Séance en hémicycle du 8 décembre 2011 à 22h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • citoyenneté
  • nationalité
  • ressortissant
  • élections municipales

La séance

Source

La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 8 décembre 2011, le texte d’une décision du Conseil constitutionnel qui concerne la conformité à la Constitution de la loi relative à la répartition des contentieux et à l’allégement de certaines procédures juridictionnelles.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

J’informe le Sénat que, en application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi portant réforme des ports d’outre-mer relevant de l’État et diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2011.

J’informe également le Sénat que, en application du même article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du xxe siècle, déposée sur le bureau de notre assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le jeudi 8 décembre 2011, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution il a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité soulevée dans le cadre d’une requête tendant à l’annulation d’opérations électorales (2011-4538 SEN).

Le texte de cette décision de renvoi est disponible au bureau de la distribution.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

J’informe le Sénat que la question orale n° 1476 de M. Jacques-Bernard Magner est retirée, à sa demande, de l’ordre du jour de la séance du 20 décembre.

Par ailleurs, la question n° 1516 de M. Maurice Vincent pourrait être inscrite à cette séance.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Nous reprenons la discussion de la proposition de loi constitutionnelle, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France.

Les trois motions ayant été successivement repoussées, nous passons à la discussion des articles.

Après l'article 72-4 de la Constitution, il est inséré un article 72-5 ainsi rédigé :

« Art. 72-5. – Le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales peut être accordé aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne résidant en France. Ils ne peuvent exercer les fonctions de maire ou d’adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l’élection des sénateurs. Une loi organique détermine les conditions d’application du présent article. »

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

M. Louis Nègre. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, de nombreux arguments ayant d’ores et déjà été avancés, je limiterai mon intervention à deux points, selon moi essentiels dans le cadre de cette discussion, où sont mis en cause les fondements même de notre République.

Protestations sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Mon premier argument est simple : les dispositions proposées ne sont pas dans la tradition historique de la France.

Chaque pays a une histoire et se doit de la respecter. Après une très courte période d’ouverture à un universalisme débridé, les républiques successives ont lié indissolublement le droit de vote aux élections politiques à la nationalité française. Ce droit de vote, que nous considérons en France comme la plus haute manifestation de l’appartenance à la Nation, constitue la colonne vertébrale de notre système politique depuis deux siècles.

Le traité de Maastricht lui-même, contrairement à ce qui a été dit sur d’autres travées, ne crée pas un précédent, car il pose une double contrainte majeure au droit de vote. D’une part, il suppose l’existence préalable d’un traité entre différents pays ; d’autre part, il institue le principe de réciprocité, sur lequel vous avez été particulièrement discrets, chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

On peut le comprendre, car vous êtes bien incapables de citer à ce jour un seul pays qui accepterait d’appliquer le principe que vous défendez.

Mon second argument est fondé sur un constat d’évidence : la France est le pays généreux par excellence, à l’opposé de celui que vous décrivez, qui serait fermé aux étrangers.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Il suffit d’aller voir ce qui se passe dans les préfectures !

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

M. Louis Nègre. Non, chers collègues, la France est accueillante et ouverte à l’Autre ! Les chiffres sont là, et comme le disait Lénine – j’ai choisi une référence que vous connaissez bien ! –, les faits sont les faits, et les faits sont têtus !

Protestations lassées sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Chaque année, la France naturalise 130 000 étrangers, soit 356 personnes par jour en moyenne. Ainsi, chers collègues, depuis que nous avons commencé notre discussion, 120 étrangers sont désormais français !

Oui, la France est ouverte et généreuse. Ceux qui, en signant la Charte des droits et des devoirs du citoyen, ont choisi de devenir français, par un acte volontaire et conscient, et s’engagent à être « fidèles aux valeurs de la France, respecter ses symboles, servir notre pays et contribuer à son rayonnement », sont les bienvenus.

La preuve vivante de cette intégration, elle est ici, au milieu de nous, dans cet hémicycle, et sa présence confirme le bien-fondé de ma thèse. Madame le rapporteur, je tiens à rendre hommage à la sincérité de votre intervention, même si je ne partage pas vos idées. Vous qui nous avez dit être, au départ, une immigrée, vous avez choisi notre pays, vous avez choisi la France, vous ne vous êtes pas contentée d’un droit de vote aux municipales.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Vous êtes devenue, sur votre initiative, une citoyenne française à part entière. Aujourd’hui, grâce à notre pays, ouvert et généreux pour les étrangers, je le répète, vous êtes désormais sénatrice de la République, et représentante ès qualités de la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Alors oui, si un étranger veut s’intégrer et partager nos valeurs et le destin de notre pays, il peut le faire sans que nous prenions pour autant le risque de créer une nation mosaïque et de favoriser ainsi les communautarismes et les forces centripètes qui nous menacent.

Comme je viens de le démontrer, la France se révèle le pays le plus généreux de toute l’Europe : elle accueille les étrangers et leur accorde la citoyenneté dès lors qu’ils le souhaitent eux-mêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

M. Louis Nègre. Dans ces conditions, chers collègues, on peut se poser la question de savoir ce que cache réellement cette proposition de loi, qui ressort périodiquement à la veille d’élections importantes

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

… ce cadavre exquis constitutionnel que vous n’avez pas pu, rappelez-vous, mettre en application en 1983, car déjà – vous nous l’avez dit tout à l’heure, monsieur Assouline, et je vous ai bien entendu – la société française s’y était vigoureusement opposée.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Souvenez-vous des déclarations de M. Cheysson et des élections municipales de 1983 !

Que cherchez-vous réellement à faire ici, chers collègues ? S’agit-il d’anticiper le programme du PS, qui prévoit d’étendre le droit de vote des étrangers à l’ensemble des élections locales ? Souhaitez-vous, comme l’a indiqué le think tank Terra Nova, bénéficier de troupes électorales supplémentaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Ou bien n’est-ce pas une tactique comme une autre pour essayer de rassembler autour de vous l’escadre de pédalos qui s’égare à tout-va…

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

M. Louis Nègre. ... ou encore, tout simplement, pour faire monter, électoralement parlant, le Front national ?

M. le président de la commission des lois proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

(Sourires sur les travées de l’UMP.) La ficelle est un peu grosse, mais nous ne tomberons pas dans ce piège grossier. Nous voterons donc contre cet article, que l’on peut qualifier de « politicien » tant dans son existence que dans son essence.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis Nègre

Comme l’a dit le général de Gaulle, si nous sommes tous des enfants du bon Dieu, nous ne sommes pas pour autant des canards sauvages ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Abdourahamane Soilihi

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, d’autres ont su le rappeler avant moi, pour voter, il faut être français ! La tradition républicaine, c’est ce lien indissociable entre le droit de vote et la citoyenneté.

Être français ? Chacun, dans cet hémicycle, doit bien mesurer ce que cela signifie dans mon département, à Mayotte, ce que cela signifie dans le cœur de nos compatriotes mahorais, et, au-delà, dans l’ensemble des outre-mer. Oui, que chacun mesure bien, à l’occasion du débat qui nous occupe aujourd’hui, ce que la citoyenneté veut dire, ce que représente pour nos compatriotes de cette France d’au-delà des mers le fait d’être « un citoyen à part entière ».

Monsieur le ministre, lorsque vous entendez, comme à Mayotte ces dernières semaines, nos compatriotes d’outre-mer donner un peu de la voix, descendre dans la rue et manifester, ce n’est pas, croyez-moi, parce que nous serions en quelque sorte les élèves un peu turbulents du fond de la classe : ce n’est jamais pour revendiquer autre chose que notre citoyenneté française.

Le Président de la République l’a bien compris en étant le premier à tenir la parole donnée, en étant le président des promesses tenues à Mayotte, devenue le 31 mars dernier le cent unième département français. Cinquante ans que nous attendions cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Abdourahamane Soilihi

M. Abdourahamane Soilihi. Comment, chers collègues, pourrions-nous, aujourd’hui, partager votre projet ? Comment, surtout, faire comprendre aux Mahorais que les étrangers qui arriveront sur le territoire de leur département auront les mêmes droits qu’eux, sans pour autant avoir la nationalité française ?

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Abdourahamane Soilihi

Cela reviendrait, très concrètement, à leur expliquer que ce sont les 40 % d’étrangers, en situation régulière ou irrégulière à Mayotte, qui feront leurs élus, voire qui deviendront eux-mêmes nos maires...

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Ceux qui n’ont pas de papiers ne votent pas ! Il ne faut pas dire n’importe quoi...

Debut de section - PermalienPhoto de Abdourahamane Soilihi

Or les maires jouent un rôle très important à Mayotte.

Je laisse à ceux qui voteront ce texte le soin de venir l’expliquer eux-mêmes aux Mahorais !

Mes chers collègues, l’urgence à Mayotte, dans l’ensemble de nos outre-mer, comme partout en France, ce n’est pas d’accorder le droit de vote aux étrangers, c’est de lutter contre l’immigration illégale !

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Abdourahamane Soilihi

Nos concitoyens d’outre-mer nous disent tout leur attachement à la République, à la citoyenneté, eux qui sont en première ligne face à l’immigration illégale, et ils nous disent leur fierté d’être Français. Et vous proposez d’accorder le droit de vote et l’éligibilité aux étrangers ? Quel décalage !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous parlons des étrangers en situation régulière !

Debut de section - PermalienPhoto de Abdourahamane Soilihi

Je me souviens des mots prononcés par Marie-Luce Penchard, notre ministre de l’outre-mer, le 31 mars dernier, au moment où Mayotte devenait le cent unième département de notre pays : « C’est l’honneur de la France, c’est la fierté de notre pays que de savoir, par-delà les océans, réunir des femmes et des hommes aux histoires et aux cultures différentes dans un projet commun qui nous rassemble tous ».

C’est cela, la République chère au cœur des Français d’outre-mer !

Ces Français d’outre-mer se souviennent que, le 4 février 1794, avec la toute première abolition de l’esclavage, avec l’élection d’ultra-marins à la Convention, la France nous disait ce qu’est la citoyenneté, ce qu’est un citoyen, libre et à part entière. Ce jour-là, à cet instant, ce 16 pluviôse An II, la France, en train d’inventer la République, a fait de l’un de ses fondements les plus précieux, la citoyenneté, un principe universel !

Mes chers collègues, c’est en pensant à nos compatriotes d’outre-mer que je ne pourrai aller dans le sens de ce texte, un texte qui divise, qui discrimine et porte atteinte aux principes qui font notre fierté d’appartenir à la République.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis résulte d’une volonté de la majorité sénatoriale de mieux inclure les populations immigrées et de leur présenter l’image d’une République accueillante et apaisée.

Or j’estime que, pour l’intégrer, il ne faut pas seulement connaître la personne, mais aussi la reconnaître, dans toutes ses dimensions. Cela suppose de lui conférer des droits qui iront avec des devoirs.

Oui, la meilleure manière d’inclure des étrangers est de leur permettre de participer à la vie de la Cité. De la sorte, ils ont l’impression de faire partie d’un tout, et non d’être des personnes à part dans notre démocratie.

J’entends bien, chers collègues de la majorité gouvernementale, vos critiques sur le lien entre nationalité et citoyenneté. Il vous a déjà été signifié que ce lien s’était fortement distendu depuis le traité de Maastricht de 1992.

