, la présidence d'une AAI ou d'une API est également incompatible avec le mandat parlementaire. À titre personnel, je pense même qu'un parlementaire n'a pas à siéger dans une AAI.
Le projet de loi de finances fixe un plafond d'emplois. Les mises à disposition restent des décisions administratives.
Il faut éviter que les recrutements soient imposés, via un plafond d'emploi réduit et la faculté de mises à disposition.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE LA PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Les amendements COM-13, COM-1 et COM-2 modifient la liste. A ce stade, je préconise le retrait : nous devons avoir ce débat en séance publique, ne serait-ce que pour recueillir toutes les contributions écrites sollicitées auprès des AAI concernées.
Les amendements COM-13, COM-1 et COM-2 sont retirés.
Article 5
Mon amendement COM-16 prévoit le remplacement d'un membre huit jours au moins avant l'expiration de son mandat. C'est un amendement de bonne administration !
L'amendement COM-16 est adopté.
Article 7
L'amendement COM-7 traite les cas de manquement aux obligations des membres d'une AAI en simplifiant la procédure.
L'idée est pertinente mais je demande le retrait afin de trouver une rédaction appropriée d'ici la séance, puisque celle-ci ne prend pas en compte la situation particulière du président.
L'amendement COM-7 est retiré.
Article additionnel après l'article 9
Cet amendement fixe un cadre pour les rémunérations et indemnités des membres des AAI.
Avis favorable
L'amendement COM-11 est adopté et devient un article additionnel.
Article 10
Article 11
Mon amendement COM-18 tire la conséquence du fait que les parlementaires sont déjà soumis à des règles particulières d'incompatibilité pour les mandats électifs locaux.
L'amendement COM-18 est adopté.
Article 13
L'amendement de précision COM-28 est adopté.
Article 15
L'amendement de précision COM-19 est adopté.
Article 17
L'amendement COM-15 est adopté.
Article 22
Nous écrivons que le rapport « peut » donner lieu à un débat en séance... Il n'y a pas d'obligation.
Article 25
Par cohérence, je suis d'accord pour retirer l'amendement COM-3, nous en reparlerons en séance publique.
L'amendement COM-3 est retiré.
Article 27
L'amendement de précision COM-22 est adopté.
Article 30
L'amendement COM-27 de correction d'une erreur matérielle est adopté.
Article 33
L'amendement de correction d'une erreur matérielle COM-23 est adopté.
Article 36
L'amendement de correction d'une erreur matérielle COM-24 est adopté.
Article 37
L'amendement de précision COM-29 est adopté.
Article 38
L'amendement de coordination COM-25 est adopté.
Article 39
Les amendements de coordination COM-26 et COM-14 sont adoptés. L'amendement COM-4, satisfait, n'est pas adopté.
Article 41
Article 44
L'amendement de précision COM-20 est adopté.
Article 46
L'amendement de coordination COM-21 est adopté.
L'amendement COM-6 maintient plusieurs médiateurs à des obligations déclaratives en faveur de la transparence, même si elles ne sont plus des AAI. Avis favorable.
Article 47
Mon amendement COM-17 maintient la nomination du président de la Commission de la sécurité des consommateurs à la procédure de l'article 13 de la Constitution.
L'amendement COM-17 est adopté.
Article 49
Avis favorable à l'amendement COM-10, mais je propose de rédiger le début de cet amendement ainsi : « À défaut d'option dans le délai prévu au présent alinéa ou à l'article 6 de la loi organique relative aux AAI et aux API... »
J'accepte de rectifier en ce sens.
L'amendement COM-10 rectifié est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
Article 3
L'amendement de précision COM-3 est adopté.
Article 4
L'amendement COM-2 maintient la procédure de l'article 13 pour la nomination du président de la Commission de la sécurité des consommateurs.
L'amendement COM-2 est adopté.
Article 5
L'amendement de coordination COM-4 est adopté.
Par cohérence, avis favorable à l'amendement COM-1.
L'amendement COM-1 est adopté.
Article 6
L'amendement de précision COM-5 est adopté.
La proposition de loi organique est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission sont retracés dans les tableaux suivant :
AMENDEMENTS SUR LA PROPOSITION DE LOI
AMENDEMENTS SUR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
Christophe Béchu est nommé rapporteur sur la proposition de loi organique n° 278 (2015-2016) et la proposition de loi n° 279 (2015-2016), adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle.
La commission examine ensuite les amendements sur son texte n° 316 (2015-2016) pour la proposition de loi n° 281 (2015-2016), adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
Article 1er
L'amendement n° LOIS-1 est adopté.
Article 2
L'amendement n° LOIS-2 est adopté.
Article 6 bis AA
L'amendement n° LOIS-3 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE
Article 1er
Article additionnel après l'article 1er
L'amendement n° 20 précise que les services internes de la RATP ou de la SNCF ne sauraient faire l'objet d'une privatisation. Nous visons bien sûr les missions de sécurité...
