Séance en hémicycle du 3 juillet 2013 à 22h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt-deux heures vingt-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je rappelle que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a proposé deux candidatures pour le Conseil national des professions du spectacle.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame Mme Maryvonne Blondin comme membre titulaire et M. Alex Türk comme membre suppléant du Conseil national des professions du spectacle.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Nous reprenons la discussion du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature et du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l’action publique.

Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Jean-Pierre Vial.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Vial

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, ces deux projets de loi relèvent d’une même ambition : l’indépendance de la justice.

C’est l’article 1er du projet de loi ordinaire qui, en mettant fin aux instructions individuelles, concentre l’essentiel de nos critiques, les articles 2 et 3 étant plus secondaires.

En vérité, au motif de favoriser l’indépendance de la justice, ces nouvelles dispositions vont plutôt fragiliser et opacifier son fonctionnement.

Certes, ce projet de loi va permettre au Gouvernement d’endosser, une fois de plus, ses habits de chevalier blanc, arguant de ce que peut représenter le symbole de la fin des instructions individuelles qu’introduit l’article 1er. Je rappellerai simplement que c’est la précédente majorité qui avait exigé que les instructions particulières soient écrites et puissent figurer dans le dossier, afin qu’elles soient connues de tous les acteurs du dossier, en particulier de la défense. Cette sage décision était nécessaire, car elle a mis fin à une hypocrisie et surtout à une situation profondément inégalitaire pour les droits de la défense.

Je rappellerai également que les instructions générales du ministre de la justice, bien qu’elles aient toujours existé, n’ont été consacrées dans le code de procédure pénale qu’en 2004.

Ces précisions s’imposaient. Elles témoignent du fait que notre formation politique a toujours souhaité rationaliser l’utilisation de ces instructions écrites. Toutefois, en aucun cas, nous ne pouvons admettre la disparition pure et simple de ces instructions individuelles qu’introduit l’article 1er de ce projet de loi.

Dans le même esprit, la précédente majorité avait adopté la loi du 5 mars 2007 tendant à renforcer l’équilibre de la procédure pénale, ce qui a permis de considérablement renforcer les prérogatives et, donc, l’autonomie du parquet.

Vous me demanderez : pourquoi cette ténacité à vouloir préserver les instructions individuelles ? C’est que non seulement la fin des instructions individuelles écrites risque de signer le grand retour des instructions individuelles, mais orales cette fois, et, surtout, de remettre en cause l’équilibre de l’organisation pénale caractéristique de notre système judiciaire. Car votre projet de loi, madame la ministre, et cet article 1er en particulier, touche à l’ordre judiciaire français ou feint de le méconnaître.

L’ironie de l’histoire, c’est que cet ordre judiciaire français est un héritage qui s’inspire davantage d’une tradition jacobine très centralisatrice que de la version libérale qui nous est aujourd’hui proposée, pour ne pas dire imposée. Avouez que la contradiction est étrange !

La singularité de notre ordre judiciaire est posée dès le premier alinéa de l’article 64 de la Constitution, qui précise : « Le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. » En d’autres termes, l’autorité judiciaire exerce la compétence qu’elle tient de la Constitution au sein de l’État, et non à côté de celui-ci. C’est sans doute élémentaire, mais encore faut-il le rappeler.

On peut se référer, en cette période d’examens, à Thomas Hobbes, Norbert Elias ou Max Weber, qui évoquent tous le monopole de la violence légitime ou la monopolisation de la contrainte. Oui, en démocratie, les institutions qui mettent en œuvre la contrainte doivent immanquablement être rattachées par une forme ou par une autre à l’État, même si celui-ci délègue. Cette exigence concerne l’exécution des peines, mais aussi la définition d’une politique pénale et les moyens que l’État compte mettre en place pour que sa politique, seule légitime, trouve à s’appliquer avec cohérence.

Or, dans le cas qui nous intéresse, l’État, c’est la Chancellerie, c’est le garde des sceaux. C’est pour cette raison que le Gouvernement est, dans notre pays, le seul responsable de la politique pénale, conformément à l’article 20 de la Constitution, qui dispose : « Le Gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation. » Cette affirmation nécessite donc que le garde des sceaux soit placé au sommet de la hiérarchie du ministère public.

Comme le rappelle à juste titre Jean-Pierre Michel dans son rapport, le Comité des ministres, dans sa recommandation du 6 octobre 2000, a rappelé aux États membres du Conseil de l’Europe que l’organisation hiérarchisée doit être privilégiée pour « favoriser l’équité, la cohérence et l’efficacité de l’action du ministère public ».

Cette hiérarchisation est d’ailleurs, comme l’énonce ce rapport, particulièrement adaptée à un système procédural comme le nôtre, qui confie au ministère public la faculté de décider de l’opportunité des poursuites.

Les instructions, y compris individuelles, ne sont donc qu’une des manifestations de cette organisation hiérarchisée et la marque du lien indissociable entre l’ordre judiciaire et l’État.

L’inadéquation de votre réforme avec notre ordre judiciaire est d’autant plus criante que notre système judiciaire est basé sur l’opportunité des poursuites. Il n’est donc pas fait pour ce système sans instructions. Ainsi, en cas de carence, le garde des sceaux ne pourra pas enjoindre de poursuivre.

Par ailleurs, notre ordre judiciaire laisse une grande latitude aux magistrats du parquet, conformément à l’adage selon lequel « la plume est serve mais la parole est libre ». Si la Chancellerie est libre de donner des instructions écrites, les magistrats sont libres de présenter à l’audience les observations orales qu’ils croient « convenables au bien de la justice », comme le précise l’article 33 du code de procédure pénale, c’est-à-dire, en bref, à l’intérêt général.

Pour ces raisons – et il s’agit sans doute là d’un point de désaccord majeur –, nous ne faisons pas de la non-intervention de la Chancellerie dans les affaires individuelles le baromètre de la bonne santé de la justice, et notamment de son indépendance.

En effet, si l’on veut véritablement œuvrer pour l’indépendance de la justice, en particulier pour celle du parquet, c’est non aux instructions particulières qu’il faut s’en prendre, c’est à l’inflation législative ou au manque de moyens qu’il faut remédier. En effet, c’est lorsque les procureurs sont face à ces deux problèmes structurels qu’ils ont recours aux instructions individuelles.

Si les procureurs ambitionnent légitimement de ne pas faire l’objet d’instructions, ils sont aussi, dans des cas tout à fait particuliers, demandeurs de ces interventions. Vous en conviendrez, madame le garde des sceaux, les procureurs généraux n’ont jamais demandé une telle loi.

Vous partez d’un postulat facile à manier, et de nature à émouvoir : les interventions de la Chancellerie seraient de nature politique, au sens « politicien » du terme. Or l’expérience montre qu’elles sont de nature technique et politique, au sens de la doctrine de l’État. C’est d’ailleurs pour cette raison que les cas d’instructions individuelles sont extrêmement rares : on en dénombre tout au plus une grosse dizaine dans l’année.

Il est donc inutile de crier au loup pour ce qui relève du symbole, dès lors que les instructions servent, avant toute chose, à faire respecter la volonté du législateur et le droit le plus strict des victimes.

Votre projet aura des conséquences graves en termes d’application de la loi.

Si, dans plus de 99 % des cas, les instructions générales suffisent à assurer l’uniformité et la cohérence, dans une infime minorité d’entre eux, les instructions individuelles sont nécessaires, et même indispensables, pour poser ou rappeler la position de l’État.

Peut-être, convient-il, madame le garde des sceaux, d’évoquer simplement le contexte concret, afin que ce débat ne se perde pas dans des abstractions en décalage avec la réalité de l’enjeu dont nous débattons.

À cet égard, il importe de rappeler les trois principes de l’instruction individuelle.

Tout d’abord, l’instruction a un caractère positif : elle ne doit pas demander de ne pas agir, mais d’agir.

Ensuite, l’instruction doit être écrite, ce qui lui confère son caractère officiel.

Enfin, cette instruction doit être jointe au dossier.

Certes, en dehors des instructions individuelles, le garde des sceaux conservera la possibilité d’agir par circulaire ou par instruction générale. Je dirai même qu’il ne disposera plus que des circulaires et des instructions générales.

Permettez-moi de citer quelques exemples pour illustrer notre débat.

Imaginons un grand procès, comme nous en avons connu quelques-uns, qui porte sur l’histoire, les crimes contre l’humanité, et qui suscite un large débat public sur les droits fondamentaux et le racisme ; ou bien un conflit social dans le nord de la France, qui entraîne des comportements sociaux et syndicaux aux conséquences préoccupantes sur la sécurité publique et la protection des personnes ; ou encore, au sud de notre pays, un conflit économique et social dans le domaine des transports menaçant de bloquer l’économie locale, voire régionale ; enfin, une décision de justice qui suscite l’incompréhension et l’émotion du pays tout entier.

Je pourrais citer bien d’autres exemples... Tous montrent que votre projet contraindra le procureur général à assumer seul la responsabilité du déclenchement de l’action publique.

Que direz-vous, à l’occasion de la présentation du rapport annuel de politique pénale, dès lors que la responsabilité de la chaîne hiérarchique en matière d’action publique aura relevé du procureur général, qui aura assumé cette responsabilité, et non plus du garde des sceaux duquel il tient cette autorité ?

Ce sera, dans le meilleur des cas, une duperie, lorsque la responsabilité de l’action publique sera reportée sur les procureurs généraux. Au pire, il s’agira d’un manque de cohérence entre des décisions prises par des parquets généraux distincts.

Votre projet de loi remet en cause la chaîne hiérarchique où le garde des sceaux joue le rôle fondamental, au moment même où la réforme du Conseil supérieur de la magistrature est débattue, et sans même que l’on connaisse le contenu de la loi organique qui en assurera l’application.

En un mot, vous demandez au Parlement de voter à l’aveugle, en même temps que vous privez le garde des sceaux de la responsabilité de la politique pénale dont il devrait rendre compte devant la représentation nationale.

Au nom d’une prétendue transparence, vous prenez le risque de réhabiliter les instructions orales qui seront, de fait, le seul moyen à disposition de la Chancellerie pour faire entamer des poursuites, pour aiguiller l’action du parquet ou, tout simplement, pour s’assurer de l’uniformité de l’application de la loi.

Votre projet de loi suscite ensuite une interrogation, qui apparaîtra nécessairement dans la pratique : quelle définition donnons-nous au terme « individuelles » ? Sera-t-il possible de donner des instructions dans le cas d’une affaire non pas individuelle, mais collective, concernant plusieurs personnes ?