M. Louis Nègre fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

Pour vous, le vote est la marque de la nationalité. Ainsi ne seraient citoyens que les Français, ce qui implique que les étrangers souhaitant participer à l’exercice démocratique soient progressivement assimilés pour finir par être français.

À l’inverse, nous estimons que l’on doit demander aux étrangers de s’intégrer dans notre système, ce qui implique de partager valeurs et principes, de connaître usages et langue, mais n’impose pas une acculturation complète ni une assimilation parfaite. Nous croyons que la diversité de notre pays fait sa richesse et participe de son dynamisme à l’échelle mondiale. Dans un contexte de « globalisation », c’est bien par le partage, le métissage, que nous serons plus forts, plus à même d’être réceptifs et efficaces face aux mutations économiques et sociales.

L’inclusion des étrangers permet donc l’existence d’une société unie et solidaire, mais encourage également le maintien d’une diversité gage de vitalité pour cette société.

Ce sont l’uniformité et l’homogénéité qui brisent la créativité. La proposition de loi constitutionnelle présentée aujourd’hui assure ainsi un respect de l’étranger dans sa singularité et son inclusion dans la société, par le processus de participation à nos grands moments de démocratie locale.

Nous souhaitons une démocratie plus vivante, facteur d’inclusion.

Mes chers collègues, la liberté, c’est donner aussi à ceux qui vivent sur notre sol ce droit élémentaire de participer à la vie de la Cité. L’égalité, c’est lutter contre tout ce qui l’entrave et qui reste toujours un combat. La fraternité, c’est ce mot du cœur qui se passe de définition.

Au nom de ce triptyque républicain, ce droit de vote marquera d’une manière certaine l’enracinement par l’exercice démocratique comme l’aboutissement d’un enracinement symbolique.

On a beaucoup parlé de communautarisme. Il est vrai que plus on donnera à ces personnes l’impression qu’elles ne sont pas les bienvenues dans notre pays, plus on dira, par exemple, que l’islam est une idéologie à combattre et non une spiritualité, en d’autres termes, plus on continuera la politique actuelle, et plus on donnera de l’eau au moulin de ceux qui souhaitent une plus grande radicalité, qu’ils soient islamophobes ou extrémistes, car les uns se nourrissent des autres.

En la circonstance, le problème réside bien dans notre attitude, et non dans celle des étrangers.

Au lieu de brandir le chiffon rouge du communautarisme, et plutôt que d’attiser les peurs – celles de l’Autre, de l’immigré, que Milan Kundera qualifiait de « grand souffrant », des crises de toute sorte – n’allons pas renoncer, sous prétexte que le pays est en crise, à des avancées démocratiques.

Préférons promouvoir nos valeurs, et notamment faire œuvre de pédagogie pour l’une d’entre elles, à mes yeux cardinale : la laïcité, matrice de nos identités plurielles, et espace de concorde qui nous permet de vivre ensemble au-delà de nos différences.

La citoyenneté de résidence donnera des droits, et nous pourrons alors être plus exigeants quant au respect de ce qui fonde notre pacte républicain.

Mes chers collègues, il ne s’agit pas « de reconnaître des égaux, mais d’en faire ».

Si « la politique, c’est de porter sur soi le destin d’autrui », alors, en votant ce texte, nous porterons sur nous le destin de ceux qui vivent sur notre sol et qui partagent bien souvent une histoire commune, pour construire ensemble un avenir commun.

C’est la raison pour laquelle, comme notre collègue Jacques Mézard, j’en appelle au courage et souhaite que notre Haute Assemblée franchisse une nouvelle étape, assurant aux étrangers cette citoyenneté de résidence qui est gage d’une plus grande inclusion dans notre société, gage de sa vitalité et de son ouverture au monde.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, encore aujourd’hui, la France est le pays qui naturalise le plus au monde.

La vie aux côtés des résidents étrangers s’est organisée, avec l’octroi progressif de nombreux droits participatifs, c’est-à-dire tous les droits, sauf ceux issus du politique. Le problème est ailleurs : l’école, le logement, le travail.

Les droits participatifs sont donnés à tous, mais, pour voter, il faut avoir adhéré aux principes républicains, et souhaiter porter haut les valeurs qui font la France.

Donner ce droit sans contrepartie, c’est le galvauder.

Être résident en France ne signifie pas pour autant adhérer aux valeurs républicaines françaises. On peut aimer un pays de différentes manières.

Dimanche, en regardant la chaîne Public Sénat, j’ai appris qu’une partie importante de la communauté tunisienne résidant en France et ayant conservé sa nationalité d’origine, avait voté à plus de 40 % pour le parti religieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Mlle Sophie Joissains. Libre à eux ! Ce n’est pas mon problème. Mais, demain, si vous leur accordez ce droit qu’ils n’ont pas réclamé, que se passera-t-il dans les bureaux de vote ? Adhéreront-ils, pour autant, aux partis républicains, ou même au système républicain ? Je ne le crois pas !

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Ce ne sera pas leur faute, ce sera la nôtre. Il faut le savoir !

Je respecte la liberté de chacun, mais, de grâce, gardons le sens du pacte républicain. Ne vulgarisons pas, ne banalisons pas, ne trahissons pas le geste qui traduit l’appartenance à la nation française !

Selon vous, les étrangers non-ressortissants de l’Union européenne seraient victimes d’une injustice et discriminés par rapport aux étrangers européens résidant sur le sol français. Ce n’est pas vrai ! Pas plus qu’il n’existe, dans notre pays, de discrimination entre les Français et les ressortissants des pays étrangers autres qu’européens.

La citoyenneté européenne est supranationale...

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

... et instaurée par des traités soumis à la condition de réciprocité.

Ces traités, et le droit de vote des citoyens de l’Union européenne aux élections locales qui en découle, sont issus d’un idéal et d’un projet communs qui ont mûri pendant quarante ans. On ne peut donc comparer la situation de ces ressortissants européens avec celle des autres résidents étrangers. Le débat entre États ne peut avoir lieu que sous condition de réciprocité.

La condition de réciprocité inscrite, entre autres, dans l’article 55 de la Constitution, est la condition sine qua non d’un échange sain entre États, de leur égalité dans le cadre de l’application des traités. Sur le plan international, il s’agit de la notion la plus républicaine qui soit.

N’oublions pas qu’en France aucun résident étranger n’est privé de citoyenneté du fait, d’une part, des droits participatifs, que j’estime tout à fait justes et normaux, et, d’autre part, de la possibilité de voter lors des élections nationales organisées dans le pays d’origine. À cet égard, les étrangers votent largement lors des scrutins organisés dans leur pays, bien plus, il faut le savoir, que les citoyens européens dans leur pays de résidence.

Si la France adoptait un jour le dispositif qui nous est soumis aujourd’hui, il lui reviendrait de le faire de façon partagée, en appliquant le principe de réciprocité.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

À défaut, elle se tirerait une balle dans le pied.

Le droit d’asile facilite l’obtention de la nationalité française. Un esprit révolutionnaire, généreux et magnifique, a inspiré à la France l’adoption de ce principe.

Il en va autrement du droit de vote, apanage de la nationalité : l’accorder à des personnes qui ne font que résider en France reviendrait à dévitaliser la nationalité, à dévaluer le geste même du vote, pour lequel des Français se sont battus avec acharnement, ainsi que des étrangers ayant obtenu la nationalité française. Et nombreux sont ceux qui, de par le monde, se battent encore.

Être Français, c’est s’approprier une histoire, des combats pour la liberté de penser et d’être, pour l’égalité des citoyens, hommes et femmes. La solution ne réside pas dans la faiblesse de la France, elle réside dans sa force, dans sa capacité de rassembler autour des valeurs qui la constituent.

La couleur, l’ethnie, n’ont aucune importance. Ce qui est important, c’est l’amour de la France, l’adhésion aux valeurs qui nous rassemblent.

La Journée défense et citoyenneté, par exemple, est un devoir pour les nationaux. Comment justifier que des résidents étrangers échappent à tout engagement, à toute contrainte, et puissent être élus au sein des conseils municipaux ?

À l’heure où le communautarisme vient traduire un malaise, une douleur sociale, voire sociétale, quelle sera l’attitude du politique pendant les élections ? Nous savons tous ici comment les choses se passent : plus une élection approche, et plus l’arithmétique foudroie les consciences : telle alliance représente tant de voix, telle communauté, tant d’autres voix...

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Ces calculs pourraient facilement mener les enjeux communautaristes au sein d’une République qui, pour le salut de tous, doit être une et indivisible.

Je ne parlerai pas d’États étrangers pour lesquels cette faille dans le système républicain pourrait constituer une aubaine. Nous sommes en paix, mais nous pourrions ne plus l’être...

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Notre République doit rester forte et généreuse ! Aujourd’hui, alors que notre pays connaît des jours difficiles, la cohésion sociale se fissure quelque peu, çà et là. Personne n’ignore et ne peut raisonnablement ignorer que des thèmes comme celui dont nous débattons provoquent des réactions viscérales et font monter les extrêmes. Ce fut longtemps la stratégie de la gauche, avant qu’elle ne soit prise au piège du 21 avril 2002.

La même stratégie est-elle à l’œuvre aujourd’hui ? C’est possible, mais je n’en suis pas certaine. Je sais que certains d’entre vous sont sincères.

En tout cas, la gauche oublie que, à la suite de ces discussions, qui n’ont d’ailleurs pas lieu d’être, l’anathème est jeté sur le bouc émissaire de toujours et de toutes les civilisations, à savoir l’étranger et, par amalgame, les communautés françaises d’origine étrangère.

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Joissains

Plus lamentable encore, cette démarche a été faite en toute connaissance de cause. C’est non seulement dangereux, mais aussi irresponsable !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’octroi exclusif du droit de vote aux ressortissants nationaux est intimement lié à la définition même de la souveraineté des États-nations. Ce principe est aussi inscrit dans le droit international positif et dans sa jurisprudence.

Certes, madame la rapporteure, vous nous avez cité en exemple un tel octroi aux étrangers lors de la Révolution française, en 1793. Je souhaite néanmoins préciser que la Constitution montagnarde du 24 juin 1793, qui établissait la Première République, ne confiait cette capacité électorale qu’aux étrangers qui remplissaient certaines conditions ou qui étaient jugés par le corps législatif comme « ayant bien mérité de l’humanité ». Cette générosité n’était qu’apparente, car l’allégeance exigée aux principes de la Révolution équivalait au renoncement à toute autre appartenance.

Je veux également rappeler que, en octobre 1793, tous les étrangers appartenant à des États en conflit avec la France furent arrêtés et spoliés de leurs biens.

Dans le contexte du droit international positif, de l’esprit du droit, sur un plan purement juridique, dans la mesure où la citoyenneté découle d’une allégeance à la Nation, le vote des étrangers ne pourrait être légitimé que par l’existence d’une réciprocité, exigence généralement appliquée par nombre de pays ayant accepté le vote des étrangers pour certains scrutins.

Cette condition de réciprocité est d’ailleurs mise en exergue à l’article 88-3 de la Constitution, qui autorise le vote des ressortissants communautaires. Dès lors, comment peut-on envisager d’exiger moins des étrangers non communautaires que de nos concitoyens de l’Union européenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Si l’on souhaitait octroyer le droit de vote aux ressortissants extracommunautaires, il faudrait donc négocier avec chaque pays pour que nos compatriotes expatriés qui y résident obtiennent des droits similaires.

