Mes chers collègues, nous devons désigner nos rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2023. Je vous propose de désigner les mêmes que l'année dernière.
Sont désignés rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2023 :
- Mme Cécile Cukierman sur les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » ;
- Mme Muriel Jourda et M. Philippe Bonnecarrère sur les crédits de la mission « Asile, immigration, intégration et nationalité » ;
- M. Thani Mohamed Soilihi sur les crédits de la mission « Outre-mer » ;
- M. Guy Benarroche sur les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État » consacrés aux juridictions administratives et aux juridictions financières ;
- Mme Catherine Di Folco sur les crédits de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines » consacrés à la fonction publique ;
- M. Alain Marc sur les crédits de la mission « Justice » consacrés à l'administration pénitentiaire ;
- Mme Agnès Canayer et Mme Dominique Vérien sur les crédits de la mission « Justice » consacrés à la justice judiciaire et à l'accès au droit ;
- Mme Maryse Carrère sur les crédits de la mission « Justice » consacrés à la protection judiciaire de la jeunesse ;
- M. Jean-Yves Leconte sur les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et le budget annexe « Publications officielles et information administrative » ;
- M. Jean-Pierre Sueur sur les crédits de la mission « Pouvoirs publics » ;
- M. Loïc Hervé sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ;
- M. Henri Leroy sur les crédits de la mission « Sécurités », consacrés à la police nationale, à la gendarmerie nationale, à la sécurité et à l'éducation routières ;
- Mme Françoise Dumont sur les crédits de la mission « Sécurités » consacrés à la sécurité civile.
Je constate qu'aucun amendement n'a été déposé sur la proposition de loi visant à actualiser le régime de réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce.
La genèse du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), que Loïc Hervé et moi-même vous présentons, a été longue : le Gouvernement avait déposé, le 16 mars dernier, un premier projet de loi, que nous appellerons Lopmi 1, comprenant 32 articles. Ce texte devait être examiné après les élections législatives de juin et éventuellement complété par des mesures plus substantielles ; des dispositions relatives à l'immigration avaient un moment été évoquées. C'est finalement un projet plus resserré qui a été déposé par le Gouvernement sur le Bureau du Sénat le 7 septembre dernier. Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui comprend seize articles des 32 articles de la Lopmi 1 : deux d'entre eux sont programmatiques et quatorze normatifs, relatifs pour leur grande majorité à la procédure pénale.
Je me suis plus particulièrement intéressé aux articles 1er et 2, relatifs à la programmation budgétaire du ministère de l'intérieur, et aux articles 3, 4 et 6.
En matière de programmation budgétaire, le projet de loi prévoit, dans son article 2, une progression, chaque année, du montant des crédits de paiement et des plafonds des taxes affectées au ministère de l'intérieur. Au total, sur cinq ans, on prévoirait 15 milliards d'euros supplémentaires par rapport aux crédits affectés au ministère de l'intérieur en 2022 ; l'augmentation est donc substantielle.
Ces crédits supplémentaires permettraient de financer les mesures de modernisation du ministère de l'intérieur présentées dans le rapport annexé au projet de loi, que l'article 1er vise à approuver ; nous réserverons donc l'examen de cet article jusqu'à la fin de notre discussion, de manière à pouvoir tenir compte dans le rapport annexé des amendements qui auront été adoptés sur les autres articles du projet de loi.
Les mesures présentées dans le rapport annexé, destinées à être mises en oeuvre entre 2023 et 2027, visent à atteindre trois objectifs principaux : augmenter la présence des forces de sécurité intérieure sur la voie publique, faire face aux nouvelles frontières, notamment numériques, et mieux prévenir les menaces et crises futures.
Je vous proposerai d'adopter plusieurs amendements déposés sur le rapport annexé à l'article 1er. Je pense notamment aux amendements de Philippe Paul et Gisèle Jourda, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui visent à réaffirmer l'importance des réserves opérationnelles de la police et de la gendarmerie, à adapter la répartition territoriale entre ces deux forces et à associer les élus à cette répartition et à l'implantation des nouvelles brigades, car ils me paraissent aller dans le bon sens.
Je soutiendrai également l'amendement COM-1 de Nadine Bellurot et Jérôme Durain, que notre commission a chargés d'une mission d'information sur l'organisation de la police judiciaire, amendement qui tend à préciser dans le rapport annexé que la réforme de la police nationale devra prendre en compte les spécificités de la police judiciaire. Dans le cadre de ses enquêtes, celle-ci doit rester sous l'autorité fonctionnelle du procureur. Elle doit aussi continuer à traiter seule des affaires sensibles. Enfin, au vu du développement exponentiel d'une délinquance organisée qui dépasse les frontières départementales, il pourrait être utile de prévoir des structures zonales permettant d'assurer les coordinations nécessaires. Il reviendra à notre mission d'information de s'assurer que ces spécificités sont maintenues et, le cas échéant, de proposer les garanties nécessaires.
Nos collègues socialistes entendent par ailleurs rappeler dans le rapport annexé l'importance de l'accessibilité des démarches dématérialisées pour les personnes en situation de handicap, ce qui me paraît aussi une bonne idée ; nous serons donc favorables à ces amendements.
Les articles 3 et 4 du projet de loi adaptent les prérogatives dont disposent les forces de sécurité intérieures dans la lutte contre les nouvelles menaces, en particulier les cybermenaces. Le ministère de l'intérieur entend tout d'abord investir dans des technologies nouvelles, former et recruter des agents pour disposer de compétences pointues, et mettre l'accent sur la prévention, en lien avec l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), afin qu'entreprises et institutions soient sensibilisées à ces risques.
Le projet de loi comporte par ailleurs deux mesures ponctuelles destinées à faciliter le travail des services enquêteurs. D'une part, la saisie de cryptoactifs dans le cadre d'une procédure pénale sera facilitée ; ces actifs immatériels peuvent être aisément transférés, ce qui appelle une action presque immédiate de la part des officiers de police judiciaire. D'autre part, en cas d'attaque au rançongiciel, la victime qui accepte de payer une rançon ne pourra être indemnisée par son assureur, si elle a souscrit cette garantie, qu'après avoir déposé plainte ; cette exigence nouvelle vise à aider les policiers et les gendarmes à avoir une connaissance plus précise de ces infractions et à favoriser ainsi le déroulement de leurs investigations et la poursuite des auteurs.
Je vous proposerai par ailleurs d'adopter un amendement portant article additionnel visant à étoffer les moyens mis à la disposition des enquêteurs qui mènent une enquête sous pseudonyme. Cet amendement, qui reprend un article de la Lopmi 1, tend à compléter la liste des actes que les enquêteurs seraient autorisés à accomplir, avec l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction. Cette disposition compléterait utilement la palette des outils à la disposition des enquêteurs et renforcerait l'efficacité de leurs investigations.
Jérôme Durain, Arnaud de Belenet et moi-même aurions souhaité pouvoir avancer sur les questions relatives aux images et à la reconnaissance faciale ; le ministre de l'intérieur nous a répondu que cela serait traité dans un autre texte, l'année prochaine ; nous serons vigilants sur ce point.
L'article 6 autorise, quant à lui, le recours à la visioconférence pour la prise de plainte et la déposition. Il s'inscrit dans le développement du recours à de tels dispositifs en matière de procédure pénale depuis le début des années 2000. Ces nouvelles modalités de dépôt de plainte peuvent faciliter les démarches des victimes, pour lesquelles elles seront une simple faculté et non une obligation. Je vous proposerai cependant de prévoir explicitement que l'on ne pourra y avoir recours qu'en matière d'atteintes aux biens : les plaintes et dépositions relatives aux atteintes aux personnes doivent faire l'objet d'un accueil adapté au sein des locaux de police et de gendarmerie.
Enfin, il me faut vous dire quelques mots de l'amendement COM-99. Nos auditions ont montré l'urgence et l'importance d'améliorer la réponse pénale sur trois enjeux essentiels : les violences faites aux élus, qui ont augmenté de 47 % en un an, les refus d'obtempérer, qui ont également augmenté de 28 %, et les rodéos urbains. Je vous proposerai donc un renforcement des sanctions encourues pour ces comportements, qui me paraissent primordiales pour assurer la bonne exécution des missions de tous ceux qui se mettent au service de la société.
Je me suis pour ma part plus particulièrement intéressé à l'article 5, relatif au projet de Réseau radio du futur (RRF), ainsi qu'aux articles 7 à 16 de ce projet de loi.
Le projet RRF vise à doter nos forces de sécurité intérieure et nos services de secours d'un nouveau réseau de communications électroniques, plus moderne et plus résilient, qui permettrait d'éviter les difficultés rencontrées récemment, notamment en Corse et dans les Alpes-Maritimes. Le Gouvernement envisageait initialement de prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de ce projet, notamment pour préciser les conditions d'accès au réseau, ainsi que le rôle et les missions des opérateurs. Nous vous proposerons un amendement de suppression de cette habilitation, le Gouvernement nous ayant assuré que les avancées du projet permettent l'inscription dans la loi des dispositions nécessaires à sa mise en oeuvre. Il pourrait déposer un amendement à cet effet en séance publique.
L'article 7 porte sur un sujet tout à fait différent : il vise à renforcer la répression de l'outrage sexiste. La contravention d'outrage sexiste a été introduite dans le code pénal en 2018 afin de lutter contre le phénomène dit du « harcèlement de rue ». Le présent projet de loi réprime plus sévèrement cette infraction : l'outrage sexiste simple serait puni d'une contravention de la cinquième classe, au lieu de la quatrième, tandis que l'outrage sexiste aggravé deviendrait un délit puni d'une amende de 3 750 euros. Juridiquement, la rédaction qui nous est proposée est plus satisfaisante que celle de 2018, dans la mesure où la contravention figurerait dans la partie réglementaire du code et le délit dans sa partie législative, conformément au partage voulu par notre Constitution. Les peines envisagées se veulent plus dissuasives, tout en demeurant cohérentes avec l'échelle des peines prévues pour des infractions comparables.
Nous vous proposerons donc d'approuver cette mesure, sous réserve de l'adoption d'un amendement de coordination, tout en rappelant que la constatation de l'infraction sur le terrain demeure difficile. Seulement 2 000 verbalisations ont été enregistrées en 2021, ce qui paraît peu au regard des faits de harcèlement ou d'intimidation qui peuvent se produire dans l'espace public, notamment dans les transports en commun.
Plusieurs articles visent ensuite à améliorer l'efficacité des investigations ou à simplifier, à la marge, la procédure pénale afin de faciliter le travail des enquêteurs.
L'article 8 élargit ainsi les possibilités de recourir aux techniques spéciales d'enquête et à la garde à vue prolongée pour les affaires de viols sériels et d'homicides sériels, ainsi qu'à l'abus d'ignorance et à l'abus de faiblesse commis en bande organisée, ce qui permettrait notamment de mieux lutter contre les phénomènes sectaires. La notion de « techniques spéciales d'enquête » renvoie à des techniques de sonorisation, de fixation d'images, ou encore de captation de données informatiques potentiellement très attentatoires à la vie privée et donc réservées à des infractions graves.
Trois mesures traduisent ensuite une volonté d'alléger le travail des enquêteurs, qui se plaignent régulièrement de la complexité de la procédure pénale, en diminuant le nombre de réquisitions et en allégeant le formalisme imposé aux policiers et aux gendarmes pour la consultation de certains fichiers.
Dans le prolongement de ces mesures de simplification, deux articles visent à renforcer la filière en charge de l'investigation, objectif que nous ne pouvons que partager au vu de la désaffection dont souffre la police judiciaire.
Ainsi, les policiers et gendarmes seraient autorisés à passer l'examen pour devenir officier de police judiciaire (OPJ) dès la fin de leur formation initiale, alors qu'ils doivent aujourd'hui attendre au moins trois ans après leur prise de fonction. La formation à l'examen d'OPJ a en conséquence été intégrée depuis septembre dernier au programme des écoles de police et de gendarmerie. Même si nous n'attendons pas d'effet massif de cette mesure sur les recrutements d'OPJ, elle pourrait être porteuse d'un enrichissement de la formation initiale ; nous vous proposerons donc de l'approuver.