Cet article 1er soulève, vous l’aurez compris, de nombreuses questions. Seule certitude : la fin de ces instructions individuelles créera un manque dans notre ordre judiciaire.

Vous appliquez à notre ordre judiciaire, fondé sur l’opportunité des poursuites, des réponses qui renvoient à d’autres ordres judiciaires. Il semble que les attributions du ministère public vous gênent. Vous préféreriez sans doute que la France dispose d’un système basé sur le principe de la légalité des poursuites. En conséquence de quoi, vous choisissez une formule ambivalente, certes fondée sur l’opportunité des poursuites, mais dans laquelle le ministère public souffrira d’un défaut de hiérarchisation.

Cette erreur d’appréciation sur la nature de notre ordre judiciaire constitue, à elle seule, une raison suffisante pour que nous ne votions pas ce texte.

Avec celui-ci, comme avec le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, vous témoignez, madame le garde des sceaux, de votre volonté constante de vous draper dans les attributs extérieurs de la probité, pour finalement mettre en place des dispositions corporatistes et dangereuses.

Pour notre part, nous voulons que vous conserviez vos attributions. Nous ne voulons pas faire de vous et de vos successeurs de simples directeurs d’administration centrale. Nous voulons un garde des sceaux garant de la politique pénale de notre pays.

C’est donc pour que le garde des sceaux reste le garde des sceaux que nous ne voterons pas le texte qui nous est soumis. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, notre assemblée examine deux textes majeurs qui confirment les engagements pris, le 18 janvier dernier, à l’occasion de la rentrée solennelle de la Cour de cassation, par le Président de la République, garant constitutionnel de l’indépendance de la justice.

Le Président de la République citait d’abord Montesquieu : « Tout serait perdu si le même homme, ou le même corps [...], exerçait ces trois pouvoirs : celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, et celui de juger les crimes ou les différends des particuliers. »

Et le Président d’ajouter : « Il n’y a pas de justice sans indépendance des juges. Il ne suffit pas d’être une femme ou un homme libre pour rendre la justice. Il faut apparaître comme tel aux yeux de tous. »

Tel est le sens de la réforme qui nous est proposée.

Je concentrerai mon propos sur le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature.

Mme la garde des sceaux et notre rapporteur nous ont présenté tout à la fois la philosophie et les enjeux de cette réforme, mais également son contenu technique.

Depuis son apparition, avec la loi du 30 août 1883, le Conseil supérieur de la magistrature n’a connu que de très rares réformes. La révision constitutionnelle importante de 1993 a mis fin au rôle exclusif de nomination du Président de la République. Celle de 2008 a mis fin à la présidence du CSM par le Président de la République.

Souvenons-nous de l’enterrement de la réforme de 1998-1999 ! Alors même que les conclusions de la commission ad hoc présidée par le premier président de la Cour de cassationd’alors, M. Pierre Truche, avaient été reprises dans un projetde loi constitutionnelle sur lequel les deux chambres, alors pourtant de couleurs politiquesdifférentes, étaient parvenues à un texte commun quiprévoyait un avis conforme pour les nominations de tous lesmagistrats du parquet, le président Chirac avait annulé laconvocation du Congrès prévue en janvier 2000.

La réforme de 2008, quant à elle, ne s’inscrivait pas tout à fait dans la logique de la réforme avortée de 1998 et n’en reprenait pas toutes les ambitions, même si notre assemblée et celui qui présidait à l’époque sa commission des lois s’étaient efforcés de lui en redonner quelques-unes.

Elle fut aussi accomplie dans une période où le pouvoir exécutif n’hésitait pas à exprimer sa défiance envers les magistrats, présentés non pas comme des acteurs de la justice, mais comme un obstacle à la défense des droits des victimes. Chacun garde en mémoire la phrase du président de la République d’alors comparant les magistrats à des « petits pois ayant la même couleur, le même gabarit et la même absence de saveur ».

La nomination, quelques années plus tard, de M. Michel Mercier comme garde des sceaux a certes détendu l’ambiance, mais nous n’en sommes jamais revenus à l’esprit de l’ambitieuse réforme de 1999.

L’indépendance de la justice est pourtant au cœur du pacte républicain.

Cette indépendance ne doit pas seulement être le fruit d’un comportement vertueux du pouvoir exécutif ; elle doit aussi bénéficier de garanties constitutionnelles. C’est à cette condition que le soupçon de collusion sera écarté et que la confiance en la justice sera maximale.

L’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales rappelle l’exigence de garantir le droit fondamental pour chaque citoyen de voir son cas jugé équitablement sur le seul fondement de l’application du droit. Cette même exigence fonde le principe selon lequel les magistrats doivent être indépendants.

L’essentiel de la réforme qui nous est soumise réside dans deux propositions majeures : d’une part, le renforcement des compétences du CSM, qui témoignera fortement de l’indépendance de la justice et offre des garanties constitutionnelles nouvelles en la matière ; d’autre part, le nouveau mode de désignation du CSM.

S’agissant du renforcement des compétences, la nomination des procureurs par le Gouvernement se fera désormais sur l’avis conforme du CSM. Cette disposition permettra de protéger leur indépendance.

Ainsi, les critiques qui avaient été émises sur le procureur Courroye – le bien nommé ! – n’auront plus lieu d’être. L’image de la justice et la confiance que les citoyens ont en elle se verront réhabilitées.

Cette indépendance de la justice, c’est d’abord en raison de l’étendue nouvelle des pouvoirs du CSM en matière de nomination qu’elle est garantie, avec la suppression de l’avis simple pour la nomination des parquetiers, mais aussi en matière disciplinaire, puisque ce sont les décisions, et non plus les propositions de résolution, qui seront rédigées par le CSM.

Avec ces nouvelles garanties sur les nominations des magistrats, et donc sur leurs carrières, les compétences disciplinaires à l’égard de ces mêmes magistrats, la fin des instructions individuelles, inscrite dans la loi, et la transparence des instructions générales, c’est l’ensemble des relations entre le pouvoir exécutif et les parquets qui sont revisitées. Cela permet d’offrir des garanties robustes pour l’indépendance de la justice, tout en affirmant la capacité d’orientation politique du garde des sceaux en matière pénale.

J’en viens à la composition du CSM.

La parité des membres entre les magistrats, d’une part, et les personnalités qualifiées dites « laïques », de l’autre, adoptée par nos collègues de l’Assemblée nationale, doit être saluée, car elle assure enfin une conformité du droit français avec celui de la plupart des pays européens, tout en maintenant un juste équilibre.

Robert Badinter disait, à l’occasion de la précédente réforme constitutionnelle du CSM, celle de 2008 : « Depuis des décennies, nous sommes à la recherche de formules permettant d’éviter deux écueils, le corporatisme et la politisation. La réponse tient en un mot : parité. Il convient d’assurer, au sein de chaque formation du Conseil supérieur de la magistrature, la parité entre magistrats et personnalités extérieures. »

Cette parité entre magistrats et personnalités extérieures sera d’ailleurs conjuguée à la parité homme-femme prévue au sein du collège des personnalités qualifiées, grâce à un amendement de notre collègue député Sergio Coronado.

Je saisis l’occasion qui m’est offerte pour saluer le travail de Jean-Pierre Michel, qui, au travers des propositions adoptées en commission, a essayé de réunir autour du mouvement de « décorporatisation », de dépolitisation et de renforcement des compétences du CSM, un consensus permettant de témoigner que la justice est rendue « au nom du peuple français ».

C’est également au nom du peuple français qu’il faut soutenir l’idée que le collège qui aura la responsabilité de la nomination des personnalités qualifiées, non magistrats, siégeant au CSM comporte des représentants du Président de la République, du président du Sénat et du président de l’Assemblée nationale.

Cependant, pour être validées, ces nominations devront être approuvées par trois cinquièmes des voix dans les commissions des lois des deux assemblées parlementaires. Cette proposition constitue une avancée significative, qui va beaucoup plus loin que le rôle qui a été dévolu aux commissions parlementaires à l’occasion des validations de nominations importantes par la réforme constitutionnelle de 2008. Jusqu’à présent en effet, pour une nomination, il fallait non pas réunir trois cinquièmes des voix, mais éviter de recueillir trois cinquièmes des voix contre. Pour le CSM, une exception sera faite, qui, je l’espère, sera suivie de beaucoup d’autres.

Cette avancée dans le rôle du Parlement pour la ratification de nomination est significative. Elle souligne l’exigence de qualité pour chaque personne proposée à une nomination au CSM. Le passage de chaque nomination de manière individuelle permet d’échapper à un partage des postes, issu d’un quelconque marchandage.

Certains ont souligné le risque de blocage que pourrait engendrer cette exigence d’une majorité des trois cinquièmes. Certes, ce risque existe en partie, mais il faut d'abord croire dans la maturité de nos institutions.

En outre, le rapporteur proposera un certain nombre de dispositions visant à éviter tout blocage éventuel dans les nominations, susceptible d’invalider la capacité d’un CSM incomplet à rendre des décisions.

L’indépendance de la justice est avant tout une valeur européenne. La Cour européenne des droits de l’homme a plusieurs fois signifié que les procureurs, trop dépendants du pouvoir exécutif, comme en France jusqu’à présent, ne pouvaient être considérés comme une autorité judiciaire. Le Conseil constitutionnel a ainsi émis récemment quelques réserves sur certaines capacités d'action des procureurs.

Disons-le clairement : si nous ne revoyons pas notre architecture juridique, nous nous trouverons un jour ou l’autre devant des contraintes juridiques qui bloqueront la capacité de la justice à enquêter et à prendre des décisions. Nous ne pouvons pas nous permettre d’entrer dans une telle impasse. Nous avons impérativement besoin de cette réforme. Il y va de l’autorité de l’État et de celle de la justice.

L’indépendance de la justice est aussi de plus en plus indispensable dans le monde moderne, où l’information circule à la vitesse de la lumière et où, face aux menaces qui se lèvent – le terrorisme met en péril la sécurité de chacun ; la délinquance financière attaque la viabilité des opérateurs économiques respectant les règles du jeu, remet en cause la souveraineté des États et attaque leur cohésion sociale –, il nous faut de nouveaux outils pour mener les investigations et les enquêtes qui s’imposent.

S’ils ne s’accompagnent pas du respect toujours accru de l’indépendance de la justice, ces nouveaux outils risquent rapidement de menacer les libertés et la démocratie et d’être le ferment de nouveaux totalitarismes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Le projet de loi relatif à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et le projet de loi organique relatif au procureur de la République financier sont indispensables, mes chers collègues. Cependant, notre rôle de protecteur des libertés individuelles et de vigie de la séparation des pouvoirs impose auparavant de voter les textes qui nous sont aujourd'hui présentés.

