La commission a nommé M. Henri de Richemont rapporteur du projet de loi n° 510 (2004-2005) ratifiant l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation et modifiant ou abrogeant diverses dispositions relatives à la filiation.
Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président, et de M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.
La commission a procédé, conjointement avec la commission des affaires sociales, à plusieurs auditions publiques sur la résidence alternée des enfants au domicile de leurs parents divorcés ou séparés.
A titre liminaire, M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, a exposé que la possibilité d'une résidence alternée des enfants au domicile de leurs parents, en cas de séparation ou de divorce, a été consacrée par la loi relative à l'autorité parentale, adoptée en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat en 2002.
L'objectif recherché était de permettre aux enfants d'entretenir des relations suivies avec leurs deux parents et de consacrer la parité de l'homme et de la femme dans l'exercice de l'autorité parentale. Le législateur n'en était pas moins conscient des contraintes pratiques importantes de ce mode d'organisation pour les parents, de la collaboration constante qu'elle implique entre eux ainsi que des avis partagés des spécialistes de l'enfance sur ses conséquences sur le développement de l'enfant. Aussi a-t-il laissé au juge aux affaires familiales un large pouvoir d'appréciation et rapidement autorisé le partage des avantages fiscaux liés à la présence des enfants en alternance au domicile de leurs deux parents. En revanche, jusqu'à la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 et à son décret d'application du 13 avril dernier, le partage des prestations familiales n'était pas possible. Depuis lors, le partage des seules allocations familiales, à l'exclusion des autres prestations, est autorisé.
a rappelé le dépôt et l'inscription à l'ordre du jour du Sénat, au mois d'octobre 2006, d'une proposition de loi, présentée par les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, prévoyant un partage à parts égales de toutes les prestations familiales à défaut d'accord des parents ou de décision contraire du juge. Cette solution n'a pu être retenue, comme l'a expliqué M. André Lardeux, rapporteur de la proposition de loi au nom de la commission des affaires sociales, en raison de la nécessité de prendre en compte les différentes conditions d'attribution de ces prestations. A la suite de ces débats, la commission des lois et la commission des affaires sociales ont décidé d'organiser conjointement une journée d'auditions publiques pour dresser un bilan d'ensemble de la mise en oeuvre de la résidence alternée. Sociologues, psychiatres, psychologues, avocats, magistrats, professeurs de droit, représentants des associations et des administrations concernées ont ainsi été conviés pour faire part de leur expérience et de leurs souhaits d'évolution de la législation.
a formé le voeu que ce bilan complète utilement ceux dressés en 2006 par la mission d'information de l'Assemblée nationale sur la famille et les droits des enfants et par la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, dont les champs d'investigation sont toutefois plus larges.
a remercié M. André Lardeux d'avoir suggéré l'organisation de cette journée d'auditions publiques, qui va permettre de faire le point sur la question de la résidence alternée, cinq ans après l'adoption de la loi relative à l'autorité parentale. Il a fait observer que 8 % seulement des décisions de justice retiennent la solution de la résidence alternée pour organiser la garde des enfants, alors qu'il s'agit d'un régime qui permet de préserver efficacement les liens entre l'enfant et ses deux parents.
Les commissions ont tout d'abord entendu M. Gérard Neyrand, professeur de sociologie à l'Université de Toulouse III, directeur du Centre interdisciplinaire méditerranéen d'études et de recherches en sciences sociales.
a indiqué avoir réalisé une enquête sur la résidence alternée au début des années quatre-vingt-dix, à une époque où cette pratique n'était pas encore reconnue par la loi. Il a estimé qu'actuellement, dans les faits, 15 % à 20 % des enfants dont les parents sont séparés sont concernés par la résidence alternée, sans d'ailleurs qu'une décision de justice ait été nécessairement rendue en ce sens.
Son enquête portait sur soixante-dix couples, dont la moitié pratiquait la résidence alternée. Cette pratique peut être à son avis bénéfique, tant pour les parents que pour les enfants, dans la mesure où elle permet de maintenir un lien concret et régulier entre l'enfant et chacun de ses deux parents, tout en étant conforme au principe d'égalité entre les parents. Elle est facteur d'enrichissement de la vie sociale des enfants et conduit chaque parent à être plus disponible pour l'enfant pendant la période où il en assume la garde. Ces résultats ont été confirmés par des études nord-américaines, qui ont montré que les enfants en résidence alternée ne souffrent pas de problèmes particuliers. Les troubles psychologiques qui sont éventuellement observés chez ces enfants ne sont pas liés à leurs conditions de résidence, mais plutôt à la poursuite du conflit parental.
Les réticences suscitées par la résidence alternée concernent le plus souvent les très jeunes enfants, sachant que dans les trois quarts des cas, les demandes de résidence alternée portent sur des enfants de moins de dix ans et, dans un tiers des cas, de moins de quatre ans. Certains pédopsychiatres estiment que, seule, la mère est apte à s'occuper d'un très jeune enfant. Aucune étude ne démontre pourtant qu'une résidence permanente chez la mère soit absolument indispensable dans ce cas : s'il est vrai que certains pères ne souhaitent pas assumer les mêmes tâches que la mère, d'autres, en revanche, s'occupent de leur enfant dès sa naissance et établissent avec lui un lien d'attachement très fort. Il est alors important de préserver les relations nouées avec les deux parents. Les témoignages recueillis montrent que la résidence alternée peut être bien vécue à tout âge quand des liens psychologiques forts sont établis avec les deux parents. Il peut être utile, cependant, d'accélérer le rythme de l'alternance de la résidence quand l'enfant est plus jeune, dans la mesure où les enfants en bas âge n'ont pas le même rapport au temps que les enfants plus âgés.