Il est également proposé de créer une nouvelle catégorie de personnel, les assistants d'enquête, qui seraient chargés de veiller au respect de la procédure : recrutés parmi les fonctionnaires de catégorie B, ils deviendraient, en quelque sorte, les greffiers de la police et de la gendarmerie. Il est prévu de créer à terme 5 500 postes d'assistants d'enquête. Sans méconnaître l'intérêt de cette mesure, qui pourrait permettre aux enquêteurs de se concentrer sur le coeur de leurs missions, nous vous proposerons de procéder, dans trois ans, à une évaluation de la plus-value apportée par ce nouveau cadre d'emploi.
Nous vous proposerons également d'adopter deux amendements visant à inscrire dans le projet de loi des articles présents dans la Lopmi 1. Le premier vise, par parallélisme avec ce qui se pratique pour les élèves officiers de la police et les élèves commissaires, à attribuer la qualité d'agent de police judiciaire (APJ) aux élèves officiers de la gendarmerie nationale pendant leur formation initiale, afin qu'ils puissent être en posture active durant leurs stages en unité territoriale. Le second vise à étendre les prérogatives des APJ, tout en maintenant le contrôle qu'exercent sur eux en permanence les officiers de police judiciaire.
Si les mesures que je vous ai présentées jusqu'à présent recueillent globalement notre assentiment, il en va différemment de l'article 14, qui généralise la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle à tous les délits punis de moins d'un an d'emprisonnement, soit un total de 3 400 infractions !
Créée en 2016, la procédure de l'amende forfaitaire en matière délictuelle permet de sanctionner rapidement certaines infractions : la personne en faute doit s'acquitter sur le champ, ou dans un délai maximal de 45 jours, d'une amende forfaitaire dont le montant est fixé par la loi. Le paiement de l'amende forfaitaire éteint l'action publique, étant précisé que le ministère public conserve la possibilité de poursuivre l'infraction devant le tribunal correctionnel.
Actuellement, la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle concerne une dizaine d'infractions, par exemple l'usage de stupéfiants, la vente d'alcool à des mineurs, la vente à la sauvette, ou encore l'occupation des halls d'immeuble. Elle s'est révélée un outil efficace pour renforcer la répression de certaines infractions qui peuvent être aisément constatées par les policiers, notamment à la consommation de stupéfiants, mais il nous paraît peu raisonnable d'étendre cette procédure à un si grand nombre d'infractions : toutes ne se prêtent pas à une verbalisation immédiate et nous ne voulons pas donner l'impression d'un affaissement général de la réponse pénale en remplaçant une peine pouvant atteindre un an de prison par une simple amende.
C'est pourquoi nous vous proposerons tout à l'heure un amendement visant plutôt à étendre le champ de l'amende forfaitaire délictuelle à un petit nombre d'infractions pour lesquelles le recours à cette procédure nous paraît adapté.
Le Gouvernement s'estime tenu d'honorer la promesse de généralisation de cette procédure faite par le Président de la République - ou par le candidat à l'élection présidentielle - lors d'un déplacement à Nice le 10 janvier 2022. Mais notre analyse rejoint celle de notre collègue Alain Richard, qui a déposé un amendement aux mêmes fins. Cette position équilibrée nous paraît pouvoir emporter la conviction de notre commission.
Enfin, l'article 15 accroît les prérogatives des préfets de département en cas de crise d'une particulière gravité, de manière à ce qu'ils puissent exercer pleinement dans ces circonstances leur autorité sur tous les services déconcentrés et sur tous les établissements publics de l'État. Le projet de loi fait cependant un sort particulier aux agences régionales de santé (ARS), qui resteraient à l'écart de cette unité de commandement en cas de crise sanitaire grave. À la lumière des situations que nous avons tous vécues pendant la crise de la covid-19, cette exception ne nous paraît pas justifiée ; nous vous proposerons donc de la supprimer. À nos yeux, l'État doit parler d'une seule voix et avoir les moyens de mener une action cohérente dans les territoires, y compris avec les ARS.
Ce projet de loi est en quelque sorte une « version 2.0 » du texte qui avait été présenté en mars dernier, une version allégée, puisqu'il a maigri de moitié, mais aussi une version plus sage, car elle a été expurgée des dispositions relatives à l'immigration ; celle-ci fait certes partie des attributions du ministère de l'intérieur, mais il faut remercier Mme la Première ministre de n'avoir pas confondu corrélation et causation entre thèmes de l'immigration et de la sécurité.
Le périmètre retenu pour cette Lopmi n'est pas exempt de reproches. Certains de nos collègues estiment qu'il aurait fallu accorder une place plus importante à la situation des préfectures dans le texte et le rapport annexé.
Cela dit, ce n'est pas le texte le plus déséquilibré que nous ayons eu à examiner en matière de sécurité. Nous nous félicitons des moyens accordés au ministère de l'intérieur alors que les forces de l'ordre sont soumises à une pression quotidienne intense dans une société souvent décrite comme confrontée à davantage de violences. Nous tenons à cette occasion à exprimer notre soutien sans réserve à nos forces de l'ordre.
Nous ne sommes pourtant pas convaincus par tous les aspects du texte. Nous avons ainsi de fortes réserves sur l'amende forfaitaire délictuelle. Le travail accompli par les rapporteurs sur ce point va dans le sens de nos préoccupations. Nous sommes aussi réservés sur les assistants de police judiciaire, dont l'extension du champ de compétence pose problème. Enfin, le volet consacré aux violences intrafamiliales, sexuelles et sexistes est décevant. Nous défendrons nos positions à travers plusieurs amendements, ici et en séance.
Je remercie les rapporteurs pour leur travail très équilibré sur ce texte, même si ne partageons pas toutes leurs conclusions.
Il faudra faire oeuvre de pédagogie sur les rançongiciels ; trop de confusion demeure autour de la compétitivité des assurances et de la souveraineté.
En matière de police judiciaire, il est heureux que l'on puisse distinguer de ce texte la réforme programmée et la mission que Nadine Bellurot et moi-même menons à son sujet.
Quant à l'amendement COM-99 du rapporteur Marc-Philippe Daubresse, il comporte trois points de nature différente : nous sommes très favorables au premier, qui concerne les élus locaux, mais il faudrait en dissocier les deux autres.
Notre réflexion nous conduira à nous abstenir ici et à réserver notre vote en séance, mais avec une grande bienveillance pour le travail de nos rapporteurs.
Je remercie nos rapporteurs pour leur travail minutieux.
Le dépôt de plainte en ligne doit alléger le travail des commissariats et encourager les victimes, mais comment garantir la protection des données et la confidentialité des plaintes, à l'heure où la sécurité sur internet est remise en question ?
Au regard des dernières affaires de tirs à la suite de refus d'obtempérer, la nouvelle formation des policiers comprend-elle des changements de doctrine en matière d'utilisation des armes ?
Enfin, les attaques de drones pendant des événements sportifs se multiplient ; comment comptez-vous contrer cette menace lors des jeux Olympiques ? Quels sont les outils disponibles ?
Je remercie nos rapporteurs pour leur travail rigoureux sur un texte difficile à appréhender. La Lopmi nous revient dans une version allégée. Rappelons que cette cure d'amaigrissement est la conséquence d'avis sévères du Conseil d'État ; dans celui du 5 septembre dernier, il souligne que le rapport annexé et l'étude d'impact auraient gagné à être modifiés en réponse à ses remarques du mois de mars.
On peut se féliciter du retrait de plusieurs mesures, notamment de celle sur la départementalisation des forces de police et, bien évidemment, de celle sur l'immigration, qui reviendra dans un autre texte début 2023.
Toutefois, on ne peut pas ignorer que ce projet de loi suscite un certain nombre d'interrogations, voire de réserves, en particulier chez les professionnels de la police et de la justice - je ne parle pas seulement des syndicats représentatifs de ces professions. De fait, il existe des failles, voire des contradictions entre le rapport annexé et le texte.
En l'état, nous ne pourrons pas voter en faveur du projet de loi, qui s'inscrit dans la logique de la loi Sécurité globale. En effet, notre boussole a toujours été de ne pas stigmatiser les forces de police, qui sont confrontées chaque jour à des conditions de travail difficiles, mais aussi de créer les conditions pour renforcer le lien de confiance entre la police, nos concitoyens et nos concitoyennes. Nous avons d'ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens voilà quelque temps.
Le groupe du RDSE salue les annonces et les ambitions présentées dans le rapport.
Outre l'adaptation au monde numérique, ce rapport tient compte de la problématique de l'ancrage local des forces de sécurité. Celui-ci nécessite évidemment des moyens, tant en personnel qu'en matériel, d'autant que, comme le ministre nous l'a expliqué hier, les délits et les crimes ont tendance à se déplacer vers les villes moyennes. Je pense aussi au milieu rural, qui ne doit pas être oublié.
Des mesures du projet de loi nous semblent aller dans le bon sens. Nous regrettons tout de même que l'on cherche aussi, par le biais de celui-ci, à simplifier des procédures afin de pallier les difficultés en matière d'effectifs - je pense à la restructuration des services de police judiciaire, à la suppression des trois ans d'ancienneté, qui ne nous paraît pas adaptée à l'exigence de la fonction, et au rendu des rapports qui conditionnent la réponse pénale.
Nous souhaitons également rappeler l'importance de la formation des personnels qui concourent à la sécurité intérieure de notre pays. C'est un sujet bien connu de notre commission des lois, qui a créé une mission d'information sur les moyens d'action et les méthodes d'intervention de la police et de la gendarmerie, dont Catherine di Folco et moi-même sommes les rapporteurs. Aujourd'hui, on constate un réel problème en matière de formation continue dans la police - la situation n'est pas tout à fait la même dans la gendarmerie. Ce point est un peu oublié dans le rapport.
Nous nous inquiétons de la disposition de l'article 9, qui assouplit les conditions requises pour exercer les attributions attachées à la qualité d'officier de police judiciaire, probablement pour pallier plus rapidement le manque d'OPJ, notamment dans la police. Nous déposerons un amendement sur le sujet.
Nous nous interrogeons sur la simplification de la procédure pénale. Les rapporteurs nous ont rassurés sur le sujet, et nous attendons avec impatience les amendements qu'ils nous proposeront. Quoi qu'il en soit, nous croyons que la simplification ne doit pas s'accompagner d'une dégradation des principes fondamentaux de l'État de droit. L'encadrement procédural est ce qui rend légitime l'action de l'État en matière de répression, et il ne saurait être question de renoncer à des éléments de procédure seulement parce que les policiers et les gendarmes ne sont plus en capacité de les respecter. On ne saurait répondre à un manque de moyens et de formation par la simplification de notre droit. Il vaut mieux former nos agents et en recruter davantage, afin qu'ils puissent mieux répondre aux impératifs formels que la procédure exige. De ce point de vue, la création d'une fonction d'assistant d'enquête, si elle se fait avec des moyens suffisants, peut sembler judicieuse.
En revanche, la généralisation de l'amende forfaitaire délictuelle, dans la mesure où elle participe à marquer un net recul de l'action des juges, comme du principe fondamental de l'individualisation des peines, nous paraît une fausse bonne idée.
Nous attendons les amendements de notre commission pour fixer notre ligne de conduite lors du vote du projet de loi.
Je m'associe aux propos des rapporteurs sur l'entente qui a prévalu durant tous les travaux préparatoires à cette Lopmi.
Un Livre blanc, que le ministre actuel ne revendique pas, a été rédigé notamment à la suite de la commission d'enquête du Sénat sur les forces de sécurité qui a été effectuée durant six mois sur le terrain, et il y a eu le Beauvau de la sécurité. Cette concertation a réuni tous les représentants des forces de sécurité intérieure, du commandement, de l'exécution, des officiers de police, des experts. Elle a été extrêmement constructive. La présente Lopmi reprend les suggestions qui ont été formulées.
Toutefois, on ne fait que traiter un retard : doter les forces de sécurité de ce qui leur manque depuis de nombreuses années, en matière de personnels, de matériels, de logistique, de moyens. Cependant, on ne traite pas le fond du problème. La sécurité sera-t-elle améliorée par la Lopmi ? Le coeur du sujet de la réforme sécuritaire est la répartition territoriale des forces de sécurité. Est-elle adaptée à l'évolution de la criminalité ? Sur ce plan, on fonctionne avec un système qui, grosso modo, date de l'après-Seconde Guerre mondiale.