Je pense aussi à la discussion que nous avons eue voilà quelques mois sur le monopole du parquet, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi tendant à modifier l’article 689-11 du code de procédure pénale relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale, déposée par le président de la commission des lois.

Pour que le monopole du parquet soit acceptable, mais aussi pour que l’indépendance de notre justice soit évidente au point que les décisions qu’elle serait amenée à prendre ne pèsent pas sur notre diplomatie, il convient aujourd’hui d’adopter ce texte, qui constitue une garantie constitutionnelle claire de l’indépendance de la justice.

Sous l’apparence d’un projet de loi constitutionnelle technique, la réforme du Conseil supérieur de la magistrature s’inscrit au cœur même de notre pacte républicain et de l’équilibre de nos institutions.

L’indépendance de la justice n’est pas le seul outil pour réconcilier la justice avec les citoyens. L’accès aux droits, la lisibilité et la rapidité des procédures sont aussi des chantiers indispensables. Chacun doit avoir, en France, le sentiment que la justice est là pour le protéger. Sans cela, c'est la République qui se dérobe.

En revanche, l’indépendance de la justice et, à travers elle, les enjeux en termes de droit européen, de sécurité, de souveraineté, de démocratie, de droits de l’homme qu’elle porte, justifient aujourd’hui un débat au sein de la Haute Assemblée sans aucun a priori. Ce débat doit nous conduire ensemble à voter ce projet de loi constitutionnelle, après l’avoir enrichi grâce à nos réflexions, au premier rang desquelles celles du rapporteur, Jean-Pierre Michel, afin que le Parlement puisse aussi vite que possible se réunir en Congrès pour donner, avec cette réforme du CSM, les garanties d’indépendance de la justice qui sont aujourd’hui indispensables à notre pays.

Trouvons donc ensemble les voies du compromis. Il y va de la défense des valeurs républicaines. Pour les faire vivre, concilions-les avec les exigences du XXIe siècle. §

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai pris des notes pour répondre scrupuleusement aux différents orateurs qui se sont exprimés. Dans le cours de la discussion des articles, j'aurai l'occasion d’apporter des précisions, si j'ai oublié certaines questions.

Je tiens tout d’abord à vous remercier de la qualité de vos interventions et des arguments avancés. Le débat est à la hauteur de l'enjeu qui nous réunit, une réforme constitutionnelle, même si j'ai relevé quelques contradictions dont je vous ferai part ultérieurement. Je remercie également M. le président de la commission et M. le rapporteur pour leurs observations.

Monsieur le rapporteur, vous avez indiqué que cette réforme permettra que les membres du Conseil supérieur de la magistrature soient nommés pour leur compétence. Par cette disposition, nous tentons de faire disparaître la suspicion générale qui pèse sur les nominations par le pouvoir politique, même si celle-ci est à la fois – je l’entends bien – démesurée et injuste.

Toutefois, lorsqu'une défiance ou une interrogation générale se font jour dans la société, nous devons y répondre. Nous devons le faire même si elles ne sont pas fondées exclusivement sur des éléments objectifs, a fortiori lorsqu’il s'agit d'institutions, en particulier quand cela concerne l'institution judiciaire. Nous ne pouvons pas être indifférents aux interrogations et même à la défiance à l’égard, d'une part, du fonctionnement de cette instance et, d'autre part, de la magistrature en général. En effet, tout le monde le sait, les magistrats sont nommés soient directement par le CSM, soit par un avis du CSM.

Il est tout à votre honneur, monsieur Mercier, d’avoir respecté l’avis conforme du CSM, lorsque vous étiez garde des sceaux, comme au mien de le faire aussi aujourd'hui. C'est un engagement que nous avons pris.

D'une façon générale, tout le monde semble s’accorder sur l’idée de respecter l'avis conforme du CSM pour la nomination des magistrats du ministère public. Nous sommes dans un État de droit, une société stabilisée ; qui plus est, nous relevons du droit continental, c'est-à-dire que nous avons un droit écrit et codifié. Dans ces conditions, pourquoi ne pas inscrire le respect de cet avis conforme dans la Constitution plutôt que continuer à s'en remettre exclusivement au discernement des gardes des sceaux successifs ?

Certains se sont interrogés sur le bien-fondé de cette réforme, cinq ans après la révision constitutionnelle.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

En effet, monsieur Hyest, mais ce n'est pas moi qui ai fait traîner l’adoption de la loi organique ! De fait, cette réforme n’est en application que depuis deux ans, alors qu’elle a été votée voilà cinq ans, en 2008.

Comme je l'ai souligné au début de mon propos, de ce débat, je relève certaines contradictions que je vous propose d’explorer ensemble, avant de les expurger. Peut-être sont-elles le signe qu'il faut absolument développer des arguments pour ne pas voter cette réforme...

M. Michel Mercier s’exclame.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Livrons-nous alors à cet exercice solidaire, qui consiste à comprendre ensemble pourquoi, d'un côté, vous fustigez le corporatisme et le positionnement des magistrats, le fait qu'ils prennent de plus en plus la parole et s'autorisent à critiquer des lois…

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

… et, de l’autre, lorsque l'on propose de réformer l'instance qui les nomme, …

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

… afin de faire en sorte que cette instance apparaisse irréprochable, vous rétorquez que les choses sont très bien ainsi et qu’il ne faut pas y toucher.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Il est tout de même curieux d'entendre constamment ces mises en cause de la magistrature et cette suspicion.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

D’ailleurs, c'est dans l'air du temps depuis un certain nombre de semaines et de mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je n’ai pas dit un mot contre les magistrats !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je ne vous vise pas personnellement, monsieur Mercier !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Ce sont les propos que j'ai entendus à la tribune !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le compte rendu intégral publié au Journal officiel fera foi.

Dans les dix-huit mois qui ont précédé l'élection présidentielle, on a constaté un mouvement dans 50 % des cours d’appel.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Est-ce une réponse ?

Lorsque l'on observe les nominations de certaines personnes à certains moments, on peut également répondre : « C’est comme ça ! »

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Lorsque l'on voit un certain nombre de nominations, de positionnements ou de relations défrayer la chronique, on peut aussi se dire : « C’est comme ça ! »

Pour ma part, j'essaie de parler avec la plus grande prudence. Je le fais d’abord par respect pour la magistrature, parce que cette suspicion généralisée que nous observons dans la société, ...

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

... même si elle n'est pas fondée sur des éléments objectifs, comme je le soulignais tout à l’heure, nous ne pouvons l’ignorer.

Je le répète, cette suspicion généralisée non seulement est injuste, mais nuit à l'institution, donc à la crédibilité et à l'acceptation des jugements.

Certains d'entre vous ont critiqué le fait que très peu de saisines du CSM par les justiciables soient déclarées recevables et aboutissent. Or je vous ai communiqué un chiffre significatif : plus de 57 % des saisines concernent des contestations de décisions de justice. En d’autres termes, la défiance à l’égard de l'institution judiciaire est telle que, même lorsque l'on a été jugé deux fois, en première instance et en appel, on va chercher un troisième jugement.

On ne peut pas faire comme si on ne comprenait pas le sens de ces démarches. De deux choses l’une : ou bien on entend ce que cela signifie et on déclare : « Vogue la galère et que cela continue ainsi ! » – mais c'est ainsi que se découd une société ! – ; ou bien on essaie de comprendre ce mouvement des justiciables, qui saisissent à pratiquement 60 % le Conseil supérieur de la magistrature pour se déclarer insatisfaits du jugement qui les concerne.

Mesdames, messieurs les sénateurs, même si de nombreuses questions appellent des réponses transversales, je tenterai de répondre plus précisément à chacun d'entre vous.

Monsieur Mézard, vous m’avez froissée et presque blessée

Sourires

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Les consultations sur ce projet de loi constitutionnelle ont commencé au mois d'octobre 2012. Les groupes parlementaires ont été consultés par le Premier ministre.

M. Jacques Mézard s’exclame.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Peut-être est-ce un simulacre à vos yeux ; toujours est-il que vous avez été consulté. Les consultations peuvent ne pas donner satisfaction à 100 %, mais, lorsqu’elles ont lieu, il convient de le reconnaître !

J’ai moi-même organisé toute une série de consultations depuis le mois d'octobre 2012, auxquelles je vous ai convié, tout comme les groupes de l'opposition. J'ai ainsi proposé au groupe de l’UDI-UC de m’auditionner, qui y a consenti.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Une majorité, cela se construit et cela ne dépend que de vous !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Nous avons eu du mal à fixer une date, mais vous avez aimablement accepté de me rencontrer à la Chancellerie, ce dont je vous sais encore gré, et nous avons passé plus de deux heures à échanger ensemble sur le fond. J’ai également été auditionnée par le groupe socialiste et le groupe CRC.

De plus, vous aviez évidemment, en tant que parlementaires, le texte à votre disposition. Vous affirmez ne pas pouvoir en accepter la rédaction actuelle ; j'en conviens volontiers. Je vous rappelle toutefois que le droit d'amendement vous permet de la modifier.

Vous soulignez l’absence de pressions politiques. Dont acte ! Nous voulons justement inscrire cette pratique dans la loi.

Notre préoccupation dans l'élaboration de ce texte a été de trouver le bon équilibre entre les risques de pressions politiques et la suspicion de corporatisme, en respectant de surcroît la cohérence de notre institution judiciaire.

Peu importe que cette suspicion soit ou non fondée, elle existe, et le risque de corporatisme est présent dans tout corps professionnel. Affirmer cela n’a rien d’extravagant ni d’insultant ! Les instances sont justement pensées de façon à neutraliser ou à réduire ces risques corporatistes. Tout organe de représentation d’un corps professionnel, quel qu’il soit, peut être tenté par une réaction corporatiste.

J'ai bien noté aussi vos observations sur le rôle des procureurs généraux. Mais puisqu’elles concernent le projet de loi ordinaire, j’aborderai cette question ultérieurement, pour éviter toute confusion.

Monsieur Hyest, vous prétendez que cette réforme n’est pas urgente. J'ai commencé à vous répondre sur ce point : cela vous fera peut-être sourire, mais nous avons en effet l’ambition de ne pas légiférer dans l'urgence.

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

On verra ce qu’il en sera pour le texte sur la transparence de la vie publique !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je ne vois pas bien ce que la transparence vient faire dans ce débat…

Je vous rejoins toutefois sur un point, monsieur Bas : il existe en effet une véritable cohérence dans la politique gouvernementale, un véritable fil conducteur entre les différents textes que nous présentons.