Pour conclure, M. Gérard Neyrand a considéré que l'hostilité de principe de certains pédopsychiatres à la résidence alternée n'est donc pas fondée scientifiquement. Les possibilités de réorganisation du lien familial sont multiples et les parents ne défendent pas leur seul intérêt quand ils demandent ce mode de résidence. Si cette formule répond aux besoins de certaines familles, elle ne peut bien sûr pas être appliquée à toutes les situations : même dans les pays où elle est la plus pratiquée, elle ne concerne pas plus de 40 % des enfants dont les parents sont séparés.
s'est d'abord demandé s'il est possible de tirer des conclusions définitives d'une étude portant sur seulement soixante-dix couples. Il a ensuite indiqué avoir reçu des témoignages de jeunes ayant souffert des multiples transferts entre les domiciles de leurs parents occasionnés par la résidence alternée. Il a enfin souhaité savoir si les modalités de ce mode de garde doivent évoluer avec l'âge de l'enfant et l'éventuelle recomposition de la cellule familiale.
a convenu que son enquête était de nature qualitative, soulignant la difficulté de composer un échantillon représentatif à l'époque où elle avait été réalisée, dans la mesure où la résidence alternée n'était pas alors reconnue par les textes. En ce qui concerne la durée des séjours chez chacun des parents, on observe que la résidence alternée est le plus souvent organisée sur un rythme hebdomadaire, mais que la durée des périodes de résidence tend à s'allonger quand l'enfant grandit. Enfin, de multiples facteurs, dont une éventuelle recomposition familiale, peuvent conduire à modifier les arrangements initialement retenus, qui sont par nature évolutifs.
est revenue sur la problématique du conflit entre les parents et a demandé si la résidence alternée est alors la solution la plus adaptée. Elle a souhaité savoir si des enseignants avaient été interrogés lors de l'établissement de l'enquête, ceux-ci pouvant parfois détecter dans leur classe les enfants en situation de résidence alternée et d'éventuelles difficultés, et si l'on dispose aujourd'hui d'un recul suffisant pour évaluer le devenir de ces enfants.
a répondu qu'un conflit parental qui perdure n'est pas nécessairement un obstacle définitif à la résidence alternée, à condition que les parents sachent dissocier l'exercice de la fonction parentale de leur conflit conjugal. Par ailleurs, si la résidence alternée n'est reconnue dans la loi que depuis cinq ans, sa pratique est, elle, beaucoup plus ancienne ; dans la mesure où elle remonte aux années soixante-dix, il est possible de recueillir le témoignage de jeunes adultes ayant vécu cette expérience.
a souligné que plusieurs spécialistes en pédopsychiatrie ont insisté sur la différence des rôles impartis au père et à la mère : il revient au père d'incarner l'autorité, c'est-à-dire de poser la limite. Elle s'est étonnée, dès lors, que l'exposé de M. Gérard Neyrand semble suggérer que les rôles du père et de la mère sont interchangeables.
a indiqué qu'une première génération de chercheurs a théorisé, dans les années cinquante, un modèle familial dans lequel les rôles du père et de la mère étaient très différenciés, mais que ces travaux ont, depuis lors, été fortement nuancés. Les études récentes insistent sur l'importance du tiers séparateur, qui a pour vocation de rompre la relation exclusive qui pourrait s'instaurer entre l'enfant et un seul de ses parents. La résidence alternée permet justement d'éviter l'enfermement de l'enfant dans une relation unique.
a expliqué avoir été amené à rencontrer un groupe d'enfants âgés d'une dizaine d'années, à l'occasion d'un travail de rédaction d'un journal scolaire, et avoir été frappé par l'intérêt de ces enfants pour le problème de la résidence alternée. Sans remettre en cause son principe, ils ont exprimé des critiques sur ses modalités pratiques : ils souhaiteraient, par exemple, disposer de deux exemplaires de leurs manuels scolaires, pour ne pas avoir à les transporter, et ont demandé que le temps de transport entre les domiciles de leurs parents n'excède pas une heure.
a confirmé que la résidence alternée présente effectivement des avantages sur le plan relationnel et psychologique, mais qu'elle ne va pas sans inconvénients pratiques.
Les commissions ont ensuite entendu le docteur Maurice Berger, psychiatre, psychanalyste, chef du service « Psychiatrie de l'enfant » au CHU de Saint-Etienne, et Mme Mireille Lasbats, psychologue clinicienne, expert près la cour administrative d'appel de Douai
Donnant son point de vue de pédopsychiatre de terrain, M. Maurice Berger, psychiatre, psychanalyste, chef du service « Psychiatrie de l'enfant » au CHU de Saint-Etienne, a regretté que la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale ait imaginé ce système de garde, sans consultation préalable des professionnels qui doivent aujourd'hui prendre en charge les nombreux enfants qui développent des troubles liés à une résidence alternée mal vécue. Si ce mode de garde peut être bénéfique, il ne peut à son sens être généralisé à toutes les situations. Pour qu'une résidence alternée soit mise en place avec succès, il convient notamment que les parents entretiennent des contacts fréquents et que l'enfant ne soit pas trop jeune. Or, la législation actuelle ne subordonne son instauration ni à une condition d'âge, ni à la qualité du lien entre les deux parents et entre les parents et les enfants. Par ailleurs, la loi est trop souvent détournée de son sens par certains magistrats pour des raisons idéologiques : il est des cas de résidence alternée prononcée alors que l'un des parents vit à l'étranger ou d'autres obligeant l'enfant à être inscrit dans deux écoles différentes.