Ce travail pose les vraies questions et s'inscrit dans la suite des travaux menés précédemment sur la sécurité. Ainsi, avec la proposition de loi de Mme Troendlé relative à la protection des mineurs, le rapport réalisé avec mon collègue François Pillet sur les polices territoriales, ou le débat demandé par Mme Assassi sur la police municipale en 2013, nous avons tranché plusieurs débats. La baisse de fréquentation de certaines lignes et leur coût pour les collectivités territoriales posent problème. Le ministre de l'Intérieur me reprochera de poser la même question que naguère avec l'amendement que j'ai déposé visant à transférer au président de l'intercommunalité les attributions lui permettant de réglementer la police des transports, quand l'intercommunalité est compétente en la matière : évidemment, puisque je n'ai pas reçu de réponse précise à la question de savoir quand la proposition de loi relative aux polices territoriales, votée par le Sénat en 2014 sera examinée.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 20.
Article 1er ter
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 26.
Elle émet un avis favorable à l'amendement n° 1 rectifié bis.
Article 2
La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 18, 2 rectifié bis, 21 et 37 ; et un avis favorable à l'amendement n° 31.
Article additionnel après l'article 2
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 27.
Article 3
La commission demandera au président du Sénat de prononcer l'irrecevabilité des amendements n° 22 et 32 rectifié au titre de l'article 41 de la Constitution.
Le sous-amendement n° 40 du Gouvernement devient sans objet.
Article 3 bis
La commission donne un avis défavorable aux amendements n° 3 rectifié et 33 rectifié.
Article additionnel après l'article 3 bis
La commission donne un avis défavorable à l'amendement n° 13.
Article 4
La commission s'en remettra à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 4 rectifié bis.
Article 4 bis
La commission émet un avis favorable aux amendements n° 5 rectifié bis et 16 rectifié.
Article additionnel après l'article 4 bis
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 29.
Article 5
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 6 rectifié bis.
Article 6
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 23.
Articles additionnels après l'article 6 bis AA
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 7 rectifié ter. Elle demandera au président du Sénat de prononcer l'irrecevabilité de l'amendement n° 28 au titre de l'article 41 de la Constitution.
Article 7
La commission demandera le retrait de l'amendement n° 8 rectifié et à défaut, y sera défavorable.
Article 8
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 14.
Article 8 bis
Article 9
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 25.
Elle émet un avis favorable aux amendements n° 9 rectifié, 30 et 10 rectifié bis.
Articles additionnels après l'article 9
La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 11 rectifié bis et 15.
Article 12
Article additionnel après l'article 13
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12 rectifié bis.
Article 14 (supprimé)
La commission demandera au président du Sénat de prononcer l'irrecevabilité de l'amendement n°34 rectifié au titre de l'article 41 de la Constitution.
À propos de l'amendement n° 15, M. Karoutchi dit que des mutuelles incitent à la faute en promettant de payer l'amende. Que faisons-nous contre cela ?
La sanction proposée par M. Karoutchi est disproportionnée ; cela devrait plutôt faire l'objet d'une contravention de 5ème classe.
La commission donne les avis suivants :
AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
AMENDEMENTS DE SÉANCE
Puis la commission examine ensuite les amendements sur son texte n° 296 (2015-2016) pour le projet de loi n° 222 (2015-2016) ratifiant l'ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d'actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées.
La commission a modifié le projet de loi en complétant son article unique, ce que le Gouvernement a accepté, comme il accepte ces deux nouveaux amendements. L'amendement n° 1 précise le périmètre des sociétés anonymes tenues au minimum de sept actionnaires et l'amendement n° 2 assure l'application à Wallis-et-Futuna.
La commission examine ensuite le rapport de M. Michel Mercier et le texte qu'elle propose sur la proposition de loi n° 280 (2015-2016) présentée par M. Philippe Bas et plusieurs de ses collègues tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste.
La proposition de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui a pour objet de renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste...
Un seul texte est aujourd'hui en discussion au Parlement sur la répression du terrorisme, celui-ci. Un projet de loi est en préparation : enfin ! Nous le réclamions depuis le début de l'année...
Au fil des années, un droit dérogatoire se construit pour lutter contre cette forme particulière de criminalité que constitue le terrorisme. Sous l'empire de l'état d'urgence, que le Gouvernement envisage de proroger une nouvelle fois, la menace n'a pas baissé d'intensité. Le comité de suivi créé par notre commission l'a vérifié auprès des services de lutte antiterroriste. Notre pays est visé tout particulièrement par les organisations terroristes : il faut leur montrer notre détermination à nous protéger et à la combattre, dans le respect de l'État de droit.
L'an dernier, plusieurs textes ont renforcé l'action administrative contre le terrorisme ; le volet judiciaire, lui, n'a pas fait l'objet de la même adaptation. La proposition de loi du président Philippe Bas a précisément cet objectif : dans la conduite de l'enquête, dans les incriminations, comme dans le régime d'application des peines, il était nécessaire de mieux armer le juge judiciaire.