Monsieur Zocchetto, il me semble que vos observations traduisent surtout une fixation sur un incident récent. Selon vous, cette réforme du Conseil supérieur de la magistrature serait motivée par une affaire ayant récemment défrayé la chronique politique et médiatique. Mais, en termes de calendrier comme sur le fond, cet argument ne tient pas.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

C’est le Président de la République lui-même qui l’a dit !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Il faut vraiment se torturer les neurones pour arriver à établir un lien entre cette affaire et la réforme du Conseil supérieur de la magistrature que nous vous présentons. Mais il est vrai que certaines personnes sont capables d'accomplir des prouesses…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

C’est le Président de la République qui a établi ce lien !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

De toute façon, le calendrier ne plaide pas en faveur de votre argumentation.

Un projet de texte, soumis au Conseil d'État, a été élaboré dès juin 2012, et les consultations ont commencé dès le mois d’octobre 2012. Comment pouvez-vous donc lier ce texte à un événement survenu à la mi-mars 2013 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Ce n’est pas nous qui le disons ! C’est le Président de la République !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur Bas, j’ai bien entendu M. Zocchetto le dire ! C’est lui qui a fait cet amalgame, et non le Président de la République. Mais peut-être avez-vous entendu l’intervention de votre collègue depuis votre bureau !

J'ai toutefois noté depuis quelques semaines qu'il s'agissait chez vous d'une idée fixe, solidement enracinée, que j’aurai sans doute bien du mal à extraire du terreau où elle pousse et prospère.

Vous avez rappelé, monsieur Zocchetto, que les magistrats rendaient la justice au nom du peuple français et qu’ils avaient à ce titre des devoirs. C’est incontestable !

Il me semble que, sur ce point, M. Mézard a élevé le débat à la hauteur qu’il convient, en parlant des obligations et des devoirs des magistrats. Effectivement, il n’est pas banal de prononcer, au nom du peuple français, une décision qui peut avoir des conséquences importantes sur son destinataire, y compris la privation de liberté. Il n’est pas ordinaire qu'une personne dispose ainsi de la liberté d'une autre personne, en s'appuyant sur le droit, au nom du peuple français. C'est une mission extrêmement élevée, faite à la fois de grandeurs et de servitudes.

Vous nous dites donc, monsieur Zocchetto, que les magistrats doivent être à la hauteur de cette mission qui consiste à rendre la justice au nom du peuple français. Et, dans le même temps, vous prétendez que la vraie réforme aurait consisté à confier l'intégralité des nominations des magistrats du siège et du parquet, quel que soit leur grade – premier grade, deuxième grade, haute hiérarchie –, au Conseil supérieur de la magistrature, y compris le pouvoir de proposition, sans aucune intervention d'aucune sorte du pouvoir politique.

Je ne vois pas d’articulation logique entre ces deux exigences qui me paraissent absolument antinomiques.

Je précise, en outre, que l'intervention du pouvoir politique se limite pour l'instant à une proposition de candidature, faite en toute transparence.

En tout état de cause, nous assumons clairement nos choix.

Je vous rappelle, par ailleurs, que, dès le 31 juillet 2012, j'ai soumis à la transparence tous les postes de la haute hiérarchie du ministère public, ce qui n’était pas le cas auparavant – les postes et les candidatures n’étaient pas publiés et seul le choix, éventuellement discrétionnaire, du garde des sceaux était transmis au Conseil supérieur de la magistrature. Dorénavant, non seulement le choix du garde des sceaux est publié, mais également les postes et les candidatures.

De surcroît, j'ai ouvert au Conseil supérieur de la magistrature l’accès à tous les dossiers de magistrats, ce qui lui permet d'apprécier la pertinence de la proposition du garde des sceaux en termes de compétences, de parcours et de qualité professionnelle du candidat proposé.

Nous souhaitons maintenant inscrire cette transparence dans la Constitution.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais essayer de faire des réponses plus courtes, car il n'y a pas de raison que je vous inflige de passer une nuit à mes côtés…

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je suis toujours sensible à ces protestations vigoureuses !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur Vial, vous avez parlé du risque de voir les instructions orales se multiplier. Mais tous les exemples que vous avez donnés ont un caractère collectif et concernent des troubles à l'ordre public. Or, s'il est facile de donner des instructions générales, c'est bien dans la demi-douzaine de cas que vous avez cités.

Certains sénateurs, notamment M. Leconte, ont rappelé que la réforme de 1999 visait déjà à aligner le régime des nominations des magistrats du ministère public sur celui des magistrats du siège. Cette réforme, qui comprenait un projet de loi constitutionnelle et un projet de loi ordinaire, prévoyait également la fin des instructions individuelles. Plusieurs d’entre vous, notamment M. Hyest, ont rappelé que ce texte n'avait jamais été soumis au vote du Congrès.

Il n'en demeure pas moins que la doctrine inscrite dans le projet de loi ordinaire a été respectée et que nous avons vécu pendant presque cinq ans sans instruction individuelle. Si l'un d'entre vous se souvient d'une catastrophe survenue durant cette législature au cours de laquelle aucune instruction individuelle n’a été donnée – peut-être suis-je trop jeune, pardonnez-moi de me faire ce plaisir

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

En réalité, la France a déjà vécu pendant presque un quinquennat sans instruction individuelle, et rien ne s'est effondré. J’espère que ce simple rappel permettra d’apaiser les esprits.

Le fait d’inscrire dans le code de procédure pénale l’interdiction de toute instruction individuelle permettra justement de mettre un terme à toutes les suspicions, monsieur Hyest. Le premier magistrat qui recevra une instruction, fût-elle orale, s'empressera de le faire savoir, et il me semble que la presse est libre dans notre pays.

Monsieur Mercier, vous convenez qu'il est urgent de réformer le statut du parquet.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous êtes d'accord aussi sur la nécessité d'aligner le régime des nominations et le régime disciplinaire des magistrats.

M. Michel Mercier acquiesce.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J'ai cru comprendre que vos objections portaient essentiellement sur la composition du collège. Il semblerait que celle-ci vous hérisse.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

La discussion des articles et des amendements permettra peut-être de lever vos dernières réserves.

J’ai pris la peine de consulter plusieurs d’entre vous ; MM. Hyest et Cointat peuvent en témoigner.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier. Vous invitez vos amis à déjeuner, vous consultez les autres, et nous dans tout cela ?...

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Vous m’avez auditionnée, monsieur Mercier !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Vous en voulez toujours plus, monsieur Mercier !

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je pense avoir dit l'essentiel ; je reviendrai sur certains points lors de la discussion des articles et des amendements.

Je conclus sur une remarque de M. Zocchetto, qui a indiqué qu’il n’y avait pas eu de dysfonctionnements du CSM. Nous en avons pourtant constaté un voilà quelque temps, lorsque trois membres de cette instance ont estimé que leur liberté d'opinion les autorisait à donner leur avis sur ce projet de loi. L’appartenance à un organe constitutionnel comme le Conseil supérieur de la magistrature n’impose-t-elle pas certaines obligations et contraintes ?

Je ne veux toutefois pas mettre en cause le CSM aujourd'hui, ni revenir sur des nominations, des non-nominations ou des stagnations de carrière qui ont pu susciter la polémique.

Nous devons surtout faire en sorte de lever les inquiétudes des citoyens, notamment des plus vulnérables d’entre eux, afin qu’ils retrouvent confiance dans l'institution judiciaire. Nous percevons certains dysfonctionnements et nous entendons les contestations sur l'insuffisance de certaines décisions disciplinaires qui ont été prononcées, mais nous avons choisi de faire le pari de la confiance, parce que les justiciables ont absolument besoin d’une justice impartiale !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…

La discussion générale commune est close.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable sur le projet de loi constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je suis saisi, par MM. Hyest, Bas et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, d'une motion n° 12 rectifiée bis.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi constitutionnelle portant réforme du conseil supérieur de la magistrature (625, 2012-2013).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Philippe Bas, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Madame le garde des sceaux, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, à peine la révision constitutionnelle de 2008 entrée en vigueur, voici que vous nous proposez déjà de changer la composition et les attributions du Conseil supérieur de la magistrature, sans même avoir pris le temps d’évaluer l’application de la précédente réforme.

Notre loi fondamentale est ainsi en passe de devenir le texte le plus instable de la République. Ce n’est pas de nature à conforter la confiance dans nos institutions alors que, depuis l’élection de François Mitterrand en 1981, celles-ci avaient heureusement cessé d’être un enjeu majeur du débat démocratique.

La révision constitutionnelle dont nous sommes saisis est, certes, de portée modeste, mais elle participe d’une conception des institutions et de la justice qui mérite à tout le moins d’être explicitée et discutée, et que nous ne sommes pas certains de pouvoir partager.

Au chapitre de l’utilité, ni les nouveaux pouvoirs – si minimes ! – qui seraient confiés au Conseil supérieur de la magistrature, et qui d’ailleurs ne changeraient guère, comme chacun l’a rappelé, nos pratiques, ni ceux qui seraient symétriquement retirés au Président de la République, au conseil des ministres et au garde des sceaux ne peuvent faire l’unanimité entre nous.

Aucune des évolutions que vous envisagez ne justifie d’ailleurs réellement, ni par son ampleur, ni par son urgence, ni par sa nécessité que nous engagions la lourde mécanique d’une révision constitutionnelle.

Il s’agit, en réalité, d’une révision pour la forme, au mieux d’une révision d’ajustement, qui ne s’impose nullement.

Qui plus est, loin d’avoir été améliorées par l’Assemblée nationale, les options et les rédactions retenues dans les projets de Mme le garde des sceaux ont plutôt été dégradées sur plusieurs points essentiels.

Les principes fondamentaux de notre organisation judiciaire sont très stables, puisqu’ils ont été affirmés pendant la Révolution française. Gageons que, s’ils sont venus jusqu’à nous sans avoir été remis en cause par les majorités successives – pas plus aujourd’hui qu’hier –, c’est qu’ils sont inscrits au cœur de nos traditions républicaines, ainsi que notre collègue Jacques Mézard l’a rappelé tout à l'heure.

Si l’on doit faire évoluer ces principes pour les adapter à notre temps, en s’inspirant parfois d’autres modèles, il faut le faire avec prudence.