Une telle démarche se révélerait extrêmement complexe et coûteuse, puisqu’elle rendrait nécessaire plus de cent cinquante négociations bilatérales, afin que nos expatriés dans les pays concernés puissent y voter. Elle serait, en pratique, impossible dans certains cas, puisque nombre d’États non démocratiques n’organisent aucune élection locale.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

L’adoption d’une telle clause de réciprocité créerait alors une discrimination injustifiable parmi les étrangers non communautaires. Parfaitement intégrés en France, pourquoi devraient-ils encore être pénalisés par la nature du régime politique de leur pays d’origine ?

Au-delà des apories de la clause de réciprocité, c’est la conception même de la communauté politique qui est en jeu. Cette notion est essentielle pour que le droit de vote ait un sens, pour qu’il ne reste pas purement théorique, pour que lui soit conférée une portée politique réelle.

Or, en pratique, que constate-t-on ? En Finlande, où les ressortissants non communautaires votent depuis déjà quinze ans, la participation des étrangers aux élections municipales est extrêmement faible, puisqu’elle est plus de trois fois inférieure à celle des Finlandais.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

La faible identification de ces étrangers à la vie politique locale est le principal argument avancé pour expliquer ce phénomène.

Dès lors, mes chers collègues, est-il bien raisonnable d’octroyer un droit de vote alors que, jusqu’à présent, aucun besoin profondément ressenti n’a été exprimé, ni aucune revendication clairement formulée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

L’abstention atteint déjà des niveaux alarmants. Ne l’aggravons pas davantage !

Pour éviter un tel écueil, il importe que la capacité à voter s’inscrive dans le cadre soit d’une volonté d’intégration politique poussée, comme dans l’Union européenne, soit de l’appartenance à une communauté culturelle et linguistique.

Cette dimension se trouve d’ailleurs au cœur de la législation de nombre de pays ayant accordé un droit de vote aux étrangers non communautaires. L’Espagne privilégie les ressortissants des pays hispanophones, le Portugal ceux des pays lusophones et le Royaume-Uni ceux du Commonwealth et les Irlandais.

Pour les étrangers extracommunautaires résidant durablement en France, la volonté de rejoindre cette communauté politique devrait alors se traduire par une naturalisation, plutôt que par l’octroi d’un droit de vote déconnecté de l’ensemble des autres droits et devoirs des citoyens. Ce serait la négation de ce qui fait l’essence même de notre citoyenneté, ce lien quasi sacré entre droit de vote et appartenance à la Nation.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Nous voulons que les étrangers établis de longue date sur notre territoire aient envie de rejoindre notre communauté nationale. Or ce ne sera plus le cas si nous bradons le droit de vote et de participation.

Comme l’a indiqué tout à l’heure Roger Karoutchi, la République française vaut bien mieux que cela !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

En tout cas, elle vaut mieux que votre intervention.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme d’une longue évolution, le modèle républicain français issu de la Révolution lie nationalité, citoyenneté et droit de vote égal pour tous, s’agissant des élections locales ou nationales. La « cellule de base de la démocratie » communale y est un lieu d’expression politique avant d’être un pourvoyeur de services contre rétribution fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Le Sénat, représentant des collectivités territoriales, est non pas le Conseil économique, social et environnemental, mais une assemblée politique.

On nous propose aujourd’hui de renoncer à ce modèle en découplant nationalité et citoyenneté et en créant deux sortes de citoyennetés : une citoyenneté nationale de plein exercice et une citoyenneté résidentielle locale.

Un ensemble politique bâti selon cette logique est en effet possible, puisqu’il en existe. À titre d’exemple, les démocraties issues de la tradition monarchique et/ou impériale entendent assurer la vie en commun non pas d’individus, d’atomes de citoyenneté, mais de communautés, de religions, de cultures différentes.

Ces modèles « multiculturels » assurent-ils mieux que le modèle républicain français la paix publique, la coexistence libre, tolérante et réellement équitable des hommes ? Les émeutes de 2001, les tentatives d’attentat de 2005 au Royaume-Uni, la brutale remise en cause aux Pays-Bas du modèle européen le plus progressiste jusque-là en font douter.

Naturellement, vous l’aurez constaté, mes chers collègues, l’Europe libérale construite autour du marché et d’une bureaucratie juridico-financière dont l’objectif est de se passer du politique et de dissoudre les nations peccamineuses ne voit qu’avantage à la citoyenneté résidentielle. Cette Europe, qui entendait unir les peuples par-delà les nations, est en train de les séparer.

La « déliaison » de la nationalité et de la citoyenneté, la citoyenneté à deux vitesses ont existé – je l’ai brièvement évoqué tout à l’heure – dans trois départements, officiellement français, en Algérie, entre 1865 et 1946, voire 1956. Rappelons-nous, les « indigènes juifs » jusqu’en 1870 et le décret Crémieux, ainsi que les « indigènes musulmans » jusqu’en 1946, pourtant de nationalité française, devaient demander à être « naturalisés » – ce terme était d'ailleurs impropre, puisqu’ils étaient déjà français – pour devenir citoyens. Un système de collèges et de quotas limitait les droits de la minorité d’« indigènes musulmans » admis à participer aux élections locales.

Le système proposé est l’image, en quelque sorte en miroir, de cette « monstruosité juridique », selon l’expression de Dominique Schnapper. Au lieu d’une nationalité sans citoyenneté, on a une citoyenneté résidentielle de deuxième rang, sans nationalité.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Les bons ou les mauvais sentiments ne font rien à l’affaire, pas plus que les programmes sortis ou remis dans les tiroirs selon l’usage qu’on en veut faire.

Si d’aucuns peuvent s’opposer pour de mauvaises raisons à cette proposition de loi constitutionnelle, on peut en fournir quelques-unes qui sont de principe, et finasser sur ce point n’a jamais réussi à la République. Je crains que la suite de notre discussion ne le montre. Je souhaite sincèrement me tromper, car je comprends que l’on puisse adopter ce type de démarche, afin d’assurer une meilleure intégration, un meilleur vivre-ensemble à tous les étrangers vivant sur notre sol.

Au final, malgré ses ratés et ses errements, le modèle républicain français est autant que les autres, sinon plus, à même de répondre aux défis actuels. C’est non pas en le tordant, mais en respectant sa logique qu’on lui permettra d’y parvenir, autrement dit en ouvrant plus largement l’acquisition de la nationalité française, au lieu de tout faire pour la limiter.

À cet égard, mademoiselle Joissains, la France n’est pas le pays européen qui naturalise le plus grand nombre de personnes ; jusqu’à présent, c’est la Grande-Bretagne.

Monsieur le ministre, si vous modifiiez quelque peu la politique que vous menez en la matière, vous seriez plus crédible !

Nous devons donc nous donner les moyens d’une politique d’intégration effective, au lieu d’en parler et de ne rien faire.

La démarche que je propose est à l’opposé de ce que font Nicolas Sarkozy et son gouvernement, au nom de la défense d’une identité nationale qui n’existe pas, au moment même où, après avoir anéanti la politique de la ville, ils s’apprêtent à abandonner des pans entiers de notre souveraineté et à ouvrir les portes d’un purgatoire économique de longue durée, pas vraiment favorable à l’intégration des moins favorisés.

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste-EELV. – M. Bruno Retailleau applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Léonard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l’heure actuelle, notre pays a mis en place une législation déjà bien généreuse, puisque les citoyens des vingt-six autres pays membres de l’Union européenne bénéficient du droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales.

J’observe cependant que certaines restrictions ont été apportées aux droits qui leur ont été conférés. Ainsi, à l’occasion du dernier renouvellement sénatorial, dans mon département, plusieurs élus issus du Benelux, par exemple, qui font partie des conseils municipaux, n’ont pas pu participer à la désignation des grands électeurs, conformément à une décision du Conseil constitutionnel. Ils en sont encore aujourd'hui frustrés, car ce sont, en quelque sorte, des demi-citoyens.

La population d’une commune proche de mon domicile compte une moitié de citoyens originaires du Benelux. N’est-ce pas une caricature de démocratie que de faire voter la moitié du conseil municipal pour désigner un grand électeur ? C’est pourtant ce qui se passe !

Le texte que nous examinons aujourd'hui va bien au-delà ; il doit nous conduire à nous demander ce que signifient la citoyenneté et l’intégration et ce que souhaitent véritablement les étrangers issus des pays non-membres de l’Union européenne présents sur notre territoire.

La citoyenneté se définit par l’adhésion à un certain nombre de valeurs et par la volonté de se reconnaître dans les institutions et les hommes et les femmes qui les incarnent. C’est le partage d’une histoire commune et sans doute, bien plus encore, l’adhésion à un avenir commun, partagé, collectif.

En France, contrairement à ce qui s’est passé chez certains de nos voisins, y compris les plus proches, la citoyenneté s’est construite autour de l’État-nation, comme nombre d’orateurs l’ont rappelé cet après-midi. Il s’agit d’une réalité historique et sociologique. De ce fait, il n’est pas possible de dissocier la citoyenneté de la nationalité.

Dans ces conditions, il n’est pas souhaitable d’accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non-membres de l’Union européenne, car alors l’un des principes fondateurs de notre République serait remis en cause.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Léonard

L’adoption de la présente proposition de loi constitutionnelle conduirait à une fragilisation de la République.

En résumé, l’attribution aux étrangers du droit de vote et d’éligibilité aux élections locales est incompatible avec notre conception de la nationalité et de la citoyenneté. Si ces personnes souhaitent s’investir dans la vie de leur cité, être électeurs et éligibles, rien ne les empêche de solliciter la nationalité française.

Par ailleurs, force est de reconnaître que le modèle français d’intégration se heurte à un certain nombre de difficultés : communautarisation grandissante, structures familiales qui ne sont pas toujours en adéquation avec notre législation

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Léonard

J’en viens fort logiquement aux souhaits exprimés par ces immigrés.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Léonard

Monsieur Assouline, le conseil municipal de votre commune comporte-t-il de nombreux ressortissants de l’Union européenne ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Léonard

Que veulent donc ces personnes ? Par priorité, avoir un emploi, obtenir un logement décent, pouvoir fonder une famille et bénéficier de la même considération et du même respect que les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Léonard

Telles sont leurs véritables préoccupations, lesquelles ne comprennent certainement pas l’octroi du droit de vote et d’éligibilité aux élections locales !

Ceux qui veulent aller plus loin et souhaitent s’intégrer encore davantage au sein de la communauté nationale peuvent, comme le font plusieurs dizaines de milliers d’entre eux chaque année, choisir la naturalisation.

Ainsi, en même temps que la nationalité française, ils bénéficieront de tous les attributs politiques qui s’y rattachent et pourront non seulement voter et être élus aux élections locales, mais également participer à ces scrutins essentiels pour l’avenir de notre pays que sont les élections présidentielle et législatives.

Certains, proches de vous, prônent la « démondialisation », mais, vous, vous nous proposez une mondialisation des citoyens à l’intérieur de l’Hexagone. Tirez-en les conséquences et voyez si vous arriverez à mieux gérer vos collectivités !

