La séance est ouverte à neuf heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Lors du scrutin n° 78 du 15 janvier dernier sur l’ensemble du projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le code de la santé publique, Mme Hélène Conway-Mouret a été enregistrée comme s’étant abstenue, alors qu’elle souhaitait voter contre.
Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
La parole est à M. Jérôme Bascher, auteur de la question n° 1992, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
J’attire l’attention du ministre des solidarités et de la santé et de l’ensemble du Gouvernement sur la situation du groupement hospitalier public du sud de l’Oise (GHPSO), créé voilà dix ans par la fusion des deux hôpitaux de Creil et de Senlis. Je m’étais à l’époque prononcé pour cette fusion, destinée à mutualiser les services et à disposer d’un seul hôpital performant plutôt que deux services moyens situés à dix kilomètres de distance l’un de l’autre.
Mille fois hélas, cela ne fonctionne pas. On peut même dire que cela dysfonctionne ! Pis encore, aujourd’hui, les urgences et la ligne de la structure mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) de Senlis sont fermées : nul ne sait quand elles rouvriront…
Cet été, ces services ont été fermés en août, jusqu’en septembre. Il a fallu une grande mobilisation de l’ensemble des élus, dont moi-même, pour qu’ils ouvrent de nouveau. Mais nous sommes aujourd’hui dans l’expectative.
Monsieur le secrétaire d’État, que pouvez-vous nous annoncer de positif pour ce service d’urgence ?
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
Monsieur le sénateur Bascher, le groupement hospitalier public du sud de l’Oise, déployé sur deux sites distants de 15 kilomètres entre Creil et Senlis, fait l’objet, pour les raisons que vous avez exposées, d’une attention toute particulière de l’agence régionale de santé (ARS) des Hauts-de-France. Je salue d’ailleurs la disponibilité de cette dernière, que je connais bien, pour les équipes médicales et les élus de terrain, lesquels ont été associés aux discussions et aux réflexions sur ce sujet. Une réunion en visioconférence s’est ainsi tenue le 2 décembre dernier, à laquelle vous avez participé, monsieur le sénateur.
Vous le savez, en raison d’un manque de ressources médicales et en vue de permettre une prise en charge optimale des patients, ainsi que le travail des professionnels, les urgences pour adultes du groupement ont dû être temporairement regroupées sur le site de Creil, qui connaît le plus grand nombre de passages et qui dispose du plateau technique le plus important.
Auparavant, d’autres options avaient été étudiées, mais celle-ci est apparue comme la seule à même d’apporter le plus de sécurité à l’activité.
Ce regroupement a permis d’assurer la qualité et la sécurité des prises en charge. À cet égard, je salue les équipes qui se sont mobilisées et réorganisées à cet effet. Je souligne la coopération avec les centres hospitaliers du territoire, en particulier celui de Beauvais, ainsi que la recherche de partenariat engagée avec les professionnels de ville pour faciliter et développer l’accès aux soins non programmés ne nécessitant pas un recours aux urgences hospitalières. Nous avons débattu de ces problématiques à de nombreuses reprises dans cet hémicycle.
La perspective, désormais, est de renforcer l’effectif médical autour d’un projet médico-soignant rénové et attractif. En effet, ainsi que je l’ai souligné, c’est un problème de ressources médicales qui est à l’origine de la situation actuelle.
Une réouverture du service d’urgence de Senlis pourrait ainsi intervenir après le recrutement de trois à quatre médecins urgentistes. Il s’agit donc bien d’un dispositif transitoire, qui sera revu dès que possible. Un nouveau directeur a été nommé à la tête du groupement. Ce nouveau directeur dispose d’une expertise appuyée et d’une excellente connaissance du territoire. L’ARS et le ministère seront mobilisés à ses côtés, en association étroite avec les élus locaux.
Une fois n’est pas coutume, je n’ai pas de doute concernant le directeur du GHPSO nommé par intérim, qui s’occupait déjà de l’hôpital de Beauvais, ni sur la volonté du directeur général de l’ARS. Simplement, il faut leur accorder des moyens exceptionnels afin de leur permettre de recruter et de faire venir des médecins sur ce territoire situé à 50 kilomètres de Paris.
Je rappelle que cet hôpital est le plus proche de l’aéroport de Roissy et de l’autoroute A1. Il est donc essentiel, surtout en cette période d’épidémie de covid.
La parole est à M. Loïc Hervé, auteur de la question n° 1968, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Monsieur le secrétaire d’État, j’évoquerai la grande précarité dans laquelle se trouvent les établissements médico-sociaux de la Haute-Savoie.
Alors que ces établissements manquent de personnel pour fonctionner de façon normale, les perspectives de recrutement sont inexistantes, résultat d’une situation tant conjoncturelle et locale que structurelle.
Ce secteur souffre d’un manque de reconnaissance et d’attractivité, d’autant qu’il ne bénéficie pas du plan de revalorisation du Ségur de la santé.
Des décisions drastiques et inhumaines ont ainsi dû être prises comme la fermeture de l’accueil temporaire ou une prise en charge plus courte des occupants.
À la maison d’accueil spécialisée (MAS) Notre-Dame-de-Philerme de Sallanches, gérée par l’Ordre de Malte, qui accueille des autistes, l’extension de dix places inaugurée en 2020 reste désespérément vide, faute de personnel suffisant, malgré des opérations de formation réalisées avec les groupements d’établissements (Greta) et les maisons familiales rurales (MFR).
Pour avoir visité cet établissement avec M. Xavier Roseren, député de Haute-Savoie, je puis vous assurer que le désarroi des familles est grand. Face à cette situation, que comptez-vous faire ?
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
Monsieur le sénateur Hervé, les établissements médico-sociaux de Haute-Savoie connaissent actuellement des difficultés marquées de recrutement.
Cette problématique s’inscrit dans un contexte plus global de pénurie de candidats dans certains métiers de l’autonomie, laquelle s’explique en partie par la situation géographique de la Haute-Savoie, située à proximité de la Suisse, dont l’attractivité salariale séduit de nombreux professionnels du secteur.
Il est par ailleurs connu que les prix élevés des logements en Haute-Savoie pénalisent les installations.
La nouvelle vague épidémique accentue ces tensions. Les besoins de remplacements sont nombreux et viennent accroître la charge de travail de professionnels déjà éprouvés.
La MAS Notre-Dame-de-Philerme, que vous avez évoquée, connaît effectivement d’importantes difficultés. L’établissement, dont l’extension de dix places a recueilli l’avis favorable de la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité, ne trouve effectivement pas encore les équipes nécessaires.
En attendant l’ouverture effective, le financement a été reporté sur la création d’une équipe mobile autisme adulte, laquelle intervient depuis 2018 auprès d’aidants familiaux et professionnels. Cette équipe, incontournable sur le territoire, a été pérennisée lors du passage de l’organisme gestionnaire sous contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM).
L’ARS œuvre à réunir les conditions de disponibilité de la ressource humaine. Divers leviers sont mobilisés : mutualisation des ressources, qu’il s’agisse des établissements et services médico-sociaux (ESMS), des centres hospitaliers ou de l’hospitalisation à domicile (HAD) ; possibilité de passer des contrats de vacation de gré à gré avec des professionnels de santé libéraux.
À moyen terme, il s’agit d’améliorer l’attractivité des métiers. La ministre déléguée chargée de l’autonomie, Brigitte Bourguignon, mène en la matière une action continue et déterminée.
Le Ségur de la santé et le plan d’action pour les métiers du grand âge et de l’autonomie ont permis d’importantes revalorisations salariales, le renforcement des formations, mais aussi le lancement d’actions de communication sur les métiers du grand âge, ainsi que, d’ores et déjà, des déclinaisons régionales. Il s’agit de faire connaître ces métiers pour essayer d’attirer de nouveaux candidats.
Cette déclinaison se poursuit puisqu’une concertation s’est organisée entre les différents acteurs impliqués dans le département de Haute-Savoie afin de définir une stratégie coordonnée, structurée et efficace.
Nous partageons votre diagnostic, ainsi que les pistes de travail. Mais que dire à une mère isolée de 80 ans qui doit reprendre à la maison son fils autiste de 50 ans alors qu’il était habitué à vivre à la maison Notre-Dame-de-Philerme, qui constituait son cadre de vie et où il avait ses habitudes ? Comment une personne vivant seule peut-elle prendre en charge son fils handicapé alors qu’elle n’a plus les capacités physiques et l’énergie suffisantes pour le faire, et ce malgré toute sa générosité et son instinct maternel ?
Je tenais ce matin en exergue cet exemple humain pour témoigner du désarroi de ces familles. Il faut prévoir pour la Haute-Savoie, à l’instar de ce qu’Amélie de Montchalin veut faire pour la fonction publique, des réponses spécifiques, car les réponses nationales ne conviendront jamais à la typicité notre département !
La parole est à M. Christian Bilhac, auteur de la question n° 1841, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
La mise en place en janvier 2020 de l’avenant n° 6 à la convention nationale des infirmiers libéraux avait pour objectif de garantir l’accès aux soins de tous les patients, la modernisation de l’activité libérale et la simplification des actes infirmiers, notamment en milieu rural.
Dans les territoires ruraux, les citoyens ont pu mesurer le rôle joué par les infirmiers libéraux en cette période de crise sanitaire, non seulement dans le domaine de la santé, mais aussi pour la préservation du lien social.
Pourtant, ce texte ne tient pas compte de la réalité de la pratique quotidienne de cette profession.
Ainsi, le plafonnement journalier des indemnités kilométriques porte préjudice à la profession : l’abattement est de 50 % à partir de 300 kilomètres et de 100 % au-delà de 400 kilomètres.
De plus, les indemnités kilométriques d’un infirmier s’élèvent à 0, 35 euro par kilomètre en plaine et à 0, 50 euro par kilomètre en montagne. Face à la hausse du prix du carburant, ces montants sont très insuffisants.
En comparaison, les médecins perçoivent 0, 61 euro par kilomètre en plaine et 0, 91 euro par kilomètre en montagne. Or une voiture consomme autant, qu’elle soit celle d’un infirmier ou d’un médecin. Une telle différence, qui va du simple au double, est injustifiée.
Cette inégalité de traitement dans la facturation des frais kilométriques, ajoutée à la faiblesse des montants indemnitaires pour les infirmiers, décourage les plus jeunes de s’installer en milieu rural, ce qui accroît les déserts médicaux.
C’est pourquoi je demande au Gouvernement de prendre des mesures urgentes pour revaloriser les prestations des infirmiers libéraux, en particulier leur régime d’indemnités kilométriques. Cela traduirait la reconnaissance de leur profession.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.
Monsieur le sénateur Bilhac, vous attirez l’attention du Gouvernement sur la nécessité de revoir les dispositions de l’avenant n° 6 à la convention nationale des infirmiers libéraux relatives à la prise en charge des indemnités kilométriques, considérant que celles-ci, notamment le dispositif de plafonnement journalier du montant facturé des indemnités kilométriques, pourraient être défavorables, en particulier dans les zones rurales, en cette période de crise sanitaire.
Un abattement au tarif du remboursement de ces indemnités est en effet déterminé au regard de la distance journalière facturée par l’infirmier.
Cette nouvelle disposition a pour objectif de limiter les difficultés qui existaient précédemment, ainsi que les indus engendrés à ce titre, et de laisser la possibilité à de nombreux infirmiers libéraux de facturer en étoile, c’est-à-dire sans mesurer à chaque fois la distance parcourue à partir du cabinet.
Ce mode de calcul, fruit des négociations menées avec les représentants des infirmiers libéraux, apporte donc en réalité une souplesse bienvenue.
Cette disposition fait l’objet d’un suivi entre l’assurance maladie et les représentants des professionnels, comme toutes les mesures conventionnelles, et pourra être adaptée le cas échéant.
Par ailleurs, je souligne que des mesures ont été prises concernant l’accès aux soins, qui est un des objectifs prioritaires du plan Ma Santé 2022.
L’avenant n° 6 permet à cet égard d’améliorer la prise en charge et l’accès aux soins des patients, en mobilisant plusieurs leviers : le développement de la coordination pluriprofessionnelle ; l’investissement dans la prévention ; une meilleure connaissance des soins infirmiers.
Enfin, les mesures démographiques visant à permettre un meilleur maillage territorial ont été renforcées pour favoriser l’exercice des infirmiers dans les zones rurales spécifiquement. À titre d’exemple, l’aide forfaitaire à l’installation s’élève à 27 500 euros, l’aide forfaitaire à la première installation à 37 500 euros et le contrat d’aide au maintien à 3 000 euros par an.
Il me semble donc, monsieur le sénateur, que nous prenons en compte le mieux possible les spécificités des territoires.
Merci, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse. Il convient tout de même de préciser que, en milieu rural, les infirmiers parcourent des centaines de kilomètres. Pendant qu’ils sont au volant de leur voiture, ils ne pratiquent pas de soins et ne perçoivent donc pas de rémunération.
La parole est à M. Didier Marie, auteur de la question n° 2057, adressée à M. le ministre de l’intérieur.
À plusieurs reprises, notamment en décembre 2020, en avril 2021, ainsi qu’au lendemain d’une rixe entre jeunes ayant causé la mort de l’un d’entre eux en juin 2021, les maires de la métropole de Rouen, de toutes sensibilités, et moi-même vous alertions sur la montée de l’insécurité.
Les maires font tout ce qu’ils peuvent pour assurer la tranquillité publique. Ils renforcent les effectifs des polices municipales, ils élargissent les dispositifs de vidéoprotection, ils augmentent les actions de prévention, mais les polices municipales ne peuvent se substituer à la police nationale.
Ces alertes sont restées sans réponse et la situation continue de se dégrader : augmentation des trafics, des vols, des violences urbaines et des violences intrafamiliales, exacerbées par le contexte sanitaire.
La préfecture a réalisé un important travail d’évaluation des besoins, qui a confirmé la nécessité d’augmenter le nombre de policiers.
En octobre dernier, le ministre de l’intérieur a finalement annoncé l’arrivée prochaine de soixante agents supplémentaires sur le territoire de Rouen-Elbeuf. Il s’est personnellement engagé à venir présenter le calendrier de leur déploiement. Depuis, rien ne s’est produit…
Ce nombre supplémentaire d’agents semble déjà très sous-évalué, mais il est temps que ces promesses soient tenues ! Des annonces du même type avaient été faites par le précédent ministre de l’intérieur en 2019, mais n’ont jamais été honorées.
Nous sommes en janvier 2022 : quand ces effectifs arriveront-ils dans l’agglomération de Rouen-Elbeuf ?
Monsieur le sénateur, en matière de sécurité, les attentes des Français sont fortes et légitimes. Le Gouvernement et sa majorité parlementaire ont fait de la sécurité une politique prioritaire et mobilisent pour cela tous les leviers, de la prévention à la répression.
Cette politique se traduit par des moyens massifs, concrets, mesurables, le budget du ministère de l’intérieur étant cette année encore en hausse de 1, 5 milliard d’euros. Elle doit être menée avec les élus locaux.
Nous agissons pour renforcer l’efficacité des forces de l’ordre, grâce à des moyens accrus, à des outils juridiques adaptés, avec des policiers mieux formés et mieux équipés. La transformation numérique se poursuit : l’application MaSécurité.fr sera lancée prochainement et permettra à chacun d’avoir accès plus facilement aux forces de l’ordre, notamment dans le cadre du chantier de la plainte en ligne.
Les premiers résultats sont là, même si nul ne songe à nier la violence et les incivilités, dont plusieurs élus sont les victimes très directes.
Vous avez raison, monsieur le sénateur, la question des effectifs est centrale, même si la politique de sécurité ne saurait s’y limiter. C’est pourquoi, conformément aux engagements pris, nous avons recruté au cours du quinquennat près de 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires. Par ailleurs, une véritable réserve opérationnelle de la police nationale sera mise en place. Toutes les circonscriptions de police auront bénéficié d’une hausse significative de leurs effectifs sur la durée du quinquennat.
Néanmoins, nous devons agir aussi pour que les policiers soient davantage sur le terrain, là où les Français aspirent à les voir. C’est ce que nous faisons dans le cadre de la négociation menée sur les cycles horaires, de la politique de substitution des policiers et des gendarmes par du personnel administratif, de la réforme si importante de la procédure pénale et de la création demain d’un corps de greffiers de police.
Comme le Président de la République l’a annoncé à Nice, ce mouvement va encore s’amplifier. Notre objectif est clair : il s’agit de doubler d’ici à 2030 la présence des policiers et des gendarmes sur la voie publique pour mieux renforcer la sécurité du quotidien.
En ce qui concerne la circonscription de sécurité publique de Rouen, je vous confirme, monsieur le sénateur, qu’elle bénéficiera d’ici à la fin du présent semestre d’un renfort de soixante policiers.
À la fin du mois de novembre 2021, cette circonscription de police s’appuyait sur un effectif opérationnel de 597 gradés et gardiens, auxquels s’ajoutent 20 policiers dédiés au quartier de reconquête républicaine des Hauts de Rouen, soit 617 agents, contre 500 à la fin de l’année 2016.
Madame la ministre, votre réponse reste générale. Nous avons besoin aujourd’hui d’une date. Comme je l’ai souligné, la situation sur le terrain est tendue.
Dans ma commune, à Elbeuf, pas moins de cinq vols à main armée ont été commis par un individu dans des commerces locaux. Le maire et les commerçants ont écrit au ministre de l’intérieur pour demander une plus forte présence de la police nationale. J’espère, cette fois-ci, qu’ils auront une réponse.
J’espère également que le ministre viendra en personne annoncer aux maires du territoire de la métropole des solutions rapides, ainsi qu’un calendrier de mise en œuvre.
La parole est à M. Christian Klinger, auteur de la question n° 1961, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants.
Les conditions d’attribution au conjoint survivant de la demi-part fiscale propre aux anciens combattants relèvent de l’article 195 du code général des impôts, modifié par la loi de finances pour 2020.
Depuis le 1er janvier 2021, les veuves ou veufs d’anciens combattants bénéficient de l’attribution de la demi-part fiscale à compter de leur soixante-quatorzième année si et seulement si l’ancien combattant est décédé entre 65 ans et 74 ans. Si cette avancée a été appréciée sur le moment, elle se révèle insuffisante à l’usage.
Aujourd’hui, la différence de traitement entre conjoints survivants selon l’âge du décès de l’ancien combattant piétine un principe essentiel que l’on appelle le principe d’égalité entre les générations du feu. Ce principe est un pilier fondamental de notre défense nationale.
Ces conjoints survivants d’un ancien combattant mort avant d’avoir atteint 65 ans subissent donc une double peine : la perte de leur conjoint et la privation d’un droit légitime. Ils font les frais d’une carence d’évaluation et de conditions restrictives imposées par des politiques publiques éloignées de leurs préoccupations.
Ce sont près de 15 % des veuves ou veufs d’anciens combattants qui sont concernés : 15 %, seulement, me direz-vous. Mais pourquoi n’auraient-ils pas droit, eux aussi, à la reconnaissance de la Nation pour les services que feu leur conjoint a rendus ?
Madame la ministre, à l’heure où nombre de nos anciens combattants vivent en dessous du seuil de pauvreté, où les futurs anciens combattants rentrent du Mali ou se battent au Sahel, que comptez-vous faire pour remédier à cette situation ?
Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l’absence de Mme Darrieussecq, qui ne pouvait être présente ce matin et m’a chargée de vous répondre.
Ma collègue a d’ailleurs récemment clôturé le congrès de la fédération à l’origine de l’enquête que vous évoquez et a veillé à entretenir, depuis 2017, avec l’ensemble des associations d’anciens combattants les relations les plus cordiales et les plus fructueuses.
Je pense tout d’abord aux veuves et veufs de guerre et d’invalides de guerre, qui ont consenti par la perte de leur conjoint l’ultime sacrifice. Nous leur devons une reconnaissance exemplaire et sans faille. C’est pourquoi ils bénéficient d’une pension militaire afin de pourvoir à leurs besoins et à ceux de leurs enfants, pupilles de la Nation. Ils bénéficient aussi d’une demi-part fiscale, sans condition d’âge, pour eux comme pour leur conjoint décédé au combat.
Par ailleurs, le ministère des armées a porté en 2019 et en 2020 des mesures favorables pour ces veuves, notamment celles qui ont apporté des soins constants à leur conjoint invalide. En 2022, le point de la pension militaire d’invalidité (PMI) a connu une augmentation exceptionnelle et a été porté de 14, 70 à 15, 05 euros. Cette hausse aura un effet visible et immédiat sur le niveau de vie de ces veuves. C’est là une mesure de justice.
Pour celles et ceux dont le conjoint n’a pas été blessé, mais a obtenu la carte du combattant, la priorité a été d’augmenter et de maintenir les moyens de soutenir les plus fragiles.
Ces veuves, qui ne sont généralement pas imposables, doivent faire face aux frais de la vie courante et parfois à ceux de la dépendance. C’est là que le budget de l’action sociale est essentiel, en complément de l’action résolue du Gouvernement pour les petites retraites – je pense à l’augmentation de 100 euros par mois du minimum vieillesse, notamment.