En renvoyant les juges à leur mission d’application des lois, qui excluait toute immixtion de leur part dans la sphère politique, mais interdisait aussi toute interférence du pouvoir politique dans le cours de la justice, les pères fondateurs de la République avaient à l’esprit non seulement l’indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs, mais aussi l’idée selon laquelle un pouvoir légitime représentant la nation ne devait en aucun cas être entravé dans la recherche de l’intérêt général par des juges s’érigeant en contre-pouvoir, comme le faisaient les parlements d’ancien régime.

Ils n’étaient évidemment pas insensibles à l’influence de Montesquieu, selon qui « des trois puissances, […] celle de juger est en quelque sorte nulle », parce que le juge doit appliquer la loi avec une totale neutralité et ne jamais se comporter en justicier. La justice sans le droit est en effet une forme insupportable de tyrannie.

Dès lors, chacun sait que ce n’est pas au juge judiciaire, en dehors des atteintes à la propriété et aux libertés individuelles, d’assigner des limites au pouvoir exécutif. Et chacun sait aussi que, en contrepartie, l’exercice du droit de juger ne tolère aucune intervention du pouvoir politique. Indépendance et neutralité vont donc de pair.

La République ne reconnaît pas, n’a jamais reconnu et ne doit surtout pas reconnaître de « pouvoir judiciaire ». À côté de l’indépendance de la justice, il y a son corollaire : les juges ne doivent entrer en conflit ni avec la représentation nationale ni avec le pouvoir exécutif. Ces principes sont équilibrés.

Il faut donc veiller à ce qu’aucune des dispositions qui nous sont proposées, tant dans le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature que dans le projet de loi relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l’action publique, ne les affaiblissent.

Or la façon dont sont traités l’État et le pouvoir exécutif dans les deux projets qui nous sont soumis renvoie à une forme de défiance à l’égard des fonctions constitutionnelles du Président de la République, du conseil des ministres et du garde des sceaux, telles que la révision constitutionnelle de 2008 les a d’ailleurs aménagées.

On ne saurait partager cette approche de défiance sans participer à l’érosion de la confiance dans l’impartialité de l’État. Au lieu de donner raison à ceux qui considèrent que le pouvoir exécutif est en quelque sorte disqualifié et n’est plus digne des responsabilités que la Constitution lui confère jusqu’à présent dans l’administration de la justice, dans la gestion des carrières des magistrats du parquet et dans l’application de la politique pénale, au lieu d’en prendre acte, en dessaisissant les autorités constitutionnelles de l’État, on serait bien inspiré de reconnaître et d’assumer la mission de l’État et des autorités qui le représentent au plus haut niveau.

L’indépendance de la justice doit être envisagée dans sa pleine acception. Être un juge indépendant, ce n’est pas seulement être indépendant des autorités de l’État, c’est aussi être indépendant des forces politiques et syndicales, des groupes de pression, aussi légitimes soient-ils, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… des corporatismes, des puissances d’argent, des intérêts, ainsi, bien sûr, que de la pression médiatique, dont chacun sait qu’elle peut être parfois insupportable quand elle s’applique au libre cours de la justice.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La question est donc de savoir comment cette indépendance pourra être le mieux garantie, et par qui. Elle le sera par le juge lui-même, bien sûr, au commencement, grâce à ses qualités de caractère, à son intégrité, à sa probité et à son courage. C’est à lui, en premier lieu, de justifier la confiance des justiciables.

Mais pour défendre efficacement la sérénité de la justice, la magistrature doit aussi être protégée par les institutions de l’État. On comprend que les constituants de 1958, à la différence de ceux de la IVe République, aient préféré faire dépendre cette protection du chef de l’État, dans l’exercice impartial de sa mission constitutionnelle, que des partis politiques représentés au Parlement, qui désignaient la moitié des membres du Conseil supérieur de la magistrature entre 1946 et 1958, sans que ce système ait servi à autre chose qu’à organiser des marchandages politiques autour de ces nominations.

Je n’ai, hélas, pas été surpris que le Gouvernement ait songé à imiter ce modèle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… sans oublier de le compliquer par une procédure insolite faisant la part belle à une nouvelle noblesse de robe de la République !

Le mode de nomination des personnalités qualifiées du Conseil supérieur de la magistrature imaginé par le Gouvernement est en effet particulièrement complexe, et même baroque, même s’il honore les corps constitués, ce qui ne me cause personnellement aucune peine, mais me laisse néanmoins perplexe.

Notre commission des lois a hésité avant de se rallier à un amendement du Gouvernement que nous ne pouvons accepter parce qu’il conserve, en le modifiant, ce système complexe et baroque.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Le meilleur compromis, monsieur le président de la commission des lois, reste encore, de mon point de vue, celui qui figure actuellement à l’article 65 de notre Constitution, nos prédécesseurs n’ayant finalement pas si mal travaillé.

La méthode qui consiste à faire avaliser les nominations au sein du Conseil supérieur de la magistrature par une majorité qualifiée des trois cinquièmes au sein de nos commissions permanentes n’est pas satisfaisante. Elle a pour effet de politiser ce qui doit rester en dehors du champ partisan.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

C’est non pas une avancée, mais un recul de soixante-sept ans en arrière – deux tiers de siècle !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Au contraire, il faudra que la majorité et l’opposition soient d’accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je vois bien que beaucoup de commentateurs et de responsables politiques, parmi lesquels le président de notre commission, beaucoup de Français, surtout, ont tellement pris acte du désaveu des autorités constitutionnelles qu’ils le croient irréversible et préfèrent l’accompagner que le combattre, forts de l’idée que, avec leur mandat quinquennal, les Présidents de la République, eux aussi, seront désormais partisans, chefs de majorité parlementaire plus que chefs d’État, comme les chanceliers allemands ou les premiers ministres britanniques.

Mais la justice elle-même ne saurait en aucun cas être partisane ni être suspectée de pouvoir l’être en raison de la composition politique du Conseil supérieur de la magistrature, au moins pour une partie de ses membres. La rédaction alambiquée que vous proposez pour l’article 64 de la Constitution montre d’ailleurs votre embarras.

Pour ma part, je ne crois pas qu’il soit raisonnable d’écrire, d’un côté, que c’est au Conseil supérieur de la magistrature de garantir l’indépendance de la magistrature, ou même seulement d’y veiller, tout en continuant à proclamer solennellement et immuablement, de l’autre, que le Président de la République est le garant de cette indépendance. Ce doit être l’un ou l’autre. Vous n’osez pas choisir. Dans ce cas, vous devriez, me semble-t-il, continuer à réfléchir !

En ce qui me concerne, je ne verrais aucun inconvénient à ce que la rédaction de l’article 64 reste en l’état sur ce point, ce qui éviterait que le second alinéa de cet article n’entre directement en contradiction avec le premier.

Laissons le Conseil supérieur de la magistrature assister le Président de la République, plutôt que de franchir un palier supplémentaire dans une évolution déjà entamée vers la mise à l’écart complète du chef de l’État, qui se verrait en réalité et en droit écarté de toute mission constitutionnelle effective à l’égard de l’autorité judiciaire, au profit d’une institution indispensable et respectable, mais dont la légitimité et l’autorité ne peuvent approcher la sienne.

Si l’on conserve les conditions actuelles de nomination des procureurs, déjà très encadrées, et si l’on préserve dans la loi organique les pouvoirs d’instruction du garde des sceaux tels qu’ils sont aujourd’hui reconnus, nous pourrons d’autant mieux justifier la mission constitutionnelle du Président de la République. Sinon, il n’en restera qu’une coquille vide, et nous aurons fait du mauvais travail. Il vaudrait mieux, à ce moment-là, supprimer toute mention du Président de la République à l’article 64.

Je veux ajouter un dernier point concernant la politique pénale, car les réformes proposées par le Gouvernement forment un tout.

Que le garde des sceaux assume à ciel ouvert des instructions officielles aux parquets, individuelles aussi bien que générales, me paraît, en réalité, très sain, afin de prévenir la tentation de pratiques obscures. C’est une conséquence nécessaire du principe français de l’opportunité des poursuites, que personne ne remet en cause ici. Il est légitime que l’appréciation de cette opportunité ne soit pas laissée au seul libre arbitre des magistrats du parquet, qui, en outre, ont besoin d’être confortés dans leur position.

La cohérence de l’action publique doit être assurée sur l’ensemble du territoire national, et les instructions générales ne suffisent pas à le faire, car c’est parfois – même souvent – à l’occasion d’une instruction judiciaire ou d’un procès que surgissent des questions et des doutes. On sait d’ailleurs que la parole du parquet restera libre, conformément à la tradition, et, bien sûr, que la position du ministère public n’est pas décisionnelle dans le jugement des instances.

Le seul bénéfice que l’on pourrait tirer de l’interdiction des instructions individuelles et de l’atténuation de la portée des instructions générales, en renonçant aux prérogatives traditionnelles de l’État, ne serait pas un surcroît d’indépendance pour les formations de jugement, puisqu’elles ne sont pas en cause s’agissant de l’action publique. Ce serait un bénéfice politique très contestable, de pur affichage, permettant de dédouaner des gouvernements pusillanimes qui se déroberaient devant leurs responsabilités et renonceraient à défendre devant la justice les intérêts de la société, le respect de la Constitution et l’application des lois.

Je ne voudrais pas voir renaître certaines méthodes opaques par lesquelles l’entourage des gardes des sceaux proclamant leur non-interventionnisme chuchotait à l’oreille des procureurs ce que leurs maîtres ne voulaient pas dire officiellement en l’assumant au grand jour !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Au pays de Tartuffe, il est des pratiques que les bonnes intentions proclamées, et les révisions constitutionnelles, ne suffisent pas à abolir.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas. Pour toutes ces raisons, je vous demande, au nom de mon groupe, d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable, qui permettra au Gouvernement de mûrir davantage son projet, avec une concertation plus approfondie, et en prenant d’abord le temps d’évaluer les résultats de la révision de 2008, entrée en vigueur en 2011.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, monsieur le ministre, mes chers collègues, nonobstant la gravité des problèmes dont nous débattons, je ne puis m’empêcher d’éprouver quelque plaisir à répondre à M. Bas, dont le propos peut être salué par chacun pour sa qualité.

Nous sommes dans une phase d’un débat de réforme constitutionnelle, dont l’objet, limité, est bien connu de tous, de sorte qu’il n’y a pas de surprise. Nous confrontons nos idées et nos volontés politiques sur deux questions principales.

En premier lieu, il s’agit de savoir quelle doit être la composition du CSM en tant qu’autorité de régulation de la magistrature et comment cette composition offre, ou non, des garanties d’indépendance aux membres de l’autorité judiciaire.