Or, la résidence alternée, lorsqu'elle n'est pas adaptée à la situation familiale, entraîne chez l'enfant des troubles fréquents, intenses et durables, comme des dépressions liées à un sentiment d'abandon ou des problèmes d'agressivité et de sommeil, troubles qui n'étaient pas observés chez ce même enfant avant la mise en place de la résidence alternée. Ces troubles sont aggravés en cas de conflit entre les parents ou lorsque l'enfant ne supporte pas le changement trop fréquent de cadre de vie et l'éloignement de sa mère.
a estimé que les effets indésirables produits par la loi du 4 mars 2002 s'expliquent par la prééminence du discours sociologique sur le discours psychiatrique lors des travaux préparatoires. La reconnaissance de la place du père a primé sur la prise en compte des besoins du jeune enfant, en particulier du fait des pressions exercées par les associations de pères qui se présentent souvent comme des victimes. Certes, le rôle du père, qui symbolise l'ouverture vers l'extérieur, est important, mais il demeure différent et complémentaire de celui de la mère, qui représente une figure plus sécurisante. Il a déploré que les psychiatres et les pédiatres qui, comme lui-même, tiennent ce type de discours soient trop souvent calomniés, voire menacés par certains pères. S'il a admis que la résidence alternée puisse convenir à certains enfants, il a souhaité qu'une réflexion soit engagée sur les conditions de sa réussite.
a rappelé son expérience de terrain comme psychologue clinicienne et expert auprès des tribunaux dans de nombreux cas de divorces conflictuels. Elle a estimé que, depuis l'application de la loi du 4 mars 2002, les besoins de l'enfant sont trop rarement pris en compte. Ces besoins évoluent avec l'âge ; aussi bien les décisions de résidence alternée doivent-elles être prises au cas par cas en fonction de la situation de l'enfant et du contexte familial, étant entendu que le lien affectif avec les deux parents est indispensable à l'équilibre de l'enfant. Le calme et le respect des rythmes de vie, ainsi que la qualité de la relation entre les parents, constituent également des facteurs d'équilibre et de sécurisation indéniables. En fait, pour qu'une résidence alternée réussisse, chaque parent doit accepter l'altérité et la suppléance de l'autre.
Elle a proposé quatre critères dont le respect devrait être vérifié par le juge avant de décider la mise en place d'une résidence alternée : l'âge de l'enfant, puisque la faible capacité de mémorisation des figures et des lieux d'attachement rend difficile le changement de résidence avant l'âge de trois ans, la proximité géographique des domiciles des parents, la bonne entente de ces derniers sur les principes éducatifs et une organisation pratique efficace. La décision du magistrat ne doit donc pas être prise à la hâte. Elle a fait valoir, à cet égard, que de nombreux cas d'aliénation parentale sont observés dans des situations où la résidence partagée a été décidée trop rapidement, sans une étude approfondie de la situation familiale.
s'est élevé contre les propos tenus par le docteur Maurice Berger contre le législateur de la loi du 4 mars 2002. Il va de soi que jamais une législation n'a été adoptée dans l'objectif de créer des troubles chez les enfants : la loi donne seulement la possibilité aux magistrats de décider d'une résidence alternée dans l'intérêt de l'enfant, tout comme les lois autorisant l'interruption volontaire de grossesse et le divorce n'ont fait qu'organiser des procédures, sans rendre bien sûr obligatoire le fait d'y recourir. Il a considéré que les troubles psychiatriques observés chez les enfants en résidence alternée sont plutôt le fait d'une mauvaise application de la loi par les magistrats et les experts qui sont censés les aider dans leur prise de décision.
a reconnu que sa formule avait été maladroite. Néanmoins, il a maintenu que le législateur de 2002 n'avait pas suffisamment sollicité l'avis des pédopsychiatres avant d'adopter le texte.
a fait valoir que le gouvernement et les parlementaires de l'époque s'étaient certainement entourés de l'avis des experts dans le cadre de leur réflexion préparatoire. Il a estimé que la meilleure preuve de la mauvaise application de la législation par certains magistrats réside dans l'existence de différences considérables d'un tribunal à l'autre en matière de décisions de résidence alternée.
en a convenu, estimant qu'il est urgent, en conséquence, de fixer des garde-fous aux magistrats.
a considéré, au contraire, que la loi doit demeurer ouverte pour permettre aux magistrats de décider au cas par cas.
a déploré les décisions délirantes prises par certains magistrats en matière de résidence alternée, dont plusieurs exemples lui ont été confiés par un premier président de cour d'appel.
a rappelé que la loi a pour rôle de dire le droit et les magistrats celui de l'appliquer aux situations individuelles. Il a indiqué qu'avant la loi du 4 mars 2002, les critiques portaient sur le fait que la garde était systématiquement accordée à la mère.
a reconnu que les magistrats sont souvent désireux d'obtenir l'avis des experts, mais que ces derniers ne s'avancent pas suffisamment dans leur constat. De fait, leur collaboration demeure insuffisante.
a estimé que le critère d'âge de l'enfant fait depuis peu l'objet d'un consensus chez les magistrats et les experts chargés de prendre des décisions de résidence alternée. Les propos précédemment tenus par M. Gérard Neyrand, comme ceux du docteur Maurice Berger, tendent à fixer la limite à six ans. En tout état de cause, la stabilité du lieu de vie est cruciale avant l'âge de trois ans, notamment pour les enfants gardés à la crèche. Elle a demandé si les troubles observés sont plus fréquents dans les cas de divorce où l'un des parents est ressortissant d'un autre pays européen ou dans des familles d'origine immigrée.
a indiqué que les couples divorcés dont les parents sont de nationalité européenne différente ne diffèrent pas des parents français. En revanche, les familles d'origine immigrée connaissent des difficultés particulières au moment du divorce, la mère étant parfois obligée d'accepter la résidence alternée pour des raisons de dépendance économique.
a demandé s'il existe des statistiques sur le nombre de consultations dues spécifiquement à la résidence alternée. Il s'est interrogé sur le bien-fondé de l'alternance hebdomadaire et, plus largement, de ce mode de garde, demandant s'il conviendrait de le limiter et de proposer une autre organisation également respectueuse du rôle du père. Il a enfin souhaité connaître le sentiment du docteur Maurice Berger sur les quatre critères précédemment proposés pour l'application d'une résidence alternée.
a estimé qu'il convient avant tout de lancer une étude approfondie sur les conséquences de la résidence alternée sur les enfants. Il a regretté le refus idéologique des autorités opposé à sa proposition d'étude en double aveugle sur une cohorte d'enfants dont les parents ont divorcé et pour lesquels des modes de résidence différents ont été décidés.
