Séance en hémicycle du 24 juillet 2012 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • finances rectificative

La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Je rappelle au Sénat que :

- le groupe socialiste et apparentés a présenté une candidature pour la commission des affaires économiques et une candidature pour la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire ;

- le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a présenté une candidature pour la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire ;

- le groupe écologiste a présenté une candidature pour la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :

- M. Marc Dallais membre de la commission des affaires économiques, à la place laissée vacante par M. Thierry Repentin, dont le mandat de sénateur a cessé ;

- M. André Vairetto membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, en remplacement de M. Marc Daunis, démissionnaire ;

- M. Stéphane Mazars membre de la commission du développement durable, des infrastructures, de l’équipement et de l’aménagement du territoire, compétente en matière d’impact environnemental de la politique énergétique, à la place laissée vacante par Mme Anne-Marie Escoffier, dont le mandat de sénateur a cessé ;

- Mme Kalliopi Ango Ela membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, à la place laissée vacante par Mme Hélène Conway-Mouret, dont le mandat de sénateur a cessé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a présenté une candidature pour la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois.

Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste et apparentés a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale à l’outre-mer.

Je rappelle au Sénat que le groupe du Rassemblement démocratique et social européen a présenté une candidature pour la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Le délai prévu par l’article 8 du règlement est expiré.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, je déclare ces candidatures ratifiées et je proclame :

- M. Stéphane Mazars membre de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, à la place laissée vacante par Mme Anne-Marie Escoffier, dont le mandat de sénateur a cessé ;

- M. Gilbert Roger membre de délégation sénatoriale à l’outre-mer, à la place laissée vacante par M. Thierry Repentin, dont le mandat de sénateur a cessé ;

- M. Stéphane Mazars membre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, à la place laissée vacante par Mme Anne-Marie Escoffier, dont le mandat de sénateur a cessé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012 (projet n° 687, rapport n° 689, avis n° 691 et 690).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué, dont je salue la première intervention au Sénat.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, même si j’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer devant vous à des titres divers, c’est effectivement la première fois que je m’adresse depuis cette tribune à la Haute Assemblée. J’éprouve donc aujourd’hui un sentiment particulier. J’espère que celui-ci me vaudra de l’indulgence sur l’ensemble des travées.

Debut de section - Permalien
Nathalie Goulet et

Mme Nathalie Goulet et M. Roger Karoutchi. Ce n’est pas sûr !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Albéric de Montgolfier

M. Albéric de Montgolfier. N’y comptez pas trop !

Sourires

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Merci de ces encouragements ! Fort de vos réactions, que je prends comme autant de signes de sympathie, je rappelle qu’un projet de loi de finances rectificative présenté par le Gouvernement à la suite d’élections générales, est plus qu’une tradition : c’est presque une obligation politique.

Que les électeurs aient décidé de maintenir la majorité en place quand son mandat doit être renouvelé ou d’en changer, comme ce fut le cas voilà quelques semaines, tout nouveau gouvernement présente une loi de finances rectificative, soit pour amplifier ou infléchir la politique menée jusqu’alors, soit, s’il y a changement, pour proposer des modifications, tout en s’inscrivant dans une certaine continuité eu égard à la parole donnée par notre pays dans le concert des nations.

Nous prendrons en compte la nécessité de faire prévaloir, dans les sacrifices demandés, ce que d’aucuns appellent, fort à propos, un effort juste.

Cette tradition, qui est aussi une nécessité, ne surprendra donc personne. Elle rencontre une réalité budgétaire que vous avez déjà pu connaître puisque vous avez eu ces dernières semaines non seulement à examiner la loi de règlement, mais aussi à donner votre avis sur les orientations pluriannuelles des finances publiques. J’en dirai néanmoins quelques mots.

Cette réalité budgétaire est d'abord un objet de satisfaction pour celles et ceux qui en portent la responsabilité. En effet, jamais dans l’histoire de notre pays le déficit public et le déficit budgétaire ne furent réduits dans les proportions que l’on a pu observer à la fin de l’année 2011 : près de 1, 9 point de PIB pour le premier et près de 59 milliards d'euros pour le second. Convenons que ces deux diminutions sont historiques, mais aussi qu’elles répondent à une réalité qui ne l’était pas moins, à savoir l’importance prise l’année précédente à la fois par le déficit public et par le déficit budgétaire. Une ampleur a répondu à une autre.

En effet, si le déficit public fut réduit de 1, 9 % en 2011, ce fut d'abord – la Cour des comptes comme la loi de règlement ont apporté à cet égard des éléments d’appréciation objectifs – pour des raisons conjoncturelles ou exceptionnelles, et bien peu pour des motifs structurels. Il en fut de même de la diminution de 59 milliards d'euros du déficit du budget de l’État.

La réduction de 1, 9 point de PIB du déficit public s’explique pour 0, 8 point pour des raisons exceptionnelles, pour un demi-point de PIB pour des causes conjoncturelles et pour 0, 8 point pour des motifs structurels. Ce dernier élément est incontestable ; il a été établi par la Cour des comptes et la loi de règlement en a fait état.

Toutefois, cette réduction du déficit public structurel s’explique exclusivement par une augmentation des prélèvements obligatoires. La majorité précédente, quoi qu’elle ait affirmé, a augmenté les impôts : il est temps d’appeler un chat un chat ! Ce qui était communément désigné sous le vocable de « réduction de la dépense fiscale » et qui n’était donc pas assumé comme une hausse d’impôts fut, en réalité, un accroissement des prélèvements fiscaux. Entre 2007 et 2011, ces derniers ont augmenté de près de 1, 5 % du PIB, c'est-à-dire de 30 milliards d'euros. Il faut mettre cette augmentation en rapport avec l’engagement de celui qui, brillamment élu Président de la République en 2007, avait promis cette année-là de baisser les impôts de 4 points de PIB, soit 80 milliards d'euros…

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Entre une réduction de 80 milliards d'euros et une augmentation de 30 milliards d'euros, il y a donc un écart de 110 milliards d'euros. On peut en comprendre les raisons conjoncturelles. On peut aussi, par souci de lucidité, estimer que cette promesse fut inconsidérée ou que les politiques publiques mises en œuvre ne furent pas cohérentes avec elle. Quoi qu'il en soit, l’écart est incontestable.

D'ailleurs, cette augmentation d’impôts de 30 milliards d'euros a eu lieu, pour l’essentiel, pendant les deux dernières années de la mandature précédente. Cela peut laisser perplexes ceux qui estiment qu’un effort doit être plutôt demandé en début qu’en fin de mandat, mais la responsabilité d’un tel choix incombe à ceux qui l’ont fait, et non aux autres.

Il reste que ces augmentations d’impôts ont permis une réduction structurelle du déficit de 0, 8 point de PIB. Quant à la baisse de la dépense publique, dont il nous fut dit continûment pendant cinq ans qu’elle était l’objet de soins attentifs de la part du Gouvernement, elle n’a pas contribué à la baisse du déficit en 2011.

En effet, la Cour des comptes estime dans son rapport que, l’an dernier, l’évolution de la dépense publique a contribué défavorablement à celle du déficit, pour 0, 2 point de PIB. La dépense publique, loin d’avoir été tenue, comme les pouvoirs publics s’étaient engagés à le faire, a progressé.

Dans la réduction du déficit de 1, 9 point de PIB, qui, je le répète, est historique, seul 0, 8 point tient à une réforme ou à des décisions structurelles relatives aux recettes. La contribution des dépenses a été négative. Pour le reste, il faut invoquer des causes conjoncturelles ou exceptionnelles, en particulier la fin du plan de relance, pour 0, 4 point de PIB, l’achèvement de la réforme de la taxe professionnelle ou l’aboutissement de la budgétisation de certains crédits militaires. Par définition, ces mesures ne se répéteront pas. Ni en 2012, ni en 2013, ni davantage les années suivantes nous ne reverrons ces diminutions de dépenses, qui n’étaient que conjoncturelles.

On pourrait réaliser un raisonnement analogue en matière de déficit budgétaire. La diminution de 59 milliards d'euros tient, pour l’essentiel, à des mesures conjoncturelles ou exceptionnelles. La Cour des comptes n’identifie qu’une réduction structurelle de 14 milliards d'euros pour le budget de l’État. Et encore, elle précise que, sur cette somme, 4 milliards d'euros viennent du remboursement par le secteur automobile des prêts accordés par l’État. Demeurent, en vérité, 10 milliards d'euros d’effort structurel, ce qui correspond, mesdames, messieurs les sénateurs, à la croissance spontanée des recettes fiscales de l’État... Cette dernière remarque en dit long sur ce que fut l’effort lié à des décisions voulues, présentées et assumées par les pouvoirs publics en matière de réduction du déficit budgétaire !

Telle est la réalité des finances publiques à la fin de 2011. Chacun peut l’assumer ou la critiquer en conscience, mais c’est la base sur laquelle le débat, fructueux je l’espère, doit se construire pour 2012. En effet, la France a donné sa parole qu’elle afficherait à la fin de cette année un déficit public de 4, 5 % du PIB. Tout fut fait consciemment et délibérément par ceux qui avaient la charge du pays il y a encore quelques semaines, je le crois, pour que ce déficit fût respecté. Or il se trouve que l’analyse de la Cour des comptes et celle des services du ministère de l’économie et des finances convergent pour indiquer que, toutes choses égales par ailleurs, la France ne pourrait respecter l’objectif sur lequel elle s’est engagée.

Cette situation s’explique par la conjoncture : la croissance n’est pas celle qui fut espérée, même s’il est vrai que, avec le temps et après quelques lois de finances rectificatives, elle fut en définitive prudemment estimée à 0, 5 % du PIB. Elle s’explique également par une prévision budgétaire audacieuse, certains diraient même imprudente.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Chacun sait ce qu’il en est de la conjoncture : 0, 1 point de croissance en moins fait perdre plusieurs milliards d'euros de recettes au pays. L’expérience a malheureusement été vécue par tous les gouvernements de la République depuis toujours.

Toutefois, il est possible d’apprécier différemment la sous-estimation de certaines recettes. Je pense à l’impôt sur les sociétés, dont le produit fut objectivement surestimé, pour des raisons conjoncturelles bien sûr, mais aussi pour des motifs tenant à la commodité. Le précédent gouvernement prévoyait que l’assiette sur laquelle est assis l’impôt sur les sociétés progresserait de 5, 2 %. De fait, cette hausse ne fut que de 2 %...

Reconnaissons que, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, des voix se sont élevées pour indiquer que cette estimation était largement exagérée, pour appeler à une plus grande prudence, pour suggérer une croissance du bénéfice fiscal qui serait plutôt de 2, 5 % ou de 3 % que de 5, 2 %. Ces avertissements ne furent pas écoutés par le gouvernement de l’époque, qui préféra en rester à sa prévision.

Au regard d’une telle prévision, la surestimation des recettes au titre de l’impôt sur les sociétés fut donc d’un peu moins de 3 milliards d'euros, une somme qui, aujourd'hui, manque dans les comptes de l’État. On peut formuler la même remarque pour la TVA, dont les recettes ont été surestimées de 1, 4 milliard d’euros. La conjoncture est, hélas ! responsable de cette situation pour 0, 4 milliard d'euros. Toutefois, pour 1 milliard d’euros, c’est le gouvernement précédent qui – passez-moi l’expression, mesdames, messieurs les sénateurs – s’en est chargé.

En effet, quand la prévision fut formulée, toutes les restitutions n’avaient pas été effectuées et chacun savait que cette surestimation d’un milliard d’euros serait avérée en cours d’année. Nous y sommes ! On compte également 1 milliard d'euros en moins pour les cotisations sociales et un autre pour les collectivités locales.

La Cour des comptes a estimé que le manque de recettes dû tant à l’évolution conjoncturelle qu’à des prévisions audacieuses, pour ne pas dire irréfléchies, se situait entre 7 milliards et 10 milliards d'euros. Le Gouvernement retient le chiffre de 7, 1 milliards d'euros et vous propose, mesdames, messieurs les sénateurs, un plan de recettes complémentaires de 7, 2 milliards d'euros sans lequel la France ne pourrait tenir sa parole.

Le présent collectif budgétaire est donc de nature traditionnelle, puisqu’il coïncide avec une alternance politique. De surcroît, il a pour fonction première de permettre à notre pays de respecter la parole donnée en son nom par d’autres que ceux qui occupent aujourd’hui les plus hautes responsabilités. En effet, la France, comme tout grand pays, se doit de respecter les engagements pris.

À cet égard, un fait doit être relevé. Dans les années ou les mois précédant l’élection présidentielle de 2007, le Président de la République, parlant au nom de la France, s’était engagé devant le concert des nations, plus particulièrement au sein de la zone euro, à respecter une certaine trajectoire en matière de finances publiques. Or la parole de la France fut reprise par son successeur, qui s’était invité à l’Eurogroupe – ce fut d’ailleurs une première sans suite. Il avait alors indiqué qu’ayant été élu pour mener à bien un programme, il réaliserait celui-ci plus qu’il ne respecterait la parole de la France.

Selon moi, ce jour là, la France a commis une erreur au sein de la zone euro. Une telle attitude n’a pas contribué à crédibiliser la parole des pouvoirs publics de notre pays, quels qu’ils soient.

Nous assistons aujourd’hui à une rupture. En effet, en dépit de l’alternance politique voulue par les Français, le Président de la République a décidé que la parole donnée au nom de la France par d’autres que lui serait respectée. Pour ce faire, mesdames, messieurs les sénateurs, il vous est proposé un projet de loi de finances rectificative afin de dégager les recettes qui manquent.

À cette période de l’année, au regard de l’exécution budgétaire déjà engagée, la présentation d’un plan d’économies d’une ampleur telle – plus de 7 milliards d’euros – peut permettre à certaines personnes, peu averties de la difficulté de modifier une exécution budgétaire à mi-année, de se livrer à quelques effets oratoires, attitude qui est bien éloignée du sérieux nécessaire en la matière.

L’année dernière, le gouvernement précédent, confronté à des difficultés de même nature – le redressement obligatoire des finances publiques eu égard à l’engagement pris –, fut à l’initiative de deux plans de redressement, dénommés, selon la loi du genre, les « plans Fillon I et Fillon II », qui comportaient quasiment exclusivement des recettes supplémentaires et aucune économie pour l’année en cours ; seul le second plan prévoyait quelques économies pour l’année future. Outre 10 milliards d’euros de recettes supplémentaires en année pleine, il visait 1 milliard d’euros d’économies en matière de dépenses pour l’année suivante. Je le sais, il est de bon ton pour certains responsables politiques et pour certains élus de reprocher au gouvernement en place de ne pas proposer des économies significatives en cours d’année. Ce rappel historique prouve que la difficulté d’effectuer de telles économies fut déjà rencontrée par d’autres gouvernements que celui auquel j’appartiens.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

D’ailleurs, je comprends les modalités qui ont assorti les mesures d’économie alors proposées au Parlement.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Quoi qu’il en soit, des économies sont aujourd'hui proposées.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Même si tel n’est pas forcément l’usage lors d’une alternance politique, le gel de crédits à hauteur de 5, 4 milliards d’euros décidé par le gouvernement précédent…

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

… est maintenu par le gouvernement actuel, en dépit de la chaleur estivale. C’est vous dire notre mérite ! (Sourires.)

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Une telle décision ne fut pas prise l’année dernière par le gouvernement précédent, avec l’approbation, je l’imagine, de la majorité de l’époque.

Comme chacun le sait, lorsqu’un gel ou un surgel de crédits est décidé, tous les ministères sont sollicités ; en l’espèce, ils le seront à concurrence des sommes que je viens d’indiquer.

Peut-on espérer de cette disposition des économies supplémentaires nettes en fin d’année ? Nous ne serons en mesure de faire le point qu’à ce moment-là, une fois honorés tous les engagements souscrits par l’État.

Là encore, prenons l’exemple des années précédentes, car le gel de crédits n’est pas une technique très originale, les différents gouvernements s’y étant prêtés depuis quelques années de manière judicieuse, même si, en fin d’exercice, le résultat fut parfois décevant pour les défenseurs de cette ligne de conduite.

En 2009 et en 2010, en dépit du gel de crédits d’un niveau comparable à celui que je viens d’évoquer – de l’ordre de 5 milliards à 7 milliards d’euros –, les économies réelles effectuées en fin d’année, une fois apurées les différentes lignes budgétaires que l’État se devait d’honorer, furent nulles.

L’année dernière, au prix d’une précaution supplémentaire, les économies sèches réalisées pour la première fois en fin d’exercice se sont élevées à 200 millions d’euros.

J’entends déjà les reproches qui seront faits au Gouvernement quant à l’insuffisance des économies envisagées. Si je me suis permis ce court rappel historique, c’est parce que j’ose espérer un peu d’indulgence, sinon de compréhension, de la part de ceux qui estiment qu’il faudrait d’ores et déjà faire dès ce mois de juillet 1 milliard, 2 milliards ou 3 milliards d’euros d’économies, voire davantage, ceux-là mêmes qui n’ont pas été en mesure d’obtenir plus de 200 millions d’euros d’économies l’année dernière.

Nous nous efforcerons donc de dégager des économies. Mais l’effort demandé à nos concitoyens cette année est tel qu’ils ne pourront l’accepter qu’à la condition d’obtenir l’engagement des pouvoirs publics que ces derniers feront tout pour que chaque euro dépensé le soit à bon escient et, surtout, faute d’autre solution. C’est probablement l’année prochaine, lors de l’examen du projet de loi de règlement, que nous devrons solder collectivement l’année 2012.

Cette année sera rude pour certains et difficile pour tous. Le plan proposé par le Gouvernement prévoit des recettes supplémentaires de 2, 7 milliards d’euros, qui s’ajoutent aux contributions déjà demandées par le biais des plans Fillon I et Fillon II.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

J’entends déjà ce que certains diront : lever des recettes supplémentaires relèverait d’une facilité condamnable. Mais, cette année, les prélèvements obligatoires augmenteront de 1, 1 point de PIB, soit d’un peu plus de 20 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Attendez de nous entendre ! Ne faites pas les questions et les réponses !

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Le Gouvernement auquel j’appartiens propose au Parlement de voter 7, 2 milliards d’euros de recettes supplémentaires sur ce 1, 1 point de PIB. Cela signifie que, sur cette hausse, 15 milliards d’euros d’impôts ont déjà été décidés par le gouvernement précédent et votés par l’ancienne majorité. Bref, cette année, un tiers de l’augmentation des prélèvements obligatoires résultera d’une demande au Parlement du gouvernement actuel, tandis que les deux autres tiers tiennent à la décision du gouvernement précédent et de la majorité précédente.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Finalement, l’actuelle majorité demandera moitié moins que la précédente. J’attends de la part des parlementaires de l’opposition…

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … qu’ils émettent à l’égard du Gouvernement auquel j’appartiens la moitié des critiques qu’ils ont pu asséner au gouvernement précédent.

Applaudissements

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

En tout cas, j’espère que les chiffres que j’ai fournis ne seront pas contestés. À défaut, j’en viendrai à citer la loi de règlement et le rapport de la Cour des comptes, qui ne sont remis en cause par personne.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

En revanche, on peut débattre des mesures proposées dans le présent projet de loi de finances rectificative. En l’espèce, l’alternance prend tout son sens, dans la mesure où les dispositions soumises au Parlement ne se situent pas, c’est évident, dans la ligne de celles qu’avait suggérées le précédent gouvernement. Toutefois, pour certaines d’entre elles, l’on peut noter une certaine continuité.

Ainsi, la taxe sur les transactions financières, dont le doublement du taux est proposé au Parlement, conserve la même assiette que celle qu’a retenue la précédente majorité.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

De surcroît, afin que les engagements du gouvernement précédent soutenus par certains d’entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, soient respectés, il vous est proposé de doubler le taux de cette taxe, dont le rendement ne s’est pas révélé à la hauteur des espérances affichées.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

J’espère que cette proposition ne soulèvera pas trop d’opposition, sinon chacun conviendra que cette opposition est purement politique.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Nous nous inscrivons dans la continuité également lorsqu’il s’agit d’avancer au profit de l’État la perception de la surtaxe au titre de l’impôt sur les sociétés. L’assiette tout comme le taux, votés par la majorité précédente, demeureront les mêmes. Je peux comprendre la critique selon laquelle versée en 2012, cette surtaxe ne pourra pas l’être en 2013. Mais l’objet même de cet impôt, à savoir garantir le rétablissement des finances publiques, pourrait faire consensus.

D’autres dispositions, bien évidemment, s’inscrivent en rupture avec celles qu’a adoptées la majorité précédente.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Qui pourrait s’en indigner d’ailleurs ? L’alternance politique assez nette, voulue à deux reprises par les Français, lors des élections présidentielle et législatives, et peut-être plus nettement d’ailleurs, selon certains, lors de la deuxième échéance

M. Roger Karoutchi fait un signe dubitatif.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Je citerai, d’abord, les mesures relatives aux heures supplémentaires. D’ores et déjà, je devine riche et intense le débat qui se déroulera dans cet hémicycle §

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ces mesures ne constituent pas une réelle surprise, car, sans discontinuer, pendant cinq ans, l’opposition de l’époque, à laquelle j’appartenais, s’est élevée contre les allégements sociaux attachés aux heures supplémentaires. Comme nous l’avions alors souligné, si de tels allégements n’étaient pas contestables en soi, le contexte économique ne s’y prêtait absolument pas. En période de plein emploi et de croissance économique affirmée, ce n’est pas un mauvais principe que de permettre à certains de tirer des avantages d’un travail supplémentaire qui leur serait demandé, voire imposé par l’employeur, car c’est souvent ainsi que les choses se passent. D’ailleurs, en droit du travail, ces heures ne sont pas négociables par le salarié.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Mais, en période de stagnation ou, pis, de récession, subventionner des heures supplémentaires revient à détruire de l’emploi.

Protestations sur les travées de l'UMP. – Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous livrer à cet égard une comparaison que je crois édifiante. L’Allemagne, elle, a mené une politique rigoureusement inverse à celle de la France. Elle a décidé de mettre en œuvre la politique du Kurzarbeit, du travail réduit. Que les distingués germanistes qui siègent au sein de cette assemblée me permettent cette traduction, moi qui ne suis pas germanophile…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Germanophone, voulez-vous dire ! Mais vous êtes certainement germanophile !

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Je vous remercie d’avoir apporté cette correction, monsieur le président de la commission des finances.

Donc, germanophile, je suis ; germanophone, je ne suis pas. J’espère que le compte rendu aura bien noté cette précision dont je vous sais gré, monsieur le président de la commission des finances. §

La politique menée en Allemagne fut rigoureusement adverse de la politique menée en France. En Allemagne, le chômage a baissé ; en France, il a augmenté, touchant un million supplémentaire de nos concitoyens. Il ne me semble pas que ce résultat puisse aller au crédit des politiques économiques de la précédente majorité et du précédent gouvernement. Je comprends que ceux qui ont soutenu ce dernier continuent à soutenir les dispositions qu’ils ont votées, mais les faits sont là et ils sont têtus : un million de chômeurs en plus, c’est au moins la marque sinon le témoignage que les politiques économiques ne furent pas adaptées à la dureté des temps.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

L’Allemagne, elle, avait su s’adapter. D’autres l’avaient fait moins bien. Sachons tirer les leçons des différences notables entre nos deux pays !

Il est une autre mesure dont l’abolition va être proposée par le Gouvernement. C’est, bien sûr, cette augmentation de la TVA qui a reçu tant de noms : « TVA Sarkozy », « TVA sociale », « TVA anti-délocalisation », « TVA emploi », « TVA compétitivité », « TVA je-ne-sais-quoi » !

La majorité dont je suis l’émanation n’a en tout cas jamais pensé que cette mesure permettrait de traiter la vraie – et difficile – question de la compétitivité des entreprises en France, et cela pour une raison assez simple à propos de laquelle il me semble, là encore, que la bonne foi pourrait tenter de rejoindre l’arithmétique.

Une baisse de 2 % s’appliquant au seul coût du travail, alors que celui-ci ne compte que pour 20 % à 40 % dans le prix du produit fini, signifie en effet au total une baisse du prix du produit fini de 0, 4 % à 0, 8 %, en une seule fois, de surcroît.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Comment espérer, mesdames, messieurs les sénateurs, un gain de compétitivité sur les prix en faisant baisser en une fois ceux-ci de 0, 4 % à 0, 8 %, c'est-à-dire bien moins que ce que les simples progrès de la productivité permettent dans des pays comme l’Allemagne ?

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Et je ne parle même pas de pays situés dans d’autres zones que l’Europe…

Comment peut-on imaginer que cette mesure aurait pu par elle-même améliorer la compétitivité de nos entreprises !

En revanche, il est sûr – en tout cas je le crois, même si je sais que cette appréciation peut-être contestée par certains –que la hausse de la TVA aurait conduit à une baisse du pouvoir d’achat. Dès lors que c’est ce qu’estiment en conscience ceux qui émanent de la nouvelle majorité, que l’on sait que la consommation des ménages est la contrepartie de près de 60 % de la croissance économique, que l’on constate que cette dernière est particulièrement faible cette année, il est légitime de revenir sur une mesure qui l’aurait compromise davantage alors que le pays en a, évidemment, besoin.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Il vous sera donc proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, de revenir sur une politique publique dont nous ne pensons pas qu’elle aurait amené les résultats que ses promoteurs avaient pu en espérer, …

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

… mais nous aurons ce débat, car ne croyez pas, les uns et les autres, que la question de la compétitivité des entreprises sera épuisée pour autant : pas plus que tout autre collectif budgétaire présenté au milieu de l’été, le présent collectif ne résume la politique du Gouvernement et moins encore ses ambitions pour la mandature.

Nos institutions sont en effet ainsi faites : pendant les cinq à venir, le pays aura une majorité solide…

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

… et un gouvernement qui émanera de celle-ci, sous la direction d’un Président de la République élu pour cinq ans, dont chacun sait – la Constitution y a pourvu – qu’il est inexpugnable du palais de l’Élysée. Je crois qu’admettre cette situation relève de la sagesse la plus élémentaire, mais, naturellement, cela ne signifie pas que l’opposition doive faire preuve de silence, de modestie…

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Je me permets de le dire pour n’être en rien accusé de croire que, dès lors que les Français se sont prononcés à la majorité, la totalité du pays adhérerait aux vues que nous défendons.

Certaines des dispositions qui vous seront proposées à l’occasion de ce projet de loi de finances s’inscrivent donc, pour partie, dans une certaine continuité – je suppose qu’elles rencontreront peu d’opposition –, d’autres, dans une franche rupture. À celles-ci, certains s’opposeront.

Je pense, par exemple, à l’impôt de solidarité sur la fortune. Dès lors qu’il faut redresser les finances publiques tout en ménageant autant que faire se peut, je l’ai dit, la consommation des ménages, il convient de solliciter ceux d’entre eux qui, en dépit de cette sollicitation, ne modifieront pas sensiblement – à supposer même qu’ils la modifient – leur consommation et d’épargner les autres afin que la consommation ne pâtisse pas de dispositions pour autant nécessaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons poursuivre le débat qui s’est tenu à l’Assemblée nationale. Je ne doute pas que les uns et les autres émettront un vote en conscience, quelles que soient les travées sur lesquelles ils siègent dans cette assemblée. J’espère que le débat parlementaire continuera ainsi à éclairer le débat public, car c’est après tout le rôle de chacune des deux chambres de notre Parlement.

En conclusion, je dirai simplement à tous que personne ne doit se méprendre : il s’agit bien, avec ce projet de loi de finances rectificative, de veiller à ce que la France respecte sa parole et d’indiquer à nos partenaires, à nos alliés, à nos amis – je pense, une fois encore, à nos amis Allemands – que notre pays est engagé dans une trajectoire de correction de ses finances publiques absolument nécessaire.

Ce faisant, la France retrouvera peut-être une voix plus forte que celle qu’elle a pu avoir et pourra donc faire prévaloir davantage les vues originales qui sont les siennes. Depuis la Révolution, notre pays a en effet une originalité à défendre, générations après générations.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit donc bien de renouer, en Europe et en France, avec une prospérité qui semble nous fuir et de garantir, à nos enfants et à nos petits-enfants, le destin que, historiquement, il nous appartient de leur garantir. §

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative que M. le ministre vient de nous présenter répond à une double nécessité.

La première, vous l’avez indiqué avec beaucoup de conviction, monsieur le ministre, c’est de conforter la place de la France en Europe.

La seconde, c’est de tenir sans délai les engagements pris devant les Français dans le cadre des élections présidentielles.

S’agissant de la première nécessité, rappelez-vous, chers collègues, les mois qui ont précédé l’élection présidentielle. Politiquement, la France était considérée comme n’ayant plus de rôle spécifique puisqu’elle se contentait de relayer les exigences allemandes. §Économiquement, le risque était que l’Europe se coupe en deux, l’enjeu pour la France étant de savoir si elle basculerait plutôt du côté sud ou du côté nord.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Politiquement, la France a retrouvé une voix mieux affirmée, qui a permis de redonner de l’unité à la zone euro en mettant fin aux dialogues de sourds.

Économiquement, les évolutions sont à double tranchant. Ce qui est positif, c’est que la France n’a pas rejoint les pays qui connaissent des difficultés de financement.

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l’Ump

Pour l’instant !

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Ce qui est inquiétant, c’est le fait que nous nous financions à des taux négatifs alors que l’Espagne et l’Italie se débattent pour conserver des conditions de financement soutenables. Cela montre que les investisseurs ne croient plus aujourd'hui en l’unité de la zone euro.

L’accueil favorable réservé, pendant quelques jours, aux décisions prises au Conseil des 28 et 29 juin montre que l’espoir subsiste, mais la confiance ne reviendra pas tant que rien de tangible ne pourra être constaté.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, notre gouvernement doit poursuivre son travail de persuasion, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

… de conviction, pour faire avancer les idées que nous défendons et qui donneront une perspective à la zone euro : union bancaire, licence bancaire au Fonds européen de stabilité financière, le FESF, et au MES, le mécanisme européen de stabilité, lorsqu’il sera en mesure de voir le jour, augmentation de la taille des dispositifs de stabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Cependant – et j’en reviens à ce projet de loi de finances rectificative –, la France ne pourra pas être un moteur et nos partenaires ne pourront pas faire confiance à nos solutions si par ailleurs nous ne montrons pas notre capacité à garder notre maison en ordre. C’est la bonne gestion de notre pays qui assurera notre crédibilité en Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Cette loi de finances rectificative est le premier exemple de la manière dont le Gouvernement et la majorité qui le soutient veulent désormais conduire notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Lucidité, réalisme et transparence, voilà les premières qualités que je trouve à ce collectif budgétaire.

L’objectif est de respecter en 2012 la trajectoire des finances publiques, c'est-à-dire de ramener le déficit à 4, 5 % du produit intérieur brut en fin d’année.

Pour cela, il ne faut pas habiller un peu, comme l’avait fait le gouvernement précédent, les chiffres pour donner le sentiment que l’objectif sera atteint. Il faut, au contraire, faire en sorte de réussir même si de mauvaises nouvelles devaient survenir.

C’est pourquoi il était important que le Gouvernement révise à la baisse son hypothèse de croissance, corrige en conséquence les prévisions de recettes et évalue l’ampleur des risques de dérapage sur les dépenses.

En matière de prévision de recettes, il n’est pas déplacé de penser que le Gouvernement précédent n’a pas tiré les conséquences dans le premier collectif budgétaire de 2012 de toutes les informations dont il disposait. Quoi qu’il en soit, le tir est rectifié ici. Les moins-values de recettes sont évaluées à 7, 1 milliards d’euros pour l’ensemble des administrations publiques.

Aux effets de la conjoncture et aux erreurs de prévision, il faut ajouter les conséquences de la condamnation par la Cour de justice de l’Union européenne du régime fiscal des OPCVM, les organismes de placement collectif en valeurs mobilières.

Nous devrons rembourser environ 5 milliards d’euros, dont 1, 5 milliard dès cette année. Aurions-nous pu arrêter le compteur plus tôt ? La question mérite d’être posée. Nous avons en tout cas le sentiment que des informations auraient pu être exploitées bien avant.

Pour les dépenses, le dérapage potentiel est estimé à environ 2 milliards d’euros.

Au total, c’est bien une dizaine de milliards d’euros – soit plus d’un demi-point de PIB – qu’il faut trouver pour que notre déficit de 2012 soit bien de 4, 5 % du produit intérieur brut en fin d’année, et non de 5 %.

Comment cet objectif va-t-il être atteint ?

En dépenses, le choix du Gouvernement est de respecter les règles sur la base desquelles a été construite la loi de finances pour 2012. La plus importante est celle selon laquelle les dépenses de l’État autres que la charge de la dette et les pensions doivent être stabilisées en valeur. Pour la tenir, et donc pour faire face aux risques de dérapage, le Gouvernement accroît de 1, 5 milliard d’euros le montant des crédits mis en réserve. Souvenons-nous qu’il y a seulement quatre mois la précédente ministre du budget expliquait que les risques de dérapage étaient si réduits que l’on pouvait se permettre d’annuler des crédits mis en réserve dès le début de l’année...

Le nouveau gouvernement corrige le tir et fait heureusement preuve, en la matière, de plus de prudence.

Ces règles sont strictes, mais leur respect est essentiel, notamment parce que la pression à la hausse des dépenses est importante et que les motifs de dépenses exceptionnelles surgissent sans cesse. Le versement en mars 2012, en dehors de la norme de dépense, de deux tranches de capital au lieu d’une au mécanisme européen de stabilité est, à cet égard, un bon exemple.

En recettes, nous évoquerons longuement dans la discussion des articles les différentes mesures qui figurent dans ce collectif budgétaire et je reviendrai dans quelques instants sur leur logique.

Je veux juste rappeler à ce stade que ces mesures vont rapporter 7, 3 milliards d’euros au titre de 2012, dont 5, 7 milliards d’euros pour l’État et 1, 6 milliard d’euros pour la sécurité sociale. En 2013, ces mesures rapporteront 4, 4 milliards d’euros en plus, ce qui nous procurera une base de départ de 11, 7 milliards d’euros pour l’année.

Au total, les mesures du projet de loi de finances rectificative permettront de stabiliser le déficit « maastrichtien », qui est celui qui intéresse nos partenaires et les observateurs, et donc de contenir son dérapage. Son montant devrait même être réduit de 500 millions d’euros.

Le déficit budgétaire, celui que nous votons à l’article d’équilibre, sera réduit de manière plus importante, de 3, 7 milliards d’euros, pour atteindre 81, 1 milliards d’euros.

Mes chers collègues, rappelez-vous l’examen du premier collectif budgétaire. Nous avions dénoncé un dérapage de plusieurs milliards d'euros, le déficit budgétaire ayant été porté à 84 milliards d'euros, contre 78 milliards d'euros dans la loi de finances initiale.

Ce qui m’a frappé dans ce collectif budgétaire, c’est que nous commençons à ressentir les effets budgétaires des dispositifs de stabilité mis en place dans la zone euro.

D’abord, le rapport du Gouvernement sur les orientations des finances publiques nous a montré la semaine dernière que notre dette publique de 2012 – 89, 4 points de PIB – incluait d’ores et déjà pour 2, 4 points de PIB les garanties apportées aux dispositifs de stabilité.

Ensuite, le dividende que la Banque de France verse à l’État pourrait être réduit, puisqu’elle rembourse désormais à la Grèce les revenus que lui procurent les titres grecs qu’elle détient. En outre, il se pourrait qu’Eurostat analyse ces remboursements comme des dépenses, qui viendraient peser sur notre déficit public.

Enfin, la baisse des taux d’intérêt de nos prêts bilatéraux à la Grèce réduit de 300 millions d'euros nos recettes non fiscales.

Nous reviendrons sur ces sujets lors de la discussion de l’article 17.

Au total et en résumé, n’en doutons pas, mes chers collègues, ce collectif budgétaire atteint son premier objectif : il permet de tenir le cap budgétaire et conforte notre crédibilité en Europe.

Il faut maintenant examiner le second objectif de ce projet de loi de finances rectificative. Répond-il aux autres attentes exprimées par les Français ? Permet-il, pour reprendre la thématique de la campagne électorale, « le redressement dans la justice » ? La réponse est oui.

Pour les membres de la majorité sénatoriale que nous sommes, il y a une vraie satisfaction à voir figurer dans un texte transmis par l’Assemblée nationale, aux quatre premiers articles, un ensemble de mesures que nous avions votées en vain ces derniers mois, sur l’initiative des différents groupes, socialiste, CRC, RDSE et écologiste. Je pense à la suppression du régime d’exonération des heures supplémentaires, dans son volet tant fiscal que social, au retour – partiel, certes – sur les allégements de droits de mutation issus de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi « TEPA », au rétablissement de l’ancien barème de l’impôt de solidarité sur la fortune, à la suppression de la TVA sociale.