En second lieu, nous débattons de l’opportunité de renforcer les garanties statuaires propres aux magistrats du ministère public. Ce problème soulève des enjeux importants et, à cet égard, je suis obligé de faire état d’une différence entre mon appréciation et celle de M. Bas.

En effet, il s’agit d’un problème qui dépasse clairement nos frontières, puisqu’il convient de remédier à la fragilité de la reconnaissance internationale de notre système judiciaire ; ce n’est pas une question secondaire et, de mon point de vue, c’est même l’une des motivations les plus décisives de cette réforme.

Nous connaissons tous les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme qui sont à l’origine de la difficulté bien réelle que nous devons résoudre ; il me paraît utile de souligner qu’elles ont été rendues, motivations à l’appui, par des formations différentes, composées de magistrats issus de traditions juridiques différentes, dont beaucoup de la tradition continentale – il ne s’agit donc pas d’un affreux complot anglo-saxon.

Permettez-moi de prendre quelques instants pour cerner ce problème d’un peu plus près.

Pour le moment, les décisions successives de la Cour européenne des droits de l’homme n’ont eu que des effets de procédure limités ; elles se sont traduites par l’attribution d’indemnités liées à des défauts de procédure, donc de portée restreinte. Toutefois, comment ne pas voir que les pays sont de plus en plus interdépendants dans l’administration de la justice et que nous concluons des engagements de coopération judiciaire d’année en année plus nombreux ?

Alors que, depuis maintenant plus d’une génération, nous sommes tous d’accord, toutes forces politiques confondues, pour reconnaître la suprématie de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de la Cour européenne des droits de l’homme qui en vérifie l’application, comment pourrions-nous continuer à faire évoluer notre système judiciaire sans trouver, avec les principes de cet ordre juridique, une conciliation comparable à celle qui vient d’être trouvée, ce dont nous nous réjouissons, en ce qui concerne notre justice administrative ?

Mes chers collègues, c’est un fait : nous avons besoin de consolider la reconnaissance internationale de la validité de nos procédures judiciaires.

Cette nécessité est d’autant plus pressante que, dans les affaires qui ont jalonné cette évolution jurisprudentielle négative – il suffit d’y jeter un coup d’œil pour s’en assurer –, il n’est généralement pas question de voleurs de poules ! Il s’agit de dossiers très graves de criminalité transnationale. Dès lors, que les décisions de notre justice soient reconnues comme solides et légitimes par nos partenaires n’est vraiment pas un enjeu secondaire.

Il me semble que, lorsqu’on examine lucidement et loyalement, comme l’a fait M. Bas, les raisons de réformer ou de ne pas réformer, on trouve au moins celle-là, qu’on ne peut pas écarter d’un revers de la main.

J’ajoute que, même dans un cadre uniquement interne, le Conseil constitutionnel a fixé des limites très strictes aux missions de défense des libertés individuelles qui peuvent aujourd’hui être confiées au ministère public. En effet, il s’est efforcé, d’une manière, à mon avis, extrêmement judicieuse, de proportionner la mission de défense des libertés individuelles reconnue aux magistrats du ministère public au degré d’indépendance de ceux-ci.

Aussi, consolider l’indépendance statutaire des membres du ministère public – ce à quoi tendent les deux versants de cette réforme, notamment l’instauration d’un équilibre au sein du CSM entre les représentants des magistrats et les autres membres – est une condition décisive pour que nous arrivions à défendre la validité du rôle de notre parquet, à la fois sur le plan interne, vis-à-vis du juge constitutionnel, et sur le plan européen. À cet égard, la façon dont le CSM apprécie les conditions de nomination des magistrats du parquet et, le cas échéant, leur discipline est une question tout à fait cruciale.

Chemin faisant, je signale que, parmi les critiques régulièrement formulées par la Cour européenne des droits de l’homme à l’encontre de notre procédure inquisitoire et du rôle de notre parquet, il en est une qui n’est pas directement touchée par la réforme dont nous parlons. En effet, si le grief lié au déficit de garanties d’indépendance des membres du parquet est au cœur de notre débat, il n’en va pas de même du second grief principal avancé par la Cour européenne des droits de l’homme : le parquet étant une autorité de poursuite, son rôle de gardien des libertés serait discutable.

Toutefois, ce problème pourra être surmonté par des dispositions de procédure qui ne sont pas de valeur constitutionnelle, ni même organique. En effet, il est tout à fait possible de séparer suffisamment les fonctions et les missions au sein même du parquet pour que ce grief soit levé.

En ce qui concerne la motion tendant à opposer la question préalable, la question de fond qu’elle soulève est celle de l’opportunité de poursuivre ce débat. À cet égard, je crois que M. Bas a poussé un peu loin son raisonnement lorsqu’il a affirmé que la réforme portant sur l’avis conforme du CSM pour les nominations de magistrats du parquet était somme toute mineure.

Du reste, il m’a semblé que ce jugement n’était pas tout à fait cohérent avec le reste de son propos, dans lequel il a manifesté une révérence vis-à-vis du pouvoir exécutif, considéré, sinon comme la seule, du moins comme la plus éminente source de la légitimité et de l’indépendance des pouvoirs publics. Certes, cette position fait honneur à sa fidélité gaulliste, mais elle me paraît procéder d’une conception assez singulière de la neutralité politique d’un des pouvoirs publics par rapport aux autres.

Pour ma part, j’ai évidemment le plus grand respect pour la fonction présidentielle, mais je ne suis pas sûr qu’elle soit beaucoup plus apolitique que la fonction parlementaire que nous exerçons modestement.

Inscrire dans la Constitution le principe d’une véritable codécision pour la nomination des magistrats du parquet me paraît un progrès décisif du point de vue de l’interprétation que nous faisons de nos propres objectifs de liberté publique et de respect de l’État de droit, mais aussi de la reconnaissance européenne et internationale de notre organisation judiciaire.

Il m’a semblé que, à plusieurs moments de son propos, notre collègue Philippe Bas a succombé à la tentation d’entrer dans la discussion de fond ; du reste, je crois que c’est tout à fait honorable. Lorsqu’il souligne que les projets de loi, dans leur rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, méritent des critiques, il nous invite fort judicieusement à poursuivre le débat et à améliorer ces textes, ce que nous sommes quelques-uns, y compris au-delà de la majorité, à avoir l’intention de faire !

Il me semble que si la motion tendant à opposer la question préalable était adoptée, comme le demande notre collègue, nous aurions tous du mal à expliquer à nos concitoyens pourquoi nous ne voulons pas cette réforme et pourquoi nous tenons à ce que les conditions de nomination des membres du parquet restent marquées par une très forte influence du seul pouvoir exécutif. Nous serions nombreux à trouver difficile de leur expliquer pourquoi nous refusons un partage de la décision avec une instance indépendante – le débat restant ouvert sur la manière de garantir au mieux cette indépendance dans la composition même du CSM. Si nous ne voulons pas partager vraiment la décision, c’est que nous avons quelques idées derrière la tête !

Aussi, nous nous rendrons collectivement service en repoussant la motion tendant à opposer la question préalable. Son rejet est d’autant plus souhaitable que, comme Mme le garde des sceaux l’a très judicieusement fait remarquer, de très nombreuses idées et suggestions intéressantes et constructives sont apparues dans le débat, issues de tous les groupes politiques, au-delà même de la majorité.

Au vu de la féconde diversité des réflexions qui ont déjà été présentées par nos collègues, interrompre notre débat à ce stade serait, à mes yeux, une faute contre l’esprit. Du reste, il suffirait de retenir l’essentiel des considérations présentées par M. Bas pour prouver que nous avons toutes les raisons de continuer la discussion.

Au fond, mon cher collègue, votre conclusion n’était pas tout à fait en accord avec votre argumentation : c’est à cette dernière que je propose de donner satisfaction !

M. Philippe Bas rit . – Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC, du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Mes chers collègues, la commission vous demande de repousser cette motion.

Monsieur Bas, opposer la question préalable signifie qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération. Aussi, je vous le demande : pourquoi ne devrions-nous pas délibérer maintenant ? La réforme de 2008 est-elle vraiment très bonne et tout fonctionne-t-il si bien au CSM pour que vous ne vouliez rien changer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Mon cher collègue, il ne vous aura pas échappé que la réforme de 2008 était déjà en retard par rapport à ce qui aurait dû être fait. M. Hyest lui-même n’a pas réussi à convaincre le gouvernement de l’époque ! De fait, cette réforme n’intégrait pas le progrès essentiel proposé aujourd’hui : la garantie du statut du parquet. D’ailleurs, c’est d’autant plus incompréhensible que la réforme envisagée sous la présidence de M. Chirac, et finalement avortée, traitait de cette question, ainsi que de l’avis conforme.

La réforme de 2008 ayant été ratée, il nous faut aujourd’hui la remettre sur le métier, pour deux raisons essentielles.

D’abord, nous y sommes non pas contraints, mais fortement encouragés par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ; la semaine dernière encore, un arrêt a été rendu à l’unanimité contre la France.

Ensuite, depuis un certain nombre d’années, grâce aux projets de loi présentés par M. Mercier lorsqu’il était garde des sceaux – ou, plutôt, à cause d’eux ! –, le parquet a reçu de plus en plus de pouvoirs, notamment des pouvoirs juridictionnels.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Le procureur général Jean-Louis Nadal lui-même a pu dire, lors d’une audience solennelle de rentrée de la Cour de cassation, que les parquets généraux exerçaient maintenant des fonctions de pré-jugement.

Dans ces conditions, si nous ne garantissons pas mieux l’indépendance des membres du parquet, les recours continueront à affluer devant la Cour européenne des droits de l’homme, ce que, du reste, je souhaite ! Celle-ci ne pourra que continuer à condamner la France, de sorte que, finalement, notre parquet n’aura plus rien d’autre à faire que de requérir à l’audience, toutes ses autres attributions étant pré-juridictionnelles – au moins, me direz-vous, on pourra affecter davantage de magistrats au siège ! C’est pourquoi il est urgent de procéder à cette réforme.

En 2008, le gouvernement ne fut pas convaincu par les arguments du Sénat, notamment de M. Hyest, alors président de la commission des lois. D’ailleurs, je vous fais remarquer, mon cher collègue, que nous ne touchons pas à la petite réforme du CSM qui a été menée en 2008.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Le Président de la République ne préside plus le CSM : nous ne touchons pas à cela.

La réforme de 2008 n’est pas allée jusqu’au bout ; elle n’a pas réalisé ce qui était nécessaire il y a cinq ans déjà, et qui l’est d’autant plus aujourd’hui.