Nous avons complété le travail des auteurs de la proposition de loi par de nombreuses auditions, auxquelles certains membres du comité de suivi ont participé. Notre objectif est que les procédures de droit commun, hors état d'urgence, soient efficaces.
L'enquête judiciaire est menée par le procureur ou par le juge d'instruction. Nous donnons aux magistrats les mêmes pouvoirs que ceux que nous avons prévus pour les services spécialisés de renseignement. Mieux vaut que certaines techniques soient utilisées par le juge judiciaire. Il me paraît plus souhaitable que la « sonorisation d'un lieu d'habitation », jolie formule, soit décidée par un magistrat, en l'occurrence le juge de la détention et des libertés quand l'enquête est menée par le parquet. Dans le domaine de la police administrative à vocation préventive, le juge administratif contrôle a posteriori l'usage des mesures de police et l'action de l'autorité administrative, créant une jurisprudence et donc un encadrement. A contrario, dans le domaine judiciaire, l'autorisation d'agir est préalable. Toute utilisation d'une technique d'enquête doit être préalablement décidée par un magistrat, ce qui constitue une différence importante.
Nous avons réfléchi à l'amélioration de la procédure d'enquête afin de supprimer toute interruption de ce processus : entre l'enquête de flagrance ou préliminaire et la suite de la procédure avec la saisine des magistrats instructeurs, il peut exister un vide puisque tous les actes d'enquête autorisés par le procureur doivent être clos, à charge pour le juge d'instruction de les autoriser, le cas échéant, à nouveau. Cet intervalle peut occasionner des interruptions dans les mesures d'enquête et être mis à profit par les personnes poursuivies les plus averties. Avec un amendement que je vous présenterai, les décisions du procureur pourront continuer à s'appliquer pendant quarante-huit heures après la saisine du juge d'instruction.
La proposition de loi crée de nouvelles infractions pénales pour coller à la réalité de l'action terroriste, par exemple en ce qui concerne la consultation habituelle de certains sites faisant l'apologie du terrorisme. Je tiens d'ailleurs à souligner, comme cela a été rappelé lors de nos auditions, que les nouvelles technologies jouent un rôle essentiel dans cette forme de criminalité : la règle de droit doit en conséquence lui être adaptée. Les attentats du Bataclan ont été planifiés et organisés depuis la Syrie. Il faut armer nos magistrats pour lutter contre ce phénomène : c'est pour cela, par exemple, que le texte crée une incrimination pour les personnes qui séjournent sur place dans le but d'entrer en contact avec les organisations terroristes.
La procédure relative à l'application des peines doit également bénéficier d'une base juridique spécifique : regroupement dans certains quartiers pénitentiaires des individus radicalisés, inscription au fichier des personnes recherchées, par exemple. De même, faut-il prévoir que la peine de contrainte pénale est applicable aux infractions terroristes ?
Raison de plus pour la supprimer s'agissant de ces infractions. Je le répète, ce texte arme le juge judiciaire, pour répondre aux demandes des magistrats que nous avons entendus. Certes, une décision du Conseil constitutionnel en 1999 a précisé le champ d'application de l'article 66 de la Constitution, mais le juge judiciaire doit jouer tout son rôle. En tout état de cause, quel que soit le domaine dans lequel se situe l'action de lutte antiterroriste, tout conflit est tranché par un juge, administratif ou judiciaire, c'est une garantie pour tous les citoyens.
Co-auteur de ce texte, je veux dire quelques mots de son contenu. Il y a deux cadres juridiques bien distincts : l'autorité administrative, lorsque l'état d'urgence est déclaré, est autorisée à prendre des mesures pour limiter la liberté d'aller et venir ou pour interdire des réunions publiques, autant de mesures qui me semblent être tout autant attentoires aux libertés publiques que les perquisitions ou les assignations à résidence. Ces mesures n'ont pas de lien direct avec l'enquête menée par le parquet national antiterroriste. La prorogation de l'état d'urgence n'en a pas plus. Cette proposition de loi ne traite pas de l'état d'urgence mais des pouvoirs du parquet, de la définition des crimes et délits liés au terrorisme et de l'exécution des peines.
Ce texte arrive à point nommé. À la fin de cette première période d'application de l'état d'urgence, il est opportun de vérifier quelles mesures sont susceptibles de faire défaut à la procédure de droit commun, précisément pour pouvoir sortir de l'état d'urgence. Je remercie le rapporteur pour cet énorme travail qui a visé à identifier tous les moyens de lutter contre le terrorisme hors période d'exception. Nos interlocuteurs ont été convergents sur les outils qui font défaut à notre législation. Le rapporteur a réussi à traduire ces demandes dans les amendements qu'il va nous présenter. Dans ces conditions, je m'interroge sur l'utilité de la révision constitutionnelle envisagée par le Gouvernement.