a indiqué que d'autres modalités plus adaptées peuvent être proposées pour la résidence alternée, notamment un rythme mensuel. Pour les enfants très jeunes, la meilleure solution reste l'organisation de visites régulières du père au domicile de la mère, chez qui réside l'enfant.
a rappelé que plusieurs pédopsychiatres ont proposé un calendrier incitatif qui pourrait servir de support aux décisions des magistrats. Il s'agit de mettre en place un hébergement progressif chez le père et de créer un dispositif d'accompagnement avec des visites régulières d'un pédopsychiatre ou d'un psychologue pendant six mois, puis tous les deux ans. Ces experts recevraient une formation spécifique dans le cadre d'un diplôme universitaire. Ces outils doivent toutefois s'accompagner d'une modification de la législation pour interdire la mise en place d'une résidence alternée sans l'accord des deux parents et fixer une barrière d'âge minimum à trois ou à six ans.
a rappelé que cette journée d'auditions est justement destinée à réfléchir aux éventuelles évolutions de la loi.
a indiqué que les études américaines montrent que les troubles psychiatriques de l'enfant croissent avec la fréquence du changement de lieu de vie et a regretté qu'aucune recherche de ce type n'ait été menée en France.
a rappelé, en qualité de présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, que cette délégation a publié un rapport recommandant la mise en oeuvre d'une étude statistique fiable sur ce sujet, pour permettre au législateur de disposer de données récentes. Elle a estimé que l'âge de l'enfant et la distance géographique entre les domiciles des parents constituent les deux critères essentiels devant être pris en compte avant de décider de la mise en place d'une résidence alternée.
a indiqué que l'audition de M. Marc Guillaume, directeur des affaires civiles et du sceau au ministère de la justice, permettrait d'aborder la question de la faisabilité de cette étude.
a fait valoir que la résidence alternée est plus difficile à mettre en place pour les ménages modestes.
a rappelé à cet égard l'importance des modalités de distribution des prestations familiales. Il est en effet exact que la résidence alternée est privilégiée par les classes moyennes et supérieures.
s'est déclaré favorable au développement de recherches sur les modes de garde en général et sur les risques qu'ils entraînent pour l'enfant à court, moyen et long termes. Il s'est interrogé sur les troubles observés chez les adolescents qui ont grandi sans image du père et sur la possibilité de conserver un droit de visite pour ce dernier si, comme l'a affirmé Mme Mireille Lasbats, les enfants de moins de trois ans perdent leurs repères de sécurité très rapidement.
a confirmé le grand nombre de consultations concernant de très jeunes enfants qui changent fréquemment de lieu de vie.
a demandé comment s'apprécie le « fréquemment », considérant que les relations avec l'autre parent sont indispensables à l'équilibre de l'enfant.
a confirmé que les conséquences de la résidence alternée sur l'enfant dépendent de son âge et que ce mode de résidence demeure très perturbant pour les enfants de moins de dix-huit mois, pour lesquels il est préférable que le père se déplace au lieu de vie habituel de l'enfant.
a estimé que l'existence d'un conflit entre les parents entre également en ligne de compte.
a fait valoir, en tout état de cause, que la décision du magistrat doit être prise au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant.
a reconnu que la résidence alternée peut être souhaitable pour des enfants de plus de trois ans lorsque le climat familial est favorable.
a demandé quels sont les troubles qui amènent les parents à consulter un pédopsychiatre pour leur enfant.
a indiqué que les premières consultations se font souvent sur les conseils de l'instituteur.
a évoqué le problème que pose aux pédopsychiatres le fait qu'un des deux parents refuse de donner son accord pour que l'enfant soit pris en charge. Il arrive que le père ne s'associe pas à la démarche engagée par la mère, ce qui ne permet pas le suivi psychologique de l'enfant.
s'est interrogée sur la possibilité de recueillir l'avis des enfants concernés. Elle a également déploré que les consultations chez les psychologues ne soient pas remboursées par la sécurité sociale et que l'avis des professionnels de l'enfance ne figure pas sur le jugement de divorce.
a estimé qu'une médiation devrait systématiquement être proposée au moment du divorce et que la parole de l'enfant devrait être recueillie avant toute décision de résidence alternée.
a approuvé cette proposition, considérant indispensable d'entendre les enfants avant la mise en place d'une résidence alternée.
a rappelé que l'article 388-1 du code civil prévoit déjà de recueillir l'avis de l'enfant dès lors qu'il en fait la demande.
a estimé que la difficulté d'application de cette disposition provient de la faible possibilité pour l'enfant de verbaliser cette demande, surtout s'il est jeune.
a ajouté que les magistrats et les experts passent trop peu de temps sur chaque dossier.
a souhaité que des équipes pluridisciplinaires soient mises en place dans les lieux fréquentés par les enfants pour identifier précocement les troubles psychiatriques et éviter les ruptures entre l'institution et les parents.
A Mme Janine Rozier qui demandait s'il est envisageable d'obliger le père à se rendre aux consultations du pédopsychiatre, M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, a répondu par la négative.
a estimé que les pédopsychiatres et les psychologues sont en trop faible nombre pour que la proposition de Mme Marie-Thérèse Hermange soit réaliste.
Les commissions ont ensuite organisé une table ronde réunissant des représentants d'associations familiales.
Elles ont entendu MM. Jean-Laurent Clochard, représentant de la Confédération syndicale des familles, Stéphane Ditchev, président de la Fédération des mouvements de la condition paternelle, Alain Cazenave, président de SOS Papa, Mmes Jacqueline Phelip, présidente de L'enfant d'abord, Isabelle Juès, vice-présidente de l'Association pour la médiation familiale, M. François Fondard, président de l'Union nationale des associations familiales, Mmes Clotilde Brunetti, responsable de la commission juridique, et Amélie de Bryas, membre de la commission juridique, de la Confédération nationale des associations familiales catholiques.
a indiqué qu'il représente principalement des familles de milieu modeste. Il a considéré que la résidence alternée était sans doute une évolution nécessaire pour améliorer la coparentalité en cas de divorce ou de séparation. Si elle n'est pas la panacée, elle constitue parfois la moins mauvaise des solutions, car elle évite de donner la priorité à l'un des deux parents et permet de préserver au quotidien les liens tissés par l'enfant avec son père et sa mère. Elle constitue également un moyen d'encourager les deux parents à assumer véritablement leurs responsabilités.