Le message est clair : une page est tournée. Désormais, l’action publique encouragera l’emploi plutôt que l’aubaine, le travail plutôt que la rente, l’innovation plutôt que la baisse des salaires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

La fiscalité jouera un rôle important dans la remise en ordre de nos priorités et le Gouvernement nous annonce pour l’automne deux chantiers essentiels : d’une part, l’amélioration de la progressivité de la fiscalité des revenus, qu’il s’agisse de ceux du travail ou de ceux du patrimoine ; d’autre part, la refonte de l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Je salue sa décision d’engager sans attendre ces réformes, là où d’autres auraient pu s’abriter derrière l’ampleur de la « marche budgétaire » à franchir pour les repousser à plus tard.

D’ailleurs, ce projet de loi de finances rectificative envoie des premiers signaux. Avec la taxe sur les dividendes, nous aurons désormais un impôt sur les sociétés différencié selon que les bénéfices sont réinvestis plutôt que distribués. Les possibilités de se livrer à des montages optimisants pour réduire son impôt sur les sociétés sont réduites. Le secteur financier, en particulier bancaire, est mis à contribution en raison de sa situation spécifique dans l’économie, puisqu’il est à la fois essentiel pour l’alimentation des entreprises en crédit et à la source des excès qui ont provoqué la crise dont nous ne sommes toujours pas sortis. En conséquence, ce secteur est taxé par le canal de la taxe sur les transactions financières, qui est doublée, et par celui de la taxe de risque systémique, dont l’assiette reflète les actifs pondérés par les risques.

Du côté des dépenses, il faut saluer la détermination du Gouvernement à mettre en œuvre ses engagements malgré les difficultés budgétaires et à toujours gager les dépenses supplémentaires par des annulations ou des redéploiements, et ce quel que soit leur montant, même limité.

C’est ainsi que le coût des créations de postes dans l’enseignement scolaire – 90 millions d'euros – est gagé à due concurrence par des annulations. La hausse du SMIC – 100 millions d'euros – ou la suppression du droit acquitté par les bénéficiaires de l’aide médicale d’État seront financées par des redéploiements.

Le second objectif de ce collectif budgétaire – répondre aux attentes des Français – est donc aussi atteint.

Mes chers collègues, il est un domaine des finances publiques qui n’a pas été évoqué jusqu’à présent et dont la commission des finances a souhaité enrichir le texte adopté par l’Assemblée nationale, il s’agit des finances locales. Cela ne surprendra personne au Sénat.

Je vous proposerai plusieurs amendements visant à résoudre des difficultés concrètes auxquelles sont confrontées les collectivités territoriales, en particulier les intercommunalités qui doivent gérer en même temps les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle et l’achèvement de la carte de l’intercommunalité.

Je vous soumettrai surtout un amendement tendant à rendre opérationnel le processus de révision des valeurs locatives professionnelles engagé en 2010, qui est aujourd’hui interrompu, car des modifications législatives sont nécessaires pour traduire les enseignements de la phase d’expérimentation.

Mes chers collègues, je n’ai pas besoin de vous expliquer l’enjeu de ce dispositif, vous le connaissez tous : si les valeurs locatives professionnelles ne correspondent pas mieux à la réalité des capacités contributives, nous serons mis en grande difficulté non seulement pour redonner de l’autonomie fiscale aux collectivités, en particulier sur les taux, mais aussi pour permettre la montée en puissance des mécanismes de péréquation justes et incontestés. Or, le processus enclenché en 2010 est en panne. Les acteurs concernés avaient joué le jeu, mais aujourd'hui, faute de perspective, ils sont en train de se démobiliser. Il faut donc leur envoyer un signal et c’est ce à quoi nous nous attelons avec cet amendement.

J’ai le sentiment que, si nous ne relançons pas dès cet été le processus de révision de valeurs locatives professionnelles, nous courrons un risque très important d’ensablement. Pierre Jarlier, co-rapporteur de la mission d’information sur la révision des valeurs locatives professionnelles et commerciales, partage ce point de vue, tout comme la commission des finances, dans sa quasi-unanimité, qui a évoqué ce sujet hier.

Mes chers collègues, j’en viens à ma conclusion. Ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 est le premier texte budgétaire qui suit l’élection présidentielle. Il semble intéressant de comparer la démarche que nous menons aujourd'hui à celle qui prévalait voilà dix ans comme à celle qui a été engagée il y a cinq ans.

Le projet de loi de finances rectificative pour 2002 qui nous avait été présenté après l’élection présidentielle de 2002 nous appelait à réduire les impôts, en particulier l’impôt le plus juste, l’impôt progressif, l’impôt sur le revenu. Francis Mer était alors ministre de l’économie, des finances et de l’industrie. On nous promettait un choc de croissance : en libérant les initiatives et les énergies des investisseurs par une baisse d’impôt sur le revenu, on allait créer de la croissance.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Le même constat peut être dressé concernant le projet de loi de finances rectificative pour 2007 qui nous a été soumis voilà cinq ans, avec le fameux paquet fiscal.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C’est un autre paquet fiscal que vous nous présentez ! On passe d’un paquet fiscal à un autre !

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Certains nous l’ont présenté comme un cocktail gagnant, qui allait générer de la croissance, créer de l’initiative et permettre de redresser les finances publiques.

Vous venez de le rappeler, monsieur le ministre, en matière d’endettement, la situation de la France est aujourd'hui catastrophique : le déficit budgétaire est considérable et les objectifs annoncés n’ont en rien été atteints. Il est donc important qu’une page soit aujourd'hui tournée, qu’une nouvelle politique soit mise en œuvre, c’est celle que vous venez de nous présenter.

Nous sommes nombreux à partager cette volonté d’un redressement dans la justice. Je pense très sincèrement que ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 contribuera à cette action. C'est la raison pour laquelle nous apporterons notre vif soutien au Gouvernement. §

Mme Bariza Khiari remplace M. Jean-Pierre Bel au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales est saisie pour avis de ce projet de loi de finances rectificative pour 2012 qui, dans le domaine social comme dans le champ du budget de l’État, répond à deux objectifs. Il s’agit, d’une part, d’enrayer la détérioration des comptes publics afin de respecter les objectifs de réduction des déficits et de retour à l’équilibre et, d’autre part, de mettre en œuvre les orientations et priorités du nouveau Gouvernement en imprimant les premières inflexions en matière de répartition de l’effort contributif, de moyens des politiques publiques et de protection sociale.

Lors du débat sur les orientations des finances publiques la semaine dernière, j’ai détaillé la situation et les perspectives des finances sociales.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur ce sujet, mais rappellerai simplement que, avec une croissance à l’arrêt, les recettes de la sécurité sociale ont fléchi. Sans mesure correctrice, le déficit du régime général pour 2012 s’alourdirait de 2 milliards d’euros par rapport au montant de la loi de financement de la sécurité sociale. Il serait peu ou prou identique à celui de 2011, soit 20 milliards d’euros, un niveau qui aurait donc été atteint ou dépassé pour la quatrième année consécutive.

J’ai également évoqué la semaine dernière les projections à moyen terme réalisées par la Cour des comptes dans le cadre de son audit. Elles divergent très nettement de la trajectoire de retour à l’équilibre présentée par l’ancien gouvernement. Au contraire, elles soulignent une tendance au maintien durable des déficits à un niveau très élevé.

Il est donc nécessaire d’infléchir cette tendance rapidement. C’est ce que propose ce collectif budgétaire, qui ne se résume pas, toutefois, à dégager des recettes supplémentaires. En effet, il traduit aussi de nouvelles orientations pour notre système de protection sociale, avec l’objectif d’une plus grande équité, tant dans son financement que dans les garanties apportées à nos concitoyens.

J’évoquerai, tout d’abord, l’article 1er, qui revient sur le mécanisme de la TVA dite « sociale », voté il y a quatre mois.

La commission des affaires sociales s’était opposée à cette mesure pour des raisons de méthode comme pour des raisons de fond.

Sur le plan de la méthode, nous l’avions jugée pour le moins improvisée quelques semaines avant l’élection présidentielle, alors que le gouvernement en avait clairement écarté le principe dès le début de la législature. Était-il raisonnable de vouloir traiter cette question en dehors d’une réflexion plus globale sur le financement de notre protection sociale ? Avait-on réellement et soigneusement évalué toutes les incidences macro-économiques d’un éventuel basculement vers la TVA ?

De ce point de vue, nous approuvons la méthode retenue à l’issue de la grande conférence sociale, visant à saisir le Haut conseil du financement de la protection sociale en vue d’une éventuelle réforme en 2013.

En ce qui concerne le fond, l’impact de la mesure proposée par le précédent gouvernement sur la compétitivité des entreprises françaises nous avait paru bien hypothétique. On ne constate aucun consensus des économistes sur le sujet et les rapports qui avaient été remis au gouvernement en 2007 ne l’avaient visiblement pas convaincu.

La commission des affaires sociales considère également que ce transfert de cotisations patronales sur les ménages se traduirait inévitablement par une ponction immédiate sur le pouvoir d’achat, ponction non seulement malvenue en cette période de croissance à l’arrêt, mais surtout extrêmement injuste, puisqu’elle frapperait proportionnellement davantage les ménages les plus modestes, ceux qui consomment l’intégralité de leurs revenus.

En cohérence avec la position que nous avions affirmée voilà quatre mois, nous approuvons donc l’abrogation du relèvement programmé de la TVA, le maintien du mode actuel de calcul des cotisations d’allocations familiales en vigueur et la confirmation du relèvement de 2 points du prélèvement social sur les revenus du capital. Celui-ci se traduira par un surcroît annuel de ressources de 2, 6 milliards d’euros.

S’agissant du régime des heures supplémentaires, la commission des affaires sociales n’était directement concernée que par les exonérations de cotisations sociales mises en place par la loi TEPA. Les dispositions de l’article 2 du projet de loi rejoignent celles que le Sénat avait adoptées dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, sur notre proposition.

Ces exonérations représentent un coût élevé pour les finances publiques. Les évaluations menées, aussi bien par le Conseil des prélèvements obligatoires que par l’Inspection des finances, dans le cadre de leurs travaux sur les niches sociales, ont abouti à des conclusions très réservées.

Ces instances ont relevé les deux principales limites du dispositif : son effet « ambigu » sur l’emploi, puisqu’il décourage certaines embauches ; un effet d’aubaine, également, dans la mesure où les avantages fiscaux et sociaux auraient incité les entreprises à officialiser des heures supplémentaires jusqu’alors sous-déclarées, voire à déclarer comme rétribuant des heures supplémentaires des rémunérations jusque-là attribuées sous d’autres formes. Un rapport bipartisan de l’Assemblée nationale, adopté en juin 2011, établissait le même constat.

Certes, le recours aux heures supplémentaires peut répondre à une nécessité pour les entreprises, mais leur subventionnement à une telle hauteur est-il réellement justifié ?

Le Gouvernement ne le pense pas, sauf pour les très petites entreprises, celles de moins de vingt salariés, qui continueront de bénéficier de l’exonération de cotisations patronales de 1, 5 euro par heure.

Je relève que la compensation par l’État de ces exonérations sociales sera supprimée. L’opération sera donc neutre pour la sécurité sociale, le surcroît de recettes revenant à l’État. Il faudra néanmoins maintenir une compensation pour les exonérations subsistant au profit des très petites entreprises. Nous avons bien noté l’engagement du Gouvernement de proposer un nouveau mécanisme de compensation dans les textes financiers pour 2013.

La commission des affaires sociales se félicite également de ce que l’article 2 prévoie l’apurement de la dette contractée par l’État à l’égard de la sécurité sociale au titre de la compensation des années 2010 et 2011. Elle vous proposera, par amendement, une rédaction plus explicite sur ce point.

Le projet de loi prévoit également la réduction de plusieurs niches sociales, notamment sur les stock-options et attributions gratuites d’actions, ainsi que sur les avantages accessoires aux salaires entrant dans le champ du forfait social.

Depuis plusieurs années, l’assiette dudit forfait évolue de manière particulièrement dynamique, beaucoup plus rapidement que la masse salariale. L’écart de prélèvement entre les différentes formes de rémunérations favorise très certainement un effet de substitution au détriment des salaires, soumis aux cotisations patronales de sécurité sociale.

Ici encore, la Cour des comptes, comme l’Inspection des finances, a proposé de réduire ces niches sociales.

S’agissant du forfait social, la Cour des comptes suggérait de porter son taux à 19 %, soit à peu près l’équivalent des cotisations patronales d’assurance maladie et d’allocations familiales, qui, à la différence des cotisations d’assurance vieillesse ou d’assurance chômage, n’entraînent pas de contrepartie individuelle en termes de droits à revenus supplémentaires.

Suivant un raisonnement du même type, l’article 27 du projet de loi prévoit de retenir un taux de 20 %. Celui-ci permettrait une plus juste participation au financement de la sécurité sociale des éléments de rémunération soumis au forfait social, sans menacer l’attractivité de ces dispositifs, qui continueront de bénéficier d’un taux global de prélèvement très inférieur à celui qui est opéré sur les salaires.

Je souligne que ces mesures reprennent pour partie celles votées par le Sénat dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. Dans la même logique, la commission des affaires sociales vous proposera un amendement portant sur l’assujettissement des indemnités de rupture les plus élevées, parfois qualifiées de « parachutes dorés », que le Sénat avait également adopté en novembre dernier.

Les dispositions du projet de loi auront un impact financier très sensible, y compris dès l’année 2012. Au total, elles représentent, pour la sécurité sociale, environ 1, 5 milliard d’euros de recettes supplémentaires pour 2012, et 5, 5 milliards d’euros par an à compter de 2013.

L’essentiel des ressources ira à la branche vieillesse, pour un montant d’environ 4, 5 milliards d’euros par an, soit une contribution significative à la réduction de son déficit.

La branche famille bénéficiera d’un surcroît de recettes de 400 millions d’euros par an, qui couvrira la majoration de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire.

Comme je l’ai indiqué lors du débat d’orientation sur les finances publiques, ces mesures permettront, si elles sont adoptées, d’amorcer un redressement des finances sociales, en faisant porter l’effort sur des revenus trop peu sollicités jusqu’ici, qu’il s’agisse des revenus du capital ou de ceux qui bénéficient de niches de plus en plus difficiles à justifier dans le contexte financier actuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Enfin, la commission des affaires sociales a approuvé l’article 29 sur l’aide médicale d’État, l’AME.

En 2010, le Sénat avait rejeté l’instauration du droit de timbre à la charge des bénéficiaires de l’AME et la procédure d’agrément préalable pour les soins coûteux et non urgents. Il avait adopté un amendement de suppression de la commission des affaires sociales, présenté par le rapporteur pour avis de la mission « Santé », à l’époque notre collègue Alain Milon.

Notre argument était précisément celui qu’invoque le Gouvernement à l’appui de cet article 29, à savoir que ces mesures conduisent à retarder des soins qui seront, en tout état de cause, réalisés, ce délai pouvant avoir des conséquences préjudiciables tant sur l’état de santé du patient que sur le coût définitif des prises en charge. Il s’agit donc d’un véritable problème de santé publique.

Les mesures adoptées sur proposition du gouvernement précédent témoignent d’une suspicion, qui nous paraît injustifiée, à l’encontre des bénéficiaires du dispositif, mais aussi des médecins qui prescrivent des soins lourds. Or un rapport de l’Assemblée nationale de juin 2011 a relativisé la croissance des dépenses d’AME et a largement démontré que celle-ci résultait de facteurs assez bien identifiés – nous y reviendrons certainement dans le débat –, notamment du mode de facturation à l’État par les hôpitaux.

Telles sont, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les observations de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012. Elle a émis un avis favorable sur ce texte, sous réserve de l’adoption des deux amendements qu’elle vous présentera. §

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La parole est à Mme Françoise Cartron, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a décidé de se saisir pour avis du projet de loi de finances rectificative pour 2012, que l’Assemblée nationale vient d’adopter, car plusieurs dispositions concernent son champ de compétences.

Tout d’abord, la commission de la culture se réjouit vivement de la reconstitution, en faveur du spectacle vivant, de l’intégralité des crédits d’intervention prévus en loi de finances initiale pour 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

C’est une excellente nouvelle pour ce secteur. Ainsi, 23, 5 millions d’euros seront rapidement débloqués, comme nous l’a confirmé Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, à l’occasion de son audition devant notre commission, le mercredi 18 juillet dernier.

Ces crédits apporteront une bouffée d’oxygène très attendue par de nombreux lieux et compagnies, dont les marges artistiques ont été rognées ces dernières années, les installant, pour beaucoup d’entre eux, dans une grande fragilité. Cela a encore été confirmé récemment par les professionnels que la délégation de notre commission, qui s’est rendue en Avignon, a rencontrés.

Par ailleurs, la commission de la culture a donné un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des articles dont elle s’est saisie. Il s’agit de mesures d’urgence bienvenues, dans l’attente de la construction à long terme de nouvelles politiques en faveur de l’éducation et de la culture.

Nous nous réjouissons tout particulièrement de l’article 23 du projet de loi, qui rehausse le plafond des autorisations d’emploi de la mission « Enseignement scolaire », conformément aux engagements du Président de la République.

Les moyens humains dévolus à ladite mission seront ainsi renforcés, avec 1 524 équivalents temps plein, ou ETP, annuels travaillés, dont 1 000 professeurs des écoles, sans parler des personnels non enseignants.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Ainsi, 100 conseillers principaux d’éducation, 1 500 auxiliaires de vie scolaire individualisés, qui accompagnent les enfants en situation de handicap, 2 000 assistants d’éducation et 500 agents de prévention et de sécurité scolaire seront recrutés. Tous ces personnels sont indispensables à la réussite de notre jeunesse.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’enseignement agricole, particulièrement touché par les suppressions de postes, n’a pas été oublié.

Il s’agit là d’un message de confiance et d’espoir adressé aux équipes enseignantes, si malmenées ces dernières années.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Ces recrutements permettront aussi des aménagements de service pour les enseignants stagiaires, en attendant la si nécessaire réforme de la formation des enseignants.

Je me félicite aujourd’hui de ces corrections, qui témoignent de la volonté du Gouvernement de concilier la responsabilité budgétaire et l’ambition éducative retrouvée.

Après plusieurs années de fragilisation du primaire, en particulier de l’école maternelle, l’accent mis sur ce segment essentiel du système éducatif est particulièrement bienvenu. De même, je salue les mesures destinées à modifier aussi rapidement que possible le déroulement de l’année de stage des futurs enseignants. Ainsi, ils se verront octroyer des décharges de service afin de leur permettre de poursuivre leur formation au métier d’enseignant.

Ce projet de loi de finances rectificative répond aux besoins les plus criants, de sorte que la rentrée scolaire de 2012, préparée par l’ancien gouvernement, se passe le moins mal possible, surtout là où il y a le plus de souffrances et de difficultés. De nouveaux enseignants seront devant les élèves à la rentrée, au grand soulagement des parents. Ainsi, nous éviterons que certaines classes à faibles effectifs soient fermées en zone rurale et nous permettrons de nouveau à des enfants de trois ans de trouver le chemin de l’école maternelle, notamment dans les zones dites « sensibles ».

Nous commençons à réparer les dégâts, que nous avons tous identifiés et subis sur nos territoires, qu’ils soient ruraux ou urbains.

En commission, certains de nos collègues se sont exprimés sur la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires prévue par l’article 2 du projet de loi. Nous ne nous sommes pas saisis de cet article, parce qu’il appelle une réflexion globale.

Néanmoins, sur ce point, soyons clairs : d’une part, les heures supplémentaires des enseignants ne s’appliquent ni au primaire ni à la maternelle, secteurs de l’éducation que le ministre a déclaré prioritaires, à notre grande satisfaction ; d’autre part, cette mesure, utilisée abondamment par le précédent gouvernement, a sans doute empêché la création de postes de titulaires, dans une période où l’emploi est en forte crise. Rendez-vous compte : il s’agissait d’un budget de 1, 3 milliard d’euros, soit l’équivalent de la totalité des crédits consacrés aux remplacements dans toutes nos écoles, ou de la totalité du budget alloué à l’enseignement agricole.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Mme Françoise Cartron, rapporteur pour avis. Cela méritait donc rectification.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’article 24 du projet de loi, quant à lui, vise à ramener de 7 % à 5, 5 % le taux de TVA applicable aux filières les plus fragiles de la culture et dont l’accès est le plus difficile pour certains publics.

Il s’agit, en premier lieu, des livres, imprimés comme numériques, pour un coût fiscal annuel évalué à 50 millions d’euros, et, en second lieu, du secteur du spectacle vivant, nos collègues députés lui ayant étendu cette disposition en adoptant un amendement du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Là aussi, nous ne pouvons que soutenir ces mesures puisque le Sénat s’était farouchement opposé à l’adoption de l’article 13 de la loi du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011, qui avait procédé à la hausse du taux de TVA.

Par ailleurs, l’article 30 du projet de loi tend à supprimer la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement d’enseignement français à l’étranger, créée en 2007. Je vous rappelle que nous avons dénoncé, chaque année, une telle mesure au coût exponentiel, qui présente, en outre, d’importants inconvénients.

Si cette mesure de gratuité pouvait apparaître comme égalitaire, elle a induit des effets pervers, créant des inégalités entre élèves français et étrangers ou entre élèves français et ressortissants de l’Union européenne. §

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Elle avait été prise en vue des élections !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

De plus, elle a abouti à tendre fortement la capacité d’accueil des élèves étrangers résidents et de pays tiers. Enfin, elle a ouvert la voie à un désengagement potentiel des entreprises prenant en charge les frais de scolarité des enfants de leurs cadres expatriés.

Soulignons que la nouvelle mesure ne doit pas pénaliser les familles les moins aisées, qui resteront éligibles aux bourses scolaires, attribuées sous conditions de ressources. Il y a donc là une justice.

J’évoquerai, pour finir, l’article 30 bis, qui vise à reporter de quelques mois la date effective du passage des universités d’Antilles-Guyane et de la Réunion aux responsabilités et compétences élargies, en application de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités. Il s’agit de faire coïncider le transfert des crédits de masse salariale avec l’année budgétaire et civile. La commission de la culture soutient cette mesure de sécurisation de la rémunération des personnels des universités concernées.

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous confirme donc que la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a donné un avis favorable à l’adoption de l’ensemble de ces articles. Je le répète, ces mesures d’urgence montrent que le Gouvernement a choisi de faire de l’éducation et de la culture l’une de ses priorités, ce que nous attendions depuis fort longtemps Aussi, nous le soutenons dans cette voie.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Monsieur le ministre, pendant que nous délibérons sur ce projet de loi de finances rectificative pour 2012, ce nouveau « paquet fiscal », …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est bien pour cela qu’il faut vraiment changer de politique !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

La lecture des taux d’aujourd’hui montre que l’Italie emprunte, à dix ans, à 6, 44 %, l’Espagne, à 7, 59 %, encore un peu plus haut qu’hier, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… et que la France, par rapport à l’Allemagne, est atteinte par un spread, une différence positive de plus de 1 %.

Si je dis cela, c’est parce que, parmi les nombreuses écritures de ce projet de loi de finances rectificative, figure une économie de constatation de 700 millions d’euros sur les charges d’intérêt, grâce à une combinaison de facteurs très particulière, qui a prévalu au cours des derniers mois.

Nous le savons, vous le savez, monsieur le ministre, la situation est extrêmement fragile…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Le respect de notre trajectoire de retour à l’équilibre budgétaire a manifestement guidé l’action du précédent gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

et non sans un certain plaisir, monsieur l’ancien président de la commission des finances de l’Assemblée nationale !

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Vous vous y ferez !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En réalité, le gouvernement que vous représentez ne fait, vous nous l’avez dit tout à l’heure, que s’inspirer de la démarche de ses prédécesseurs.

Au début de l’année, le gouvernement Fillon a effectué un premier ajustement, dans le cadre du premier collectif budgétaire. Il s’agissait d’une correction de 2 milliards d’euros, dont 1, 2 milliard d’annulations de crédits et 800 millions d’euros de mesures sur les recettes. L’effort avait alors été équilibré, je le rappelle, entre dépenses et recettes.

Je soulignerai, enfin, au titre de mon introduction, que l’hypothèse de croissance initiale de 0, 7 %, retenue par le précédent gouvernement pour 2012, était parfaitement en ligne avec le consensus des conjoncturistes de l’époque. À la vérité, le nouveau gouvernement fait la même chose : il s’inspire dudit consensus et révise le taux de croissance à 0, 3 %. Si la majorité n’avait pas changé, il est très vraisemblable que l’on aurait agi strictement de la même manière.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

J’en viens au chapitre des prévisions de recettes. Je voudrais, à cet égard, rappeler ce que dit la Cour des comptes, dont l’audit, monsieur le ministre, est une arme à double tranchant pour le Gouvernement.

La Cour des comptes souligne que les risques de dépassement, en ce qui concerne les dépenses sur 2012, peuvent être estimés à un niveau compris entre 1, 2 milliard et 2 milliards d’euros, sur un total de 275 milliards d’euros de dépenses hors dette et pensions. La Cour ajoute : « Un tel niveau de risque ne se démarque pas de ceux couramment identifiés en cours d’année, à l’occasion des exercices précédents. » C’est manifestement un bon point pour vos prédécesseurs.

Vous avez souligné que vous mainteniez, voire que vous augmentiez la réserve de précaution. Or j’ai bien souvent, dans le passé, entendu vos amis critiquer cet instrument pourtant nécessaire et utile à la gestion budgétaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mes chers collègues, mettons un terme au fréquent procès d’intention, d’après lequel le gouvernement Fillon n’aurait pas pris les mesures qui s’imposaient sur les recettes. Celui-ci a fait son devoir et son possible. Il faut, je crois, lui en donner acte.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Au titre du cadrage budgétaire, je retiendrai, pour ma part, un chiffre, qui figure dans l’excellent rapport de notre collègue François Marc, publié à l’occasion du débat d’orientation des finances publiques : celui selon lequel l’action discrétionnaire du précédent gouvernement a contribué à réduire le déficit public dans son ensemble d’environ 1, 5 point de PIB.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je me permets de vous renvoyer à cet excellent développement.

Monsieur le ministre, j’en viens maintenant à un autre point. On aimerait être certain que votre présentation du solde budgétaire soit animée d’un réel souci de sincérité, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… qu’elle ne soit pas affectée ni entachée d’approximations, et qu’elle ne fasse pas l’objet de tours de passe-passe, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. … finalement assez semblables à ceux que vous reprochez à vos prédécesseurs.

Protestations sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Gardez votre calme, mes chers collègues !

Je vous donnerai quelques petits exemples, …

MM. Jean Bizet et Albéric de Montgolfier renchérissent

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… pour montrer combien peut être grande la tentation du window dressing dans les comptes publics.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous êtes professeur en tours de passe-passe !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Le paquet fiscal de 7, 2 milliards d’euros compense, certes, des moins-values fiscales de 7, 1 milliards d’euros. Mais vous ne précisez pas que, dans le second montant, se trouve une baisse de recettes de 1 milliard d’euros au titre des droits de mutation des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Tout ne concerne pas l’État. Cela arrange quelque peu la présentation de l’oublier.

Bien sûr, en face des recettes fiscales nouvelles se trouvent quelques dépenses nouvelles, notamment l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Au terme de notre débat, si le projet de loi de finances rectificative pour 2012 est voté sans modifications, les recettes nettes de l’État seront tout de même en baisse de 1, 4 milliard d’euros.

Vous insistez sur l’amélioration du solde budgétaire de 3, 7 milliards d’euros. À mon avis, le solde significatif est celui qui ne tient pas compte de la suppression du prêt bilatéral de 4, 3 milliards d’euros à la Grèce, car on le remplace purement et simplement par une opération initiée par le Fonds européen de solidarité financière, garantie par l’État, faisant l’objet d’un accroissement des engagements hors bilan de l’État.

En comptabilité nationale, le solde est non pas de 3, 7 milliards d’euros, mais de 500 millions d’euros, seul montant cohérent avec nos engagements européens et susceptible d’être retenu par Eurostat.

Pour conclure sur les questions strictement budgétaires avant d’aborder la fiscalité, je voudrais signaler un point, qui, à mon avis, sera omniprésent dans tous les débats des mois à venir. C’est celui qui concerne l’évolution de la masse salariale et des effectifs de la fonction publique.

Tout le monde le sait, monsieur le ministre, l’équation est impossible à tenir. On ne peut à la fois stabiliser les effectifs, la masse salariale, et le pouvoir d’achat des fonctionnaires. Vous ne semblez pas partager ce point de vue : à vous de démontrer votre thèse par des arguments chiffrés.

S’agissant des subterfuges qui ne manqueront certainement pas d’être utilisés pour sortir d’une telle contradiction, le Gouvernement montre dès maintenant le bout de son nez puisqu’il prévoit la création de 1 524 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, dans l’éducation nationale. J’ai entendu notre collègue rapporteur pour avis de la commission de la culture s’en féliciter.

Mme le rapporteur pour avis de la commission de la culture le confirme.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

S’agissant des handicapés, vous êtes contre ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Or ces postes sont financés pour une bonne part par les crédits d’intervention du titre VI.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

C’est normal : il ne s’agit pas de fonctionnaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cela signifie que les crédits de masse salariale ne représentent pas la totalité de l’effort.

C’est là que vous montrez le bout de votre nez : vous vous arrangez avec les normes que vous édictez ou proclamez, tout en les aménageant, bien entendu, dans le sens qui vous arrange. Le point de fuite que constitue le financement par les crédits d’intervention du titre VI des dépenses de personnel est, à mon avis, tout à fait préoccupant. §

Mes chers collègues, venons-en au fond des choses.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous ne parliez que de la forme jusqu’à présent ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Mon groupe estime, et je partage cette conviction, que vous vous apprêtez à faire subir à notre pays un quadruple choc anti-compétitivité, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

... dans le cadre de ce qui s’apparente non à une réforme fiscale, mais à une revanche fiscale, à un règlement de compte idéologique ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Le Président de la République a ramené le pacte de croissance de Bruxelles tel un trophée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Pourtant, seule une très faible part de cet argent destiné à améliorer la conjoncture sera investie dans notre pays au cours des prochains mois, ce qui va contrarier vos projets. Dans le même temps, vous portez un coup d’arrêt brutal aux efforts d’allégement du coût du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Défendez plutôt votre bilan en matière d’emploi !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Vous avez eu tort ! Il eût mieux valu adopter une attitude empirique : si vous aviez laissé faire cette petite expérimentation, vous auriez toujours eu la possibilité de dire, en cas de problème, que ce n’était pas de votre faute, et cela vous aurait permis, au moins, d’en observer les résultats économiques. Nous aurions alors pu discuter de choses réelles et non de supputations d’économistes.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

De la même façon, mes chers collègues de la majorité, vous vous apprêtez à fragiliser le financement de l’économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Certes, nous sommes favorables aux mesures anti-abus en matière de fiscalité. Nous questionnerons, cependant, le Gouvernement sur ce sujet dans le cours de la discussion. En effet, chacun le sait, les entreprises en difficulté et les restructurations d’entreprises représentent de grands enjeux.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Si vous aggravez ces difficultés en imposant aux entreprises des pénalisations fiscales, il ne faudra pas s’étonner de l’augmentation des échecs en la matière, voire des procédures collectives.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous vous questionnerons sur ce sujet, monsieur le ministre, et j’espère que nous pourrons établir un dialogue.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Les mesures relatives aux banques et aux entreprises sont un très mauvais signal pour le financement de l’économie.

La charge fiscale des entreprises s’accroît de 3 milliards d’euros, dans un contexte de croissance atone et de chute de la production industrielle. Ce n’est pas ainsi que l’on améliorera un tant soit peu la compétitivité des entreprises ; bien au contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Par ailleurs, les décisions prises au détriment des banques et de l’épargne salariale cumuleront leurs effets avec le durcissement de la normalisation comptable internationale pour les banques et les assurances, et avec la mise en œuvre des accords dits de « Bâle III » et de la réforme réglementaire « solvabilité II », ce qui pénalisera encore davantage les financements longs, ainsi que les financements en fonds propres.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En effet, quels véhicules financiers comportent dans leurs actifs 60 % d’actions – très largement françaises –, si ce ne sont les fonds d’épargne retraite, c’est-à-dire les PERP et les PERCO issus de la loi Fillon de 2004 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

La commission des finances, ma chère collègue, est partagée, car elle comporte une majorité et une opposition.

J’espère que vos réminiscences staliniennes ne vous empêcheront pas de respecter l’opposition ! §

Encore quelques mots, mes chers collègues, avant de conclure mon propos.

L’amputation du pouvoir d’achat des ménages, du fait de la suppression brutale du dispositif relatif à l’exonération des heures supplémentaires, fait peser sur la conjoncture un nouvel effet dépressif.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Je commente le projet de loi de finances rectificative, mon cher collègue ... Vous ne m’avez pas bien écouté : je les ai évoqués dans la première partie de mon exposé, à propos de certains artifices de présentation.

Brouhaha sur l’ensemble des travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Madame la présidente, puis-je reprendre le cours de mon propos et le terminer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mes chers collègues, je vous prie de laisser s’exprimer M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je vous remercie, madame la présidente !

Je conclurai donc mon intervention, je le répète, en évoquant l’amputation du pouvoir d’achat des ménages par la mesure extrêmement brutale visant à supprimer, d’un seul coup, les exonérations fiscales et les déductions de charges sociales au titre des heures supplémentaires.

Les personnes concernées sont au nombre de 9 millions. Le gain qu’elles percevaient depuis 2007 s’établit en moyenne, selon la direction générale du Trésor, à plus de 400 euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Vous ne me direz pas le contraire ! Elle concernera aussi les secteurs du transport routier et de l’hôtellerie-restauration, qu’il est question, paraît-il, de pénaliser. J’ajoute à cette liste le cas des professeurs de l’enseignement secondaire, qui n’ont pas bénéficié de la bienveillance de notre collègue rapporteur pour avis de la commission de la culture. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

La hausse drastique du forfait social est une très mauvaise mesure pour le financement de l’économie : elle tend à réduire les ressources de près de 10 millions de salariés et de retraités, et à frapper une épargne majoritairement investie en actions. C’est un mauvais coup porté à l’investissement long qui intervient au moment où les problèmes de financement des retraites imposent de favoriser, ou tout au moins d’utiliser, des investissements alternatifs, en particulier l’épargne retraite.

D’autres collègues insisteront, enfin, sur le risque d’une fiscalité patrimoniale confiscatoire. §

Il y a cependant un point, monsieur le ministre, sur lequel je suivrai le Gouvernement : lorsqu’il reprend un amendement que j’avais moi-même formulé lors de la discussion budgétaire, à la fin de l’année dernière. §

Je demande à mes collègues représentant les Français établis hors de France de bien vouloir m’en excuser : je suis, à titre personnel, favorable à l’assujettissement aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine pour ce qui concerne les revenus immobiliers des non-résidents.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

En l’occurrence, je le répète, l’actuel gouvernement a repris un de mes amendements. Or, à la différence de certains, je n’ai pas changé d’avis depuis le 6 mai : je défends les mêmes points de vue ! Du côté gauche de l’hémicycle, en revanche, quelques-uns me semblent avoir fait évoluer un peu leur langage.

S’agissant de l’ISF, vous savez que nous contestons l’absence de plafonnement du dispositif, en particulier la méthode consistant à recréer une charge permanente en la qualifiant d’exceptionnelle et de temporaire. En l’occurrence, mes chers collègues, on peut parler de tour de passe-passe !

On nous présente, en effet, une mesure « exceptionnelle » pour l’année 2012, qui revient à recréer, dans une très large mesure, l’ISF qui existait avant la réforme de 2011.

Je ne crois pas, monsieur le ministre, qu’il y ait d’incertitude sur ce point, à moins que vous ne nous disiez le contraire, ce que certains accueilleraient d’ailleurs favorablement...

J’ai le sentiment que vous souhaitez bien en rester aux taux du barème de l’ISF tels qu’ils existaient jusqu’à la réforme de 2011. Est-ce bien le cas ? Or vous présentez le produit fiscal supplémentaire qui en découlera comme le résultat d’une surtaxe exceptionnelle et particulière à l’année 2012.

Nous considérons, pour notre part, qu’il s’agit d’une présentation fallacieuse, simplement destinée à éviter de rétablir un plafonnement. Vous évitez d’aborder une question – pourtant traitée en son temps, par le gouvernement Rocard ! –, que vous réglez ensuite en travestissant et en vilipendant le dispositif du bouclier fiscal.

Il importe, dans ce pays – et c’est une question de droit ! –, que l’on ne puisse pas demander à des sujets fiscaux, en opérant un cumul des fiscalités, de payer plus, et même bien plus, que leurs revenus disponibles.

M. Serge Dassault applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C’est un point de principe, auquel nous sommes particulièrement attachés.