En 2021, de nouveau, ce budget a été consommé grâce à la mobilisation des services de proximité.
Telles ont été les priorités portées par le ministère délégué chargé de la mémoire et des anciens combattants depuis 2017, à savoir, d’une part, la reconnaissance pour celles qui, par leur conjoint, ont consenti le sacrifice ultime et, d’autre part, l’accompagnement des plus fragiles, qui est absolument essentiel.
Madame la ministre, vous n’avez pas tout à fait répondu à ma demande. Quid des 15 % de veufs et de veuves qui sortent du radar et qui ne bénéficient pas de cette pension ?
Cette part fiscale représente une goutte d’eau dans le budget de l’État. Alors qu’on a dépensé des milliards d’euros ces derniers mois, on pourrait aussi penser à ces veuves et à ces veufs. Je rappelle que la retraite d’ancien combattant, expression de la reconnaissance de la Nation, s’élève à 782 euros par an…
La parole est à M. Patrice Joly, auteur de la question n° 2049, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Depuis le 1er janvier 2022, le forfait patient urgences (FPU) est entré en vigueur. Il s’agit d’un forfait de 19, 61 euros facturé à toute personne qui se rend aux urgences d’un hôpital pour des soins non suivis d’une hospitalisation.
Dans les déserts médicaux, ce forfait constitue une double peine pour les habitants.
La première est liée à l’impossibilité pour les habitants des territoires ruraux d’accéder à la médecine de ville, et cela n’est pas près de changer puisque le nombre de médecins qui pourraient partir à la retraite au cours des dix prochaines années est très élevé dans certains départements.
Ainsi, dans la Nièvre, les deux tiers d’entre eux ont plus de 55 ans. Comment pourra-t-on répondre aux besoins des Nivernais alors que, entre 2010 et 2017, le nombre de médecins a déjà diminué de 27 % ?
Aujourd’hui, il y a moins de sept médecins généralistes pour 10 000 Nivernais, sachant qu’une part importante d’entre eux exerce dans l’agglomération de Nevers.
À cette pénurie de médecins généralistes, il faut ajouter la disparition des gardes, le soir et le week-end, et le refus des quelques médecins restants à prendre de nouveaux patients, faute de temps.
Les urgences restent donc souvent l’unique recours proposé à la population pour se soigner.
Un autre phénomène encore plus inquiétant découle de ce forfait : l’accentuation des inégalités sociales d’accès aux soins. En effet, les personnes les plus précaires retardent malheureusement leurs soins faute de pouvoir avancer les frais et finissent aux urgences dans un état très critique, alors que cela aurait pu être évité.
Devant de telles inégalités, territoriales et sociales d’accès aux soins et, par incidence, d’espérance de vie, je vous demande, comme l’a fait l’Association des maires ruraux de France (AMRF), que les patients vivant dans des déserts médicaux, notamment dans le monde rural, et ceux qui sont privés de médecins soient ajoutés à la liste des personnes exonérées intégralement de ce forfait.
Monsieur le sénateur, vous appelez l’attention du ministre des solidarités et de la santé sur les conséquences de la mise en place du forfait patient urgences, notamment pour les personnes qui n’auraient pas accès à un médecin traitant, faute d’une densité suffisante de professionnels de santé.
Le Gouvernement est particulièrement sensible à la nécessité de garantir un véritable accès aux soins sur l’ensemble du territoire.
Je rappelle toutefois qu’une participation était déjà acquittée précédemment par les patients lors de leurs passages aux urgences.
La mise en place du forfait patient urgences n’augmente pas le reste à charge, mais elle simplifie les modalités de calcul de la participation en la forfaitisant. Le montant de cette participation forfaitaire a été calibré de manière à maintenir le niveau moyen de participation à l’identique.
Cette forfaitisation permet, notamment, une meilleure protection des usagers nécessitant des soins complexes, dont la participation pouvait auparavant atteindre un montant de 60 euros en moyenne.
L’accès aux urgences est toujours possible pour les patients, même s’ils n’ont pas leur carte Vitale ou leur pièce d’identité.
Par ailleurs, ce forfait est pris en charge par les complémentaires santé. La question des restes à charge est donc liée à l’accès des assurés à une couverture complémentaire, sachant que seuls 4 % des assurés ne disposent pas d’une telle couverture.
Le Gouvernement est pleinement engagé pour faciliter le recours à cette couverture. Ainsi, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a permis l’attribution automatique ou simplifiée de la complémentaire santé solidaire aux bénéficiaires du revenu de solidarité active ou de l’allocation de solidarité aux personnes âgées.
Madame la ministre, 3 millions de Français ne sont pas couverts aujourd’hui encore par une complémentaire santé, faute de moyens. Ces personnes retardent les soins, ce qui aggrave leur état et entraîne leur hospitalisation. Il est inacceptable que la santé devienne aujourd’hui un luxe alimenté par ce forfait !
La parole est à M. Guillaume Gontard, auteur de la question n° 2060, transmise à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.
Pour conduire le chantier de la rénovation thermique des logements, le Gouvernement mise sur le dispositif MaPrimeRénov’.
Si les demandes sont nombreuses – 617 000 l’an dernier – et les besoins bien réels, force est de constater que cette aide n’est pas à la hauteur des ambitions.
D’abord, elle ne concerne que très peu de rénovations globales, lesquelles sont pourtant, on le sait, essentielles et bien plus efficaces en matière d’économies d’énergie.
Ensuite, malgré une hausse des effectifs de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), les délais de versement des primes sont beaucoup trop longs. Ainsi, seules 294 000 primes ont été versées l’an dernier, ce qui correspond à moins de la moitié des demandes. Alors que vous aviez fixé le délai d’instruction des dossiers à deux mois, le délai moyen est aujourd’hui de cinq mois et 8 % des dossiers sont même traités en plus d’un an. Les bénéficiaires sont alors obligés d’avancer plusieurs milliers d’euros pour leurs travaux et peuvent se retrouver en grande difficulté financière.
De nombreux dossiers sont bloqués ou, pis, sont jugés irrecevables, en raison d’erreurs dans les documents transmis. Cela peut être, par exemple, une erreur de quelques jours sur la date du devis ou un défaut de renouvellement de la certification RGE (reconnu garant de l’environnement) par le professionnel.
La rigidité des critères, prévue pour lutter contre la fraude, a des conséquences financières catastrophiques et décourage de nombreux bénéficiaires, souvent les plus démunis, de s’engager dans la réalisation de travaux de rénovation. Alors que le Gouvernement a créé un droit à l’erreur en 2018 pour aider les entreprises, pourquoi ne pas appliquer les mêmes règles aux citoyens de bonne foi ?
Nombreux d’entre eux témoignent d’importantes difficultés à joindre l’ANAH, notamment en raison du recours à la société Docaposte. En effet, les dossiers sont traités par cette entreprise, qui est dépourvue de toute communication interne. Les demandeurs font donc souvent face à un service déshumanisé et à un suivi erratique.
Madame la secrétaire d’État, comment le Gouvernement compte-t-il assurer à la fois un traitement humain et efficace des dossiers et un versement rapide des aides à nos concitoyens ?
Monsieur le sénateur Gontard, personne ne peut le contester, MaPrimeRénov’ rencontre un succès indéniable. Ainsi, en 2021, plus de 760 000 demandes ont été déposées et 660 000 dossiers ont été engagés pour un montant de plus de 2 milliards d’euros.
Ce dispositif est considérable d’un point de vue budgétaire, l’État étant engagé financièrement aux côtés des ménages, mais également en raison du nombre de dossiers déposés, révélateur des attentes de nos concitoyens. J’y insiste, MaPrimeRénov’ rencontre un très grand succès !
Si quelques dossiers peuvent poser problème, la grande majorité des projets sont validés par l’ANAH : les ménages envoient la facture des travaux qu’ils ont fait réaliser une fois ceux-ci terminés et reçoivent leur prime.
Il est normal que toutes les aides engagées l’année dernière n’aient pas encore été versées. Néanmoins, ce sont tout de même 370 000 ménages ayant achevé leurs travaux qui ont été payés en 2021. À ce jour, plus de 99 % des dossiers déposés complets sont traités dans les quinze jours ouvrés.
Il est en effet nécessaire de régler la question des dossiers plus difficiles et plus complexes. C’est ce que nous faisons : pour ces dossiers, qui nécessitent des échanges, car ils sont incomplets ou comportent des erreurs, la décision est rendue en moyenne en trente jours ouvrés. Nous avons donc intégré le temps de réponse des ménages aux sollicitations. Aujourd’hui, moins de la moitié des dossiers qui sont à l’engagement sont concernés. Ce dispositif nous permet de faire preuve de la plus grande réactivité. Quant au délai moyen de paiement, il est de dix-huit jours : il tient compte des contrôles sur place, qui sont indispensables pour lutter contre d’éventuelles fraudes.
Par ailleurs, selon les enquêtes, 89 % des bénéficiaires se sont déclarés satisfaits de MaPrimeRénov’ et 84 % du respect des délais annoncés.
J’entends donc vos alertes sur certains détails, mais je note que, globalement, tout le monde se félicite de ce dispositif.
Madame la secrétaire d’État, je tenais à vous alerter sur des cas particulièrement graves, dans lesquels des personnes ayant de très faibles revenus sont confrontées à des situations particulièrement compliquées. Il faut y prêter attention, même si ces cas ne représentent pas la majorité des dossiers.
La parole est à Mme Christine Herzog, auteure de la question n° 2016, adressée à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement.
Madame la secrétaire d’État, de nombreuses anciennes régions minières et industrielles, comme la Moselle, possèdent des logements autrefois destinés aux ouvriers et appelés familistères.
Ces logements ont, depuis le XIXe siècle, changé de propriétaires. Propriétés des usines, ils ont ensuite été acquis par les ouvriers eux-mêmes. Ces habitations sont alors entrées dans la catégorie des résidences privées. Mais cette opportunité est rapidement devenue un cadeau empoisonné.
Ces nouveaux propriétaires ne constituent pas une classe sociale supérieure. Ils sont le plus souvent des ouvriers, parfois retraités, disposant de très faibles revenus. Or la rénovation de ces très anciennes constructions, devenues au fil des années des passoires thermiques, représente un coût trop important pour les familles qui les habitent.
Comme il s’agit de résidences privées, les communes ne peuvent pas aider leurs occupants à engager des travaux de réparation de ces habitations, qui ne sont éligibles ni aux financements attribués aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ni à l’aide massive de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), contrairement aux bailleurs sociaux des habitations à loyer modéré.
Un autre problème se pose, celui de la mixité sociale. La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, impose un minimum de 20 % de logements sociaux aux communes. Or ces anciens familistères, qui sont désormais – je le redis – des résidences privées, ne correspondent pas aux critères des logements sociaux, bien que les populations qui y habitent ne soient pas aisées financièrement.
Madame la secrétaire d’État, pourriez-vous nous indiquer si ces quartiers au statut très particulier pourront bénéficier de la nouvelle contractualisation de la géographie prioritaire de la politique de la ville, couvrant la période 2014-2024 et abondée de 5 milliards d’euros ? Pourront-ils être intégrés dans les quotas sociaux des communes, imposés par la loi SRU ?
Madame la sénatrice Herzog, la réhabilitation des logements ouvriers situés dans les anciens familistères que vous évoquez, notamment à Nilvange en Moselle, représente un enjeu que vous avez raison d’évoquer.
Ces quartiers ne peuvent pas bénéficier des aides de l’ANRU lorsqu’ils ne figurent pas dans la liste des 480 quartiers prioritaires de la politique de la ville éligibles au nouveau programme de renouvellement urbain institué par la loi du 21 février 2014. Il semble difficile à ce stade de revoir le ciblage territorial de ce programme.
En revanche, ces logements sont bel et bien éligibles aux aides de l’ANAH, dont la vocation est justement de traiter ces situations. La rénovation de l’habitat privé est, vous le savez, une priorité du Gouvernement. Nous avons agi avec force dans le cadre des dispositifs existants, tout en améliorant les financements réservés à nos concitoyens les plus modestes.
Je pense évidemment à MaPrimeRénov’, pour les travaux simples, et à MaPrimeRénov’ Sérénité pour des travaux plus lourds et complexes, qui concernent parfois justement les logements indignes.
Je pense également au plan Initiative Copropriétés, qui prévoit des financements renforcés pour réhabiliter les immeubles dégradés et diminuer le reste à charge des copropriétaires. Plus de 500 millions d’euros ont été versés dans ce cadre, qui ont permis la réhabilitation de près de 100 000 logements.
Les opérations programmées d’amélioration de l’habitat, portées par l’ANAH, sont également des outils utiles. La communauté d’agglomération du Val de Fensch envisage d’ailleurs précisément d’y recourir.
La prise en compte des logements concernés au titre de la loi SRU est essentiellement assise sur le conventionnement APL (aide personnalisée au logement), qui garantit un statut locatif social clair.
Une solution pourrait être l’acquisition totale ou partielle du patrimoine par un bailleur social. Cela permettrait de répondre à un triple objectif : la rénovation des logements par le bailleur, le développement d’une offre abordable et la comptabilisation de ces logements dans l’inventaire SRU.
Ce type de montage pourrait d’ailleurs utilement s’appliquer aux patrimoines des cités ouvrières, dès lors que les propriétaires ou les communes souhaitent vendre ces logements.
La parole est à M. Hervé Maurey, auteur de la question n° 2022, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
Madame la secrétaire d’État, cela fait maintenant cinq ans que le Sénat alerte régulièrement le Gouvernement sur la dégradation inquiétante de nos infrastructures routières. Deux rapports sénatoriaux ont été publiés : l’un sur l’état des routes en 2017 et l’autre sur celui des ponts en 2019. Malgré ces mises en garde, l’état des infrastructures continue de se dégrader, comme en témoigne l’édition 2021 du rapport de l’Observatoire national des routes.
Cet entretien est pourtant un enjeu important, d’abord en termes de sécurité routière, le mauvais état des infrastructures étant impliqué dans un quart des accidents de la route.
C’est également un enjeu financier : à défaut d’investir un euro dans les infrastructures aujourd’hui, il faudra en investir dix à terme.
Si quelques efforts budgétaires ont été consentis, nous sommes très loin du compte. Il manque 100 millions d’euros en 2022 par rapport aux besoins estimés par l’État lui-même pour le réseau routier non concédé.
Quant aux communes et intercommunalités, qui ont la responsabilité des deux tiers du réseau routier français, elles ne sont que faiblement, voire pas du tout, aidées par l’État.
Dans le cadre du plan de relance, 40 millions d’euros sont prévus pour aider ces collectivités à entretenir les ponts : on est très loin des 130 millions d’euros par an que nous jugions nécessaires dans notre rapport.
Ma question est simple : pourquoi, malgré les mises en garde du Sénat, avoir ainsi laissé se dégrader l’état de nos infrastructures, au risque de mettre en danger la sécurité de nos concitoyens ?
Monsieur le sénateur Maurey, je n’ignore pas votre implication de longue date sur ces questions. Je serai directe : je comprends le souci qui est le vôtre et c’est en tant qu’ancienne rapporteure de la loi d’orientation des mobilités (LOM), précisément sur le volet du financement des infrastructures, que je vais vous répondre.
La priorité dans cette loi, vous en avez convenu, était la rénovation de l’existant, qui avait souffert d’un large sous-investissement pendant des décennies, comme vous le savez. Cette priorité s’est traduite dans les chiffres : les crédits consacrés à la rénovation de l’existant ont considérablement augmenté.
Tout d’abord, comme vous le savez aussi, nous avons rendu publiques dès 2018 les données relatives au réseau routier national dans un souci de transparence, afin que chacun ait accès à cette photographie de l’existant, laquelle était extrêmement inquiétante.
Des audits indépendants ont été effectués sur l’ensemble du patrimoine existant pour quantifier les besoins d’investissement. Ces travaux, qui ont été publiés, ont guidé les choix du Gouvernement et du Conseil d’orientation des infrastructures (COI), auquel vous avez largement apporté votre concours.
Dans ce cadre, le Gouvernement a décidé d’accorder la priorité à l’entretien du réseau existant, en particulier aux ouvrages d’art. Vous connaissez l’effort financier sans précédent qui a été accompli : les moyens consacrés à l’entretien du réseau routier non concédé sont passés de 708 millions d’euros en 2017 à 850 millions en 2022, soit une augmentation de 20 % au cours du quinquennat. La trajectoire financière de la LOM prévoit de porter ce montant à 930 millions d’euros dès 2023.
Cet effort, qui est réellement très important, s’ajoute aux 40 millions d’euros supplémentaires mis en œuvre dans le cadre du plan de relance de l’économie 2020-2022, grâce auquel des chantiers pluriannuels de réparation de sept ouvrages importants ont pu être significativement accélérés, comme le viaduc d’Autreville sur l’autoroute A31 en Meurthe-et-Moselle.
Toutes les infrastructures du réseau national sont sous surveillance permanente. L’ensemble des ponts du réseau routier national font ainsi l’objet de visites annuelles et d’inspections. Aujourd’hui, il n’existe pas de situation d’urgence avérée, mais nous faisons preuve d’une vigilance accrue. Quant aux réseaux routiers, nous y portons, vous le savez, une attention particulière.
Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de ne pas dépasser systématiquement votre temps de parole de dix ou quinze secondes !
La parole est à M. Hervé Maurey, pour la réplique.
Madame la secrétaire d’État, je ne nie pas – je l’ai même dit – que des efforts ont été faits. Je dis simplement qu’ils sont très insuffisants.
En effet, au regard des chiffres fixés par l’État lui-même, il manque 100 millions d’euros pour l’entretien du réseau routier national.
Pour les ponts, vous aviez prévu 60 millions d’euros dans la loi de finances pour 2021, qui ont été réduits à 40 millions dans la loi de finances pour 2022, alors qu’il faudrait 130 millions d’euros par an ! On est très loin du compte…
Pour résumer, des efforts ont été faits, mais le Gouvernement peut largement mieux faire !
La parole est à M. Pierre-Jean Verzelen, auteur de la question n° 2029, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
Ma question porte sur l’éolien, et plus particulièrement sur les nuisances nocturnes liées à l’éclairage en haut des mâts. Ces éclairages sont pénibles pour les riverains et parfois déstabilisants pour les conducteurs : à certains endroits sur le territoire, en tout cas dans l’Aisne, il peut arriver qu’on ne voie plus que cela.
Ces éclairages sont installés pour assurer la sécurité aéronautique. Pour essayer de limiter les nuisances, des expérimentations ont été lancées : la limitation de l’éclairage aux extrémités des parcs éoliens, un déclenchement au passage des avions, grâce à des détecteurs placés à la fois dans les avions et dans le parc éolien, enfin une orientation différente de l’éclairage, davantage vers le ciel et moins de manière latérale.
Madame la secrétaire d’État, où en est-on de ces expérimentations ? Une généralisation est-elle prévue ?
Monsieur le sénateur Verzelen, le balisage des parcs éoliens est, vous le savez, obligatoire pour des raisons évidentes de sécurité des aéronefs. Nous devons trouver le bon équilibre entre la sécurisation des installations et la sécurité aérienne, d’une part, et l’acceptabilité locale des projets éoliens, d’autre part. Et je ne parle pas des effets de la pollution lumineuse sur la biodiversité.
Le Gouvernement veille à ce que les émissions lumineuses, notamment à éclats, ne constituent pas une nuisance excessive pour les riverains. Des expérimentations ont été réalisées sur des parcs en service sous l’égide d’un groupe de travail réunissant des représentants professionnels de la filière éolienne, les services de l’aviation civile et le ministère des armées.
Des évaluations en vol effectuées durant le premier semestre 2021 en Ardèche, au-dessus du parc de Freyssenet, ont permis de valider l’acceptabilité de feux dont les faisceaux ont été modifiés pour émettre moins d’intensité lumineuse en direction du sol et des riverains.
D’autres évaluations menées sur le parc de Chauché en Vendée ou de Planèze en Ardèche visent à étudier les possibilités de diminuer la fréquence des éclats lumineux et de réduire l’intensité lumineuse.
Les conclusions de ces campagnes de vol devraient être connues au premier trimestre 2022, donc très prochainement. Nous saurons alors si les configurations testées ont été jugées acceptables et si des évolutions sont possibles et nécessaires.
Des évaluations sont en cours d’organisation sur le site des Sources de la Loire en Ardèche pour étudier les possibilités de déclencher les feux de balisage nocturnes uniquement au passage des aéronefs, ce qui diminuerait fortement les impacts sur les riverains. Elles seront menées au premier semestre 2022.
Nous sommes bien conscients du problème que vous soulevez et pleinement impliqués dans ces expérimentations. De nouveaux types de feux à faisceau modifié seront prochainement autorisés à l’occasion d’une mise à jour de la réglementation relative au balisage des obstacles à la navigation aérienne. Les exploitants de parcs éoliens pourront alors commencer le déploiement de ces balises.