Il faut intervenir avec parcimonie dans le domaine pénal. Certaines faiblesses sont apparues, corrigeons-les afin qu'elles ne deviennent pas fatales. Les vingt-quatre articles de la proposition de loi sont issus des auditions de magistrats, fort productives. Il faut en effet sortir de l'état d'urgence. Du reste, même sous ce régime exceptionnel, l'institution judiciaire est démunie pour traiter de certaines situations. Ce travail mené par la commission doit être accepté par le Gouvernement. Hier soir, celui-ci nous a présenté un projet de loi... que nous avions adopté comme proposition de loi de Mme Troendlé il y a déjà plusieurs mois ! Par pitié, cessons de perdre ainsi un temps précieux.
Ce texte est uniquement répressif, et nous plonge dans un monde orwellien de contrôle absolu. Qu'apporte la proposition de loi ? Les actes terroristes s'amplifient, se multiplient, quels que soient les textes législatifs que nous adoptions. Des lois ne peuvent régler un problème si complexe... Mon groupe a toujours été hostile à de telles mesures d'exception. Mais peut-être faut-il voir là une monnaie d'échange entre l'exécutif et la majorité sénatoriale, pour faire accepter par celle-ci la réforme constitutionnelle ?
Ajoutez un article disant : « Il est interdit de parler » !
Un article donne au procureur la possibilité de recevoir des données au moyen d'un IMSI catcher, lesquelles seront ensuite exploitées par les services de renseignement. Nous allons encore plus fort dans l'atteinte à la vie privée !
J'ai participé aux travaux du comité de suivi de l'état d'urgence : nous avons demandé aux magistrats quels outils leur manquaient, et les articles qui y pourvoient sont utiles. Mais nous assistons aussi à une course à la mer. L'état d'urgence vient après la loi sur le renseignement : tout pouvoir a été donné au juge administratif. On veut dès lors rétablir l'équilibre au profit du juge judiciaire... au détriment de principes auxquels nous sommes attachés. D'autant qu'il ne suffit pas, Mme Benbassa a raison, de voter des textes répressifs pour arrêter les terroristes. Mon groupe fera le tri entre les dispositions utiles - l'intervention du juge des libertés est positive, par exemple - et les pouvoirs accrus du parquet.
Je ne partage pas toutes les orientations de ce texte, largement marqué par le tout répressif. Je rejoins les propos de M. Mézard. Dans les auditions, la place du juge des libertés et de la détention est constamment revenue, évoquée par tous nos interlocuteurs. Il a fallu en tenir compte. Quant à l'éradication de Daesh et la lutte contre le terrorisme, tout reste à faire, malgré la pléthore de textes.
Sur le fond, cette proposition de loi nous inquiète. Renforcer les pouvoirs de la justice, soit, mais certaines mesures - rétention de sûreté, allongement de la détention provisoire à trois ans, y compris pour les mineurs - posent vraiment problème. Le Gouvernement n'aura bientôt plus besoin d'instaurer l'état d'urgence : celui-ci sera devenu le droit commun ! Nous voterons contre, mais présenterons des amendements. Et cessons l'hypocrisie : beaucoup d'entre nous ne voteront pas la révision constitutionnelle.
Laquelle ? Le texte du projet de loi constitutionnelle a changé ce matin...
Je m'étonne de ce nouveau texte. Le terrorisme - Action directe en 1987, attentats dans le RER dans les années quatre-vingt-dix - n'est pas, lui, un phénomène récent. Cette proposition de loi est-elle un message aux terroristes ? Ou à l'opinion publique ? Les terroristes seront-ils impressionnés par la déchéance de nationalité ?
Le traitement du terrorisme par ces seules mesures me semble léger. Il faut se préoccuper de la dimension sociale. Ah non, interdit le Premier ministre, expliquer, ce serait excuser !
Toute comparaison historique est délicate. Cependant souvenons-nous de Clemenceau qui, face à l'explosion de la criminalité dans les années 1910, a entièrement réorganisé la police, pour la moderniser. Un peu moins de lois, un peu plus d'action et de moyens. Le Président de la République demandait au lendemain des attentats que le pacte de sécurité l'emporte sur le pacte de stabilité... mais M. Macron n'est pas d'avis d'augmenter les budgets.
Il y a des dispositions à prendre, par exemple pour éviter des interruptions de procédure qui obligent à recommencer le travail à zéro.
Compte tenu des revirements du Gouvernement, il n'était pas inutile que le Sénat se mobilise : à la place de nos collègues de la majorité sénatoriale, j'aurais fait de même. M. Urvoas devient aujourd'hui garde des sceaux, cela devrait favoriser les discussions.
Oui, si l'on arrête l'hypocrisie, on peut discuter. La question de la révision ou non de la Constitution est subsidiaire. La répression des infractions est une préoccupation de nos concitoyens. Revisiter les moyens du juge judiciaire est intéressant. Il n'est pas exclu de trouver une majorité pour voter de façon pluriannuelle les moyens de la justice...