Mes chers collègues, j’en ai terminé. L’ensemble de cette assemblée est donc satisfaite : ceux de ses membres qui ont la bonté de me soutenir, et les autres, heureux que je m’arrête de parler ! Je souhaite que notre discussion se déroule dans le bon ordre et qu’elle nous permette d’approfondir les convictions des uns et des autres. §

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mes chers collègues, vint-huit orateurs sont inscrits dans la suite de la discussion générale, ce qui traduit l’intérêt de notre assemblée pour ce débat. J’appelle néanmoins votre attention sur le nécessaire respect du temps de parole qui vous est imparti. Je fais ce rappel sans beaucoup d’espoir, mais je souhaite cependant qu’il puisse être entendu.

La parole est à M. Jean-Vincent Placé, premier orateur inscrit, qui, je l’espère, donnera l’exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de rappeler, avant d’entrer dans le vif de mon propos, que je fus l’un des premiers sénateurs à souhaiter que la commission des finances de la Haute Assemblée soit présidée par un membre de l’opposition. C’est une bonne chose, et je ne le regrette pas.

J’ai même plaisir, monsieur le président de la commission des finances, à souligner régulièrement votre talent et vos compétences en matière financière, même si nous ne partageons ni les mêmes opinions ni les mêmes orientations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Vous avez eu le souci d’exposer un point de vue qui n’est pas – c’est le moins que l’on puisse dire – tout à fait celui de la majorité de la commission des finances, mais c’est la loi du genre.

Je vous le dis donc très sincèrement, monsieur le président de la commission des finances, votre intelligence ne vous autorise pas à être injurieux.

Le mot « stalinien » veut dire quelque chose dans ce pays !

Debut de section - Permalien
Un sénateur de l’Ump

À une certaine époque, certains trouvaient cela très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Je trouve tout à fait honteux qu’une personne de votre haute éducation, et possédant vos qualités de langage, se permette de tels propos. Je tenais à vous le dire, en toute sérénité, devant cette assemblée ! §

Je n’accuse pas la droite populaire d’être vichyste ou hitlérienne ! Le mot « stalinien », je le répète, signifie quelque chose ! Il faut faire attention aux mots que l’on emploie. Cela n’a pas été le cas au cours de la précédente mandature, et on a vu ce qui est advenu !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Madame la présidente, j’espère que ce petit propos liminaire, qui me tenait à cœur, ne sera pas décompté de mon temps de parole.

Mes chers collègues, par ce collectif budgétaire, il a fallu répondre à l’urgence. Sous la mandature précédente, en effet, la dette de la France a augmenté de 50 % et les inégalités sociales ont été délibérément amplifiées.

L’urgence, aujourd’hui, est donc de relever les finances publiques et de rétablir l’équité sociale : c’est le redressement dans la justice.

De ce point de vue, ce projet de loi de finances rectificative ne manque pas d’ambition pour mobiliser les 7 milliards d’euros qui manquaient au budget établi par le gouvernement précédent.

Des mesures comme la TVA sociale ou l’exonération sociale des heures supplémentaires, à la fois coûteuses et inefficaces, sont abrogées.

Dans le même temps, de nouvelles recettes sont prélevées : certaines sur les ménages les plus aisés, au moyen, par exemple, du renforcement de la fiscalité sur la fortune, les successions ou les stock-options, d’autres sur les entreprises les plus rentables, au moyen, par exemple, de taxes exceptionnelles ou de dispositions visant à contrarier l’optimisation fiscale.

Les écologistes approuvent pleinement toutes ces mesures, car, pour beaucoup d’entre elles, nous les réclamions aussi depuis longtemps.

Pour autant, nous sommes convaincus que cette démarche, pour nécessaire qu’elle soit, ne suffira pas à nous extraire de la crise multidimensionnelle dans laquelle notre société se fourvoie aujourd’hui.

Comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises à cette tribune, notre modèle de développement se heurte aujourd’hui aux limites physiques de la planète, qu’il a voulu trop longtemps ignorer. Prendre en compte ces contraintes n’est désormais plus une option ; si l’on veut vraiment sortir de la crise, c’est une nécessité.

Changer de paradigme n’est évidemment pas chose aisée : c’est un processus complexe et transversal, qui nécessite l’adhésion et l’implication des autorités publiques comme des citoyens. Toutefois, en matière budgétaire, il existe d’assez grandes marges de manœuvre.

Au-delà de l’important chantier de la contribution climat-énergie, dont nous aurons à parler dès la conférence environnementale de septembre, il existe de multiples moyens par lesquels la fiscalité peut favoriser la transition écologique.

Pour commencer, il faut supprimer les niches fiscales qui subventionnent la destruction de l’environnement, dont les associations spécialisées évaluent le coût à plusieurs dizaines de milliards d’euros.

La remise en cause de ces niches ne présente que des avantages. Comme mes collègues écologistes l’expliqueront tout à l’heure dans la suite de la discussion générale puis dans la discussion des articles, elle permet d’endiguer la pollution et la dégradation du climat, de préserver notre santé et de nous éloigner de l’impasse énergétique qui nous menace.

Du point de vue comptable, cette suppression permet, bien sûr, de dégager des recettes substantielles, mais aussi de réaliser des économies considérables. Songez, mes chers collègues, que, selon une évaluation récente du Commissariat général au développement durable, le coût sanitaire et social des pathologies respiratoires et cardiovasculaires liées à la pollution de l’air s’élève à 20 ou à 30 milliards d’euros par an !

Enfin, je tiens à souligner que la transition écologique constitue également une aubaine sur le plan économique. En effet, le changement de modèle que nous appelons de nos vœux et la transition énergétique sont créateurs d’emplois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Comme l’ont montré plusieurs études fondées sur les évaluations de la Commission européenne et de la Confédération européenne des syndicats, la transition écologique pourrait créer en France près d’un million d’emplois net, soit bien plus qu’une simple relance keynésienne.

La raison en est, au fond, assez simple : alors que l’augmentation de la productivité du travail s’est appuyée jusqu’alors sur davantage de capital, c’est-à-dire sur plus de machines, et sur davantage de nature, c’est-à-dire sur plus de ressources ou de pollution, dans un contexte de crise financière et environnementale pérenne, la transition écologique impulse l’effet inverse.

Autrement dit, une moindre mobilisation de la nature et du capital, faisant baisser la productivité apparente, augmente le besoin en emplois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Vincent Placé

Par exemple, l’exploitation d’un hectare en agriculture biologique nécessite 20 % de main-d’œuvre en plus que son exploitation en agriculture classique, du fait du plus grand nombre d’opérations à mener et de leur caractère moins mécanique. Entre une agriculture intensive en machines et en produits phytosanitaires et une agriculture saine et intensive en emplois, le choix devrait être assez simple !

De même, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, isoler un logement crée, pour la même valeur ajoutée économique, plus de quatre fois plus d’emplois en France que l’importation de gaz.

En effet, une autre caractéristique des emplois créés par la transition énergétique est qu’ils sont le plus souvent liés au territoire, par conséquent non délocalisables.

Enfin, le modèle écologique est intrinsèquement lié à la réduction du temps de travail, qui va dans le sens de l’histoire de l’humanité. Par exemple, un salarié qui se rend en voiture à son travail effectue, en réalité, une tâche non payée ; lorsqu’il prend les transports en commun, il gagne non pas en salaire, mais en temps libre.

Vous l’aurez compris, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l’écologie n’est pas l’ennemie de l’emploi. Bien au contraire : l’écologie, c’est la réponse sociale.

La difficulté réside aujourd’hui dans la transition elle-même. En l’occurrence, la suppression des niches fiscales anti-écologiques nécessite du doigté et de la progressivité. Mais ne rien faire, continuer à soutenir un modèle et des filières condamnés, ce n’est à coup sûr pas la solution d’avenir.

C’est dans cet esprit que les sénateurs écologistes présenteront tout à l’heure un certain nombre d’amendements. Leur sort est prévisible mais, en les défendant, nous voulons attirer l’attention du Gouvernement et de nos concitoyens sur des questions qui nous importent particulièrement.

Nous espérons qu’au cours du quinquennat qui commence et dès l’examen de la loi de finances initiale pour 2013, nous pourrons avoir à leur sujet un dialogue avéré et fructueux. Ainsi, nous ferons en sorte, que, dès demain, l’écologie, ce soit maintenant !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Je vous remercie, monsieur Placé, pour votre exemplarité dans le respect du temps de parole.

La parole est à M. Jean Louis Masson.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative soulève trois questions qui, à mon sens, méritent réflexion : je pense aux suppressions de la TVA sociale, dite « TVA anti-délocalisations », de la défiscalisation des heures supplémentaires et de la franchise de 30 euros pour l’accès à l’aide médicale de l’État, l’AME.

Pour ce qui concerne d’abord la TVA sociale, je vous rappelle que j’en ai toujours défendu l’idée, y compris lorsque le gouvernement Fillon, pendant des années, a prétendu que c’était une erreur et qu’il ne fallait surtout pas la mettre en place. Il aurait certainement bien mieux fait de l’instaurer dès son entrée en fonction, au lieu de faire voter la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat !

M. Jean Arthuis applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

En effet, la TVA sociale permet de rétablir la compétitivité des produits nationaux par rapport aux produits importés.

Remplacer, à terme, la TVA sociale par un supplément de CSG va tout simplement plomber nos activités économiques, sans pour autant régler le problème des distorsions de compétitivité entre les importations et les exportations.

L’augmentation de la CSG frappera les revenus liés aux activités de production en France, c’est-à-dire le pouvoir d’achat des ouvriers qui fabriquent français, sans toucher les produits importés.

Si donc le gouvernement Fillon a fait une erreur profonde en s’obstinant à ne rien vouloir savoir, c’est une erreur encore plus profonde, après qu’il a fini par comprendre la nécessité d’agir, de vouloir maintenant revenir en arrière.

La suppression de la TVA sociale est, à mon sens, un mauvais coup pour la France, qui s’ajoute à l’erreur du précédent gouvernement de ne pas l’avoir instaurée plus tôt.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

S’agissant, ensuite, de la défiscalisation des heures supplémentaires, qu’on nous propose de supprimer, il s’agit d’un faux problème.

À la vérité, il y a eu deux erreurs successives. La première a consisté à mettre en place les 35 heures. La seconde a été commise par le gouvernement Fillon qui, au lieu d’avoir le courage de supprimer ce dispositif, a décidé de défiscaliser les heures supplémentaires, ce qui revenait à faire payer par le budget de l’État les conséquences des 35 heures.

M. Jean Arthuis opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

En raison de cela, je prétends que le gouvernement Fillon est tout aussi responsable que Mme Aubry.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

En somme, des deux gouvernements en cause, le premier a pris une très mauvaise mesure, le second a essayé d’apporter une solution qui n’en était absolument pas une.

Pour ma part, je crois que le fond du problème de la compétitivité réside dans les 35 heures.

M. Francis Delattre opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Annuler la défiscalisation revient donc à supprimer une erreur. Mais j’aurais bien aimé que l’on supprime également l’autre erreur, c’est-à-dire que l’on pose de nouveau le problème des 35 heures !

M. le président de la commission des finances acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

En un temps où nous avons l’obligation d’équilibrer nos comptes, il y avait certainement mieux à faire que de mettre en place une défiscalisation qui coûte énormément au budget de l’État. Sa suppression constitue une demi-avancée, mais qui ne règle pas le problème de fond de la compétitivité, c’est-à-dire celui des 35 heures.

S’agissant, enfin, de l’AME, je rappelle qu’elle a été créée par la loi du 27 juillet 1999 portant création d’une couverture maladie universelle, la CMU, afin d’assurer une couverture maladie aux citoyens étrangers en situation irrégulière.

Les bénéficiaires de l’AME étaient au nombre de 220 000 en 2012. Le coût de ce dispositif pour la collectivité est considérable et, surtout, ne cesse d’augmenter : il est passé de 75 millions d’euros en 2000 à 588 millions d’euros en 2011.

En fait, les bénéficiaires de l’AME usent et abusent d’un système qui est sans équivalent dans les pays voisins. §Afin d’éviter la gabegie, l’Allemagne, l’Italie et la Grande-Bretagne ont au moins eu le bon sens de limiter la prise en charge gratuite aux soins les plus urgents.

En période de déficit budgétaire, il n’est vraiment pas souhaitable de supprimer le droit annuel très modique de 30 euros demandé aux bénéficiaires de l’AME.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Pis, il est incohérent de vouloir accorder la gratuité totale de la couverture médicale à des personnes entrées clandestinement sur le territoire national alors que les Français ou les étrangers séjournant de manière régulière en France supportent, eux, une franchise médicale de 50 euros dans le cadre de la CMU.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Cette incohérence est, à mon sens, un véritable encouragement pour l’immigration illégale !

Je pense donc que la moindre des choses serait, non seulement de ne pas supprimer la franchise de 30 euros demandée aux étrangers illégaux, mais même de la porter à 50 euros, c’est-à-dire exactement au niveau de la franchise payée par les Français ou les étrangers en situation régulière démunis lorsqu’ils bénéficient de la CMU.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Comment justifier que des étrangers en situation irrégulière soient mieux traités que des étrangers en situation régulière et, a fortiori, que…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Madame la présidente, est-il au moins permis de terminer ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Chacun a le droit de s’exprimer à cette tribune, du moins je l’espère !

Pour ma part, je considère que réserver un traitement de faveur aux personnes en situation irrégulière constitue un appel d’air pour l’immigration et une aberration complète !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La santé publique, ce n’est pas votre problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, au lendemain d’une alternance, la présentation au Parlement d’un projet de loi de finances rectificative est un événement attendu.

Le projet de loi de finances rectificative exprime la vision, l’ambition, les mesures que le Gouvernement et sa majorité entendent mettre en œuvre.

Messieurs les ministres, convenez que votre texte est assez classique. Bien sûr que la parole de la France sera tenue ! Et l’objectif de ramener le déficit public à 4, 5 % du produit intérieur brut devrait être respecté ; on ne pourra que s’en réjouir.

Mais, sur le fond, que faites-vous ? Vous confirmez les hausses d’impôts décidées par la précédente majorité et vous annulez les baisses d’impôts.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

En fait, votre collectif budgétaire est largement une œuvre de détricotage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Messieurs les ministres, mes chers collègues, le plus préoccupant à mes yeux est que l’on ne réponde pas à l’exigence de compétitivité !

Car les vrais problèmes auxquels nous sommes confrontés, c’est l’emploi et le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Or, dans ce projet de loi de finances rectificative, vous faites disparaître la seule mesure qui pouvait constituer une esquisse de solution, certes marginale.

Avouons d’ailleurs que les conditions d’adoption du dispositif, voté à la fin d’une législature pour entrer en vigueur au début de la suivante, étaient inouïes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

J’adresserai donc un reproche à la précédente majorité : si peu, si tard pour instituer une TVA sociale !

Je sais bien que le Gouvernement respecte les paroles du candidat François Hollande. Tandis que nous votions de telles dispositions, le candidat à la présidence de la République fustigeait la TVA sociale, qu’il qualifiait de « faute économique » et de « faute sociale », « dans une période où la consommation se porte très mal ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Et il ajoutait : « Comment imaginer que quelques points de moins de cotisations patronales pourraient d’un seul coup améliorer nos échanges extérieurs ? »

Et il est vrai que nos échanges extérieurs constituent une préoccupation. En 2011, nous avions 70 milliards d’euros de déficit extérieur. En d’autres termes, nous, Français, consommons 70 milliards d’euros de plus que ce que nous produisons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Chevènement

Notre balance commerciale était à l’équilibre en 2003 !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Nous ne pouvons pas continuer ainsi. La dégradation régulière de notre balance commerciale est une vraie préoccupation, qui marque notre déficit de compétitivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Que peut-on faire pour améliorer la compétitivité ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Quel nouvel électrochoc allons-nous devoir attendre ?

L’annonce de 8 000 suppressions d’emplois chez Peugeot, la fermeture du site d’Aulnay-sous-Bois ne sont-ils pas des électrochocs majeurs qui doivent nous amener à réviser nos positions ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

À défaut, nous serons les observateurs d’un déclin industriel programmé.

Puis-je rappeler que nous avons perdu pratiquement 600 000 emplois industriels entre 2000 et maintenant ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

En 2000, la valeur ajoutée industrielle représentait 24 % du produit intérieur brut, contre moins de 14 % aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Certainement pas !

Mes chers collègues, dans l’actualité récente, il y a une bonne et une mauvaise nouvelles.

La bonne nouvelle, c’est que le Président de la République, sa majorité et les partenaires sociaux commencent à considérer que le coût du travail constitue bien une difficulté. Certes, le coût du travail n’est pas à lui seul le facteur déterminant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Il y a l’investissement, l’innovation, le soutien aux petites et moyennes entreprises… Tout cela est vrai.

Mais le coût du travail constitue une vraie difficulté. Et, lors de la conférence sociale qui s’est tenue au Palais d’Iéna au début du mois de juillet, le Président de la République a déclaré que nous devions trouver les nouveaux modes de financement et les nouvelles organisations de notre modèle social.

Et je crois aujourd'hui pouvoir dire qu’il y a consensus sur la nécessité d’alléger les charges patronales. Mais deux questions se posent. Dans quelles proportions devrons-nous les alléger ? Et par quelles ressources devrons-nous assurer le financement de la protection sociale ?

Je considère que l’unité de compte n’est pas la dizaine de milliards d’euros. Si nous voulons modifier de manière significative la compétitivité, ce sont 40 milliards à 50 milliards d’euros d’allégements qui doivent être décidés et pour lesquels nous devons trouver un autre financement.

La CSG semble avoir les faveurs de certains, notamment des partenaires sociaux. M. Michel Sapin, le ministre du travail, a, avec adresse, affirmé que la CSG avait surgi dans le débat sur l’initiative des partenaires sociaux, et non du Gouvernement. §Je salue son habileté.

Ayant dit cela, pensons-nous que la CSG peut suffire à elle seule ? Un point de CSG, cela représente 10 milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Qui peut imaginer que l’on puisse augmenter de 4 % ou 5 % la CSG ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

D’autant que, selon le ministre chargé des personnes âgées, il faudra augmenter la CSG pour financer la dépendance…

Par conséquent, envisager de financer l’allégement des cotisations patronales par un supplément de CSG, c’est, à mon avis, une pure illusion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Dans ces conditions, nous devons nous préparer et préparer l’opinion publique à sortir des procès en sorcellerie, des tabous et des conventions de langage qui ont affecté jusqu’à présent le débat sur la « TVA sociale », ou « TVA anti-délocalisation », ou « TVA emploi ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Mes chers collègues, à l’heure de la mondialisation, en faisant du salaire l’assiette des cotisations, nous perpétuons en quelque sorte des droits de douane que paieraient les seules entreprises employant et produisant en France, en en exonérant tous ceux qui vont produire ailleurs pour approvisionner par importation le marché national. Pensez-vous que ce soit là justice ? Certainement pas ! C’est une manière d’organiser assez méthodiquement la délocalisation des activités et des emplois.

Nous devons donc réagir. J’entends dire que la TVA sociale serait injuste. Cependant, mes chers collègues, y a-t-il pire injustice que la difficulté, sinon l’impossibilité d’accéder à un emploi ? Le vrai pouvoir d'achat, ce n’est pas la distribution par un État qui doit emprunter à la mesure de ce qu’il distribue. Le vrai pouvoir d'achat, c’est la contrepartie des créations de richesses ; c’est la contrepartie de l’emploi et du travail !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Il y a eu un million de chômeurs de plus grâce à vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Par conséquent, je souhaite que nous puissions réaliser une avancée décisive dans le débat, afin de sortir de l’illusion et du déni de réalité.

Reconnaissons qu’il faut aller de l’avant. Ne nous en tenons pas à des conventions de langage qui nous enferment dans une programmation du déclin industriel, en contradiction avec la volonté proclamée d’inverser la tendance.

J’observe que tous les États dont les niveaux de dépenses publiques sont supérieurs à 55 % du PIB pratiquent des taux de TVA de 25 %, à l’exception d’un seul : la France. Si nous devons bouger en matière de TVA, ne le faisons pas à moitié. L’heure n’est plus aux demi-mesures ! Il s’agit, si nous avons une conviction, d’aller jusqu’au bout et d’oser mettre en œuvre cette réforme.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Cela nous appelle naturellement à la pédagogie.

J’entendais tout à l’heure M. le ministre Jérôme Cahuzac nous expliquer que l’emploi représentait seulement 20 % des charges d’exploitation. Mais, monsieur le ministre du budget, que font les entreprises ? Leur valeur ajoutée, c’est le travail. Ce sont les salaires et les charges sociales. Mais les entreprises transforment des approvisionnements, des prestations extérieures qui sont des facturations de travail, donc de charges sociales.

Je voudrais que l’on sorte de l’argument consistant à laisser croire que les charges sociales pèsent finalement très peu dans la valeur ajoutée. C’est faux. À mon sens, nous devons sortir de cette dialectique. Si nous voulons retrouver de la compétitivité à l’exportation, abaissons les charges sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Parlons aussi des charges financières, des profits ! Il y a bien d’autres sujets qui concernent les entreprises !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Ma conviction est que l’abaissement du prix hors taxe du fait de l’allégement des charges sociales n’entraînera pas, en dépit d’une augmentation du taux de TVA, un prix toutes taxes comprises plus important pour le consommateur français. Nous serons plus compétitifs à l’exportation. Sans doute les produits importés seront plus chers. Mais n’est-ce pas notre objectif, mes chers collègues, que de redonner de la compétitivité au travail en France ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Pour nous, l’objectif, c’est de donner de bons salaires à ceux qui travaillent !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

M. Jean Arthuis. Si vous choisissez la CSG, Zlatan Ibrahimovic pourra dormir tranquille

Sourires sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

En revanche, si nous augmentions la TVA, il paierait sensiblement plus cher lorsqu’il achète des produits en provenance de l’étranger, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Assimiler la situation de cette personne à celle de nos concitoyens, c’est carrément honteux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur le ministre de l’économie et des finances, les 28 et 29 juin derniers, vous avez participé à un sommet des chefs d’État et de gouvernement européens. Du fait de la communication flambante qui en a suivi, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

… on a eu l’impression que tous les problèmes avaient été réglés.

Mais, comme le rappelait voilà un instant M. le président de la commission des finances, la conjoncture risque de nous faire subir un été qui pourrait être meurtrier.

Sachons réagir. Si l’Europe en est là, c’est parce qu’elle est en déficit de gouvernance et qu’elle n’assume pas le partage de souveraineté qu’elle a choisi en optant pour la monnaie unique.

J’attends de la zone euro qu’elle soit à la hauteur. Voilà peut-être trop d’occasions manquées dans ce collectif budgétaire !

C'est la raison pour laquelle, messieurs les ministres, le groupe de l’Union centriste et républicaine n’endossera pas la responsabilité de voter en faveur d’un pareil acte de renoncement économique et social. §

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je viens d’écouter attentivement M. Jean Arthuis.

Auparavant, j’avais écouté M. le président de la commission des finances. Je note d’ailleurs qu’il s’est exprimé non pas au nom de la commission, mais comme un porte-parole du groupe UMP

Mme Michèle André s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Permettez-moi donc de vous faire un petit rappel, monsieur le président de la commission des finances.

Au printemps dernier, lors du scrutin présidentiel et des élections législatives, les Françaises et les Français ont clairement manifesté leur souhait d’un changement de politique pour notre pays.

Ce changement de politique avait été préparé par quelques succès antérieurs des forces de gauche, notamment lors des sénatoriales de l’automne 2011, …

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

… tandis que montait un profond sentiment de rejet des choix politiques mis en œuvre dans notre pays depuis 2002.

L’aspiration au changement que les électrices et électeurs ont manifestée s’est d’abord forgée sur le rejet net et massif de la politique développée par l’ancien gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

La preuve : la moitié au moins des députés communistes sortants ont été battus !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

et aux plus grandes entreprises, au détriment de l’intérêt général et du progrès économique et social de notre pays.

Le bilan fiscal du second mandat de Jacques Chirac n’était déjà pas exceptionnel. Il était marqué par une réduction de l’imposition des plus aisés, par la naissance du bouclier fiscal et par le développement continu des niches fiscales.

Celui du quinquennat de Nicolas Sarkozy a, au-delà de la volonté de « décomplexer » la droite, constitué le point culminant en la matière.

Dans un premier temps, le bouclier fiscal s’est sérieusement renforcé. Il est très vite apparu que les principaux bénéficiaires de la mesure étaient d’abord les plus riches. §

Les attaques menées contre l’ISF furent au cœur de la démarche fiscale de l’ancienne équipe gouvernementale. L’adoption du dispositif ISF-PME fut sans doute la plus dispendieuse des mesures d’aide à l’investissement dans les entreprises – on se demande d’ailleurs bien pourquoi les seuls assujettis à l’ISF ont eu droit à un tel traitement de faveur – avant la définition d’un nouveau tarif aboutissant à un véritable cadeau fiscal de plus de 2, 3 milliards d’euros pour 600 000 contribuables. Cela a représenté une baisse d’impôts de près de 4 000 euros en moyenne : qui dit mieux ?

La fiscalité du patrimoine fut d’ailleurs largement allégée, dans l’élan de la mal nommée – ou trop bien nommée, peut-être – loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, avec la réduction des droits de transmission, certes sur les successions mais surtout sur les donations, autrement plus rentables pour les plus hauts patrimoines et revenus. Cette loi visait dans tous les cas à préserver l’intégrité des patrimoines, des richesses et des fortunes accumulés, et ce même si cette accumulation avait bien plus à voir avec le travail des autres qu’avec le mérite des détenteurs comme des héritiers...

Monsieur le président de la commission des finances, à cet égard, je ne vous ai pas beaucoup entendu parler des ouvriers, des salariés et des fonctionnaires dans votre exposé liminaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Le crédit d’impôt recherche, le CIR, trouva une nouvelle vigueur sous le précédent quinquennat, lui aussi, avec une « réforme » qui a fait passer son « rythme de croisière » à une dépense fiscale de 5 ou 6 milliards d’euros par an, sans qu’il soit permis, réellement, de mesurer à quel point cette dépense a conduit à la moindre hausse des dépenses de recherche développement dans nos entreprises ou favorisé l’emploi de nos jeunes ingénieurs et doctorants.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

À quoi sert le CIR quand PSA maintient son intention de supprimer un emploi sur six en France, et son usine d’Aulnay ?

À quoi sert le CIR quand le même groupe commande à l’étranger les pièces que la société TRW, située dans les Vosges, aujourd’hui en redressement judiciaire, lui fournissait jusqu’alors ?

La suppression de la taxe professionnelle, autre point de bilan, a créé autant d’incertitude juridique pour les collectivités locales que d’incertitude financière pour leurs ressources sans faciliter la création d’emplois dans le secteur marchand. Ici même, l’ancien président de la commission des finances et son actuel président nous affirmaient que, grâce aux mesures prises par le Gouvernement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

… nous renouerions avec la croissance et l’emploi ! Mais, tout à l'heure, M. le ministre chargé du budget et M. le rapporteur général de la commission des finances ont retracé le nombre d’emplois perdus dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Autant la taxe professionnelle a été supprimée, autant le chômage a progressé, puisque nous avons atteint, en ce printemps 2012, le seuil des trois millions de chômeurs de catégorie A !

Le bilan fiscal du quinquennat comprend aussi cette hérésie économique et sociale, pour ne pas dire cette stupidité, que constitue l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires.

De 2007 à 2012, nous aurions donc eu des effets d’aubaine pour les patrons, puis l’atteinte sur les droits à la retraite, l’attaque contre le pouvoir d’achat des fonctionnaires et nous avons fini avec la TVA dite sociale, monsieur Arthuis, et le gel du barème de l’impôt sur le revenu qui a rendu imposables des salariés plus que modestes.

Avec le gel du barème, le smicard célibataire devient imposable et perd souvent, par la même occasion, le plein bénéfice – si l’on peut dire – du plafonnement de ses impôts locaux.

L’affaire des heures supplémentaires est connue de tous et alimente encore le débat : voilà un dispositif dont on peine à trouver trace dans une quelconque relance de l’activité, que nombre d’entreprises semblent bel et bien avoir utilisé pour développer un peu plus la flexibilité des horaires

Marques d’approbation sur plusieurs travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

… et que certains voudraient encore maintenir.

Pour faire bonne mesure, ce dispositif aurait entraîné la suppression de 80 000 à 90 000 emplois.

Pour conclure, si l’on peut dire, le quinquennat précédent s’est achevé par l’instauration de la TVA sociale. §Une mesure de fond, visant à financer notre protection sociale au travers de la taxation de la consommation populaire, a bel et bien été conçue. Elle constitue le meilleur résumé du quinquennat Sarkozy : alléger encore et toujours la contribution des entreprises – comprendre : au bénéfice de la rémunération du capital, prédatrice de la compétitivité retrouvée – au financement de la protection sociale.

Alors, mes chers collègues, il est temps de ne pas faire la même chose et de passer à autre chose.

Le présent collectif budgétaire est l’occasion, pour la représentation nationale, d’analyser les mesures fiscales mises en œuvre depuis dix ans, de solder les comptes et de constater, notamment, cette véritable explosion de la dette publique qui est allée de pair avec la croissance des avantages fiscaux consentis aux plus aisés et aux plus grands groupes : 600 milliards de plus en cinq ans !

Les 1 313 milliards d’euros cumulés de la dette de l’État font le bonheur de bien des spéculateurs !

Solder les comptes, oui, et définir, d’ores et déjà, les nouvelles priorités de l’action publique et les nouveaux usages de l’outil budgétaire.

Notre démarche, en la matière, est claire. Notre groupe entend apporter sa contribution aux changements en cours, en rendant plus efficace ce projet de loi de finances rectificative.

Nous estimons pour notre part que, à l’instar des dispositions votées et des choix opérés cet automne par la majorité sénatoriale lors de la discussion de la loi de finances pour 2012, le présent collectif budgétaire doit constituer une sorte de « manifeste » politique de la nouvelle majorité parlementaire.

La majorité de gauche du Sénat avait, alors, dégagé 30 milliards de ressources nouvelles, tirées d’une plus juste imposition des hauts patrimoines comme des entreprises. Je crois qu’il y avait et qu’il y a toujours, dans le travail alors accompli, du « grain à moudre » pour ce qui nous occupe aujourd’hui.

Ce projet de loi contient un certain nombre de mesures, au demeurant perfectibles ; c’est le sens du travail que nous pouvons mener, au travers des amendements, sur le texte lui-même, qui trace d’ores et déjà de nouvelles perspectives.

Le tout porte sur 7 milliards d’euros de recettes nouvelles, en net. Nous pourrions faire mieux, pensons-nous, mes chers collègues.

Nous souhaitons dès maintenant libérer la future loi de finances de quelques-unes des contraintes posées par la « revue de détail » du passé qu’elle risque fort d’incarner.

Des mesures essentielles de cadrage, portant sur l’imposition des revenus, des patrimoines et des entreprises, visant notamment le retour à l’égalité de traitement entre grands groupes formés à l’optimisation et parfois à l’évasion fiscale et PME respectueuses des règles du jeu, peuvent être prises dès maintenant.

Certains de nos amendements, portant sur l’impôt de solidarité sur la fortune, sur les modalités de l’impôt sur les sociétés, sur l’évolution du barème de l’impôt sur le revenu et son application, participent de cette démarche et de celle qui sous-tendra fondamentalement le projet de loi de finances pour 2013.

L’activité parlementaire la plus récente, notamment le fort intéressant rapport de la commission d’enquête sur l’évasion fiscale – selon lequel l’État perdrait 40 à 50 milliards d'euros par an –, les éléments que nous ont fourni les rapports commandés à la Cour des comptes, l’évaluation du dispositif des heures supplémentaire, du crédit d’impôt recherche ont d’ores et déjà largement pourvu notre assemblée des outils de mesure et des propositions les plus susceptibles de répondre aux questions qui nous sont posées.

Justice fiscale, équilibre de notre système de prélèvements obligatoires, efficacité économique de nos choix fiscaux, valorisation et appui des comportements économiques responsables, pénalisation des attitudes parasitaires et du gaspillage des deniers publics : voilà ce qui doit nous guider dès maintenant.

Le changement, c’est maintenant.

Et le changement, c’est ici, dans le cadre de nos débats, sur la base de la discussion libre et ouverte, de l’exposé des propositions et des idées, que nous pouvons lui donner corps, dès ce collectif budgétaire.

Si nous souhaitons, mes chers collègues, parvenir avec ce texte à réduire le plus possible le déficit budgétaire de l’État, ce n’est pas seulement parce qu’il nous faudrait répondre ainsi à quelque contrainte extérieure. C’est également parce que nous estimons que ce n’est pas aux comptes publics de porter éternellement tout le poids du soutien à l’économie, qui s’est par trop souvent traduit, pendant une bonne quarantaine d’années, à la fois par une austérité généralisée pesant sur le plus grand nombre et par une longue série d’adaptations successives de notre législation fiscale.

Des inégalités de traitement entre entreprises, des inégalités sociales de plus en plus insupportables sont le produit de ces choix antérieurs, source de profonds et graves handicaps pour le pays tout entier.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

J’en ai fini, madame la présidente.

C’est pour y remédier, autant que faire se peut, que notre groupe participera à la discussion de ce collectif budgétaire.

Il y a, dans notre pays, mes chers collègues, des attentes sociales, des inquiétudes, des aspirations jusqu’ici réprimées qu’il nous faut entendre, prendre en compte et que nous devons traduire dans notre travail législatif.

Quatre millions de chômeurs, plus d’un million de mal-logés, des millions de salariés peu ou mal rémunérés, des parents inquiets pour le devenir professionnel de leurs enfants encore scolarisés, des élus locaux courageux mais par trop démunis pour répondre aux attentes sociales de leurs administrés, tous attendent des signes forts de la nouvelle majorité parlementaire, dans sa pluralité et sa diversité.

Et c’est à la lumière des avancées réalisées quant au contenu du texte issu des travaux du Sénat, qui, nous n’en doutons aucunement, seront précis, sérieux et argumentés, que nous apporterons un soutien vigilant au présent projet de loi de finances rectificative. §

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Madame la présidente, messieurs les ministres, à l’occasion du deuxième projet de loi de finances rectificative pour l’année 2012, je me réjouis pour ma part des grandes orientations retenues par le nouveau Gouvernement, qui met la justice fiscale au centre de sa stratégie de redressement des comptes publics ; toutefois, je ne peux que constater également que la situation économique, tout comme celle de nos finances publiques, est tout aussi délicate qu’il y a quelques mois.

En effet, mes chers collègues, nous vivons des instants difficiles et le risque de l’emballement de la dette nous oblige plus que jamais à ériger en priorité absolue l’assainissement de nos comptes publics et le retour à l’équilibre pour l’horizon 2017. La réduction du déficit est primordiale. C’est désormais une question qui touche au fondement même de notre souveraineté.

Au regard du contenu du présent texte, je voudrais insister principalement, messieurs les ministres, sur trois sujets qui tiennent à cœur aussi bien aux membres du RDSE qu’aux radicaux de gauche, ma famille politique : il s’agit d’abord de l’abrogation de la TVA sociale, ensuite de la taxe sur les transactions financières et, enfin, de la lutte contre l’optimisation et l’évasion fiscales.

Je tiens tout d’abord à souligner l’importance de l’article 1er, qui vise à abroger la TVA sociale.

Cette mesure qui nous avait été présentée, souvenons-nous-en, comme un tournant décisif en faveur de la compétitivité et de l’emploi aurait eu, en réalité, un impact très limité, pour ne pas dire nul, sur la compétitivité de nos entreprises. En effet, comme de très nombreux économistes l’ont souligné, les 13, 2 milliards d’euros de baisse de cotisations familiales, dont, il faut le rappeler, seulement un quart concernait le secteur industriel, n’étaient pas en mesure d’exercer un quelconque effet positif sur notre compétitivité.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

D’ailleurs, le coût du travail, certes élevé dans notre pays, n’est pas la principale cause de notre retard sur ce plan ; c’est la compétitivité hors prix qui nous fait défaut et qu’il faut encourager en soutenant d’abord et avant tout l’innovation si nous souhaitons un jour, monsieur le ministre, jouer à armes égales avec des pays comme l’Allemagne. Je rappelle ici, mes chers collègues, que les exportations de l’Allemagne continuent de prospérer tandis que notre déficit commercial bat chaque année de nouveaux et tristes records puisqu’il s’élevait à près de 70 milliards d’euros pour l’année 2011.

Mais la baisse des charges sociales compensées par une hausse de la TVA et de la taxation des produits du capital ne constituait ni une TVA compétitivité ni une TVA anti-délocalisation. Car la répercussion de cette mesure sur les prix des produits français, censés baisser par rapport à ceux des produits importés, était incertaine quant à ses effets, et ce pour plusieurs raisons.