Le déclenchement du balisage uniquement au passage d’un aéronef pourrait progressivement être généralisé à partir du second semestre 2022, en fonction du résultat de ces expérimentations.
Merci de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Nous avons bien compris que les choses avançaient. Nous vous invitons à généraliser rapidement ces mesures à toutes les nouvelles éoliennes, mais également aux éoliennes installées depuis quelques années.
La parole est à M. Jean-François Rapin, auteur de la question n° 2052, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur les communes concernées par le recul du trait de côte.
Sous l’autorité des préfets de département, une délibération des conseils municipaux a été sollicitée dans un délai de seulement quelques semaines pour permettre la publication d’un décret qui fixera la liste des communes dont l’action doit être adaptée au recul du trait de côte.
De nombreux maires refusent de délibérer sans avoir pleinement connaissance des critères utilisés et des conséquences qu’emporte ce décret. En effet, ces élus ne disposent d’aucune information sur les études qui ont été conduites par le ministère ni de précisions sur les conséquences du classement, lesquelles dépendent d’ordonnances non publiées, malgré les réunions organisées en urgence par l’État dans les territoires.
Qu’en sera-t-il de la décote administrée de la valeur des biens exposés au recul du trait de côte ? Quelles seront les conditions pour mener les relocalisations spatiales à l’échelle des communes ? Ces informations préalables sont indispensables pour la validité des délibérations et l’exercice de la démocratie locale.
Par ailleurs, la loi prévoit la possibilité pour les collectivités concernées de conclure une convention avec l’État afin de préciser les moyens techniques et financiers mobilisés pour accompagner les actions d’adaptation au recul du trait de côte.
La note diffusée par les services ministériels prévoit que le dispositif de financement fera l’objet d’une communication ultérieure. À ce jour, la loi de finances pour 2022 n’a pas apporté les réponses attendues. Dans ces conditions, il est urgent de prévoir un report de la consultation sollicitée par les préfets.
Il ne s’agit en aucune manière de nier les enjeux et la nécessaire adaptation de nos territoires. Je porte ici la parole des maires et des élus du littoral et je vous demande formellement de leur faire parvenir les études scientifiques qui permettent de justifier leur inscription sur cette liste. Nous attendons bien sûr aussi des réponses sur le financement prévu.
Monsieur le sénateur Rapin, en matière d’érosion littorale, l’anticipation est essentielle et nécessaire – tout le monde s’accorde à le dire – pour ne pas aggraver la vulnérabilité des territoires et pour préserver le maximum de biens qui pourraient être exposés.
Vous l’avez dit, cette anticipation repose d’abord sur l’identification des communes les plus exposées. Des réunions d’information ont été organisées par les préfets à l’échelon local pour expliciter les critères d’élaboration de la liste et accompagner les collectivités. En tant que de besoin, les élus peuvent de nouveau solliciter les préfets pour obtenir des informations complémentaires.
Compte tenu du contexte particulier, notamment de la situation sanitaire, le délai de retour des consultations, qui était fixé au 24 janvier, sera adapté pour laisser le temps aux communes de réunir leurs conseils municipaux et de débattre de cette question.
L’anticipation repose également sur l’élaboration d’une cartographie locale d’exposition au recul du trait de côte. Une réforme de l’information des acquéreurs et locataires est également nécessaire. Cette cartographie est bien la seule obligation qui s’impose aux collectivités listées et qui peut, dans certains cas, être un premier pas vers la prise de conscience de l’exposition majeure du territoire au risque d’érosion.
Le Gouvernement a donc été habilité à prendre des dispositions complémentaires par voie d’ordonnances. Ces mesures sont en cours d’élaboration et concernent principalement la création d’un nouveau régime de bail réel immobilier, les méthodes d’évaluation des biens et des dérogations ponctuelles à la loi Littoral. Elles visent à faciliter les démarches de recomposition territoriale et viendront uniquement préciser les contours de ces outils, dont l’utilisation restera à la discrétion des collectivités territoriales. Elles ne créent en aucun cas de nouvelles obligations.
La délibération des communes est bien circonscrite à la reconnaissance de la particulière vulnérabilité de leurs territoires, ainsi que des activités et biens qui y sont exposés : elle ne porte pas sur leur engagement à recomposer le territoire.
Il s’agit donc d’un outil pédagogique, destiné à permettre une prise de conscience et une projection sur ce que pourraient être ces atteintes. D’un point de vue financier, l’État s’est engagé à cofinancer les cartographies à hauteur, au maximum, de 80 % du coût. Il est possible de mobiliser le projet partenarial d’aménagement.
Madame la secrétaire d’État, j’ai entendu que le délai était reporté. Je remercie le Premier ministre, à qui j’avais récemment adressé un courrier à ce sujet.
Vous ne pouvez pas dire qu’il y a eu des réunions de concertation préalables à l’élaboration de ces listes : ce n’est pas vrai ! Des réunions ont eu lieu postérieurement parce que les maires se sont alarmés de cette situation.
Quant au financement, il est bien discret : rien ne figure dans la loi de finances !
Enfin, nous aurions dû prendre connaissance du contenu des ordonnances avant que la consultation soit organisée.
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, auteure de la question n° 1903, adressée à Mme la ministre de la transition écologique.
Madame la secrétaire d’État, ma question porte sur le nécessaire soutien aux centrales villageoises.
L’arrêté du 6 octobre 2021 fixe les conditions d’achat de l’électricité produite par les installations photovoltaïques inférieures à 500 kilowatts-crête. L’article 13 de cet arrêté interdit de cumuler le rachat de l’électricité produite aux tarifs garantis et une subvention par une collectivité territoriale, ce qui conduit à mettre en difficulté de nombreuses initiatives locales. Je pense notamment aux centrales villageoises, qui sont vertueuses pour la transition énergétique : plusieurs expériences concrètes et positives sont menées dans mon département de l’Ain.
Je partage le souci de veiller au respect des traités européens. Toutefois, à l’heure du Green Deal, les autorités européennes doivent prendre en compte l’apport citoyen que représentent ces initiatives pour la transition énergétique.
Les initiatives citoyennes et locales reposent sur un investissement initial associatif, parfois complété d’un prêt sur quinze ans, et sur un important travail réalisé par des bénévoles. Le soutien des collectivités permet d’engager les frais de raccordement au réseau et d’assurer la viabilité des projets, y compris pour les organismes prêteurs.
Ces installations de taille réduite ne sont en aucun cas une concurrence réelle pour les grands opérateurs. Mieux, elles permettent de faire émerger des projets de production d’énergie renouvelable sur l’ensemble du territoire. Elles ont besoin, pour être économiquement viables, d’un soutien d’amorçage, limité à quelques exercices comptables ou à un seuil pertinent.
Madame la secrétaire d’État, comment entendez-vous corriger les effets désastreux de cet arrêté afin de soutenir ces initiatives vertueuses, le plus souvent associatives, citoyennes et locales ?
Madame la sénatrice Blatrix Contat, je vous remercie pour votre question. Je partage tout à fait votre ambition. J’ai la certitude, parce que ces projets énergétiques citoyens impliquent largement la population, que c’est ainsi que nous pourrons parvenir à la transition écologique, laquelle appelle une montée en puissance des énergies renouvelables (EnR). Ces projets ne sont jamais autant appréciés et acceptés que lorsqu’ils sont partagés et coconstruits.
Pour atteindre les objectifs climatiques, que nous partageons, nous avons prévu plusieurs dispositifs de soutien financier aux installations d’énergies renouvelables. Ces dispositifs constituent des aides d’État qui doivent être validées par la Commission européenne : les décisions européennes de validation interdisent généralement le cumul avec d’autres aides, notamment de régimes locaux, régionaux, nationaux ou de l’Union européenne. Cette condition vise à garantir que la rémunération du producteur d’électricité reste raisonnable, ce qui est une exigence non seulement du droit européen, mais aussi du droit français.
Cette interdiction de cumul prévue dans l’arrêté tarifaire d’octobre 2021 n’est donc pas une nouveauté. Elle existait déjà et elle doit s’interpréter comme une interdiction de cumuler des aides à l’installation. Les éventuels soutiens relatifs à des aspects du projet qui ne sont pas couverts par l’arrêté tarifaire restent possibles. Je pense au cumul du tarif d’achat de l’électricité et des aides pour la préparation des terrains ou des structures, lesquelles pourraient être délivrées en l’absence de projet d’énergies renouvelables. Cela inclut par exemple des aides à la rénovation de la toiture pour permettre l’accueil de panneaux photovoltaïques. Le cumul avec une aide pour financer certains surcoûts liés au raccordement électrique par rapport à un projet classique est également envisageable.
Comme l’arrêté du 6 octobre 2021 ne comporte pas d’aide spécifique pour les projets citoyens, les collectivités locales peuvent verser des aides supplémentaires pour compenser les surcoûts liés au caractère citoyen des projets, notamment pour la mobilisation, la communication, la concertation et même l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, afin de leur permettre d’être économiquement viables, en comparaison avec des projets plus classiques.
Un panel d’aides peut donc être mobilisé pour maintenir la dynamique de projet citoyen, ainsi que des bonus dans la notation des appels d’offres.
Madame la secrétaire d’État, il faudra préparer des interventions un peu plus courtes !
La parole est à Mme Florence Blatrix Contat, pour la réplique.
Madame la secrétaire d’État, j’ai bien entendu votre réponse. Les aides à l’installation sont souvent essentielles pour la viabilité de ces initiatives. Aux Assises des énergies renouvelables citoyennes, Mme la ministre de la transition écologique indiquait vouloir 1 000 initiatives citoyennes : je constate sur le terrain que les dispositions dont il est question coupent les pattes de ceux qui démarrent, ce qui est très regrettable pour atteindre cet objectif.
La parole est à M. Cédric Vial, auteur de la question n° 1963, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Monsieur le ministre, vous n’ignorez pas que la Compagnie des Alpes (CDA) est en train de développer une nouvelle stratégie qui n’est pas sans conséquence pour l’écosystème de la montagne.
En effet, les récentes initiatives qu’elle a prises, notamment la politique de développement de la chaîne de valeur dans les activités de montagne, marquent une évolution radicale au regard de la mission d’origine qui lui a été confiée par l’État en matière d’aménagement du territoire.
Cette diversification de l’activité de la Compagnie des Alpes, comme le rachat d’une importante école de ski ou encore l’affrètement de trains privés pour transporter les voyageurs qui auront acheté une offre de séjour « packagée » par la CDA, a des répercussions importantes sur l’ensemble des professionnels locaux de la montagne.
Pourtant, la raison d’être de la Compagnie des Alpes, dont l’État est encore actionnaire à 40 % via la Caisse des dépôts et consignations, était initialement de contribuer à l’aménagement et au développement des territoires de montagne et de l’ensemble de leur écosystème.
Dans ce contexte, il est légitime de s’interroger sur l’évolution volontaire de ses missions ou le développement de l’autonomisation de cette filiale de la Caisse des dépôts et consignations, un groupe dont l’objectif est d’être « entièrement dédié au service de l’intérêt général, avec un objectif unique : faire grandir la France ».
Aussi, je souhaiterais savoir si cette nouvelle stratégie a été validée par l’État. Le cas échéant, quelles directives comptez-vous prendre pour encadrer la diversification des activités de la Compagnie des Alpes et veiller à ne pas gêner les acteurs locaux traditionnels de ce secteur ?
Pouvez-vous également rassurer les élus et les acteurs économiques de la montagne sur le fait que les retombées économiques dont bénéficie la Compagnie des Alpes, grâce à l’exploitation de l’un des plus grands domaines skiables français et à ses nouvelles activités concurrentielles, continueront de servir l’objectif initial d’aménagement des territoires de montagne fixé par l’État ?
Monsieur le sénateur Cédric Vial, la crise pandémique que nous venons de traverser et ses conséquences ont montré que le secteur du tourisme est fait d’un ensemble d’acteurs qui constituent les maillons d’une chaîne : si l’un d’entre eux vient à céder, l’ensemble de la chaîne peut casser.
Ce qui est vrai pour le tourisme l’est aussi pour l’économie de la montagne. C’est la raison pour laquelle il est capital que chacun des acteurs puisse continuer à se développer, mais pas aux dépens des autres. Il est très important de garder cet esprit de cordée et de solidarité, qui est, me semble-t-il, au cœur de l’ADN montagnard.
Les statuts de la Caisse des dépôts et consignations prévoient que « ce groupe remplit des missions d’intérêt général en appui des politiques publiques conduites par l’État et les collectivités territoriales. »
Vous m’interrogez sur la stratégie déployée par la Compagnie des Alpes. Il ne vous a pas échappé que la Caisse des dépôts et consignations en est actionnaire à hauteur de 39 %. Cet actionnariat n’est donc pas majoritaire.
Par ailleurs, le Parlement joue un rôle éminent dans le contrôle de la Caisse des dépôts et consignations, dont la commission de surveillance est présidée par une parlementaire, Sophie Errante, avec laquelle j’ai d’ailleurs abordé le sujet que vous évoquez et l’équilibre qu’il est nécessaire de garder. Deux membres de la Haute Assemblée, Mme Viviane Artigalas et M. Jérôme Bascher, sont par ailleurs membres de cette commission de surveillance. Vous pouvez également les saisir de ce sujet.
Il est important, comme je l’ai dit aux acteurs de la montagne, de trouver un bon équilibre. Je serai aux côtés des élus pour continuer à faire passer ce message.
Monsieur le ministre, merci de votre réponse. Je ne manquerai pas de solliciter mes collègues, mais je pense que le Gouvernement a aussi un rôle à jouer : il lui revient de vérifier que les objectifs fixés à cette compagnie correspondent encore à ses missions d’intérêt général. Nous n’avons pas de crainte absolue pour le moment, mais il faut veiller à ce que les profits qu’elle réalise servent au développement de la montagne et à la diversification des activités.
La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 1981, adressée à M. le ministre de l’économie, des finances et de la relance.
Monsieur le ministre, ma question concerne les conséquences des futures modalités de perception de la taxe d’aménagement sur les ressources des collectivités locales et des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE).
L’article 155 de la loi de finances pour 2021 a modifié plusieurs articles du code de l’urbanisme relatifs à la taxe d’aménagement.
Ainsi, après le 1er janvier 2023, la taxe d’aménagement sera exigible à la date de réalisation définitive des opérations pour les autorisations d’urbanisme délivrées au sens de l’article 1406 du code général des impôts, c’est-à-dire dans les quatre-vingt-dix jours à compter de la réalisation définitive des travaux.
Ces nouvelles modalités risquent d’entraîner un non-recouvrement de l’impôt en cas d’inachèvement volontaire ou de non-déclaration d’achèvement des travaux et, de ce fait, une diminution des ressources des collectivités locales.
De même, le passage d’un dispositif de paiement fondé au 31 décembre 2022 sur la date de délivrance de l’autorisation d’urbanisme à un dispositif s’appuyant sur la date d’achèvement des travaux au 1er janvier 2023 entraînera, pendant une certaine durée, une baisse très importante de perception des recettes par les collectivités et les CAUE, dont les ressources dépendent principalement de la part de la taxe d’aménagement qui leur est allouée.
Monsieur le ministre, quelles dispositions comptez-vous mettre en œuvre pour garantir l’effectivité de la perception des recettes dans les conditions prévues par le nouveau dispositif ? Quelles mesures d’anticipation seront prises pour pallier les conséquences financières sur les collectivités et les CAUE durant cette période transitoire ?
Monsieur le sénateur Laurent, un certain nombre d’inquiétudes avaient été exprimées lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021, à la suite du transfert à la direction générale des finances publiques (DGFiP) de la gestion des taxes d’urbanisme, aujourd’hui gérées par les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM).
Vous craignez tout d’abord que la taxe d’aménagement ne soit pas recouvrée faute d’achèvement des travaux. Or les nouvelles modalités de gestion de la taxe ne reposeront pas sur la déclaration attestant l’achèvement et la conformité des travaux. La taxe deviendra exigible au moment de la déclaration à la DGFiP du changement foncier affectant la propriété.
D’ores et déjà, la loi oblige les propriétaires à déclarer ces changements dans les quatre-vingt-dix jours. Le nouveau circuit est fondé sur une obligation fiscale qui, opérationnellement, est beaucoup plus fiable que les déclarations d’achèvement des travaux.
Vous craignez ensuite un décalage dans la perception des recettes à court terme. Ce risque a été pris très au sérieux. Nous avons voulu le documenter et nous avons demandé des rapports à l’inspection générale des finances et à la DGFiP pour estimer l’effet de la réforme sur le rythme de perception des recettes par les collectivités.
Au regard de ces éléments, nous considérons aujourd’hui que ce risque est faible. Toutes les études statistiques confirment l’absence de conséquences négatives sur la trésorerie des collectivités locales, car les délais de traitement, avec la procédure actuelle, sont substantiellement plus longs qu’avec le nouveau circuit, même lorsque l’on tient compte de l’exigibilité décalée.
Je veux pleinement de vous rassurer. Une ordonnance – elle est en cours d’élaboration – sera prise dans les prochaines semaines ou dans les prochains mois. Elle fera l’objet d’une consultation approfondie des collectivités afin de garantir la sécurisation des ressources fiscales.
Merci de votre réponse, monsieur le ministre. Vous avez parlé de l’ordonnance. Je rappelle que la campagne électorale va bientôt s’ouvrir et que les dates des élections sont fixées. Il serait souhaitable que cette ordonnance soit prise avant !
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret, auteure de la question n° 2004, adressée à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
Monsieur le ministre, dans le monde, 500 consuls honoraires, tous bénévoles, offrent proximité et écoute. Ils sont souvent les premiers interlocuteurs des ressortissants français résidant à l’étranger ou de passage, lorsque ces derniers rencontrent des difficultés financières, tombent malades, sont victimes d’un accident grave ou bien déplorent une perte ou un vol.
Les consuls honoraires représentent également un soutien administratif important pour les consulats, notamment pour la remise des titres d’identité, l’établissement d’un certificat de vie ou le recueil des procurations de vote. Ils assurent un maillage territorial particulièrement appréciable dans tous les pays et sont d’une aide précieuse pour la promotion des liens économiques et culturels, grâce à leur connaissance des acteurs locaux. Ils sont donc des relais indispensables de nos ambassades.
Au vu de leur implication, je souhaiterais savoir s’il est envisagé de mieux reconnaître et de valoriser leur rôle auprès des ambassades et des consulats.
Les consuls honoraires pourraient par exemple disposer d’une adresse courriel standardisée du type « prénom.nom@diplomatie.gouv.fr » et participer également, à titre consultatif, aux réunions au cours desquelles est décidée l’attribution d’aides d’urgence aux Français vivant dans leur région.
Enfin, afin de faciliter les démarches de nos concitoyens, il semble urgent d’élargir les prérogatives des consuls honoraires et de leur donner la possibilité d’accorder des laissez-passer ou de saisir manuellement les demandes de renouvellement de titres d’identité faites par des personnes dans l’incapacité de se déplacer.
Vous l’aurez compris, monsieur le ministre, leur engagement et leur dévouement sur le terrain méritent toute notre reconnaissance. Nous devons répondre au mieux à leurs demandes.
Madame la sénatrice Conway-Mouret, les consuls honoraires sont très clairement des maillons précieux de la chaîne et de l’écosystème qui viennent en appui à la vie quotidienne de nos compatriotes établis hors de France. Il y a 493 agences consulaires en activité, ce qui constitue un maillage très étroit et assez unique.
Leur mission essentielle est la protection consulaire, l’assistance à nos ressortissants connaissant des difficultés. Les consuls honoraires sont naturellement des acteurs précieux de la diplomatie culturelle et économique et donc de l’influence française, en particulier en cette période de pandémie.
Vous proposez que les consuls honoraires, qui ont un certain nombre de compétences, soient mieux mis en valeur.
En ce qui concerne les outils, je suis tout à fait prêt à creuser l’idée d’une adresse mail standardisée, comme nous l’avons fait pour les conseillers des Français de l’étranger. Néanmoins, il faut aussi prendre en compte le fait que ces personnes sont pleinement engagées dans leur vie professionnelle, qu’elles sont connues au titre de leurs autres engagements et qu’elles communiquent souvent avec leurs propres outils. En tous les cas, je suis prêt à étudier cette question.
De façon plus globale, même si un décret précise ce que les consuls honoraires peuvent faire et ne pas faire, il me semblerait intéressant d’effectuer des comparaisons à l’échelon international des différents statuts existants, à l’instar de ce qui a été fait dans l’étude de législation comparée que le Sénat avait réalisée en 2005, afin de voir si nous pourrions nous inspirer de certaines pratiques et préciser les matières sur lesquelles les consuls honoraires pourraient intervenir.
Nous devons toutefois garder à l’esprit le fait que ces personnes sont des bénévoles et qu’elles exercent de nombreuses activités. Il faut donc veiller à ce que la charge qui leur est imposée soit compatible avec ces activités, afin de ne pas décourager les bonnes volontés.
Vous le voyez, nous sommes ouverts sur cette question et disposés à effectuer un travail sur les missions des consuls honoraires.