Les familles modestes ne sont pas égales devant le divorce et devant la résidence alternée. Celle-ci demande en effet des moyens matériels importants et, notamment, de disposer de deux logements pouvant accueillir les enfants. Certes, les allocations familiales peuvent être partagées entre les parents depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, mais cette mesure peut avoir des effets pervers, en particulier à cause de la précarité économique accrue qu'elle entraîne pour certaines mères.
a insisté sur le fait que la résidence alternée constitue l'aboutissement d'une évolution sociale reconnaissant le droit pour l'enfant d'être élevé par ses deux parents et un moyen de préserver la coparentalité en dehors du cadre du mariage. La loi ne peut renforcer l'inégalité de fait entre les parents. Les nouveaux pères souhaitent avoir une place auprès de leur enfant dès la naissance et certains s'impliquent même dès la grossesse. Certes, un enfant a besoin de figures d'attachement pour son développement affectif mais les deux figures, paternelle et maternelle, lui sont indispensables. En conséquence, la possibilité de résidence alternée ouverte par la loi du 4 mars 2002 devrait devenir, à son avis, le mode général et systématique de résidence des enfants en cas de séparation des parents.
a souligné l'importance de préserver la coparentalité au-delà de la séparation. La rupture entre les parents constitue nécessairement un traumatisme pour l'enfant, mais c'est la persistance du conflit parental qui est destructrice pour lui, bien plus que le choix d'un quelconque mode de résidence. On reproche souvent à la résidence alternée de faire peser des contraintes excessives sur les enfants qui sont obligés de déménager toutes les semaines. Or, l'alternance est inhérente à tous les modes de résidence des enfants de parents séparés, qu'il s'agisse de la résidence alternée ou de l'exercice du droit de visite et d'hébergement de l'autre parent. En l'absence de résidence partagée, il est très difficile de faire respecter l'autorité parentale conjointe. Toutefois, pour les très jeunes enfants, la mise en place d'une résidence alternée suppose sans doute la définition d'un calendrier progressif.
s'est présentée comme la représentante de la voix des enfants et a récusé la tentation d'un positionnement manichéen sur la question de la résidence alternée. Elle a rappelé que, lors de l'examen de la loi du 4 mars 2002, un certain nombre d'experts avait tenté d'alerter le législateur sur les risques présentés par la résidence alternée, notamment pour les très jeunes enfants. En effet, la réussite de ce mode de résidence dépend étroitement de la maturité des enfants concernés.
Les nouveaux développements de la pédopsychiatrie permettent de montrer les risques qui menacent les enfants en bas âge lorsqu'ils sont régulièrement séparés de leur mère car, même lorsque celle-ci travaille, elle reste leur principale figure d'attachement. Ces enfants peuvent présenter des troubles graves qui devraient inquiéter le législateur et le conduire à introduire dans la loi des garde-fous pour le recours à la résidence alternée. Elle a particulièrement dénoncé la possibilité donnée aux juges d'imposer une résidence alternée à des parents en conflit ouvert.
La résidence alternée ne peut fonctionner qu'en respectant des conditions précises : absence de conflit parental, respect de la maturité de l'enfant, respect de ses rituels et habitudes afin d'assurer une continuité psychologique. Certes, il est nécessaire de préserver le lien père-enfant mais, en matière d'hébergement, un calendrier progressif devrait être mis en place. En définitive, l'exercice de la coparentalité par des parents séparés ne suppose pas nécessairement une résidence alternée.
a fait part des observations et réflexions des médiateurs familiaux au sujet de la résidence alternée, en prenant soin de préciser que ceux-ci interviennent par définition dans le cadre des conflits familiaux, ce qui influence sans doute leurs conclusions.
Elle a d'abord constaté que l'alternance est inhérente à toute séparation des parents, quel que soit le régime juridique adopté pour la résidence des enfants. Même si elle est source de difficultés, elle est vitale pour l'enfant, car elle lui permet de rester au contact de ses deux parents et donc de construire son identité. Le rôle des médiateurs familiaux est d'aider toutes les parties à prendre acte de cette alternance et d'encourager les parents à faire preuve de créativité dans son organisation, en rappelant que l'équilibre de l'enfant ne réside pas nécessairement dans un partage de son temps à part égale entre ses parents.
La résidence alternée est parfois revendiquée par ses défenseurs comme une forme d'égalité, alors que ses détracteurs la dénoncent comme une manifestation de l'égoïsme des adultes et d'oubli de l'intérêt de l'enfant. Or, il est stérile de vouloir opposer parents et enfants dans ces situations.
La résidence alternée pose des difficultés tant que l'enfant reste l'enjeu de la séparation. Dans ces situations, la médiation familiale peut aider les parents à distinguer ce qui relève de leur conflit de couple et de leur responsabilité de parents. Par ailleurs, ce mode de résidence présente ses propres contraintes, notamment en matière de logement et de communication entre les parents. Il est dommage que la reconnaissance juridique de la résidence alternée ne se soit pas accompagnée de la reconnaissance de l'égalité des parents, en particulier en matière de prestations familiales.
En conclusion, elle a plaidé pour une inscription dans la loi de la réalité de l'alternance pour les enfants de parents séparés, quel que soit leur mode de résidence, et pour une meilleure information des parents sur la possibilité d'adapter le rythme de l'alternance aux besoins propres de chaque enfant. Le recours à la médiation familiale est utile, notamment dans les cas où une résidence alternée est imposée par le juge.
a soutenu le principe de la résidence alternée, comme moyen d'égalité entre les parents et de préservation des liens de l'enfant avec son père et sa mère. Il est important de recueillir l'avis de l'enfant sur son mode de résidence, dès lors que celui-ci est en mesure de l'exprimer.