Et d’abord parce que les entreprises auraient très bien pu augmenter leurs marges plutôt que de répercuter cette diminution du coût de production sur le prix des produits.

Même si elle s’était réalisée, cette baisse des prix aurait été minime, de l’ordre de 0, 4 % à 0, 8 %. Il semble donc bien difficile, avec toute la bonne volonté du monde, de croire qu’une telle mesure aurait permis de lutter contre les délocalisations.

Enfin, nous savons bien que les produits importés ne peuvent pas parfaitement, monsieur le ministre, se substituer aux produits français.

L’accroissement de 1, 6 point du taux normal de TVA aurait donc conduit à une augmentation considérable du coût du panier des ménages, en particulier des plus modestes.

Il était par conséquent essentiel d’abroger cette mesure avant même son entrée en vigueur, afin de ne pas affecter davantage le pouvoir d’achat des ménages, déjà en berne. Les derniers chiffres de l’INSEE font état d’un recul de 0, 1 % en 2011 et prévoient pour 2012 la plus forte chute du pouvoir d’achat depuis 1984, de l’ordre de 1, 2 %. C’est précisément cette chute que nous devons enrayer avec ce premier train de mesures, et tel est bien votre objectif, monsieur le ministre.

Quant au prétendu « matraquage des classes moyennes » évoquées comme un slogan par nos collègues de l’opposition, faut-il leur rappeler que les mesures qu’ils ont soutenues et adoptées, à commencer par cette TVA sociale, ont ou auraient eu sur les ménages de notre pays un impact beaucoup plus grave, en particulier sur les plus modestes ? Or ces derniers ne sont pas touchés par les dispositions du présent collectif, et nous nous vous en donnons acte, monsieur le ministre.

Cependant, qu’il me soit permis de vous suggérer, pour couper court à toute critique, d’être plus précis sur la définition de la notion de « classes moyennes ». Qui sont les Français et les ménages qui en font partie et combien sont-ils ? En effet, le flou sur cette notion profite toujours à l’opposant.

Je voudrais à présent revenir sur la taxe sur les transactions financières adoptée sous la précédente législature et dont le présent projet de loi de finances rectificative prévoit de doubler le taux.

Comme vous le savez, mes chers collègues, je suis un défenseur de la première heure d’une telle taxation puisque j’avais déposé, avec les membres de mon groupe, une proposition de loi relative à la taxation de certaines transactions financières, texte que mon groupe avait fait inscrire à l’ordre du jour de notre assemblée il y a déjà plus de deux ans, le 23 juin 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Merci, monsieur le rapporteur général !

Plus récemment, la nouvelle majorité sénatoriale à laquelle j’appartiens avait introduit dans le projet de loi de finances pour 2012 une autre taxe sur les transactions financières, plus ambitieuse que celle qui avait été finalement retenue par le gouvernement Fillon avec le soutien de sa majorité à l’Assemblée nationale, devenue depuis l’opposition.

Et puisque ce collectif budgétaire ne remet pas en cause cette version de la taxe sur les transactions financières, je tiens à réitérer les inquiétudes formulées par notre excellent rapporteur général de l’époque Nicole Bricq, qui est désormais une non moins excellente ministre. Elle soulignait que le dispositif « peu ambitieux » de la taxe française, lequel ne visait que les transactions sur actions, était « le plus petit commun dénominateur entre tous les États membres » et pourrait bien se révéler « contre-productif ».

En effet, plutôt que de suivre la proposition de la Commission européenne, les États membres pourraient bien se contenter d’une taxe « a minima », sur le modèle du fameux « droit de timbre britannique », mais dans une version affaiblie, comme celle qui a été adoptée par la France, dont « le seul but serait le rendement budgétaire au détriment d’objectifs de régulation ».

C’est pourquoi, monsieur le ministre, il me paraît essentiel de ne pas perdre de vue l’objectif d’instaurer une taxe sur les transactions financières plus ambitieuse et véritablement efficace, avec une assiette large et un taux faible. C’est ce type de taxe que nous devons mettre en place en France et dans les autres pays européens pour dissuader la spéculation et stabiliser les marchés financiers. C’est dans cet esprit que plusieurs membres de mon groupe et moi-même vous proposerons un amendement sur cette question.

Enfin, je dirai quelques mots de l’esprit des articles 11 à 15, dont l’objet est de lutter contre les pratiques abusives d’optimisation fiscale de certaines grandes entreprises qui ont pour conséquence directe des pertes de recettes non négligeables pour l’État.

Le dernier rapport de la Cour des comptes souligne le risque important de moins-values en recettes lié à la faiblesse du produit de l’impôt sur les sociétés. La crise explique certainement en partie ce faible rendement, mais son effet est aggravé par le comportement de certaines entreprises qui « contournent » la loi pour réduire le montant de l’impôt dû. Cela n’est plus acceptable ! Et il nous appartient, en tant que parlementaires, de réagir et d’y mettre un terme. Les mesures proposées par le Gouvernement, dont certaines ont été remaniées lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale pour renforcer leur sécurité juridique et accroître leur portée, vont dans le bon sens.

Il faudra cependant poursuivre cet effort, au regard notamment des travaux de notre commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, à laquelle j’appartiens, et qui vient tout juste, aujourd'hui même, de rendre public son rapport, dont il convient de saluer la qualité.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, ce collectif budgétaire constitue, dans l’ensemble, un bon « début » sur le chemin du redressement de nos finances publiques. Même si, selon nous, le projet de loi de finances rectificative peut encore être amélioré par les travaux du Sénat, et je pense à certains de nos amendements, la grande majorité des membres du RDSE apportera son soutien à ce texte. §

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Madame la présidente, je regrette que M. le ministre du budget s’absente juste au moment où l’opposition vient à parler. Mais c’est bien sûr un hasard…

Monsieur le ministre des relations avec le Parlement, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui revêt une importance toute particulière.

Premier grand projet de loi du quinquennat de François Hollande, il est, dans le contexte de grave crise que nous connaissons, le texte qui met en œuvre les premières mesures budgétaires et fiscales décidées par la nouvelle majorité présidentielle et parlementaire.

Il va donner le « la » du quinquennat. Eh bien, force est de constater que ce « la » est dissonant. La gamme de mesures proposée par le nouveau chef d’orchestre Ayrault est en disharmonie totale avec les belles paroles du compositeur Hollande pendant la campagne électorale. Gageons que cette mise en musique quelque peu disharmonieuse ne saurait trouver grâce aux oreilles du public le plus averti.

Le changement de tonalité date du 14 juillet dernier, lorsque le Président de la République a pour la première fois clairement parlé des efforts que devront supporter les Français.

Il avait pourtant fondé toute sa campagne sur un leitmotiv, celui de la justice fiscale, et il avait fait croire aux Français que seuls la finance et ceux qu’il appelle « les riches » seraient davantage mis à contribution.

Mais la réalité est tout autre.

La réforme fiscale que vous proposez, monsieur le ministre, impactera fortement le pouvoir d’achat des classes moyennes et même des classes populaires, avec la suppression des exonérations fiscale et sociale des heures supplémentaires, la remise en cause de la participation via la hausse du forfait social ou encore la baisse de la franchise d’impôts sur les successions.

Vous stigmatisiez Nicolas Sarkozy en le qualifiant de président des riches, mais François Hollande, c’est le président des impôts, et des impôts pour tous ! §

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vingt-cinq nouvelles taxes créées sous Sarkozy !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

L’impôt est le seul moyen que vous avez trouvé pour réduire nos déficits. C’est la solution de facilité ! Le vrai courage aurait résidé dans les coupes budgétaires, les réductions de dépenses, les économies.

Certes, vous prévoyez qu’en 2017 l’effort aura porté à hauteur de 50 % sur les dépenses et 50 % sur les recettes.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Mais comment vous croire, monsieur le ministre ? En effet, jusqu’en 2014, il n’y a pratiquement aucune économie de dépenses ! Et, en 2012, vous portez atteinte au pouvoir d’achat des ménages et à la compétitivité des entreprises en prévoyant d’augmenter comme jamais le niveau de leur taxation.

Monsieur le ministre, que ferez-vous en 2013 lorsqu’il s’agira de trouver plus de 30 milliards d’euros ? Et, question primordiale, la trajectoire de ce collectif sera-t-elle poursuivie l’année prochaine ?

Je ne parle même pas de nos compatriotes les plus fortunés, qui, sans plus aucun système de plafonnement, vont se voir pour certains taxés de manière totalement confiscatoire, au-delà de leurs revenus disponibles, c’est-à-dire à plus de 100 % ! Cela soulève immanquablement un problème de constitutionnalité.

Le niveau des prélèvements obligatoires en 2013 atteindra plus de 46 % du PIB, un record ! Nous serons à plus de dix points au-dessus du niveau de prélèvements des Allemands ! Alors quid de la convergence fiscale franco-allemande ? Il faudra bien répondre à cette question et, de mon point de vue, il y a urgence.

L’effort sur les dépenses ne sera engagé qu’à partir de 2014. Pourquoi donc attendre, monsieur le ministre ? La dégradation de la conjoncture économique dans les prochaines années n’est pas une hypothèse irréaliste. La Cour des comptes, dirigée par le socialiste Didier Migaud, vous l’a portant clairement indiqué : l’effort doit porter autant sur la dépense que sur la recette.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Non, ce n’est pas le cas !

Non seulement vous n’en tenez pas compte, mais, mieux encore, vous augmentez certaines dépenses !

Vos premières semaines d’exercice du pouvoir me font penser à la fable La cigale et la fourmi de La Fontaine : vous dépensez, ne faites aucune économie, en nous disant qu’il sera toujours temps d’en faire plus tard, à partir de 2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

On fait les économies que vous n’avez pas su faire !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Six cents milliards d’euros de dette en plus sous Sarkozy !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Et avec vous, c’est la fable Le loup et l’agneau ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Vous proposez la hausse du SMIC, de l’allocation de rentrée scolaire, des effectifs de la justice, de l’intérieur et de l’éducation nationale, avec la création des premiers postes dans le projet de loi de finances rectificative que nous examinons aujourd’hui. §

Vous souhaitez procéder à des extensions incompréhensibles de niches fiscales avec la réduction de la TVA sur le livre et le spectacle vivant.

Même mouvement.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Pour vous, l’exception culturelle, c’est une niche ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

À cette liste non exhaustive, nous pouvons ajouter par exemple les 30 millions d’euros attribués au Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, qui n’en a vraiment pas besoin, le recrutement de personnel pour Pôle emploi ou les 150 000 emplois d’avenir, qui, à eux seuls, vont coûter plus de l milliard d’euros, selon certains chiffrages.

Et pourtant, vous affirmez, monsieur le ministre, que vous allez respecter les normes « zéro volume » et « zéro valeur ». C’est de l’affichage !

Vous proposez des équations insolubles : maintien de la masse salariale, maintien des effectifs, maintien du pouvoir d’achat des fonctionnaires

Mme Christiane Demontès s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Le Premier président de la Cour des comptes, le socialiste Didier Migaud, a pourtant clairement insisté sur ce point lors de son audition en commission des finances le 4 juillet dernier : soit on maintient le point d’indice et on baisse les effectifs, soit on maintient les effectifs et on touche à l’avancement des fonctionnaires. C’est lui qui l’a dit !

Quant à baisser la TVA dans certains secteurs, c’est ouvrir la boîte de Pandore ! Expliquez-moi en quoi le secteur du livre ou celui du spectacle vivant ont une utilité économique supérieure à ceux de l’hôtellerie-restauration ou du bâtiment, dont vous souhaitez augmenter le taux de TVA dans les prochains mois. §Même si les montants en jeu ne sont pas les mêmes, c’est une question de principe !

La réponse est claire : vous voulez privilégier votre électorat !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Et vous, qu’avez-vous fait pendant ces dix dernières années ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

En tout cas, l’idéologie prime la responsabilité et l’intérêt général.

Ce début de quinquennat me fait penser au début des années Mitterrand. Cela a duré deux ans avant le tournant de la rigueur. Mais, dans le contexte de crise actuel, tout va beaucoup plus vite, les mesures ne peuvent attendre ; aussi, j’ai bien peur que le tournant de la rigueur ne se répète, et ce dès le budget de cet automne.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Supprimer l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires, c’est inciter au renoncement à ces heures supplémentaires et c’est donc un retour aux 35 heures que nous avions cherché à assouplir. Vous ne démordez toujours pas de votre idée de partage du travail, qui, nous l’avons constaté, ne fonctionne pourtant pas, ni en France, ni ailleurs. Personne n’applique un tel système !

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Travailler plus pour gagner plus, cela a drôlement bien fonctionné…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

C’est également encore par pure idéologie que, dans le projet de loi de finances rectificative que nous examinons, vous détricotez ce qu’a fait le précédent gouvernement, même si vous reconnaissez qu’il fallait le faire !

Nous allions baisser les charges sur les entreprises à partir du 1er octobre. §

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Vous supprimez cette mesure tout en reconnaissant, pour la première fois, que la compétitivité est liée au coût du travail.

François Hollande prône davantage de soutien à la croissance quand il est hors de France, mais le gouvernement qu’il a nommé renonce à des mesures qui indéniablement vont dans ce sens.

Vos premières semaines de pilotage de nos finances publiques et vos premières mesures me font penser à une course automobile : François Hollande serait le patron de l’écurie France, avec Jean-Marc Ayrault comme pilote dans une dure compétition internationale.

La voiture grecque serait au bord de la sortie de route – disons les choses clairement ! –, la voiture espagnole est en feu, au propre comme au figuré, et la voiture italienne est en très grande difficulté. §

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Notre principal concurrent serait la voiture allemande, plus puissante, mieux réglée mécaniquement et plus légère, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

La ligne d’arrivée est connue : c’est l’équilibre des comptes publics. La question est la suivante : toutes les voitures réussiront-elles à la franchir, et ce dans les temps impartis ? §

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Quant aux étapes de la course, elles sont connues : 4, 4 % de déficit public en 2012, 3 % en 2013, une ligne d’arrivée qui devrait être franchie en 2017 – pour notre part, nous avions d'ailleurs préféré 2016.

Ces étapes sont spécifiées par le règlement de course, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

… en l’occurrence la loi de programmation des finances publiques, conformément au souhait de la « fédération automobile internationale », située à Bruxelles.

Mais le problème spécifique de la voiture française, c’est qu’elle a un nouveau pilote, qui suit les indications parfois contradictoires de son patron d’écurie, lequel semble ne pas avoir de stratégie très claire. Dès le début de son parcours, le pilote a adopté un style de conduite pour le moins erratique, fait de virages, de zigzags, de reculs

M. François Rebsamen s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Les commissaires de la course, que sont la Cour des comptes, l’Inspection générale des finances et la Commission européenne, ont beau agiter le drapeau et lui indiquer la bonne route, rien n’y fait : le pilote ne la suit pas. Le doute s’installe maintenant sur la capacité de ce dernier à franchir les étapes dans le temps imparti et les agences de notation, en gendarmes vigilants, pourraient le rappeler sévèrement à l’ordre s’il prenait trop de sens interdits ou de contresens dangereux !

D'ailleurs, les reculs sont extrêmement nombreux.

Le candidat François Hollande nous avait bien promis de mettre l’Allemagne au pas de la France, de renégocier le traité budgétaire. Au final, le Président de la République, une fois élu, a rapidement reculé sur les eurobonds. On n’en parle plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Il a en outre accepté d’adopter le pacte budgétaire européen contenant la règle d’or. Pourtant, la proposition n° 11 du programme présidentiel spécifiait explicitement : «Je renégocierai le traité européen issu de l’accord du 9 décembre 2011 […] ».

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Le Président de la République a beau se défendre en prétendant avoir relancé la politique de croissance en Europe, la réalité est bien moins triomphale.

Les quelque 55 milliards d’euros supplémentaires qui seront consacrés à des mesures destinées à dynamiser la croissance – sur les 120 milliards d’euros, en fait déjà décidés depuis six mois ; tous ceux qui suivent les affaires européennes le savent – seront vraisemblablement saupoudrés sur l’ensemble de l’Union européenne et la France ne devrait quasiment rien récupérer au final.

Ces 55 milliards d’euros sont aussi à mettre en regard des 39 milliards d’euros du plan de relance français de 2009. À l’époque, la gauche avait pourtant jugé ce montant bien trop faible pour permettre un redémarrage de la croissance. Il représentait quand même 2 % du PIB, soit le double du total des mesures annoncées par l’Union européenne dans le pacte de croissance.

Alors que le projet de loi de finances rectificative devrait décliner le programme fiscal de François Hollande, force est de constater que l’exercice de la réalité a déjà obligé ce dernier à reculer sur un certain nombre des promesses les plus emblématiques de sa campagne.

Ces mesures, comme la taxation à 75 % des ménages les plus fortunés, sont repoussées à l’automne, voire à plus tard encore – je pense en particulier au doublement du plafond du livret A, qui ne bénéficierait qu’aux 9 % de détenteurs les plus fortunés. Certaines mesures sont même abandonnées : c’est notamment le cas de la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu.

Mes chers collègues de la majorité sénatoriale, permettez-moi de faire plusieurs remarques pour conclure.

Premièrement, si vous avez appelé au changement dans votre programme présidentiel, vous l’avez fait sur la base de mensonges. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Frécon

C’est Nicolas Sarkozy qui a proféré des mensonges !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Avec ce collectif budgétaire, vous nous présentez la première facture. Je le dis très clairement aux Français : il y en aura d’autres ! En tout état de cause, celle-là est particulièrement salée pour les classes populaires et pour les classes moyennes.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Vous nous avez laissé une facture de 7 milliards d’euros !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Deuxièmement, ce collectif budgétaire comporte beaucoup de zones d’ombre. Certaines ont été levées lors de la discussion à l’Assemblée nationale, comme sur les heures supplémentaires.

Sur les cotisations sociales ou patronales, vos projets n’étaient vraiment pas clairs. Vous ne nous disiez pas la vérité !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

C’est vrai. La question de la date d’entrée en vigueur de la mesure et de son éventuelle rétroactivité en témoigne.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Néanmoins, d’autres zones d’ombre subsistent, que nous tâcherons de lever ici.

Troisièmement, en l’état, ce collectif budgétaire n’est franchement pas nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Au contraire, l’idéologie vous pousse à modifier cet équilibre sans en considérer les conséquences. Je répète ici ce que j’ai dit en commission des finances : l’étude d’impact de ce collectif budgétaire, c’est le degré zéro des études d’impact !

Quatrièmement, enfin, à un mécanisme vertueux de récompense et de partage que la précédente majorité avait instauré, vous avez préféré le matraquage fiscal. Vous découragez le mérite et l’effort. C’est un signal dévastateur envoyé aux marchés financiers §et, surtout, à tous ceux qui pensent que la France a plutôt mieux résisté à la crise que les autres pays.

Vous êtes en train de sacrifier quatre ans d’efforts sur l’autel de votre idéologie ! §

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Place aux propos véridiques ! Moins de mauvaise foi !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous assistons à un débat quelque peu surprenant.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Voilà à peine plus de deux mois que le Président de la République a été élu et un mois que l’Assemblée nationale a été installée. Or ceux qui ont été au pouvoir pendant dix ans font déjà pleuvoir les critiques.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

J’ai envie de leur dire : un peu de modestie !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. Marini avait pourtant bien commencé – la modestie n’est pas forcément dans ses habitudes –, avec un discours qui, au début, ne manquait pas de finesse. Toutefois, j’ai trouvé que la fin de son intervention était non seulement sentencieuse, mais aussi désobligeante pour l’une de nos collègues, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour laquelle nous avons beaucoup d’estime.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Par ailleurs, vous pourriez garder vos leçons, au moins pendant un temps !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

C’est toute la considération que vous avez pour l’opposition !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

C’est la moindre des choses quand on a gouverné pendant dix ans !

À cet égard, madame des Esgaulx, si nous sommes très contents que le ministre Vidalies puisse être présent parmi nous en cet instant, je regrette comme vous que le ministre du budget ait dû s’absenter. Sachez toutefois que son départ n’a rien à voir avec votre intervention !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Madame Des Esgaulx, vous ne pouvez pas dresser un tel constat en trois minutes !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. François Rebsamen. Vous oubliez un peu facilement le bilan que vous laissez !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Quelle est la situation ? Le ministre du budget l’a tout à l'heure fort bien rappelée. Mes chers collègues de l’opposition sénatoriale, après dix ans de pouvoir, cinq ans de présidence de Nicolas Sarkozy, après un million de chômeurs supplémentaires, un déficit du commerce extérieur et des déficits budgétaires jamais atteints et des mesures d’injustice fiscale, vous venez, deux mois après les élections, nous donner des leçons et nous dire que nous faisons erreur. §Un peu de patience ! Vous aurez le temps de porter jugement !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Soyez assurés que nous essayons de travailler calmement, en établissant des perspectives. Nous ne prenons pas de décisions à la hâte.

De votre côté, vous semblez avoir découvert la compétitivité trois mois avant l’élection présidentielle. §

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Sur la TVA, vous avez été jusqu’à prendre une mesure applicable en octobre prochain alors que vous étiez au pouvoir depuis dix ans et que vous avez débattu pendant cinq ans de l’opportunité d’une telle mesure !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Comment osez-vous maintenant venir nous dire qu’il ne faut pas supprimer la TVA sociale ?

Eh bien, nous, nous allons la supprimer, car nous sommes favorables au pouvoir d’achat…

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Les heures supplémentaires, ce n’est pas le pouvoir d’achat ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

… et, contrairement à vous, nous ne voulons pas que tous les Français soient taxés !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Effectivement !

Madame Des Esgaulx, contrairement à ce que vous avez affirmé, il faut bien aujourd'hui adopter une loi de finances rectificative, parce que vous nous avez laissé une facture. Nous devons trouver un peu plus de sept milliards d’euros…

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

… pour respecter les objectifs budgétaires qui avaient été fixés, soit un déficit public inférieur à 4, 5 % du PIB.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Vous le savez : le non-respect de cet objectif est dû à la baisse du taux de croissance !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Avec vous, c’est toujours aux autres qu’incombe la faute ! En tout cas, telles n’étaient pas les prévisions.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Nous verrons ! Vous aurez le temps de critiquer !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Pour le moment, accordez-nous ne serait-ce qu’un peu de crédit !

Certes, vous devez bientôt désigner vos représentants et, nous le savons bien, celui qui apparaîtra comme le meilleur opposant aura sûrement un peu plus de chances que les autres.

Pourtant, je ne vois pas de candidat ici ! En tout cas, je ne crois pas, madame Des Esgaulx, que vous soyez candidate !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Toujours est-il que votre manière de vous comporter, après deux mois, en fait après un mois de véritable exercice du pouvoir, n’est tout simplement pas correcte ! Prenez les choses calmement ! Un peu de modestie !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Votre bilan, après dix ans de pouvoir – cinq ans de présidence Chirac et cinq ans de présidence Sarkozy –, devrait vous y inciter !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Dites-nous plutôt ce que vous allez faire !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Alors même que, comme Jean-Pierre Chevènement l’a rappelé tout à l'heure, les finances étaient à l’équilibre en 2001–2002, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Pour notre part, et comme l’indique l’intitulé de ce projet de loi de finances « rectificative », nous allons « rectifier », c’est-à-dire corriger, modifier, amender §: en un mot, « redresser ».

Ce redressement, nous voulons le porter.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Il portera d’abord sur la justice en matière de charge fiscale, qui doit être justement répartie…

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

… entre ceux qui, pendant cinq ans, ont reçu beaucoup d’avantages de votre part et ceux qui, dans le même temps, n’ont rien vu en termes de pouvoir d’achat.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Telle est la justice fiscale que nous voulons réinstaurer.

Le redressement ne peut s’accomplir sans le retour à l’équilibre budgétaire, la réduction des déficits et le recours à des recettes nouvelles.

En effet, cela a été rappelé, nous devons trouver 7 milliards d’euros pour respecter les engagements qui avaient été pris par le gouvernement Fillon.

En la matière, nous ferons preuve de justice.

Ainsi, nous instaurerons, en 2012, une contribution exceptionnelle sur les ménages ayant un patrimoine de plus de 1, 3 million d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Nous abaisserons à 100 000 euros l’abattement sur les donations et successions en ligne directe.

Nous doublerons le taux de la taxe sur les transactions financières, en la faisant passer à 0, 2 %, tout en gardant la même assiette pour permettre d’avoir un rendement équivalant à ce qui était prévu.

Nous instaurerons une contribution exceptionnelle de 4 % sur la valeur des stocks deproduits pétroliers, contribution que mes collègues de la majorité sénatoriale souhaitaient d'ailleurs établir depuis longtemps.

Finalement, nous sommes très heureux parce que nous voyons reprises l’essentiel des propositions en faveur de la justice que nous avions faites au mois de décembre dernier, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

… qui avaient effectivement été votées ici, et qui n’avaient alors bien évidemment pas été mises en œuvre, car il y avait un peu d’amnésie de votre part.

Quand vous voulez jouer les pompiers pyromanes, nous voulons le redressement et du pouvoir d’achat pour les Français ! §

Du pouvoir d’achat, vous n’en avez pas du tout distribué pendant cinq ans ; d'ailleurs, la consommation est en baisse. Au demeurant, la TVA que vous vouliez imposer aurait encore amputé le pouvoir d’achat : c’est un peu plus de 11 milliards d’euros qui auraient été prélevés sur l’ensemble des Français.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Étant donné le temps qu’il vous a fallu pour la mettre en place, vous avez beau jeu aujourd'hui de nous reprocher sa suppression, vous qui ne l’avez même pas expérimentée !

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs de l’Ucr

Il n’a rien compris !

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Nous appelons à la sérénité en la matière.

Nous voulons renforcer le pouvoir d’achat, et nous avons pris des mesures en ce sens.

Ainsi, je le rappelle, la revalorisation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, qui portera cette dernière à 356 euros pour un enfant de 6 à 10 ans, contre 284 euros précédemment, et à 375 euros pour un enfant de 11 à 14 ans, contre 300 euros. L’augmentation qui en résulte – vous aimez calculer, nous aussi ! – est toujours supérieure à 70 euros. Voilà qui accroît le pouvoir d’achat des Français !

Le Gouvernement a aussi procédé à la revalorisation du SMIC, ce qui n’avait jamais été fait, par un coup de pouce, certes léger, mais qui améliore concrètement le pouvoir d’achat des Français.

Il a publié un décret visant à l’encadrement des loyers lors de la relocation ou du renouvellement du bail, ce qui concerne 40 % de la population. Encore une mesure en faveur du pouvoir d’achat !

M. Francis Delattre s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Aujourd’hui, avec l’abrogation de la « TVA compétitivité » et le rétablissement du taux réduit de TVA dans le secteur du livre, par exemple, nous avançons sur le terrain du pouvoir d’achat et de la justice fiscale et sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Ce choix de faire peser nos mesures sur les ménages les plus aisés, nous le faisons au nom de la justice, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

… parce que nous voulons et nous ferons en sorte que l’effort soit proportionnel à ce que gagne chacun.

Le redressement se fera dans la justice, pour mettre fin à tous les effets d’aubaine que vous avez créés. Je pense notamment à la gratuité instaurée en faveur des lycéens français scolarisés dans les établissements français à l’étranger : par une mesure électoraliste adoptée en 2007, vous aviez décidé de faire prendre en charge par l’État, à hauteur de quelque 35 millions d’euros par an, les frais de scolarité, quels que soient les revenus des familles. Nous, nous mettrons cette prise en charge sous condition de ressources, parce que nous voulons que cette mesure soit juste ! §

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

Mes chers collègues, le redressement exige aussi l’exemplarité au plus niveau de l’État.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. François Rebsamen. La décision, prise par le Président de la République et le Premier ministre, d’abaisser de 30 % leurs indemnités en est un signe…

Exclamations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

En 2007, on a augmenté de 180 % les indemnités du Président de la République, aujourd’hui, on les baisse de 30 %, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Rebsamen

M. François Rebsamen. … la différence est là : nous donnons l’exemple à tous les niveaux !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. – Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mme la présidente. La parole est à Mme Fabienne Keller.

Applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, après le temps des douces promesses de campagne, …

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

… le Gouvernement doit désormais faire face aux réalités.

Monsieur le ministre, vous nous présentez donc votre projet de loi de finances rectificative. Vous avez affirmé la volonté de réaliser des économies : nous en cherchons la trace dans ce texte, mais nous ne la trouvons pas ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Ce projet de loi de finances rectificative est ainsi centré exclusivement sur de nouvelles recettes fiscales.

Pendant la campagne pour l’élection présidentielle, le candidat François Hollande promettait une réforme fiscale juste – notre collègue François Rebsamen vient de le rappeler –…

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

… une réforme qui toucherait uniquement « les plus privilégiés » d’entre nous. Au final, ce projet de loi de finances rectificative constitue surtout un coup de semonce pour les entreprises et les salariés, je vais m’employer à vous le démontrer.

Tout d’abord, dans la ligne de la brillante démonstration de Jean Arthuis, je voudrais rappeler que la « TVA compétitivité » répondait à deux défis majeurs pour la France : favoriser l’emploi et aider nos entreprises à être plus compétitives. Au moment où le chômage touche trois millions de personnes, ce dispositif devait permettre à 100 000 personnes de retrouver le chemin de l’emploi en trois ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Je vous rappelle le principe de cette mesure : basculer d’une fiscalité qui pèse sur l’emploi à un impôt, la TVA, qui porte également sur les produits importés.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Seul le taux de TVA normal était augmenté, c’est-à-dire que la hausse ne portait pas, pour l’essentiel, sur les produits alimentaires ni sur les produits du quotidien.

En supprimant la TVA compétitivité sans proposer de véritable solution de rechange, le Gouvernement remet en cause un dispositif pourtant équilibré qui aurait permis d’améliorer la compétitivité de nos entreprises. J’ai d’ailleurs été très étonnée par la démonstration de M. le ministre délégué chargé du budget, qui a fait rigoler les travées socialistes en évoquant un gain « d’à peine 0, 4 % à 0, 8 % du prix de revient ». Évidemment, ce changement paraît peu important, mais il représente une marge tout à fait significative pour un chef d’entreprise : comment accepter de voir traiter avec autant de mépris un effort sur le prix de revient ?

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La baisse des prix à la consommation n’est pas significative !

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Que dire de la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires ? Pendant toute la campagne présidentielle, l’actuel Président de la République n’a cessé de marteler que les efforts devraient être supportés par « les plus privilégiés ». Pourtant, les heures supplémentaires ne concernent pas le « monde de la finance », les « grands patrons » ni les « héritiers », mais bien les neuf millions de Français des classes moyennes, qui verront leur pouvoir d’achat amputé, je le rappelle, de 500 euros par an en moyenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Au-delà des mots et des chiffres globaux, permettez-moi d’évoquer deux exemples concrets.

Voici la feuille de paie de Catherine, aide-soignante en maison de retraite à Strasbourg : au mois de juin 2012, elle a effectué deux astreintes du dimanche et ainsi perçu 103 euros au titre des heures supplémentaires. Elle ne fait pas partie des privilégiés, et pourtant le Gouvernement a décidé de baisser son pouvoir d’achat !

Mme Christiane Demontès s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Voici également la fiche de paie de Thierry, ouvrier paysagiste chef d’équipe dans le Bas-Rhin : son entreprise a fait face en juin – c’est la saison ! – à un regain d’activité ponctuel combinée à une absence de personnel. Il est chef d’équipe et ne peut pas facilement être remplacé : il a donc perçu 570 euros pour ses heures supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Mme Fabienne Keller. Il ne fait pas non plus partie des privilégiés, et pourtant c’est bien votre gouvernement qui baissera son pouvoir d’achat !

Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

On ne peut pas embaucher n’importe qui pour le remplacer, monsieur le rapporteur général, parce qu’il possède des compétences qui exigent une formation, un savoir-faire et une expérience.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Et les trois millions de chômeurs ! Et les bénéficiaires du RSA ?

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Permettez-moi de rappeler que cette mesure avait aussi l’avantage de faciliter une certaine flexibilité au sein des entreprises, face à la fluctuation de l’activité et du personnel opérationnel.

Ce qui m’inquiète le plus, monsieur le ministre, c’est que votre gouvernement semble s’employer à enterrer toutes les mesures visant à instaurer plus de justice sociale que le précédent gouvernement avait mises en œuvre. §

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Mais ce n’est pas tout, mes chers collègues ! D’autres prétendus privilégiés se verront encore taxés davantage : les salariés qui perçoivent les primes d’intéressement, de participation ou de dispositifs de retraite supplémentaire.

Permettez-moi de parler de l’intéressement. Vous savez que ce dispositif permet, après négociation entre les représentants du personnel et de la direction, de construire une convergence d’intérêts entre l’entreprise et les salariés pour la réussite de l’entreprise : si l’entreprise réussit, les salariés en bénéficient.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Mme Fabienne Keller. En moyenne, 420 euros par salarié sont redistribués par les entreprises de plus de 50 salariés : 12, 2 millions de Français en bénéficient.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

C’est un système « gagnant-gagnant » : gagnant pour le salarié qui bénéficie des fruits de son travail, gagnant pour l’entreprise qui peut ainsi fidéliser et motiver ses salariés. Avec l’augmentation du forfait social, vous instaurez un système « perdant-perdant »

M. François Rebsamen s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Avec vous, les entreprises qui font des bénéfices licencient !

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Le Gouvernement s’acharne à taxer les entreprises en abandonnant une redistribution juste des dividendes : ce sont bien les salariés qui en sont les victimes !

En conclusion, ce projet de loi de finances rectificative représente 7, 2 milliards d’euros de prélèvements supplémentaires. J’ai tenté de vous démontrer qu’il ne s’agit pas, dans les faits, de viser les « plus privilégiés », mais qu’il s’agit surtout de taxer la fiche de paie des salariés.

Mme Christiane Demontès s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Fabienne Keller

Il y a moins de cent jours pourtant, c’était le temps de la campagne électorale et des promesses, marqué par le discours du Bourget et ce fameux « monde de la finance », qui « n’a pas de nom, pas de visage ». Il s’agissait alors de l’ériger en adversaire.

À la lumière des propositions concrètes du nouveau gouvernement, nous savons désormais quel est le véritable adversaire du Président de la République et du Gouvernement : il a bien un nom, il a des millions de visages, il produit la plupart des biens de notre pays, et pourtant il subit ce projet de loi de finances rectificative. Le véritable adversaire de François Hollande, c’est le monde des salariés et des travailleurs ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Madame Borvo Cohen-Seat, ne soyez pas condescendante ! Respectez vos collègues ! C’est scandaleux !

Debut de section - PermalienPhoto de Aline Archimbaud

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, membre de la commission des affaires sociales, c’est de ce point de vue que je souhaite apporter un éclairage écologiste à ce débat sur le projet de loi de finances rectificative.

Nous avons attendu longtemps, des années durant, un retour à ces deux objectifs de bon sens : rétablir une part de justice sociale dans le système fiscal, ce qui suppose donc de réduire les très grandes inégalités sociales qui se sont scandaleusement accrues en dix ans, et, en même temps, travailler à l’équilibre des finances publiques, dans le respect des générations futures.

Abrogation de la TVA sociale, limitation des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires aux seules entreprises de moins de 20 salariés, taxations des revenus immobiliers des non-résidents mais provenant de source française, majoration du taux des contributions sociales sur les stock-options et les attributions gratuites d’action, majoration du forfait social : ces mesures, qui étaient des promesses de campagne du candidat François Hollande, amorcent une réforme du système fiscal qui le rendra plus juste.

Je me réjouis également de l’abrogation de certaines mesures iniques et contre-productives introduites lors du précédent quinquennat : je pense notamment à la réforme de l’aide médicale d’État, l’AME, sur laquelle j’aurai l’occasion de revenir au cours du débat.

Mais, comme nous sommes écologistes – et donc, exigeants –, nous avons fait le choix, sans que cela vienne trahir la confiance que nous portons au Gouvernement, de présenter quelques amendements en vue d’améliorer ce projet de loi de finances rectificative.

En matière de protection sociale, par exemple, nous comprenons bien que l’attention se porte prioritairement sur la recherche, dans l’urgence, de nouvelles sources de financement. Mais la nécessité de colmater les brèches ne doit pas nous couper d’une vision de long terme, sans laquelle nous irons d’urgence en urgence sans construire de perspective cohérente, sans chercher à prévenir les difficultés budgétaires de demain.

Il nous faut ainsi avoir conscience que le « trou » de la sécurité sociale n’est qu’une conséquence d’un problème bien plus vaste, celui, entre autres éléments, de l’épidémie de maladies chroniques, de maladies de civilisation causées par nos modes de vie. Si l’on se trompe de cause, on colmate, mais on ne résout rien !

Quel rapport avec le débat budgétaire, me direz-vous ? Il se trouve que notre système fiscal comporte encore une multitude de subventions, de niches fiscales, qui nuisent à la santé des Français et qui, in fine, pèsent sur nos finances sociales.