Lorsque la République est attaquée, elle doit se protéger... sans remettre en cause l'État de droit. Le contrôle de l'autorité judiciaire est fondamental. Il faut s'adapter aux actes terroristes tels qu'ils sont aujourd'hui, organisés de l'étranger, faisant appel à des « soldats » qui attaquent leur propre pays. Identifier les candidats au djihad est crucial mais compliqué, il y faut des moyens nouveaux, dans le respect des règles de droit. Nous aurons un débat avec le ministre de la justice, qui reviendra avec un texte. Ce pré-débat sera précieux. Nous devons prendre en considération la place du juge des libertés et de la détention - souvenez-vous de notre débat sur ce sujet lors de l'examen du projet de loi organique relatif à l'indépendance de la magistrature. Autre question importante : comment, durant l'incarcération, travailler à éviter une future récidive ? Ce texte répond-il complètement à ces préoccupations ? Je n'en suis pas certain. Des infractions nouvelles sont-elles nécessaires ? Elles compliquent le travail des magistrats. Nous y reviendrons à l'article 10. Malgré les difficultés, la démocratie doit se défendre contre ceux qui veulent la détruire.
Il est piquant que des parlementaires préfèrent l'initiative gouvernementale à l'initiative parlementaire...
Le juge judiciaire, gardien des libertés, doit avoir les moyens de poursuivre les terroristes et de les condamner. Ce n'est pas faire entrer l'état d'urgence dans le droit commun ! Le juge administratif contrôle et parfois suspend une assignation à résidence, on l'a vu récemment. Le juge judiciaire ne contrôle pas a posteriori, il autorise a priori. Nous ne sommes pas dans un monde orwellien ! Dans la loi sur le renseignement, nous avons encadré l'utilisation des techniques de surveillance, dont certaines étaient mises en oeuvre depuis fort longtemps sans fondement légal, c'est ce qui nous distingue d'un monde orwellien. Nous avons la chance d'avoir des magistrats remarquables qui aiment leur travail et le font bien.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Articles additionnels avant l'article 1er
Les amendements COM-8 et COM-9 ont un rapport très lointain avec la proposition de loi... Retrait, ou avis défavorable.
Je les maintiens. Ils n'ont pas moins de rapport avec le texte que d'autres. Ils posent deux problèmes fondamentaux. Récemment, la famille d'un terroriste s'est portée partie civile.
Les amendements COM-8 et COM-9 ne sont pas adoptés.
Article 1er
Les juges judiciaires ont réclamé des outils pour lutter contre le terrorisme. L'enquête ne doit pas s'interrompre lorsque le procureur passe la main au juge d'instruction. Aussi l'amendement COM-10 prolonge-t-il de 48 heures la durée de validité des décisions du procureur une fois le juge d'instruction saisi.
J'approuve cet amendement, qui montre l'importance d'un peu de réflexion pour l'amélioration de nos textes.
Il y avait eu « un peu de réflexion » déjà auparavant, cher collègue. Parlez plutôt de réflexion supplémentaire.
L'amendement COM-10 est adopté.
Article 2
L'amendement COM-11 est un amendement de précision à cet article 2 qui autorise les perquisitions de nuit dans les lieux à usage d'habitation dans le cadre des enquêtes préliminaires en matière de lutte contre le terrorisme.
L'amendement COM-11 est adopté.
Article 3
L'amendement de précision juridique COM-12 est adopté.
Article 5
L'amendement COM-13 permet au juge d'instruction d'utiliser l'IMSI catcher. Là encore, il s'agit de lui donner des outils : on ne peut lui demander de faire toute la lumière en ne mettant à sa disposition que des boîtes d'allumettes !
L'amendement COM-13 est adopté.
Article 6
Mon amendement COM-14 simplifie le texte et impose au juge des libertés et de la détention une ordonnance motivée pour autoriser les opérations de sonorisation.
Je vote pour.
L'amendement COM-14 est adopté, ainsi que l'amendement de précision juridique COM-15.
Quelle est la position du rapporteur sur l'article 7 ? Pourquoi les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) ne peuvent-elles pas continuer à exercer cette mission ?
C'est une question de bonne administration de la justice. Il faut un suivi centralisé à Paris ; en revanche, les juridictions de droit commun continueront de traiter des infractions les moins graves.
Il y a un problème de moyens. La cybercriminalité est un océan. Centraliser la lutte contre ce fléau a des implications considérables.
Cela concerne uniquement les affaires de cybercriminalité les plus graves.
Article 8
L'amendement de précision COM-16 est adopté.
Article additionnel avant l'article 10
Les amendements n° COM-6 et COM-7 seront partiellement satisfaits par l'amendement que je présenterai à l'article 11. Retrait.
Les amendements COM-6 et COM-7 ne sont pas adoptés.
Article 10
L'amendement de précision n° COM-17 est adopté.
Pourquoi la création d'un nouveau délit ? Il existe déjà une sanction. Le problème est de réunir les moyens pour détecter la consultation régulière de sites faisant l'apologie du terrorisme. L'augmentation du quantum ne changera rien.