Ce sont là des raisons de pur fait. Il n’est pas nécessaire, monsieur Bas, d’élucubrer sur le droit et sur ce qu’on pourrait faire ou non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Mes chers collègues, cette motion étant totalement injustifiée pour des raisons de pur fait, la commission des lois vous demande de ne pas l’adopter !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J’ai écouté attentivement les arguments présentés par M. Bas et la réponse de M. Richard, qui a mis au jour la contradiction incluse dans la motion tendant à opposer la question préalable.

De fait, monsieur Bas, vous n’avez pas démontré qu’il y avait lieu d’interrompre la discussion. En dehors de l’argument d’autorité consistant à faire valoir que, la dernière réforme étant récente, il n’y aurait pas lieu d’intervenir pour l’améliorer, vous n’avez avancé aucune raison valable – je vous le signale avec toute l’amabilité dont je suis capable et toute la courtoisie que je vous dois.

L’argument du calendrier ne peut pas être un argument législatif brandi devant le Parlement pour refuser de légiférer !

Pour l’ensemble de ces raisons, cette motion tendant à opposer la question préalable ne me paraît pas fondée, même si nous avons eu grand plaisir à vous écouter, monsieur Bas.

Les arguments développés par M. Richard ont montré à quel point il était important, aussi bien pour notre organisation judiciaire interne que pour nos relations avec l’Union européenne et la communauté internationale, de dissiper les risques que fait régulièrement peser la mise en cause de notre parquet en tant qu’autorité judiciaire, en particulier lorsque nous signons ou intégrons dans notre droit interne des instruments juridiques européens ou internationaux. Je veux parler du Conseil de l’Europe ou même des directives de l’Union européenne que nous intégrons dans notre droit interne. Or il peut y avoir, dans l’application de ces dispositions, une interrogation sur le rôle du parquet, qui fragilise la crédibilité de notre justice.

Par ailleurs, nous signons de plus en plus de conventions et de traités comportant la reconnaissance mutuelle de décisions de justice, ce qui ne fait qu’aggraver les risques. Cet argument majeur a été développé par M. Richard.

Pour ces raisons, le Gouvernement estime qu’il convient de poursuivre – avec beaucoup de plaisir !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je mets aux voix la motion n° 12 rectifiée bis, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi constitutionnelle.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici le résultat du scrutin n° 290 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Nous passons donc à la discussion des articles.

Le deuxième alinéa de l’article 64 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Le Conseil supérieur de la magistrature veille, par ses avis et ses décisions, à garantir cette indépendance. »

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 30, présenté par Mmes Cukierman et Assassi, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Les deux premiers alinéas de l’article 64 de la Constitution sont ainsi rédigés :

« Le Président de la République veille au respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire.

« Le Conseil supérieur de la magistrature assure, par ses avis et ses décisions, la garantie de cette indépendance. »

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Mon propos sera bref, car j’ai déjà dit beaucoup de choses au cours de la discussion générale.

J’ai rappelé comment la justice a finalement été considérée comme l’un des bras armés du pouvoir exécutif. Le statut actuel du parquet français en est l’un des exemples.

J’ai également évoqué une dette à la charge du législateur, dont il doit s’acquitter ; nous avons ici l’occasion de le faire.

Il convient de réaffirmer l’indépendance de la magistrature, qui est un marqueur essentiel d’un État de droit et d’une démocratie.

Par cet amendement, nous souhaitons faire de la justice un pouvoir constitutionnel indépendant et, donc, le véritable troisième pouvoir de notre démocratie. Une telle ambition aurait nécessité une rédaction différente de l’article 64 de la Constitution, afin de faire du CSM le seul garant de l’indépendance du pouvoir judiciaire.

Il serait en effet à la fois logique et symbolique de modifier la référence au Président de la République. J’ai bien entendu ce matin, en commission, le rapporteur dire qu’il n’aimait pas le terme « veiller ». Mais, même si je proposais une autre formulation, je pense que son avis sur cet amendement ne changerait pas, car il n’y souscrit pas sur le fond.

Conformément à l’esprit de la Ve République, nous avons choisi de laisser au Président de la République le rôle de veiller au respect de l’indépendance du pouvoir judiciaire, même si nous pensons qu’il serait souhaitable, dans le cadre d’une réforme constitutionnelle de profondeur, que le Parlement veille à cette indépendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 1, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

magistrature

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

assure le respect de cette indépendance.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Permettez-moi, monsieur le président, d’évoquer simultanément les trois amendements déposés sur l’article 1er.

Pour plus de clarté, je vous donne lecture du premier alinéa de l’article 64 de la Constitution : « Le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. »

L’amendement n° 30 de Mme Cukierman introduit, sur deux points, une novation importante, puisqu’il prévoit que le Président de la République n’est plus le « garant », mais qu’il « veille » au respect du « pouvoir judiciaire » et non plus de l’« autorité judiciaire », ce qui est d’ailleurs contraire à notre Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

C’est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

L’article 64 de la Constitution prévoit également que le Président de la République « est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature ». Pour ma part, je préfère la formulation suivante : « Le Conseil supérieur de magistrature assure le respect de cette indépendance ».

Quant au Gouvernement, il maintient, avec son amendement n° 38, le terme « veille », que, personnellement, je n’aime pas du tout. Selon moi, cela induit une difficulté : si l’on veille, c’est que quelque chose risque de se passer !

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable sur les amendements n° 30 et 38.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 38, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

par ses avis et ses décisions

par les mots :

dans le cadre de ses attributions

La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 38 et pour donner l’avis du Gouvernement sur les amendements n° 30 et 1.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

L’amendement n° 38 du Gouvernement maintient effectivement le terme « veille ». M. le rapporteur a raison de rappeler que, aux termes du premier alinéa de l’article 64 de la Constitution, « le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire ».

Le deuxième alinéa de l’article 64 précise : « Il est assisté par le Conseil supérieur de la magistrature. » Or, à partir du moment où nous mettons une plus grande distance entre le pouvoir exécutif et le CSM et que nous plaidons en faveur de l’indépendance de l’autorité judiciaire, il est normal que nous accordions une attention particulière à une observation formulée par les membres du CSM eux-mêmes, qui souhaitent ne pas réduire leur mission à une fonction d’assistance, mais jouer un rôle plus marqué, que traduirait un verbe plus actif.

Nous avions donc, dans un premier temps, remplacé cet alinéa par la formule : « le Conseil supérieur de la magistrature concourt, par ses avis et ses décisions, à garantir cette indépendance. »

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je suis ravie de vous l’entendre dire, monsieur Hyest !

Aussi, je rectifie l’amendement n° 38 pour introduire le verbe « concourir », tout en maintenant la seconde partie de la phrase, afin de répondre aux observations formulées par le CSM. Dès lors que les membres du CSM auraient éventuellement un pouvoir d’autosaisine, le fait de se limiter aux avis et décisions restreindrait leur compétence.

Monsieur le président, je vous propose donc la rédaction suivante : le Conseil supérieur de la magistrature concourt, dans le cadre de ses attributions – cette expression générique englobe toute l’activité –, à garantir l’indépendance de l’autorité judiciaire.

L’adoption de cet amendement rectifié aurait pour conséquence, me semble-t-il, de rendre les deux autres amendements sans objet, ce qui m’éviterait d’avoir à émettre un avis défavorable.

Dans quel ordre allez-vous les mettre aux voix, monsieur le président ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Dans l’ordre d’appel des amendements, madame la garde des sceaux !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Dans ce cas, j’attire vivement votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur le fait qu’il vous faut réserver vos forces pour le vote de l’amendement n° 38 rectifié.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je suis donc saisi d’un amendement n° 38 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

veille, par ses avis et ses décisions

par les mots :

concourt, dans le cadre de ses attributions

Quel est l’avis de la commission sur cet amendement rectifié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

À titre personnel, je suis défavorable à l’amendement rectifié. Mme le garde des sceaux fait preuve d’un entêtement, que l’on peut souligner, en revenant au texte initial du Gouvernement, qui a été modifié par l’Assemblée nationale.

Il existe d’ailleurs une différence de conception entre nous. Le Président de la République n’est plus président du Conseil supérieur de la magistrature, il est garant de l’indépendance des magistrats. Par conséquent, le CSM ne concourt pas, ni ne veille pas à garantir cette indépendance, puisqu’il est indépendant de lui. Le CSM assure le respect de cette indépendance, mais ni avec le Président de la République ni aux côtés de ce dernier. Et c’est en effet conforme à la Constitution.

Aussi, je maintiens mon opposition à l’amendement du Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Mais la Constitution dispose que le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire! Vous n’avez pas rayé cette disposition ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Je n’ai rien rayé ! Je dis que le CSM est indépendant ! Il ne concourt pas avec le Gouvernement à garantir cette indépendance, pas plus qu’il n’y veille. Il assure le respect de cette indépendance.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote sur l'amendement n° 1.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Dans ce projet de loi constitutionnelle, vous maintenez – pourquoi pas ? – que « le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire ». Mais la garantie ne repose sur rien puisqu’il ne fait plus rien.

Dans le même temps, vous prévoyez que le CSM est le seul organe qui assure le respect de l’indépendance de la justice. Mais ce n’est pas vrai !

Cette institution concourt au respect de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Le texte initial du Gouvernement est donc conforme à la réalité : le CSM est un organe constitutionnel, qui concourt à garantir cette indépendance. Préciser que cela se fait « dans le cadre de ses attributions » ou « par ses avis et ses décisions » est secondaire.

En revanche, remplacer le terme « concourt » par le mot « assure » implique que le CSM est le seul à assurer le respect de l’indépendance. Or, je le répète, ce n’est pas vrai ! Le verbe « concourir » est préférable.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Merci !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le texte initial du Gouvernement me convenait. Je veux bien admettre qu’il soit préférable d’inscrire « dans le cadre de ses attributions », plutôt que « par ses avis et ses décisions », même si cela prend toujours la forme d’avis et de décisions.

M. le rapporteur a une logique que l’on connaît : le CSM assure tout seul, comme un grand, cette indépendance. Eh bien non ! Beaucoup d’autres institutions interviennent, qu’il s’agisse du Parlement ou, en matière disciplinaire, du Conseil d’État, qui est l’instance de recours des décisions du Conseil supérieur de la magistrature. Ne participent-elles pas, dans ce cadre, à l’indépendance de la justice ? Veuillez m’excuser, monsieur le rapporteur, mais vous défendez là une fausse conception ! Le CSM est l’un des organes qui concourent de manière éminente à garantir l’indépendance de la justice.