Pour toutes ces raisons de fond et d’opportunité, il ne me paraît pas souhaitable que la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui soit adoptée.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste-Eelv

Nous parlions d’intégration ; voici la réintégration de Pierre Charon à l’UMP !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « quand le peuple vote mal, il faut changer de peuple », disait Bertolt Brecht.

Debut de section - Permalien
Un sénateur du groupe socialiste-Eelv

Vous vous y connaissez, en cynisme électoral !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

En effet, je suis bien placé pour en parler !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Non, la citation est correcte.

Au-delà des petits calculs et des simagrées humanistes, le droit de vote et d’éligibilité des étrangers aux élections municipales pose en réalité la question très sérieuse des liens fondamentaux qui lient la souveraineté, l’élection et la démocratie.

Oui, la France accueille sur son territoire des étrangers qui travaillent et participent à la vie quotidienne de leur ville. Oui, tous les hommes et les femmes qui vivent en France sont égaux devant la loi, quelle que soit leur nationalité. Oui, la France est exemplaire dans le respect des étrangers

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

… et elle ne saurait rougir des conditions d’exercice de sa démocratie, qui constitue depuis longtemps un modèle pour de nombreux pays.

En ouvrant aux étrangers le droit de participer aux élections municipales, cette proposition de loi constitutionnelle nie tout simplement la souveraineté du peuple français, qui s’exprime par le droit de vote. La première ligne de son exposé des motifs mentionne « l’ensemble de nos concitoyens » pour désigner indistinctement des Français et des étrangers. Je tiens à rappeler à mes chers collègues de la majorité sénatoriale que la citoyenneté est une notion fondamentale de la démocratie et que le souci de précision censé animer le législateur aurait pu inviter les cosignataires de ce texte à ne pas mélanger la citoyenneté française avec l’ensemble, fût-il poétique, des « citoyens du monde ».

Le texte se poursuit ainsi : « Aucun ne doit être laissé à l’écart du plein exercice de son droit d’expression, de sa citoyenneté ». Or les étrangers jouissent bien du plein exercice de leur citoyenneté, mais dans le pays dont ils sont citoyens, comme l’ont montré les Tunisiens vivant en France lors des dernières élections tunisiennes, ainsi que l’a rappelé Roger Karoutchi !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

La situation des ressortissants d’un autre pays de l’Union européenne est tout à fait différente, dans la mesure où le droit de vote et d’éligibilité qui leur est accordé constitue une donnée fondamentale de la construction européenne. Cette dernière, qui avance chaque jour sur le chemin de la gouvernance économique, doit s’accompagner d’une intégration démocratique des peuples. Il est donc parfaitement légitime d’incarner dans le vote cette « souveraineté européenne » et de tisser progressivement un espace électoral européen.

En revanche, il est absolument contraire au principe même de la souveraineté d’ouvrir ces droits aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne en s’appuyant sur le simple argument du travail ou de l’acquittement de l’impôt. De fait, travailler ouvre tous les droits relatifs au travail et payer des impôts n’est plus une condition pour exercer le droit de vote depuis 1848, date de la fin du suffrage censitaire rappelée tant de fois cet après-midi.

En tant que sénateur de Paris, je souhaite également insister sur le nombre des ressortissants étrangers vivant dans la capitale. Selon les chiffres de l’application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France, l’AGDREF, 239 456 étrangers séjournent à Paris sous couvert d’une carte de résident ou d’un titre de séjour d’une validité d’un an, ce qui ne représente pas moins de 18 % du nombre total des électeurs.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

La proposition de loi constitutionnelle prévoit qu’il faut résider dans une commune depuis cinq ans pour pouvoir voter !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Cet élargissement introduirait donc un déséquilibre majeur dans le corps électoral de la capitale.

Penser que la France sera plus généreuse si elle donne le droit de vote à tout le monde, c’est confondre ouverture et désordre.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

La véritable générosité consiste à respecter le choix de celui qui ne souhaite pas devenir français et d’honorer celui qui décide d’acquérir la nationalité française et de sceller ainsi son destin à celui de la France, en l’investissant de toutes les prérogatives de la citoyenneté.

Le vrai défi qui nous attend, c’est de donner envie aux hommes et aux femmes qui veulent participer à la vie civique de notre pays d’en devenir des citoyens à part entière en adoptant la nationalité française.

C’est cet horizon de respect et de cohésion nationale qui est le nôtre, et je ne puis que déplorer que la gauche utilise aujourd’hui cette triste ficelle ! Mais après tout, nous sommes habitués à cette gauche qui se lève tous les matins en se demandant comment elle va franchir la ligne blanche sans se faire attraper par la patrouille...

Murmures sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Pourquoi la gauche aurait-elle peur de se faire attraper par la patrouille ? Est-ce M. Guéant qui la poursuit ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

Chers collègues de la majorité sénatoriale, si l’on va au bout de vos idées et de votre programme, qui propose la régularisation des clandestins via « une procédure simplifiée, s’appliquant à tous de manière égale », on se retrouve d’un seul coup avec tous les clandestins régularisés et munis d’une carte d’électeur. Cela commence à faire beaucoup !

On savait la gauche généreuse avec l’argent des autres, il faut maintenant qu’elle le soit avec les voix des autres !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

M. Pierre Charon. N’avez-vous pas honte de vous rouler dans la démagogie avec la générosité en bandoulière ?

Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Et vous, n’avez-vous pas honte de vos échecs ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

M. Pierre Charon. Et puis, il y a le Front national. Ah, vous l’aimez tellement, le Front national, que vous l’avez fait entrer au Parlement ! J’ai connu l’époque où il y avait à l’Assemblée nationale un groupe de plus de trente députés FN, que François Mitterrand poussait de toutes ses forces.

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Il y a longtemps que vous n’avez pas besoin de nous pour faire monter le Front national !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

… puisque, grâce à vous, une manifestation organisée par le Front national a eu lieu, cet après-midi, sous les fenêtres du Sénat.

Ne comptez donc pas sur moi pour agiter avec vous ce chiffon rouge, et ne comptez pas sur les sénateurs du groupe UMP pour frémir devant votre mascarade.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous avez dépassé votre temps de parole de plus d’une minute !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Charon

M. Pierre Charon. Je ne voterai évidemment pas cet article, par respect pour les hommes et les femmes qui font le choix de devenir français, ainsi que par souci de préserver la démocratie de la démagogie.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre histoire commune est fondée, depuis la Révolution française, sur l’égalité des citoyens devant la loi et l’unicité de la République. Comment pouvez-vous oser proposer un texte qui crée une telle rupture d’égalité entre les Français et les étrangers qui ne sont pas naturalisés ? En effet, la rupture d’égalité dont vous parlez, c’est dans votre texte qu’elle se trouve !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

De plus, votre proposition de loi constitutionnelle conduit à rompre le lien entre l’appartenance à la Nation et l’exercice de la souveraineté que constitue le droit de vote. Mes chers collègues, nous ne pouvons y souscrire !

Il n’existe pas, dans notre système républicain, de rupture d’égalité en défaveur des étrangers résidant en France. En matière de protection sociale, la distinction fondatrice du système n’a jamais opposé nationaux et étrangers, mais résidents et non-résidents. Autrement dit, tant pour les cotisations que pour le versement des prestations sociales, le fait générateur est bien de résider et de travailler en France.

Le code du travail dispose que les négociations collectives doivent assurer, dans les entreprises, le respect de l’égalité de traitement entre tous les salariés, qu’ils soient français ou étrangers. De même, les étrangers sont éligibles aux élections professionnelles et peuvent devenir délégués syndicaux.

Mme Christiane Demontès s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Enfin, en 1982, l’ensemble des droits associatifs fut reconnu aux étrangers. En matière civile, il n’y a donc plus l’once d’une différence entre un Français et un étranger résidant en France, ce qui honore notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Je souhaite rappeler qu’être contribuable n’ouvre droit ni à la nationalité, ni au vote. Le droit fiscal est par principe un droit indépendant. Un citoyen n’est pas un consommateur de service public. A contrario, un étranger résidant en France a accès aux mêmes services publics que les nationaux.

Par ailleurs, votre texte pourrait laisser penser qu’il existe deux ordres distincts d’élections : les scrutins nationaux, d’une part, et les élections locales, d'autre part. Cette conception est erronée ! Comme l’a souligné le Conseil constitutionnel dans sa décision du 9 avril 1992, la désignation des conseillers municipaux a bien évidemment une incidence sur l’élection des sénateurs. Or le Sénat participe, en sa qualité d’assemblée parlementaire, à l’exercice de la souveraineté nationale.

Le Conseil constitutionnel a souligné que l’on ne pouvait pas établir de distinction entre les élections nationales et les élections locales, car le corps politique est unique et toujours composé des mêmes citoyens, « dont l’interchangeabilité garantit, avec la parfaite homogénéité du corps, l’indivisibilité de la souveraineté dont il est titulaire ».

Distinguer deux catégories d’élections et deux corps électoraux distincts, cela revient aussi à nier la double qualité d’un maire, comme vous l’avez justement rappelé, monsieur le ministre. Si le maire est le chef de l’administration communale décentralisée, il n’en est pas moins en même temps le représentant de l’État dans sa commune. À ce titre, il assure la publication et l’exécution des lois et règlements, sous l’autorité des représentants de l’État, dans le département, et des ministres.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

C’est pour cela que les étrangers ne peuvent devenir maires !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Le maire n’est donc pas seulement, contrairement à ce que vous laissez penser, le président d’un syndicat de citoyens locaux ; il est le représentant de l’État et de la Nation dans sa commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Les élections municipales possèdent une véritable dimension politique. La simple résidence ou les intérêts que l’on peut avoir dans telle ou telle opération menée dans la commune ne donnent pas qualité à voter.

En conclusion, mes chers collègues, je rappellerai que, pour obtenir le droit de vote, tout ressortissant étranger doit faire le choix de lier son destin à celui de la France en demandant la nationalité française.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Vous, vous avez fait le choix de l’alliance avec le Front national !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Carle

Contrairement à ce que vous avez affirmé, il n’en résulte ni discrimination ni atteinte au principe d’égalité. Si les étrangers vivant en France ne veulent pas accéder à la nationalité française, donc au droit de voter et d’être élus, ils ne sont pas pour autant privés de citoyenneté, puisqu’ils peuvent voter aux élections organisées dans leur pays d’origine.

Comment ne pas voir que cette proposition de loi constitutionnelle donne de nouveaux instruments aux partisans du communautarisme ? Nous considérons que c’est l’intégration qui constitue une condition d’acquisition de la nationalité française et donc d’obtention du droit de vote et d’éligibilité. Il est préférable que les étrangers intègrent d’abord le corps national avant de prendre part aux procédures démocratiques. C’est le fondement de notre République : pour voter, il faut être Français. Ce droit est la plus haute manifestation de l’appartenance à la Nation.

Je conclurai en citant le propos que m’a tenu l’un de nos compatriotes à l’issue de la cérémonie au cours de laquelle il a acquis la nationalité française : « Monsieur le sénateur, c’est l’un des plus beaux jours de ma vie. »

Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous aimons les débats, en particulier quand ils sont sans tabou. Nous avons donc tout lieu de nous réjouir que ce débat sur le droit de vote des étrangers puisse avoir lieu ce soir au Sénat, car il faut qu’il soit tranché. Comme les autres membres de mon groupe, je le trancherai par la négative. Je le ferai en tant que citoyen français, mais aussi en tant que citoyen européen.