L'augmentation du quantum concerne le délit d'entrave au blocage.
L'amendement COM-17 est adopté.
Article 11
Les auditions ont attiré notre attention sur l'écrasement des peines : en effet le tribunal correctionnel ne peut condamner au-delà de dix ans d'emprisonnement, ce qui ne permet pas de différencier finement la peine en fonction de la gravité des faits... La proposition de loi proposait de criminaliser l'infraction d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Or une cour d'assises mobilise sept magistrats professionnels. Comment criminaliser davantage sans paralyser la cour d'assises spéciale de Paris ?
L'amendement COM-18 permet de criminaliser seulement une partie des comportements qui relèvent de l'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, en prévoyant la création d'une circonstance aggravante. Par ailleurs, cet amendement étend la possibilité pour la cour d'assises d'assortir ses condamnations d'une période de sûreté, qui pourrait être « incompressible » pour les condamnations à la perpétuité.
Cela ne pose-t-il pas un problème d'échelle des peines ? Ne craignez-vous pas de surcharger gravement la cour d'assises spécialisée ?
Oui. C'est pourquoi nous créons la circonstance aggravante, qui évite de criminaliser toutes les associations de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Si nous ne modifions pas le code pénal, il y a cependant un problème car alors la peine maximale encourue est de dix ans. Oui, il y a un problème de moyens. Ceux-ci ont été renforcés par la ministre mais, pour l'heure, les postes créés ne sont pas pourvus... Quant à l'échelle des peines, le terrorisme n'est pas un crime comme les autres, il est normal de lui appliquer des règles spécifiques !
Sur l'échelle des peines, le code pénal est souvent ubuesque. Cela mérite un travail global sur le code.
Aussi avons-nous renoncé à prévoir une peine de quinze ans pour l'infraction.
L'amendement COM-18 est adopté.
Article additionnel après l'article 11
Nous proposons de supprimer la rétention et la surveillance de sûreté prévues par la proposition de loi, pour instituer la « perpétuité réelle » et permettre aux juridictions de jugement, avec cet amendement COM-19, de prononcer le suivi socio-judiciaire pour les personnes condamnées pour terrorisme.
Où est l'article 11 bis ? Ces mesures ne seront pas dissuasives. Mieux vaut protéger nos concitoyens par des mesures de rétention et un suivi socio-judiciaire. Pourquoi, dès lors, le verbe « peuvent » ? Cela doit être automatique, et les intéressés peuvent toujours faire une demande pour que les mesures soient levées.
L'amendement COM-19 deviendra l'article 11 bis si nous l'adoptons. Quant au verbe « peuvent », il répond à un principe aussi fondamental que la présomption d'innocence : l'individualisation des peines. Toute autre solution serait contraire à la Constitution.
L'amendement COM-19 est adopté et devient article additionnel.
Article 12
L'amendement de précision COM-20 est adopté.
Il lève des ambiguïtés, ou pour le dire comme M. David Bénichou, juge d'instruction au pôle antiterroriste que nous avons auditionné, il comble des « angles morts ». Mme Laurence Le Vert partageait cette analyse. Par ailleurs, il s'agit d'une mesure alternative à la proposition du Gouvernement d'instaurer un régime de droit commun d'assignation à résidence pour les personnes de retour de la zone syro-irakienne.
Article 13
L'amendement de coordination COM-21 est adopté.
Article 14
L'amendement de coordination COM-22 est adopté.
Article 15
Il n'y a aucune peine complémentaire automatique. Cela serait anticonstitutionnel. Simplement, le juge devra se prononcer sur la peine complémentaire. Retrait, ou avis défavorable.
Cette discussion est difficile. Si le législateur écrit que le juge doit se prononcer sur la peine complémentaire, cela signifie qu'il doit prononcer une peine, ou se justifier de ne pas en prononcer. Cela oriente forcément la décision du juge. Cette mode est fâcheuse, car elle peut aboutir à une automaticité de la peine. Gardons-nous de telles dispositions !
Le texte n'impose rien, mais il enferme le juge dans une forme d'obligation. Acceptons-nous que celui-ci ait un vrai pouvoir ?
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
Article 16
L'article 16 de la proposition de loi modifie le régime de la détention provisoire pour les mineurs. L'amendement COM-23 limite aux seuls mineurs d'un âge compris entre 16 et 18 ans, qui sont les plus concernés parmi les mineurs visés par une information judiciaire en matière de terrorisme, l'augmentation de la durée de cette détention provisoire pour l'instruction des crimes terroristes.
Réfléchissons : allonger la détention provisoire pour les mineurs pose problème. Est-ce compatible avec la convention internationale des droits de l'enfant ? Prudence.
L'ordonnance du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante doit être révisée.
Seize mineurs font actuellement l'objet d'une mise en examen pour des infractions à caractère terroriste. Quatre d'entre eux sont placés en détention provisoire. Sur ces seize mineurs, douze étaient âgés de plus de seize ans au moment des faits. Par ailleurs, sur ces seize mises en examen, deux concernent des faits de nature criminelle. Les durées de détention provisoire actuellement applicables aux mineurs ne sont pas de nature à permettre une instruction sereine des affaires, qui présentent une certaine complexité.