C’est pourquoi je ne voterai pas l’amendement de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je partage intégralement les propos de notre collègue Jean-Jacques Hyest.

Pour mieux comprendre le sens de l’amendement de la commission, j’aurais besoin que M. le rapporteur nous explique la différence entre garantir l’indépendance et assurer le respect de l’indépendance. Il faut en effet prendre en considération les deux premiers alinéas de l’article 64.

Par ailleurs, je ne suis pas favorable à l’ajout de cette espèce de verrue, de kyste ou d’excroissance proposé par le Gouvernement, à savoir « dans le cadre de ses attributions ». En effet, je vois mal comment le CSM pourrait intervenir en dehors de ce cadre. Nous avons là une proposition de rédaction dont l’inutilité confine à la nocivité.

Je suis assez favorable à l’idée de maintenir, à l’article 64 de la Constitution, que le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Cela aurait un certain sens, car il reste en effet quelque chose de cette garantie. Je suis également favorable à la rédaction prévoyant que le CSM y concourt, sans qu’il soit nécessaire d’ajouter « dans le cadre de ses attributions ».

Néanmoins, je souhaiterais comprendre le sens de l’amendement de la commission, en particulier la différence entre être garant de l’indépendance et assurer le respect de l’indépendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Cette question a fait l’objet de discussions nourries au sein de la commission des lois. La rédaction retenue est celle que propose M. le rapporteur.

L’article 64 de la Constitution précise que « le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire ». Cet état de fait provient de la légitimité du Président de la République, qui est élu au suffrage universel direct. Il n’est pas besoin d’expliquer autrement la légitimité de ce pouvoir.

Le Conseil supérieur de la magistrature est là pour assurer aux côtés du Président de la République cette indépendance. Sauf si ma mémoire me fait défaut, c’est dans ce sens que la commission des lois avait précisé ce point au cours de ses débats.

Je demande donc que l’on s’en tienne à ce qui a été décidé par la commission des lois et que l’on adopte la rédaction proposée par M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur Bas, le Président de la République n’est plus membre du CSM, il ne le préside plus, mais il est le garant constitutionnel de l’indépendance, notamment en cas d’application des pouvoirs exceptionnels mentionnés à l’article 16 de la Constitution, c’est-à-dire lors de situations exceptionnelles.

Quant au CSM, il assure quotidiennement – telle est ma vision des choses ! – le respect de cette indépendance au travers des nominations des magistrats du siège, des propositions des magistrats du parquet et des instances disciplinaires. Tel est le sens de l’amendement n° 1.

Mais la Haute Assemblée est assez sage pour voter comme elle l’entend.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Ayant été sensible à l’observation de M. Bas, je souhaite, monsieur le président, rectifier l’amendement n° 38 rectifié.

Nous avions précisé, dans un premier temps, que le CSM veillait à garantir cette indépendance « par ses avis et ses décisions ». Le CSM nous a lui-même fait observer qu’il pouvait avoir à émettre autre chose que des avis et des décisions.

Il est redondant, c’est vrai, de préciser qu’il intervient « dans le cadre de ses attributions ».Il serait effectivement plus élégant de dire, après l’alinéa précisant que le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire, que le Conseil supérieur de la magistrature y concourt. Cette formulation me paraît plus correcte.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Pourriez-vous préciser votre rédaction, madame la garde des sceaux ?

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Le premier alinéa de l’article 64 de la Constitution reste inchangé, mais j’en donne lecture pour la clarté des débats : « Le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. »

En revanche, le deuxième alinéa serait ainsi rédigé : « Le Conseil supérieur de la magistrature concourt à garantir cette indépendance. »

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je suis donc saisi d’un amendement n° 38 rectifié bis, présenté par le Gouvernement et ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

veille, par ses avis et ses décisions,

par les mots :

concourt

La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Je veux simplement dire à Mme le garde des sceaux que je voterai cet amendement ainsi libellé.

L'amendement est adopté.

L'article 1 er est adopté.

I. – L’article 65 de la Constitution est ainsi rédigé :

« Art. 65 . – Le Conseil supérieur de la magistrature comprend une formation compétente à l’égard des magistrats du siège, une formation compétente à l’égard des magistrats du parquet et une formation plénière.

« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d’avis formulées par le Président de la République en application de l’article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur celles relatives au fonctionnement de la justice dont il est saisi par le ministre de la justice. Il peut se saisir d’office des questions relatives à l’indépendance de l’autorité judiciaire et à la déontologie des magistrats. Il peut également être saisi par tout magistrat sur une question de déontologie qui le concerne.

« La formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège fait des propositions pour les nominations des magistrats du siège à la Cour de cassation, pour celles de premier président de cour d’appel et pour celles de président de tribunal de grande instance. Les autres magistrats du siège sont nommés sur son avis conforme.

« Les magistrats du parquet sont nommés sur l’avis conforme de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet.

« La formation compétente à l’égard des magistrats du siège et la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet statuent comme conseil de discipline, respectivement, des magistrats du siège et des magistrats du parquet.

« Le Conseil supérieur de la magistrature peut être saisi par un justiciable. » ;

II. – Après l’article 65 de la Constitution, sont insérés des articles 65-1 et 65-2 ainsi rédigés :

« Art. 65 -1 . – Le Conseil supérieur de la magistrature a pour membres :

« 1° Huit magistrats du siège élus par les magistrats du siège ;

« 2° Huit magistrats du parquet élus par les magistrats du parquet ;

« 3° Un conseiller d’État élu par le Conseil d’État ;

« 4° Un avocat ;

« 5° Six personnalités qualifiées n’appartenant ni au Parlement, ni à l’ordre judiciaire, ni à l’ordre administratif, ni aux barreaux, comprenant un nombre égal de femmes et d’hommes.

« Un collège composé du vice-président du Conseil d’État, du président du Conseil économique, social et environnemental, du Défenseur des droits, du premier président de la Cour de cassation, du procureur général près la Cour de cassation, du premier président de la Cour des comptes, du président d’une instance consultative de protection des libertés publiques et de défense des droits de l’homme et d’un professeur des universités désigne les six personnalités mentionnées au 5° et propose qu’une de ces personnalités soit nommée président du Conseil supérieur de la magistrature. Dans chaque assemblée parlementaire, une commission permanente désignée par la loi se prononce, par avis public, sur le nom de chacune des personnalités ainsi désignées. Aucune ne peut être nommée si l’addition des votes dans chaque commission représente moins des trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.

« La formation plénière comprend quatre des huit magistrats du siège mentionnés au 1°, quatre des huit magistrats du parquet mentionnés au 2°, ainsi que les personnes mentionnées aux 3° à 5°.

« En formation plénière, la voix du président est prépondérante.

« La formation compétente à l’égard des magistrats du siège comprend, outre le président du Conseil supérieur de la magistrature, sept magistrats du siège et un magistrat du parquet, ainsi que les sept membres, autres que le président, mentionnés aux 3° à 5°.

« La formation compétente à l’égard des magistrats du parquet comprend, outre le président du Conseil supérieur de la magistrature, sept magistrats du parquet et un magistrat du siège, ainsi que les sept membres, autres que le président, mentionnés aux 3° à 5°.

« Lorsqu’elle statue comme conseil de discipline des magistrats du siège, la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du siège est complétée et présidée par le premier président de la Cour de cassation.

« Lorsqu’elle statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet, la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente à l’égard des magistrats du parquet est complétée et présidée par le procureur général près la Cour de cassation.

« Sauf en matière disciplinaire, le ministre de la justice peut participer aux séances des formations du Conseil supérieur de la magistrature.

« Art. 65 -2 . – Une loi organique détermine les conditions d’application des articles 65 et 65-1. »

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 15 rectifié, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Comme nous l’avons expliqué lors de la discussion générale, nous ne souhaitons pas modifier la composition du Conseil supérieur de la magistrature.

L’article 2, qui vise à modifier le système mis en place par la révision constitutionnelle de 2008, ne nous satisfait pas. Dans cette logique, nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Elle considère en effet que la nouvelle composition du CSM donnerait à ce dernier plus d’indépendance encore à l’égard du pouvoir politique, ce qui, partant, accroît l’indépendance de l’ensemble des magistrats, juges et procureurs.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur Hyest, l’article 2 du projet de loi constitutionnelle a deux immenses vertus.

Premièrement, il réécrit et restructure l’article 65 de la Constitution, en le rendant plus cohérent. Il organise différemment les attributions du Conseil supérieur de la magistrature, redéfinit la composition de sa formation plénière, de sa formation compétente à l’égard des magistrats du siège et des magistrats du parquet, ainsi que son fonctionnement.

Deuxièmement, il contient les principales dispositions de la réforme que propose le Gouvernement.

Supprimer cet article revient à supprimer la réforme. Autrement dit, vous essayez de faire ce que vous n’êtes pas parvenu à faire au moyen de la motion tendant à opposer la question préalable. Certes, cette tentative vous honore, monsieur Hyest.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

J’en conviens fort volontiers. Mais je suis contrariée d’avoir à émettre un avis défavorable sur votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je mets aux voix l'amendement n° 15 rectifié.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici le résultat du scrutin n° 291 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Mes chers collègues, compte tenu de l’heure et sachant que vingt-huit amendements font maintenant l’objet d’une discussion commune, je vous propose d’en rester là pour ce soir.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Je demande la parole.

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux

Monsieur le président, en application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, je souhaite que le Sénat examine par priorité l’amendement n° 39 rectifié ainsi que les sous-amendements n° 35 rectifié et 42.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité formulée par le Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Par conséquent, je mets aux voix cette demande de priorité.

La priorité est ordonnée.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 4 juillet 2013 :

À neuf heures trente :

1. Suite du projet de loi constitutionnelle, adopté par l’Assemblée nationale, portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature (625, 2012–2013) et du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif aux attributions du garde des sceaux et des magistrats du ministère public en matière de politique pénale et de mise en œuvre de l’action publique (626 rectifié, 2012–2013) ;

Rapports de M. Jean-Pierre Michel, faits au nom de la commission des lois (nos 674 et 675, 2012–2013) ;

Texte de la commission (n° 676, 2012–2013).

À quinze heures :

2. Questions d’actualité au Gouvernement.

À seize heures quinze et le soir :

3. Projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2012 (710, 2012–2013) ;

Rapport de M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances (711, tomes I et II, 2012–2013).

4. Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’orientation des finances publiques.

5. Suite éventuelle de l’ordre du jour du matin.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le jeudi 4 juillet 2013, à zéro heure vingt-cinq.