Lors du déplacement qu'il a effectué à Toulouse avec le Premier ministre, le ministre de l'intérieur a eu à faire face à une levée de boucliers des élus locaux - notamment de la part des maires de la métropole qui étaient présents -, que ce gouvernement ignore souvent. Or les maires constituent le coeur de la démocratie locale ! Face à cette levée de boucliers, le ministre actuel a fait preuve de courage et lancé la réforme départementale. Celle-ci est indispensable au fonctionnement efficace de la police, mais, tant que l'on ne se sera pas attelé à la répartition territoriale des forces de sécurité, qui est le coeur du sujet, on ne luttera pas efficacement contre l'insécurité galopante sur notre territoire. On n'aura fait que panser ; on n'aura pas donné un traitement de fond.
Je remercie nos deux rapporteurs.
Les mots ont un sens : l'intitulé du projet de loi laissait espérer un texte balayant l'ensemble des compétences du ministère de l'intérieur, en particulier les moyens d'action des préfectures. On constate qu'il s'agit davantage d'un projet de loi d'orientation et de programmation des forces de sécurité. Je le déplore, dans la mesure où nous avons vu, lors de nos travaux sur les questions migratoires, au début de l'année, combien les préfectures étaient défaillantes dans l'accueil des étrangers. Nous avons aussi vu, cette année, combien les moyens des mairies et des préfectures pour traiter les demandes de cartes nationales d'identité et de passeport étaient insuffisants.
La présence de l'État sur les territoires, matérialisée via l'existence de services publics répondant aux besoins quotidiens des citoyens, est essentielle. C'est un facteur de cohésion et de sécurité. Or la situation en la matière se dégrade, et rien, dans le présent projet de loi, ne répond à cette préoccupation majeure de l'ensemble des Français.
Il est dommage de réduire l'action du ministère de l'intérieur aux forces de sécurité, même si celles-ci sont essentielles. Force est de constater que rien n'est prévu pour répondre à l'évolution en matière de dématérialisation et aux préoccupations qui démotivent les personnels des préfectures, lesquelles connaissent des turn-over de plus en plus importants. C'est tout ce qui fait le quotidien de la relation entre les services publics et les Français qui est remis en cause, accroissant la violence et l'insécurité.
Par ailleurs, il faut aller au bout de la dématérialisation : si des plaintes peuvent être déposées en ligne, nous devons, à chaque étape, donner aux citoyens la possibilité d'être accompagnés par un avocat, qui doit pouvoir accéder au dossier sans avoir besoin de passer par FranceConnect. Il faut, sur ce plan, faire évoluer les choses.
Ce texte va une nouvelle fois faire évoluer le code de procédure pénale sur un nombre non négligeable de sujets. Or, comme nous l'avons évoqué lors des réflexions qui ont fait suite aux États généraux de la justice, nous savons combien il faut toucher ce code d'une main tremblante si l'on veut éviter l'inflation législative.
La vision de la tranquillité publique, de la protection et de la sécurité des citoyens et des fonctionnaires de police du pays et des relations entre ces derniers qui est développée dans ce projet de loi ne nous convient pas du tout. Nous apprécions le travail réalisé par les rapporteurs, qui a permis d'améliorer a minima un certain nombre de points, mais cela ne nous suffit pas. Nous déposerons quelques dizaines d'amendements en séance afin de développer notre vision de ce que doivent être, pour nous, la protection, la sécurité, la tranquillité publique.
On ne trouve rien dans le texte sur la formation, sur les officiers de protection instructeurs (OPI), les assistants, la police judiciaire, la souffrance au travail des fonctionnaires de police, si ce n'est des mesures de simplification qui aboutiront inéluctablement, malgré toutes les précautions de langage que peut prendre le texte, à une dégradation absolue de la protection et de la sécurité.
En l'état actuel, nous voterons contre ce projet de loi.
Je veux d'abord saluer l'excellent travail d'analyse effectué par nos deux rapporteurs.
La Lopmi vise à poursuivre de manière louable les réformes entreprises en matière de procédure pénale. L'augmentation des moyens au bénéfice de nouveaux domaines d'intervention des forces de l'ordre est appréciable.
Le doute est néanmoins permis concernant l'efficacité de certaines dispositions. À cet égard, la formation de tous les nouveaux policiers et gendarmes aux fonctions d'officier de police judiciaire est emblématique. Il s'agit d'une tentative méritoire d'accroître la maîtrise de la procédure pénale au sein des forces de l'ordre, mais cette matière demeure indigeste et associée à des résultats décevants compte tenu de la charge de travail et des responsabilités des agents. Ce défaut de notre procédure pénale est bien connu des délinquants eux-mêmes, qui en tirent parfois profit.
Enfin, force est de rappeler que la mise en place de 200 nouvelles brigades de gendarmerie en zones rurales et périurbaines peine à compenser la suppression de 500 d'entre elles ces quinze dernières années. Les besoins sur le terrain demeurent importants et justifieraient de renforcer le nombre de brigades itinérantes destinées à intervenir dans des circonstances locales ou ponctuelles.
Ce projet de loi est aussi intéressant par ce qu'il dit que par ce qu'il ne dit pas. En particulier, l'augmentation des moyens affichée dans l'exposé des motifs ne sera opérante que dans l'hypothèse d'un continuum entre justice et forces de sécurité, laquelle reste à démontrer.
Je veux réagir aux propos d'Eliane Assassi : sur les principes, nous partageons globalement tous ici l'objectif de renforcer le lien de confiance avec la population et de ne pas stigmatiser les forces de police, mais cela ne se joue pas qu'au travers d'une loi. À la faveur de campagnes d'affichage, certains groupes sociaux attaquent la police de manière systématique, essayant de lui attribuer des faits de violence.
Je pense aux deux dernières campagnes d'affichage de la CGT.
Je rappelle que la première d'entre elles montrait un insigne de CRS baignant dans une flaque de sang et était titrée : « La police doit protéger les citoyens et non les frapper. » La seconde était tout aussi significative : on y voyait une matraque ruisselante de sang à côté d'un ourson - excusez du peu... -, avec pour titre : « Touchez pas à nos enfants ! » Quel effet peuvent avoir de telles approches sur le lien de confiance ?
Ce projet de loi comporte des dispositions sur les violences sexistes, mais elles sont modestes.
Sur ce sujet, beaucoup de choses ont été faites depuis quelques années, notamment au Sénat : ordonnance de protection, bracelets anti-rapprochement, téléphone grave danger, modifications dans la caractérisation des infractions, progrès dans la formation des policiers et des magistrats... Cependant, nous constatons que le nombre de féminicides ne baisse pas : on en dénombre toujours plus d'une centaine par an - 79 cette année, mais 122 en 2021, ce qui est terrible. Au reste, les victimes sont des hommes dans 20 % des cas - et je ne parle pas des enfants.
Depuis fort longtemps a été identifiée la nécessité de mettre en place des pôles de juridiction concentrés sur ces sujets, permettant d'articuler le civil et le pénal. Aujourd'hui, plusieurs juges sont concernés : juge des enfants, juge aux affaires familiales, juge de l'application des peines, juge correctionnel. On parle de juridictions spécialisées depuis le Grenelle des violences conjugales de 2019. Le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) recommande leur création, notre collègue Max Brisson s'est exprimé en ce sens en 2020 et tous les candidats à la présidentielle l'ont dit. La Première ministre en a parlé à l'occasion de l'anniversaire du Grenelle : elle a souhaité qu'une mission soit engagée - celle-ci a été confiée à deux parlementaires, dont notre collègue Dominique Vérien.
Nous nous inspirons du Québec et de l'Espagne. L'Espagne est l'exemple emblématique. Des dispositifs comparables existent depuis plusieurs années et ont fait progresser la situation de manière considérable.
Pourquoi créer une juridiction spécialisée dans ce texte ? Parce qu'il traite des violences sexistes et sexuelles. D'aucuns pourraient dire que ce n'est ni le moment ni la méthode, mais il faut bien avancer. Il vous est proposé ici une création à titre expérimental. De fait, nous avons dû louvoyer pour ne pas nous heurter à l'irrecevabilité de l'article 45 de la Constitution... Si toutefois vous considériez que cette création n'était pas possible, nous avons également proposé une demande de rapport, mais je connais trop bien la position que la commission réserve aux demandes de ce genre. Nous pouvons aussi tout simplement insérer un paragraphe dans le rapport annexé pour évoquer la nécessité de cette juridiction spécialisée ; il me semble qu'à tout le moins nous pouvons nous rejoindre sur ce point. Il ne faut plus attendre. Il faut avancer. C'est la raison pour laquelle nous proposons ces amendements.
Je remercie les rapporteurs pour leur travail et la qualité des auditions qu'ils ont menées.
Pour rebondir sur les propos de Marie-Pierre de La Gontrie, la commission des lois formule des préconisations depuis bien longtemps, qui ont d'ailleurs été reprises par la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Celle-ci appelle à un renforcement des moyens de lutte contre la cyberpédocriminalité. Il faut savoir que les pédocriminels utilisent les réseaux sociaux et les jeux en ligne. Or, en France, il n'existe que 30 enquêteurs spécialisés, contre 152 aux Pays-Bas et 321 en Grande-Bretagne. Je crois que tout est dit.
Beaucoup de questions s'adressent en réalité au ministre de l'intérieur... Je rappelle que nous ne sommes pas ses représentants ! Nous vous laisserons l'interroger en séance publique.
Je veux remercier Jérôme Durain pour ses propos marqués du sceau de l'équilibre. Il a bien voulu reconnaître le travail équilibré des rapporteurs. À mon tour de reconnaître le travail équilibré de son groupe. Je veux lui dire que nous sommes en phase sur bien des sujets, notamment sur la méthode.
Il faut attendre les conclusions de la mission d'information sur l'organisation de la police judiciaire, dont les rapporteurs sont Nadine Bellurot et Jérôme Durain, et évidemment tenir compte des spécificités de la police judiciaire. Le projet de loi d'orientation évoque la départementalisation, qui relève du champ réglementaire, mais, si l'on veut écouter le Parlement, il faudra prêter attention aux préconisations de cette mission. Un amendement en ce sens a été déposé par nos collègues ; nous y serons évidemment favorables.
Monsieur Leconte, les articles 1er et 2 spécifient bien les moyens du ministère de l'intérieur s'agissant des préfectures. La programmation budgétaire en tient compte également.
Il y a tout juste vingt ans, je présidais la séance de l'Assemblée nationale au cours de laquelle était débattue la Lopsi, consacrée aux moyens de la sécurité intérieure - M. Sarkozy était alors ministre de l'intérieur. Nous traitons désormais de la Lopmi. Les moyens évoqués dans l'article de programmation apportent des réponses significatives. Je rappelle que, sur les 15 milliards d'euros supplémentaires, 7 concernent l'effort considérable consenti en direction du numérique pour nous permettre de résister au développement exponentiel de la délinquance et de la criminalité organisées, qui nécessite des moyens d'investigation à une échelle zonale, et non seulement départementale, et la dématérialisation des démarches des citoyens.
Eliane Assassi a évoqué, à juste titre, les réserves du Conseil d'État. Nous en avons tenu compte. Je veux dire que son propos est tout à fait respectable et cohérent avec ses interventions précédentes.
Je suis d'accord avec Maryse Carrère et François Bonhomme : nous aurions aimé pouvoir discuter de la réforme systémique de la police et de celle de la justice de manière concomitante, parce que l'une ne va pas sans l'autre.
Je remercie Henri Leroy pour son remarquable travail de suivi du Beauvau de la sécurité et pour le temps qu'il a passé à relayer nos positions.
Je remercie les collègues qui se sont exprimés sur notre travail. Je remercie également ceux qui ont participé aux auditions en visioconférence : leurs questions ont permis de balayer l'intégralité des sujets et d'enrichir les échanges.
On peut regretter que la Lopmi ne contienne aucune disposition sur le droit des images. C'est le résultat de la cure d'amaigrissement qui lui a été imposée. Le ministre avait annoncé des dispositions sur la mise en conformité au droit européen de la vidéoprotection, la question des drones et, peut-être, la reconnaissance faciale. Il y a urgence à ce que l'on vienne conforter notre droit sur ces questions, dans un équilibre entre sécurité et libertés publiques.