Quatre terroristes peuvent tuer 130 personnes.
L'amendement COM-23 est adopté. L'amendement COM-2 devient sans objet.
Article 17
L'amendement de coordination COM-24 est adopté.
Nous avons travaillé, dans le cadre de la commission d'enquête sur la lutte contre les réseaux djihadistes, sur les unités pénitentiaires regroupant les personnes radicalisées. M. Reichardt ne me contredira pas. Le comportement de certains détenus est susceptible de créer de graves désordres dans les établissements pénitentiaires. Nous avons préconisé la création d'unités ne regroupant pas plus de dix personnes, avec un encellulement individuel. Mais une telle problématique relève-t-elle de la loi ? Ce sujet est complexe.
En tout état de cause, nous proposons, a minima, que l'affectation dans ces unités relève d'une décision du chef d'établissement et ne soit pas automatique.
La contamination des idées radicales au sein des établissements pénitentiaires plaide pour le maintien du caractère automatique. Mais, l'amendement que vous proposez permet au texte d'être équilibré et de respecter la liberté d'appréciation du chef d'établissement. La décision du chef d'établissement dépendra du comportement de la personne concernée.
Certes, mais le mot « contamination » me gêne. Parlons plutôt d'embrigadement. Les mots comptent.
Le dispositif de l'article 17 relève parfaitement du domaine de la loi car il s'applique au régime de la détention, ainsi que l'avait précisé le Conseil constitutionnel dans sa décision sur la loi pénitentiaire. La décision d'affectation dans une unité dédiée peut d'ailleurs faire l'objet d'un recours devant la juridiction administrative. Il est bon de laisser aux directeurs d'établissement une marge d'appréciation... dans le cadre défini par la loi. Nous sommes parvenus à un bon équilibre. Avis favorable à l'amendement COM-3.
L'amendement COM-3 est adopté.
Article 18
Les amendements identiques de suppression COM-25 et COM-4 sont adoptés.
Article 19
L'amendement de coordination COM-26 est adopté.
L'amendement COM-27 règle le problème de l'application des peines. La juridiction d'application des peines peut s'opposer à la libération conditionnelle si l'ordre public est gravement menacé par la libération. Avis défavorable à l'amendement COM-5.
L'amendement COM-27 est adopté, ainsi que l'amendement COM-28.
L'amendement COM-5 n'est pas adopté.
Article 21
L'amendement COM-29 rend ce texte, pour ainsi dire, chimiquement pur, en le concentrant sur la lutte antiterroriste dans le domaine judiciaire.
L'amendement de suppression COM-29 est adopté.
Article 22
L'amendement de suppression COM-30 est adopté.
Article 23
L'amendement rédactionnel COM-31 est adopté.
Les modalités d'organisation des fouilles dans les établissements pénitentiaires depuis l'entrée en vigueur de la loi pénitentiaire de 2009 empêche de lutter contre l'introduction de produits stupéfiants et de téléphones mobiles. Or pour lutter contre le terrorisme, il faut plus d'imams et moins d'iphones dans nos prisons ! Qu'en pense notre rapporteur ?
Elle interdit simplement les fouilles systématiques. Je connais bien ce sujet, et je sais que le métier d'agent pénitentiaire est difficile. Certains appareils peuvent se substituer aux fouilles, mais ils coûtent cher. Lorsque j'ordonnais des fouilles, on trouvait de très nombreux téléphones... parfois jusqu'à 150 ou 200 !
Ces sujets touchent aux libertés individuelles. Vous avez bien fait d'entendre, sur ce texte, les magistrats, et de leur demander les outils dont ils avaient besoin. Cela me rassure et j'approuve la méthode : je voterai ce texte.
Oui, l'initiative parlementaire est importante. La réforme constitutionnelle pourrait aboutir bientôt. Comme le Gouvernement va déposer un texte qui va dans le même sens que le vôtre, nous nous abstiendrons.
La commission adopte le texte de la proposition de loi dans la rédaction issue de ses travaux.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Puis la commission examine le rapport de Mme Catherine Di Folco et le texte qu'elle propose sur la proposition de loi n° 284 (2015-2016) présentée par M. Jean-Pierre Sueur visant à permettre l'application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation.
Ce sujet sera plus léger ! Le droit individuel à la formation (DIF) pour les élus locaux, adopté dans la loi du 31 mars 2015, est constitué à raison de vingt heures par an et est financé par une cotisation obligatoire assise sur les indemnités de fonction. Il bénéficie à tous les élus, qu'ils perçoivent ou non des indemnités et soient donc appelés ou non à cotiser pour le DIF. Sa mise en oeuvre relève de l'initiative de chaque intéressé, dans la perspective de son mandat ou pour préparer sa reconversion. Le décret en Conseil d'État prévu par la loi du 31 mars pour en fixer les modalités n'a pas encore été publié. Il est apparu nécessaire, pour déterminer l'organisme collecteur de la cotisation, de recourir à la loi pour conforter la compétence règlementaire.