Par exemple, est-il admissible, aujourd’hui, que le diesel soit encore subventionné ? La taxe intérieure sur les produits pétroliers, moins lourde sur le gazole que sur l’essence, rapporte 36, 5 % de moins aux caisses de l’État par litre de gazole consommé : cela représente au total un manque à gagner de près de 12 milliards d’euros par an, soit la niche la plus importante de notre système fiscal ! De plus, cette niche induit des centaines de millions d’euros de dépenses pour la sécurité sociale, en traitement des nombreuses maladies respiratoires de tous ordres, mais aussi en nombre de journées de travail perdues.

L’Organisation mondiale de la santé, vous le savez sans doute, a confirmé très récemment, le 12 juin dernier, au terme de longues expertises scientifiques, que les particules fines émises par les moteurs diesel sont cancérigènes, estimant le nombre des victimes à 42 000 par an rien qu’en France, puisque notre pays dispose du parc automobile le plus diésélisé du monde.

Une politique durable de financement de la protection sociale doit consister autant à trouver de nouvelles sources de financement qu’à éviter des coûts à venir. Elle doit s’attacher à prévenir les maladies et donc à intensifier les politiques de prévention : tel est le sens de l’un des amendements que mes collègues et moi-même défendrons.

Mais sur ce sujet comme sur d’autres, nous savons également que tous les problèmes ne peuvent être résolus par un projet de loi de finances rectificative, dont il est bon qu’il soit adopté dès l’arrivée du nouveau gouvernement, c’est-à-dire très rapidement. Aussi, notre vote favorable sera un vote de solidarité et d’encouragement, qui ne nous empêchera pas de rester des partenaires déterminés à ce que cette législature soit celle du bon sens en matière sanitaire, comme en matière financière ou environnementale. Rendez-vous à l’automne pour en tirer de plus amples conséquences pour les finances de la sécurité sociale comme sur les finances de l’État !

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le ministre, je m’adresserai à vous comme si vous cumuliez les responsabilités du budget et des finances. Vous avez trouvé une situation très difficile, dont vous n’êtes que peu responsable. En revanche, les solutions proposées sont de votre entière responsabilité. Faisons preuve d’optimisme, n’excluons pas que majorité et minorité s’accordent sur des solutions beaucoup plus techniques que politiques.

En cette période où l’intérêt du pays voudrait que nous oubliions les querelles politiciennes, la Cour des comptes peut devenir notre juge de paix, …

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

… puisque vous y avez fait référence plusieurs fois dans votre discours. Elle a conclu son audit en exhortant le Gouvernement à réduire simultanément « non pas un, mais deux déficits : le déficit des comptes publics et le déficit de compétitivité ». Pouvez-vous ignorer ses préconisations ?

Pour réduire les déficits publics, vous connaissez les solutions, elles sont difficiles et le temps est compté. Il ne s’agit pas d’aménagement, de window dressing, il s’agit de mettre en œuvre le changement dont vous vous réclamez, de changer notre cadre économique, financier et social. Ayez à l’esprit ces paroles de Pierre Mendès France : « La seule question est de savoir si vous ferez prévaloir [ces vérités] aujourd’hui, dans un esprit de patriotisme désintéressé, ou bien si elles s’improviseront plus tard, après des souffrances nouvelles que nous pouvons éviter, que nous devons éviter. »

Mes professeurs de sciences économiques Piète et Marchal, l’un pro-keynésien et l’autre anti-keynésien, étaient néanmoins d’accord sur une chose : il fallait une répartition équilibrée du PIB entre l’État, les entreprises et les ménages. Or, votre État obèse phagocyte les deux autres acteurs. Votre projet de loi de finances rectificative accentue la charge démesurée supplémentaire qu’ils doivent supporter. Cela correspond-il à votre concept ?

Vous parlez de maîtrise des dépenses publiques, mais c’est insuffisant et vous le savez, monsieur le ministre. Vous devez faire des économies, réduire le train de vie de l’État. Vous avez ciblé trois ministères dans lesquels le nombre de fonctionnaires doit augmenter. Dans quels ministères supprimerez-vous les dizaines de milliers de fonctionnaires, puisque vous affirmez que leur nombre global sera maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Ayez à l’esprit ce principe repris à son compte par le président Mitterrand, alors que la croissance était très supérieure à celle d’aujourd’hui : « trop d’impôt tue l’impôt. »

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Comment entreprises et ménages supporteront-ils la hausse des prélèvements obligatoires ? Avec un taux de 45 % du PIB, nous approchons déjà des records mondiaux !

Je vois dans beaucoup de mesures de ce projet de loi de finances rectificative un risque de stériliser notre économie. Vous taxez les plus aisés, avec raison ; c’est un principe de justice, même les conservateurs britanniques l’ont fait. Mais la contribution exceptionnelle sur la fortune créée par ce projet de loi, s’ajoutant à l’ISF, impôt ringard, frise l’impôt confiscatoire. Les seuls dont les revenus vont augmenter, finalement, ce sont les avocats fiscalistes. Ils ont peut-être même voté socialiste, car ils ne sauraient mordre la main qui va les nourrir…

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

En Suède, pays qui a retrouvé l’équilibre budgétaire, un gouvernement socialiste a supprimé l’ISF et les droits de succession, estimant que tout le pays bénéficierait de la présence de créateurs, d’entrepreneurs, d’investisseurs, de citoyens riches.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Vous taxez la participation et l’intéressement à l’entreprise, pourtant mesure de cohésion sociale. Vous remettez en cause le dispositif d’exonération des heures supplémentaires, seul aménagement à l’absurdité des 35 heures. Comment voulez-vous favoriser ainsi la production de richesses, a fortiori leur partage ?

Rien ne figure dans ce texte. Il existerait une solution plus douce, la diminution des dépenses fiscales. Un gisement : les niches fiscales, dont l’existence seule démontre combien notre fiscalité est lourde. Il faut agir fort et vite, soit en suivant la Cour des comptes, soit en les baissant de façon uniforme. Autrement, pour défendre chaque niche, on verra se dresser les lobbies les plus divers.

Un mot sur le climat anxiogène entretenu par les déclarations du Président de la République, le 14 juillet : l’accusation totalement erronée de « mensonge » à propos du groupe Peugeot renforce le « je n’aime pas les riches » du candidat Hollande. Le ton et les mots utilisés par le ministre Montebourg ont, eux aussi, meurtri les entrepreneurs, les dirigeants d’entreprise, les investisseurs. On se croirait revenu au temps de Jules Guesde !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

M. Aymeri de Montesquiou. Vous réalisez, monsieur le ministre, l’effet négatif d’une telle atmosphère de suspicion, d’accusation, de condamnation. Prenez plutôt exemple sur la retenue des dirigeants syndicaux qui, eux, ont bien compris la difficulté de la tâche et la bonne volonté du président Varin.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’esclaffe.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe Crc

Plus que les licenciés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Les 35 heures, le retour pour certains à la retraite à soixante ans, l’illisibilité du code général des impôts sans cesse modifié, l’instabilité juridique… Que pensent nos partenaires européens de ces spécificités françaises qui sont autant de handicaps à notre attractivité, à notre compétitivité, à notre crédibilité ?

La question centrale du coût du travail ne peut être esquivée. L’emploi ne se décrète pas, monsieur le ministre, pas plus que la croissance. Je reprends le chiffre du rapport Sartorius de 2011 : l’écart de compétitivité entre la France et l’Allemagne est de 38 % ! Le différentiel des charges se monte à 80 milliards d’euros ! Le coût horaire du travail est de 35 euros en France, 31 euros en Allemagne, 27 euros en Italie, 20 euros au Royaume-Uni et en Espagne. Croyez-vous vraiment que le coût du travail ne soit pas un problème, alors que tout prouve que le poids structurel des charges et des taxes, alourdi par ce projet de loi de finances rectificative, fera reculer notre compétitivité sans laquelle on ne peut équilibrer notre balance commerciale ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Elle ne peut pas reculer, elle n’existe pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Déjà, sous Laurent Fabius, Premier ministre, la holding de Renault, société d’État, avait été délocalisée aux Pays-Bas pour éviter la taxation.

L’abrogation de la TVA sociale, qui devait taxer les produits importés et relancer notre compétitivité, est purement idéologique. Cette mesure est l’exact contraire des recommandations de la Cour des comptes, de l’OCDE et de la Commission européenne.

Cette politique fiscale déconcerte nos partenaires. Elle va à l’encontre d’une convergence européenne. Le Gouvernement doit faire preuve de courage, je sais que c’est une qualité qui n’est pas étrangère à M. Cahuzac et qui ne vous est sans doute pas non plus étrangère, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, en prenant des mesures certes très difficiles, mais indispensables. Affranchissez-vous du dogmatisme, cela vous gagnera l’estime d’une partie de l’opposition qui refuse l’idéologie et choisit l’intérêt du pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Le monde apparaît de plus en plus comme un marché ouvert non seulement aux capitaux mais aussi aux hommes, à leur talent, à leur intelligence. Ce que leur offre la France aujourd’hui ne peut qu’inciter certains de nos compatriotes à l’exil, les étrangers à ne pas s’installer dans notre pays. Rassurez tous ceux qui sont tentés par l’exode fiscal en supprimant cette taxation de 75 % au dessus du million d’euros de revenus.

Il y a quelques semaines, Le Point titrait « Fini de rire ». Il soulignait ainsi que le programme développé lors de la campagne électorale n’était pas sérieux face à une situation aussi préoccupante. Ce titre s’adressait aussi à l’opposition, qui devait renoncer à la liturgie convenue, « on s’oppose pour s’opposer ». Les politiques gagneraient en respectabilité en ayant une seule préoccupation : l’intérêt du pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le ministre, prendre le pouvoir est une chose, gouverner en est une autre. Ignorez ceux qui voudront vous rappeler des promesses étrangères à la réalité.

Afin de rapprocher dans une tentative d’œcuménisme majorité et opposition, avec pour seul objectif l’intérêt général, le radical que je suis citera Saint Augustin : « il vaut mieux suivre le bon chemin en boitant que le mauvais d’un pas ferme ».

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. – MM. Jean Arthuis et Vincent Delahaye applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure où nous entamons l’examen de ce projet de loi de finances rectificative, nous ne pouvons pas ne pas avoir présente à l’esprit la situation économique de l’Espagne, qui emprunte à des taux importants, ainsi que l’annonce de la dégradation des notes allemande et néerlandaise. Ces faits, qui dépassent nos frontières, doivent apporter une profondeur supplémentaire à notre débat. J’entends par là que nous devons cesser de raisonner « hors-sol », car le désendettement est une problématique non pas franco-française, mais internationale et plus spécifiquement européenne.

Il serait illusoire de croire que nous sommes en mesure d’enrayer seuls la crise de la dette. Au niveau européen, la France a pris des engagements. Ils exercent certes une contrainte sur le pouvoir décisionnel national, mais ils confèrent aussi un rôle particulier à la France, qui se doit de respecter de façon exemplaire ses engagements. Comment oublier que le précédent président de la République, M. Cahuzac y a fait allusion, était allé annoncer lui-même qu’il ne respecterait pas les critères de Maastricht, considérant qu’il pouvait excéder les 3 % de déficit pourtant admis par tous, ouvrant ainsi la porte à toutes les dérives.

Plus que jamais, l’objectif de désendettement se conjugue avec les impératifs de discipline, de coopération et de solidarité avec nos partenaires, car la France ne peut pas se permettre d’agir seule. Elle est un pays de l’Union européenne, fière de l’être et responsable avec les autres pays, et peut-être même plus que ses partenaires, du bien-être des peuples de cet espace privilégié, car en paix depuis des décennies.

Dans ce contexte international et européen, malgré tous les sujets qui nous occupent, à juste titre d’ailleurs, reconnaissez, mes chers collègues, qu’il est un sujet qui tient une position centrale, en tout cas à nos yeux : celui de l’emploi. Je n’évoquerai que ce point, faisant miennes les positions du président de notre groupe, François Rebsamen, après les interventions du ministre chargé du budget et de notre rapporteur général, François Marc.

Un chiffre récent a pu nous surprendre : malgré la stagnation de l’activité, 18 300 postes, selon l’INSEE, ont été créés dans le secteur marchand au premier trimestre de 2012. Pourtant, nous savons tous que cette bonne nouvelle en cache de bien moins bonnes. Les marges des entreprises se sont réduites et elles risquent de chercher à les rétablir dans les mois qui viennent en ajustant leurs effectifs à la baisse, et ce d’autant que ce que l’on appelle des « plans sociaux », que l’on devrait peut-être qualifier de « plans de réduction d’effectifs », ont manifestement été retardés du fait des dernières élections. L’affaire PSA n’est-elle pas emblématique de cette situation ?

Avec plus de 4, 9 millions d’inscrits à Pôle emploi, soit un actif sur six, et après un an de montée ininterrompue du chômage, c’est pourtant d’abord sur l’emploi que le nouveau gouvernement, celui que nous soutenons, sera jugé.

Le Président de la République s’est engagé à renforcer les moyens du service public de l’emploi, à hauteur de 1 500 à 2 000 postes en contrat à durée indéterminée – chiffres que vous nous préciserez, monsieur le ministre – : c’est indispensable pour désengorger une machine aujourd’hui asphyxiée, mais cela n’aura guère d’impact sur le niveau du chômage. En revanche, la suppression des exonérations sociales et fiscales sur les heures supplémentaires dans les entreprises de plus de vingt salariés, mises en place par la loi TEPA, n’est pas du tout anecdotique.

Durant les Trente Glorieuses, on n’avait pas besoin de subventionner les heures supplémentaires : les entreprises accordaient des heures lorsqu’elles en avaient besoin, parce que cela correspondait à la situation de l’époque, et qu’il fallait rapidement ajuster la qualité et la quantité de travail à la demande de production.

Mais dans la situation présente, alors que le chômage est massif, que les suppressions de postes se multiplient et que les capacités de production sont excédentaires au regard de la demande, la France était sans doute le seul pays au monde à avoir institué un système de destruction d’emplois financé par des fonds publics.

Les socialistes n’ont cessé de le dénoncer depuis 2007 : le dispositif sur les heures supplémentaires, instauré par la loi TEPA, conduisait, pour les entreprises, à rendre les embauches plus chères que le recours aux heures supplémentaires. Nous l’avons déjà dit, et cela sera sans doute répété, ce dispositif freinait l’embauche en période de faible activité. En période de récession, il était une véritable machine à créer des chômeurs.

Pensons à ce qu’ont fait les entreprises allemandes dans le même temps : elles ont réduit le temps de travail pendant que passait l’orage, pour l’allonger une fois l’éclaircie venue.

Certains pays ont supprimé les cotisations appliquées au supplément de salaire offert par l’heure supplémentaire, au motif de l’égalité entre les droits sociaux représentés par une heure normale de travail et une heure supplémentaire. Le précédent gouvernement, au contraire, avait créé une profonde inégalité entre ces deux types d’heure. Les rares pays qui avaient fait de même pour la toute petite fraction de la rémunération procurée par les heures supplémentaires – je pense notamment à l’Italie – ont supprimé ce dispositif, du fait de la période de chômage qu’ils rencontrent actuellement.

De plus, ce mécanisme a démontré son inefficacité totale non seulement en matière d’emplois – il freinait l’embauche et favorisait le chômage – mais aussi en matière d’augmentation du pouvoir d’achat.

Dans la période de crise que nous traversons, ce sont d’abord les Français les plus modestes et, parmi eux, les intérimaires et les travailleurs employés en CDD, qui ont été les premiers à faire les frais de ce dispositif. Le gain de pouvoir d’achat représenté par cette mesure était très inégalement réparti : moins de 40 % de l’ensemble des salariés en ont bénéficié. De plus, les salariés n’avaient aucune prise sur le recours à cet outil : ils faisaient des heures supplémentaires au gré de l’employeur. Au total, le pouvoir d’achat par unité de consommation n’a augmenté que de 0, 1 % par an en moyenne entre 2007 et 2010. Il a même reculé en 2011 et au premier trimestre 2012.

Au regard du coût considérable qu’il représentait – 4 milliards d’euros, je le rappelle –, ce système était intenable. Ce sont autant de moyens qui auraient pu être utilisés pour soutenir vraiment l’emploi et le pouvoir d’achat de l’ensemble des Français modestes, qui en sont privés, le gain de pouvoir d’achat obtenu par ceux qui ont un emploi étant compensé par la perte de pouvoir d’achat subie par ceux qui se retrouvent au chômage.

Il était donc juste, monsieur le ministre, que le nouveau gouvernement supprime ce dispositif.

Pour ce qui me concerne, je suis persuadée qu’il sera compris de tous les Français.

Je voudrais, à ce point de mon intervention, m’écarter quelque peu de mon propos. Mesdames, messieurs les sénateurs, qui a dit que les heures supplémentaires seraient supprimées ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

À entendre certains d’entre vous, je pense notamment à l’intervention de M. le président de la commission des finances, mais aussi à celle de notre collègue Fabienne Keller, on a l’impression qu’il n’y aurait plus d’heures supplémentaires.

Vous avez évoqué la situation de l’aide-soignante, dont l’emploi requiert qu’elle effectue des heures de sujétion, l’amenant à travailler un dimanche.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Les heures supplémentaires existaient avant, et elles existeront après, évidemment !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Mme Michèle André. La seule différence est que ces heures seront imposables. Et alors ? Beaucoup de Français ont voté pour le président Hollande en connaissance de cause

M. Jacques-Bernard Magner opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Les heures supplémentaires seront donc toujours possibles. Ne faisons pas comme si elles étaient soudainement supprimées.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Payer des impôts quand on touche un salaire est normal !

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Voilà ! Quand on touche un salaire, on peut payer des impôts ! C’est d’ailleurs une façon de participer à l’effort pour tous. Je considère que cela sera compris.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cette aide-soignante paiera des impôts si elle est imposable ! Si elle est seule avec deux enfants, elle n’en paiera pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Ces heures supplémentaires représentent l’équivalent de 400 000 emplois à temps plein sur l’année. En les réduisant de moitié, on peut considérer que l’économie française pourrait créer quelque 200 000 emplois.

En ce qui concerne les emplois publics, le précédent gouvernement avait instauré, dès 2007, la règle du non-remplacement d’un fonctionnaire d’État partant à la retraite sur deux. Les 155 000 postes ainsi supprimés depuis cinq ans dans la fonction publique d’État ont pesé de façon non négligeable sur le marché du travail, et notamment, nous le savons bien, sur les jeunes diplômés. Le nouveau gouvernement est revenu sur cette règle, et c’est bien ainsi.

L’État s’est engagé à subventionner des emplois aidés destinés à certaines catégories de population : les jeunes, les seniors, les demandeurs d’emploi de longue durée, parmi lesquels figurent, nous le constatons, de nombreuses femmes. Ce système n’est certes pas la panacée mais, dans le contexte dégradé que nous connaissons, il pourrait être utile pour permettre à certains publics en difficulté de mettre le pied à l’étrier et d’éviter des situations d’exclusion difficilement réversibles.

Or le nombre de ces emplois reste encore inférieur, pour l’instant, à ce qu’il était en 2007, avant la crise. De plus, en raison – sans doute ! – des élections, les deux tiers de ceux qui étaient budgétés sur l’ensemble de l’année – soit 240 000 sur 350 000 – ont déjà été consommés au premier semestre. Nous remarquons qu’ils s’appliquaient néanmoins sur de très courtes durées. Leurs titulaires sont ceux qui, grosso modo, viendront grossir les bataillons des chômeurs en juin et juillet.

Le nouveau ministre du travail a donc annoncé qu’il reprendrait le dispositif. De nouveaux types de contrats aidés vont être mis en place. Ils sont destinés à aider les associations, ce qui évitera les effets d’aubaine. Ils seront également dirigés vers les publics fragiles que sont les espaces urbains et les grands espaces ruraux sensibles.

Le contrat de génération verra le jour en 2013, mais nous aurons l’occasion d’en reparler.

Je dirai, pour conclure, que les difficultés économiques et sociales sont là. Pour autant, il importe de veiller à la qualité des conditions de travail et au dialogue dans les services publics et les entreprises de notre pays. Nous ne pouvons notamment pas oublier les effets désastreux des suicides commis dans certaines grandes entreprises. Faisons attention aux salariés de notre pays, car c’est de l’énergie et de la confiance de celles et ceux qui travaillent que dépendra aussi, me semble-t-il, le redressement de la France. §

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, un premier constat s’impose : le projet de loi de finances rectificative qui nous est soumis aujourd’hui est différent de ceux que le Sénat a eu à examiner ces dernières années.

En effet, pour les derniers gouvernements, tout devait être fait pour accorder des avantages sociaux et fiscaux à ceux qui se situent en haut de l’échelle sociale et, en premier lieu, aux privilégiés de l’argent.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Partant du postulat selon lequel l’enrichissement des riches fait ruisseler l’argent dans la société, jusque dans ses couches les plus démunies – quelle tromperie ! –, l’UMP a multiplié les mesures antisociales, en taxant les Français pour exonérer les riches. Voulez-vous, par exemple, que l’on aborde le sujet du bouclier fiscal, de l’allégement de l’ISF et de bien d’autres mesures encore ? Voulez-vous que l’on évoque l’instauration des franchises médicales, l’augmentation des forfaits, la taxation des accidentés du travail ou encore la surtaxe sur les complémentaires santé ?

Si cette politique était fondamentalement injuste, elle a également entraîné l’explosion du chômage. Elle a accru le déficit de la nation et creusé la dette de la sécurité sociale.

Voici le sens de mon propos : ceux qui, dans le passé, ont soutenu sans rechigner une telle politique sont mal placés pour se poser, aujourd’hui, en avocats du monde du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Venons-en à un point souvent mis en avant par l’opposition dans ce débat. Je veux bien sûr parler de la suppression des exonérations fiscales et sociales accordées au titre des heures supplémentaires, que la droite a votées dans le cadre de la loi TEPA. Pour quelle efficacité sociale ? Sur une échelle allant de 0 à 3, l’Inspection générale des finances a attribué à cette niche sociale particulièrement coûteuse la note de 1, une note, donc, en dessous de la moyenne.

En réalité, ce sont 100 000 emplois, cela a été dit, qui n’ont pas été créés à cause de cet effet d’aubaine. Les caisses de l’État et celles de la sécurité sociale déboursaient chaque année plus de 3 milliards d’euros pour se priver de créations d’emploi qui auraient rapporté des ressources fiscales et sociales, dont nous avons pourtant besoin.

Je ne parle même pas de la trappe à bas salaires que ces exonérations de cotisations patronales créent généralement, puisque, pour en bénéficier, les employeurs sont incités à sous-payer les salariés, avec les conséquences que l’on sait sur le pouvoir d’achat, donc sur la consommation et par conséquent, au final, sur l’emploi.

Ce n’est certainement pas avec des mesures comme celles-ci, partielles, inefficaces et coûteuses pour le budget de l’État et de notre protection sociale, que l’on peut répondre à la question du pouvoir d’achat, qui reste posée au nouveau gouvernement, et que le groupe CRC n’éludera jamais.

Mes chers collègues, n’oublions pas que, en vingt-cinq ans, 10 % de plus de la richesse créée dans les entreprises ont été accaparés par les actionnaires, au détriment des salariés.

Pour l’heure, nous nous réjouissons d’un projet de loi de finances rectificative qui a le mérite de tourner la page du sarkozysme, de corriger les excès les plus criants, et d’engager les premières inflexions sur la répartition de l’effort contributif.

J’en veux pour preuve l’article 1er, ô combien symbolique, du présent projet de loi de finances rectificative : la suppression de TVA antisociale, qui était, ni plus ni moins, un hold-up d’un montant de 11 milliards d’euros, réalisé sur le dos des ménages.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

Le projet de loi de l’UMP était clair : réduire la part des entreprises dans le financement de la branche famille en ponctionnant les ménages.

Nous enregistrons avec satisfaction le fait que des mesures votées par la majorité sénatoriale, auxquelles le groupe CRC a apporté sa pierre, aient été reprises dans le présent projet de loi de finances rectificative. Je pense notamment au durcissement de la contribution des entreprises sur les stock-options, les parachutes dorés et les attributions gratuites d’actions. Nous proposerons d’ailleurs d’en faire de même pour les retraites chapeau, dont seule une poignée de personnes profitent.

Là encore, l’article 27 du présent texte, qui porte le forfait social de 8 % à 20 %, impose plus de justice. Nous apporterons d’autres pierres à cet édifice, afin de défendre, par exemple, les centres de santé en difficulté, de favoriser l’égalité salariale entre les hommes et les femmes dans les entreprises, et d’abroger la surtaxe sur les complémentaires santé. Nous y reviendrons si nécessaire.

Oui, nous demeurons convaincus qu’il est impératif d’élargir l’assiette du financement de la sécurité sociale dans le même esprit que celui qui a présidé à l’élaboration du programme du Conseil national de la Résistance, en partant des richesses produites au sein même de l’entreprise. Nous défendons d’ailleurs l’idée d’une cotisation sociale assise sur les masses financières qui se sont progressivement dirigées de la rémunération du travail à celle du capital. Avec cette solution, nous pourrions assurer la pérennité économique de notre système de protection sociale, tout en évitant de recourir au financement par l’impôt – je pense tout particulièrement à la CSG.

Nous tiendrons naturellement ce débat important à l’occasion du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Pour l’heure, il s’agit d’adopter un projet de loi de finances rectificative qui corrige les excès du précédent gouvernement et permet de dégager des ressources qui seront utiles à celles et ceux que la crise économique et financière continue de frapper. Nous répondrons présents, avec la volonté d’opérer au plus vite les changements nécessaires. §

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bourquin

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a quelques semaines seulement, lors de l’examen de la loi de règlement par l’Assemblée nationale puis par le Sénat, le bilan de la situation de nos finances publiques a été dressé. Le diagnostic est sombre.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bourquin

En effet, les dettes accumulées par l’État, qui représentent 86 % de notre PIB, se rapprochent de la barre fatidique des 90 %, taux au-delà duquel les économistes sérieux s’accordent pour dire que le potentiel de croissance économique est fortement émoussé.

Monsieur le ministre, le Gouvernement hérite de surcroît d’une situation plus dégradée que celle qui avait été annoncée. Pour l’année 2012, il doit combler un manque à gagner en recettes et honorer les dépenses non financées inscrites dans le budget initial. Dans le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques qu’elle a rendu au début du mois, la Cour des comptes – elle a beaucoup été évoquée – évalue le manque à gagner entre 6 milliards et 10 milliards d’euros et les dépenses non financées entre 1 milliard et 2 milliards d’euros.

C’est pourtant à partir de cette situation existante que le Gouvernement doit agir. Le recours à une simple intervention esthétique sur les comptes publics – M. le ministre chargé du budget le sait bien – ne suffira pas. L’état du malade requiert une opération lourde, suivie d’une période de rééducation que nous souhaitons tous, évidemment, la plus brève possible.

D’ores et déjà, je constate un changement de méthode dans la construction du collectif budgétaire qui nous est soumis aujourd’hui. Il témoigne de la volonté de prudence du Gouvernement et marque une nouvelle appréhension de ce que doit être le dialogue social.

Tout d’abord, il fait œuvre de sagesse en supprimant une disposition qui avait été créée par le gouvernement précédent alors même – ce point n’a pas été évoqué ici tout à l'heure – que ses propres experts l’avaient jugée aléatoire. Je veux parler de la « TVA sociale », qui aurait dû rester dans les cartons de la Fondation pour l’innovation politique après la publication d’un rapport dit « Besson » en 2007 et des analyses de la Direction générale du trésor et de la politique économique réalisées à la demande de la ministre de l’époque, Mme Lagarde. Le rapport soulignait le risque de voir les entreprises profiter de la mesure pour augmenter leurs marges et donc leurs prix ; les analyses alertaient les décideurs publics sur son effet inflationniste et le faible nombre de créations d’emplois que l’on pouvait en attendre.

Il est regrettable que le gouvernement Fillon ait inscrit envers et contre tous, des années après, cette mesure dans le projet de collectif budgétaire présenté à la mi-février 2012. Il le faisait au nom du courage, prétendiez-vous à l’époque, chers collègues de l’opposition. En réalité, il ne s’agissait là que d’un activisme électoral, d’un affichage déboussolé !

Ensuite, le gouvernement Ayrault rompt avec la frénésie de réformes en matière fiscale qui a marqué le précédent quinquennat. Je ne prendrai ici qu’un exemple, celui de la politique fiscale à destination des plus fortunés, lesquels ont alors fait l’objet d’un traitement de faveur ; vous le niez, sur les travées de la droite dans cet hémicycle, mais telle est bien la réalité, en raison du bouclier fiscal. En 2007, alors que ce dispositif était renforcé, des niches fiscales étaient également consolidées. Aussi, le Conseil des prélèvements obligatoires a relevé que le produit de l’impôt sur la fortune baissait régulièrement depuis 2007 tandis que le patrimoine de ceux qui y étaient assujettis augmentait !

On aurait pu penser que la décision brutale du précédent gouvernement de renoncer au bouclier fiscal procédait d’une prise de conscience, certes tardive, mais non moins salutaire. Il n’en a rien été, puisque cette suppression devait prendre effet non pas en 2012, mais l’année suivante.

En outre, cette décision était assortie d’une contrepartie : un allégement de l’impôt sur la fortune. Ce dernier est devenu particulièrement avantageux pour les patrimoines les plus importants. La simulation présentée dans le rapport du 26 octobre 2011 de la commission des finances du Sénat en atteste : toutes ces réformes et contre-réformes ont abouti au final à rendre l’impôt sur la fortune plus dégressif que jamais.

Mes chers collègues, vous comprendrez que, de même que beaucoup d’autres, j’ai accueilli avec le plus grand soulagement l’engagement du Président de la République de stabiliser les règles budgétaires. C’est là un gage de lisibilité, donc d’honnêteté élémentaire de la part de l’État. Je m’en félicite d’autant plus que je sais votre volonté, monsieur le ministre, de faire tendre vos réformes vers plus de justice fiscale. Nous savons les Français très attachés à cette valeur de justice, comme ils l’ont manifesté lors des deux derniers scrutins nationaux. Nous devons être justes, pour eux !

Je tiens aussi à saluer le choix du Gouvernement de supprimer, dès le premier collectif budgétaire qu’il a proposé, le ticket d’accès aux soins dont s’acquittent les bénéficiaires de l’aide médicale d’État depuis l’année dernière. Ces derniers sont des patients dépourvus de titres de séjour. Or, nous le savons, – les avertissements des personnels hospitaliers tout comme ceux des auteurs du rapport commun à l’IGAS et à l’IGF rendu public en novembre 2011 ont été très clairs à cet égard – l’existence d’une somme à verser pour l’ouverture du droit à la gratuité de la prise en charge médicale conduit à des renoncements aux soins. Ces pratiques sont non seulement porteuses de risques en matière de santé publique, mais aussi plus coûteuses au final pour la sécurité sociale.

Je me réjouis également de voir notre dispositif d’aide médicale d’État revenir à l’esprit de la loi éclairée du 24 vendémiaire an II.

Exclamations amusées sur plusieurs travées du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bourquin

M. Christian Bourquin. C’était il y a deux cent dix-neuf ans ! Ce texte disposait que « tout malade, domicilié de droit ou non, qui sera sans ressources, sera secouru […] ». En fait, nous voulons secourir des êtres humains ! Quoi de plus normal ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bourquin

Pour conclure, je note avec satisfaction le rétablissement du « 1 % formation » versé par les collectivités locales au Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, au sein duquel je me suis engagé durant plus de vingt ans. J’étais intervenu sur ce sujet à cette même tribune à la fin de novembre 2011, à l'occasion de la lecture du budget initial pour 2012, mais c’était peine perdue à l’époque, tant la notion de service public était étrangère à vos récents prédécesseurs, monsieur le ministre, voire honnie par eux.

Cette mesure de rétablissement du 1 % procède tout d’abord d’une bonne gestion publique : les collectivités, soucieuses de maintenir le droit à la formation de leurs fonctionnaires, car celle-ci est tout à fait nécessaire, s’apprêtaient à faire appel à des prestataires privés, qui pratiquent à l’évidence des prix bien plus élevés. Cette décision est aussi une mesure d’avenir, puisqu’elle permettra aux collectivités, le moment venu, de bien gérer les nouvelles compétences qui pourraient leur être conférées dès la fin de cette année. Enfin, elle touche, pour la fonction publique territoriale, 1, 6 million d’agents. Elle est donc une respiration pour nos collectivités, monsieur le ministre.

Cette méthode de gouvernance et de discussion témoigne, je le répète, de la nouvelle pratique du dialogue social mise en œuvre par le Gouvernement. Celui-ci a su entendre une demande qui lui a été soumise lors de la grande conférence sociale organisée voilà deux semaines, et lui répondre rapidement.

Mes chers collègues, comme beaucoup d’entre vous ici, je suis conscient de la gravité de la situation, mais je crois aux effets d’une nouvelle gouvernance. C’est sur ce point que je voulais insister lors de cette intervention. Et c’est pourquoi j’apporterai, ainsi que la très grande majorité des membres du groupe RDSE, mon soutien à ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Madame la présidente, mes chers collègues, je suis gêné car je destinais mon propos à notre nouveau rapporteur général de la commission des finances, M. François Marc, qui examine pour la première fois un projet de loi de finances rectificative depuis qu’il a pris ses fonctions. Sans doute nous rejoindra-t-il plus tard…

Je suis également gêné vis-à-vis de vous, monsieur le ministre : en tant que parlementaire, c’est la première fois que, s'agissant d’une loi de finances, je n’ai pas l’occasion de m’adresser à un responsable de Bercy ! C’est tout à fait étonnant. §

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

C’est le signe du peu de considération du Gouvernement pour le Sénat !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

L’examen du texte devait commencer par une intervention du ministre de l’économie et des finances, M. Pierre Moscovici. Finalement, celui-ci n’était pas présent.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Du coup, le ministre délégué chargé du budget s’est exprimé à sa place, puis il est parti.

Or au Parlement l’usage veut que, quand ni le ministre de l’économie et des finances ni le ministre du budget ne sont présents, un membre du Gouvernement lié directement à l’économie et aux finances assiste à notre séance. Nous aurions pu entendre Mme Bricq, par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

J’ai le sentiment que nous vivons une autre époque que lors de la précédente alternance politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Le Sénat est maltraité depuis le début de la mandature !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Comment s’était passée alors la session extraordinaire ? D’une autre manière ! Nous avions examiné des sujets de fond, comme la réforme des universités, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

… le service public minimum, la loi sur la récidive et la loi TEPA. Le Parlement avait eu l’occasion d’aborder des questions politiques importantes.

La présente session extraordinaire est presque vide. À l’ordre du jour n’est inscrite que la loi de finances rectificative, et personne ne s’intéresse à l’économie ! Monsieur le ministre, le Gouvernement est-il déjà en vacances ? §

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste

Oh là là !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Personne ne croit que le Gouvernement est en vacances !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

M. Philippe Dominati. Êtes-vous là pour expédier les affaires courantes ? L’économie intéresse-t-elle le Gouvernement ? J’aimerais avoir une réponse à ces questions !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Les mesures emblématiques seront prises à l’automne, nous dites-vous. Soit ! Nous attendrons. Il n'y aura même pas de session extraordinaire au mois de septembre !

Je comprends la gêne du Gouvernement. Tout à l'heure, le ministre du budget avait presque l’air de s’excuser. Il disait que c’était le contexte international qui l’obligeait à présenter une loi de finances rectificative, car il fallait tenir la parole de la France... C’est à croire que ce texte composé d’une trentaine d’articles n'a pas de véritable inspirateur. Mais en réalité, il en a un : l’ancien Président de la République. §

En effet, sur les quelque trente articles, sur les douze mesures de justice et les six qui concernent l’investissement, plus de vingt-deux sont destinés à corriger ou à modifier la politique menée par l’ancien Président de la République et son Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Vous n’avez pas d’inspiration. Vous n’avez pas de projet ! Nous attendrons donc l’automne.

La méthode est simple : pour trouver 7 milliards d'euros, vous augmentez d’autant les impôts. Vous prévoyez des dépenses supplémentaires et presque aucune économie, hormis l’abattement sur le salaire du Président de la République et du Premier ministre. Ces 7 milliards d'euros d’impôts deviendront 11 ou 13 lors du prochain projet de loi de finances. Où sont les engagements qui ont été pris ? En effet, monsieur Marc, votre prédécesseur Nicole Bricq et vous-même nous avez expliqué que l’effort serait partagé entre des économies et des recettes nouvelles. Or, dès ce premier projet de loi de finances rectificative, cet engagement n’est pas tenu ; il est bafoué ! Cette réalité est peut-être dure à entendre, mais elle est incontestable.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Telle est votre méthode. Vous faites fi de la position de la Cour des comptes. Vous faites fi de la position de l’Inspection générale des finances. Vous faites fi de la position de la Commission européenne. Voilà la loi de finances rectificative que vous nous proposez !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Avez-vous des cibles ? Il y en a une qui apparaît à l’évidence : le monde de l’économie réelle, celui de l’entreprise. Vous l’avez reconnu devant la commission des finances : quelque 42 % de l’effort seront supportés par l’entreprise, dont vous interpellez tous les acteurs, de la base jusqu’au sommet.