On peut trouver des arguments pour ou contre cette proposition de loi constitutionnelle. Cependant, il existe aussi de faux arguments. Celui selon lequel le droit de vote aux élections locales des ressortissants de l’Union européenne pourrait marquer une étape vers la reconnaissance du droit de vote de tous les étrangers résidant de manière régulière sur notre sol constitue un contresens historique qu’il faut dénoncer.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

En effet, pour tout citoyen de l’Union européenne, le citoyen d’un autre pays membre de cette union n’est plus tout à fait un étranger : c’est un citoyen qui possède une citoyenneté européenne en plus de sa citoyenneté nationale. Son passeport est à la fois national et européen ; il peut voter tant aux élections européennes, pour élire les députés au Parlement européen, qu’aux élections municipales. Par conséquent, pour chacun d’entre nous, il est un concitoyen d’Europe bien plus qu’un étranger.

Au moment où des négociations très importantes se déroulent à Bruxelles pour renforcer encore ce sentiment d’appartenance européen, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Ce n’est pas vrai : il s'agit plutôt de marchandages !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… il me semble déplorable de vouloir confondre le citoyen européen avec tout citoyen étranger, aussi respectable soit-il.

Je le répète, nous, citoyens d’Europe, élisons tous des députés au Parlement européen. Il faudrait donc, dans la logique de la proposition de loi constitutionnelle, que, au-delà de la suppression du droit de véto de la France au Conseil de sécurité, soit aussi prévue l’élection de députés aux Nations unies pour conforter la citoyenneté du monde, qui seule pourrait justifier le droit de vote des étrangers aux élections locales.

Sourires sur les travées de l ’ UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas. Mes chers collègues, il importe au contraire de ne pas banaliser le droit de vote des Européens aux élections locales, démarche toute particulière dont la justification tient au renforcement de l’Union européenne et n’a pas de pendant pour le droit de vote des étrangers.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l’article 1er du texte dont nous débattons, il nous est proposé d’élargir le corps électoral aux ressortissants non communautaires en balayant notre tradition juridique et politique vieille de deux siècles. Cette proposition appelle de ma part de vives réserves.

Tout d’abord, qu’il me soit permis de contester que le vote des étrangers est une question d’actualité brûlante : il me semble que la situation du moment nous confronte à des problèmes autrement plus urgents que celui-ci.

Je m’interroge donc sur l’opportunité de débattre de ce thème à la veille d’une période électorale, phase dont nous savons tous que la caractéristique première n’est pas la sérénité. De mauvais esprits pourraient même imaginer que ce choix est guidé par des arrière-pensées politiques…

La proposition de loi constitutionnelle dont nous débattons est issue d’un texte vieux d’une dizaine d’années, qui nous est présenté de façon récurrente avant chaque échéance électorale. En 2001, c’était peu avant les élections municipales ; aujourd'hui, c’est avant l’élection présidentielle. La coïncidence n’est évidemment pas fortuite.

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Et quand c’est Nicolas Sarkozy qui en parle ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

En tout état de cause, cette question, certes non urgente mais néanmoins importante, ne saurait être évacuée en une seule demi-journée, sur la base d’un texte adopté voilà plus de dix ans.

En tant qu’élue locale depuis 1983, il ne m’apparaît pas que la possibilité de voter aux élections locales constitue une revendication forte des populations concernées. Celles-ci, surtout en période de crise, sont nettement plus enclines à se préoccuper d’emploi, de pouvoir d’achat ou d’éducation de leurs enfants.

C’est pourquoi le postulat selon lequel le droit de vote et d’éligibilité serait une aide à l’intégration est erroné. Au contraire, c’est l’intégration qui doit ouvrir les portes de la nationalité française, et c’est cette dernière qui permet d’exercer le droit de vote et d’être éligible.

Non, les étrangers présents chez nous ne sont pas des citoyens de seconde zone du seul fait qu’ils ne participent pas aux élections locales. Ils disposent du droit de vote pour toutes les élections professionnelles et pour toutes les consultations régies par le droit social.

Quant au parallèle entre la situation du contribuable et celle de l’électeur, il me paraît pour le moins surréaliste. Nous ne sommes plus sous un régime censitaire, que je sache !

Mlle Sophie Joissains applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Et ne devrions-nous pas supprimer le droit de vote aux Français non imposables si nous suivions cette logique ?

Mlle Sophie Joissains applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

Par ailleurs, pourquoi limiter à certaines élections le droit que vous nous demandez d’accorder ? L’article 1er prévoit ainsi d’accorder le droit de vote aux étrangers pour les seules élections municipales, à l’exclusion de toutes les autres consultations. Or le Conseil constitutionnel a estimé, dans sa décision du 18 novembre 1982, que le droit de vote était de même nature, qu’il s’exerce aux élections législatives ou municipales.

Autre question : y a-t-il un pays prêt à donner le droit de vote aux Français ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Bruguière

La réponse, à ma connaissance, est négative.

Enfin, Pierre Mazeaud avait fait remarquer dès 1982 que, dans un conseil municipal composé d’une majorité d’étrangers, les nationaux constitueraient l’exécutif alors qu’ils seraient minoritaires, avec les conséquences que l’on peut imaginer pour le bon fonctionnement du conseil et la gestion de la collectivité. Beau déni de démocratie en perspective !

Pour toutes ces raisons, il convient de maintenir le lien entre nationalité et droit de vote. Cela se justifie d’autant plus que les conditions de l’obtention de la nationalité française, qui est fondée sur une démarche volontaire, sont larges, de sorte qu’un étranger qui souhaite participer à la vie politique de notre pays peut le faire en accédant à la nationalité française.

Le droit de vote est et doit rester l’apanage de la citoyenneté ; il participe des droits et devoirs constitutifs de cette citoyenneté. Pour ma part, vous l’aurez compris, mes chers collègues, je ne saurais donc apporter ma voix à l’approbation de ce texte.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à Mme Catherine Procaccia, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Mes chers collègues, pour ma part, je considère que cette proposition de loi constitutionnelle est incomplète, dans la mesure où elle ne concerne pas les citoyens européens, alors que ceux-ci ne peuvent pas voter aux élections cantonales, qui sont pourtant bien des élections locales.

Les élus européens ne peuvent même pas être maires-adjoints, ce qui me choque. Ils tiennent des bureaux de vote aux cantonales, aux régionales ou encore aux législatives, participant ainsi à ces élections, surveillant leur régularité, mais sans avoir le droit de voter. N’est-ce pas une situation absurde ?

J’ai déjà, à plusieurs reprises, évoqué ce sujet et espéré que les choses évoluent avec la création du conseiller territorial, qui, malgré vous, chers collègues de la majorité sénatoriale, existe toujours pour l’instant.

En juin 2010, j’ai posé une question orale au Gouvernement, qui m’a répondu qu’il fallait d’abord réviser la Constitution. Plus récemment – le 1er octobre dernier, date symbolique pour vous, chers collègues de la majorité sénatoriale –, lors d’un débat sur Public Sénat, j’ai insisté sur la priorité qu’il conviendrait d’accorder au vote des ressortissants communautaires. L’un de nos collègues communistes, que je ne nommerai pas mais qui se reconnaîtra, est convenu alors que leur situation au regard du droit de vote était « une anomalie », qui serait sans doute corrigée dans la présente proposition de loi constitutionnelle, mais je ne vois rien de tel. Pourquoi n’est-ce pas fait ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Pourquoi les ressortissants communautaires n’ont-ils pas dès le début été autorisés à voter aux élections cantonales et régionales ? Même si vous avez voulu transformer toutes ces élections intermédiaires en enjeux nationaux, il s’agit bien pour moi d’élections de niveau local.

Je lis dans votre texte que les étrangers non ressortissants de l’Union européenne ne pourront pas exercer les fonctions de maire ou d’adjoint. Toutefois, je ne lis nulle part qu’ils ne pourront pas voter aux élections cantonales, régionales ou territoriales. Est-ce que je comprends mal ou cela signifie-t-il que vous faites de la discrimination au détriment des citoyens communautaires ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Madame la rapporteure, je sais que vous vouliez que le Sénat vote un texte conforme à celui qu’avait adopté l’Assemblée nationale, mais ce ne sera pas le cas.

Je n’ai jamais été une fanatique de l’Europe et, comme d’autres ici, je n’ai pas voté pour le traité de Maastricht. Toutefois, nous sommes maintenant liés par cet engagement. Aussi ne prenons pas de mesures discriminatoires, voire vexatoires à l’encontre des Européens.

Ce week-end, dans ma commune, qui est située dans le Val-de-Marne – un département dont vous êtes l’élue mais que vous ne connaissez pas, madame la rapporteure

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Pour terminer, je tiens à dire, puisqu’on l’a évoqué, que l’argument des impôts ne tient pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Ce n’est pas moi qui l’ai avancé, mais Nicolas Sarkozy !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

… notamment au conseil général et au conseil régional par le biais de la taxe d’habitation. Si l’on estime que payer un impôt local doit donner le droit de vote, pourquoi les ressortissants communautaires ne peuvent-ils pas voter aux élections cantonales et régionales ?

Cette proposition de loi constitutionnelle est donc bien incomplète et discriminatoire.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

M. André Reichardt. À mon tour, je veux rappeler qu’il existe dans notre pays un lien consubstantiel

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

… le droit de vote, ainsi que son corollaire naturel, le droit d’éligibilité.

Cette tradition ne fut aménagée qu’à une seule reprise, en 1992, afin de satisfaire aux engagements internationaux de la France et de permettre aux ressortissants communautaires résidant dans notre pays de participer aux élections municipales et européennes. Cet aménagement s’explique, compte tenu des liens qui nous unissent à nos partenaires européens et de la réciprocité qui régit nos relations.

Une telle imbrication des destins ne se retrouve pas à l’échelon mondial. Il est ainsi peu envisageable que l’ensemble des pays accordent le droit de vote à nos ressortissants dès lors que nous l’aurons offert à tous les ressortissants étrangers sur notre territoire. La réciprocité, pierre angulaire du droit international, ne serait donc pas respectée.

Au-delà, à l’exception de la Constitution du 24 juin 1793, qui n’a, on l’a dit plusieurs fois aujourd'hui, jamais été appliquée, aucun texte fondamental n’a, à ce jour, accordé le droit de vote et d’éligibilité à des ressortissants étrangers.

L’acquisition de ce droit est donc bien liée à celle de la nationalité française. À cet égard, je suis en complet désaccord avec les promoteurs de la proposition de loi constitutionnelle, qui stigmatisent la prétendue « étroitesse d’esprit » de ceux qui présentent la naturalisation comme le meilleur moyen d’accès au droit de vote.

Ce n’est pas être étroit d’esprit, mes chers collègues, que de préférer voir son prochain d’abord intégrer pleinement le corps national, puis prendre part pleinement aux procédures démocratiques !

Récuser la naturalisation comme marche d’entrée dans la citoyenneté, c’est également faire peu de cas de ceux de nos compatriotes, et ils sont plus de 30 000 chaque année, qui se lancent dans cette démarche positive et entrent de plain-pied dans notre roman national.