C’est la deuxième fois que vous répondez de façon très positive à une question orale que je vous pose !
La dernière fois, en juin 2021, ma question portait sur la prise en charge totale des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) dans les lycées à l’étranger.
Je vous fais part aujourd’hui d’une demande récurrente des consuls honoraires. Il est vrai qu’il ne faut pas les surcharger de travail. Cela étant, ils formulent des requêtes, recensées dans le travail que j’ai réalisé en Irlande avec trois consuls honoraires en Irlande, à Galway, à Limerick et à Cork. L’attribution d’une adresse courriel standardisée est nécessaire tant pour la reconnaissance du rôle des consuls honoraires auprès des autorités locales que pour des raisons évidentes de sécurité, afin de protéger les données parfois sensibles qu’ils échangent avec les ambassades.
En tout cas, nous avons tout intérêt à continuer à réfléchir ensemble.
La parole est à Mme Laurence Cohen, auteure de la question n° 1947, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées.
Madame la secrétaire d’État, dans le Val-de-Marne, un comité de parents s’est créé, regroupant les villes d’Arcueil, de Cachan, de Chevilly-Larue, de Fresnes, de Gentilly, de L’Haÿ-les-Roses, du Kremlin-Bicêtre, de Rungis et de Villejuif. Il a recensé, sur l’ensemble du département, 970 enfants et adolescents handicapés ne disposant pas de solution d’accueil et de prise en charge dans des structures spécialisées ou en milieu ordinaire.
Ce nombre et ce diagnostic consternants sont partagés par la délégation territoriale de l’agence régionale de santé. D’une manière générale, l’offre est sous-dimensionnée, saturée ou inaccessible, car hors-secteur.
Ces enfants et ces adolescents se retrouvent donc des mois, voire des années, en rupture de parcours, sans solution adaptée, leurs parents étant contraints de les garder à domicile.
En conséquence, on observe des retards, voire des régressions dans le développement de ces enfants, faute de professionnels pour les accompagner.
Malgré plusieurs rendez-vous entre ces parents et l’ARS du Val-de-Marne, aucune proposition concrète d’accueil n’a pu être formulée, puisque les places n’existent pas.
Madame la secrétaire d’État, quelles solutions et quels moyens comptez-vous mettre en place en urgence, afin que ces enfants et ces adolescents puissent être pris en charge par l’éducation nationale et le secteur médico-social ? Comment comptez-vous mettre fin à ce tournant domiciliaire qui assigne les enfants et leurs parents à résidence ?
Madame la sénatrice, les solutions pouvant être apportées aux enfants handicapés sont au cœur des réflexions que nous menons avec les maisons départementales des personnes handicapées et les présidents de département, avec qui nous mettons en œuvre cette politique de solidarité et d’accompagnement des parcours.
Nous avons déployé des équipes mobiles d’appui à la scolarisation pour répondre aux besoins d’accompagnement. Ces nouveaux dispositifs favorisent la continuité du parcours de l’élève en apportant un étayage médico-social aux équipes enseignantes.
Ces équipes mobiles, tenues par des organisations gestionnaires, dont je salue le travail et l’évolution des pratiques, sont organisées en réseau départemental. Elles constituent une ressource précieuse pour soutenir les enseignants et, bien souvent, pour permettre aux enfants handicapés de poursuivre leur scolarité à l’école. À la rentrée 2021, 166 équipes mobiles ont été déployées. Ce sont de nouvelles équipes et nous travaillons encore à une accélération pour 2022.
En parallèle, nous continuons de renforcer les moyens des associations. Cela a notamment donné lieu au déploiement de nouvelles solutions médico-sociales en 2021. À l’échelon national, nous constatons une augmentation du nombre de places de services d’éducation spéciale et de soins à domicile (Sessad), qui a été porté à 2 600. Par ailleurs, nous avons créé 89 classes autistes, qui ont permis de scolariser 350 enfants supplémentaires.
Dans le Val-de-Marne, puisque votre question porte sur ce département, madame la sénatrice, malgré la crise, trois unités d’enseignement en maternelle (UEM) autisme ont été créées depuis 2020. Deux nouvelles classes ouvriront à la rentrée de septembre prochain, l’une pour des enfants autistes, l’autre pour des enfants polyhandicapés. Il s’agit là d’une grande avancée, je tiens à le souligner. Il faut que, malgré leurs grandes différences, les enfants polyhandicapés puissent apprendre sur les bancs de l’école avec les autres.
Ce département bénéficie également d’une unité localisée d’inclusion scolaire (ULIS) et d’un dispositif d’autorégulation pour les enfants autistes, qui transforment profondément les pratiques dans l’ensemble de la communauté éducative.
Par ailleurs, madame la sénatrice, afin de prévenir les départs contraints en Belgique, j’ai déployé un plan de 90 millions d’euros pour les régions concernées. Pour la première fois, un gouvernement a préféré agir plutôt que de subir ces départs.
Concrètement, cela sera traduit en Île-de-France par 51 millions d’euros supplémentaires pour construire des solutions nouvelles. Au total, seize projets propres au Val-de-Marne ont été déposés par des associations auprès de l’agence régionale de santé.
D’ores et déjà, dans ce département, une soixantaine de nouvelles places pour enfants et adultes ont été créées en 2020. Nous pourrons en discuter de nouveau si vous le souhaitez.
Madame la secrétaire d’État, je vous remercie de respecter votre temps de parole.
La parole est à Mme Laurence Cohen, pour la réplique.
Merci, madame la secrétaire d’État. Je suis très intéressée par les chiffres que vous venez de nous donner. Cela étant, je suis en contact avec les parents et, je le répète, 970 enfants et adolescents n’ont toujours pas de solution, malgré ce que vous venez de nous dire.
Les Sessad ne sont pas suffisamment nombreux, il est difficile de recruter des AESH et les ULIS ne sont pas assez développées. Quant aux places en instituts médico-éducatifs (IME) ou au sein des UEM-autisme, elles ne sont pas en rapport avec les besoins réels sur le terrain, ce qui rend les temps d’attente extrêmement longs.
Je sais que, personnellement, vous souhaitez que l’on garantisse le respect des droits et de la dignité de ces enfants, mais sur le terrain un trop grand nombre d’entre eux demeurent sans solution ! C’est très grave. Malgré le discours sur l’école inclusive, on assiste à un abandon national !
La parole est à Mme Brigitte Micouleau, auteure de la question n° 2046, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Madame la secrétaire d’État, les prestataires de santé à domicile (PSAD) veulent alerter le Gouvernement et lui faire part du sentiment qu’ils ont de ne pas être reconnus. Depuis plusieurs années, ils subissent en effet des baisses tarifaires de plus en plus drastiques, ce qui met en danger la continuité de leurs activités.
Alors que plus de 32 000 collaborateurs des prestataires de santé à domicile participent largement à la mobilisation collective du secteur de la santé dans le contexte de la crise sanitaire et qu’ils contribuent à libérer des lits d’hôpitaux en organisant la prise en charge à domicile des patients – plus de 60 000 patients positifs au covid ont été pris en charge en oxygénothérapie à domicile durant les premières vagues –, le Gouvernement n’a pris aucune mesure pour reconnaître cette profession.
Si de nombreux professionnels de santé ont à juste titre bénéficié d’augmentations tarifaires, du complément de traitement indiciaire ou encore d’une reconnaissance claire de leur rôle, les prestataires de santé à domicile sont les grands oubliés de ces évolutions. Le Ségur est resté très hospitalo-centré.
Le Gouvernement doit entendre la déception des PSAD et, plus globalement, celle de tous les acteurs de la santé à domicile.
Madame la secrétaire d’État, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour reconnaître clairement le rôle des PSAD dans le système de la santé ?
Madame la sénatrice, chaque jour, les prestataires de services et les distributeurs de matériel se déplacent partout en France pour être au plus près des patients. Ce service de proximité est essentiel pour notre système de santé. Les patients les connaissent et les reconnaissent. Nous aurons tous peut-être besoin d’eux à un moment de notre vie.
Leur mobilisation quotidienne pour apporter aux patients les services dont ils ont besoin ne s’est pas démentie depuis le début de la crise.
Le ministre des solidarités et de la santé s’est engagé à mener une réflexion sur le rôle de cette profession et sur la méthode permettant d’évaluer, de reconnaître et de tarifer leurs prestations. Cette étape est indispensable, car nous ne disposons aujourd’hui d’aucun référentiel permettant de décrire et de calibrer les prestations réalisées.
Le rôle majeur des prestataires est de servir d’interface entre les différentes professions de santé, de favoriser le retour à domicile ainsi que l’autonomie des patients et des personnes en situation de handicap. Il s’agit aussi de respecter les responsabilités et les compétences de chacun.
Je tiens à rappeler que le Gouvernement accompagne de longue date les acteurs de ce système. La dépense moyenne remboursée à ce secteur augmente de plus de 5 % par an depuis 2017, en tenant compte des baisses tarifaires. Cette croissance témoigne du soutien du Gouvernement et de la valorisation importante de ce secteur.
Pour poursuivre les travaux, nous privilégions le dialogue conventionnel avec les acteurs, en lien avec le Comité économique des produits de santé. Le ministre Olivier Véran a d’ailleurs demandé à ce dernier de rapidement présenter aux acteurs ses orientations pour l’année 2022. La renégociation de l’accord-cadre doit aussi être un objectif partagé, car il est l’acte fondateur d’une nouvelle dynamique pour les prestataires.
Vous le voyez, nous restons attentifs à la situation de ces professionnels.
Merci de votre réponse, madame la secrétaire d’État. Les prestataires de santé à domicile l’apprécieront, mais ils demandent surtout que ces discussions permettent une revalorisation de leurs prestations.
La parole est à M. Guillaume Chevrollier, auteur de la question n° 2059, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Madame la secrétaire d’État, seize métiers du secteur médico-social vont bénéficier d’une revalorisation de 183 euros nets mensuels, quel que soit leur statut, privé ou public. Cette initiative est encourageante, mais elle est insuffisante, surtout lorsque l’on sait que certains ont été oubliés !
La semaine dernière, je visitais la maison d’accueil spécialisée pour adultes handicapés de Saint-Amadour, à La Selle-Craonnaise, dans mon département de la Mayenne. Les personnels dévoués et engagés m’y ont interpellé sur l’attribution des revalorisations salariales du Ségur.
Leur inquiétude est notamment due au périmètre de la réforme, car seuls certains salariés du secteur du handicap, financé par l’assurance maladie, sont concernés par les différentes annonces.
D’une part, cette situation crée une inquiétude chez les salariés ; d’autre part, elle entraîne un risque de contentieux pour les employeurs des établissements privés solidaires qui, pour le même travail, rémunèrent différemment leurs professionnels.
Le refus de revaloriser de manière identique tous les métiers du secteur médico-social privé non lucratif induit mécaniquement une rupture d’égalité de traitement entre des professionnels qui exercent un même métier dans des secteurs d’activité différents.
Vous le savez, madame la secrétaire d’État, le secteur médico-social connaît aujourd’hui en France une crise profonde et sans pareille, qui représente un grave danger pour l’accompagnement des personnes en situation de handicap.
Je peux témoigner de l’investissement de ces soignants, des professionnels éducatifs et des psychologues, qui font un travail remarquable. Confrontés à des situations douloureuses, ils sont en première ligne. Leur travail est essentiel auprès de ceux qui souffrent. Nous avons besoin d’eux. Il faut absolument reconnaître leur travail et revaloriser leur salaire.
Quelles mesures entendez-vous mettre en place pour rétablir une équité de traitement entre les différents personnels du secteur médico-social ?
À travail égal, salaire égal, pour le même travail, pour le même public : c’est une question d’égalité. Il est plus que jamais urgent d’agir. Les professionnels comptent sur vous.
Monsieur le sénateur, conscient des difficultés rencontrées par les professionnels du secteur social et médico-social, le Gouvernement a pris des engagements forts afin que ces professionnels soient mieux reconnus.
Dans la continuité de la mission confiée à Michel Laforcade, le Gouvernement a signé le 11 février dernier un premier accord avec l’ensemble des fédérations d’employeurs et des organisations syndicales. Cet accord prévoit la revalorisation du traitement de l’ensemble des personnels non médicaux des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) rattachés à un établissement public de santé ou aux établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) relevant de la fonction publique hospitalière.
À la demande du Gouvernement, Michel Laforcade a ensuite poursuivi les discussions avec les organisations syndicales et les fédérations d’employeurs. Nous avons décidé de revaloriser de 183 euros net le salaire des seize professions que vous avez citées, en avance de phase au 1er novembre, afin de mettre fin à cette inégalité de traitement entre mêmes professions.
Nous sommes même allés plus loin, puisque 70 000 soignants, au sens large du terme, ont été revalorisés en avance de phase au 1er novembre au lieu du 1er janvier 2022. Nous avons aussi voulu étendre cette avance aux établissements relevant des départements. À travail égal, salaire égal, comme vous l’avez très justement dit.
Pendant ce temps, la mission Piveteau poursuit ses travaux sur la reconnaissance des métiers de l’accompagnement social et médico-social. De même, les fédérations d’employeurs, comme elles s’y étaient engagées, continuent leurs travaux de rapprochement des conventions.
Vous le voyez, nous ne lâchons rien et nous continuons de travailler. Nous espérons par ailleurs que la grande conférence des métiers de l’accompagnement social et médico-social, dont le Premier ministre a annoncé la tenue au premier trimestre de cette année, offrira des perspectives d’amélioration.
Nous sommes aux côtés de ces professionnels et nous nous engageons fortement pour qu’ils soient très bientôt reconnus.
La parole est à Mme Céline Brulin, auteure de la question n° 2013, adressée à M. le ministre des solidarités et de la santé.
Madame la ministre, le service d’urgence du centre hospitalier intercommunal Caux Vallée de Seine, à Lillebonne, en Seine-Maritime, a dû fermer à plusieurs reprises ces dernières semaines, faute de médecins. Son service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) connaît une situation similaire depuis 2019.
L’établissement, qui ne comptait plus que quatre médecins urgentistes, a pu en recruter deux récemment, mais il lui faudrait douze équivalents temps plein.
Face à ce problème, l’hôpital doit recourir à des intérimaires, dont certains pourraient être qualifiés de mercenaires, car ils font payer à prix d’or leurs vacations, grevant d’autant le budget de l’établissement.
Que le Gouvernement compte-t-il mettre en œuvre pour répondre à ce problème ? J’ai bien conscience que cette situation n’est pas isolée ; mais elle se conjugue à une pénurie de médecins de ville dans notre territoire, ce qui tend à accroître encore la pression sur les urgences.
Pourquoi refuser d’encadrer le marché de l’intérim libéral ? Un tel encadrement ne peut pas d’ailleurs se limiter au seul secteur public, sauf à renforcer la concurrence avec le secteur privé et à aggraver la situation actuelle.
Les 90 000 habitants du bassin de vie du centre hospitalier intercommunal Caux Vallée de Seine et leurs élus craignent légitimement une perte de chance pour les patients. Je rappelle par ailleurs la présence de nombreux sites Seveso sur notre territoire.
De même, cette pénurie affecte d’autres acteurs, comme les pompiers, qui sont de plus en plus appelés pour effectuer des interventions ne relevant pas de leurs compétences premières, au risque de se retrouver eux-mêmes en difficulté pour leurs autres interventions prioritaires.
C’est pourquoi, avec les élus locaux du secteur, nous demandons l’affectation prioritaire de médecins au centre hospitalier intercommunal Caux Vallée de Seine, afin que ce dernier retrouve toute sa capacité d’accueil et de service.
Madame la sénatrice Céline Brulin, vous appelez l’attention de mon collègue Olivier Véran sur les difficultés démographiques et médicales rencontrées par le centre hospitalier intercommunal Caux Vallée de Seine. Ne pouvant être présent, il m’a demandé de vous lire sa réponse.
Le centre hospitalier intercommunal Caux Vallée de Seine occupe une place essentielle dans son territoire. Compte tenu de la crise sanitaire, la Normandie, comme l’ensemble du territoire national, rencontre des difficultés de fonctionnement dans certains services d’urgence.
Afin de pallier ces difficultés, l’agence régionale de santé, en lien avec l’ensemble des établissements publics et privés disposant d’un service d’urgence et le SAMU, anticipe les tensions pour limiter au maximum les suspensions et faire face de manière solidaire lorsque, dans de très rares cas, ces dernières se révèlent inévitables.
Une équipe territoriale d’urgentistes a été mise en place dès 2020 au sein du groupement hospitalier de territoire (GHT) dont fait partie le centre hospitalier intercommunal, avec un accompagnement financier important. Cette organisation étaie la coopération entre les établissements, en permettant aux praticiens et aux urgentistes rattachés à l’un des sites du GHT d’exercer sur la base du volontariat dans les autres établissements.
Madame la sénatrice, ce dispositif sera renforcé par l’application de la prime de solidarité territoriale, qui permettra à un praticien à temps plein d’exercer, en plus de ses obligations de service et sur la base du volontariat, dans un autre établissement de santé que celui auquel il est rattaché.
Enfin, l’article 33 de la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, prévoit, comme vous le savez, un contrôle renforcé de l’intérim médical. Après un échange avec les acteurs du système de santé concernés, les représentants professionnels et les syndicats, le ministre des solidarités et de la santé a décidé que la mise en œuvre de la réforme se ferait en deux temps. Si la cartographie précise de la situation actuelle de l’intérim médical sur le territoire a été réalisée, l’application stricte de la réforme interviendra plus tard dans l’année.
Par ailleurs, la réforme de l’accès aux études médicales et la suppression du numerus clausus permettent d’augmenter le nombre de professionnels en formation. Ainsi, à Caen et à Rouen, les étudiants suivant une formation médicale sont environ 20 % plus nombreux en septembre 2021 qu’en septembre 2020.
Madame la ministre, ce sont les étudiants en médecine qui se sont battus pour obtenir les places que vous évoquez. Ils ont saisi le Conseil d’État pour qu’elles soient ouvertes, ce que votre collègue Mme Vidal refusait.
Il est urgent de former des médecins, en particulier dans notre région : en Normandie, nous manquons de spécialistes, notamment d’urgentistes.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, auteur de la question n° 1998, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
Madame la ministre, j’attire votre attention et celle du garde des sceaux sur l’arrêt rendu par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 24 novembre 2021.
Par cet arrêt, relatif à la première mise en examen réalisée en France dans le cadre de la compétence universelle en matière de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, la Cour de cassation a considéré que l’accusé ne pouvait être poursuivi dans notre pays pour crime contre l’humanité, car cette notion n’existe pas dans le droit pénal de son pays, la Syrie.
Le Sénat avait adopté, je le rappelle, le projet de loi portant adaptation du droit pénal à l’institution de la Cour pénale internationale, qui a eu pour effet d’élargir la compétence territoriale des magistrats français, afin que ceux-ci puissent poursuivre et juger les auteurs de génocides, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis à l’étranger.
En 2019, lors du débat sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le Gouvernement a finalement émis un avis favorable sur un amendement ayant pour objet de supprimer le verrou de la double incrimination, mais en limitant cette faculté aux génocides. Cet amendement a été adopté et cette disposition inscrite dans la loi.
Malheureusement, le dispositif de l’amendement ne prenait pas en compte les auteurs de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité.
Ma question est donc très simple : la double incrimination supposerait que fût identique à notre droit celui de pays qui ne relèvent pas des valeurs démocratiques qui sont les nôtres.
Monsieur le sénateur Jean-Pierre Sueur, je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue Éric Dupond-Moretti, qui m’a demandé de vous lire sa réponse.
La France dispose, depuis la loi du 9 août 2010, d’une compétence juridictionnelle en matière de génocide, de crimes contre l’humanité et de crimes de guerre, instaurée à l’article 689-11 du code de procédure pénale.
Les juridictions françaises peuvent ainsi déclencher des poursuites à l’encontre d’une personne soupçonnée de ces crimes, dès lors que celle-ci réside habituellement en France et sous la réserve qu’aucune juridiction internationale ou nationale n’en demande la remise ou l’extradition, à condition que ces faits – à l’exception du génocide, depuis la loi du 23 mars 2019 – soient également punis dans l’État où ils ont été commis, sauf si ledit État est partie à la convention sur la Cour pénale internationale.
Dans un arrêt du 24 novembre 2021, la chambre criminelle de la Cour de cassation a interprété l’exigence de cette double incrimination au sens de cet article. La procédure ayant donné lieu à cet arrêt concerne un ressortissant syrien entré sur le territoire français en 2015 et mis en examen du chef de complicité de crimes contre l’humanité.
La Cour de cassation a jugé, en ce qui concerne les crimes contre l’humanité, que « l’exigence posée par l’article 689-11 du code de procédure pénale, selon laquelle les faits doivent être punis par la législation de l’État où ils ont été commis, inclut nécessairement l’existence dans cette législation d’une infraction comportant un élément constitutif relatif à une attaque lancée contre une population civile en exécution d’un plan concerté. »
Elle a ainsi cassé l’arrêt de la cour d’appel de Paris, qui avait considéré que le droit syrien, même s’il n’incrimine pas, de manière autonome, les crimes contre l’humanité, réprime les faits – meurtres, actes de barbarie ou tortures – qui les constituent et qui sont à l’origine de la poursuite dans l’affaire dont elle était saisie.