Le nouveau dispositif, entré en vigueur le 1er janvier, concerne 550 000 élus locaux, pour 14 millions d'euros collectés sur les 190 000 conseillers percevant une indemnité de fonction. C'est la CDC qui gèrera les fonds et instruira les demandes - sans se prononcer sur le fond ou l'opportunité de la formation choisie. Le Comité des finances locales sera informé chaque année de la gestion du fonds. La demande de formation devra être introduite avant expiration du mandat, mais il me semble nécessaire de permettre que la formation elle-même puisse être effectuée après puisque les droits sont constitués jusqu'à l'expiration du mandat. Le coût des formations prises en charge devrait être plafonné.
Deux de mes amendements sont de précision. Je vous propose de compléter ce texte pour reprendre l'article 115 de la loi de finances rectificative, concernant le régime indemnitaire des présidents et vice-présidents de syndicat, qui a été censuré par le Conseil constitutionnel car il constituait un cavalier budgétaire. Il visait à reporter l'entrée en vigueur de la réforme opérée par la loi NOTRe. Le Gouvernement a déposé un amendement reportant au 9 août 2017 l'application de ces dispositions. Du coup, je retire mon amendement n° COM-3 qui reprenait le texte de l'article 115, lequel fixait le report au 1er janvier 2017. J'ai demandé au Gouvernement de repousser l'application de ces dispositions jusqu'à la fin des mandats municipaux en cours. Il ne l'a pas souhaité, estimant qu'il est nécessaire que ce texte soit voté à l'unanimité dans les deux chambres afin d'entrer rapidement en application. Je comprends cet argument, mais interpellerai la ministre en séance sur ce point.
Il faut changer en conséquence le titre de cette proposition de loi. Le Gouvernement propose un titre plus resserré que le mien. J'y suis favorable et retire donc l'amendement n° COM-6.
Bravo pour ce rapport, que je vous remercie d'avoir rédigé dans un état d'esprit proche de celui que j'avais en présentant ce texte. Il y a une contrainte de temps : la mesure instituant le DIF ayant pris effet le 1er janvier, il faut mettre en place l'organisme qui la gèrera. Sur le titre, nous devons effectivement nous garder de susciter par une formulation maladroite des amendements inutiles. Il serait mieux, enfin, d'aller jusqu'à la fin des mandats actuels avant de mettre en application la réforme des régimes indemnitaires des syndicats. Mais nous ne pouvons imposer une telle mesure du fait de son irrecevabilité financière au titre de l'article 40 de la Constitution.
Les indemnités des élus locaux ayant baissé, en termes réels, depuis 2002, leur faire financer leur formation et leur reconversion ne manque pas d'air ! Est-ce cela, votre nouveau statut de l'élu ? Je ne voterai certes pas ce texte.
Le DIF aidera à la reconversion. Tous les élus locaux en bénéficieront.
Si un élu respecte la limite de vingt heures, la CDC sera-t-elle obligée de lui accorder sa demande de formation ?
Les 14 millions d'euros prélevés ne seront peut-être pas utilisés. Mais le plafonnement du coût des formations ne va-t-il pas bloquer certaines demandes ? Quand les élus pourront-ils commencer à déposer des dossiers ?
Notre groupe attend cette proposition de loi. Il faut un report de la réforme des régimes indemnitaires des syndicats jusqu'à la fin de l'actuelle mandature municipale. L'article 40 nous contraint, mais nous pouvons insister auprès de la ministre.
L'opération doit être faite en deux temps. Gare à la tentation électoraliste ! Les Républicains ont une proposition de loi toute prête sur le sujet. Que Mme Di Folco ait le bénéfice politique de ce texte et donnons acte aussi à la ministre de ce qu'elle a fait. Comme on devient écrivain par les mots qu'on refuse, soyons commissaires aux lois par les tentations électoralistes que nous nous interdirons.
L'instauration d'un plafond de la prise en charge des formations a été évoquée par les représentants de la Caisse des dépôts et consignations que j'ai rencontrés, dans le souci d'éviter que quelques élus consomment tous les crédits disponibles du fonds !
Le Fonds sera alimenté par les cotisations à partir de septembre prochain. Et il faut un an pour accumuler 20 heures de droits à formation.
Les informations pratiques viendront en leur temps.
L'amendement n°5 rectifié, de clarification, est adopté. Il en va de même de l'amendement n°4 rectifié.
L'amendement n°3 est retiré.
L'amendement n°1 est adopté.
L'amendement n°6 est retiré.
L'amendement n°2 est adopté.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Il nous reste un texte à examiner. Il ne peut être abordé à la sauvette. Je vous propose donc de nous réunir ce soir à 20 heures pour en traiter.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion est suspendue à 13 h 35
La réunion est reprise à 19 h 36