C’est en effet une chose de conférer un droit nouveau aux étrangers résidant en France ; c’en est une autre d’engager volontairement la démarche de devenir français.

Cette démarche est davantage porteuse de sens. Elle témoigne de l’adhésion à une nouvelle communauté de destin. La France, fidèle à sa tradition d’ouverture, peut s’enorgueillir de ces nouveaux citoyens. Face à de tels exemples, elle ne peut qu’être plus exigeante à l’égard de ceux qu’elle accueille sur son territoire et leur demander, s’ils veulent prendre une part active à la vie politique et électorale, d’entreprendre les démarches nécessaires à leur naturalisation.

C’est là également une part essentielle de notre politique d’intégration, qui concilie fermeté et générosité, monsieur le ministre.

Cette politique ne peut en effet se résumer à faire des gestes en direction des étrangers résidant sur notre sol. Elle doit être accompagnée, qu’on le veuille ou non, d’une volonté d’intégration. En matière politique, bien plus qu’ailleurs, cette volonté doit être fermement exprimée.

Je voudrais également contester la notion de citoyenneté de résidence développée par la majorité sénatoriale.

Le fait de résider dans une commune ne peut fonder en lui-même un droit politique, pas plus d’ailleurs que ne peut le faire le paiement de l’impôt ou l’engagement dans la vie associative, qui par ailleurs est éminemment respectable.

Le droit de vote n’est pas une contrepartie. C’est quelque chose de profond ! L’acquisition de la nationalité, qui témoigne d’un attachement particulier à la France et de la volonté d’entrer dans son histoire, non pour quelque temps, mais pour le reste d’une vie, justifie seul l’octroi du droit de vote.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je voterai, comme mes amis politiques, contre cet article et contre le texte qui nous est soumis.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, quel débat singulier ! Et était-il vraiment nécessaire aujourd'hui ?

Nous débattons de problèmes de fond, le rapport entre citoyenneté et nationalité n’étant pas un sujet dérisoire, mais, dans le même temps, nous craignons que le retour de ce débat en cette période ne s’explique par des raisons peu honorables de tactique électorale. Ce n’est pas supportable.

Je ne pense pas non plus que le débat qui a eu lieu aujourd'hui dans la rue entre des manifestants attirés par le sujet qui occupe notre assemblée et défendant des thèses contradictoires ait fait avancer la cause de l’expression des étrangers sur notre sol, ni qu’il ait été souhaitable pour l’image même de la France.

J’ai entendu des propos dont j’ai senti la sincérité, sur quelque travée qu’ils aient été prononcés. D’autres m’ont paru davantage marqués par un effort tactique.

J'ai également entendu quelques remises en cause qui sont, pour nous, inacceptables, car elles touchent à des notions fondamentales. Ainsi, lorsque l’un de mes collègues a rappelé ce matin qu'il n'y avait qu'un peuple français, cela a déclenché des protestations sur vos travées, chers collègues de la majorité sénatoriale. Pourtant, c'est un point capital : le peuple français est un.

Nous sommes là au cœur du débat : pour nous, membres de l’opposition sénatoriale, la France n'est pas seulement un territoire sur lequel on s'installe quand on le souhaite, où l’on prend des responsabilités et où l'on s'exprime aux côtés des nationaux français, alors même que l'on n'a pas fait le choix de devenir un citoyen français et d'appartenir à la nation française.

Vous le savez, je suis depuis longtemps président d'un groupe d'amitié et je m’intéresse également beaucoup à la francophonie. À ce titre, je rencontre bien des étrangers qui ont de nombreux points communs avec nous, par exemple notre culture et notre langue. Si certains d'entre eux ont envie de devenir français, je suis fier que mon pays puisse les accueillir, quelle que soit leur origine, leur race ou leur couleur. Pour autant, ils ne peuvent pas avoir les mêmes droits que les citoyens français ; ils ne le demandent d'ailleurs pas.

Lorsqu’a commencé l'examen de ce texte et que quelques manifestations incongrues

Mme la rapporteure s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

… ont éclaté aux alentours du palais du Luxembourg, je me trouvais en compagnie de quelques amis africains.

Ils ne comprenaient pas ce qui, aujourd'hui, nous poussait à débattre. En effet, ils ont consacré une partie de leur vie à combattre pour quitter ce qui était à l’époque l'Union française, exister par eux-mêmes et devenir des citoyens dans leur État. Ils l’ont fait en conservant des liens d’amitié avec la France, certes, mais aussi en préservant leur souveraineté et en revendiquant leur propre nationalité. Et ils n’ont jamais manifesté le désir particulier d’accorder aux Français résidant sur leur territoire le droit de vote !

Mes chers collègues, il nous faut rester raisonnables. Nous avons de grands efforts à accomplir pour accueillir dans les meilleures conditions les étrangers en situation régulière sur notre territoire. Néanmoins, si la France est un territoire, elle est aussi un peuple, fort d’un projet commun pour ce pays que nous aimons.

Il convient plus que jamais de continuer de distinguer citoyenneté et nationalité, car cela correspond à notre sensibilité profonde. C'est pourquoi je ne voterai pas cet article.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

L'amendement n° 4, présenté par Mme Troendle et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Catherine Troendle.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Le message de la majorité présidentielle est clair, il a été rappelé par mes collègues au cours de la discussion générale : nous sommes fermement opposés au droit de vote des étrangers aux élections municipales. Les raisons en ont été largement développées depuis le début de l'examen de ce texte et sont sans ambiguïté. Je ne les répéterai donc pas.

C'est pourquoi, mes chers collègues, nous demandons la suppression de votre initiative, qui casserait le lien entre nationalité et citoyenneté, fondement de notre République depuis la Révolution française.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

La majorité des membres de la commission soutient l'ouverture du droit de vote et d'éligibilité aux étrangers non ressortissants de l’Union européenne pour les élections municipales. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement de suppression.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Le Gouvernement soutient avec conviction l'amendement de suppression qui vient d'être présenté par Mme Troendle, et cela pour plusieurs raisons.

Premièrement, cette proposition de loi constitutionnelle est une manœuvre politicienne.

Marques d’agacement sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

D’aucuns l’ont souligné : il est impossible de discuter de ce texte sans avoir à l'esprit le projet du parti socialiste, qui vise à régulariser les personnes étrangères en situation irrégulière sur notre sol. Il faut donc bien mesurer les effets quantitatifs qu’entraînerait l’adoption de cette proposition de loi constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Pourquoi Nicolas Sarkozy l’a-t-il proposé en 2005, alors ?

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

M. Claude Guéant, ministre. Que vous le vouliez ou non, cette initiative n'a qu'un effet – j'espère que ce n'est pas qu'un objet –, faire monter le Front national.

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Ce sont les membres de la droite qui ont fait des alliances avec le FN !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

J'ai cité tout à l'heure les propos pleins de sagesse d'un important responsable socialiste, M. Malek Boutih. Ils ne vous ont manifestement pas convaincus. Je convoquerai par conséquent une personnalité qui jouit d’une plus grande autorité morale au sein du parti socialiste, Lionel Jospin, ancien Premier ministre de la République.

Face à cette possible instrumentalisation, Lionel Jospin déclarait en 1999 : « On a trop reproché à François Mitterrand de jouer avec cela. Moi je ne le ferai pas, je ne prendrai pas ce risque. » C’était une parole de sagesse ! Plus récemment encore, en 2010, dans un entretien au Parisien, s’il se disait « personnellement favorable » à l’octroi du droit de vote aux élections locales pour les « étrangers en France depuis longtemps », M. Jospin ajoutait que ce projet devait être conduit de « façon unanime » : « Il faudrait le faire à ce moment-là de façon unanime, pour que, selon les moments où c’est proposé, on ne taxe pas d'arrière-pensées électorales tel ou tel. »

Or nous pouvons légitimement considérer que de telles arrière-pensées électorales sous-tendent cette proposition de loi constitutionnelle.

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

J'espère que les arguments de Lionel Jospin sauront toucher les cœurs socialistes de cette assemblée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

C’est lui-même qui a accepté que le texte soit déposé à l'Assemblée nationale !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Deuxièmement, dans notre pays, personne ne peut être un demi-citoyen. Pierre Charon, Joëlle Garriaud-Maylam, Abdourahamane Soilihi ont insisté sur ce point : il ne peut y avoir que des citoyens à part entière et, pour cela, il faut être Français. Depuis des siècles, le citoyen, c'est un national, comme l’ont rappelé Jean-Claude Carle, Marie-Thérèse Bruguière et Jacques Legendre.

Troisièmement, permettre une représentation communautaire revient à favoriser les préférences communautaires, donc le communautarisme, Sophie Joissains l’a souligné à juste titre. Un conseiller municipal, c'est le représentant de toute une population, ce n'est pas le représentant d'une catégorie de la population.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Quatrièmement, et enfin, ce qui est en jeu dans ce débat, David Assouline l’a rappelé, c'est de savoir quelle société nous voulons pour demain.

À droite, nous souhaitons une société qui intègre ceux qui viennent d'ailleurs et qui sont admis dans notre pays. Nous voulons qu'ils adoptent nos règles de vie, qu'ils se sentent à l'aise avec nous. Nous devons aussi faire davantage pour les y aider.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Pour réussir cette politique, …

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

... il nous faut maîtriser les flux migratoires. Nous refusons le communautarisme, qui est la juxtaposition des communautés. La loi française prévoit des naturalisations qui permettent, au terme d'un parcours d'intégration, de rejoindre la nationalité française, ainsi que l’a rappelé André Reichardt.

La gauche, elle, souhaite que notre pays accueille davantage d'immigrés. C'est un objectif clairement annoncé. Toutes les discussions qui ont lieu dans cet hémicycle ou à l'Assemblée nationale, par exemple à l’occasion de l’examen du projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, en attestent. La gauche ne cesse d'insister sur la valeur de la différence et sur le droit à la différence.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Pourtant, vous ne cessez de le répéter !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

M. Claude Guéant, ministre. De notre point de vue, mettre l’accent sur les différences, c'est porter atteinte à l'unité nationale, à l'unité républicaine. C’est peut-être le choix de la gauche, mais ce n'est pas le nôtre.

Bravo ! et applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je mets aux voix l'amendement n° 4.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que l'avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Voici le résultat du scrutin n° 65 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 10 est présenté par Mme Benbassa, au nom de la commission.

L'amendement n° 7 est présenté par MM. Rebsamen, Leconte et Sueur, Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché et du Groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

peut être

par le mot :

est

La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l'amendement n° 10.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Cet amendement vise à renforcer la portée de la proposition de loi constitutionnelle qui, dans sa rédaction adoptée par l'Assemblée nationale au mois de mai 2000, se borne à lever les obstacles constitutionnels à l'ouverture du droit de vote aux étrangers non européens, sans pour autant consacrer pleinement ce droit.

En effet, comme l’ont souligné les professeurs de droit entendus par la commission lors de ses auditions, l’emploi du verbe « pouvoir » n'oblige pas le législateur à accorder le droit de vote et d'éligibilité aux étrangers non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne aux élections municipales, mais lui en donne seulement la faculté. Il semble donc nécessaire d'aller plus loin et d'adopter une formulation plus conforme aux intentions de la commission des lois. Tel est l’objet de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à M. François Rebsamen, pour présenter l'amendement n° 7.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

L’amendement n° 7 est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 10 ?