Toutes les séparations reflètent nécessairement des situations conflictuelles et la difficulté pour les enfants réside moins dans la gestion du temps que dans la gestion du conflit. Telle est la raison pour laquelle il faudrait développer la médiation familiale en permettant au juge de l'imposer aux parents et en la dotant des moyens nécessaires.
Le partage des prestations familiales en cas de résidence alternée est parfaitement légitime, mais la solution retenue par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 reste timide, puisqu'elle ne concerne que les allocations familiales. Compte tenu des contraintes importantes que la résidence alternée fait peser sur les parents en matière de logement, le partage des allocations logement devrait être une question prioritaire.
Par ailleurs, on constate une grande hétérogénéité des pensions alimentaires décidées par les juges et un barème indicatif devrait être publié. Enfin, il faut savoir que les parents isolés auxquels leur ex-conjoint ne verse pas la pension alimentaire ne peuvent bénéficier de l'allocation de soutien familial que s'ils portent plainte contre lui. Or, cette règle est de nature à envenimer les conflits et explique le faible recours des parents lésés.
a insisté en préambule sur la nécessité de tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant et de rappeler la complémentarité de l'homme et de la femme face aux discours parfois égalitaristes des tenants de la résidence alternée.
La notion d'autorité parentale conjointe introduite progressivement dans le code civil constitue un progrès considérable, mais la question de l'exercice de la coparentalité par des parents séparés est indépendante de celle de la résidence de l'enfant.
Il est important pour l'enfant de pouvoir se référer à un lieu de vie unique et il est dommage, à ce titre, que la notion de résidence habituelle ait disparu dans le code civil. Il faudrait rétablir cette notion et réserver la résidence alternée à des situations spécifiques, en fonction de l'âge de l'enfant. De même, il conviendrait d'instaurer un référé permettant une révision plus facile des résidences alternées lorsqu'il est soupçonné qu'elles sont néfastes à l'enfant. A son sens, il serait dangereux et déraisonnable de faire de la résidence alternée une règle générale et absolue, au risque de faire de l'enfant un « sans domicile fixe ».
L'audition de l'enfant est souhaitable, en fonction de sa maturité, et suppose que les juges y consacrent suffisamment de temps. De même, on peut souligner l'intérêt que présente une enquête sociale préalable à la décision de résidence alternée.
s'est interrogé sur le contenu de la notion de « temps suffisant pour les pères » avancée par M. Stéphane Ditchev à l'appui de sa demande d'ériger la résidence alternée en règle de principe. Il s'est également inquiété des risques d'injustice entre les familles unies et les familles séparées qui résulteraient du partage des prestations familiales.
a souligné l'importance de l'unicité du lieu de vie, notamment à certains âges clés de la construction de l'enfant. Il a souhaité qu'une étude approfondie des conséquences de la résidence alternée soit rapidement mise en place.
a estimé que la loi se devait d'affirmer l'égalité entre le père et la mère en matière de résidence des enfants, même si les familles restent libres de s'organiser différemment. Il a également plaidé pour l'inscription dans la loi du principe selon lequel chaque enfant a droit à ses deux parents. S'agissant de l'audition de l'enfant par le juge sur son mode de résidence, il a souligné le risque qu'il y a à lui faire porter la responsabilité d'un tel choix, ainsi que le manque de formation des magistrats pour recueillir de façon objective la parole de l'enfant.
a indiqué que le code civil ouvre la possibilité aux juges de ne pas auditionner directement l'enfant, mais de confier cette tâche à des professionnels plus à même de recueillir sa parole.
Puis les commissions ont entendu Me Hélène Poivey-Leclercq, avocat, représentante du Conseil national des barreaux, de l'Ordre des avocats au barreau de Paris et de la Conférence des bâtonniers.
avocat, représentante du Conseil national des barreaux, de l'Ordre des avocats au barreau de Paris et de la Conférence des bâtonniers, a estimé que le débat sur la résidence alternée s'inscrit dans le cadre d'un débat plus large sur l'égalité entre les hommes et les femmes. Tout comme ce dernier, il ne peut faire l'objet d'une réponse définitive.
S'appuyant sur sa pratique professionnelle, elle a relevé que les couples qui s'engagent dans des procédures de divorce connaissent en général l'existence de ce mode de résidence : les hommes ont tendance à considérer qu'il devrait constituer le principe, et non l'exception, et les femmes à y voir une menace au motif que leur conjoint n'a pas eu, dans l'éducation quotidienne des enfants, une implication aussi importante que la leur. La demande de résidence alternée s'apparente, pour certains couples, à un « droit de jouissance alternée » des enfants. Les demandes des parents ne sont pas toujours guidées par le seul intérêt de leur enfant, mais par deux autres types de considération : le regard des autres et l'argent.
Bien souvent, la résidence alternée est socialement perçue comme une victoire pour le père et un échec pour la mère, comme un jugement sur les rapports de couple et comme une mesure de sanction à l'égard de la conduite de la mère dans l'éducation des enfants.
S'agissant des considérations pécuniaires, certains pères attendent de la résidence alternée une diminution des sommes à verser à la mère, moins par souci de réaliser des économies que de subvenir directement aux besoins de leur enfant et de lui marquer ainsi leur affection ; certaines mères redoutent à l'inverse une réduction des sommes reçues du père, par crainte que celui-ci n'utilise son pouvoir d'achat plus élevé pour essayer de s'attacher les faveurs de leur enfant.
L'intervention du juge aux affaires familiales est l'occasion de replacer l'enfant, si besoin en est, au centre du débat entre les parents. Elle se fait toujours discrète en cas d'accord entre ces derniers. L'attitude du juge face au principe même de la résidence alternée est variable : certains magistrats y sont systématiquement favorables ou, à l'inverse, opposés, mais la majorité d'entre eux apprécie au cas par cas l'opportunité de la mesure, le plus souvent après une enquête sociale ou une expertise médico-psychologique ainsi qu'une audition de l'enfant.