Je veux rassurer nos collègues sur le sujet de la formation. Je partage l'idée qu'il faille améliorer la formation des policiers et des gendarmes, notamment des OPJ. Le texte n'allège pas la formation initiale et continue des policiers. Les améliorations proposées consistent en des réductions de délai : on pourra notamment commencer la formation d'OPJ beaucoup plus tôt, et on pourra être beaucoup plus efficace sur le terrain. La formation en elle-même n'est pas sacrifiée.
Madame de la Gontrie, le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur n'est pas un texte relatif à la justice.
Il y a des véhicules législatifs réguliers qui permettent de créer une juridiction spécialisée sur le sujet très important que vous évoquez. Dominique Vérien, qui est membre de notre commission, a été nommée parlementaire en mission sur cette question, aux côtés d'une collègue députée. Ne préemptons pas le sujet en modifiant la loi avant qu'elles aient fini de travailler.
Si l'on peut imaginer que l'on insère dans le texte des dispositions relatives à la procédure pénale, il ne me paraît pas raisonnable de créer ex nihilo une juridiction, sans que nous ayons à aucun moment évoqué ce sujet avec nos interlocuteurs lors des auditions. Nous avons la chance d'examiner ce texte en premier, ce qui est rare.
Au demeurant, j'ignore s'il s'agit d'une bonne idée, chère collègue. Nous n'avons pas eu le temps de l'analyser. Quoi qu'il en soit, votre proposition sera débattue en séance.
En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous appartient d'arrêter le périmètre indicatif du projet de loi.
Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives à la vision portée par l'État de la modernisation du ministère de l'intérieur dans les prochaines années, par le biais du rapport annexé ; à la programmation budgétaire du ministère de l'intérieur dans les cinq prochaines années ; à l'adaptation des prérogatives et des modalités d'action face au développement de la criminalité numérique ; à la mise en place du réseau radio du futur ; à la forme du dépôt de plainte et de la déposition ; à la répression des violences commises dans les espaces ouverts au public ; à la formation, aux conditions requises et aux modalités d'action des différents corps d'investigation ; à l'amende forfaitaire délictuelle ; aux réquisitions judiciaires ; à la garde à vue et aux techniques spéciales d'enquêtes ; aux prérogatives des préfets en cas d'événements d'une particulière gravité.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'examen de l'article 1er est réservé.
Article 2
L'article 2 est adopté sans modification.
Article 3
L'article 3 propose de simplifier la saisie de cryptoactifs.
L'amendement COM-60 rectifié vise à ajouter que cette saisie se fasse « sous réserve des droits de propriété et du principe de proportionnalité ». Par définition, on ne peut subordonner la saisie au respect du droit de propriété. Par ailleurs, le principe de proportionnalité inspire toutes les procédures pénales. Avis défavorable.
L'amendement COM-60 rectifié n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté sans modification.
Article 4
L'article 4 est adopté sans modification.
Après l'article 4
Je sollicite le retrait de l'amendement COM-41, qui tend à obliger les établissements financiers à déclarer à Tracfin le paiement d'une rançon après une attaque au rançongiciel : cet amendement me paraît satisfait puisque l'article L. 561-15 du code monétaire et financier prévoit déjà que les établissements financiers sont tenus de déclarer à Tracfin les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme.
Notre amendement COM-86 vise à étoffer les moyens mis à la disposition des enquêteurs qui mènent une enquête sous pseudonyme. Cette disposition figurait dans la version initiale du projet de loi. Elle marquerait une vraie amélioration, raison pour laquelle je propose de la reprendre.
L'amendement COM-86 est adopté et devient article additionnel.
Article 5
Notre amendement COM-87 supprime l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la mise en oeuvre du réseau radio du futur, dans l'attente d'un amendement du Gouvernement qui inscrive les choses en dur en séance publique.
L'amendement COM-87 est adopté.
L'article 5 est supprimé.
Après l'article 5
Le périmètre du projet de loi, défini en application de l'article 45, comprend les violences commises sur la voie publique.
Les amendements COM-74 rectifié, COM-75 rectifié et COM-73 rectifié reprennent des amendements déposés sur la loi Sécurité globale, qui concernent les transports et la manière dont les agents de la RATP peuvent intervenir. Tout cela ne relève pas du champ du texte.
Les amendements COM-74 rectifié, COM-75 rectifié et COM-73 rectifié sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 6
Notre amendement COM-88 limite le recours à la visioconférence aux dépôts de plaintes et dépositions pour des atteintes aux biens. Nous pensons qu'il faut maintenir la procédure habituelle pour les atteintes aux personnes.
L'amendement COM-88 est adopté.
L'amendement COM-42 prévoit un avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) pour la mise en place de la télédéposition. J'y suis favorable.
L'amendement COM-42 est adopté.
L'amendement COM-43 prévoit la possibilité explicite d'une audition dans les services de police après une télédéposition. Il semble satisfait, puisque rien ne s'oppose à l'organisation ultérieure de l'audition de la victime après un dépôt de plainte ou une déposition en visioconférence. Je sollicite son retrait.
L'amendement COM-14 paraît satisfait : on comprend bien la volonté de ne pas accentuer la fracture numérique, mais l'article prévoit qu'il s'agit d'une simple faculté pour la victime, et non d'une obligation. Retrait.
Je maintiens l'amendement, car l'expérience passée me fait penser qu'il faut apporter cette précision.
L'amendement COM-14 n'est pas adopté.
L'amendement COM-44 tend à inscrire dans le code l'obligation de faire figurer dans le procès-verbal unique qui sera dressé la mention du test matériel et des heures du début et de fin de connexion.
Que ces mentions figurent au procès-verbal peut être utile. Il n'y a pas de difficulté de fond, mais il n'appartient pas à la loi de prévoir le contenu du procès-verbal. Ces questions d'organisation seront soumises au ministre de l'intérieur lors de la séance publique. Retrait.
Je retire l'amendement.
L'amendement COM-44 est retiré.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Après l'article 6
L'amendement COM-61 rectifié prévoit la possibilité pour une personne d'être accompagnée d'un avocat au stade du dépôt de plainte ou de l'audition libre.
Cependant, l'article 10-2 du code de procédure pénale indique déjà que les personnes peuvent être « accompagnées chacune, à leur demande, à tous les stades de la procédure », en particulier par un avocat. L'amendement est satisfait : retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement COM-61 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement COM-11 tend à créer une médaille de la police nationale. Nous avons déjà eu l'occasion d'examiner cet amendement, qui, quel que soit intérêt qu'il présente, relève du domaine réglementaire. Avis défavorable.
L'amendement COM-11 n'est pas adopté.
L'amendement COM-12 vise à créer une médaille de la police municipale. Avis défavorable, pour les raisons qui viennent d'être évoquées.
L'amendement COM-12 n'est pas adopté.
L'amendement COM-71 rectifié prévoit une orientation des membres des forces de sécurité intérieure ayant subi un préjudice susceptible d'affecter leur santé mentale vers un dispositif de prise en charge approprié. Cela ne relève pas du périmètre du projet de loi.
L'amendement COM-71 rectifié est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Avant l'article 7
L'amendement COM-51 prévoit que les assemblées parlementaires ou que les collectivités territoriales puissent se porter partie civile lorsqu'un élu est victime d'une agression. J'y suis favorable sur le fond, mais il est sans lien avec les dispositions figurant dans le texte.
L'amendement COM-51 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
L'amendement COM-52 est hors du champ du texte.
L'amendement COM-52 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.$
Article 7
L'amendement COM-2 est satisfait et pose de gros problèmes sur le plan légistique. Nous proposons d'en rester à la rédaction du texte. Avis défavorable.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
L'amendement de coordination COM-89 est adopté.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Après l'article 7
J'ai déjà répondu à Marie-Pierre de La Gontrie sur l'opportunité de faire figurer dans le texte l'expérimentation d'une juridiction spécialisée. Eu égard à la nomination d'une députée et d'une sénatrice - notre collègue Dominique Vérien - comme parlementaires en mission sur le sujet, considérant que le texte porte sur le ministère de l'intérieur et que nous n'avons pas abordé cette question lors de nos auditions, je sollicite le retrait de l'amendement COM-19 ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Je rappelle que je suis membre de la délégation aux droits des femmes depuis quatre ans.
L'amendement COM-19 n'est pas adopté.
Même avis sur l'amendement COM-54 : retrait ou avis défavorable.
L'amendement COM-54 n'est pas adopté.
Mon amendement COM-99, que j'ai déjà évoqué, concerne trois types de violences commises sur la voie publique.
Premièrement, il vise les violences faites aux élus locaux, dont je répète qu'elles sont en augmentation chaque année - de 57 % pour cette dernière année. J'ai été maire durant trente ans, et je puis dire que, dans l'intervalle, les conditions d'exercice des mandats locaux ont bien changé ! Les violences verbales et physiques sont terribles. Il s'agit de faire bénéficier les élus locaux du statut qui a été accordé aux policiers et aux gendarmes dans la loi Sécurité globale, en termes de peines et d'amendes.
Deuxièmement, l'amendement vise le refus d'obtempérer, qui a, pour sa part, connu une augmentation de 28 %. Hier, le ministre de l'intérieur nous a dit, lors d'un déjeuner de travail, qu'il avait assisté aux funérailles de 13 policiers ou gendarmes et que 80 % des décès de policiers faisaient suite à un refus d'obtempérer. Il s'agit là aussi de porter les quantums de peine à leur maximum.
Troisièmement, l'amendement vise le code de la route s'agissant des rodéos urbains : il s'agit d'aller beaucoup plus loin lorsque les faits ont été commis dans des circonstances qui exposent directement la population à un risque de mort ou de blessure pouvant entraîner une mutilation.
J'ai bien noté que M. Durain a proposé que nous présentions séparément ces trois volets de l'amendement. Je ne peux pas changer les choses à ce stade, mais nous débattrons des trois sujets en séance de manière distincte.
De fait, nous aimons tellement le travail de M. Daubresse que nous aimerions trois amendements plutôt qu'un... Si les thématiques étaient dissociées, notre groupe soutiendrait probablement une partie de ses propositions.
L'amendement COM-99 est adopté et devient article additionnel.
Avant l'article 8
Je suis défavorable à l'amendement COM-62 rectifié : il ne nous paraît pas utile de rouvrir le débat.
L'amendement COM-62 rectifié n'est pas adopté.
Article 8
L'article 8 est adopté sans modification.
Après l'article 8
L'amendement COM-4 rectifié est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Nous sommes assez circonspects sur l'amendement COM-5 rectifié bis, qui concerne les animaux de compagnie détenus au sein d'un foyer et l'ordonnance de protection des victimes de violences intrafamiliales. Avis défavorable.
J'ai cosigné cet amendement de mon collègue Arnaud Bazin, très attaché à ce sujet.
Je respecte la position des rapporteurs, mais je pense qu'il faut considérer l'environnement familial global. Cela ne peut qu'aider dans le traitement des difficultés.
J'ai également cosigné cet amendement. Je rejoins ma collègue : pour être très active auprès des associations qui luttent contre la maltraitance animale, je suis obligée de constater que toutes les violences se rejoignent. Il faut considérer l'environnement. À ce titre, l'existence de violences à l'égard des animaux constitue souvent un signe précurseur de maltraitances au sein du foyer.
Je n'ai pas pour habitude de m'opposer aux rapporteurs, qui ont fait un travail remarquable, mais j'appelle mes collègues à soutenir cet amendement. Nous aurons tous, un jour ou l'autre, dans nos permanences, à connaître de telles situations.
Je soutiens moi aussi cet amendement. On ne compte malheureusement plus les faits divers tragiques dont les victimes collatérales sont les animaux de compagnie, parfois pris en otage dans des situations de violences familiales ou des conflits de voisinage. Je le voterai en séance publique.
Le soutien à cet amendement est à la fois logique et cohérent avec le reste du texte. Notre groupe le votera en séance publique.
Je veux rappeler à nos collègues l'objet de cet amendement.
Selon le droit actuel, une femme victime de violences au sein d'un couple peut obtenir du juge aux affaires familiales (JAF) la délivrance d'une ordonnance de protection lorsque ces violences la mettent en danger ou mettent en danger un ou plusieurs enfants.