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Il a été brillamment montré tout à l’heure par d’éminents professeurs de droit siégeant dans cette assemblée qu’il fallait, au minimum, se réserver un peu de souplesse au stade de l’élaboration de la loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Pas au point d’entrer en contradiction avec la loi constitutionnelle !

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement n° 10.

L'amendement est adopté.

(Non modifié)

Dans la première phrase de l’article 88-3 de la Constitution, le mot : « seuls » est supprimé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je m’étonne de lire, dans le rapport de notre collègue Esther Benbassa, que la différence de droit, en matière de vote, entre les étrangers communautaires et les étrangers non européens constituerait une « asymétrie choquante ».

Je vois là, au contraire, le fondement essentiel de la citoyenneté européenne, telle qu’elle a été consacrée par le traité sur l’Union européenne de 1992, selon lequel est citoyen de l’Union toute personne ayant la nationalité d’un État membre.

La loi organique du 25 mai 1998, transposant cette notion en droit français, a permis aux ressortissants européens de voter aux élections municipales depuis 2001. Si nous octroyons aux étrangers non communautaires les mêmes droits que ceux qui sont accordés aux ressortissants des États membres de l’Union européenne, nous diluerons le seul élément qui traduise, sur le plan de la citoyenneté, notre appartenance à l’Union.

Très bien ! sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

À l’heure où la crise de la zone euro nous montre les limites d’une monnaie unique adossée à une Europe politique bien trop faible, nous devons, plus que jamais, renforcer cette citoyenneté européenne.

Vous me permettrez d’y insister, mes chers collègues, le droit de vote découle avant tout de la nationalité, et non pas de la résidence, a fortiori de la résidence fiscale – c’est un argument encore plus réducteur et dangereux.

L’important, me semble-t-il, est que les nationaux ne résidant pas dans leur pays puissent y jouir de droits politiques. À cet égard, la France a toujours joué un rôle pionnier et elle continuera dans cette voie, l’an prochain, avec l’élection, pour la première fois, de onze députés représentant les Français établis hors de France.

En tant qu’expatrié, bénéficier des droits civiques et politiques dans son pays de nationalité a beaucoup plus de valeur.

Pour dépasser la conception étriquée d’une citoyenneté conditionnée par la résidence et renforcer la dimension civique de la nationalité, il me semblerait opportun, plutôt que d’accorder le droit de vote aux étrangers non communautaires pour les élections locales françaises, de négocier avec les États étrangers pour qu’ils accordent à leurs expatriés des droits civiques aussi étendus que ceux que la France offre à ses propres ressortissants établis hors de ses frontières.

Nombre d’orateurs ont cité l’Irlande comme un exemple à suivre. Sachez, mes chers collègues, que les ressortissants irlandais habitant hors de leurs frontières n’ont aucun droit de vote dans leur pays de nationalité, et cela en totale conformité avec le droit international !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la nation française, contrairement à ce que l’on entend aujourd’hui sur les travées de la majorité sénatoriale, n’est pas une entité abstraite.

Elle s’est forgée, au cours des siècles, sur la base d’une histoire commune et d’un avenir partagé.

Brouhaha sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

M. André Reichardt. Ce n’est pas une construction intellectuelle. À cet égard, nous estimons que cette proposition de loi s’apparente à une forme d’hérésie constitutionnelle

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Au bûcher ! Nous serons brûlés comme hérétiques !

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa, rapporteure. C’est l’Inquisition !

Riressur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Les tenants de cette proposition de loi constitutionnelle estiment que, avec la citoyenneté européenne, c’est le concept même du couple citoyen-nation qui s’est effondré et qu’il est donc possible de continuer dans cette voie.

Ceux-là omettent que ce principe figure à l’article 3 de notre Constitution et qu’il remonte à la Révolution française. Ils oublient également les conditions qui ont prévalu lors de la révision constitutionnelle du 25 juin 1992, qui a instauré le droit de vote pour les citoyens.

En effet, ce droit ne fut accordé que sous réserve de réciprocité, un principe qui n’apparaît nullement dans la présente proposition de loi constitutionnelle, alors qu’il devrait en constituer un élément essentiel, étroitement lié à l’engagement de notre pays.

La France – faut-il le rappeler ? – est un pays unitaire : la souveraineté est une et indivisible.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

La souveraineté de la Nation est incarnée dans l’État ; elle ne se subdivise pas, ni ne se décompose. Il ne peut y avoir de souveraineté locale, encore moins municipale.

Ne confondons pas souveraineté et organisation administrative. Pour nous, le vote ne peut être dissocié de la nationalité.

Par ailleurs, sur le fond, l’article 2 du texte ne changera rien. Le vote des étrangers non-ressortissants de l’Union européenne ne trouvera ni justification ni légitimité dans le principe d’égalité, ou plutôt, devrais-je dire, d’inégalité, qui est invoqué ici.

Comment imaginer que des États, parfois très éloignés de la démocratie, puissent disposer, demain, par l’intermédiaire de leurs ressortissants résidant en France, d’un moyen de pression sur notre pays ?

Voter, c’est exercer un droit acquis par d’infatigables et permanents sacrifices, par des luttes, des chagrins, des souffrances, de la part d’hommes qui nous ont précédés dans l’histoire.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Pour toutes ces raisons, notre groupe ne peut accorder le droit de vote aux étrangers non communautaires, ni aux élections municipales ni aux autres élections dans notre pays.

Nous soutiendrons avec force l’amendement de suppression de l’article 2 de ce texte, qui tend à retrancher de l’article 88-3 de notre Constitution un mot, certes anodin, mais qui réserve le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux seuls citoyens de l’Union européenne résidant en France.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Léonard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en marge du rapport présenté par Esther Benbassa sur la présente proposition de loi constitutionnelle, figure une note particulièrement intéressante sur le droit de vote des étrangers ressortissants d’un État non-membre de l’Union européenne aux élections locales dans un certain nombre de pays européens.

On constate, tout d’abord, une multitude de situations : certains pays, à l’instar de la France, n’accordent pas le droit de vote aux étrangers : il s’agit de l’Allemagne, de l’Autriche ou encore de l’Italie. En Allemagne, il y a pourtant une importante communauté d’origine turque et, dans une moindre mesure, de nombreux immigrés originaires des pays de l’ex-Yougoslavie.

D’autres États accordent le droit de vote aux ressortissants de certains pays seulement, sous condition de réciprocité et moyennant une durée minimale de résidence, fixée au cas par cas : c’est le cas, notamment, de l’Espagne et du Portugal. S’agissant du premier État, la réciprocité concerne neuf pays, alors que, pour le second, seuls les immigrés originaires du Brésil et du Cap-Vert sont concernés.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Léonard

Cela renvoie bien évidemment à la maîtrise de la langue.

Il y a, ensuite, des pays européens qui accordent le droit de vote et d’éligibilité à tous les étrangers ayant résidé de façon continue sur leur territoire pendant une durée minimale : il s’agit de la Belgique, du Danemark, des Pays-Bas, de la Suède, de certains cantons suisses et du Grand-Duché de Luxembourg.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Léonard

Ne vous en déplaise, ce sont les pères fondateurs de l’Europe !

Je m’arrêterai quelques instants sur la situation du Luxembourg, dont mon département est voisin et qui constitue un cas d’école très intéressant.

Sourires sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Léonard

Ce n’est pas faire injure à ce pays ami que d’affirmer que le Luxembourg a choisi son immigration, en accueillant massivement des étrangers d’origine portugaise.

L’intégration de cette communauté s’est relativement bien passée, sauf, justement, au moment où le gouvernement a accordé le droit de vote et d’éligibilité à tous les ressortissants de l’Union européenne, donc, tout naturellement, aux Portugais installés sur le territoire du Grand-Duché. Ces derniers sont, en effet, concentrés dans certains quartiers des villes les plus importantes et dans certaines communes, où ils représentent parfois plus de la majorité des électeurs.

C’est peu dire que, dans ces communes, le fait d’avoir accordé le droit de vote et d’éligibilité à leurs concitoyens d’origine portugaise a provoqué une certaine crispation – le mot est faible – chez les Luxembourgeois d’origine, qui, disons-le franchement, ne se sentaient plus véritablement chez eux. Tout cela, hélas, a débouché sur un sentiment xénophobe.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Léonard

Cette expérience, qui concernait pourtant des citoyens issus d’un pays membre de l’Union européenne, devrait nous inciter à la plus grande prudence lorsque nous abordons le sujet du droit de vote et d’éligibilité des ressortissants des pays non-membres de l’Union, compte tenu de l’histoire particulière de la France.

Je persiste à penser, comme je l’ai dit tout à l’heure, que, dans la mesure où, dans notre pays, la citoyenneté s’est construite autour de l’État-nation, il n’est pas possible de dissocier la citoyenneté de la nationalité.

Pour toutes ces raisons, j’estime qu’il n’est ni souhaitable ni possible d’accorder le droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales aux étrangers non-membres de l’Union européenne, installés sur notre sol.

En revanche, rien n’empêche ceux qui souhaitent s’impliquer plus avant dans la vie de leur cité, voire dans la vie politique nationale, de solliciter leur naturalisation et d’acquérir la nationalité française : ce sera, pour eux, un honneur de devenir français – c’est déjà le cas pour plusieurs milliers d’étrangers chaque année – et, pour nous, une très grande joie de pouvoir les accueillir au sein de notre communauté nationale.

Toutes ces considérations me conduiront, ainsi que mes collègues du groupe UMP, à voter contre la présente proposition de loi constitutionnelle.

Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

L'amendement n° 5, présenté par M. Buffet et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. François-Noël Buffet.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

L’article 1er de la proposition de loi constitutionnelle a été voté et l’article 2 constitue le dernier acte de la pièce jouée ce soir. Par cohérence, nous en demandons la suppression, et cela, tout d’abord, pour rappeler encore une fois, s’il est besoin, que ce texte est d’opportunité électorale. Cela a été dit à plusieurs reprises et personne ne le conteste désormais.

Si la gauche avait voulu en parler avant, la réforme constitutionnelle de 2008 lui permettait d’inscrire ce texte dans une niche parlementaire.

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous n’avons pas cessé d’en parler ! Déjà en 2006, nous avions eu une discussion à ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Chaque fois, vous disiez que ce n’était pas le bon moment !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Si, par ailleurs, elle avait souhaité porter jusqu’au bout ce projet, François Mitterrand, en son temps, avait la possibilité de saisir le peuple français et de lui demander son avis par la voie du référendum. Il ne l’a naturellement pas fait !

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Par ailleurs, notre groupe est intimement convaincu que le droit de vote est lié à la citoyenneté, à la Nation, à la volonté d’être Français, de partager les valeurs de notre pays, ses engagements, son souci de rassemblement, de liberté, d’égalité et de fraternité.

Le droit de vote ne s’achète pas en acquittant une taxe locale, de quelque nature qu’elle soit !

Quand on veut être Français, on demande et on obtient sa naturalisation !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Cet amendement appelle les mêmes commentaires que l’amendement n° 4. Par coordination, la commission lui a donc donné un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Le Gouvernement est très favorable à cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 11 est présenté par Mme Benbassa, au nom de la commission.