Il n’appartient pas au Gouvernement de commenter une décision judiciaire. Les conséquences de cette décision sur les procédures ouvertes des chefs de crimes contre l’humanité et crimes de guerre sont en cours d’évaluation.
Chacun sait le temps de parole dont il dispose pour cette séance de questions orales : sénateurs comme membres du Gouvernement.
Du reste, vous êtes arrivé juste à l’heure pour votre question, monsieur Sueur, et d’autres collègues arrivent même en retard ; nous devons faire face à tout cela, au plateau. Je n’ai jamais vu une telle séance…
Il y avait deux ou trois absents ce matin – vous venez de l’admettre –, si bien que j’ai dû venir en courant pour poser en avance ma question, que je devais poser dans un quart d’heure.
Je ne me suis pas préoccupé de mon temps de parole, je ne me suis soucié que de ma question : si notre droit doit être le même que le droit syrien pour que nous puissions punir les crimes contre l’humanité, c’est inacceptable ! Je vous remercie de m’avoir permis de le répéter, madame la présidente.
Je ne nie pas l’intérêt de votre question, mon cher collègue ; simplement, je dois faire respecter les temps de parole.
Acte vous est donné de votre rappel au règlement.
La parole est à Mme Mélanie Vogel, auteure de la question n° 1973, transmise à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
L’adoption de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique fut, vous le savez, une victoire historique dans la lutte pour l’égalité entre toutes les femmes. L’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules signifia, pour d’innombrables Françaises, que la perspective de fonder une famille ne devait plus être synonyme de procédures interminables.
J’ai donc suivi attentivement la mise en œuvre de cette loi, notamment pour nos concitoyennes établies à l’étranger, que j’ai l’honneur de représenter. Or, je dois le dire, je suis assez frappée par la lenteur de cette mise en œuvre.
Au moment où j’ai déposé cette question – c’était en décembre dernier –, les instructions de la circulaire de présentation des dispositions relatives à la loi du 2 août précitée n’avaient toujours pas été transmises aux consulats. Il aura fallu attendre plus de trois mois entre la publication de la circulaire et la transmission des instructions aux consulats.
Il y a maintenant six mois que la loi a été adoptée. Pendant ces six mois, les couples qui souhaitaient établir l’acte de naissance de leur enfant s’entendaient répondre par les consulats qu’il n’était possible d’y inscrire qu’une seule filiation, celle de la mère ayant accouché, avec un seul nom de famille.
Peut-être me direz-vous qu’un délai de six mois pour l’application d’une nouvelle loi est raisonnable, mais, aujourd’hui, les familles concernées sont obligées de passer par la transcription de l’acte de naissance du pays où elles habitent, transcription qui dure en moyenne trois mois pour les couples hétérosexuels, mais jusqu’à dix-huit mois pour les couples homosexuels. Pour toutes les familles qui n’ont pas pu établir d’acte de naissance français avec la double filiation depuis le début du mois d’août dernier, cela peut donc représenter deux ans d’attente au total.
Il n’est pas clair non plus si le nom de famille figurant sur l’acte de naissance étranger est opposable par l’état civil français ou si les familles peuvent choisir le nom de leur enfant, comme le prévoit le code civil. Il serait incompréhensible que ces familles soient pénalisées.
Ma question est donc la suivante : quelles mesures sont prévues pour que ces familles puissent obtenir, le plus rapidement possible, l’inscription de leur enfant à l’état civil français, avec le nom de leur choix ? Un prolongement du délai légal de trente jours est-il envisageable ?
Madame la sénatrice Mélanie Vogel, je vous lis la réponse de mon collègue Éric Dupond-Moretti, qui dit se réjouir, comme vous, des dispositions de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique. Cette loi a notamment ouvert l’assistance médicale à la procréation aux couples de femmes et aux femmes non mariées.
Selon l’article 342-11 du code civil, issu de cette loi, pour les couples de femmes ayant recours à une assistance médicale à la procréation postérieurement à la loi, une reconnaissance conjointe anticipée doit être faite devant le notaire en même temps qu’est donné le consentement à l’assistance médicale à la procréation, avant que le processus procréatif ne commence.
Il faut distinguer entre la situation des actes de naissance étrangers transcrits et celle des actes de naissance dressés par les postes consulaires.
Lorsqu’il a été dressé à l’étranger par une autorité étrangère, l’acte de naissance de l’enfant issu d’une assistance médicale à la procréation réalisée par un couple de femmes peut être transcrit totalement sur les registres de l’état civil français si l’acte étranger est régulier, exempt de fraude et établi conformément au droit de l’État étranger. Le couple de femmes n’a pas à produire de reconnaissance conjointe anticipée ou de reconnaissance conjointe pour obtenir la transcription totale de l’acte de naissance étranger sur les registres de l’état civil français.
Il en va différemment lorsqu’un poste consulaire français établit l’acte de naissance de l’enfant né à l’étranger. Dans ce cas, les nouvelles dispositions introduites par la loi précitée sont applicables et le couple de femmes devra produire une reconnaissance conjointe anticipée. Les postes consulaires ont été informés de ces nouvelles dispositions. Ils ne devraient pas avoir de difficulté à enregistrer les naissances dans le délai de trente jours prévu pour la déclaration des enfants nés à l’étranger, en particulier hors d’Europe.
Enfin, la loi relative à la bioéthique a introduit des dispositions particulières sur le choix du nom de famille de l’enfant. Le couple de femmes qui a eu recours à une assistance médicale à la procréation et qui a établi une reconnaissance conjointe anticipée peut choisir le nom de famille dévolu à l’enfant : soit le nom de l’une d’elles, soit leurs deux noms accolés dans l’ordre choisi par elles, dans la limite d’un nom de famille pour chacune d’elles. Cette faculté est également ouverte en cas de naissance à l’étranger…
La parole est à Mme Frédérique Espagnac, auteure de la question n° 2038, adressée à Mme la ministre de la mer.
Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur la baisse de plus d’un tiers, décidée par la Commission européenne, des quotas de pêche de sole.
Cette décision était dans les tiroirs depuis plusieurs mois. Pourtant, rien n’a été anticipé et ce n’est qu’à la mi-décembre 2021 que le compromis européen a été trouvé autour des quotas de pêche. C’est pour les poissons plats que la baisse est la plus importante, avec une diminution de 36 %, applicable dès 2022. C’est une catastrophe pour de nombreux professionnels, basques, landais et girondins notamment.
Pour la plupart des pêcheurs du golfe de Gascogne, la sole représente en effet 50 % du chiffre d’affaires. Si l’on enlève 36 % de ces 50 %, cela fait tout de même un sacré « trou » ! D’autant que, pour les patrons de pêche, les pertes iront au-delà du poisson plat : quand ils pêchent un kilo de sole, ils pêchent aussi un kilo de poissons divers, dont certains ne sont pas soumis à des quotas. Donc, ils vont perdre également 36 % sur ces poissons divers. C’est le coup de grâce pour beaucoup d’entre eux.
Les directeurs de port de pêche du littoral se disent eux aussi très inquiets, car la sole représente pour certains la moitié du chiffre d’affaires de la criée. Ils estiment les pertes entre 1, 5 million et 2 millions d’euros. Ils savaient qu’il y aurait une baisse, mais ils pensaient que celle-ci serait lissée sur plusieurs années. Ils n’ont donc pas d’issue de secours.
Même si des aides compensatoires devraient être versées par le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (Feamp), les directeurs de criée n’ont aucune assurance et ne savent pas, à ce jour, s’ils seront concernés.
Quant aux pêcheurs, si le montant n’est pas à la hauteur, de nombreuses exploitations seront en danger. En effet, selon un pêcheur luzien, le montant des aides promises par l’Union européenne ne suffit pas pour compenser les pertes. Certes, ils sont rassurés aujourd’hui ; on leur propose 70 % de leur chiffre d’affaires journalier. Néanmoins, le calcul des aides procède d’une mauvaise estimation des frais fixes : il manque 15 % pour que ces aides soient acceptables.
Madame la ministre, quels seront les montants des indemnisations versées au titre du Feamp pour les pêcheurs et les criées ? Les coûts fixes seront-ils pris en compte à leur juste valeur ? Le décret portant sur ces compensations inclut-il un délai de paiement de ces aides ? Enfin, le Gouvernement va-t-il diligenter une étude afin de comprendre les causes de l’évolution du nombre de soles dans la zone du golfe de Gascogne pour œuvrer en faveur d’une plus grande durabilité de cette espèce ?
Madame la sénatrice Frédérique Espagnac, vous avez raison, le 13 décembre dernier, la pêche de trois poissons importants pour le golfe de Gascogne – le bar, le lieu jaune et la sole – a été abordée à Bruxelles.
Il faut d’abord préciser que j’ai obtenu, pour le bar, espèce à forte valeur ajoutée, une augmentation des quotas. Ensuite, pour le lieu jaune, une baisse de 20 % était prévue et nous avons obtenu la reconduction du quota. Il y a donc aussi eu des points positifs à cette rencontre.
Pour la sole, malheureusement, le résultat peut être décevant, mais il était prévisible. En effet, le plan de gestion signé en 2019, avec l’accord de la filière et connu de tous, prévoyait une baisse automatique de 37 % des quotas, compte tenu de l’état du stock.
J’ai donc dû négocier l’accompagnement de la pêche. Je sais combien les efforts demandés aux pêcheurs sont importants, mais je ne peux pas vous laisser dire que rien n’a été fait. J’étais en réunion avec la profession, en juillet dernier, à Royan. Nous avions alors créé un groupe de travail sur la sole et défini les arguments que nous allions utiliser à Bruxelles : si possible, éviter l’entrée en vigueur automatique prévue – cela n’a pas été possible, car c’est la règle qui avait été définie, ce n’est pas moi qui l’avais signée et les professionnels étaient au courant – et, sinon, définir un plan d’accompagnement, financé par le Feamp. C’est là le plus important.
Ce plan se traduit par la mise en place d’un dispositif d’arrêt temporaire coconstruit avec les professionnels. Nous avons souhaité que les conditions d’attribution soient très larges, les plus généreuses possible ; vous pourrez le constater avec les pêcheurs. Seront concernés les pêcheurs très touchés par la baisse des quotas, si la sole représente au moins 10 % de la valeur de leur pêche. Nous avons également souhaité que ce plan soit réactif et puisse couvrir la totalité de la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2022.
Vous avez parlé de la filière aval, qui est toujours une préoccupation pour moi. Cette filière pourra être épaulée par des mesures de plus long terme, des investissements du plan de relance et du Feamp.
Quant à l’état écologique des stocks, la réponse sera apportée dans le cadre de notre travail sur le plan pour une pêche durable.
La parole est à M. Stéphane Sautarel, auteur de la question n° 1590, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
La mise en œuvre de la réforme des études de santé, issue de la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, devait conduire, d’une part, à diminuer le taux d’échec des étudiants en supprimant le numerus clausus dans l’objectif de former 20 % de médecins supplémentaires et, d’autre part, à diversifier le profil des étudiants et à faciliter leur réorientation en cas d’échec.
L’année 2021 a laissé apparaître une réalité bien différente, avec des situations dramatiques pour nombre de jeunes, nous conduisant à augmenter le nombre de places en deuxième année. Pour tenir compte des redoublements non anticipés, chaque université aurait dû augmenter ses capacités d’accueil de 30 %. Il n’en a rien été.
Cela a d’ailleurs conduit le Conseil d’État à annuler deux articles de votre arrêté, madame la ministre, à l’été 2021, 15 universités sur 31, dont celle de Clermont-Ferrand, n’ayant pas respecté les augmentations d’accueil des étudiants issus du parcours accès santé spécifique (PASS) et de la licence avec accès santé (LAS).
Les victimes sont nombreuses : jeunes laissés pour compte, familles passant de la fierté à l’angoisse, territoires devenus de vrais déserts médicaux et qui sont condamnés à le rester, en raison d’un accroissement inéquitable du numerus clausus selon les universités, patients oubliés, cotisants spoliés… Je pourrais élargir ma question aux instituts de formation en soins infirmiers (IFSI), mis à mal, eux aussi, par Parcoursup, alors que nous avons plus que jamais besoin d’infirmiers.
Madame la ministre, faute d’avoir anticipé, comment allez-vous corriger ces injustices pour nos étudiants ?
Monsieur le sénateur Sautarel, cette réforme avait pour objectif de supprimer le numerus clausus et de transformer profondément l’accès aux études de santé. C’est bien ce qui a été fait, avec la création de 2 663 places supplémentaires dans l’accès aux études de santé et de 1 812 places supplémentaires dans l’accès aux études de médecine.
Vous parlez de redoublement et c’était bien une partie du scandale, puisque les étudiants qui réussissaient leur année pouvaient rater leur concours et devaient alors redoubler. Ce qui a changé avec cette loi, c’est que les étudiants qui réussissent leur année continuent leur cursus et ont une deuxième chance à la fin de leur deuxième année de licence.
Vous parlez des déserts médicaux et de la difficulté à former nos jeunes dans l’ensemble des territoires. C’est exactement la raison pour laquelle nous avons créé 457 licences option accès santé, réparties partout sur le territoire, y compris dans les universités qui ne comportaient pas d’unité de formation et de recherche (UFR) de santé, de manière à ce que l’on puisse entamer ses études de médecine partout sur le territoire. La réforme des deuxième et troisième cycles nous permettra d’accueillir plus d’externes et d’internes partout sur le territoire.
Oui, tout n’a pas été simple. La mise en œuvre de cette réforme a été compliquée par la crise sanitaire, mais nous avons procédé à des ajustements, sur le fondement d’une mission d’inspection générale, qui a formulé des recommandations ; un arrêté est en préparation pour donner suite au rapport de cette mission. Un comité de suivi local a été installé dans chaque université et un calendrier de rencontres a été établi pour poursuivre la mise en place de cette réforme avec les étudiants.
Quant au nombre de places dans les IFSI, je ne peux que partager votre opinion, mais ces instituts dépendent des régions, j’imagine que vous ne l’ignorez pas.
Je vous remercie de ces réponses, madame la ministre. Je n’ignore pas non plus le contexte de la crise sanitaire, mais ma question a été déposée au mois de mars dernier, donc elle date effectivement quelque peu…
En ce qui concerne les IFSI, c’est non pas la gestion des établissements que je mettais en cause, mais l’orientation via Parcoursup vers ces instituts, qui prive ceux-ci de certains étudiants.
Enfin, je souligne qu’il existe de fortes disparités dans la mise en œuvre du numerus clausus selon les universités et que le nombre de médecins généralistes formés pour 100 000 habitants demeure très différent en région Auvergne, dans l’Hérault et dans les Alpes-Maritimes, ce qui explique les écarts constatés sur notre territoire.
La parole est à M. Jean-Pierre Moga, auteur de la question n° 1921, adressée à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Ma question a trait aux règles prudentielles de trésorerie des opérateurs de recherche.
Qu’il s’agisse des dispositions de la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur, des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du budget de l’État ou des crédits du plan de relance, force est de constater que, si elles n’ont pas produit de choc budgétaire en faveur de la recherche, ces mesures étaient attendues et sont bienvenues.
Par ailleurs, depuis deux ans, j’attire l’attention, avec mes collègues de la commission des affaires économiques du Sénat, sur les règles prudentielles excessives de la comptabilité publique pesant sur la trésorerie des opérateurs de recherche. De telles règles privent en effet la recherche française de centaines de millions d’euros de financements, qui seraient pourtant, eux aussi, les bienvenus.
C’est, en particulier, le cas d’une norme obligeant à provisionner une somme correspondant à la totalité des comptes épargne temps et des congés payés, comme s’ils allaient être demandés en même temps par tous les collaborateurs. Cette norme n’est pas adaptée aux organismes de recherche, ces sommes ne bénéficiant aucunement à la recherche ! Il conviendrait donc de l’ajuster pour financer des dépenses de pré-maturation, des recherches interdisciplinaires et davantage de postes de doctorants.
Ainsi, je souhaiterais qu’une information précise soit communiquée par le Gouvernement aux parlementaires sur le niveau de trésorerie détenu par les grands opérateurs de recherche, afin d’évaluer le manque à gagner de la recherche française.
Madame la ministre, pouvez-vous également me donner des informations relatives à des assouplissements des normes prudentielles en question, comme vous vous y êtes engagée lors d’une audition devant la commission de la culture en 2020 ?
Monsieur le sénateur Jean-Pierre Moga, je partage votre analyse selon laquelle les règles prudentielles sont parfois très contraignantes. Un décret financier est d’ailleurs en cours de préparation pour accompagner la modernisation de la gestion des opérateurs de mon ministère. La question de la comptabilité des normes de provision sur les différents dispositifs relatifs aux ressources humaines que vous mentionnez pourra être envisagée dans ce cadre. Les travaux d’instruction à ce sujet sont déjà en cours.
Vous le savez, la masse salariale des établissements publics à caractère scientifique et technologique (EPST) est comptabilisée hors titre 2, à l’instar de l’ensemble des opérateurs de l’État, ce qui nécessite un cadre rigoureux, afin que ces organismes disposent de tous les leviers nécessaires pour piloter les dépenses de ressources humaines.
En ce qui concerne la trésorerie des organismes de recherche et des EPST, mes services vous transmettront, si vous le souhaitez, les données demandées. En tant que rapporteur pour avis des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour la commission des affaires économiques du Sénat, vous auriez pu les demander dans le cadre du traditionnel questionnaire budgétaire annuel adressé par le Sénat à mes services, mais, le débat budgétaire n’ayant pas pu avoir lieu en séance publique devant la Haute Assemblée, nous n’avons pas été saisis de cette requête.
Vous avez eu raison de rappeler ce qu’a apporté la loi de programmation de la recherche ; ce fut un véritable choc budgétaire et, pour la première fois, une garantie de financement, après plus d’une dizaine d’années de gel de l’effort de l’État en matière de recherche. Quelque 19 milliards d’euros devaient être engagés, en application de la loi du 18 avril 2006 de programme pour la recherche, dite Goulard, mais cela n’a pas été fait par le gouvernement Fillon…
Néanmoins, plutôt que de vous renvoyer à ce qui n’a pas été fait voilà dix ans, je vous remercie, ainsi que la Haute Assemblée, d’avoir permis, en adoptant ce projet de loi, de réarmer notre recherche.
La parole est à M. Ronan Le Gleut, auteur de la question n° 2048, transmise à Mme la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.
Madame la ministre, dans deux jours, le 20 janvier, les lycéens vont s’inscrire sur Parcoursup, qu’ils soient lycéens sur le territoire national ou lycéens français à l’étranger.
Or les statistiques du ministère de l’enseignement supérieur, qui ont notamment été publiées dans un article du journal Le Monde de septembre 2021, montrent que les lycéens français de l’étranger sont souvent évincés par Parcoursup. Ces statistiques sont révélatrices : le 27 mai 2021, seuls 20 % des 25 000 lycéens français à l’étranger avaient reçu une proposition d’admission, contre 54 % des autres lycéens. Le 16 juillet 2021, au moment de la fin de la phase principale d’admission, 48 % des lycéens français à l’étranger avaient reçu une réponse positive, contre 89 % des lycéens français scolarisés sur le territoire national ou dans le réseau de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE).
Or toutes les familles françaises de l’étranger ne peuvent pas scolariser leurs enfants dans l’un des 545 lycées français à l’étranger, pour deux raisons principales. La première, c’est que, quand on habite à des centaines, voire des milliers, de kilomètres du prochain lycée français – je pense au Brésil, à la Russie, à l’Argentine, à l’Australie –, ce n’est pas possible. La deuxième raison réside dans le coût, puisque la scolarité peut coûter plusieurs milliers d’euros.
Ainsi, les enfants concernés passent leur baccalauréat dans le système national ou dans un système de type binational, comme AbiBac, BachiBac ou, avec le système italien, EsaBac.
Des collègues parlementaires, députés ou sénateurs, vous ont interrogée sur ce sujet au travers de questions écrites, madame la ministre, aux mois de septembre et d’octobre derniers. Dans deux jours, l’inscription à Parcoursup va avoir lieu. Ma question est donc simple : avez-vous réglé ce problème, afin que les Français de l’étranger soient vraiment considérés comme des Français à part entière et non comme des Français à part ?
Monsieur le sénateur Le Gleut, les ministères de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur accordent, dans le cadre de la procédure d’accès à l’enseignement supérieur français, Parcoursup, une très grande attention à tous les candidats français, quels que soient leur lieu d’études ou l’établissement qu’ils ont fréquenté.