Cet amendement propose d'autoriser la délivrance d'une ordonnance de protection lorsque les violences mettent en danger un animal de compagnie détenu au sein du foyer, au motif que les violences contre l'animal pourraient être le prélude à des violences contre les personnes.
Il nous semble que l'adoption de cet amendement détournerait l'ordonnance de protection de son objet, au risque d'affaiblir le dispositif. Celle-ci vise à apporter une solution dans l'urgence à une femme qui est menacée ou qui craint pour la sécurité de ses enfants. Poursuivre un deuxième objectif, de même niveau, de protection des animaux de compagnie risque d'introduire de la confusion et d'encombrer les cabinets des juges aux affaires familiales, alors que ceux-ci doivent pouvoir statuer rapidement sur le premier sujet.
La lutte contre la maltraitance animale, objectif que nous partageons tous, est un sujet important. Les règles en la matière ont d'ailleurs été renforcées récemment par la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes. Il nous semble cependant hasardeux de mobiliser pour la lutte contre la maltraitance animale les outils conçus pour protéger les victimes de violences conjugales, même s'il est vrai qu'une violence indiscriminée peut parfois s'exercer contre l'animal et contre la personne humaine. Par conséquent, nous maintenons un avis défavorable.
L'amendement conduit à mettre sur le même plan les animaux et les êtres humains... Il est nécessaire d'approfondir le sujet, et de trouver des solutions plus adaptées. Quoi qu'il en soit, le débat aura lieu en séance.
L'amendement COM-5 rectifié bis n'est pas adopté.
L'amendement COM-6 rectifié bis porte sur le même sujet : avis défavorable.
L'amendement COM-6 rectifié bis n'est pas adopté.
Patrick Kanner sait combien nous partageons ce combat, comme l'ont traduit différents votes du Sénat, mais l'amendement COM-37 se heurte malheureusement à l'article 45 de la Constitution.
L'amendement COM-37 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Les amendements COM-76 rectifié, COM-77 rectifié et COM-78 rectifié sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 9
Avis défavorable aux amendements identiques de suppression COM-15, COM-45, COM-70 rectifié et COM-63 rectifié : nous tenons à l'article 9.
Les amendements identiques COM-15, COM-45, COM-70 rectifié et COM-63 rectifié ne sont pas adoptés.
L'article 9 est adopté sans modification.
Article 10
L'amendement COM-64 rectifié tend à supprimer l'article 10. Nous souhaitons son maintien, ne serait-ce que pour pouvoir en débattre en séance.
L'amendement COM-64 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement COM-46 rectifié propose de supprimer la possibilité pour les assistants d'enquête de procéder à la transcription des enregistrements. Nous sommes attachés à cette possibilité, quitte à ce qu'elle soit mieux encadrée : avis défavorable.
L'amendement COM-46 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement COM-97 a pour objet de renvoyer au décret en Conseil d'État la définition des modalités de retranscription des enregistrements par les assistants d'enquête. Cela nous paraît une bonne idée. Avis favorable.
L'amendement COM-97 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-16 devient sans objet.
La création des assistants d'enquête est une réforme ambitieuse. Elle pose tout de même un certain nombre de questions en matière d'attractivité, de formation et de niveau de rémunération. Dans ces conditions, il nous semble utile de proposer une évaluation au terme d'une période de trois ans. C'est l'objet de notre amendement COM-96.
C'est contradictoire avec ce que le président Philippe Bas nous avait enseigné, à savoir que l'on ne pouvait pas donner d'injonctions au Gouvernement.
Au reste, monsieur le président, si, à l'avenir, nous demandons des « évaluations » plutôt que des « rapports », aurons-nous plus de chance que nos amendements soient acceptés par la commission ?...
Je ne voudrais pas que vous rêviez trop...
Dans la mesure où le Gouvernement propose un dispositif nouveau, qui n'existe pas encore au sein des forces de police, il ne paraît pas totalement inutile que nous puissions l'obliger à nous dire, le moment venu, comment il fonctionne.
L'amendement COM-96 est adopté.
L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Après l'article 10
L'amendement COM-79 rectifié est un amendement d'appel sur l'obligation de formation continue des personnels des forces de sécurité intérieure, qui n'est pas toujours respectée. Je rappelle que nos collègues Catherine di Folco et Maryse Carrère travaillent sur le sujet de la formation de la police et de la gendarmerie.
Il sera intéressant d'en débattre en séance, mais, au stade de la commission, nous vous proposons de ne pas retenir cet amendement : réaffirmer une obligation qui existe déjà ne la rendra pas plus effective. Avis défavorable.
L'amendement COM-79 rectifié n'est pas adopté.
Par parallélisme avec ce qui se pratique pour les élèves officiers de la police et les élèves commissaires, l'amendement COM-90 vise à attribuer, la qualité d'agent de police judiciaire aux élèves officiers de la gendarmerie nationale durant leur scolarité en formation initiale.
L'amendement COM-90 est adopté et devient article additionnel.
Article 11
L'amendement COM-91 tend à introduire des simplifications relatives aux saisines des services de police technique et scientifique.
L'amendement COM-91 est adopté.
L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 12
L'amendement rédactionnel COM-3 est adopté.
L'amendement COM-47 vise à supprimer la présomption d'habilitation à la consultation de fichiers de police. La simplification apportée par l'article 12 n'empêchera en aucun cas le contrôle de l'habilitation. En revanche, le maintien de l'obligation, pour les policiers et gendarmes, de préciser systématiquement, quand ils consultent un fichier, qu'ils sont bien habilités à le faire, entraîne des lourdeurs aux conséquences parfois fâcheuses. Avis défavorable.
L'amendement COM-47 n'est pas adopté.
L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 13
L'amendement COM-48 concerne une demande de rapport d'évaluation. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement COM-48 n'est pas adopté.
L'article 13 est adopté sans modification.
Après l'article 13
L'amendement COM-92 tend à renforcer les prérogatives des agents de police judiciaire, sous le contrôle des officiers de police judiciaire.
L'amendement COM-92 est adopté et devient article additionnel.
Avant l'article 14
L'amendement COM-81 soumet à un délai de quinze jours l'appréciation du procureur de la République sur les suites à donner à des faits de violences conjugales. Au-delà du fait que nous n'avons pas pu échanger à ce sujet avec les procureurs de la République, une véritable enquête nécessite des délais beaucoup plus longs. Avis défavorable.
L'amendement COM-81 n'est pas adopté.
L'amendement COM-82 est irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
L'amendement COM-82 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 14
Les amendements identiques COM-13, COM-49, COM-69 rectifié et COM-65 rectifié tendent à supprimer l'article 14. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
Les amendements identiques COM-13, COM-49, COM-69 rectifié et COM-65 rectifié ne sont pas adoptés.
Plutôt que de généraliser la procédure d'amende forfaitaire délictuelle (AFD) à l'ensemble des 3 400 infractions susceptibles de déboucher sur une condamnation à un an de prison ou moins et plutôt que d'adopter une logique de critères qui aurait abouti à son extension à 700 infractions environ, l'amendement COM-93 tend à dresser une liste positive des infractions pouvant donner lieu à AFD.
M. le rapporteur a évoqué plusieurs centaines de milliers d'AFD. A-t-on une idée de leur taux de recouvrement ?
Et il est de l'ordre de 20 % pour les autres types d'infractions.
L'amendement COM-93 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-98 devient sans objet.
L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Après l'article 14
Les amendements COM-7, COM-8 et COM-9 sont irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Les amendements COM-7, COM-8 et COM-9 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
L'amendement COM-10 rectifié tend à supprimer la nécessité de réitération ou de formalisation de menaces pour encourir une sanction pénale.
Le code pénal sanctionne la menace de commettre un crime ou un délit de six mois de prison et 7 500 euros d'amende et la menace de mort de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende, à la condition que ces menaces, si elles sont orales, soient réitérées.
Le fait de proférer une menace une seule fois n'est donc pas passible de poursuites. Or une menace peut être bien réelle quand bien même elle n'est proférée qu'une seule fois. Inversement, elle peut être répétée dix fois sous le coup de l'énervement ou par une personne sous l'emprise d'alcool ou de stupéfiants, sans pour autant représenter une menace véritable.
L'évolution du droit ici proposée permettrait aux magistrats de sanctionner les menaces véritables, mais qui ne sont proférées qu'une seule fois. Avis favorable.
L'amendement COM-10 rectifié est adopté et devient article additionnel.
Les amendements COM-66 rectifié et COM-80 sont irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Les amendements COM-66 rectifié et COM-80 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 15
L'amendement COM-94 tend à supprimer l'exception selon laquelle la mise à disposition pour emploi des services et établissements publics de l'État ne serait pas applicable aux ARS en cas de « crise sanitaire grave ». Nous considérons que le préfet doit être l'autorité départementale auprès de laquelle sont mis à disposition les différents moyens de l'État en cas de crise, y compris les ARS.
Des rapports parlementaires ont relevé les dysfonctionnements intervenus à l'occasion de la crise de la covid-19, lorsque le préfet avait pour homologue le délégué départemental de l'ARS et que leurs discours divergeaient.
Il ne s'agit pas ici d'exclure l'ARS du dispositif de crise, mais de la mettre, comme les autres administrations, au service du préfet. Ce dernier doit être l'autorité ensemblière qui garantit la cohérence d'action de l'administration.
L'amendement COM-94 est adopté.
L'amendement COM-50 prévoit que, en période de crise, la décision du préfet de zone de donner des pouvoirs spécifiques au préfet de département soit motivée et rendue publique. En pratique, le préfet de zone rédigera probablement, faute de temps, des arrêtés types n'apportant aucune précision. Cette mesure est de nature à alourdir l'administration en période de crise. Avis défavorable.
L'amendement COM-50 n'est pas adopté.
L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Après l'article 15
L'amendement COM-38 tend à affirmer les principes de direction et de contrôle de la police judiciaire par l'autorité judiciaire. Avis défavorable.
L'amendement COM-38 n'est pas adopté.
L'amendement COM-72 rectifié est irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
L'amendement COM-72 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
Article 16
L'amendement COM-95 rectifié vise à rendre applicable le projet de loi dans les territoires ultramarins.
L'amendement COM-95 rectifié est adopté.
L'article 16 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 1er (rapport annexé) (précédemment réservé)
Les amendements identiques COM-26 et COM-68 rectifié visent à préciser l'accessibilité géographique et l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap des démarches numériques. Cela inclut les sites du ministère de l'intérieur. Avis favorable.
Les amendements identiques COM-26 et COM-68 rectifié sont adoptés.
L'amendement COM-53 apporte une précision rédactionnelle. Avis favorable.
L'amendement COM-53 est adopté.
L'amendement COM-28 tend à accompagner l'effort de dématérialisation par un effort d'accessibilité des démarches dématérialisées. Avis favorable.
L'amendement COM-28 est adopté, de même que l'amendement COM-29.
L'amendement rédactionnel COM-20 est adopté.
L'amendement COM-21 précise qu'il reviendra au ministère de l'intérieur de construire des partenariats privilégiés avec le monde académique et non l'inverse. Avis favorable.
L'amendement COM-21 est adopté.
Les amendements COM-24, COM-25, COM-18 et COM-67 rectifié visent à supprimer du rapport la mention de la généralisation des directions départementales de la police nationale.
Nous avons eu une discussion sur la réorganisation de la police par filières départementales, laquelle se poursuivra évidemment en séance. Attendons les conclusions de la mission d'information sur l'organisation de la police judiciaire, mais tenons d'ores et déjà compte des spécificités de la police judiciaire. Avis défavorable aux amendements COM-18, COM-24, COM-25 et COM-67 rectifié. Je vous propose plutôt d'adopter l'amendement COM-1 de Mme Bellurot et de M. Durain.
Les amendements COM-24, COM-25, COM-18 et COM-67 rectifié ne sont pas adoptés. L'amendement COM-1 est adopté.
L'amendement COM-57 rectifié tend à adapter la répartition territoriale entre la police et la gendarmerie selon des critères qualitatifs. Le ministre de l'intérieur a lui-même mis en avant l'année dernière cette question.
Dans le même esprit d'équilibre, l'amendement COM-58 vise à réactiver la coordination opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires (Corat). Il prévoit la généralisation des protocoles de coopération entre la police et la gendarmerie - c'est une nécessité.
Avis favorable.