L'amendement n° 8 est présenté par MM. Rebsamen, Leconte et Sueur, Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché et du Groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Rédiger ainsi cet article :

La première phrase de l'article 88-3 de la Constitution est ainsi modifié :

1° Les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est » ;

2° Le mot : « seuls » est supprimé.

La parole est à Mme la rapporteure, pour présenter l’amendement n° 11.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Il s’agit d’un amendement de coordination tendant à mettre en place, à l’article 88-3 de la Constitution, un dispositif similaire à celui que nous venons d’adopter, par le vote de l’amendement n° 10, pour le futur article 72-5 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à M. François Rebsamen, pour présenter l'amendement n° 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

L’amendement n° 8 est retiré.

Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 11 ?

Debut de section - Permalien
Claude Guéant, ministre

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cet amendement est assez extraordinaire : s’il est adopté, l’égalité entre les citoyens européens et les étrangers non communautaires sera totale !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mais non, puisque les ressortissants communautaires peuvent voter aux élections européennes !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Telle est bien la volonté qui sous-tend cet amendement.

Nous l’expliquons depuis le début de cet après-midi : si des traités permettent de déroger aux dispositions de l’article 3 de la Constitution, c’est justement parce qu’ils ont été ratifiés par les pays européens.

En outre – faut-il le rappeler ? –, non seulement le citoyen européen peut voter aux élections municipales, mais, aux termes de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, il a également la possibilité de voter aux élections au Parlement européen. C’est bien le signe qu’il existe une citoyenneté spécifique.

À partir du moment où la situation de l’étranger non communautaire est assimilée à celle du ressortissant communautaire, tout ce qui figure dans les traités ratifiés par la France n’a, de fait, plus de sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Voilà qui est tout de même paradoxal. Pour ma part, étant très attaché à la construction européenne, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest. … selon la conception qui a été rappelée à plusieurs reprises dans nos débats, je trouve cet amendement particulièrement regrettable, et je ne le voterai pas !

Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.

L’amendement est adopté.

L’article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi constitutionnelle, je donne la parole à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme d’un débat au cours duquel nous avons beaucoup invoqué notre histoire et longuement parlé de citoyenneté.

Il y a lieu de nous en réjouir, car, trop souvent, nombreux sont les Français qui n’ont pas le sentiment d’être regardés comme des citoyens à part entière, au travers des politiques économiques et sociales que mène le Gouvernement.

Mme la rapporteure a excellemment inscrit cette proposition de loi constitutionnelle dans l’histoire de notre République et plusieurs orateurs en ont appelé à l’Histoire, avec un grand H.

Pour ma part, je me bornerai à vous parler du présent et de notre avenir immédiat.

Jusqu’à quand, monsieur le ministre, chers collègues de l’opposition, continuerez-vous de considérer que des étrangers en situation régulière, apportant à notre pays leur force économique et leur renfort démographique, n’ont pas à gagner le droit, limité, de voter sur le territoire de leur commune de résidence ?

Jusqu’à quand refuserez-vous d’admettre que, dans nos communes, dans nos quartiers si souvent stigmatisés et qualifiés de « difficiles », le fait de maintenir des étrangers en lisière de notre vie publique, alors même que beaucoup d’entre eux sont parents d’enfants français, revient à appauvrir notre vie démocratique et à freiner l’intégration de toute une famille ?

Cette proposition de loi constitutionnelle est, certes, une innovation susceptible d’en troubler certains, mais elle marque, surtout, un réel progrès démocratique, de nature à fortifier notre vivre-ensemble, qui, à mon sens, en a bien besoin.

Dans le monde d’aujourd’hui, que vous le vouliez ou non, les flux migratoires réguliers ne peuvent que croître. À nous d’y voir non une menace, mais plutôt une chance d’échanges et de compréhension accrue.

Ce que nous devons réussir, c’est changer profondément le regard de notre société sur l’étranger. Lorsque vous répétez à satiété que celui-ci doit absolument choisir la naturalisation s’il veut participer à l’échelon de base de la vie démocratique, vous niez, de fait, l’importance de la collectivité de proximité, le rôle de la commune dans l’apprentissage de la participation démocratique, et vous faites la preuve de votre incapacité à tisser un lien fort avec toutes ces personnes qui résident durablement chez nous, vivent au milieu de nous et comme nous.

Vous démontrez aussi votre incapacité à faire évoluer nos institutions pour répondre aux évolutions, bien réelles, du monde.

Monsieur le ministre – à travers vous, je m’adresse aussi à la majorité qui vous soutient –, l’histoire jugera de votre conservatisme et de votre acharnement à multiplier les barrières entre notre communauté nationale, à laquelle nous sommes attachés autant que vous, et les étrangers, quand bien même ceux-ci ont choisi de vivre dans notre pays durablement, pacifiquement, régulièrement, sans nier pour autant leur propre nationalité.

Nous voulons, nous, leur offrir cette faculté. C’est pourquoi nous avons soutenu cette proposition de loi constitutionnelle, que nous voterons avec conviction !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur Buffet, c’est à vous que je m’adresserai en cet instant. À plusieurs reprises, nous avons essayé de débattre avec vous du droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales, notamment en 2006. Vous avez toujours refusé, arguant qu’il fallait le faire plus tard. Eh bien, plus tard, comme vous disiez, c’est aujourd’hui !

Mes chers collègues, je me dois de le dire, le vote de cette proposition de loi constitutionnelle est pour nous un moment important. Au fond, nous allons réparer une discrimination qui existe, sur notre territoire, entre les étrangers communautaires et non communautaires.

Les arguments invoqués sur de prétendues différences entre les uns et les autres ne sont pas convaincants. D’aucuns ont parlé d’une communauté de destin. Mais comment occulter celle qui unit à la France les étrangers non communautaires présents sur notre territoire, dont la plupart sont issus des anciennes colonies françaises ? Si son histoire a été souvent marquée par beaucoup de souffrances, cette communauté de destin existe bel et bien !

La France a fait venir la plupart d’entre eux pour travailler dans les usines, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

… pour construire des routes, des logements. Ils ont donné à la France des enfants, des garçons et des filles français qui travaillent dans notre pays après y avoir été scolarisés. Et aujourd’hui, vous affirmez que, contrairement aux Européens, ils n’ont pas de communauté de destin avec les nationaux. Cela ne tient pas, et vous le savez !

L’argument de la langue est également irrecevable, car la plupart d’entre eux sont francophones, soit parce qu’ils sont issus de pays qui parlent largement le français, soit parce qu’ils vivent ici depuis longtemps.

C’est d’ailleurs ce qui avait amené M. Philippe Séguin – contrairement à ce que le Premier ministre a déclaré tout à l'heure –, à affirmer en 2001 qu’il était favorable au vote des résidents francophones aux élections locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est aussi ce qui fonde le droit de vote aux élections locales, par exemple, au Royaume-Uni et au Portugal, deux pays qui accordent cette faculté aux ressortissants de leurs anciennes colonies.

La citoyenneté européenne est une construction. Peut-être verra-t-elle le jour dans l’avenir mais, aujourd’hui, elle n’existe pas dans les faits.

Comment définir la citoyenneté dans la cité, sinon par le fait d’y résider, d’y travailler, d’y avoir ses enfants à l’école – en un mot, de participer à la vie de la cité ?

Dès 1992, nous avons souligné cette injustice à l’égard de tous ceux qui vivent sur notre sol depuis très longtemps. Les résidents étrangers établis sur notre territoire ont conquis peu à peu, souvent grâce aux luttes syndicales, les droits civils, économiques et sociaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ces droits ne leur ont pas été octroyés, ils ont été conquis en dépit de ceux qui, peut-être parmi vous, chers collègues de l’opposition – je ne le sais, je n’ose ni le dire ni le penser – s’y opposaient. En tout cas, même si le processus a été long, ils ont effectivement acquis un certain nombre de droits. Et c’est la moindre des choses !

Aujourd’hui, l’opinion publique a évolué. En 2006, quand nous avions souhaité la discussion de cette même proposition de loi constitutionnelle, les enquêtes faisaient ressortir que 63 % des Français étaient favorables au droit de vote des étrangers aux élections municipales. Les enquêtes sont, certes, variables, mais cela ne vous a pas empêchés de vous déterminer souvent par rapport à elles, chers collègues de l’opposition.

Cette tendance a été confirmée depuis lors, malgré la stigmatisation permanente dont les étrangers n’ont cessé d’être l’objet dans notre pays de la part des gouvernements de droite.

Les Français confirment leur accord pour ce droit de vote aux étrangers aux élections municipales chaque fois qu’on leur pose la question. S’ils l’acceptent, c’est parce qu’ils côtoient tous les jours des étrangers qui sont, en effet, très intégrés dans notre pays. S’ils n’ont pas la nationalité, c’est souvent parce qu’ils ne pensaient pas rester en France. Ils y sont demeurés pour des raisons qui ne tiennent pas forcément à eux, mais, quoi qu’il en soit, ils y sont restés.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je le répète, ils ont donné des enfants à notre pays…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

… qui sont français, en effet ! S’il arrive qu’ils n’aient pas la nationalité française, c’est parce qu’ils n’ont pas pu l’obtenir. En effet, contrairement à ce que vous voulez faire croire, celle-ci n’est pas si facile à obtenir.

La France, qui n’a pas été à l’avant-garde pour accorder le droit de vote aux femmes, l’est encore moins aujourd’hui pour donner à ces dernières leur place en politique. Malheureusement, il y a même des reculs, que vous favorisez, d’ailleurs, en vous employant à modifier les modes de scrutin qui garantissent la parité entre les hommes et les femmes.

J’ose espérer que, en votant ce texte ce soir, la France rattrapera son retard en matière de droit de vote des étrangers aux élections locales. Ce droit de vote, c’est aussi un signal fort, attendu, contrairement à ce que vous affirmez, par de nombreux jeunes. Faute d’avoir jamais vu leurs parents voter, ceux-ci considèrent la France comme un pays où les étrangers regardent les autres voter. Ces parents qui vivent dans la cité, qui participent à la vie de cette dernière n’ont jamais pu glisser leur bulletin de vote dans l’urne pour élire les conseillers municipaux ou les maires !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous sommes heureux, aujourd’hui, d’avoir contribué à changer cette situation.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour cette raison, je crois que nous pouvons être fiers de la nouvelle majorité du Sénat !

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi constitutionnelle.

En application de l'article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va y être procédé dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Voici le résultat du scrutin n° 66 :

Nombre de votants340Nombre de suffrages exprimés339Majorité absolue des suffrages exprimés170Pour l’adoption173Contre 166Le Sénat a adopté.

Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC se lèvent et applaudissent longuement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 9 décembre 2011 :

À neuf heures trente :

1. Suite de la proposition de loi garantissant le droit au repos dominical (794 rectifié, 2010 2011).

Rapport de Mme Annie David, fait au nom de la commission des affaires sociales (89, 2011 2012).

Texte de la commission (n° 90, 2011-2012).

À quinze heures et le soir :

2. Proposition de loi relative à l’exploitation numérique des livres indisponibles du XXe siècle (54 rectifié, 2011-2012)

Rapport de Mme Bariza Khiari, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (151, 2011-2012)

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le vendredi 9 décembre 2011, à minuit.