Malheureusement, les juges préfèrent, pour des raisons de coût, prescrire des enquêtes sociales plutôt que de véritables expertises médico-psychologiques. D'ailleurs, dès lors que ces enquêtes peuvent ne pas se dérouler de manière identique, au détriment du père ou de la mère, l'égalité de traitement justifierait d'exiger la présence de l'avocat.
En ce qui concerne l'audition de l'enfant, la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance, applicable au 1er janvier 2009, laisse les juges perplexes : elle suppose qu'ils aient une formation en psychologie, pour procéder à l'audition de jeunes enfants, mais aussi en sciences divinatoires, puisqu'elle leur confie de nouvelles fonctions de pythonisse, celles de vérifier « ... que le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat. »
a souligné que l'acceptation sociale progressive de la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale avait accru le nombre des accords parentaux sur la résidence alternée. D'une manière générale, on constate une plus grande sensibilité des parents aux intérêts de leurs enfants, d'autant que la récente réforme du divorce a permis de dédramatiser la procédure.
Enfin, on relève une évolution des contentieux, les pères ne se résignant plus à abandonner à la mère la garde de l'enfant. On doit davantage craindre à l'avenir le cas inverse, où aucun des deux parents ne souhaiterait accueillir ses enfants chez lui en permanence, en raison notamment de ses obligations professionnelles. Ce cas de figure se produit déjà.
En conclusion, Me Hélène Poivey-Leclercq a estimé qu'il n'est pas nécessaire de bouleverser le dispositif de la loi du 4 mars 2002. En particulier, il ne serait pas opportun d'interdire le recours à la résidence alternée en dessous d'un âge déterminé et il convient de conserver la possibilité donnée au juge d'imposer aux parents une résidence alternée, au moins à titre provisoire. Cependant, outre les modifications précédemment évoquées pour l'enquête sociale ordonnée par le juge, il serait légitime d'instituer une sanction pénale à l'encontre du parent qui n'exercerait pas son droit de visite et d'hébergement de son enfant, cette sanction faisant le pendant de celle déjà prévue en cas d'entrave par l'autre parent à l'exercice de ce droit.
s'est demandé s'il ne conviendrait pas de prévoir, plutôt que la résidence en alternance de l'enfant au domicile de ses deux parents, celle des parents au domicile de l'enfant.
a observé que cette solution, retenue par certains de ses clients, n'est en général plus viable lorsque les parents ont un nouveau conjoint, a fortiori lorsque celui-ci a des enfants également en résidence alternée.
a mis en garde contre toute caricature des enquêtes sociales ou médico-psychologiques, en indiquant que ces enquêtes ne donnent pas lieu aux dérives dénoncées lorsqu'elles sont conduites par des professionnels ou des services sociaux. Elle a mis en doute l'intérêt de rendre obligatoire la présence de l'avocat pendant leur déroulement.
a indiqué que ces dérives ne sont pas généralisées, mais que l'examen psychologique auquel se livrent les enquêteurs sociaux n'est pas toujours satisfaisant en raison de leur manque de compétence et de formation en ce domaine. La présence de l'avocat permettrait de garantir que l'enquête se déroule, à l'égard de chacun des parents, dans des conditions équitables.
Après une suspension de séance, les commissions ont entendu M. Aymeric de Chalup, responsable du pôle « Prestations familiales » à la direction des prestations familiales de la Caisse nationale des allocations familiales.
A titre liminaire, M. Aymeric de Chalup, responsable du pôle « Prestations familiales » à la direction des prestations familiales de la Caisse nationale des allocations familiales, a indiqué que 10.000 décisions de divorce avec résidence alternée des enfants sont prononcées chaque année, le plus souvent avec l'accord des parents non seulement sur ce mode de résidence, mais encore sur la désignation d'un allocataire unique des prestations familiales.
La législation et la réglementation, en prévoyant l'attribution de ces prestations à la personne qui assume la charge effective et permanente de l'enfant, sans considération du lien de parenté, ont permis de s'adapter aux évolutions des configurations familiales, notamment au développement des familles recomposées.
Or, jusqu'à récemment, le code de la sécurité sociale ne reconnaissait pas à chaque parent un droit aux prestations familiales, ce qui ne permettait pas de résoudre les situations de conflit sur le choix de l'allocataire en cas de résidence alternée des enfants. Si la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a autorisé le partage des allocations familiales, les autres prestations ne peuvent toujours être versées qu'à un allocataire unique.
En l'absence de règles spécifiques à la résidence alternée, les caisses d'allocations familiales se réfèrent à une éventuelle décision du juge aux affaires familiales, proposent aux parents d'alterner le choix de l'allocataire ou de recourir à la médiation familiale et, à défaut, s'en remettent à la décision du tribunal des affaires de sécurité sociale.
Or, la Cour de cassation a rendu, le 26 juin 2006, un avis selon lequel :
- en cas de résidence alternée, les deux parents doivent être considérés comme assumant la charge effective et permanente de l'enfant et peuvent donc être potentiellement allocataires à la condition que la résidence alternée soit mise en oeuvre de manière effective et équivalente ;
- le juge aux affaires familiales n'a pas compétence pour déterminer l'allocataire des prestations familiales en cas de conflit entre les parents, mais peut seulement entériner leur accord éventuel ;
- l'alternance du versement des prestations est possible.
A la demande de M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, M. Aymeric de Chalup a précisé que le code de la sécurité sociale impose dans ce cas un rythme annuel d'alternance des versements.
Dès lors que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 a prévu le partage des seules allocations familiales, il serait logique de verser à chacun des parents la moitié de toutes les prestations familiales dues pour leurs enfants en résidence alternée, puisque la charge effective est partagée entre les deux ex-conjoints. Toutefois, une solution globale s'avère délicate à élaborer du fait de la nature très différente de ces prestations : certaines sont soumises à des conditions de ressources, d'autres sont plafonnées, d'autres encore varient selon le nombre d'enfants à charge.