L’entreprise, c’est tout d'abord du capital, qui permet de mettre en œuvre des investissements et de réaliser des exportations. Or nombreuses sont les mesures de ce texte qui portent atteinte au capital.

L’entreprise, ce sont ensuite des cadres et des ouvriers. Or, on l’a vu pour les heures supplémentaires, on le voit à présent avec le forfait social, vous ne leur faites pas de cadeau, prétendument au nom d’une certaine compétitivité. Dans le monde de l’entreprise, celui de l’économie réelle, vous tapez à tous les étages ! Cela traduit votre absence de projet.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Nous attendrons l’automne pour connaître votre projet. À l’occasion de l’alternance politique, vous auriez pu faire ce qu’on fait les socialistes dans d’autres pays – je pense à Tony Blair, à Gerhard Schröder –, c'est-à-dire une sorte de révolution intellectuelle d’inspiration libérale. On aurait pu imaginer que la gauche française se modernise. Or il n’en est rien ! Vous en êtes restés au colbertisme le plus élémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

On le voit dans le dossier PSA : au lieu d’aider une entreprise en difficulté, vous voulez imposer l’interventionnisme étatique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Voilà une entreprise qui produit deux fois plus de véhicules sur le territoire national qu’elle n’en vend sur ledit territoire. Or, au lieu de l’aider, vous lui créez des problèmes !

On le voit également avec la création des nouveaux emplois publics, qui ne sont pas budgétés, comme l’a souligné le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Enfin, on le voit dans cette inscription symbolique dans la loi de finances du salaire du Président de la République et du Premier ministre, qui permettra de réaliser une économie de 96 000 euros, je crois. Mais pour atteindre cet objectif, le présent gouvernement compte cinq ministres de plus que le précédent !

Vous ne nous parlez pas du périmètre de l’État, qui reste identique et qui va même sans doute encore s’agrandir.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Pourtant, tout le monde le sait, les engagements de la France qu’évoquait tout à l'heure le ministre du budget consistent à faire en sorte que notre pays soit plus compétitif en ce qui concerne les prélèvements obligatoires.

Aux termes du rapport que nous avons rendu ce matin, la France est, en Europe, l’économie qui connaît les prélèvements obligatoires les plus élevés.

Vous pourriez faire un effort en matière de flexibilité du travail, car la compétitivité en dépend. Mais vous en êtes bien éloignés, allant jusqu’à refuser d’aborder le sujet.

Comme M. le président de la commission des finances, je vous suivrai cependant sur une mesure, et une seule, mais non des moindres, à savoir l’abrogation de la TVA sociale, à l’article 1er. Mes propos risquent néanmoins de choquer les membres de la majorité présidentielle, car, selon moi, cette mesure va dans le sens du libéralisme.

Je ne suis pas un dogmatique de la TVA sociale. Cette mesure a soulevé des problèmes sur toutes les travées. Elle a été étudiée lors de l’examen de cinq lois de finances sous l’ancienne majorité, sans être toutefois mise à l’ordre du jour. Pour ma part, je ne l’ai pas votée.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Je ne suis pas le seul, mon cher collègue. Je constate que vous vous montrez bien rigoureux lorsque le propos vous gêne !

Certains ministres actuels ont eux-mêmes proposé la TVA sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dominati

Même si le concept était et reste bon, puisqu’il s’est agi de trouver le moyen de diminuer le coût du travail, ce qui, on le comprend, a pu intéresser un certain nombre de mes collègues et de mes confrères, pour autant, alors que les prélèvements obligatoires ont été relevés de 2, 5 %, je considère que la mesure proposée va dans le bon sens.

Parce que je suis favorable à une politique qui consiste à diminuer les prélèvements obligatoires et qui va dans le sens du libéralisme, ce mot que vous auriez tort de prendre pour une insulte, chers collègues de la majorité, je vous soutiendrai sur ce point, mais sur ce point seulement !

Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Bouchoux

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, mon intervention portera sur trois articles de ce collectif budgétaire qui concernent la mission « Culture », mais qui sont d’intérêt général, je veux parler de l’éducation, de la scolarité des élèves français à l’étranger et de la TVA à 5, 5 %.

Voyons, en premier lieu, l’éducation.

Pour nous, écologistes, la politique dite du « non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux » n’a pas pris en compte la spécificité du service public important que constitue l’éducation nationale, elle qui est chargée de former les citoyens du monde de demain et de forger le « vivre ensemble » pour tous.

Depuis 2008, vous le savez, 70 600 postes ont été supprimés dans l’éducation. Les coupes budgétaires n’ont épargné ni les zones rurales ni les quartiers les plus sensibles. Manifestement, les recteurs ont aussi reçu la directive de fermer les établissements de petite taille, lesquels jouent pourtant un rôle fondamental dans l’animation des espaces isolés.

Par ailleurs, la fermeture de certaines classes a obligé des parents à scolariser leurs enfants d’âge voisin dans plusieurs écoles différentes.

À titre d’exemple, en Maine-et-Loire, quarante-quatre classes auraient dû être fermées si des mesures n’avaient pas été prises, ce dont nous nous réjouissons.

L’école ne peut constituer une simple variable d’ajustement budgétaire, sans que soit menée une réflexion sur l’échec scolaire, l’encadrement, les rythmes scolaires, les modalités des enseignements et les relations pédagogiques.

Le Président François Hollande a fait campagne sur l’importance de la jeunesse, d’ailleurs insuffisamment représentée dans cette enceinte. Nous, écologistes, appelons depuis longtemps à la prise en compte des générations futures. Nous ne pouvons donc que soutenir la démarche tendant au renforcement du rôle de la jeunesse. Nous partageons également le constat d’urgence suscité par la casse du système éducatif telle qu’elle a été mise en place et telle que nous la condamnons.

Pour les écologistes, une école tournée vers le futur doit être fondée sur quatre piliers fondamentaux : la famille et la place des parents, l’école et les institutions scolaires – rappelons le manque de 400 000 places en crèche relevé chaque année –, le tissu associatif et culturel, au premier rang duquel figure l’éducation populaire, enfin, les médias, les écrans et l’éducation à la culture qui vont de pair.

J’évoquerai, en deuxième lieu, la scolarité des élèves français à l’étranger.

Promesse médiatique de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, la prise en charge des frais de scolarité pour les lycéens français à l’étranger a été critiquée, depuis sa mise en place, tant pour son coût déraisonnable que pour la rupture d’égalité entre les élèves qu’elle engendre. Nous l’avons trop peu ici relevé, les sommes correspondantes ont été prélevées sur le budget de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, et nous le regrettons vivement.

La couverture des frais de scolarité, outre d’autres effets pervers comme l’arrêt de la prise en charge par les entreprises privées, méritait-elle à ce point de mobiliser le budget social et la solidarité d’un État endetté ? Nous ne le pensons pas.

En troisième et dernier lieu, j’évoquerai l’abaissement du taux de TVA de 7 % à 5, 5 % sur le livre et le spectacle vivant. Selon nous, cette mesure de bon sens est positive. Nous tenons particulièrement à rappeler notre attachement au prix unique du livre et à ce précieux maillon de la chaîne de la diffusion de la culture que sont les librairies.

Dans l’attente des propositions de la Commission européenne sur la TVA, travailler afin de rendre la culture accessible à tous et à toutes, à tous les niveaux – livres, livres numériques, spectacle vivant – est indispensable et correspond à un bien meilleur choix politique que le développement des niches et boucliers fiscaux, que nous sommes en train de supprimer, d’ailleurs.

Nous, écologistes, souhaitons étudier plus en profondeur, et aux côtés de la majorité, les taux de TVA appliqués à la culture. Nous nous attachons dès aujourd’hui à faire en sorte que le budget ainsi mobilisé soit redéployé au profit de l’accès de tous à la culture et du développement de la culture par et pour tous.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Mme Christiane Demontès. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le présent projet de loi de finances rectificative me fournit l’occasion de dresser le bilan des choix effectués par la droite pendant dix ans et de rétablir la vérité sur la situation de notre pays.

Murmures sur les travées de l'UMP et de l'UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Attendez la suite !

Cela ne vous étonnera pas, j’axerai particulièrement mon intervention sur l’état des comptes sociaux et m’appuierai sur les derniers travaux de la Cour des comptes et de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

La situation générale de nos comptes sociaux est extrêmement dégradée. Après quatre années consécutives de déficits très élevés - je pense notamment au record de 28 milliards d’euros atteint en 2010 -, le déficit du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse s’est élevé à 20, 8 milliards d’euros pour l’année 2011.

Toutes les branches sont dans le rouge. Le déficit s’établit à 8, 6 milliards d’euros pour la branche maladie, à 2, 6 milliards d’euros pour la branche famille, à 200 millions d’euros pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles et à 2, 6 milliards d’euros pour la branche vieillesse, somme à laquelle il faut ajouter les 3, 5 milliards d’euros de déficit du Fonds de solidarité vieillesse.

En élisant Président de la République François Mitterrand…

Rires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Vous ne commettez jamais de lapsus, chers collègues ?...

En élisant Président de la République François Hollande, la majorité des Français a choisi le changement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Ainsi que l’a annoncé le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, le redressement de notre pays est une impérieuse nécessité et il nous faut retrouver l’équilibre de nos comptes publics à l’horizon 2017.

Le présent projet de loi de finances rectificative constitue donc la première étape de la politique économique de redressement dans la justice et illustre cette volonté de changement tant attendue par nos concitoyens et exprimée par le Président de la République.

Ce collectif budgétaire impacte la structuration des recettes et des dépenses.

Pour le régime général de la sécurité sociale, plusieurs dispositions se traduiront par des ressources supplémentaires supérieures à 5 milliards d’euros en année pleine à compter de 2013 et à 1, 5 milliard d’euros dès cette année.

La première mesure que je souhaite évoquer à mon tour tant elle est importante concerne l’abrogation du mécanisme de « TVA sociale ». Qu’elle soit dénommée par certains collègues siégeant à droite de cet hémicycle « TVA compétitivité » ou encore « TVA anti-délocalisation », toujours est-il que la hausse de 1, 6 % du taux de TVA constituait un transfert des cotisations patronales à la branche famille sur les ménages.

Cette disposition aurait été préjudiciable au pouvoir d’achat des Français. Je pense notamment à nos concitoyens les plus fragiles, à ces ménages modestes peu évoqués sur vos travées, chers collègues de l’opposition, …

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

… à ceux qui ont du mal à « joindre les deux bouts », qui connaissent des fins de mois difficiles. Voilà ceux dont nous parlons ici.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Précisément ! Et pour qui étaient les heures supplémentaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Mécaniquement, la consommation aurait diminué, avec le risque de contracter le peu de croissance qu’enregistre notre pays et d’accentuer les injustices.

En outre, nous le savons tous et M. Dominati l’a évoqué, l’« effet prix » aurait été totalement marginal et n’aurait pas modifié la compétitivité de nos entreprises.

Je veux rappeler en cet instant que, voilà quelques mois, la commission des affaires sociales, dont je suis membre, a reçu notre collègue Jean Arthuis, qui nous a expliqué, tout comme aujourd'hui, que, pour améliorer la compétitivité des entreprises françaises, l’augmentation de la TVA devrait être bien supérieure à 1, 6 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

De notre point de vue, c’est donc tout logiquement qu’il est proposé d’abroger cette hausse de TVA tout comme son corollaire, à savoir la baisse des cotisations patronales au titre des allocations familiales.

Parce que la recherche d’une plus grande justice fiscale est au cœur des préoccupations du Gouvernement, la hausse de 2 points des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, qui a pris effet le 1er janvier dernier pour les revenus du patrimoine et le 1er juillet pour les revenus dits « de placement », est conservée. Un rendement de 2, 6 milliards d’euros en est attendu en année pleine et un montant représentant 0, 3 point du prélèvement social sera affecté à la Caisse nationale d’allocations familiales.

Ce supplément annuel de recettes s’élèvera à 400 millions d’euros dès cette année 2012, soit un peu plus que le coût estimé de la majoration de l’allocation de rentrée scolaire. Le reste, d’un montant évalué à 400 millions d’euros en 2012 et à 2, 2 milliards d’euros par an dès 2013, ira à la Caisse nationale d’assurance vieillesse.

D’autres dispositions contenues dans les articles 25, 26 et 27 du présent projet de loi visent à réduire les niches fiscales. Je n’insisterai pas sur ce point, le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Yves Daudigny, l’ayant fort bien développé.

Au total, les recettes nouvelles s’élèveront à 5, 5 milliards d’euros par an à compter de 2013, dont 4, 5 milliards d’euros pour la branche vieillesse, et à 1, 5 milliard d’euros dès cette année. Pour le régime général, elles s’ajoutent au relèvement progressif des cotisations d’assurance vieillesse.

Permettez-moi de conclure en mettant particulièrement l’accent sur la branche vieillesse. Étant la plus déficitaire, c’est vers elle que seront dirigées en priorité ces recettes nouvelles, lesquelles devraient permettre, à terme, de couvrir près de la moitié des besoins de financement de la branche.

Néanmoins, mes chers collègues, le déficit structurel ne sera pas résorbé. Souvenons-nous de la réforme des retraites de 2010, une réforme que nous avions dénoncée à l’époque, en raison de son caractère brutal et parce qu’elle avait été imposée sans concertation. Quel changement depuis la prise de fonctions de notre gouvernement !

Mme Gisèle Printz et M. Jean Besson applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Cette réforme était aussi injuste : 90 % des mesures étaient financées par les revenus du travail ; la situation de certains salariés en a été dégradée. Je pense particulièrement aux femmes, singulièrement aux mères de famille, dont la vie professionnelle a été segmentée.

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Injuste, cette réforme est enfin d’une inefficacité désormais avérée : elle avait pour objet le retour à l’équilibre en 2018, or nous en sommes bien loin ! Pis, le déficit du FSV augmente du fait de la hausse du chômage. Sans changement, à l’échéance 2018, la branche vieillesse enregistrera toujours près de 10 milliards d’euros de déficit annuel, soit près de 90 milliards d’euros cumulés à l’horizon 2020.

Quel bilan, et quelle nécessité de réformer structurellement et justement !

En attendant les prochaines réformes structurelles, le texte que nous examinons aujourd’hui constitue une première étape dans l’entreprise de redressement de notre pays. Il marque la volonté du Gouvernement de faire face sans dogmatisme aux urgences, notamment en termes de redressement des comptes publics et sociaux. En visant notamment les revenus jusqu’alors peu ou pas sollicités, il revient à l’équité.

Ce texte marque aussi la volonté de renouer avec les principes de justice et de solidarité sans lesquels toute entreprise collective est vouée à l’échec.

Ce projet de loi de finances rectificative réoriente enfin notre système fiscal vers plus de justice et plus d’efficacité, et ce au service de l’intérêt général.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Dassault.

Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

M. Serge Dassault. Madame la présidente, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je vais changer de registre par rapport à ce que nous avons entendu jusqu’à présent.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Nous avons l’habitude : nous sommes vaccinés !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Je ne mettrai pas en valeur le régime précédent ; je formulerai des remarques générales et, si on me le permet, je donnerai quelques conseils.

Le rétablissement rapide de notre équilibre budgétaire dépasse largement ce qui peut nous diviser, car cela concerne notre avenir et celui de tous les Français, quelle que soit leur appartenance politique.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Nous sommes tous solidaires.

C’est pourquoi je tiens à vous faire des propositions nouvelles. Elles visent à essayer d’éviter à la France la catastrophe financière qui nous menace et nous menacera de plus en plus, monsieur le ministre délégué, si vous continuez à augmenter nos dépenses et nos impôts, contre l’avis de Bruxelles et celui de la Cour des comptes, dont vous ne voulez malheureusement pas tenir compte.

La menace de voir notre notation diminuée et nos taux d’intérêts augmentés est réelle et doit absolument être prise en compte – ce n’est pas le cas ici - car on court aujourd’hui le risque d’une perte de confiance rapide de la part de nos investisseurs et des agences de notation, à la suite des décisions que nous prenons.

L’augmentation des taux d’intérêt qui s’ensuivrait mettrait en cause notre capacité de paiement. Ce serait aussi dramatique pour la France, pour l’Europe et pour l’euro que ça l’est pour l’Espagne actuellement.

Nous sommes sous haute surveillance et le moindre nouveau faux pas nous sera fatal.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Or, des faux pas, vous en faites beaucoup !

Croyez-vous qu’avoir institué l’impôt sur la fortune ait été bénéfique à notre économie ? Depuis trente ans, 90 milliards d’euros se sont évaporés, avec leurs propriétaires, pour être investis ailleurs. Ne pensez-vous pas que la faible croissance de notre économie en est la conséquence ? Pourquoi persister dans l’erreur et vouloir augmenter les taux de l’ISF que Nicolas Sarkozy était péniblement parvenu à réduire au bout de quatre ans ?

Et la situation ne va pas s’arranger avec vos projets d’augmentations de l’impôt sur le revenu ! Ces augmentations constitueront une véritable spoliation et accéléreront le processus de départ. Si vous maintenez votre projet d’instituer en 2013 une tranche d’impôt sur le revenu à 75 %, à laquelle il faut ajouter les 15 % de CSG, soit 90 %, vous arriverez en effet à une spoliation pure et simple de tous ceux qui font vivre notre économie par leur travail, …

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

… les grands cadres, les directeurs, les présidents, qui s’en iront.

Quant à ceux qui ont un patrimoine, ils devront en plus payer l’ISF. Mais avec quoi ? Ils n’auront plus d’argent ! C’est de l’imposition à 120 % ! Aucun gouvernement socialiste ne nous avait imposé cela.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Si vous spoliez tous ceux qui créent de la richesse et des emplois, vous ne nourrirez pas la croissance tant attendue par notre Président. Au fond, vous êtes en train de tuer la poule aux œufs d or, car l’impôt tue l’impôt. C’est un principe universel.

Vous ne semblez pas non plus vous soucier, pas plus d’ailleurs que vos prédécesseurs, de la catastrophe financière que vous amplifiez en continuant à emprunter chaque année pour réduire les charges et les impôts des contribuables et des entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

C’est vrai, mais vous continuez, nous continuons !

Vous persistez ainsi à augmenter notre dette avec des emprunts de fonctionnement, ce qui est une erreur financière dramatique, car l’on ne pourra jamais les rembourser. Ces emprunts se renouvelleront chaque année, parce qu’il n’y a pas de limite !

Je peux citer des cas.

Les allégements de charges payées aux entreprises chaque année pour compenser les 35 heures représentent 21 milliards d’euros. On ne le dit jamais : les 35 heures coûtent plus de 20 milliards d’euros par an. On a donc dépensé depuis dix ans 200 milliards d’euros pour rien ! Il faudrait supprimer ces allégements en revenant aux 39 heures, d’une part, pour améliorer notre compétitivité, d’autre part, pour augmenter nos recettes de 21 milliards d’euros, ce qui n’est tout de même pas négligeable.

Je pourrais aussi citer les allégements de TVA pour la restauration et pour les travaux de rénovation des habitations, qui devraient également être supprimés, ou encore les allégements de coût pour les emplois aidés, qui n’ont que peu d’efficacité, ce qui ne vous empêche pas de vouloir en créer d’autres, en dépensant donc de l’argent pour rien.

Tous ces allégements sont certes très agréables pour ceux qui en sont bénéficiaires, mais à partir du moment où l’État ne peut plus y faire face par des dépenses fiscales, mais est contraint à contracter des emprunts qu’il ne pourra jamais rembourser, il s’agit d’un véritable suicide collectif. Il faut donc les supprimer, au moins tant que l’équilibre budgétaire n’est pas atteint. Ensuite, on pourra y revenir.

Les impôts qui rapportent le plus sont ceux dont l’assiette est large et le taux faible, comme la TVA ; ils ne détruisent ni les emplois, ni la croissance. La TVA est l’impôt le mieux réparti, le plus efficace et le plus indolore, et il frappe toutes les importations. Augmenter le taux pour le passer de 19 % à 23 % rapporterait au budget, et à lui seul, 24 milliards d’euros non affectés – je ne parle plus de la TVA sociale – et réduirait d’autant nos déficits sans compromettre la croissance.

Au lieu de chercher à imposer davantage la classe moyenne et les plus ou moins riches, qui sont les moteurs de la croissance et des créations d’emplois, vous devriez donc abandonner les impôts destructeurs, porter la TVA à 23 % et supprimer les 35 heures. Vous gagneriez ainsi 45 milliards d’euros pour votre budget et reviendriez plus rapidement à l’équilibre budgétaire. C’est nécessaire, car l’échéance de 2017 est trop lointaine, il faut y arriver en 2014-2015.

Ce n’est pas en supprimant les riches que l’on enrichit un pays, mais en les multipliant, comme le fait la Chine.

Je le rappelle, on ne doit pas dépenser l’argent que l’on n’a pas, pour quelque raison que ce soit.

Il ne faut jamais faire des emprunts pour payer des dépenses de fonctionnement, car on ne peut pas les rembourser.

L’État ne doit pas payer des charges et des impôts à la place des entreprises et des contribuables avec de l’argent emprunté. C’est une erreur.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Votre temps de parole est dépassé. C’est bon : vous pourrez continuer dans Le Figaro !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Or c’est ce que tous les gouvernements ont fait depuis 1982, qu’ils soient de gauche ou de droite, et c’est la raison de notre endettement.

Puis il y a les contraintes sur les licenciements, que vous voulez encore aggraver, prétendument pour préserver l’emploi, alors qu’elles vont encore augmenter le chômage.

Être empêchée de licencier dissuade une entreprise d’embaucher, car aucune ne peut se permettre de garder un personnel surabondant si ses ventes baissent et qu’elle est en perte – c’est ce qui se passe chez Peugeot.

En tout cas, aucun chef d’entreprise n’a jamais eu l’idée saugrenue de licencier son personnel pour faire monter un cours de bourse. C’est de la stupidité !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Seule la flexibilité permettra de favoriser l’emploi en France, car, dès que les chefs d’entreprise auront des commandes, ils augmenteront leurs effectifs.

Monsieur le ministre du budget, l’économie est régulée par des principes simples, certainement pas par une quelconque idéologie ou par des négociations avec qui que ce soit qui n’aboutiront à rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

M. Serge Dassault. Il faut choisir entre l’égalitarisme, la morale et l’efficacité. Lorsque l’on est en faillite, on a besoin plus d’efficacité que de morale et d’égalitarisme.

Marques d’impatience sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Vous voulez pénaliser les entreprises qui appliquent des participations dérogatoires : vous allez tuer la participation, qui permet d’accorder à tout le personnel des éléments supplémentaires de rémunération. Ce n’est pas du socialisme. Socialistes, nous le sommes plus que vous !

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Dassault

Je termine donc en rappelant que l’urgence absolue est l’équilibre budgétaire.

Avec mes propositions, vous résoudrez les problèmes, messieurs les ministres. Je doute que vous les mettiez en œuvre, mais il fallait que je les présente, car, si vous les appliquiez, la France ne serait plus menacée par des dégradations de sa notation et par des hausses des taux d’intérêt. Vous sauveriez la France, et c’est ce que je vous souhaite de parvenir à faire : majorité et opposition, nous devons travailler ensemble, pour le bien de la France.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.–M. Jean Arthuis applaudit également

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, ce projet de loi de finances rectificative, même s’il contient surtout des mesures d’urgence, envoie aux outre-mer un premier signal, que l’on peut qualifier de positif.

Il est en rupture avec le traitement budgétaire qui avait été jusqu’ici infligé aux territoires ultramarins par le précédent gouvernement, à savoir une diminution constante de l’effort total consenti par l’État en leur direction.

En effet, durant la période 2007-2012, les outre-mer ont été particulièrement pénalisés par la politique gouvernementale de réduction des niches fiscales.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Les niches outre-mer ont été régulièrement stigmatisées, attaquées, rabotées, voire supprimées, à tel point qu’en 2012 ces dépenses ont encore diminué de 525 millions d’euros. Pourtant, l’essentiel du financement dans les outre-mer est assuré par ce dispositif, en raison de la frilosité connue des banques locales.

En conséquence, le niveau d’activité dans les outre-mer n’a cessé de chuter – moins 39 % durant cette même période – et les taux de chômage explosent partout. Aussi est-il bien que, dans ce projet de loi de finances rectificative, l’on n’ait pas touché à la défiscalisation outre-mer, comme on le faisait jusqu’alors.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Le quatrième engagement de François Hollande pour les outre-mer, qui était « de maintenir le montant de la défiscalisation et d’instaurer des plafonds spécifiques pour les outre-mer afin de préserver l’attractivité de ce dispositif essentiel pour le financement des économies ultramarines », est ainsi respecté.

De manière générale, les outre-mer approuvent l’ensemble des mesures qui figurent dans ce projet de loi de finances rectificative. Ces dispositions doivent permettre au Gouvernement d’atteindre l’objectif fixé d’un déficit public de 4, 5 points de PIB en 2012, tout en instaurant davantage de justice sociale dans notre système fiscal sans casser la croissance. C’est un objectif louable, et nous devons tous participer à cet effort de redressement.

Parmi les mesures de ce projet de loi de finances rectificative, je tiens néanmoins à accorder une mention toute particulière à certaines qui auront un impact très fort pour les outre-mer.

J’évoquerai, en premier lieu, la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire.

Plus du quart de la population ultramarine vivant en dessous du seuil de pauvreté, l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire sera bienvenue et bien accueillie dans ces territoires fortement marqués par la vie chère.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Dans les mesures du changement pour la rentrée scolaire 2012, la situation des outre-mer n’a pas non plus été occultée. C’est une excellente chose, étant donné le retard enregistré par les académies ultramarines par rapport à celles de métropole. Les 1 000 nouveaux postes de professeur des écoles ont été répartis entre académies avec le souci de l’intérêt général et les outre-mer ont pu ainsi bénéficier de cinquante postes.

Autre mesure qui impacte fortement les outre-mer, la facilitation de l’accès aux soins des bénéficiaires de l’aide médicale d’État par la suppression du droit d’entrée de 30 euros.

Cette suppression est vivement critiquée par l’opposition, …

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

… mais, avec un taux d’immigration irrégulière de plus 20 % dans mon département, la Guyane, je suis bien placé pour témoigner que ces 30 euros n’ont fait qu’entraîner un renoncement à l’accès aux soins, avec les conséquences bien connues que l’on sait : aggravation des pathologies et multiplication des risques de contagion ou de contamination pour la population entière.

Le Gouvernement a donc raison de supprimer ce droit d’entrée et j’en profite pour rappeler à mes collègues de l’opposition qui voudraient son maintien que la France ne s’arrête pas à l’Hexagone et qu’il faut de temps en temps penser à ces outre-mer, Mayotte et la Guyane notamment, où le taux d’immigration est très élevé.

De même, il nous faudra songer à réduire significativement le montant des taxes que doivent payer les étrangers lors de la délivrance ou du renouvellement d’un titre de séjour, montant qui a été augmenté de façon exorbitante par l’ancien gouvernement.

Je salue également la suppression de la « TVA sociale », mort-née dans l’Hexagone, mais que les outre-mer ont eu à connaître.

La TVA sociale a été instaurée par la loi Perben de 1994 dans les départements de la Réunion, de la Guadeloupe et de la Martinique. Le taux de TVA y avait été relevé de 7, 5 % à 9, 5 % et des exonérations de cotisations avaient été mises en place dans divers secteurs de l’économie.

Les effets ont surtout été négatifs. On a ainsi constaté une diminution du pouvoir d’achat, car la baisse des prix n’a pas compensé la hausse de la TVA, une relance de l’inflation et, surtout, un effet d’aubaine pour certaines entreprises qui ont profité de la baisse des cotisations pour augmenter leurs profits et non pour baisser leurs prix hors taxe, en particulier dans les secteurs où la concurrence économique est la moins forte.

Monsieur le ministre délégué, nous comprenons fort bien que certains sujets d’importance pour les outre-mer portés à la connaissance du Gouvernement n’aient pu être traités dans ce collectif budgétaire. Je veux parler des finances des collectivités locales, de la lutte contre la vie chère, de la relance de la production, de l’emploi, en particulier celui des jeunes, de la santé, du logement, de l’insécurité.

Il s’agit de questions sensibles, mais je sais qu’elles seront traitées dans le projet de loi de finances pour 2013, et j’insisterai pour qu’elles le soient. Je pense tout spécialement au réajustement des finances des collectivités locales, en particulier celles des communes de Guyane discriminées par le plafonnement de leur dotation superficiaire et du prélèvement opéré sur l’octroi de mer. D’ailleurs, une mission devrait être diligentée sur ce sujet trop souvent renvoyé aux calendes grecques.

Monsieur le ministre délégué, les outre-mer ont adhéré massivement au programme de François Hollande pour le changement. Aussi seront-ils très attentifs au respect des engagements pris, notamment les 30 engagements pour les outre-mer.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Marie-France Beaufils applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative pour 2012 s’inscrit dans un environnement particulièrement préoccupant, voire inquiétant.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

La notation de la France a été dégradée et les pays du Sud sont en soins palliatifs.

À ce jour, et à y regarder de près, la maison Europe est en feu. Dans ces conditions, nous nous garderons d’avoir une attitude manichéenne. §Nous sommes tous dans la même barque. Vous ne rencontrerez donc pas d’hostilité particulière de notre part quand vous appelez les compagnies pétrolières et le secteur bancaire à contribuer à la réduction du déficit de l’État.

Mais §

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

« Mais » ? Cela ne pouvait pas durer !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

... ceux qui, à gauche, sont animés par un parti pris purement idéologique font fausse route et amènent la France et les Français dans le mur.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

M. Louis Nègre. Ce n’est pas moi qui le dis, chers collègues de la majorité : je reprends les conclusions de la Cour des comptes, présidée par l’un des vôtres, le socialiste Didier Migaud.

M. le rapporteur général de la commission des finances s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Dans son audit, la Cour des comptes a établi un constat éclairant. Didier Migaud a notamment déclaré devant la commission des finances que « l’exécution budgétaire 2011 est marquée par l’amélioration réelle et incontestable du solde budgétaire. Et ce, pour la première fois depuis 2007. ».

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Ainsi, contrairement à vos attentes, la Cour des comptes donne un satisfecit au gouvernement précédent...

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

... et, surtout, invite instamment le gouvernement actuel à maîtriser les dépenses de l’État « en passant par des réformes structurelles », pour reprendre les termes exacts de la Cour, monsieur le rapporteur général.

Nous partageons pleinement cette vision des magistrats financiers, qui nous indiquent clairement la feuille de route à suivre. Malheureusement, le Gouvernement a choisi une route inverse.

Nous n’avons pas la même philosophie, c’est incontestable !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Comme la Cour des comptes, nous voulons, nous, diminuer en priorité les dépenses, alors que vous, vous augmentez les impôts à travers 17 articles de ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

M. Louis Nègre. En fait, c’est une attaque en règle contre les classes moyennes, par l’augmentation des droits de succession ou la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires. Cette dernière mesure concernera 9 millions de Français qui gagnent en moyenne 1 500 euros par mois.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

Si vous aviez augmenté le SMIC, on n’en serait pas là !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Ce sont eux, monsieur le ministre délégué, vos riches et vos milliardaires ?

Finalement, je suis mauvaise langue. En fait, vous êtes cohérents avec vous-mêmes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

… puisque le Président de la République en personne déclarait naguère que la catégorie des riches commençait à 4 000 euros par mois…

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Après les hors-d’œuvre, cette année, avec 7, 2 milliards d'euros d’impôts supplémentaires, on évoque désormais une nouvelle ponction en 2013 de 30 milliards d'euros sur les ménages et les entreprises.

En bref, vous réécrivez pour les contribuables français une formule célèbre : « Vous avez aimé 2012, vous adorerez 2013. »

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Cette politique, qui s’apparente à une véritable opération de démantèlement, nous la combattons vigoureusement. C’est une attaque contre la France qui travaille et contre les salariés. Cette politique matraque, à l’évidence, les classes moyennes. Elle accentue notre déficit de compétitivité, élément cardinal de toute politique économique digne de ce nom. Elle ponctionne le pouvoir d’achat des Français, elle dévalorise le travail et aggrave le chômage.

En conséquence, ma conclusion, triste, très triste, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je l’emprunte au journal Libération du 3 juillet dernier, qui titrait : « Budget : 2012, ça ira, 2013, bonjour les dégâts ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Caffet.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous connaissons tous la situation de notre pays : une dette qui a explosé – 600 milliards d'euros de plus en cinq ans –, un chômage de masse – près de 10 % de la population active –, un déficit record de notre commerce extérieur – 70 milliards d'euros l’an dernier.

Bien sûr, il y a eu la crise, mais, à lire le rapport de la Cour des comptes, celle-ci n’a contribué que pour une part bien modeste à cette situation. En effet, depuis cinq ans, c’est l’ampleur du déficit structurel, c’est-à-dire le déficit que notre pays aurait connu en l’absence de crise, qui explique l’essentiel de la progression de la dette. Depuis 2007, ce déficit structurel n’a jamais été inférieur à 3, 3 % du PIB, ce qui en dit long sur les efforts d’économie réalisés par le précédent gouvernement.

Il était donc temps d’engager le redressement de nos comptes publics.

C’est ce que fait le Gouvernement avec ce collectif budgétaire §en prenant les mesures qui permettent de ramener le déficit à 4, 5 % du PIB, c’est-à-dire de respecter les engagements européens de la France. Madame Des Esgaulx, vous avez affirmé que ce collectif budgétaire ne servait à rien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Reconnaissez qu’il sert au moins à cela, respecter les engagements européens de la France ! Ce n’est pas rien ! Au début d’un quinquennat, c’est certainement une nouveauté.

Ce collectif budgétaire engage le redressement des comptes publics avec la justice comme boussole, puisque ces mesures concernent principalement la rente ainsi que les plus gros patrimoines, en revenant, par exemple, sur la division par deux de l’ISF que l’ancienne majorité avait entérinée. Il le fait également avec le souci de ne pas aggraver la conjoncture économique de notre pays, déjà très dégradée, tant il est vrai qu’aucune mesure de politique économique n’est bonne ou mauvaise dans l’absolu ; tout dépend de la situation conjoncturelle dans laquelle on se trouve.

Justice, soutien à la croissance, cohérence : tels sont les objectifs que les deux premiers articles de ce texte symbolisent et sur lesquels je m’attarderai quelques instants.

L’article 1er supprime la TVA dite « sociale » et rend ainsi aux ménages 11 milliards d'euros de pouvoir d’achat, en année pleine. Cette suppression va dans le sens de la justice, puisque la TVA, en pesant surtout sur les ménages les plus modestes, est l’un des impôts les plus injustes.

C’est également une mesure d’efficacité économique, car, dans cette période où c’est justement la faiblesse du pouvoir d’achat de nos concitoyens qui obère la croissance, le transfert de charges d’un tel montant des entreprises vers les ménages était le plus sûr moyen de ralentir une activité déjà atone. C’est d’ailleurs l’argument principal qu’invoquaient nombre de dirigeants et de ministres de la précédente majorité. Chacun se souviendra des propos de MM. Copé, Baroin, Estrosi, Bertrand, voire de Mme Lagarde, mais sans doute étaient-ce là, pour reprendre l’expression du président de la commission des finances, de « vagues supputations d’économistes »…

L’article 2 revient, quant à lui, sur la défiscalisation et l’exonération de charges sociales des heures supplémentaires mises en œuvre par la loi TEPA de 2007. Dans la conjoncture actuelle, ce dispositif était tout simplement inepte. Subventionner les heures supplémentaires peut être utile en période de plein-emploi ou de pénurie de main-d’œuvre, mais n’a aucun sens dans un contexte de chômage de masse. D’ailleurs, aucun autre pays ne l’a fait. Et, pour reprendre l’exemple de l’Allemagne, devenu si cher à l’ancien Président, même si ce fut bien tardif, il faut souligner que ce pays encourageait financièrement la réduction du temps de travail et le Kurzarbeit, c’est-à-dire le chômage partiel permettant le maintien des salariés dans l’entreprise, pendant que la France consacrait chaque année près de 5 milliards d’euros financés par l’emprunt et la dette à une mesure empêchant la création d’emplois nouveaux ou, pis, détruisant des emplois existants.

Qu’on le veuille ou non, en période de sous-emploi, encourager les heures supplémentaires conduit à un effet de substitution, donc à une réduction de l’embauche, de l’ordre de 30 000 emplois selon l’OFCE et de 80 000 emplois selon l’INSEE.