Environ 25 000 lycéens et étudiants scolarisés en qualité de lycéens ou d’étudiants à l’étranger, en dehors des établissements du réseau de l’AEFE, postulent chaque année sur Parcoursup. Sur ce total de candidats, ceux qui n’ont pas suivi de scolarité française et n’ont pas de baccalauréat français représentent un peu moins de 4 000 personnes. Le taux de proposition reçu par ces candidats est in fine de 82 %, ce qui est tout à fait comparable à la moyenne nationale, compte tenu de la diversité des baccalauréats étrangers considérés.
Cela dit, vous avez raison, dans le temps, les choses se déroulent de façon différente. En effet, nous avons pris en compte la spécificité de la formation des élèves ayant suivi une scolarité étrangère, en permettant aux établissements de formation de « téléverser » les bulletins scolaires correspondant à la scolarité des élèves concernés et en autorisant l’enregistrement de bulletins sous un autre format que la notation sur vingt, le candidat sélectionnant le format adéquat lorsqu’il renseigne ses notes : note sur cinq, sur dix, sur cent, ou encore système A, B, C. Par ailleurs, le parcours des candidats bilingues est évidemment souvent considéré comme un atout pour l’entrée dans les études supérieures et la procédure de préinscription ainsi que la commission d’accès à l’enseignement supérieur sont évidemment ouvertes à ces candidats.
Ainsi, c’est vrai, cela prend un peu plus de temps, parce que ces candidats doivent expliquer le système de formation dans lequel ils sont inscrits, mais l’accompagnement prodigué par les commissions d’accès à l’enseignement supérieur se fait au bénéfice de l’ensemble de nos concitoyens.
La parole est à M. Laurent Somon, auteur de la question n° 1925, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Madame la ministre, que l’État veuille optimiser la gestion des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) et permettre à un maximum d’enfants d’avoir un accompagnement, cela est très louable, mais encore faut-il répondre aux besoins des élèves en situation de handicap et proposer au personnel, AESH et assistants d’éducation (AED), la reconnaissance qu’ils méritent. Sans cela, l’État mène une politique d’affichage qui n’est en rien satisfaisante.
À la rentrée 2021, quelque 35 000 élèves vulnérables ne bénéficiaient pas d’AESH ; à la rentrée de janvier 2022, dans la Somme, encore 40 d’entre eux n’en bénéficiaient toujours pas.
Le recrutement de 4 000 nouveaux AESH et l’augmentation des salaires, à hauteur de 600 euros bruts par an, issus du budget pour 2022, ne sont toujours pas à la hauteur des besoins. En effet, les conditions de travail sont caractérisées par une ubérisation du métier infligée pas les pôles inclusifs d’accompagnement localisés (PIAL), notamment en milieu rural, en raison des déplacements que ces pôles imposent ; les rémunérations restent sous le seuil de pauvreté, avec une moyenne de 760 euros par mois, et l’emploi est précaire, avec des contrats à durée déterminée (CDD) renouvelables pour un an.
L’AESH est chargé de l’accompagnement, de la socialisation, de la sécurité et de l’aide à la scolarisation d’enfants en situation de handicap, dans la classe et durant tout le temps de l’école. Cette charge requiert une compétence élargie, donc des formations. Les AESH gèrent l’humain et le bien vivre ensemble.
Madame la ministre, qu’en est-il de la création d’un véritable statut de la fonction publique pour les AESH et les AED et de la reconnaissance témoignée par l’institution dont ils dépendent ? Dans la Somme, comme partout en France, il n’y a pas de réussite sans accompagnement, surtout lorsque l’accompagné est en situation de handicap. L’éducation nationale doit suivre les notifications des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH). Quelle est la réalité de l’inclusion scolaire en 2022 ? Est-ce que la MDPH peut administrer sans budget ? Les notifications sont-elles, à cette date, toutes satisfaites ?
Monsieur le sénateur Laurent Somon, je vous prie d’excuser l’absence de mon collègue Jean-Michel Blanquer, qui m’a transmis cette réponse.
Vous le savez, l’école de la République est une école qui doit être attentive à chacun de ses élèves et capable de les accueillir tous. C’est pourquoi la scolarisation des élèves en situation de handicap a été une priorité de ce gouvernement, qui a souhaité créer un véritable service public de l’école inclusive.
Ainsi, 400 000 élèves en situation de handicap sont accueillis à l’école, soit une augmentation de près de 20 % en cinq ans ; 120 000 AESH ont été recrutés avec un statut plus protecteur, je reviendrai sur ce point ; 1 300 unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) ont été créées, ainsi que 250 structures spécifiquement dédiées à l’autisme, sur l’ensemble du territoire.
Les familles ont été mieux écoutées et mieux accompagnées, grâce à un numéro unique d’écoute, des services départementaux dédiés et des entretiens pédagogiques en amont de la rentrée.
L’organisation territoriale a été entièrement repensée. Elle s’appuie sur les pôles inclusifs d’accompagnement localisé, pour permettre la coordination des moyens au plus près des territoires et une coopération renforcée avec le secteur médico-social.
Parallèlement au recrutement de ces nouveaux AESH, nous avons conduit, pour répondre à la demande des MDPH, une action sans précédent de sécurisation des parcours. Les contrats aidés ont été transformés en CDD, lesquels peuvent eux-mêmes déboucher sur des CDI. La rénovation du cadre de gestion a permis d’augmenter la période de travail de référence et, depuis septembre 2021, 56 millions d’euros ont été mobilisés en faveur d’une grille indiciaire revalorisée, avec une progression automatique tous les trois ans.
Enfin, le 1er octobre dernier, une nouvelle étape a été franchie, avec un début de grille porté à l’indice 341, qui est supérieur au niveau du SMIC. C’est une augmentation de 9 points d’indice en début de carrière.
Certes, je vous sais sensible à la défense de nos services publics. L’école inclusive mobilise plus de 3, 5 milliards d’euros, et a bénéficié d’une hausse de son budget de 66 % depuis 2017.
Madame la ministre, en effet, l’attractivité de ces métiers est la clé de la réussite de l’inclusion des enfants handicapés dans nos écoles. Il faut y travailler, non seulement en termes de formation, mais aussi de rémunération des personnels.
La parole est à Mme Elsa Schalck, auteure de la question n° 1980, adressée à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Madame la ministre, ma question porte sur les modalités de financement des accompagnants des enfants en situation de handicap au sein des structures périscolaires. Nous avons tous à cœur de mener une politique inclusive pour les enfants en situation de handicap et d’être aux côtés de ces enfants et de leurs familles.
Pour ce faire, nous le savons, la question de l’accompagnement est centrale. Nous vous interpellons régulièrement, au sein de cet hémicycle, sur le manque d’accompagnants d’élèves en situation de handicap, qui demeure bien trop fréquent. Récemment, j’ai été interpellée par la maire d’Artolsheim dans le Bas-Rhin sur ce sujet. Actuellement, dans le sud du département, pas moins de 80 élèves sont toujours dépourvus, à ce jour, d’AESH.
Ce matin, je souhaite également me faire l’écho de la motion d’urgence votée par la communauté de communes du canton d’Erstein dans le Bas-Rhin, en décembre dernier, sur la question du financement des temps périscolaires. En effet, il apparaît que, en vertu d’une décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020, le financement des AESH pendant le temps périscolaire, et notamment pendant la pause de midi, doit désormais être pris en charge par les collectivités territoriales et non plus par l’État.
À la suite d’un courrier de l’académie du mois de septembre dernier, des maires du Bas-Rhin et des présidents de communauté de communes m’ont alertée sur les difficultés engendrées par une telle décision pour une application immédiate au 1er janvier de cette année.
Il s’agit en effet d’une charge financière et logistique très importante pour les collectivités, qui sont déjà fortement éprouvées d’un point de vue budgétaire. Du jour au lendemain, des collectivités ont dû repenser toute l’organisation de l’accompagnement de ces élèves entre le temps scolaire et le temps périscolaire, dans des délais très courts, juste avant les vacances de décembre, afin que tout puisse se passer au mieux. Elles ont dû s’organiser avec les AESH ayant accepté de poursuivre leur mission.
Madame la ministre, face à l’inquiétude des élus locaux, pouvez-vous nous indiquer si les collectivités devront effectivement prendre en charge et recruter les AESH ? Le cas échéant, comment votre gouvernement explique-t-il un tel changement de cap s’agissant d’une question centrale ?
Madame la sénatrice Elsa Schalck, la scolarisation des élèves en situation de handicap est une priorité que nous partageons et c’est un enjeu qui doit évidemment nous rassembler.
Vous mentionnez la décision du Conseil d’État de novembre 2020 ; je tiens à apporter quelques précisions en la matière. Cette décision clarifie la question des modalités de prise en charge financière de l’accompagnement humain des élèves en situation de handicap dans le cadre des activités périscolaires, notamment de restauration, par les collectivités territoriales. Le Conseil d’État a jugé qu’il appartenait aux collectivités territoriales, et non pas à l’État, de prendre en charge l’accompagnement des enfants en situation de handicap lorsqu’elles organisent un service de restauration scolaire ou des activités complémentaires et périscolaires.
Une telle décision a clarifié le droit existant, sans le modifier à proprement parler. Depuis lors, les services du ministère de l’éducation nationale travaillent à sa mise en œuvre, avec un seul objectif : garantir la continuité de l’accompagnement des enfants et éviter toute rupture.
C’est pourquoi le ministère de l’éducation nationale travaille notamment avec le ministère de la cohésion des territoires autour de différents dispositifs : mise à disposition d’une collectivité par l’employeur, le ministère ; emploi direct possible des AESH par une collectivité dans le cadre d’un cumul d’activités ; recrutement conjoint par l’État et une collectivité territoriale.
Ces mesures représentent une double opportunité : il s’agit, pour les élèves, d’avoir un accompagnement de qualité continu sur l’ensemble des temps de la journée et, pour les AESH qui le souhaitent, de compléter leur temps de travail. Nous l’avons dit, la grande majorité d’entre eux travaillent à temps partiel.
Les services du ministère se tiennent à disposition des collectivités pour travailler sur toutes ces possibilités, avec pour seule ambition de toujours mieux accompagner les élèves en situation de handicap et leurs familles.
La parole est à M. Jean-Marie Mizzon, auteur de la question n° 1915, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur la méthanisation.
À l’origine, ce procédé innovant devait permettre à des fermes de valoriser leurs propres déchets voire ceux de fermes voisines. Il présentait des qualités économiques, écologiques et énergétiques indiscutables.
Aujourd’hui, dans certains départements, notamment en Moselle, on observe dans ce domaine une évolution qui pose question.
En effet, certains agriculteurs cultivent non plus pour nourrir les hommes ou les animaux, mais pour alimenter le seul méthaniseur, plantant des dizaines voire des centaines d’hectares de céréales, notamment du maïs, dans ce seul but.
Si ce mouvement devait se poursuivre, il pourrait, sans aller jusqu’à une généralisation, avoir pour conséquence de télescoper, à terme, notre volonté de souveraineté alimentaire, dont il convient de rappeler qu’elle était l’un des principes directeurs de la construction européenne dans les années 1960.
Il vient en outre affaiblir notre balance commerciale agroalimentaire, aujourd’hui encore excédentaire, grâce aux céréales, précisément, et aux vins et spiritueux.
N’oublions pas non plus qu’il engendre des transports par camion de céréales venant de zones de plus en plus éloignées et incite à labourer des prairies pour y planter et planter encore, ce qui, sur un plan écologique, n’est pas très satisfaisant.
Enfin, il entraîne une augmentation du prix des céréales à laquelle les éleveurs ont du mal à faire face.
Il n’en demeure pas moins que ce système intéresse un nombre grandissant d’investisseurs et offre à de nombreux agriculteurs des possibilités de reconversion, totale ou partielle.
Pour autant, il fonctionne selon un modèle économique artificiel, car subventionné, alors même qu’il peut porter atteinte à l’environnement.
Aussi, au regard de ce constat, pouvez-vous éclairer la représentation nationale sur la stratégie de l’État dans le domaine de la méthanisation ?
Monsieur le sénateur, vous m’interrogez sur un sujet extrêmement important, celui de la méthanisation. Vous l’avez fort bien montré dans votre question, la méthanisation est à la fois une chance et une menace pour le monde agricole.
Les opportunités sont d’ordre économique et environnemental, puisque la méthanisation fait partie des objectifs de développement des énergies renouvelables. À ce titre, je la défends donc et estime qu’elle doit être soutenue.
Toutefois, il convient d’agir avec raison. La méthanisation peut en effet être source de dangers – je mets de côté les contrôles des infrastructures au titre de la police environnementale – pour le monde agricole lui-même, lorsque les productions agricoles viennent à entrer en compétition les unes par rapport aux autres.
On dit souvent qu’en Allemagne l’élevage laitier a disparu du fait de la méthanisation. C’est probablement excessif, mais c’est un signal qu’il nous faut prendre en compte.
La position du Gouvernement a toujours été de défendre, soutenir et développer la méthanisation, tout en créant un cadre visant à préserver les équilibres agricole. C’est ce que nous avons fait avec le décret du 7 juillet 2016 et que nous continuerons de faire, comme le propose d’ailleurs l’excellent rapport sénatorial de M. Daniel Salmon.
Selon moi, tout projet de méthanisation devrait a minima faire l’objet d’un nihil obstat de la profession agricole, par exemple des chambres d’agriculture. Cela pourrait être une bonne piste à suivre.
Monsieur le ministre, vous avez parlé d’une méthanisation raisonnée, idée que je partage. Toutefois, très concrètement, sur le terrain, on ne mesure pas les dispositions que vous avez prises pour en arriver là ! Dans le département de la Moselle, on a le sentiment que chacun fait comme il veut et que le premier qui démarre a raison.
Sans doute devriez-vous vous engager à mener des mesures de contrôle pour mieux vérifier ce qui se passe.
La parole est à Mme Kristina Pluchet, auteure de la question n° 1943, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, je souhaiterais vous parler de la forêt publique, et en particulier de la place que vous comptez confier à l’Office national des forêts (ONF) dans votre stratégie forestière nationale.
En effet, les enjeux écologiques et environnementaux requièrent d’adapter sans tarder les forêts au changement climatique, d’engager leur renouvellement pour protéger la biodiversité et de répondre aux besoins de la société en produits de bois, en s’appuyant surtout sur les écosystèmes naturels, comme l’a souligné une tribune signée par plus de 600 scientifiques et acteurs du secteur forestier publiée dans le Journal du dimanche.
À ce titre, le volet forestier du plan de relance a été doté de 200 millions d’euros pour les deux prochaines années. Il est destiné aux propriétaires forestiers publics et privés et témoigne de l’engagement, que nous saluons, du Gouvernement en faveur de la préservation de notre patrimoine forestier.
Néanmoins, l’ONF continue de vivre une décrue de ses effectifs et une diminution constante de son budget, qui demeure largement déficitaire. Ainsi, le projet de contrat entre l’État et l’ONF pour la période 2021-2025 engendre de vives inquiétudes pour l’avenir de l’office, notamment en matière de stratégie sylvicole et de réduction de la masse salariale, encore plus depuis l’annulation, pourtant compréhensible et attendue, de la contribution des communes forestières. D’ailleurs, comment sera-t-elle compensée ?
Ce désengagement de l’État a pour conséquence la disparition des emplois de terrain, comme nous le constatons dans l’Eure, et la perte d’un service d’accompagnement de proximité des communes, indispensable pour l’exercice de leur mission d’intérêt général et une gestion de la qualité de leur patrimoine forestier.
Ces mesures ont véritablement des conséquences contradictoires avec les ambitions affichées par le Gouvernement et les exigences de la lutte contre le changement climatique.
En conséquence, alors que les assises de la forêt et du bois ont été lancées et seront closes fin janvier, nous souhaiterions être rassurés et en savoir un peu plus sur vos intentions quant à l’avenir de l’ONF et de ses missions pour la gestion durable de nos massifs communaux et domaniaux.
Madame la sénatrice, agir en responsabilité, c’est assumer à la fois assumer d’investir, mais aussi de régler les difficultés lorsqu’elles surgissent.
L’ONF est un office incroyablement précieux dans notre pays, pour les forêts domaniales et communales. Je connais bien cette maison, étant moi-même ingénieur forestier. Je saisis d’ailleurs l’occasion qui m’est donnée pour saluer celles et ceux qui y travaillent.
Vous dites que l’État se désengage des politiques forestières, alors même qu’il investit, vous l’avez dit dans votre question, plus de 200 millions d’euros dans le plan de relance à ce titre. Et, en bout de course, 800 millions d’euros seront consacrés à la forêt si l’on prend en compte France 2030. Vos propos me paraissent donc un peu caricaturaux, et non conformes à la réalité.
L’État investit massivement dans la politique sylvicole. Sa vision est très claire : la forêt doit être protégée et cultivée. Pour nombre de nos concitoyens, c’est un atout sociétal qu’il faut développer.
Parallèlement, l’État, en responsabilité, doit faire face aux difficultés que traverse l’office.
Tout d’abord, nous avons conclu ce contrat entre l’État et l’ONF et nous avons dit que nous ne demanderions pas de contribution supplémentaire aux communes forestières. Dans le cadre de ce contrat, nous avons demandé à l’ONF de faire face aux difficultés qu’il rencontre aujourd’hui, conformément à la trajectoire que nous avons définie en termes de ressources humaines et de management. Parallèlement, l’État devra investir beaucoup plus dans l’ONF. Songez que, dans la dernière loi de finances, qui n’a pas été discutée ici, 60 millions d’euros supplémentaires ont été mobilisés sur trois ans, pour soutenir l’ONF. Par ailleurs, 30 millions d’euros ont été alloués en 2021 à l’ONF pour la reconstitution des forêts domaniales et, dans le cadre du plan France Relance, l’ONF bénéficie de plusieurs dizaines de millions d’euros.
Nous continuons donc à investir massivement dans cet office.
Je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir respecter vos temps de parole, afin que chacun puisse intervenir. Nous prenons du retard à chaque question !
La parole est à Mme Chantal Deseyne, auteur de la question n° 1987, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, ma question porte sur les phénomènes d’augmentation des prix qui touchent fortement notre agriculture.
Ces augmentations concernent le coût des carburants pour les véhicules, celui du gaz pour les opérations de séchage, quand la fin des pénuries autorise les approvisionnements, mais aussi l’inflation des engrais azotés, qui est supérieure à 300 % au cours des derniers mois.
Le sujet a déjà été largement évoqué pour ce qui concerne le coût des énergies. Par ma question, je souhaite attirer votre attention sur les marges de manœuvre offertes concernant le coût des engrais, au travers de la levée des droits à l’importation et des taxes douanières antidumping.
Selon la chambre d’agriculture du département d’Eure-et-Loir, l’impact économique actuel des augmentations de prix est évalué à 40 000 euros par exploitation.
Monsieur le ministre, au regard des difficultés que rencontrent nos agriculteurs, quelles sont les intentions du Gouvernement, afin de ne pas les laisser face à de nouvelles difficultés qui ne manqueraient pas d’avoir des répercussions sur le pouvoir d’achat des consommateurs et sur notre compétitivité agricole ?
Madame Chantal Deseyne, la crise des engrais a un impact considérable sur la sécurité alimentaire mondiale. Elle permet de rappeler à chacun que le rôle premier de l’agriculture est un rôle nourricier. Or il existe une corrélation directe entre les engrais et la production alimentaire.
J’ai saisi récemment l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) sur ce sujet, qui est à mes yeux incroyablement stratégique.
Je distingue trois sujets, dont le premier est celui des coûts. Vous l’avez dit, la France a œuvré, et continue d’œuvrer, au niveau européen, en faveur de la suspension des droits ad valorem. Avant de devenir président du Conseil des ministres de l’agriculture de l’Union européenne, j’ai fait valoir cette demande auprès de la Commission européenne. Elle est toujours en cours de discussion.
Le deuxième sujet est celui de la disponibilité. Nous avons organisé avec la filière et les producteurs des voies et moyens pour nous assurer de la disponibilité en engrais. Nous avons des unités de production en France, pas pour tous les types d’engrais – je n’entrerai pas dans le détail –, à la différence d’ailleurs d’autres pays européens.
Le troisième sujet est celui de la logistique. En effet, une fois qu’on s’est assuré de la disponibilité, il faut s’assurer de la logistique, afin d’éviter certains moments de tension, qui font l’objet d’un suivi très particulier par le ministère de l’agriculture et celui des transports, en lien avec les professionnels.
Il convient donc de se battre sur ces trois fronts : le prix et la taxation dite ad valorem, la disponibilité et la logistique. Il s’agit d’un sujet fondamental. En effet, les engrais, qui doivent bien évidemment faire l’objet d’une utilisation raisonnée, permettent à la plante de se nourrir. Il existe donc une corrélation directe entre les engrais et le niveau de production.
Monsieur le ministre, je sais que vous connaissez parfaitement toutes ces questions. Effectivement, l’engrais est important. Il nourrit la plante, ce qui garantit sa qualité. L’agriculture, quel que soit d’ailleurs le type d’agriculture, rencontrant des situations difficiles, je me permets de réitérer ma question : comment intervenir pour que les coûts soient plus abordables ?