L'amendement COM-58 est adopté.
L'amendement COM-22 autorise les inspections à utiliser les nouvelles possibilités permises par l'intelligence artificielle. Le rapport indique déjà que les inspections peuvent utiliser tous les moyens à leur disposition. Cet amendement est satisfait. Cela étant, nous pourrons rappeler cette préoccupation à l'occasion de la loi en préparation sur l'image et l'intelligence artificielle. Demande de retrait, à défaut avis défavorable.
L'amendement COM-59 rectifié vise à préciser que l'implantation de 200 nouvelles brigades de gendarmerie annoncée par le Président de la République devra s'effectuer selon des critères objectifs. Certains lieux auraient déjà été présélectionnés. Les modalités de financement de ces brigades nous inquiètent également, dans la mesure où les coûts de construction pourraient reposer sur les collectivités territoriales.
Quand c'est flou, il y a un loup ! Avis favorable.
L'amendement COM-59 rectifié est adopté.
L'amendement COM-56 apporte une précision visant à garantir les financements nécessaires à l'augmentation du nombre de réservistes souhaitée par le directeur général de la gendarmerie.
Avis favorable.
L'amendement COM-56 est adopté.
L'amendement COM-23 apporte des précisions superflues. Avis défavorable.
L'amendement COM-23 n'est pas adopté.
L'amendement COM-30 porte sur l'accessibilité de l'application « Ma sécurité ». Avis favorable.
L'amendement COM-30 est adopté.
L'amendement COM-17 supprime la phrase prévoyant l'expérimentation d'un robot d'accueil dans les brigades et les commissariats. Nous sommes tous d'accord pour dire que les robots d'accueil ne remplaceront pas le contact humain. Les expérimentations visées sont toutefois limitées et ciblées. Elles seront par ailleurs évaluées. Avis défavorable.
L'amendement COM-17 n'est pas adopté.
L'amendement COM-32 précise que les publics vulnérables à l'accueil desquels les policiers et gendarmes doivent être formés incluent les enfants en situation de handicap. Cette précision est superfétatoire. Avis défavorable.
L'amendement COM-32 n'est pas adopté.
L'amendement rédactionnel COM-27 est adopté.
L'amendement COM-33 prévoit qu'il convient de prêter une attention particulière aux femmes en situation de handicap, notamment dans la formation des agents et dans l'accompagnement des victimes. Avis favorable.
L'amendement COM-33 est adopté.
L'amendement COM-40 prévoit l'expérimentation d'une juridiction spécialisée dans les violences sexistes, conjugales et intrafamiliales. Comme l'indiquait Loïc Hervé, ce type d'expérimentation viendra en son temps, dans un autre texte. Avis défavorable.
L'amendement COM-40 n'est pas adopté.
L'amendement COM-31 rectifié indique dans le rapport annexé la possibilité de financer un audit des failles de sécurité éventuelles présentes dans les caméras déjà installées par les crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIDPR). Avis favorable.
L'amendement COM-31 rectifié est adopté.
L'amendement COM-34 porte sur des besoins de reconstruction à neuf des casernes de gendarmerie. Ce point mérite d'être débattu en séance publique. La commission se prononcera une fois que le Gouvernement aura pris position sur cette question. Dans l'attente, avis défavorable.
L'amendement COM-34 n'est pas adopté.
L'amendement COM-55 précise que 300 millions d'euros par an sont nécessaires à la reconstruction de casernes et aux travaux de maintenance.
Cet amendement, qui ne devrait pas plaire au Gouvernement, reprend des recommandations parlementaires et de la Cour des comptes. Avis favorable.
L'amendement COM-55 est adopté.
L'amendement COM-39 tend à répartir les moyens des services d'incendie et de secours par un maillage territorial et des capacités équilibrés. Avis favorable.
L'amendement COM-39 est adopté.
L'amendement COM-35 tend à insérer dans le rapport annexé la nécessité de la mise en place d'un programme d'évaluation des différentes mesures éducatives, dont les centres éducatifs fermés (CEF).
Si nous pouvons être d'accord avec cette volonté d'évaluation, cette mesure s'insérerait dans la partie du rapport relative au renforcement de la fonction investigation, ce qui ne paraît pas pertinent. Avis défavorable.
Je rappelle que cette mesure figure dans les préconisations du rapport d'information conjoint de la commission de la culture et de la commission des lois.
L'amendement COM-35 n'est pas adopté.
L'amendement de coordination COM-84 est adopté, de même que l'amendement rédactionnel COM-85.
L'amendement COM-36 tend à préciser que la formation des nouveaux policiers et gendarmes abordera la relation de la police avec les personnes en situation de handicap. Il s'agit d'un sujet trop spécifique dans une partie du rapport plus générale. L'amendement me semble par ailleurs satisfait par les amendements adoptés précédemment. Avis défavorable.
L'amendement COM-36 n'est pas adopté.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La réunion suspendue à 11 h 40 est reprise à 16 h 30.
Monsieur le garde des sceaux, la France fait partie des pays européens qui ont vu partir le plus grand nombre de jeunes hommes et femmes pour combattre en Irak et en Syrie aux côtés de l'organisation islamiste Daech : plus de 1 400 personnes auraient fait un séjour dans cette zone entre 2012 et la chute de l'organisation terroriste en 2019.
Trois ans plus tard, le nombre de Français détenus dans le nord de la Syrie est encore de plusieurs centaines, sans que nous ne disposions de chiffres exacts. Parmi eux, des enfants sont détenus avec ou même sans leurs parents. Là encore, les chiffres exacts nous font défaut, mais vous pourrez peut-être nous communiquer ceux dont vous disposez.
La France a toujours refusé le principe d'un retour général de tous les détenus français, mais a procédé, au cas par cas, à des rapatriements de femmes et d'enfants, notamment en juillet dernier, ou encore lundi dernier.
À ce jour, les décisions de la France en la matière sont des actes de gouvernement au sens du droit public, donc insusceptibles de recours devant les juges nationaux.
Saisie par des familles de personnes ayant demandé sans succès leur rapatriement, la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a rendu le 14 septembre dernier un arrêt confortant la position française d'examen au cas par cas. Mais elle exige que les décisions prises par le Gouvernement puissent faire l'objet d'un contrôle indépendant pour prévenir tout arbitraire et garantir la prise en compte notamment de l'intérêt supérieur de l'enfant.
Les décisions de refus de rapatriement prises jusqu'à présent et qui l'ont donc été sans ce contrôle doivent, en conséquence, être réexaminées.
Quelle est l'ampleur de la situation à laquelle nous devons faire face ? Combien de Français, et parmi eux combien d'enfants, peuvent demander leur rapatriement en France depuis le nord de la Syrie ? Quelle sera la doctrine du Gouvernement, singulièrement à l'égard de ces enfants ? Enfin, comment ferez-vous face aux rapatriements qui pourraient être plus nombreux à l'avenir, au vu de la jurisprudence de la CEDH ?
Ce sujet complexe justifie la pleine mobilisation du Gouvernement et du Parlement. Il pose question quant à nos valeurs, notre humanité, mais concerne aussi notre sécurité.
Pendant presque cinq ans, Daech a étendu son emprise en Irak et en Syrie sur un territoire aussi grand que la Grande-Bretagne. Nous avons tous été témoins des horreurs commises par cette organisaion : décapitations, exécutions massives, rapts, viols en masse, destruction de sites historiques, etc.
Porté par une propagande terrifiante, spécialement conçue pour s'adresser à la jeunesse occidentale, Daech a attiré de nombreux combattants terroristes, femmes et hommes. Le nombre de Français parmi eux est estimé à 1 500, dont beaucoup ont suivi une instruction militaire et un endoctrinement islamiste. Notre pays a subi ce terrorisme dans sa chair et fait toujours partie de ses cibles.
Nombre d'entre eux ont été tués lors des combats, d'autres arrêtés et condamnés en Irak, d'autres sont retenus dans le Nord-Est syrien sous contrôle kurde, d'autres enfin sont rentrés volontairement ou ont été expulsés par les autorités turques dans le cadre de ce que nous avons appelé le « protocole Cazeneuve ». Ceux qui sont rentrés ont fait l'objet de poursuites pénales systématiques.
La capacité de projection opérationnelle de Daech s'est considérablement réduite, mais la menace demeure. Les combattants restés sur place et les revenants incarcérés ou remis en liberté font l'objet d'un suivi systématique. Dès que le parquet national antiterroriste (Pnat) prend connaissance du départ ou du maintien sur zone de ressortissants français postérieurement aux attentats de janvier 2015, il ouvre systématiquement une procédure du chef d'association de malfaiteurs en vue d'une entreprise terroriste.
Sauf à démontrer un élément de contrainte, les femmes sont traitées comme les hommes, compte tenu de leur niveau d'endoctrinement et de la place qui leur était souvent conférée au sein de Daech. C'est ce qui s'est passé lors du retour de 16 femmes en juillet dernier.
Quel est le suivi en détention ?
Fin septembre, 129 revenants dont 51 femmes étaient incarcérés. Tous ont vocation à entrer dans le processus de prise en charge de la radicalisation dans des quartiers spécialisés par des équipes spécialement formées, notamment si un risque de prosélytisme, voire de passage à l'acte violent est identifié. La situation de chaque détenu fait l'objet d'un réexamen régulier, notamment pour adapter les mesures de sécurité. Le renseignement pénitentiaire est naturellement mobilisé.
Pour leur sortie, la loi du 30 juillet 2021 a comblé un vide en permettant de poursuivre le suivi et la prise en charge en sus des mesures administratives.
La situation est différente pour les enfants. Contrairement à leurs parents, ceux-ci n'ont pas fait le choix de rejoindre Daech. Notre responsabilité est de concilier humanité d'une part et prudence et pragmatisme d'autre part, car, considérés comme les « lionceaux du califat », ils ont été endoctrinés et ont tous vécu des expériences traumatisantes. Leurs récits, qui ne se libèrent parfois que quelques années après leur retour, font froid dans le dos.
Quelques chiffres : la France accueille 225 mineurs ayant séjourné dans une zone d'opération des groupes terroristes. Parmi eux, 217 ont séjourné en zone irako-syrienne, et huit dans d'autres zones de conflits (Afghanistan, Libye, Yémen, par exemple). La plupart d'entre eux sont rentrés avec leurs parents, soit parce que ceux-ci ont été expulsés, notamment de Turquie, soit parce qu'ils sont rentrés spontanément sur le territoire national. Par ailleurs, 77 mineurs ont été rapatriés par les autorités françaises, dont 71 depuis les camps du Rojava en sept opérations successives, entre le 15 mars 2019 et le 4 octobre 2022 et six autres depuis l'Irak.
Le 5 juillet 2022, la sixième opération de rapatriement menée par la France a permis le retour de 35 mineurs accompagnés - pour la première fois - de seize mères. Hier, un enfant de six ans en situation médicale critique, son frère de huit ans et sa mère ont fait l'objet d'une opération ponctuelle, la mère étant placée en détention provisoire.
Comment ces mineurs sont-ils suivis ?
Sur les 225 mineurs de retour de zone, 218 font ou ont fait l'objet d'une procédure en assistance éducative. Actuellement, 188 mesures sont en cours. Onze d'entre eux font l'objet de poursuites pénales, ils sont aujourd'hui majeurs.
C'est avec une extrême attention que le Gouvernement traite ce sujet difficile.
Coordonné par le Pnat, le dispositif national de suivi est articulé avec des mesures individuelles pour chacun des mineurs rapatriés par la France. L'instruction interministérielle du 21 avril 2022 précise le circuit de prise en charge des mineurs à travers une répartition déconcentrée sur l'ensemble du territoire suivant les liens familiaux de ces enfants. Dans les jours à venir, je signerai une circulaire de mise en oeuvre spécifique de cette instruction dans le domaine judiciaire mais les dispositions de suivi renforcé préconisées par l'instruction ont d'ores et déjà été mises en oeuvre à l'occasion des retours de juillet dernier.
Dans chaque département, un suivi doit s'organiser au sein de cellules de prévention de la radicalisation et d'accompagnement des familles (CPRAF), qui se réunissent pour l'occasion en formation restreinte sous la double responsabilité des procureurs de la République et des préfets. Ces réunions font l'objet de remontées systématiques au Pnat. Un comité interministériel de suivi se réunit régulièrement, comme il l'a fait aujourd'hui même.