Cela étant, j’entends les arguments sur le pouvoir d’achat additionnel individuel procuré par les heures supplémentaires. Force est de constater néanmoins que ces gains enregistrés par ceux qui ont un emploi et effectuent des heures supplémentaires sont annulés par les pertes de ceux qui se retrouvent au chômage ou n’accèdent pas au marché du travail en raison de ce même dispositif.

En outre, en rendant 11 milliards d'euros aux ménages par la suppression de la TVA sociale, nous faisons plus que compenser les 3 milliards d'euros consacrés à la défiscalisation et aux exonérations des heures supplémentaires pour les ménages.

Enfin, je rappelle les mesures favorables au pouvoir d’achat prises par ce gouvernement, comme le décret sur la modération de l’évolution des loyers, l’augmentation de 25 % des allocations de rentrée scolaire ou la réduction de la TVA sur le livre.

Mes chers collègues, ces deux mesures, comme d’autres que contient ce collectif budgétaire, ont été adoptées par la majorité sénatoriale au mois de février dernier. L’Assemblée nationale les avait supprimées. C’est pourquoi, l’alternance ayant été au rendez- vous, nous les revoterons non seulement avec conviction, mais aussi avec la certitude qu’elles entreront en vigueur et contribueront ainsi au redressement du pays dans la justice et la cohérence de la politique menée.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Charon.

Marques de satisfaction sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, j’ai abordé la lecture de ce projet de loi de finances rectificative sans idée préconçue. Certes, je n’escomptais pas y trouver de miracles, mais j’espérais, comme vous y invitait Jean-Claude Gaudin voilà quelques jours, découvrir un budget normal, un budget adapté aux enjeux, qui réduise la voilure de la dépense publique, comme l’exige la situation économique et comme devrait l’exiger toute bonne gestion soucieuse de ne pas faire peser son manque de courage politique sur les générations futures.

Eh bien non ! Le collectif budgétaire qui nous est présenté aujourd’hui cumule les non-sens, les effets de manche et les aberrations économiques.

Nous aurons le temps de revenir précisément sur chaque article dans les jours qui viennent, mais je tiens aujourd’hui à souligner le manque de cohérence globale de ce texte.

Je vois une seule direction claire dans ce projet de loi de finances rectificative, c’est l’acharnement à vouloir défaire et détricoter tout ce que le précédent gouvernement avait mis en œuvre pour soutenir l’activité économique dans un contexte de crise particulièrement dévastateur pour l’économie mondiale.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Oui, pendant cinq ans, cher Jeanny Lorgeoux, Nicolas Sarkozy a préféré s’inspirer de l’exemple allemand, comme l’a rappelé Jean-Pierre Caffet, plutôt que de celui de vos camarades socialistes grecs ou espagnols, d’ailleurs battus depuis.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Il faudrait savoir : vous les citiez naguère en exemple !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Il a ainsi renforcé la compétitivité de nos entreprises, avec la mise en place d’une TVA anti-délocalisation ou la défiscalisation des heures supplémentaires. Autant de solutions dont le récent rapport de la Cour des comptes semble indiquer qu’elles vont dans le bon sens, celui d’une rationalisation de la dépense publique et d’un soulagement fiscal, quand le poids de l’impôt se fait pénalisant pour l’activité économique.

Tous les pays touchés par la crise ont compris que nos États ne pouvaient vivre indéfiniment au-dessus de leurs moyens et qu’il fallait accepter la règle d’or budgétaire. Le seul parti d’Europe qui refusa alors d’entendre cette réalité est le vôtre, monsieur le ministre délégué.

Aujourd’hui encore, l’idéologie vous aveugle et vous emmenez la France sur le chemin de la banqueroute.

Protestations sur certaines travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

La rigueur, c’est être rigoureux avec la dépense et vigilant avec les impôts !

Ce projet de loi de finances rectificative consacre justement tout l’inverse, puisqu’il ne contient aucune réforme sur la dépense, et qu’il entraîne des augmentations d’impôts, plus ou moins déguisées, à hauteur de 7, 2 milliards d’euros au total, qui pèseront durablement sur le pouvoir d’achat des Français.

Alors, en bon élève socialiste, vous allez certainement nous répondre que les riches paieront, ce que rappelait M. Dassault avec beaucoup d’humour. C’est bien le problème, avec votre obsession des riches : quand vous les aurez tous fait fuir, il faudra reporter la dépense sur d’autres contribuables.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Tous les jours, il y a même des embouteillages !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Monsieur Assouline, je vous rappelle que la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, prévue à l’article 2, va toucher près de 9 millions de salariés, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

… qui vont perdre en moyenne 500 euros par an !

Il en va de même pour l’augmentation de la CSG ou le doublement du forfait social sur l’intéressement et la participation. Ces mesures constituent autant de flèches tirées sur la France qui travaille, et qui est aujourd’hui la seule source permettant de financer les dépenses de l’État.

Finalement, vous proposez aujourd’hui un audacieux « travailler plus pour gagner moins » ! Votre mépris pour l’argent gagné est d’un autre âge et ce projet de loi de finances rectificative en est malheureusement l’expression la plus archaïque. Vous en êtes sûrement conscients, car la communication de votre gouvernement joue le brouillage de pistes permanent. On souffle le chaud et le froid ; on est un jour en « réflexion intellectuelle », on passe par-dessus le Sénat le lendemain ; on rase gratis le lundi, mais, le mardi, c’est la fessée fiscale !

J’ai récemment eu le plaisir de revoir les documentaires télévisuels du commandant Cousteau sur les animaux marins, et votre gouvernement m’évoque un peu le poulpe, mou et tentaculaire, qui, devant une difficulté, envoie de l’encre pour mieux se dérober.

Murmures de désapprobation sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Alors, je vous en conjure, monsieur le ministre délégué, faites preuve de courage, affrontez la situation avec réalisme et sang-froid ! Nous avons compris que vous vouliez être le Gouvernement du changement, mais point n’est besoin de renverser la table et de démolir toutes les réussites de vos prédécesseurs !

Bien évidemment, vous pouvez compter sur moi et sur l’ensemble du groupe UMP pour ne pas vous laisser vous égarer dans vos dogmes. Nous commencerons donc par voter contre ce texte.

Pour finir, je vous rappellerai ce que disait le président Mao : « La bouse de vache est plus utile que les dogmes : on peut en faire de l’engrais. »

Sourires et applaudissements sur quelques travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Haut

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, en tant que corapporteur spécial des crédits de la mission « Enseignement scolaire », je souhaite aborder un sujet peu évoqué aujourd’hui, pour me féliciter du choix fait par le nouveau gouvernement de placer l’éducation au premier rang de ses priorités.

Ce choix a été porté par le Président de la République tout au long de la campagne pour l’élection présidentielle et a été rappelé avec force par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale, au début de ce mois.

Le Président de la République et le Gouvernement ont donc fait de la jeunesse et de l’éducation la priorité du nouveau quinquennat. C’est cette feuille de route qui commence, aujourd’hui, à être mise en œuvre.

Premier acte budgétaire du nouveau gouvernement, ce projet de loi de finances rectificative traduit un changement de cap. Il marque une première étape pour redonner au service public de l’éducation les moyens humains nécessaires à son développement. À terme, 60 000 postes seront créés dans l’éducation nationale, même si un plus grand nombre encore a été supprimé par la précédente majorité.

Il est vrai que la situation dont nous héritons est particulièrement grave, même catastrophique à bien des égards. Il y a urgence, en effet, pour que la rentrée de septembre s’effectue dans nos établissements scolaires dans des conditions à peu près normales. Il faut donc parer au plus pressé. Nous avons, en tant que législateurs, le devoir de consacrer l’égalité des chances de tous les enfants, à l’école, au collège et au lycée. Ce faisant, nous posons les bases les plus sûres pour construire un monde de justice et de fraternité.

Victor Hugo écrivait d’ailleurs dans Les Misérables : « L’égalité a un organe : l’instruction gratuite et obligatoire. »

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Haut

Je rappellerai à cet égard une triste évidence, qui ne peut être contestée par personne : l’effort de financement global de l’éducation a été diminué de 1 point de PIB au cours des dix dernières années, ce qui a entraîné une dégradation de la position de la France dans les performances comparées des systèmes scolaires, telle qu’elle a été mesurée dans différentes enquêtes. Tout cela est, hélas, une réalité !

Il faut ajouter à tout ce qui précède, une réduction d’effectifs à contre-courant des vrais besoins éducatifs qui a, une fois de plus, lourdement pénalisé les zones les plus défavorisées de nos territoires.

Dès la rentrée 2012, il y aura donc 1 000 professeurs des écoles supplémentaires devant les élèves, 100 nouveaux conseillers principaux d’éducation présents dans les établissements scolaires, 1 500 auxiliaires de vie scolaire individualisés en plus pour aider les élèves handicapés, mais également 2 000 nouveaux assistants d’éducation, qui assureront l’accompagnement des élèves, 500 agents supplémentaires chargés de la prévention et de la sécurité scolaire dans les établissements en difficulté. Qui peut nier que cela répond, aujourd’hui, à de vrais besoins ?

Trop longtemps sacrifié, l’enseignement technique agricole bénéficiera, lui aussi, de 50 emplois supplémentaires.

En outre, la mise en place de décharges provisoires de services au bénéfice des enseignants titulaires, nouvellement recrutés, demandera de mobiliser des moyens accrus, à hauteur de 1 628 postes. Le Gouvernement respectera ainsi sa promesse de rétablir la formation initiale des nouveaux enseignants.

Compte tenu de l’urgence budgétaire, les moyens nouveaux accordés au service public de l’éducation seront financés par des annulations de crédits des autres missions budgétaires d’un montant strictement équivalent, à hauteur de 89, 5 millions d’euros.

À cet égard, il est nécessaire de rappeler quelques ordres de grandeur : 89, 5 millions d’euros, c’est un peu plus d’un millième du déficit budgétaire de l’État en 2012. La politique menée est donc parfaitement soutenable sur le plan budgétaire. Il s’agit bien davantage d’une question de choix et de priorités, qui conduisent à une répartition des crédits plus juste et plus équitable.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Haut

Cette même volonté de justice et de redistribution a conduit le Gouvernement à revaloriser de 25 % l’allocation de rentrée scolaire, au profit de 3 millions de familles parmi les plus modestes. Comme l’ensemble des priorités gouvernementales, cette mesure est intégralement financée, grâce à l’affectation pérenne d’une partie des ressources issues de la hausse de 2 points des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et de placement.

Enfin, je rappellerai l’effort réalisé en matière de formation initiale des enseignants, laquelle avait été supprimée pour des raisons purement comptables par le précédent gouvernement. L’enseignement, cela s’apprend, comme tout autre métier !

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l’heure est à la réforme et à la justice. La place donnée à l’éducation nationale – ici, une place prioritaire - nous permet de mesurer comment un gouvernement prépare l’avenir de ses concitoyens. L’échec scolaire est encore massif. Trop d’élèves dans les milieux défavorisés restent au bord de la route, en raison des inégalités sociales et territoriales qui n’ont cessé de se creuser ces dernières années. La tâche est immense, le chantier ne fait que s’ouvrir.

Le Premier ministre ayant parlé de pacte générationnel, je suis très satisfait d’appartenir à cette majorité qui décide, enfin, de réduire la fracture scolaire et les inégalités sociales. C’est pourquoi le présent projet de loi de finances rectificative doit être soutenu et voté.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mme la présidente. La parole est à M. Robert del Picchia.

Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, vous ne serez pas surpris que le premier des sénateurs représentant les Français de l’étranger à prendre la parole aujourd’hui aborde les questions qui les intéressent plus particulièrement, les autres points ayant été largement traités par les précédents orateurs.

J’évoquerai donc en premier lieu la suppression de la prise en charge des frais de scolarité des enfants français scolarisés dans un établissement français à l’étranger, la PEC, problème que vous connaissez bien. En second lieu, je parlerai de l’article 25 du projet de loi, c’est-à-dire des contributions sociales auxquelles vont être assujettis les non-résidents sur leurs revenus immobiliers.

En revanche, vous allez peut-être être surpris, heureusement surpris, je l’espère, que je ne parte pas en guerre contre la suppression de la PEC.

Pourtant, monsieur le ministre délégué, je suis un peu, sinon le père, du moins l’un des initiateurs de la PEC tant décriée. Mais j’assume, car je pense qu’il s’agissait d’une bonne idée. Faisons un peu d’histoire : l’initiative est née dans les années quatre-vingt-dix. À l’occasion d’un entretien avec le président de la commission des affaires culturelles, de l’enseignement et de l’audiovisuel de l’Assemblée des Français de l’étranger, nous cherchions, entre bons collègues, un moyen d’arriver à mettre en place, un jour, la gratuité de l’enseignement à l’étranger.

François Mitterrand l’avait suggéré dans sa campagne, mais l’idée avait été abandonnée, parce que la mesure coûtait trop cher. Cela étant, c’est une question de choix politique. Nous avions donc évoqué la possibilité de commencer par le haut de la pyramide, là où il y a moins d’élèves, et, petit à petit, de descendre vers le collège. Nous étions convenus d’adapter la mesure au budget disponible.

Pour la petite histoire, le collègue avec qui je discutais à l’époque était un sénateur socialiste. Il s’appelait, figurez-vous, Jean-Pierre Bayle, l’homonyme de notre président.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Nous avons repris cette idée en 2007 et vous connaissez la suite. Mes chers collègues, nous n’en parlerions peut-être pas aujourd’hui si la crise financière n’était pas intervenue entre-temps.

Certes, nous pourrions ouvrir un long débat sur le sujet, mais je ne veux pas trop m’appesantir. Cette prise en charge, qui représente un peu plus de 30 millions d’euros, est envisageable sur le plan financier. En effet, il faut savoir que les bourses, elles, sont passées de 47 millions d’euros à 94 millions d’euros. Rappelons également qu’un élève en France coûte trois fois plus cher à la collectivité qu’un élève à l’étranger et que le budget alloué par l’État aux écoles privées en France est de 7 milliards d’euros.

À l’étranger, le coût de la gratuité totale, de la maternelle à la terminale, serait moins élevé que la seule augmentation de la prime de rentrée scolaire, je dis bien l’augmentation, dont le montant s’élève, vous le savez, à 372 millions d’euros.

Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je respecte évidemment le processus démocratique national, qui a clairement désigné, lors des échéances électorales récentes, une nouvelle majorité, laquelle, je dois l’avouer, n’a jamais caché son opposition au dispositif et sa volonté de l’abroger, une fois aux affaires. C’est ce que vous vous apprêtez à faire au travers de ce projet de loi de finances rectificative.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Les Français de l’étranger étaient prévenus. Ils ont voté, surtout aux législatives, pour vos candidats. Ils savaient donc ce qui les attendait.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

Vous avez respecté vos engagements.

En revanche, je suis, comme beaucoup, y compris parmi les élus, des militants et sympathisants de votre majorité, monsieur le ministre délégué, assez surpris par la manière soudaine, pour ne pas dire brutale, avec laquelle il a été décidé de la suppression de cette aide dès le mois de septembre prochain, alors que des milliers de familles françaises de l’étranger ont déposé leurs dossiers au début de 2012. Certaines ont même reçu des lettres attestant que les commissions avaient accepté leur demande.

Vous choisissez la période des vacances scolaires pour faire voter cette suppression et bon nombre de familles ne seront pas prévenues, ou le seront juste avant la rentrée. Beaucoup d’entre elles, en particulier celles à revenus intermédiaires, vont se trouver dans des situations difficiles. Je parle à dessein de ces familles à revenus intermédiaires qui représentent la grande majorité des effectifs, car elles n’ont pas droit aux bourses scolaires, mais ont des difficultés pour payer les frais du lycée.

Aussi, à l’avenir, nous risquons de nous retrouver dans nos lycées, mes chers collègues, avec une population d’enfants de familles défavorisées, qui bénéficieront des bourses, d’enfants de familles françaises aisées ou très aisées et d’enfants de familles étrangères riches.

Monsieur Cahuzac, je m’adresse au ministre de la République que vous êtes, pour lui demander de respecter les principes républicains de continuité de l’État et du fonctionnement de l’administration, en reportant cette suppression à la prochaine rentrée scolaire et en attribuant cette aide, comme l’administration française s’y est engagée, pour la rentrée 2012-2013, au moins jusqu’au 1er janvier prochain, afin de laisser le temps aux familles de trouver l’argent nécessaire. Nous développerons notre position dans nos amendements.

Il est en outre étonnant que l’on n’ait pas pris la précaution de saisir l’Assemblée des Français de l’étranger sur les modalités de cette suppression, alors même qu’elle avait été consultée en 2007.

Quant à l'article 25, je développerai mon propos plus avant en présentant mon amendement, mais je profite de cette intervention pour regretter que les nouveaux députés de la majorité présidentielle n’aient pas pu faire comprendre au Gouvernement que les Français de l’étranger ne sont pas tous des exilés fiscaux, loin de là, ni des nantis par rapport à leurs compatriotes de France, et que certains considèrent l’assujettissement aux prélèvements sociaux comme un nouvel impôt. Si tel est le cas, dites-le tout simplement ! Mais, si c’est une nouvelle charge sociale, ces mêmes Français de l’étranger ne manqueront pas de demander à bénéficier de la carte Vitale…

Monsieur le ministre délégué, je vous rappelle qu’une pétition circule actuellement à l’étranger contre cette mesure : plus de 1 524 familles, dans 56 pays, l’ont déjà signée. Elle vous a été, me semble-t-il, adressée, sinon j’en ai ici un exemplaire à votre disposition.

Le précédent orateur a cité Victor Hugo, …

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

… pour rendre hommage à l’instruction gratuite et obligatoire. On ne peut que regretter que Victor Hugo ne siège plus sur ces travées. Pour avoir vécu assez souvent à l’étranger, …

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Pas toujours volontairement !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

M. Robert del Picchia. … il aurait sans doute défendu cette cause mieux que je ne saurais le faire. Mais c’était une boutade pour dire qu’il aurait mieux compris, alors, les problèmes des Français de l’étranger !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, trois minutes de temps de parole, c’est juste assez pour adresser un message.

Je voudrais donc me réjouir que, dans une situation décrite par tous les orateurs comme très difficile, le Gouvernement, dans l’examen du budget de la culture, n’ait pas considéré la culture comme un simple supplément d’âme, comme un domaine non prioritaire et sans importance.

Aussi, plutôt que de sabrer ce qu’avait fait la majorité précédente, le Gouvernement est simplement revenu sur l'augmentation de la TVA sur le livre et le spectacle vivant, portée de 5, 5 % à 7 %. Même si ce n’est qu’une mesure, parce qu’il ne s’agit que d’un projet de loi de finances rectificative, voilà un signal à portée générale.

J’ai été ébahi, épaté, devant le manque d’humilité d’un de nos présidents de commission, lequel, au cours des cinq dernières années, a usé sa salive pendant des dizaines d’heures pour nous vendre une politique économique et financière qui a abouti, aujourd'hui, à un déficit de la balance commerciale de 70 milliards d'euros – et c’est lui qui vient nous parler de compétitivité… – et à 600 milliards d'euros de déficit supplémentaire !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

À chaque fois, il nous a expliqué combien cette politique était la bonne, et en nous donnant des leçons !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Cette politique ne peut se décrire en trois minutes, ce n’est pas possible !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Un président de commission n’interrompt pas un orateur ! Donnez l’exemple ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Vous êtes toujours dans la modération, monsieur Assouline !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Malgré cet héritage, disais-je, il importait de dire que la culture, loin de n’être qu’un supplément d’âme, est l’âme même de notre peuple, ce qui fait que, justement, malgré une situation difficile pour tout le monde, on peut vivre des moments de communion, d’émotion, de réflexion, de création, que l’on peut tenir le coup et envisager encore l’avenir avec optimisme, que l’on peut être un citoyen qui continue à croire en son pays, à croire en la réussite de projets concrets, dans son quartier, dans sa cité.

Qu’un gouvernement, dans une telle situation, ait annoncé le rétablissement du taux ancien de TVA, c’est un vrai signe, et important.

En ce qui me concerne, en considérant ce collectif budgétaire, j’ai cherché où il était possible, dans les domaines de la culture, de la communication, de l’audiovisuel, de rapporter de l’argent à l’État. Je défendrai ainsi un amendement relatif aux cessions de fréquences de TNT délivrées gratuitement par l’État, sur lesquelles certains veulent faire de la valorisation financière. Outre que son adoption ferait entrer de l’argent dans les caisses, ce serait un signe très clair adressé à tous ceux qui seraient tentés de spéculer à cette occasion.

Tel est le message que je voulais faire passer. La culture est facteur de développement économique. On l’a vu dans des villes qui étaient en grande difficulté, car frappées par la crise. Je pense à Berlin, à Bilbao, à Lille, à Nantes, à Lens aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Lyon était tout de même en moins grande difficulté que les villes que je viens de citer.

Monsieur le ministre délégué, je sais que telle est votre intention et celle du Gouvernement, mais je forme le vœu en cet instant que, dans l’élaboration du prochain budget, la même attention soit portée à la culture, pour faire que ce tout petit budget soit préservé au maximum. C’est une question fondamentale pour l'ensemble de notre peuple !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, mon propos concernera essentiellement la question des heures supplémentaires ou plutôt, devrais-je dire, le problème que pose le choix du nouveau gouvernement, sans doute purement idéologique, un choix parfaitement décalé par rapport à la vie économique réelle de notre pays.

Depuis les discussions à l’Assemblée nationale, les exemples de situations concrètes affluent, traduisant l’inquiétude tant des entreprises, plus particulièrement des PME, que des salariés, mais aussi des agents de nos collectivités, qui vont être touchés comme les autres.

Or, nous le savons parfaitement, nous avons en France un double problème : le coût du travail et la compétitivité des entreprises. D’ailleurs, le nouveau gouvernement, maintenant, seulement maintenant, le reconnaît.

Ainsi, quinze ans après la mise en place des 35 heures, en mettant un frein aux heures supplémentaires, vous commettez, une fois de plus, l’erreur de penser que le travail se partage en morceaux.

Or la vie d’une entreprise n’est pas faite d’opérations mathématiques, de division ou de multiplication du travail, elle est sujette à la demande de ses clients, soumise, entre autres, à diverses formes de saisonnalité, aux modes, à la météo, à certaines urgences à satisfaire. Les entreprises d’aujourd’hui ont, plus que jamais, besoin de souplesse.

Dans nos collectivités, nous avons tous ressenti la nécessité, à un moment ou à un autre, régulièrement ou ponctuellement, d’avoir recours aux heures supplémentaires, qui ne justifient pas de nouvelles créations de postes, lesquelles, par ailleurs, alourdiraient la dépense publique.

Aux exemples très nombreux qui circulent, reflets des réalités du terrain, j’ajouterai celui que j’ai vécu personnellement. J’ai récemment rendu visite à une PME de mon département, employant une centaine de salariés dans le domaine du textile, une survivante, pourrais-je presque dire. Les explications de son dirigeant, avec qui j’ai abordé la question des heures supplémentaires, m’ont frappée : lorsqu’il constatait que tel ou tel de ses ouvriers demandait de plus en plus souvent des acomptes sur salaire, ou lorsqu’arrivaient des saisies sur salaire, il proposait tout simplement aux salariés concernés de faire des heures supplémentaires, pour leur éviter de perdre pied et d’entrer dans la spirale de l’endettement. Ce même chef d’entreprise se disait soucieux, car la suppression de l’exonération des charges ne lui permettrait plus de proposer cette solution.

C’est bien cela, la réalité de la vie quotidienne des entreprises. C’est pourquoi j’ai peine à croire, monsieur le ministre délégué, que vous ayez pleinement pris la mesure des conséquences de votre dispositif. Celui-ci va toucher des dizaines de milliers d’entreprises, plus particulièrement des PME, qui ont le plus souvent recours à la formule souple des heures supplémentaires, et plus de 8 millions de salariés. Ces derniers se verront, dans le pire des cas, privés purement et simplement de leurs heures supplémentaires, lesquelles représentaient jusqu’à 500 euros par an, et, dans le meilleur des cas, privés de l’exonération fiscale, ce qui représentera évidemment une baisse de leur pouvoir d’achat.

Même si cette amputation n’est que de quelques dizaines d’euros, elle va frapper les salariés les plus modestes, ceux qui ont du mal à boucler leur budget. J’en veux pour preuve que 30 % des ménages français font leurs achats en calculant à l’euro près.

C’est pourquoi, monsieur le ministre délégué, nous ne comprenons pas que vous vous acharniez à maintenir cette mesure. Erreur économique doublée d’une erreur sociale, elle va faire souffrir ceux qui sont déjà les plus touchés : les salariés aux faibles revenus et les petites entreprises.

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Mme Élisabeth Lamure. Votre mesure est un coup dur porté aux ouvriers, aux employés, aux agents de catégorie C de nos collectivités, bref, un coup dur à la France qui travaille !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Claudine Lepage

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je vais, moi aussi, vous parler de ces Français de l’étranger qui ont désormais onze nouveaux députés ainsi qu’une ministre déléguée et que plusieurs dispositions de ce projet de loi de finances rectificative concernent spécifiquement.

J’évoquerai, d’abord, la prise en charge des frais de scolarité des lycéens français inscrits dans un établissement d’enseignement français à l’étranger, la PEC.

Le candidat François Hollande s’était engagé à la remplacer par une aide à la scolarité sur critères sociaux pour tous les élèves. Élu, il a tenu son engagement de campagne, puisque l’article 30 prévoit la suppression de la PEC : première étape respectée !

Les crédits sont maintenus dans le même programme. À l’occasion de récents discours prononcés devant plusieurs communautés françaises à Rome et à Londres, le Président de la République a clairement manifesté la volonté de réorienter les crédits vers les bourses sur critères sociaux : deuxième étape respectée !

De nombreuses familles n’avaient, légitimement, pas anticipé un changement des règles aussi rapide. L’équité exige de prendre en compte leurs difficultés : l’attribution des bourses selon le barème actuel est, bien sûr, maintenue et des mesures exceptionnelles d’accompagnement sont prévues.

N’oublions pas que le vœu du Président de la République est d’ouvrir l’accès au réseau dans la justice et l’équité. Cela commande, monsieur le ministre délégué, dans un second temps, de reconsidérer les critères d’attribution des bourses et d’en abonder le budget. Et, pour initier une logique vertueuse de modération des frais d’écolage, de voter une dotation budgétaire satisfaisante à l’AEFE, l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger.

Je reviendrai, plus tard dans le débat, sur les plafonds d’emplois des enseignants titulaires détachés et l’oubli du réseau AEFE, qui font l’objet d’un amendement que j’ai déposé avec mes collègues Jean-Yves Leconte et Richard Yung.

Concernant, ensuite, l’assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus immobiliers des non-résidents, en ma qualité d’élue de gauche, je me félicite d’une telle mesure, destinée à imposer les revenus du capital comme ceux du travail. Visant d’abord les investisseurs étrangers et les exilés fiscaux, elle pèse cependant aussi sur plusieurs milliers de ménages français ayant conservé un bien immobilier en France, marqueur fondamental de la fidélité à leurs racines.

Il ne s’agit pas de solliciter un régime particulier. Il reste que ces « Français à l’étranger » et « Français à part entière » aspirent à une égalité de traitement dans tous les domaines, par exemple, celui de la déductibilité des charges, dont sont exclus ceux qui sont établis hors d’Europe. De même, l’égalité prescrit de prévoir le même taux d’imposition des plus-values pour tous : résidents ou non-résidents. C’est l’objet d’un amendement que j’ai déposé avec mes collègues Richard Yung et Jean-Yves Leconte.

Quant à la non-rétroactivité, c’est une mesure de bon sens destinée non seulement à assurer une sécurité juridique aux investisseurs, mais aussi à permettre aux propriétaires résidant à l’étranger, qui, rappelons-le encore, ne sont pas des nantis désireux d’échapper à l’impôt, de budgétiser cette nouvelle charge.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe-André Frassa.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, madame le rapporteur pour avis, mes chers collègues, les Français de l’étranger sont particulièrement « gâtés » par ce projet de loi de finances rectificative...

En effet, l’article 25 étend le prélèvement social au taux de 15, 5 % à tous les revenus – location ou vente – que les non-résidents tirent de leurs biens immobiliers situés en France. Cette nouvelle taxe s’ajoutera évidemment aux taxes déjà prélevées.

L’article 30 du projet de loi, quant à lui, prévoit la suppression du dispositif de prise en charge des frais de scolarité sans conditions de ressources accordé depuis 2007 aux familles de lycéens scolarisés à l’étranger.

Aussi, permettez-moi deux remarques.

Je tiens en premier lieu à attirer tout particulièrement votre attention sur l’extrême vigilance des instances européennes quant aux décisions que prend ce gouvernement.

L’article 25 prévoit donc de soumettre les revenus tirés de biens immobiliers par des personnes non résidentes, françaises ou étrangères, aux prélèvements sociaux – CSG, CRDS, etc... – à un taux de 15, 5 %.

Pourquoi une personne qui ne bénéficie en rien du régime social français, et a fortiori un étranger, y contribuerait-elle de fait ?

Comment le Gouvernement pourrait-il justifier auprès d’un Australien qui aurait des revenus fonciers en France, par exemple, le fait qu’il lui faille payer ces prélèvements sociaux et rembourser une éventuelle dette sociale qu’il n’a en rien contribué à creuser ?

En ce qui concerne la rétroactivité de votre mesure dirigée contre les non-résidents, permettez-moi, là aussi, d’avoir une pensée pour tous ceux qui, non seulement n’ont plus aucun moyen de se retourner, mais, en plus, ne peuvent plus se retourner.

Vous pensez vendre votre bien ? Vous n’échapperez pas à ce nouveau prélèvement. Il s’appliquera également aux plus-values réalisées à compter de l’entrée en vigueur de la loi.

À titre d’exemple, la mesure pourrait impacter quelque 200 000 Britanniques, qui devront payer 34, 5 % de taxes en France, contre 28 % pour un bien en Grande-Bretagne. De quoi y réfléchir désormais à deux fois avant d’investir en France !

Autant dire que la France risque de payer un lourd tribut en conséquence de décisions politiques qui vont à l’encontre du droit européen et de l’intérêt de ses citoyens. Nous aurons l’occasion d’en discuter lors de l’examen de nos amendements tendant à supprimer l’article 25.

En second lieu, je souhaite exprimer l’indignation que m’inspirent la méthode utilisée pour supprimer la prise en charge des frais de scolarité à l’étranger, sans analyse ni concertation, mais surtout la brutalité avec laquelle vous souhaitez appliquer cette mesure, dès la rentrée prochaine.

Vous avez suffisamment reproché au président Sarkozy la précipitation avec laquelle la prise en charge a été mise en place ! Or, aujourd’hui, vous faites exactement la même chose pour la supprimer ... Cela laisse sans voix !

Conséquence immédiate ? Les familles, dont une large majorité sont déjà parties en vacances, vont être prises de court et devront payer intégralement les frais de scolarité pour les classes de seconde, première et terminale dès la prochaine rentrée de septembre.

Inévitablement, certaines familles non boursières connaîtront de grandes difficultés pour régler des frais de scolarité qu’elles n’avaient pas prévu de devoir payer. Je ne peux que déplorer le délai beaucoup trop court laissé aux parents pour intégrer de tels montants dans le budget familial.

La prise en charge, comme toute mesure inédite, n’était certes pas parfaite, mais quel objectif visez-vous exactement en la supprimant d’un trait de crayon ?

Je me rallie sans condition à la levée de boucliers qui a suivi cette décision unilatérale, et nombre de vos amis politiques se sont eux-mêmes élevés contre ces méthodes d’un autre temps.

M. Marc Villard, candidat socialiste malheureux lors des dernières élections législatives dans la onzième circonscription des Français de l’étranger, et par ailleurs élu du groupe ADFE à l’Assemblée des Français de l’étranger, n’a-t-il pas tenu les propos suivants : « Je suis mécontent de la façon dont cette décision est prise. Je ne pensais pas que cela allait être effectif au mois de septembre. Cela met plusieurs familles dans une situation difficile, car elles se retrouvent à la dernière minute avec des dépenses non budgétisées » ?

En écho, M. Jean-Daniel Chaoui, autre candidat socialiste, quant à lui dans la dixième circonscription des Français de l’étranger, et également conseiller ADFE à l’Assemblée des Français de l’étranger, ne s’est-il pas élevé avec encore plus de véhémence contre la brutalité de cette décision ?

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Permettez-moi de le citer : « La suppression de la prise en charge est faite dans la hâte, sans aucune consultation des élus socialistes, députés et sénateurs, sans aucune consultation de l’Assemblée des Français de l’étranger. La méthode est détestable, voire insupportable ».

Enfin, puisque je cite les grands auteurs, j’ajouterai à cette liste Mme Corinne Narassiguin, aujourd’hui député de la première circonscription des Français de l’étranger, qui a fait sa campagne électorale – cela lui a plutôt réussi ! – en promettant ceci : « Cette mesure ne sera pas effective en septembre 2012 mais en septembre 2013. De plus, la prise en charge sera remplacée par un doublement du montant global des bourses ». Sans commentaires...

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Que d’amertume dans votre propos, cher collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe-André Frassa

Et ce ne sont que quelques exemples des réactions provoquées par cette proposition.

Ne serait-ce que par respect pour les familles, monsieur le ministre délégué, il faut repousser à la rentrée de 2013 l’application de cette mesure, afin que nos compatriotes aient le temps de trouver une solution pour assumer cette dépense supplémentaire imprévue.

La suppression de la prise en charge représente un montant d’environ 12 millions d’euros au titre du budget 2012. Il faut les conserver dans le budget de l’AEFE réservé aux bourses. Aussi, monsieur le ministre délégué, je vous demande de prendre l’engagement devant la Haute Assemblée que cette somme y sera effectivement reversée non pas au titre du programme 151, comme vous avez pu l’envisager lors des discussions à l’Assemblée nationale la semaine dernière, mais bien pour l’accès des élèves français au réseau de l’AEFE.

Avec la suppression de la prise en charge, je n’entends pas vos discours d’égalité et de justice sociale. Je n’y vois qu’un mécanisme pervers d’éviction des familles des classes moyennes, trop riches pour bénéficier du système de bourse et trop pauvres pour régler par elles-mêmes ces frais de scolarité.

Alors, de grâce, ne nous parlez pas d’égalité et de justice ! Il n’y a rien de tout cela dans ce projet de loi de finances rectificative.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques-Bernard Magner

Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, pendant les cinq dernières années, l’école a payé le prix fort de la RGPP et a été véritablement utilisée comme variable d’ajustement budgétaire : suppressions massives de postes, suppression de la formation professionnelle des enseignants, disparition des réseaux d’aide pour les élèves les plus en difficulté. Les remplacements des maîtres ne sont plus assurés – s’ils le sont, ils le sont mal -, de même que l’accueil des enfants de moins de trois ans, et le taux d’encadrement des écoles élémentaires est devenu le plus mauvais de tous les pays de l’OCDE.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que le projet de loi de finances pour 2012 prévoyait la suppression de 14 000 postes, dont 5 700 à l’école primaire…

À présent, la tâche est immense. Dans son programme présidentiel, François Hollande a été très clair : l’école sera une priorité de l’action publique durant son quinquennat. Il faut donc aujourd’hui, dans un premier temps et dans l’urgence, réparer. Il faut revenir, en particulier, sur les suppressions de postes prévues pour la prochaine rentrée par le précédent gouvernement.

C’est pourquoi, dans ce collectif budgétaire, l’article 23 traduit sur les plafonds d’emplois ministériels les premiers efforts réalisés dans ce secteur : 89, 5 millions d’euros de crédits supplémentaires sont débloqués pour financer les recrutements prévus. Cette enveloppe va permettre de financer les mesures annoncées et de fournir des moyens en personnels supplémentaires afin d’atténuer les plus graves tensions constatées.

Ces moyens sont notamment ciblés sur le premier degré, avec le recrutement de 1 000 postes de professeur des écoles. En effet, priorité est donnée aux premiers apprentissages, en maternelle et en primaire.

De plus, cet article prévoit le financement des recrutements de 100 conseillers principaux d’éducation, de 1 500 auxiliaires de vie scolaire individualisés pour renforcer l’accompagnement des élèves handicapés en intégration, de 2 000 assistants d’éducation dans les établissements afin d’améliorer l’accompagnement des élèves, notamment dans les secteurs les plus sensibles, où cela est bien nécessaire, ainsi que de 500 agents chargés de la prévention et de la sécurité scolaire dans les établissements en difficulté.

Dans les premier et second degrés, des aménagements de service vont bénéficier aux enseignants stagiaires lors de leur première année d’exercice afin qu’ils puissent compléter leur formation initiale. Ces aménagements sont mis en place à titre transitoire dans l’attente de la réforme de la formation initiale des enseignants ; ils prendront la forme d’une décharge de service de trois heures hebdomadaires.