Les marchés des céréales et de l’azote sont des marchés parallèles, mais dont les écarts sont énormes. Ainsi les agriculteurs appréhendent-ils l’année à venir et la récolte à venir. Si certains ont pu bénéficier en 2021 de prix élevés, ils ne sont pas assurés de connaître, l’année prochaine, les mêmes conditions.
La parole est à M. Daniel Chasseing, auteur de la question n° 2001, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, depuis plusieurs années, la filière bois souffre de l’arrivée massive d’acheteurs étrangers, notamment chinois, et spéculateurs. Ainsi, le prix d’achat du bois atteint des sommets et les volumes disponibles pour les scieries françaises se raréfient. En conséquence, plusieurs secteurs industriels en aval commencent à donner des signes de tension, faute d’approvisionnement.
J’ai pu échanger avec deux scieries de mon département, lesquelles partagent le même constat quant au manque de visibilité qui limite, pour l’avenir, leur capacité d’investissement.
Selon les chiffres douaniers chinois, les exportations de chêne français vers la Chine ont augmenté de 42 % et celles de résineux de 66 % en 2021.
Alors que de nombreux pays producteurs de bois, membres de l’Union européenne ou non, ont pris des mesures limitant son exportation sous une forme brute, la France se laisse piller, malgré le label UE, contourné par des acheteurs chinois.
Devons-nous attendre que la concurrence chinoise asphyxie nos petites scieries et menace davantage notre filière française ?
Monsieur le ministre, outre l’interdiction de l’export de bois brut, la filière propose des solutions ne dépendant que d’une volonté politique nationale : stricte application des règles phytosanitaires, qui renchérirait le coût de l’export, et obligation, pour les exploitants forestiers individuels, de choisir entre l’exonération d’impôt sur le revenu issu de ces ventes et les aides.
Quelle stratégie suit le Gouvernement pour assurer l’approvisionnement des scieries françaises et maintenir la valeur ajoutée et les emplois en France ?
Monsieur le sénateur Daniel Chasseing, ce sujet est d’une importance cruciale, et nous sommes à pied d’œuvre depuis de longs mois. Nous avons déjà connu une telle situation pour une autre essence, le hêtre, voilà quelques années. Aujourd’hui, la situation de la filière du chêne est tragique. Il s’agit en outre d’une aberration écologique et en termes de souveraineté, les exportations ayant augmenté de 30 % sur les dix premiers mois de l’année 2021.
Toutefois, votre question comporte une erreur factuelle. En effet, très peu de pays européens ont mis en place des dispositifs d’interdiction à l’export, lesquels, d’ailleurs, n’ont pas fonctionné.
Que devons-nous faire ? En réalité, nous devons lutter contre des traders chinois, lesquels, malheureusement, ne sont pas limités par le coût. Ainsi, les propositions que vous avez évoquées ne permettraient pas de résoudre la situation, dans la mesure où ces traders peuvent toujours renchérir.
Nous pouvons agir sur trois plans.
Tout d’abord, nous pouvons porter au niveau européen ces sujets d’interdiction d’exportation. Nous l’avons fait depuis de longs mois et continuons à plaider notre cause.
Ensuite, nous connaissons, à très court terme, la solution : il convient de massifier le recours au label UE. Pour les forêts publiques domaniales et communales, toute vente de chêne est soit sous label UE soit sous forme de contractualisation.
L’immense difficulté est de faire dans la forêt privée ce que nous faisons dans la forêt publique. Mais comment réussir à convaincre les propriétaires forestiers de passer à ce label UE, sachant qu’un propriétaire est libre, constitutionnellement, de l’utilisation de son bien ?
Enfin, il conviendra d’avoir recours, à l’avenir, à une contractualisation massive.
Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, le poids de la forêt française devrait permettre à la France de peser au niveau européen pour mettre en place des règles limitant l’export du bois brut.
La parole est à M. Jean-Jacques Michau, auteur de la question n° 2034, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, ma question concerne un problème récurrent dans mon département, auquel il est désormais urgent d’apporter des réponses claires. Je veux parler de l’incertitude juridique qui entoure le statut des chiens de protection de troupeaux.
En effet, dans nos territoires, et particulièrement en Ariège, cette question du statut des chiens de protection soulève de nombreuses interrogations. En effet, depuis plusieurs mois, ces chiens sont au cœur de nombreux conflits d’usage, qu’il s’agisse de poursuites à l’encontre d’éleveurs dont les chiens ont attaqué des promeneurs ou des randonneurs ou des plaintes de voisinage pour cause de bruits occasionnés par ces chiens quand ils ne sont plus dans les estives.
La multiplication de ces conflits mobilise de plus en plus les forces de gendarmerie et entraîne de nombreuses interrogations et inquiétude chez les éleveurs, les bergers et les élus. Pourtant, il s’agit bien là d’un comportement tout à fait légitime de chiens de protection au travail, dont le rôle premier est d’éloigner tout intrus approchant le troupeau.
Comme vous le savez, les chiens de protection constituent l’une des mesures aidées par l’État dans le cadre de la coexistence avec les grands prédateurs que sont l’ours ou le loup. Ils sont l’un des éléments constitutifs de l’indemnisation des éleveurs en cas d’attaques du prédateur. Les éleveurs ont ainsi été amenés à changer leurs pratiques pour s’adapter à ces nouveaux risques et à mettre en place la protection exigée par l’État.
Il est donc évident que cette contrainte ne peut se traduire in fine pour eux par des difficultés supplémentaires. Il semble donc nécessaire qu’une sécurité juridique spécifique aux chiens de protection soit apportée à ces éleveurs dans leur activité d’élevage et de pastoralisme.
Monsieur le ministre, le Gouvernement entend-il donner un statut juridique particulier aux chiens de protection, afin de protéger juridiquement les éleveurs et les bergers ?
Monsieur le sénateur, je partage totalement votre préoccupation. Nous avons d’ores et déjà engagé la réflexion depuis la mi-2021 s’agissant de la révision du statut juridique des chiens de protection, pour ce qui concerne leur détention et leur utilisation. Nous souhaitons que ces travaux se terminent le plus rapidement possible, soit dans le courant de l’année 2022. Le Président de la République l’a d’ailleurs annoncé à la fin de l’été 2021, dans le cadre d’une discussion avec les jeunes agriculteurs.
Ces travaux portent sur la gestion des chiens de troupeaux, dont nous connaissons tous les impacts quotidiens pour l’éleveur. Mais ils portent également sur une autre question fondamentale, à savoir le comptage des loups.
Une cohabitation doit être instaurée, mais elle ne doit pas se faire sur le dos de l’éleveur. En effet, chaque fois qu’il y a une attaque, c’est un drame pour l’éleveur. Il faut avoir une approche très humaine de ces sujets.
Je n’ai jamais fait partie de ceux qui mettent en avant l’indemnisation. Le travail de l’éleveur, c’est tout autre chose ! Les animaux qu’il élève sont son patrimoine.
Il convient donc d’étudier la question des prélèvements de loups. Mais si vous n’êtes pas d’accord sur le constat, à savoir le nombre de loups présents sur le territoire, il est sacrément difficile de vous mettre d’accord sur la solution !
Par conséquent, la revue du comptage est également en cours. Ces deux chantiers, statut juridique des chiens de troupeaux et comptage des loups, ont été ouverts par le Président de la République et le Premier ministre voilà quelques mois.
La parole est à M. Bernard Buis, en remplacement de M. Georges Patient, auteur de la question n° 2054, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser mon collègue Georges Patient, qui m’a demandé de vous poser sa question. Il a en effet dû rejoindre la Guyane pour accueillir le ministre des outre-mer, en visite depuis hier sur son territoire.
Les acteurs de la filière bois, premier employeur privé de Guyane après le secteur spatial, sont très inquiets pour leur propre survie. Cette filière est classée par le Gouvernement parmi les axes prioritaires de développement de ce territoire, comme l’a confirmé le Président de la République lors de son déplacement en Guyane en octobre 2017.
Cet engagement s’est traduit par l’adoption, en 2018, d’un programme régional de la forêt et du bois (PRFB) dans lequel il est prévu de multiplier par trois les volumes de bois d’œuvre issus de la forêt naturelle. Le volume annuel de grumes extrait passerait ainsi à 210 000 mètres cubes à l’horizon 2030.
Or la particularité de la forêt guyanaise est la certification écoresponsable de son exploitation, pratique unique dans la région amazonienne, qui impose aux exploitants forestiers de s’enfoncer toujours plus profondément en forêt pour trouver les arbres exploitables. Ceux-ci utilisent à cette fin les pistes dont l’Office national des forêts (ONF) a la responsabilité en tant que gestionnaire du domaine forestier permanent.
Le PRFB prévoit un investissement de 5 millions d’euros par an jusqu’en 2029 pour la création de nouvelles pistes afin d’ouvrir à l’exploitation de nouveaux massifs forestiers. Or l’ONF vient d’annoncer la limitation de l’investissement annuel consacré aux pistes à 2 millions d’euros à partir de cette année contre 3 millions d’euros jusqu’à présent.
L’Union européenne rembourse pourtant à 100 % ces travaux via le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Pourquoi ne pas en profiter ? Certes, il faut les préfinancer le temps du déblocage des fonds européens, soit trois ans environ, ce qui représente une avance de 15 millions d’euros.
Ces investissements conditionnent la survie de la filière. Au lieu d’un triplement des volumes extraits, si les nouvelles pistes ne sont pas créées, les volumes vont au contraire chuter en raison de l’épuisement de la ressource dans les massifs actuellement accessibles. Faute de matière première, toute la filière sera touchée, au risque de la disparition.
C’est pourquoi, monsieur le ministre, le Gouvernement doit autoriser et aider l’ONF Guyane à préfinancer les trois années d’avance de trésorerie que je mentionnais.
Monsieur le sénateur Buis, permettez-moi de saluer votre collègue Georges Patient, dont je connais l’engagement sur cette question des forêts guyanaises. À l’évidence, comme vous l’avez dit, nous nous devons d’être extrêmement vigilants sur le niveau d’investissement dans la création des dessertes forestières, et ce précisément pour les raisons invoquées par votre collègue.
Les pouvoirs publics financent depuis plusieurs années, vous l’avez dit, jusqu’à 100 % des investissements destinés à la création des dessertes, via notamment l’apport des fonds européens du Feader. Vous l’avez dit aussi, bien que ces investissements soient financés à 100 %, l’ONF doit faire l’avance de trésorerie jusqu’au remboursement, tout en devant assurer l’entretien des dessertes existantes.
Les acteurs économiques de Guyane demandent que l’investissement qui n’a pu être réalisé en 2021 puisse être reporté en 2022, au montant près, afin de rattraper le retard et de disposer ainsi de davantage de visibilité et de lisibilité ; c’est cette demande que relaie votre collègue Georges Patient.
Le Gouvernement a bien entendu cette demande. Les crédits du programme 149, « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture », ont été réévalués dans le projet de loi de finances pour 2022, afin d’assurer la contrepartie nationale nécessaire du financement du Feader et de permettre à l’ONF de réaliser ses investissements conformément au programme régional de la forêt et du bois. Le montant prévisionnel alloué aux investissements de création de pistes pour 2022 atteint ainsi plus de 4 millions d’euros, ce qui répond à la préoccupation exprimée.
L’ONF ajustera l’enveloppe allouée à la direction territoriale de Guyane afin que les crédits nécessaires au préfinancement que je viens d’évoquer puissent être mobilisés.
La parole est à M. Alain Cazabonne, auteur de la question n° 1620, adressée à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, l’Office français de la biodiversité considère les produits de la mer non commercialisés comme des déchets. On compte parmi lesdits produits les moules sous taille ou encore les coquilles d’huître vides. Ces produits rejetés à la mer viennent de la mer, sans avoir subi quelque altération ou modification que ce soit. Il s’agit donc de produits naturels remis dans leur milieu naturel.
En outre, des procédures ont été établies via des délibérations de comités régionaux conchylicoles afin de limiter les rejets en tas, sources de nuisances, visuelles et, durant la période estivale, olfactives, à cause de l’utilisation d’épandeurs agricoles.
Voici ma question : serait-il possible de clarifier la qualification de ces produits de la mer non commercialisés afin qu’ils ne soient plus considérés comme des déchets ?
Monsieur le sénateur Alain Cazabonne, la réponse à votre question dépend de la nature de ce dont on parle, à savoir les différents mollusques bivalves, dont on doit prendre en considération les caractéristiques.
Les moules destinées à la consommation humaine qui sont récoltées dans des élevages mytilicoles font l’objet de règles spécifiques en application du fameux règlement n° 853/2004, que les professionnels connaissent bien. Leur statut est celui de denrées alimentaires d’origine animale.
Les moules sous taille, elles, sont exclues de la consommation humaine par les producteurs pour des raisons essentiellement commerciales. Il découle de cette opération que les moules sous taille sont considérées, pour un ensemble de raisons notamment sanitaires bien connues, comme des sous-produits animaux de catégorie 3 – il s’agit en effet de mollusques bivalves qui restent vivants, et non de coquilles vides. Le règlement auquel j’ai fait référence établit les règles sanitaires applicables à la gestion de ces sous-produits.
Les producteurs ont l’obligation de trier et d’identifier les moules sous taille pour les prendre en charge conformément au règlement, qui ne prévoit pas explicitement l’application directe dans les sols de ces sous-produits comme un usage possible.
Les coquilles d’huître, et plus largement les coquilles de mollusque, sont en revanche exclues du champ d’application dudit règlement : vides, sans corps mou ou chair, elles n’ont pas le statut de sous-produits animaux et peuvent à ce titre être valorisées dans le sens que vous indiquez, monsieur le sénateur.
Merci, monsieur le ministre, pour cette réponse positive à 50 % ou 60 % ! Les coquilles ne présentant aucun danger, les conchyliculteurs apprécieront de pouvoir leur réserver un traitement séparé. Les bénéfices qu’ils tireront de cette précision sont déjà importants : moins de tracas administratifs et des surcoûts limités.
La parole est à M. Bernard Buis, auteur de la question n° 2056, transmise à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
Monsieur le ministre, l’obligation de débroussaillement d’une haie d’arbustes, arbres ou végétaux divers débordant d’une propriété privée sur la voie publique incombe au propriétaire, nous le savons tous.
Ce sujet continue néanmoins de poser problème, des questions étant régulièrement soulevées à cet égard auprès des maires par leurs administrés.
En effet, le code forestier impose aux propriétaires d’assurer l’entretien non seulement de leur propriété, mais aussi des parcelles non bâties qui la jouxtent, sous certaines conditions.
Ainsi l’article L. 131-11 dudit code permet-il au préfet de rendre obligatoire le débroussaillement sur les fonds voisins jusqu’à une distance de 50 mètres de l’habitation. Le propriétaire négligent d’un terrain non bâti peut de cette façon faire porter la responsabilité sur ses voisins propriétaires d’une construction.
En parallèle, le code général des collectivités territoriales, en son article L. 2213-25, permet aux maires de mettre en demeure le propriétaire négligent d’exécuter les travaux d’entretien de sa parcelle à une distance maximum de 50 mètres des habitations.
L’articulation de ces deux textes rend difficilement compréhensibles les obligations qui pèsent sur chacune des parties.
Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous apportiez la clarification dont ont besoin, en la matière, tant les maires que les propriétaires concernés.
Monsieur le sénateur Buis, je reconnais bien là, à entendre votre question, la précision qui vous caractérise.
J’avoue qu’avant d’être interpellé par vos soins je n’avais pas vraiment conscience de ce distinguo. Celui-ci mérite bel et bien, pourtant, d’être précisé afin d’être compris par tous, avant, un jour, peut-être, d’être mieux explicité par le législateur.
Pour faire simple, vous expliquez que ce débroussaillement incombe tantôt au maire, tantôt au préfet, dès lors qu’il n’est pas fait par le propriétaire lui-même. Il faut distinguer deux types de territoires : dans les territoires réputés particulièrement exposés aux risques d’incendies de forêt en application des articles L. 132-1 et L. 133-1 du code forestier – votre département, la Drôme, en fait partie –, c’est au maire d’assurer le contrôle de l’exécution des obligations légales de débroussaillement.
En revanche, en dehors de ces territoires, le code forestier prévoit, à l’article L. 131-11 que vous avez mentionné, la possibilité pour le préfet de prescrire ponctuellement des obligations légales de débroussaillement équivalentes après appréciation du risque d’incendie. Cette disposition qui est à la main des préfets n’est d’ailleurs peut-être pas suffisamment connue et mériterait d’être mieux explicitée auprès de l’ensemble des acteurs de terrain.
Merci beaucoup, monsieur le ministre, pour ces précisions très importantes. De nombreux maires nous interrogent régulièrement ; je leur transmettrai votre réponse.
La parole est à M. Cédric Perrin, auteur de la question n° 1905, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Madame la ministre, je me doute que vous n’avez pas suivi de près mes multiples questions et alertes sur cette problématique, et c’est bien normal – le dossier que j’aborde aujourd’hui est un dossier technique qui relève du ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Je me contenterai donc de rappeler en quelques mots les faits connus par Mme la ministre Gourault.
Depuis maintenant plus de deux ans, je ne cesse d’interpeller le Gouvernement sur les conséquences financières de l’implantation de l’hôpital Nord Franche-Comté sur le territoire de la petite commune de Trévenans, dont les frais de gestion de l’état civil ont naturellement explosé.
Plusieurs options ont été envisagées, mais aucune n’a à ce jour été retenue ni même expérimentée, en dépit des promesses du cabinet de Mme Gourault, qui s’est engagé auprès du maire de la commune, le 7 mai 2021, à trouver une solution.
Quelques mois plus tard, le 15 octobre, cette fois en l’absence du maire, les conseillers de la ministre plaidaient en faveur d’un accord que je savais déjà impossible entre les parties prenantes.
C’est à cette occasion que nous avons compris qu’il fallait que nous nous « débrouillions » !
Si je ne peux obtenir l’aide du Gouvernement sur le fond du dossier, je souhaite à tout le moins recueillir son interprétation juridique de l’article suivant : l’alinéa 4 de l’article L. 2321-5 du code général des collectivités territoriales dispose que, « à défaut d’accord entre les communes concernées sur leurs contributions respectives ou de création d’un service commun chargé de l’exercice de ces compétences, la contribution de chaque commune est fixée par le représentant de l’État dans le département du siège de l’établissement public de santé ».
Ma question est donc simple, madame la ministre : dans quelles conditions le déclenchement de cette procédure de fixation de la contribution de chaque commune par le représentant de l’État s’organise-t-il dès lors que les communes concernées constatent qu’un accord entre elles est définitivement impossible ?
Monsieur le sénateur Cédric Perrin, Mme la ministre Jacqueline Gourault a déjà eu l’occasion de le rappeler, dans sa réponse du 14 avril dernier à votre question portant sur la charge financière que représentent les missions d’état civil pour la commune de Trévenans du fait de la présence sur son territoire de l’hôpital Nord Franche-Comté : la loi prévoit un mécanisme de compensation au profit de la commune d’implantation de l’établissement public de santé comportant une maternité.
Ce mécanisme consiste en une contribution financière des communes extérieures, qui repose sur le rapport entre le nombre de naissances comptabilisées dans la maternité et le nombre d’habitants de la commune où se situe l’établissement. Il s’applique à toutes les communes dont les habitants représentent, au titre d’une année, plus de 1 % des parturientes ou plus de 1 % des personnes décédées dans cet établissement.
Nous pourrions modifier ces seuils – sur le principe, nous n’y sommes pas défavorables –, mais il faudra ouvrir ce chantier avec l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF), car des conséquences sont à prévoir pour des centaines de communes.
La création par l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) et ses communes d’un service commun visant à mutualiser les missions d’état civil et à en répartir les coûts avait par ailleurs été évoquée. Je regrette que cette solution, à la main des acteurs locaux, n’ait pu aboutir faute d’accord entre les communes.
La commune dispose toutefois d’autres leviers pour financer ses charges.
En premier lieu, elle peut solliciter son EPCI afin qu’il augmente le montant de la contribution de compensation. La surface financière de l’EPCI pourrait lui permettre de procéder à cette hausse sans nuire à son équilibre budgétaire, aux fins de participer au financement d’un équipement structurant de son territoire.
En second lieu, la commune peut solliciter le conseil départemental pour qu’il tienne compte de sa spécificité dans les critères qu’il détermine pour répartir l’enveloppe du fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) ou du fonds départemental de péréquation des droits de mutation à titre onéreux, dit « fonds DMTO ». Par exemple, le département du Territoire de Belfort verse chaque année 1, 8 million d’euros de FDPTP aux communes. La loi prévoit que l’importance des charges des communes doit être un critère.
Le Gouvernement n’envisage pas de rétablir, comme vous le demandez, les taxes sur les convois funéraires, les inhumations et les crémations, supprimées par la loi de finances pour 2021.
Si, en revanche, sous le vocable de « taxes », vous visez en réalité des redevances, …
… aucune disposition ne fait obstacle à l’institution de telles contributions à titre de compensation.