Sur le plan individuel, tous les mineurs font l'objet dès leur descente d'avion d'une prise en charge systématique cumulant un placement à l'aide sociale à l'enfance (ASE) et des mesures éducatives en milieu ouvert, une interdiction de sortie du territoire étant systématiquement requise. Après une première évaluation, notamment médicale, ils sont placés sur décision du procureur de la République dans des familles ou des structures d'accueil adaptées et rapidement rapprochés des lieux dans lesquels ils ont des liens familiaux. Ce sont alors les parquets locaux qui s'en saisissent.
Lorsque les mères sont incarcérées, des parloirs médiatisés sont organisés afin d'assurer le maintien des liens familiaux entre les enfants et leurs mères. Il s'agit en effet souvent d'enfants très jeunes : les deux tiers ont moins de dix ans et 22 sont orphelins ; 77 d'entre eux, nés sur zone et n'ayant jamais connu la France, arrivent sans état civil ni lien de filiation établi. Le suivi de ces enfants est un travail au long cours, qui, lorsque c'est possible, associe également les familles, dont souvent les grands-parents. Il mobilise tous les acteurs qui entourent ces enfants : éducateurs, magistrats, soignants, enseignants...
Il nous faut permettre à ces enfants de retrouver une enfance aussi normale que possible, sans toutefois relâcher notre vigilance.
L'attitude de la France concernant la situation des ressortissants retenus dans le Nord-Est syrien a souvent été fustigée devant différentes instances internationales, telles que le Comité des droits de l'enfant ou le comité des Nations unies contre la torture. La position de la France est pourtant parfaitement équilibrée. Elle tient compte du nombre de Français concernés - la France ayant fourni le plus grand nombre de combattants étrangers à Daech. Elle concilie humanité et sécurité.
L'arrêt de la CEDH ne remet pas en cause cet équilibre. Comme le soutenait le Gouvernement, la Cour considère que la France ne peut être tenue pour responsable des conditions de vie dans les camps puisqu'elle n'y exerce pas sa juridiction. Elle confirme que les engagements internationaux de la France ne lui imposent pas de rapatrier les personnes retenues dans le Nord-Est Syrien. Certes, la France est condamnée, mais seulement pour ne pas avoir formalisé et objectivé le processus décisionnel conduisant au non-rapatriement. Le Gouvernement examine la manière dont il peut donner suite à cet arrêt et s'y conformer mais, comme je l'ai déjà dit, nous ne l'avons pas attendu pour agir - 77 enfants sont déjà rentrés et ont été pris en charge.
J'entends tellement de faux experts qui débitent le fameux « y'a qu'à, faut qu'on » ! Les choses sont difficiles : en cause, la sécurité des différents intervenants, dont, bien sûr, nos soldats, mais aussi des déchirements internes, la femme qui accepte le retour de son enfant étant considérée par les autres comme une collabo ! Entre les rodomontades que l'on peut lire dans certaines gazettes et la réalité de terrain, il y a une distance qui ne vous échappera pas.
Des évasions ont déjà eu lieu. Daech pourrait essayer de récupérer des combattants, d'autant que la région est particulièrement instable et que l'autorité des forces kurdes qui tiennent les camps s'inscrit dans un cadre géopolitique d'une grande complexité.
Il est au demeurant très compliqué d'organiser des opérations de retour. Nous sommes toujours dans le cas par cas. À chaque fois, la France doit assurer une réponse de fermeté pour les adultes, dans le respect du droit - c'est ce qui nous différencie de la barbarie de Daech.
Je salue à cet égard le bon résultat du procès des attentats du 13 novembre, dont témoigne le fait que personne n'ait interjeté appel. Je remercie tous les acteurs ayant permis que ce procès fasse pleinement honneur à notre État de droit. J'ai également une pensée pour les victimes de l'attentat de Nice.
La France doit réintégrer ces enfants avec vigilance et humanité. C'est l'honneur de notre République et de mon ministère que d'assurer cette mission difficile.
Merci pour ces précisions qui répondent à beaucoup de nos questions.
Quel est le délai de jugement de ces revenants après leur retour sur notre sol ? Quelles sont les étapes du processus en fonction de chaque personne ?
Cela ne doit pas être simple de traiter le cas des enfants. Avez-vous les moyens financiers suffisants ? Il nous faudrait faire un rapport d'étape dans un an, car plus de personnel sera peut-être nécessaire...
Nos établissements pénitentiaires sont-ils dimensionnés pour accueillir les femmes radicalisées ? Si elles doivent être proches de leurs enfants, eux-mêmes proches de leur famille lorsqu'ils en ont, elles doivent donc être disséminées sur le territoire. En quoi consiste le programme de déradicalisation ?
Avec les enfants actuellement détenus avec leur mère, la question des moyens des services de protection de l'enfance et de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), spécialement en Île-de-France, où atterrissent les avions qui les ramènent, se pose avec plus d'acuité que jamais. Ont-ils défini des modalités de prise en charge ? Celles-ci sont-elles appelées à évoluer ? Leurs moyens sont-ils adaptés ?
Des enfants, amenés dans ces camps par leurs parents, sont devenus majeurs et souvent orphelins. Nous connaissons tous des familles qui attendent impatiemment de les récupérer. Je pense aux membres de l'une d'entre elles, dans les Hautes-Pyrénées, qui espèrent revoir leur nièce et petite-fille Amina.
Permettez-moi d'avoir une pensée pour les centaines de morts des attentats suscités par cette idéologie mortifère. Je sais que la géopolitique est compliquée ; mais celles et ceux qui veulent aujourd'hui rentrer ont applaudi ces attentats. Ne l'oublions pas.
Combien y a-t-il d'enfants sur zone à rapatrier ? Combien d'entre eux sont-ils revenus sans leur mère, restée sur zone - le fait qu'il y en ait montre qu'on peut rapatrier les enfants seuls.
La prise en charge n'est pas simple. Chaque histoire est différente de celle du voisin.
Ces femmes revenues de Syrie et d'Irak sont parfois plus dangereuses que certains hommes. Parmi elles, y en a-t-il qui sont déjà ressorties de prison ? Si oui, comment sont-elles suivies ?
Monsieur le garde des sceaux, vous n'avez pas utilisé le mot « rapatriement » pour les adultes, et je vous en remercie : nous n'avons pas de dette morale pour des femmes ayant violé toutes les valeurs qui ont fait l'identité de la France.
Quelles sont les conséquences du retour de ces femmes en détention ? Une détention classique ne serait pas adaptée au regard du risque d'endoctrinement et de prosélytisme dans le milieu carcéral.
Le Royaume-Uni a retiré la nationalité britannique à 150 djihadistes et leur a interdit le retour ; le Danemark a suivi la même trajectoire. N'est-il pas temps de faire de même ? Doit-on toujours considérer ces djihadistes comme des Français ? Nous pourrions lancer un message fort et clair : il n'y a aucune place en France pour ceux qui violent nos valeurs.
Ces femmes doivent être jugées là où ont été commis les crimes ; seuls les enfants méritent d'être rapatriés.
Avez-vous une idée du nombre de ressortissants français encore retenus sur zone, enfants ou combattants ?
Que faire de ces gens ? Comment la France, tenue de respecter les arrêts de la CEDH, veut-elle traiter cette question ? Faut-il faire un tri, selon quels critères, ou rapatrier tout le monde ?
Les personnes rapatriées en France et détenues avaient-elles toutes fait une demande de rapatriement ?
Dans ce cas, les autorités françaises font-elles un choix selon que la personne a ou non du sang sur les mains ?
La commission des lois a eu l'occasion de visiter le centre pénitentiaire de Rennes et de constater les efforts du Gouvernement en faveur de la déradicalisation de ces femmes. Compte tenu du nombre de personnes qui restent détenues sur zone, la France a-t-elle la capacité de les traiter ?
Comme beaucoup ici, j'ai été maire ; j'ai le souvenir douloureux de n'avoir appris que bien après le départ de cinq jeunes Albigeois au djihad. Cela m'a permis de me rendre compte que je ne connaissais pas si bien ma ville...
La loi prévoit des incriminations suffisamment larges pour pouvoir poursuivre les mères. La loi du 30 juillet 2021 a pérennisé les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas) pour le suivi après la remise en liberté.
Sur les mineurs, je ne vois pas quelle peut être la compétence du Pnat. Vous avez évoqué des cellules départementales. L'objectif des parlementaires est d'avoir la certitude d'un suivi très précis. La mise en oeuvre des actions éducatives en milieu ouvert (AEMO) conduit souvent en pratique les départements à prendre la main. Sont-ils avertis du parcours de ces enfants ? Pouvez-vous garantir la capacité de notre pays à suivre dans la durée ces enfants, dont la majorité a moins de dix ans ?
La CEDH ne nous oblige effectivement pas à rapatrier, mais elle juge que la décision doit être prise par un juge ou une autorité indépendante. Avez-vous défini la procédure et les modalités de recours - car il y en aura forcément ? Avez-vous ou non besoin d'un véhicule législatif ?
Combien d'enfants et de femmes sont-ils encore dans ces camps ? Combien d'entre eux ont-ils refusé le retour ? Combien de femmes restent-elles là-bas malgré leur demande de retour ? Ces opérations se poursuivront-elles jusqu'au retour de tous ceux qui veulent revenir et de tous les enfants ?
Je suis très critique à l'égard de certaines officines censées organiser la déradicalisation, et dont l'action est très sommaire, comme si, après avoir visionné une, deux, trois vidéos, on était déradicalisé ! Si vous avez une conviction intime, il est compliqué de vous en détacher. Ce processus très difficile demande de grandes capacités en psychologie et beaucoup de temps. Comment se passe cette déradicalisation ?
Comment cette question est-elle traitée par nos voisins, notamment par les Britanniques ? La stratégie doit être nationale, mais cela peut être intéressant de savoir ce qui se fait ailleurs. Y a-t-il des coopérations dans ce domaine ?
Ma deuxième question porte sur les droits des grands-parents. J'ai vu à a télévision des grands-parents qui ne connaissaient pas leurs petits-enfants. Qu'est-il fait dans ce domaine ?
Les recours relatifs aux demandes de rapatriement de ressortissants français depuis l'étranger sont jusqu'à ce jour, considérés comme irrecevables par le Conseil d'État, qui voit dans les décisions de refus des actes de gouvernement. Or le 14 septembre dernier, la CEDH a condamné la France, affirmant que ces demandes devraient être examinées par une juridiction française et que les motifs de la décision de non-rapatriement devaient faire l'objet d'un contrôle minimum. Quelles évolutions jurisprudentielles faut-il attendre, selon vous, du Conseil d'État ?
Comment aiderons-nous les juges chargés de ces enfants ? Les juges des enfants bénéficient certes d'une formation spécifique, mais la situation est extraordinaire. Vu le nombre d'enfants, de très nombreux juges auront à connaître de ces affaires. Adaptera-t-on leur formation ?
Vu leur nombre, il y a un risque que ces enfants soient placés avec des enfants bénéficiant de mesures de protection chez des assistantes familiales qui ne seraient pas forcément formées. Comment gérer la confrontation entre ces deux mondes, sachant que les enfants de l'ASE sont déjà fragiles ?
Je souhaitais poser la même question que Loïc Hervé sur ce que font les autres pays où règne l'État de droit.
Nous sommes allés au centre pénitentiaire pour femmes de Rennes. Dans leur quartier sécurisé, les détenues radicalisées ne croisent pas les autres détenues. J'ai regardé les noms sur les cellules : il y avait un nom breton et d'autres qui ne l'étaient pas ; il n'y a pas de profil type, sauf peut-être quelques failles narcissiques chez elles. La prise en charge est d'autant plus difficile. Elle comprend des activités nombreuses avec un personnel hors pair. Elle doit éviter deux écueils : la non-observance des activités, comme on dit d'un traitement médical, et une forme d'accoutumance, de manipulation à l'envers.
Dans ces quartiers, on ne parle pas de déradicalisation, mais de prise en charge de la radicalisation.
Cela nécessite beaucoup de gens formés. Ceux qui y travaillent sont volontaires. Il y a des médiateurs du fait religieux - à ne pas confondre avec des aumôniers. Comment faire le diagnostic de la taqiya , qui consiste à dissimuler la réalité de son engagement ?