Quant à l’enseignement technique agricole, il n’est pas oublié, puisque 50 emplois y sont créés, alors que le précédent gouvernement avait prévu d’en supprimer un grand nombre.

Certes, les suppressions massives – souvenez-vous : près de 80 000 postes au cours des cinq dernières années ! – ne pourront être résorbées que progressivement. Cependant, les crédits débloqués dans ce projet de loi de finances rectificative permettent, dès à présent, de remédier aux difficultés les plus criantes et de donner une impulsion nouvelle à notre système éducatif pour la rentrée de 2012. D’ores et déjà, des orientations claires sont fixées pour l’avenir.

Des critères de justice ont été retenus pour la répartition de ces recrutements : les affectations sont faites en fonction du taux d’encadrement, des difficultés sociales et éducatives des territoires, et de leur caractère rural.

Avec les sénateurs de la nouvelle majorité présidentielle, je me félicite de ce message clair que nous délivre le Gouvernement : l’école est enfin redevenue la priorité de la nation, et les engagements pris seront tenus.

De grands chantiers vont s’ouvrir dès 2013, concernant, entre autres, la formation des enseignants, les rythmes scolaires, la carte scolaire, pour ne citer que ceux-là. Ces questions seront discutées et négociées avec les enseignants, les parents d’élèves et les collectivités chargées des moyens de fonctionnement, ainsi qu’avec le monde associatif et périscolaire, qui forme un réseau éducatif structurant autour de notre école publique.

C’est aussi l’affirmation que, dorénavant, le Gouvernement est aux côtés des enseignants, des élèves, de leurs familles, de toutes celles et de tous ceux qui sont attachés aux valeurs laïques de l’école de la République.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord vous prier de bien vouloir excuser mon absence durant une partie de l’après-midi. J’ai cru comprendre que certains d’entre vous s’en étaient formalisés, malgré la précaution que j’avais prise d’en avertir M. le président de la commission des finances, M. le rapporteur général et Mme la rapporteur pour avis.

Je demande à ceux d’entre vous qui auraient jugé ces excuses insuffisantes d’accepter celles que je leur présente à cet instant.

En cette période de bouclage budgétaire, il arrive que nous soyons contraints d’assister aux ultimes arbitrages qui précèdent l’élaboration du budget. C’est la raison pour laquelle j’ai dû m’absenter de cet hémicycle. Je le regrette, même si les motifs que je viens d’invoquer peuvent, me semble-t-il, être jugés acceptables par votre assemblée.

Mes collaborateurs m’ont naturellement rendu compte de l’ensemble des interventions auxquelles je n’ai pu assister. Je m’efforcerai de répondre aux orateurs aussi complètement que possible, en espérant ne pas commettre d’erreurs.

Dans son intervention, que j’ai pu entendre avant de m’absenter, le rapporteur général de la commission des finances, François Marc, a souligné à juste titre la nécessité de rétablir notre crédibilité budgétaire. Le Gouvernement s’y efforce sans désemparer depuis qu’il a été constitué. Il m’a semblé que cette crédibilité était reconnue en Europe J’aimerais que vous tous ici puissiez l’admettre, tant il est vrai que certaines disputes dont nous sommes coutumiers peuvent parfois être jugées surprenantes à l’extérieur de nos frontières, et ce quel que soit le gouvernement en place.

Nous surprendrions heureusement, à l’étranger, si nous évitions de nous livrer à ces disputes et si nous pouvions convenir - je veux en convaincre ici celles et ceux qui, parmi vous, pourraient en douter, comme je me suis efforcé de le faire précédemment à la tribune - de la totale détermination du Gouvernement en matière de maîtrise de la dépense.

Je le redis, ce projet de loi de finances rectificative respecte le plafond de dépenses fixé par le précédent gouvernement et voté par l’ancienne majorité en loi de finances initiale, y compris le plafond diminué de 1, 2 milliard d’euros du dernier collectif budgétaire. Certains pourraient d’ailleurs nous le reprocher ; mais l’on ne saurait reprocher à la fois tout et son contraire.

Dans ce projet de loi de finances rectificative tel qu’il est présenté aux parlementaires, cette dépense est maîtrisée tout aussi bien que l’ancienne majorité semblait l’avoir voulu. Je vous remercie, monsieur le rapporteur général, d’avoir tenu à mettre l’accent sur ce point.

Je n’ai pas été surpris non plus par vos propos, particulièrement évocateurs en matière de finances locales. Je peux vous annoncer, d’ores et déjà, que le Gouvernement est favorable à nombre des améliorations que vous proposez en ce domaine, notamment s’agissant de la révision des valeurs locatives foncières.

Le rapporteur général de la commission des affaires sociale, Yves Daudigny, nous a alertés à juste titre sur l’impérieuse nécessité de redresser nos comptes sociaux, dont nous connaissons l’état désastreux.

Chacun s’en souvient, une partie des déficits passés et futurs avait été confiée à la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, qui reçoit par anticipation les déficits de la branche vieillesse. Cela revenait à laisser aux générations futures, mais c’est le choix qui avait été fait alors, le soin d’apurer des dettes qui ne correspondent en rien à des investissements dont elles pourraient bénéficier.

Le fait d’avoir préféré repousser de quelques années le terme de la CADES, plutôt que d’assumer des déficits découlant tout autant de la crise que de la gestion par les pouvoirs publics, ne fut pas, me semble-t-il, la meilleure façon de montrer la détermination de notre pays à maîtriser ses dépenses ou, à tout le moins, à épargner les générations futures.

Françoise Cartron, rapporteur pour avis de la commission de la culture, a souligné que les créations de postes prévues dans l’éducation nationale concerneraient non seulement des enseignants, mais également d’autres personnels.

J’ai eu plaisir à écouter Alain Assouline nous parler de la culture. Il est vrai que, dans le présent projet de loi de finances rectificative, il est prévu de revenir, à compter du 1er janvier 2013, sur la hausse du taux de TVA qui avait affecté le livre aussi bien que le spectacle vivant. Le coût de cette annulation est naturellement gagé : il ne s’agit donc pas d’une mesure à crédit.

Je reviendrai d’ailleurs sur la méthode qui consiste, dans le projet de loi de finances rectificative suivant une alternance, à proposer au Parlement des mesures qui sont financées non par des recettes dûment identifiées et authentifiées, mais par le crédit.

Monsieur le président de la commission des finances, vous avez bien sûr critiqué la présentation des comptes. Je le regrette, car je vous sais trop averti en matière de finances publiques pour ne pas avoir observé que les postes que nous créons pour la rentrée scolaire de 2012 le sont par redéploiements, de sorte que l’effort de l’État est constant et n’est pas alourdi par la mise en œuvre de notre politique.

La baisse du taux de la TVA est un deuxième exemple d’une décision politique prise par le Gouvernement qui est financée non pas à crédit, mais par un effort en gestion et par des redéploiements entre différents titres, mouvements habituels quand des dispositions de cette nature sont proposées.

Quant à ce que vous avez dit au sujet de l’ISF, monsieur le président de la commission des finances, je vais répondre de la manière la plus catégorique qui soit : soyez assuré – je le dis aussi à M. Dassault, qui a tenu des propos assez durs sur ce sujet – que la taxation que nous entendons instaurer est bien exceptionnelle.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Elle n’existait pas avant, elle n’existera pas après.

M. Henri de Raincourt s’esclaffe.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

De plus, cette taxation ne préfigure en rien ce que pourrait être un éventuel impôt sur la fortune rénové – car, après la réforme de 2011, il faudra bien réformer de nouveau cet impôt.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Le fait est qu’en pleine crise de nos finances publiques, au moment où un effort allait être demandé à tous nos concitoyens, il a sans doute été audacieux d’exonérer de cet effort ceux qui sont perçus, peut-être légitimement, comme pouvant y contribuer le plus.

Reconnaissons qu’épargner aux redevables de l’ISF un prélèvement de 2 milliards d’euros pour proposer, quelques semaines plus tard, la non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu, pour 1, 7 milliard d’euros, une augmentation du taux réduit de la TVA, pour 2 milliards d’euros, une augmentation supplémentaire de la taxe sur les mutuelles, pour 1, 1 milliard d’euros, et une augmentation de la CSG pour les salariés à hauteur de 600 millions d’euros – car tout cela fut fait en 2011 –, oui, reconnaissons que cela fut bien audacieux de la part de la majorité précédente !

L’actuelle majorité décide de revenir sur cette politique. Nous aurons peut-être un désaccord, mais je ne crois pas que quiconque puisse en être surpris.

J’ajoute que l’allégement de près de 2 milliards d’euros consenti aux redevables de l’ISF n’était pas gagé à coup sûr.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

L’affirmer encore aujourd’hui, monsieur de Raincourt, c’est peut-être tout aussi audacieux de votre part.

En effet, je me souviens que le gage prévu consistait à élaborer une exit tax. Or, quand je suis arrivé à Bercy, les instructions fiscales relatives à cette taxe n’avaient pas été données, de sorte que son rendement pour 2012 est plus qu’aléatoire…

Autrement dit, après avoir proposé au Parlement de voter cette taxe, le précédent gouvernement n’avait pas cru devoir prendre les dispositions indispensables à son recouvrement, comme il lui incombait légitimement de le faire.

Je pourrais vous faire la même démonstration à propos de la taxation des trusts.

Voilà au moins deux exemples de mesures censées gager la réforme de l’ISF qui, de fait, en 2012, ne la gageront pas.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

J’observe que, au moment de la réforme de 2011, on a demandé à ceux que l’on exonérait de payer le gage de ce qu’on leur épargnait : curieuse réforme consistant à dire aux mêmes qu’ils payent trop et que l’on va les exonérer mais que c’est à eux qu’il reviendra de combler la différence !

En outre, ceux qui se sont penchés sur cette réforme se souviennent qu’elle fut en partie financée par un relèvement des droits de partage.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Ces droits, jusqu’alors de 1, 1 %, ont été doublés, sur l’initiative du rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale - une augmentation de 100 %, mesdames, messieurs les sénateurs -, puis, sur l’initiative du Sénat, ils ont été relevés de 2, 2 à 2, 5 %.

Or qui acquitte les droits de partage ? Certainement pas les plus fortunés de nos concitoyens, puisque ces droits s’appliquent à tous les couples qui divorcent, malheureusement pour eux, ou à toutes les fratries ou associations qui décident de sortir d’une indivision. Affirmer qu’il s’agissait précisément de ceux qui payaient l’ISF était tout à fait exagéré.

Bref, monsieur de Raincourt, non seulement cette mesure n’était pas complètement gagée – je vous en ai donné les deux raisons –, mais, en outre, ce qui existait en fait de gage consistait à solliciter non pas ceux qui pouvaient le plus, mais tous les Français, notamment les classes moyennes, car il ne vous aura pas échappé que les divorces les frappent aussi…

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Le projet de loi de finances rectificative répond à une partie de vos interrogations. La loi de finances initiale pour 2013 complétera cette réponse et, dans la mandature, je suis sûr que nous finirons par vous convaincre que le choix de ce nouveau cours était nécessaire pour nos finances publiques.

Monsieur le président de la commission des finances, vous vous êtes félicité que le spread de taux entre la France et l’Allemagne soit seulement de 100 points de base. Je m’en réjouis avec vous.

Je vous rappelle que nous avons connu bien pire : presque 300 points de base. Vous accordez au gouvernement précédent le mérite de cette situation. J’imagine quels auraient été vos propos si le spread avait été différent !

M. Marc Daunis s’esclaffe.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Convenons que c’est le gouvernement de la France, dans sa diversité et par-delà les alternances, qui en est responsable… La bonne foi commande de reconnaître que cette présentation des faits est probablement plus honnête.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Je remercie M. Placé…

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

… d’avoir souligné le gisement de recettes que constitue la remise en cause de niches préjudiciables à l’environnement.

Son propos a naturellement retenu toute l’attention du ministre du budget, sans pour autant le surprendre.

M. Arthuis a prononcé un vibrant plaidoyer en faveur d’un basculement massif du financement de la protection sociale pour alléger le coût du travail. J’ai trouvé dans le propos de M. Arthuis toute l’honnêteté intellectuelle que nous lui connaissons depuis bien longtemps, et à laquelle je rends un hommage sincère et chaleureux. Mais, en même temps, quel aveu !

Nous voyons qu’il s’agissait bien d’augmenter encore et encore la TVA, alors que la consommation des ménages, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, assure 60 % de la croissance économique du pays. Or cette consommation des ménages aurait naturellement été compromise si la TVA avait été augmentée dans les proportions que le président Arthuis a paru envisager.

Peut-être pourrions-nous tomber d’accord sur ce schéma : avant toute réforme d’une telle ampleur, reportant dans de telles proportions le financement de la protection sociale sur la consommation des ménages, il faudrait nous pencher sur la structure même de notre croissance.

Plus précisément, nous devrions nous efforcer collectivement, je l’espère dans un certain consensus, de la faire moins dépendre de la consommation des ménages et davantage de l’investissement et du commerce extérieur. Bref, il faudrait nous inspirer de la structure de la croissance allemande.

Certes, l’Allemagne a augmenté sa TVA, encore que 1 point seulement ait servi à l’allégement des charges, les autres points servant au désendettement – probablement était-ce d’ailleurs une bonne stratégie.

Cependant, pour pouvoir espérer d’une hausse de la TVA en France les mêmes conséquences qu’en Allemagne, indépendamment même des réserves que l’on peut avoir à propos d’une telle mesure, il faudrait au préalable que la structure de notre croissance soit comparable à celle de l’Allemagne, alors qu’aujourd’hui elle est très différente.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je maintiens donc la position du Gouvernement : il vous propose de revenir sur cette augmentation de la TVA, dont les effets bénéfiques sont incertains mais dont les conséquences préjudiciables à la croissance économique sont, en revanche, certaines.

M. Thierry Foucaud a mis en relation, à juste titre, l’explosion de notre dette et l’allégement de la fiscalité des plus privilégiés.

À ce propos, la Cour des comptes a publié un rapport dont les chiffres sont parfois mal compris ou mal exposés. Personne ne songe à nier les effets de la crise sur l’accroissement des déficits publics et l’emballement de la dette ; le faire ne serait pas bien raisonnable.

Je rappelle cependant que la politique fiscale de la précédente majorité, dont l’échec économique est patent, a été faite totalement à crédit : en particulier, pas une des mesures proposées dans le projet de loi de finances rectificative proposé en 2007 n’était financée.

Prétendre que cela n’a pas contribué à l’aggravation du déficit public ne serait pas plus raisonnable.

Sachons, les uns et les autres, reconnaître nos responsabilités. À cet égard, le présent projet de loi de finances rectificative présente au moins une différence avec celui de l’été 2007 : les mesures qui vous sont proposées sont financées, tandis que celles qui avaient été présentées au Parlement il y a cinq ans ne l’étaient pas.

Monsieur le président de la commission des finances, vous avez repris, à propos du présent projet de loi de finances rectificative, l’expression de « paquet fiscal ».

Je vous rappelle que le paquet fiscal voté en 2007, même si son coût a baissé – estimé entre 13 et 15 milliards d’euros, il s’est finalement élevé à une somme comprise entre 10 et 12 milliards d’euros –, n’en est pas moins resté marqué, fondamentalement, par son péché originel, lui qui était exclusivement financé, du premier au dernier euro, par l’emprunt et la dette !

Au contraire, les mesures que le Gouvernement vous propose aujourd’hui sont, elles, financées.

Dès lors, monsieur le président de la commission des finances, il me semble que la bonne foi devrait commander de trouver, pour les désigner, un autre nom que celui de « paquet fiscal ». Peut-être votre imagination y pourvoira-t-elle…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Ne mettez pas en cause ma bonne foi, monsieur le ministre. N’exagérez pas, je vous en prie !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

On pourrait pourtant le faire… Et facilement !

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Cette expression restera définitivement attachée à une disposition du projet de loi de finances rectificative pour 2007, d’un coût de 12 milliards d’euros, financée, je le redis, du premier au dernier euro par la dette !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Tout le monde sait que, à l’époque, les conditions n’étaient pas du tout les mêmes !

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Monsieur Dassault, nos visions s’opposent de façon évidente. Il n’y a aucune acrimonie dans le constat que je fais de notre désaccord, qui d’ailleurs ne vous surprend pas.

Vous considérez qu’en période de crise il faut choisir entre l’égalitarisme, la morale et l’efficacité. Vous prônez l’efficacité. J’aimerais vous convaincre que nous aussi souhaitons être efficaces, mais nous n’estimons pas que ces trois objectifs soient impossibles à atteindre simultanément. Pour ma part, en tout cas, je ne souhaite pas les opposer.

Vous suggérez d’augmenter la TVA pour la porter à 23 %. Convenez que ce serait un effort assez rude pour les consommateurs.

Vous proposez, en outre, de supprimer les allégements Fillon, que vous aviez pourtant votés. Nous connaissons bien ce débat sur le coût du travail dans le bas de l’échelle des rémunérations.

Un certain consensus s’était fait jour pour reconnaître que l’allégement du coût du travail en bas de l’échelle des salaires est nécessaire, sauf à ce que ces emplois soient détruits.

L’évolution très récente du chômage ne devrait pas inciter le Parlement à vous suivre. J’espère qu’il ne le fera pas, et je m’y opposerais dans le cas contraire.

Pour ma part, je ne crois pas économiquement opportun de revenir sur ces allégements de cotisations sociales dont l’architecture a été conçue, d’une manière ou d’une autre, par les majorités successives que notre pays a connues.

Monsieur Patient, je vous remercie de votre soutien au projet de loi de finances rectificative. Il se veut en effet égalitaire dans les domaines que vous avez cités.

Les mesures de justice que nous proposons touchent à la fois la métropole et les outre-mer. Je connais votre attachement à certaines dispositions relatives à la Guyane.

M. Yvon Collin a raison d’appeler de ses vœux une taxe sur les transactions financières plus ambitieuse. Celle qui a été proposée au Parlement l’année dernière n’a consisté qu’à rétablir l’impôt de bourse, puisque, après avoir supprimé cet impôt, l’ancienne majorité a finalement décidé de le recréer.

Nous savons que les trois assiettes sur lesquelles cette taxe repose se réduisent en réalité à une seule.

En effet, la taxe sur les transactions à haute fréquence a une assiette extraordinairement faible, pour ne pas dire nulle. Souvenez-vous de ce que disait à ce propos François Baroin : ce type de pratiques n’existe pas en France, ou alors à un niveau tout à fait marginal.

Quant à la deuxième assiette, c'est-à-dire les transactions sur les credit default swaps, les CDS, elles seront interdites par une directive européenne à compter de l’automne. Cette assiette était donc extrêmement transitoire.

Demeure donc la taxation des échanges de titres pour les sociétés dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard d’euros. Dans le cas de l’impôt de bourse, ce seuil était de 250 millions d’euros, mais il était prévu des exonérations.

Bref, c’est l’impôt de bourse qui a été rétabli. Nous vous proposons d’en doubler le taux, non pas par frénésie fiscale, mais parce qu’une certaine continuité de l’État s’impose parfois, comme certains d’entre vous l’ont fait valoir.

Les autorités de la France avaient espéré un certain rendement de la taxe sur les transactions financières ; nous proposons le doublement de son taux précisément pour garantir que le rendement de cette taxe, dont l’actuelle opposition, qui était alors la majorité, avait fixé le niveau, sera effectivement atteint.

Madame Marie-Hélène Des Esgaulx, vous faites partie des sénateurs qui ont regretté que j’aie été contraint de quitter l’hémicycle. Je vous prie à nouveau d’accepter les excuses que j’ai présentées au Sénat.

Vous avez marqué votre défiance à l’égard du Gouvernement. La chose n’est pas surprenante. La discussion des articles nous donnera peut-être l’occasion d’examiner plus précisément les raisons de cette défiance et, le cas échéant, de les réduire.

Nous pouvons au moins nous accorder sur la devise de la maison d’Orange : il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer… Je vous suggère d’adopter cette méthode, au moins pour ce projet de loi de finances rectificative !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

M. Aymeri de Montesquiou a fait preuve à mon égard d’une courtoisie dont je le remercie. J’ai beaucoup apprécié sa citation de saint Augustin, selon laquelle il vaut mieux emprunter le bon chemin en boitant que le mauvais d’un pas ferme… Mais il vaut encore mieux emprunter le bon chemin d’un pas ferme : c’est ce que le Gouvernement s’efforcera de vous proposer !

Je comprends l’appel de M. Dominique Watrin au sujet de la taxation des retraites chapeaux. Un amendement a été déposé en ce sens. Je ne vous cache pas que le Gouvernement est assez enclin à accepter cette suggestion, qui me paraît frappée au coin du bon sens.

Je remercie M. Christian Bourquin d’avoir relevé le changement de méthode. La nôtre repose notamment sur la volonté de dialogue et la prudence dans les prévisions économiques.

S’agissant de ce dernier point, nous nous efforçons de faire preuve d’une transparence et d’une sincérité qui, je crois, ne sont pas contestables.

Par le passé, au contraire, il s’est trouvé des lois de finances reposant sur des prévisions de croissance bien peu réalistes. Il a tout de même fallu plusieurs lois de finances rectificatives pour corriger, précisément, des prévisions de croissance que l’on savait illusoires au moment du vote sur le projet de loi de finances initiale.

Les révisions auxquelles le Gouvernement a procédé peuvent, me semble-t-il, faire consensus. Au moins de ce point de vue-là pourrait-on reconnaître que le Gouvernement fait preuve d’une loyauté certes nécessaire, normale, de bon aloi, mais d’une vraie loyauté à l’égard du Parlement.

Mme Michèle André, à l’instar de plusieurs autres orateurs, a rappelé le contexte très difficile dans lequel s’inscrit notre discussion, ainsi que la nécessité impérieuse de tenir des engagements de redressement. Madame la sénatrice, je vous remercie d’être sensible à une notion qui, je crois, fait consensus au Sénat et, plus généralement, au Parlement : lorsque la France a donné sa parole, elle doit la respecter.

Mme Fabienne Keller et d’autres parlementaires se sont exprimés sur les heures supplémentaires. Sans doute peut-on éviter certains malentendus. Il ne s’agit évidemment pas de supprimer dans leur principe les heures supplémentaires, qui continueront à être payées à un tarif supérieur aux heures dites « normales », c'est-à-dire, je crois, 25 % jusqu’à la huitième heure et 50 % au-delà. En clair, le « travailler plus pour gagner plus », tant qu’il est raisonnable, ne me semble pas contredit par les propositions que le Gouvernement vous soumet.

En revanche, il est vrai que nous revenons sur la désocialisation et la défiscalisation des heures supplémentaires pour les entreprises, en tout cas pour celles dont les effectifs ne les qualifie pas comme de très petites entreprises, et pour l’ensemble des salariés, au nom de l’égalité devant l’impôt.

Nous le faisons pour des raisons de fond, après avoir dressé un constat : le dispositif, qui était destiné à encourager le travail, donc à lutter contre le chômage, a échoué.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Comment expliquer autrement que, en dépit de l’instauration d’une telle mesure et de la vigueur avec laquelle elle fut mise en œuvre et maintenue, le nombre de chômeurs ait augmenté de plus de un million ? Comment expliquer, puisque la mesure était destinée à encourager le travail, que son entrée en vigueur n’ait pas eu pour effet d’augmenter le volume d’heures supplémentaires travaillées ?

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Car, qu’ils émanent du Parlement, du Conseil des prélèvements obligatoires ou de la Cour des comptes, les rapports ont abondé sur le sujet, honnêtes, sincères et opposables à chacun, qui tous démontrent que le nombre d’heures supplémentaires n’a pas augmenté.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

D’autres arguments justifient, me semble-t-il, notre position.

Premièrement, appartient-il vraiment à la puissance publique de se substituer à des entreprises quand il s’agit de rémunérer le travail ?

C’est une question à laquelle nous avions pu répondre de manière assez consensuelle, pour les uns en instaurant la prime pour l'emploi, pour les autres en l’augmentant. Car la prime pour l'emploi n’est rien d’autre que la déclinaison d’un tel principe. Il s’agit de décharger les entreprises de ce qui a toujours été leur obligation historique – elles étaient jusque-là les seules à rémunérer le travail fourni en leur sein – pour que la puissance publique se substitue d’une manière ou d’une autre à elles.

Mais, convenons-en, si la prime pour l'emploi a atteint ses objectifs – les uns l’ayant créée, les autres l’ayant augmentée, je suppose qu’il n’y aura pas d’opposition farouche entre nous sur le sujet –, ce n’est pas le cas, me semble-t-il, du dispositif de politique publique relatif aux heures supplémentaires.

Deuxièmement, il est tout de même délicat de financer de telles mesures exclusivement par l’emprunt et par la dette. Car c’est bien cela qui fut mis en œuvre pendant cinq ans. Au nom de quoi les générations futures, quand elles rembourseront les emprunts que nos générations auront contractés, devront-elles rembourser ce que l’État aura dû emprunter pour payer les heures supplémentaires effectuées par des salariés dans des entreprises ? Il me paraît difficile d’affirmer que cela est légitime. Nous avons une opposition sur ce sujet. Nous aurons donc le débat le plus serein possible, un débat qui sera naturellement de qualité.

Il est vrai que deux visions politiques s’affrontent en la matière. Là encore, il n’y a rien de surprenant. Nous en avons l’habitude, depuis cinq ans au moins.

Mme Archimbaud partage le double objectif du Gouvernement de justice fiscale et de rétablissement des comptes publics. Je la remercie de ses propos. Elle appelle, comme son collègue Jean-Vincent Placé, à revoir les niches fiscales dites « grises », qui sont en particulier défavorables à ce que l’on appelle le « développement durable ».

Nous voyons bien quels sont les sujets que vous souhaitez aborder, madame la sénatrice. Nous aurons donc un débat qui, je l’espère, sera fructueux. Soyez en tout cas certaine qu’il sera mené avec la plus grande sincérité de la part du Gouvernement.

M. Nègre, comme plusieurs orateurs de l’ancienne majorité, a évoqué un « satisfecit » que la Cour des comptes aurait adressé au précédent gouvernement. Je me suis exprimé assez largement sur ce point à la tribune tout à l’heure. J’ai reconnu que le déficit public avait effectivement été réduit de manière historique. Simplement, cela s’est produit après que le déficit public eut atteint un niveau lui-même historique. L’Histoire répond à l’Histoire ; cela tombe bien !

En même temps, j’ai indiqué en quoi une telle réduction consistait réellement : un effort structurel de 0, 8 point de PIB, constitué exclusivement de recettes supplémentaires. Mais, et je m’adresse ici aux parlementaires qui ont fait de l’absence d’augmentation des impôts l’alpha et l’oméga de leur projet politique et de leur stratégie pour réaliser des économies et qui ont même érigé cet objectif en nécessité impérieuse et incontournable pour réduire le déficit public, convenez-en, mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque la Cour des comptes écrit noir sur blanc que le seul effort structurel réalisé par notre pays en 2011 fut une augmentation des impôts, et certainement pas une économie dans les dépenses, il est difficile d’y trouver le satisfecit que certains y ont vu !

Mais, après tout, chacun peut lire ce qu’il lui plaît de lire dans les rapports. C’est d’ailleurs bien le rôle de la Cour des comptes que de donner à réfléchir aux uns et aux autres. Les uns voient dans certains propos ou écrits de la Cour des comptes de quoi se féliciter des politiques déjà menées quand d’autres y voient condamnation de ces mêmes politiques, et réciproquement. À tout le moins, la Cour des comptes contribue à un débat de qualité au sein du Parlement. Sur ce constat-là, nous pourrons tous, je le crois, nous retrouver de manière consensuelle.

M. Rebsamen a rappelé le bilan économique et social, qualifié de « catastrophique », de la précédente majorité présidentielle. Il a mis en perspective notre action, en rappelant qu’elle s’inscrivait dans la durée, avec des réformes qui seraient concertées, puis présentées au Parlement. Je le remercie très vivement de son soutien.

Le présent collectif budgétaire peut être, me semble-t-il, caractérisé par deux principes, même si cela n’en exclut évidemment pas d’autres.

Premier principe, la sincérité. J’en ai dit quelques mots, en précisant ce qu’étaient nos révisions de croissance économique. Je ne crois pas que les évaluations du Gouvernement, sur lesquelles notre texte se fonde, soient contestables. En tout cas, je n’ai pas entendu d’orateur les remettre en question.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Sur vos commodités, vous ne m’avez pas répondu ! Vous vous en êtes bien gardé !

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Il m’a semblé vous répondre.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Eh bien, je suis désolé de vous avoir déçu ! J’essaierai de me rattraper et de mieux vous répondre lors de la discussion des articles.

Deuxième principe, la responsabilité. Il y a effectivement des mesures nouvelles dans ce projet de loi de finances rectificative. Elles sont d’une ampleur relativement limitée, par comparaison avec le coût, que j’ai déjà évoqué, du paquet fiscal de la précédente législature. Ce sont des priorités.

Les 90 millions d’euros au titre des nouveaux emplois dans l’éducation nationale sont financés par la réduction de crédits sur d’autres programmes. Les 400 millions d’euros d’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire le sont par l’affectation à la branche famille d’une recette que nous maintenons et que la présente majorité avait votée. C’est donc financé. Les 500 millions d’euros, toutes institutions confondues, c'est-à-dire l’État et l’ensemble des collectivités publiques et locales, liés à l’augmentation du SMIC sont financés, en tout cas pour l’État, par redéploiement. Enfin, les 200 millions d’euros de mesures d’âge, c'est-à-dire la reprise partielle de dispositions de la réforme des retraites, sont aussi financées.

Vous pouvez critiquer nos choix et condamner les hausses de cotisations, mais cette mesure, à l’instar des autres, est financée.

Je m’aperçois que je n’ai pas répondu aux sénateurs représentant les Français de l’étranger. Pardon d’avoir failli commettre une telle omission.

Sur la prise en charge, là encore, nulle surprise ! Il avait été indiqué pendant la campagne présidentielle, puis pendant les législatives, qu’une telle mesure serait prise. Pour un peu moins de 10 % des élèves, plus de 25 % des crédits de la mission ont été consommés. Peut-être est-ce un peu excessif.

En outre, conformément à l’engagement du Président de la République, si cette mesure est supprimée, les crédits ne sont pas annulés pour autant. Bien entendu, il appartient au ministre responsable, en liaison avec les parlementaires ayant une légitimité sur le sujet, de veiller à ce que l’utilisation des crédits se fasse au mieux.

À mon sens, l’annulation de la mesure et la récupération des crédits auraient été très critiquables. Mais ce ne sera pas le cas.

J’ai été interrogé sur le choix d’assigner aux plus values immobilières le soin de contribuer, via la CSG et la CRDS, au rétablissement de nos finances publiques. J’y répondrai de manière plus détaillée lors de l’examen de l’article concerné. Quoi qu’il en soit, cela repose sur un principe fiscal que personne n’a jamais, je crois, contesté ici et que je serais surpris d’entendre les parlementaires représentant les Français établis hors de France remettre en cause : le principe de territorialité. Car c’est au nom de ce principe que nos compatriotes qui se sont expatriés pour des raisons qui les regardent et qui sont évidemment respectables, n’acquittent pas l’impôt sur le revenu en France. Si le principe de nationalité devait prévaloir – j’ai cru comprendre que certains parlementaires représentant les Français de l’étranger pourraient le souhaiter dans ce cas d’espèce –, je vous engage à réfléchir à ce qu’en seraient les conséquences pour nos compatriotes expatriés, s’agissant non seulement de l’impôt sur le revenu, mais également de la CSG. Peut-être faudrait-il veiller à ne pas condamner une disposition avec tel argument pour ensuite oublier cet argument lorsqu’il s’agit d’en éviter une autre…

(Sourires.) J’emploie le terme « singularisé » dans le bon sens du terme. Le courage, quand il s’agit de se présenter à des élections, est chose tout à fait estimable et appréciable.

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Je m’aperçois que je n’ai pas répondu à Pierre Charon. Je le prie vraiment de m’en excuser. Je le connaissais naturellement de nom et de réputation : esprit pétillant, personnage ayant beaucoup contribué, en 2007, aux événements politiques que l’on connaît et s’étant singularisé lors d’élections sénatoriales récentes ! §Je crois qu’aucun élu ne pourra en disconvenir. J’ai peut-être été un peu déçu par la chute de votre intervention, monsieur le sénateur. J’espère que vous trouverez l’occasion de vous rattraper au cours du débat.

Je vous répondrai avec autant d’humour que vous, c'est-à-dire, en fait, sans vraiment d’humour. Accuser l’actuel gouvernement et la majorité qui le soutient de ne penser qu’aux prélèvements obligatoires et aux impôts, c’est oublier que la majorité à laquelle vous apparteniez a voté 15 milliards d’impôts supplémentaires pour cette année, quand nous nous contentons de 7 milliards d’euros, c'est-à-dire deux fois moins.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Que vos critiques ou vos louanges soient en proportion des chiffres !

(Rires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Et j’imagine que ceux qui nous critiqueront parce que nous levons 7 milliards d’euros d’impôts supplémentaires ont, à l’époque, critiqué deux fois plus le gouvernement Fillon quand il a levé, lui, 15 milliards d’euros d’impôts.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.- M. le président de la commission des finances s’exclame.

Debut de section - Permalien
Jérôme Cahuzac, ministre délégué

M. le président de la commission des finances a félicité le gouvernement précédent de l’effort ainsi réalisé. Nous ne vous demandons pas de nous féliciter de la même manière ; la moitié nous suffirait, puisque nous faisons la moitié. §

En matière de pouvoir d'achat, j’ai déjà indiqué ce qu’il en était. Je peux comprendre que l’on se préoccupe du pouvoir d'achat des salariés, comme nous le verrons lorsque la mesure relative aux heures supplémentaires sera débattue, mais que ceux qui critiquent ce gouvernement et la majorité sur laquelle il s’appuie en espérant l’adoption d’une telle mesure n’oublient pas qu’eux-mêmes ne se préoccupaient peut-être pas beaucoup du pouvoir d'achat lorsqu’ils ont, pardon de me répéter, décidé de ne plus indexer le barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation. Beaucoup de ménages qui ne payaient pas l’impôt vont désormais le payer, et beaucoup de ménages qui étaient imposables à la première tranche vont passer à la deuxième.

Et que l’on n’oublie pas la CSG, ni la taxe sur les mutuelles ! Que l’on n’oublie pas que le pouvoir d'achat n’était sans doute pas la principale préoccupation de ceux qui ont décidé de faire payer 15 milliards d’euros d’impôts supplémentaires à nos compatriotes !

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère avoir répondu, sinon à tous, en tout cas à presque tous ceux qui se sont exprimés. Je vous donne rendez-vous, aux uns et aux autres, lors de la discussion des articles pour reprendre, et de manière plus approfondie, l’ensemble des sujets qui – veuillez m’en excuser – ne furent abordés que de manière superficielle au cours de mon intervention.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

sur quelques travées de l'UMP. – Marques d’agacement sur les travées du groupe socialiste.) Rassurez-vous, mes chers collègues, c’est un point de procédure qui concerne la réunion de la commission des finances, et non un point de fond. Nous aurons tout le temps d’aborder le fond : nous avons des jours et des nuits devant nous. Nous avons tout notre temps. Et nous allons prendre tout le temps nécessaire…

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Si vous commencez sur ce ton agressif, l’opposition fera ce qu’elle peut faire.

M. Michel Delebarre s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Si vous voulez que les choses se passent « à la mode sénatoriale », comme vous dites, peut-être faudrait-il commencer sur un tempo un peu moins intense.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Je vous le répète, nous avons tout le temps, chers collègues, tout le temps….

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous devons réunir la commission des finances pour commencer à examiner les quelque deux cents amendements déposés sur ce texte. Nous ne pourrons vraisemblablement pas aller au bout de la tâche, d’autant que nos travaux se dérouleront à l’heure du dîner et que nous allons devoir nous contenter de plateaux-repas très frugaux…

Mes chers collègues, je vous donne donc rendez-vous en salle de la commission des finances.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

En application de la loi organique n° 2010-837, de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution et de l’article 1er du décret n° 59-587 du 29 avril 1959, la commission des affaires économiques, lors de sa réunion du mardi 24 juillet 2012, a émis un vote favorable, par douze voix pour et cinq bulletins blancs, en faveur de la nomination de M. François Houllier en qualité de président de l’Institut national de recherche agronomique.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

J’informe le Sénat que le groupe Union pour un mouvement populaire a fait connaître à la présidence le nom du candidat qu’il propose pour siéger à la délégation sénatoriale à la prospective à la place laissée vacante par M. André Villiers, dont le mandat de sénateur a cessé.

Cette candidature a été affichée et la nomination aura lieu conformément à l’article 8 du règlement.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures trente, est reprise à vingt-deux heures trente, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.