Une fois de plus, je n’obtiens pas gain de cause. Vous continuez à expliquer aux collectivités qu’elles doivent prendre en charge des compétences que l’État ne souhaite plus exercer.
La taxe funéraire, comme le reste, a été supprimée, et une collectivité de 1 000 habitants doit désormais prendre en charge la totalité des naissances d’un département de près de 150 000 habitants, ce qui est évidemment impossible !
La parole est à M. François Calvet, auteur de la question n° 1983, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur les conséquences du transfert obligatoire de la compétence de voirie aux communautés urbaines, prévu par la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), pour la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole.
En effet, le 1er janvier 2016, la communauté d’agglomération Perpignan Méditerranée est devenue la communauté urbaine Perpignan Méditerranée Métropole, regroupant trente-six communes.
Précédemment, et en conformité avec la loi NOTRe, la compétence de voirie était exercée par les communes, s’agissant d’une compétence optionnelle ou facultative des communautés d’agglomération.
Mais, depuis le 1er janvier 2016, deux modes de gestion cohabitent.
Des conventions de gestion, d’une part, permettent aux communes de continuer à gérer directement la compétence de voirie : le cas échéant, le personnel reste communal, comme les budgets de fonctionnement et d’investissement, qui sont gérés par la commune, laquelle lance et suit les marchés et travaux. La communauté urbaine rembourse tous les ans les frais de fonctionnement et d’investissement aux communes. Ce mode de gestion constituait une tolérance juridique transitoire destinée à permettre aux communautés urbaines de mettre en œuvre le transfert de la compétence de voirie.
Deux pôles territoriaux, d’autre part, regroupent chacun les communes qui ont choisi de lui transférer leur personnel communal ainsi que la gestion financière et opérationnelle de ladite compétence. Cette dernière modalité d’organisation territorialisée et déconcentrée permet à la communauté urbaine de gérer directement la compétence de voirie tout en préservant les besoins de proximité inhérents à l’exercice de cette compétence.
Ce double système fonctionnant à la satisfaction de tous, je souhaite savoir si un tel régime peut perdurer et devenir un mode de gestion de la compétence de voirie par les communautés urbaines. À supposer que non, que convient-il de faire ?
Monsieur le sénateur François Calvet, depuis la loi Chevènement de 1999, la voirie est une compétence obligatoire des communautés urbaines. Au 1er janvier 2016, la communauté d’agglomération Perpignan Méditerranée a demandé à devenir communauté urbaine, ce qui implique une intégration intercommunale supérieure. Elle est donc, depuis lors, compétente en matière de voirie.
Le recours aux conventions de gestion que vous mentionnez, également nommées conventions de prestation de services, est prévu par les dispositions de l’article L. 5215-27 du code général des collectivités territoriales. Toutefois, ces conventions ne doivent pas constituer un moyen pour un EPCI à fiscalité propre de rétrocéder aux communes des compétences qui lui ont été transférées par le législateur.
Nous partageons avec vous la position selon laquelle il est impératif de répondre au besoin de proximité dans l’exercice de cette compétence, en y associant en particulier les maires.
Des outils sont à la disposition des acteurs locaux.
Tout d’abord, le pacte de gouvernance peut prévoir les conditions dans lesquelles l’EPCI à fiscalité propre peut déléguer au maire d’une commune membre l’engagement de certaines dépenses d’entretien courant d’infrastructures ou de bâtiments communautaires. Le cas échéant, le maire dispose d’une autorité fonctionnelle sur les services concernés.
Les réunions de la conférence des maires favorisent elles aussi le dialogue entre les collectivités.
J’ajoute qu’un EPCI à fiscalité propre, lorsqu’il installe une commission, peut également prévoir qu’y participent, selon des modalités qu’il détermine, des conseillers municipaux des communes membres.
Ensuite, il est possible, comme vous le suggérez, de prévoir une organisation déconcentrée des services intercommunaux chargés de la voirie. La plupart des grandes intercommunalités ont mis en place une telle organisation afin de répondre dans la proximité aux besoins des populations, dans des délais adaptés aux travaux d’entretien courant.
Enfin, dans le cadre du pouvoir de police générale qui lui confère notamment la responsabilité d’assurer la sûreté et la commodité du passage sur les voies publiques, le maire peut intervenir pour assurer la sécurité de la population si une détérioration de la voirie exige une intervention urgente.
La parole est à M. Alain Milon, auteur de la question n° 2021, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Madame la ministre, la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, la fameuse Gemapi, a été confiée aux intercommunalités par les lois de décentralisation de 2014 et de 2015 à compter du 1er janvier 2018.
Progressivement, les règles applicables aux modalités d’exercice de cette compétence sont passées d’une réglementation sur l’ouvrage digue à une réglementation sur le système d’endiguement.
Actuellement, plus d’une centaine de ces structures, en France, sont confrontées à l’impossibilité de trouver un assureur : Groupama et Smacl, qui intervenaient jusqu’à présent, ne soumissionnent plus.
Ce désengagement est particulièrement préjudiciable à ces établissements qui exercent une compétence majeure pour la protection de nos concitoyens, notamment par endiguement.
En vertu du principe qui veut que l’État soit son propre assureur, la prise en charge de ces risques ne posait pas de difficultés avant le transfert de cette compétence. Depuis le transfert, la question se pose avec une réelle acuité.
Consulté, le bureau central de tarification n’a pu apporter de solution à ce problème, dans la mesure où les structures de droit public dont il est question peuvent être leur propre assureur.
Or la capacité financière de la plupart de ces structures intercommunales s’avère insuffisante pour assumer en autoassurance la couverture du risque de catastrophe naturelle, eu égard à l’ampleur du risque à couvrir et alors même que l’aléa « inondation » a des probabilités d’occurrence de plus en plus importantes.
Si cette situation engendre des difficultés majeures, il est pour le moins paradoxal, de surcroît, de constater cette « frilosité » des compagnies d’assurances à remplir leurs missions envers des structures qui œuvrent à la prévention des risques et dont l’objectif, en cas de sinistres, est de limiter les dégâts, ce qui induit une diminution des remboursements.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour résoudre le problème que je viens d’exposer et permettre à ces structures d’exercer leurs compétences dans des conditions satisfaisantes tant du point de vue financier que de celui de la mise en sécurité des populations concernées ?
Monsieur le sénateur Alain Milon, comme vous le savez, la compétence Gemapi, dont les missions sont définies par le code de l’environnement, a été confiée à titre obligatoire par le législateur aux EPCI à fiscalité propre à compter du 1er janvier 2018.
Les syndicats de rivière, qui exerçaient avant cette date tout ou partie des missions gémapiennes, ont pu se maintenir via le mécanisme de la représentation-substitution.
Ces structures sont néanmoins invitées à fusionner ou à étendre leur périmètre pour atteindre une taille hydrographique cohérente avec l’exigence d’une gestion efficace du grand cycle de l’eau. Leur transformation en établissements publics d’aménagement et de gestion de l’eau (Épage) ou en établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) est, en ce sens, vivement encouragée.
Ce changement d’échelle leur permettrait de constituer les provisions nécessaires pour régler les coûts engendrés par d’éventuels sinistres, dans le cadre du système de l’autoassurance. La nouvelle organisation de la Gemapi n’alourdit pas la responsabilité du gestionnaire d’ouvrage, laquelle ne peut être engagée dès lors qu’ont été respectées les obligations légales et réglementaires applicables à la conception, à l’exploitation et à l’entretien des ouvrages.
Par ailleurs et surtout, la Gemapi peut être financée par les ressources non affectées du budget général et/ou par une taxe facultative, plafonnée à un équivalent de 40 euros par habitant et par an et destinée exclusivement à la prise en charge de cette compétence.
En cas de transfert de tout ou partie de la compétence Gemapi à un syndicat mixte, l’EPCI à fiscalité propre peut lever la taxe Gemapi pour financer sa contribution statutaire. Le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit 3DS, en cours de discussion au Parlement, prévoit par ailleurs la possibilité pour les EPTB, à titre expérimental, de lever des contributions fiscalisées afin de financer la Gemapi, ce qui enrichit encore le dispositif actuel.
Enfin, plusieurs dispositifs permettent de soutenir les collectivités dans leur rôle de prévention des risques naturels. Tel est le cas notamment du fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit fonds Barnier.
Bien qu’elle varie logiquement selon l’échelle de mutualisation choisie, la capacité financière d’exercer la compétence Gemapi est donc assurée.
Vous n’avez pas répondu à ma question, madame la ministre. Je ne vous ai pas demandé de me relire la loi – nous la connaissons par cœur.
Je vous demande quels sont les assureurs qui pourraient assurer les syndicats et les collectivités territoriales.
La parole est à M. Jean-Yves Roux, auteur de la question n° 2042, adressée à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques.
L’année 2022 est une étape importante pour nos concitoyens, celle de la dématérialisation de nos services publics, mais aussi du très haut débit pour tous, avant un fibrage de l’ensemble du territoire prévu en 2025.
Dans les Alpes-de-Haute-Provence, malgré des besoins immenses, les objectifs ne sont pas tenus. Seules 40 communes, sur les 178 faisant partie d’une zone d’appel à manifestation d’engagements locaux (AMEL), sont raccordées à la fibre – et encore, elles ne le sont pas en totalité.
Dans ces conditions, le télétravail, pourtant préconisé en ce moment, n’est pas possible, la réservation en ligne de services de santé et de vaccination ne l’est pas non plus, la continuité pédagogique est discontinue. Quant aux services publics en ligne dans nos communes, ils sont intermittents.
Plus inquiétant, la qualité des raccordements est à revoir. En dépit d’une convention en bonne et due forme avec SFR-Altice, avalisée par arrêté en mai 2019, il s’avère que la réalité des travaux de raccordement est pour le moins folklorique : des câbles trop tendus qui cèdent dans les virages – en montagne, il y en a ! –, des lignes enfouies qui deviennent aériennes et inversement, des poteaux appartenant à l’opérateur historique eux aussi historiques, des boîtiers laissés ouverts – de l’« open boîta » ! –, sans parler des conditions de sécurité au travail, qui font peur.
Nos maires nous rapportent, cerise sur le gâteau, qu’ils sont tenus à l’écart – il arrive que l’on contourne les autorisations de voirie les plus élémentaires – et constatent des chantiers en chantier et des élagages sauvages. Leurs questions et demandes de réparation ne reçoivent bien souvent, pour toute réponse, que du silence ; or du silence au mépris, parfois, la marge est faible.
Je suis sûr, madame la ministre, que vous partagez notre colère, parce que, nous le constatons, les moyens ont été mis sur la table comme jamais, y compris dans le cadre du plan de relance.
Pourtant, en ce moment, dans notre département, le fibrage avance peu, est mal fait, coûte de l’argent et beaucoup d’énergie à l’ensemble de la collectivité. Il y a matière à redresser la barre !
Actuellement plus que jamais, la ruralité et notre département ont besoin de preuves d’amour, madame la ministre. Que comptez-vous faire pour apaiser les tensions entre les différents protagonistes de la fibre, ici SFR et Orange, qui se renvoient la balle ?
Monsieur le sénateur Jean-Yves Roux, vous le savez, le Gouvernement a fait de la couverture numérique de nos territoires une priorité. Le Président de la République a fixé l’objectif de généraliser l’accès à la fibre optique à l’ensemble du territoire à l’horizon 2025.
En complément des initiatives privées et publiques, le Gouvernement a offert la possibilité aux collectivités de faire appel aux opérateurs privés, dans le cadre d’une procédure d’appel à manifestation d’engagements locaux, pour déployer la fibre optique sur leurs fonds propres.
Le syndicat mixte ouvert Sud THD, associant votre département, ceux des Hautes-Alpes et des Bouches-du-Rhône et le conseil régional de Provence-Alpes-Côte d’Azur, a fait ce choix en 2018.
Les engagements de SFR, approuvés par arrêté ministériel du 20 mai 2019, visent la couverture en fibre optique des locaux de l’ensemble de la zone d’initiative publique initiale, soit près de 300 000 locaux à l’horizon 2022. Ces engagements sont opposables et leur mise en œuvre soumise à sanction de l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), sur le fondement de l’article L. 33-13 du code des postes et des communications électroniques.
À l’échelle locale, une convention-cadre signée par les exécutifs de chaque collectivité territoriale et l’opérateur XpFibre, dans laquelle l’État n’est pas partie prenante, permet d’organiser les modalités de suivi des déploiements.
S’il se réjouit de la dynamique des déploiements de la fibre, le Gouvernement est vigilant quant au respect par les opérateurs du cadre réglementaire et des exigences de qualité des déploiements. L’Arcep a d’ailleurs annoncé fin novembre 2021 l’ouverture d’une enquête administrative sur XpFibre et ses filiales.
À l’échelle des Alpes-de-Haute-Provence, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) est en lien permanent avec les collectivités territoriales et la préfecture. La présidente du conseil départemental et la préfète du département portent par ailleurs une attention spécifique aux bonnes conditions de déploiement de la fibre optique par XpFibre. Elles coprésideront, le 24 février prochain, un comité de concertation départemental.
La parole est à M. Claude Kern, auteur de la question n° 1967, transmise à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Madame la ministre, je souhaiterais attirer votre attention sur les forêts cinéraires. Ces sites d’inhumation d’urnes biodégradables permettent de vivre le deuil différemment, dans le respect de la dignité due au corps humain, tout en offrant aux familles une solution qui s’avère plus économique que les obsèques traditionnelles et prend en considération d’autres facteurs.
Ce type d’inhumation intéresse de plus en plus de familles et de collectivités. Ces nouveaux lieux de mémoire, d’apaisement et de sérénité, situés en pleine nature, trouvent tout leur sens dans le constat que beaucoup de cimetières sont actuellement saturés et nécessitent des travaux d’agrandissement qui, dans certains cas, sont difficiles à réaliser par manque d’espace disponible.
Ce mode de sépulture existe déjà dans plusieurs pays européens, parmi lesquels certains de nos voisins, comme la Belgique, le Luxembourg et l’Allemagne. À titre d’exemple, chez nos proches voisins du Bade-Wurtemberg, il existe des Bestattungswälder à Neuried ainsi qu’à Rheinau. Cette pratique fonctionne parfaitement dans ces pays.
Plusieurs collectivités de mon département, notamment les communes de Neuwiller-lès-Saverne et Sommerau, m’ont interpellé à ce sujet.
Madame la ministre, serait-il envisageable de modifier la législation française et d’autoriser cette alternative à la sépulture en cimetière, afin de répondre à une demande en forte croissance ?
Monsieur le sénateur Claude Kern, votre question me donne l’occasion de préciser que le terme de « forêt cinéraire » ne correspond pas à une notion juridique. Il s’agit en réalité d’un site cinéraire dit « isolé », c’est-à-dire situé hors de l’enceinte du cimetière et non contigu à un crématorium.
À l’instar des cimetières, ces équipements affectés au devenir des cendres funéraires relèvent de la compétence exclusive des communes et des EPCI. L’initiative de la création d’un tel site revient à ces collectivités, qui en sont propriétaires et en assurent la gestion. Des emplacements peuvent être concédés aux particuliers, au sein du site cinéraire isolé, pour l’inhumation des urnes, pour les mêmes durées et selon les mêmes catégories que pour les concessions funéraires. Les cendres peuvent en outre être dispersées sur ces sites dans un espace aménagé à cet effet.
Quant à la légalité de la création d’un site cinéraire isolé dans une forêt, je ne peux vous donner une réponse de portée générale. Un espace arboré ou forestier peut théoriquement être envisagé pour l’implantation d’un site cinéraire isolé.
Pour ces projets, comme pour les cimetières, il est nécessaire de se conformer au régime juridique applicable en l’état du droit, qui permet de veiller au respect de la dignité des défunts et à la pérennité des sites choisis.
Le maire de la commune d’implantation doit également pouvoir y exercer pleinement ses pouvoirs de police spéciale en matière de funérailles.
Enfin, tout projet dit de « forêt cinéraire » doit être appréhendé au regard du régime légal inscrit dans le code forestier, dès lors que ce régime a été rendu applicable à la forêt concernée.
Aussi, il n’y a pas lieu de créer de statut spécifique ou de règles particulières pour l’implantation de lieux de sépultures en forêt plutôt qu’ailleurs.
Madame la ministre, j’ai bien entendu vos explications. Néanmoins, que l’on appelle ces lieux « sites cinéraires isolés » ou « forêts cinéraires », certaines communes ont tenté l’expérience – citons celle d’Arbas, en Haute-Garonne – et se sont heurtées à des blocages administratifs dus à des contradictions au sein même des services de l’État. Il conviendrait donc d’accorder les violons dans ces services, afin de faire bénéficier les familles d’un mode de sépulture respectueux à la fois de l’environnement et des dernières volontés des défunts.
La parole est à Mme Agnès Canayer, auteur de la question n° 2045, adressée à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Madame la ministre, les opérations de recensement obligent les communes à réaliser, pour le compte de l’État, le comptage de leur population. Dans les grandes communes, ces opérations sont organisées chaque année sur une partie de leur territoire ; quant aux plus petites communes, elles doivent réaliser un recensement intégral tous les cinq ans. Ces opérations ont des conséquences importantes pour les communes, notamment parce que le montant des subventions qui leur seront dévolues est déterminé au regard de ce comptage.
Or vous n’êtes pas sans savoir que ces opérations de recensement, qui commencent dans deux jours, se font cette année dans un contexte épidémiologique particulier, au plus fort de la vague du variant omicron.
Cela va engendrer des difficultés pour les communes : se rendre auprès des familles, jusque dans les maisons, sera compliqué, notamment en cas de cluster ; le recrutement des agents chargés du recensement le sera aussi, en cette période de forte contamination où nombre d’agents communaux sont déjà eux-mêmes en arrêt de travail.
Par ailleurs, madame la ministre, imaginer que ces opérations de recensement pourraient avoir lieu numériquement, ou par le biais des réseaux sociaux, c’est bien mal connaître la vie communale !
Dès lors, pourquoi ne pas avoir reporté ces opérations de recensement ? Pensez-vous pouvoir donner un délai supplémentaire aux communes pour qu’elles puissent faire face aux contraintes résultant de l’épidémie de covid-19 ? Enfin, comptez-vous les indemniser à juste hauteur pour les coûts qu’elles subissent du fait de cette sujétion supplémentaire ?
Madame la sénatrice Agnès Canayer, vous avez rappelé l’objet du recensement. Vous savez toute son importance : il permet notamment de dimensionner correctement certains services publics, comme les crèches ou les transports en commun, mais aussi de déterminer la contribution de l’État au budget de chaque commune. Il est donc important que ces opérations soient réalisées chaque année.
En raison du contexte sanitaire exceptionnel de 2020 et des restrictions alors en vigueur, l’Insee avait annoncé le report à 2022 de l’enquête de recensement qui était prévue en janvier et février 2021, sauf à Mayotte.
Cette année, la situation est différente. L’enquête de recensement a pu être correctement préparée à la fin de l’année 2021. Les restrictions liées à la crise sanitaire sont moindres que l’an dernier ; en particulier, les déplacements ne sont plus limités. Par ailleurs, l’accès à la vaccination permet de réduire fortement les risques sanitaires.
En outre, les méthodes mises en œuvre par l’Insee en 2021 pour calculer des populations légales en l’absence d’une enquête de recensement ne peuvent pas être reconduites. En effet, elles ne permettent pas de prendre en compte les mobilités résidentielles liées à la crise sanitaire.
L’enquête de recensement de la population est une opération qui donne lieu à très peu de contacts entre les agents recenseurs et la population recensée. Il est possible de répondre à l’enquête par internet ; quant aux personnes qui souhaitent malgré tout remplir un questionnaire papier, ce remplissage ne se fait pas en présence de l’agent recenseur, qui passe uniquement pour déposer, puis reprendre le questionnaire. Les agents recenseurs n’ont donc pas besoin d’entrer dans les logements. Compte tenu de ces dispositions, nous ne pensons pas qu’il y ait un grand risque sanitaire.
Le calendrier prévu a donc été maintenu. Si des communes rencontrent des difficultés lors de l’enquête, elles pourront toutefois demander un report de la date de fin de collecte, demande que l’Insee examinera avec bienveillance.
Madame la ministre, il est tout de même évident que la crise épidémique continue, même si elle prend des formes différentes. Cette crise rendra forcément plus difficile que d’ordinaire la réalisation de ces opérations de recensement et fera peser des sujétions particulières sur les communes. Celles-ci devront assumer des coûts supplémentaires, notamment pour le recrutement de nouveaux agents.
Le remboursement par l’État des frais occasionnés par le recensement n’est déjà pas à la hauteur du coût réel de ces opérations pour les communes ; cette fois-ci, il faudrait que l’État, dans le cadre de sa politique de « quoi qu’il en coûte », prenne en compte le véritable coût qu’occasionneront dans ce contexte les opérations de recensement pour les collectivités locales.
Nous en avons terminé avec les réponses à des questions orales.
Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de Mme Nathalie Delattre.