Ces femmes resteront six mois, renouvelables une fois, dans le quartier de prise en charge de la radicalisation. Ces prises en charge sont coûteuses : à Rennes, le coût des activités s'élève à 60 000 euros par an.
Les accompagnants de ces détenues difficiles ne gagnent pas plus que pour accompagner d'autres détenues. Pourrait-il y avoir une forme de reconnaissance pour cette prise en charge ?
Les droits des grands-parents sont bafoués. Leurs petits-enfants ont quitté le territoire alors qu'ils étaient enfants et reviennent une fois devenus adultes - mais le sont-ils réellement ?
Comment évalue-t-on le processus de déradicalisation ? Je pose la question, même si je ne veux pas briser la confidentialité qui doit s'appliquer en la matière. Quand décide-t-on d'arrêter le suivi ? Il y a habituellement une grande perversité dans ces profils. Ils ont souvent caché leur départ, ils ont su développer une double personnalité et partir du jour au lendemain. Comment évaluer que la personne est réellement déradicalisée, et qu'elle n'est pas dans la dissimulation ?
Vous avez été légitimement très curieux de ces situations qui nous inquiètent infiniment. Monsieur Wattebled, les délais de jugement sont une question difficile : certaines situations sont très simples et donneront lieu à une réponse simple : instruction rapide, phase de jugement rapide. Au contraire, d'autres procédures durent plus longtemps, parce que les situations sont complexes ou mettent en cause de nombreux mis en examen. Dans l'audiencement de l'affaire, il faut prendre en considération le nombre d'accusés si c'est une affaire criminelle. Je ne peux donc pas répondre de manière évidente à votre question : c'est du cas par cas. Pour les attentats de 2015, il a fallu une très longue instruction, puis un procès-fleuve, le « V13 ». Selon que les accusés reconnaissent ou non les faits, en fonction de la présence ou non d'éléments probatoires, de la complexité des investigations nécessaires, la durée de la procédure diffère.
La prise en charge de la déradicalisation rejoint la dernière question : peut-on avoir des certitudes ? Non, pas plus en matière terroriste qu'en droit commun. Certaines personnes ont été remises en liberté, ont été suivies, avec des expertises laissant penser qu'il n'y aura pas de récidive ; et puis malheureusement, celle-ci arrive. Certains en veulent aux juges qui ont pris la décision ; d'autres, plus sages, estiment que le juge, malgré toutes ses qualités, n'a pas le don de médiumnité. Des accidents peuvent survenir.
Il existe des quartiers d'évaluation de la radicalisation, avec une évaluation approfondie de quinze semaines. C'est long, afin d'observer, d'appréhender, d'échanger, d'évaluer le niveau d'engagement dans la radicalisation. Les personnels pénitentiaires mais aussi les psychologues, psychiatres, éducateurs, conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation (CPIP) s'en chargent. C'est nécessairement pluridisciplinaire.
À l'issue de cette évaluation, il y a trois options possibles : soit une détention ordinaire si le risque de prosélytisme est faible, soit une orientation en quartier de prise en charge de la radicalisation (QPR), soit un placement en quartier d'isolement pour les personnes les plus dangereuses, inaccessibles à la déradicalisation. Nous avons ouvert récemment un QPR pour femmes à Rennes - cela n'existait pas auparavant. Nous sommes en présence de personnes qui présentent un risque de prosélytisme ou de passage à l'acte identifié.
La déradicalisation est quelque chose d'infiniment complexe. J'évoquerai rapidement les médiateurs du fait religieux. Si vous allez voir un terroriste en lui disant qu'il s'est fourvoyé et que le Coran n'est pas ce qu'il en dit, que sa vision de la religion n'est pas la bonne, c'est fini : c'est le blocage absolu. Il faut pouvoir introduire le doute. Il faut que l'interlocuteur en face ait une connaissance théologique bien plus importante que le terroriste. C'est assez souvent le cas, parce que beaucoup d'entre eux ne connaissent pas la religion. Je me suis rendu au Maroc, où a été mis en place un processus de cette nature. Les Marocains ont choisi, pour intervenir en prison, des théologiens extrêmement pointus dans leur domaine ; ils instillent un doute, petit à petit, presque subrepticement, qui amène l'intéressé à se poser un certain nombre de questions. C'est comme cela qu'on y arrive naturellement. J'ai souhaité que nous ayons recours à des chercheurs en théologie du plus haut niveau possible. Mais à l'impossible, nul n'est tenu. Nous avons choisi les médiateurs du fait religieux en fonction de la capacité qu'ils ont à retourner une situation. Et s'y ajoutent les psychologues, psychiatres, CPIP... Petit à petit, on analyse le désengagement - quand il intervient. Telles sont les stratégies mises en place. À vrai dire, nous n'avons pas tellement d'autres choix. N'oublions pas la possibilité de mettre en place un suivi judiciaire sous le contrôle du juge de l'application des peines - qui n'existait pas autrefois -, ni les Micas, le jour où l'on envisage une fin de peine proche.
Le renseignement pénitentiaire - sans pouvoir en dire trop sur ce sujet - nous donne aussi une vision très objective du maintien dans l'engagement ou du désengagement du détenu.
Madame Carrère, les mineurs de retour de zones d'opérations font l'objet d'un suivi individualisé systématique. La PJJ y est évidemment très attentive, de même que les juges, qui sont formés spécialement à cet effet. Un certain nombre de psychologues, et pas des moindres, ont affirmé que ces enfants étaient des bombes à retardement, parce qu'ils ont vu des scènes traumatiques qui pourraient ressurgir. Nous devons être très attentifs à leur évolution et mettre les moyens humains et matériels suffisants, sachant bien évidemment que le risque zéro, promis par les populistes, n'existe pas.
Le Pnat effectue un suivi. On peut s'interroger, mais certains enfants ont une responsabilité pénale engagée très clairement. Certes, on prendra leur âge en considération, mais sans faire l'économie du reste. Dès leur descente d'avion, les mineurs rapatriés sont pris en charge par la justice et le juge des enfants ordonne un dispositif de suivi spécifique avec le prononcé d'une double mesure : un placement dans une structure ou une famille d'accueil de l'ASE et une mesure éducative, confiée à la PJJ.
Il est évidemment primordial de préserver les liens au sein de la fratrie et ne pas séparer les frères et soeurs. Le droit des grands-parents reste naturellement intact, car la filiation n'est pas touchée. Les grands-parents sont heureux, pour beaucoup d'entre eux, de pouvoir enfin tenter de sortir leurs petits-enfants de l'endroit où ils sont partis, à leur grand désespoir, emmenés par leurs propres enfants, souvent sans qu'ils le sachent. Oui, il faut être modeste. Mais dans les familles, voyez le désespoir lorsque des enfants qu'on croyait loin de toutes ces choses sont partis faire le djihad. Imaginez la déconvenue - le mot est faible - des grands-parents.
Madame Eustache-Brinio, les femmes sont systématiquement judiciarisées et détenues. Je ne dispose pas de tous les chiffres parce que plusieurs procédures sont en cours. À ma connaissance, il y a une femme hospitalisée, les autres sont détenues. J'essaierai de vous donner des chiffres plus précis, mais le Pnat ne me transmet pas ces chiffres au jour le jour.
Faut-il les juger sur place, monsieur Le Rudulier ? Les victimes sont là-bas et il n'y a rien d'anormal à ce que des ressortissants français soient jugés sur place. Dans le droit commun, si un Français commet une infraction à l'étranger et est appréhendé, il est naturellement jugé à l'étranger. Les adultes qui ont choisi de rejoindre les rangs d'une organisation terroriste doivent être jugés au plus proche des lieux où ils ont commis les faits, là où se trouvent les victimes. La ligne rouge que l'on ne veut pas franchir, c'est évidemment l'exécution d'une condamnation à mort, car il s'agit, qu'on le veuille ou non, d'un ressortissant français. Notre doctrine, c'est de ne rapatrier que ceux qui le veulent. Personne n'oublie que ces gens sont allés nous combattre, et qu'ils ont généré le malheur des enfants dont nous venons de parler. Mais il est difficile d'interdire à un ressortissant français de revenir sur le sol français s'il le souhaite. Encore faut-il que cela soit possible - je pense à la sécurité de nos soldats. C'est la raison pour laquelle l'arrêt rendu par la CEDH ne nous demande pas de changer de doctrine ; il nous demande simplement de mieux informer et de permettre un recours. Nous allons nous y adapter parce que nous sommes respectueux de l'État de droit et des décisions rendues par la Cour.
Beaucoup d'entre vous demandent des chiffres, mais je ne peux pas vous donner de chiffres très précis. Il y aurait environ 200 personnes concernées. C'est encore plus compliqué pour les enfants, car certains sont nés sur place et n'ont pas d'état civil ; ils ne sont pas répertoriés chez nous.
Monsieur Bonnecarrère, les cellules départementales de suivi pour la prévention de la radicalisation et l'accompagnement des familles sont le maillon essentiel du suivi dans les départements. Naturellement, il y a une interaction très proche à la fois des CPIP, de la PJJ, des juges des enfants. Il est indispensable d'intervenir avec humanité pour ces enfants, mais ceux-ci peuvent aussi constituer un danger - nous devons les suivre de près. Il n'y a pas d'angélisme. Nous devons être très vigilants et nous ne sommes pas dans un processus de placement classique - je vous rassure sur ce point.
Pour les 200 personnes encore sur place, les autorités françaises ont-elles déjà été saisies de demandes de retour ?
Nous sommes intervenus au cas par cas mais aussi au coup par coup. Cela dépend aussi de la sécurité des intervenants. Pour nos soldats, il n'est pas simple d'intervenir. Nous sommes aussi vigilants sur la situation des femmes et des enfants.
J'ai déjà répondu pour le droit des grands-parents, monsieur Hervé. La filiation reste évidemment intacte.
Nous coopérons avec les Européens, et échangeons en particulier avec les Belges, les Néerlandais, les Allemands. Les Danois ont rapatrié certains de leurs ressortissants. Ces décisions restent de la compétence nationale. Le dispositif français, à la fois judiciaire et administratif, est sans doute le plus complet, ce qui ne nous empêche pas d'échanger sur les pratiques des uns et des autres.
Madame Belrhiti, je n'ai pas la même lecture que vous de l'arrêt de la CEDH. Nous allons réaliser les adaptations nécessaires, mais il n'y a pas de demande d'autorisation judiciaire. Aucune obligation de droit international, conventionnel ou coutumier, ne contraint les États à rapatrier leurs ressortissants. Mais ce ressortissant a le droit de demander à rentrer, auquel cas, nous devons motiver notre refus et autoriser un recours.
Madame Lherbier, la compétence de ceux qui prennent en charge ces enfants est une préoccupation légitime. Il est indispensable que nous protégions les enfants - cela fait partie de nos valeurs universelles - mais il nous faut aussi être vigilants. Les magistrats, confrontés depuis de nombreuses années à ces problèmes, sont formés. Formations et stages spécifiques sont dispensés par l'École nationale de la magistrature (ENM). Des échanges très réguliers sont établis avec les services du Pnat ; les juges des enfants intervenant dans ce domaine particulier se spécialisent et s'organisent.
Madame Cukierman, comment évalue-t-on le processus de radicalisation ? J'aimerais pouvoir le savoir à 100 %, mais ce n'est pas le cas.
Nous faisons tout pour le savoir. Cela marche souvent. C'est la même chose que pour une récidive en droit commun. Les gazettes n'évoquent jamais la non-récidive d'untel. Mais si, par malheur pour notre société et une nouvelle victime, cette personne a récidivé, on en parle.
La Chancellerie a suivi pas à pas la création de ce nouveau quartier à Rennes, qui a une directrice formidable. Rennes était déjà un modèle en matière de travail des détenues, avec de nombreux ateliers fabriquant, par exemple, des uniformes pour les agents pénitentiaires.
Le budget de fonctionnement du QPR à Rennes est passé de 20 000 euros en 2021 à 60 000 euros en 2022. Sa capacité va être portée à 29 places. Seront mobilisés et formés douze surveillants, trois gradés, un directeur, un directeur d'insertion et de probation, deux psychologues et deux éducateurs.
Je vous remercie de votre intervention très claire et précise.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 17 h 45.