Il est de surcroît nécessaire de retenir des modalités de calcul garantissant une équité entre les parents, mais aussi entre les familles séparées et les familles non séparées, et conservant l'esprit initial de chaque prestation. A titre d'exemple, la division par deux du montant du complément de libre choix du mode de garde, qui est versé dans le cadre de la prestation d'accueil du jeune enfant et varie en fonction des ressources des parents, de la durée de la garde et du salaire versé, ne permettrait plus d'atteindre l'objectif recherché lors de la création de cette prestation : solvabiliser la garde d'enfant à domicile.
De même, l'aide au logement est la prestation dont le partage est à la fois le plus justifié et le plus complexe à mettre en oeuvre, du fait des multiples paramètres pris en compte pour son calcul : nombre d'enfants, ressources des parents et conditions de logement.
Deux options sont envisageables : comptabiliser les enfants pour chacun des deux parents, le surcoût de cette solution étant atténué par le nombre limité des cas de résidence alternée et la relative aisance des familles concernées ; reconnaître l'un des parents comme allocataire et accorder à l'autre une aide afin de tenir compte de la résidence alternée des enfants, ce qui suppose que les ex-conjoints s'entendent pour déterminer le bénéficiaire de l'aide à taux plein et celui de l'aide complémentaire.
Deux solutions techniques peuvent être mises en oeuvre pour concrétiser cette dernière option :
- l'instauration d'un abattement sur les ressources du second parent, forfaitaire ou modulé en fonction du nombre d'enfants, cette solution présentant toutefois le double inconvénient de ne pas bénéficier aux allocataires les plus modestes et de faire entrer dans le champ de l'aide certaines personnes qui en sont actuellement exclues ;
- la création d'une majoration de l'aide au logement du second parent, forfaitaire ou exprimée en pourcentage du montant de l'aide, cette solution ne bénéficiant par définition qu'aux ex-conjoints ayant déjà droit à une aide en tant que personne isolée, sachant que le seuil d'exclusion est très bas.
l'ayant interrogé sur le partage de l'allocation de rentrée scolaire, M. Aymeric de Chalup a rappelé que cette prestation est soumise à des conditions de ressources. Son partage à parts égales aurait pour conséquences :
- lorsque les ressources de chacun des parents sont inférieures au plafond, de verser la moitié de l'allocation à chacun, soit l'équivalent de ce qui est versé actuellement au seul parent allocataire ;
- lorsque les ressources de l'un sont supérieures et celles de l'autre inférieures au plafond, d'entraîner une diminution de moitié du montant versé dans la mesure où, d'une part, le parent percevant auparavant la totalité de l'allocation n'en percevrait plus que la moitié, d'autre part, l'autre parent demeurerait inéligible en raison de l'importance de ses revenus.
a relevé la difficulté de partager les prestations familiales, souligné la nécessité de ne pas désavantager les familles unies, notamment en cas de partage de l'aide au logement, et demandé s'il est vrai que le partage des allocations familiales entre les deux parents peut conduire à une diminution de leur montant total.
a expliqué qu'un enfant en résidence alternée est pris en compte dans chacun des deux foyers pour l'ouverture du droit aux allocations familiales selon un coefficient de 0,5. Compte tenu de ce mode de calcul, le montant total versé à une famille de deux enfants se trouve minoré si l'un des enfants réside en alternance chez ses parents et l'autre exclusivement chez sa mère ou son père.
Rappelant qu'il préside le conseil de surveillance de la caisse nationale des allocations familiales, M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, a observé que les règles d'ouverture du droit aux allocations familiales permettent, à l'inverse, à des familles recomposées de devenir éligibles. Cela risque d'entraîner non seulement un surcroît de travail pour les caisses, mais encore une augmentation des dépenses, par exemple si chacun des deux parents d'un enfant en résidence alternée refait sa vie avec un conjoint assumant déjà la charge de son propre enfant, et plus encore si le choix de la résidence alternée porte à trois ou plus le nombre des enfants d'un foyer, compte tenu du barème des allocations familiales croissant avec le rang de l'enfant.
A la demande de M. André Lardeux, M. Aymeric de Chalup a précisé que l'enfant est pris en compte pour le versement des allocations familiales dès son arrivée au foyer et, après déclaration des parents, en cas de changement de sa situation.
A la demande de M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, M. Aymeric de Chalup a indiqué que les contrôles exercés par les caisses d'allocations familiales sont ciblés sur les aides les plus susceptibles de fraude, notamment l'allocation de parent isolé.
Les commissions ont ensuite entendu M. Hugues Fulchiron, professeur de droit, doyen de l'université de Lyon III, directeur du centre du droit de la famille.
Jugeant le concept de résidence partagée préférable à celui de résidence alternée, M. Hugues Fulchiron, professeur de droit, doyen de l'université de Lyon III, directeur du centre du droit de la famille, a constaté que l'affirmation du principe de coparentalité par la loi du 4 mars 2002 n'est pas sans ambivalence, ce principe traduisant à la fois un droit essentiel de l'enfant, celui d'être élevé par ses deux parents, et l'idée d'une égalité stricte entre les deux parents.
La mise en oeuvre de la résidence partagée n'engendre pas un contentieux important et les juges semblent faire un usage modéré de leur pouvoir de décision. Ce mode de résidence ne concerne que 8,8 % des décisions judiciaires et fait l'objet d'un accord entre les deux parents dans 95 % des cas. Les juges ne le décident que si les conditions matérielles pour l'accueil de l'enfant sont réunies chez les deux parents et s'il existe un dialogue minimal entre eux.
Si la résidence partagée n'est pas en soi pathogène, M. Hugues Fulchiron a noté que sa mise en oeuvre suscite des interrogations sur l'opportunité, d'une part, de supprimer le pouvoir reconnu au juge aux affaires familiales de l'imposer en cas de désaccord des parents, d'autre part, de l'interdire pour les enfants en bas âge.
Il est légitime que le juge puisse imposer un partage de la résidence de l'enfant, à titre provisoire ou définitif, en raison de la nécessité d'éviter de donner un droit de veto au parent qui s'estime en position de force pour obtenir la résidence de l'enfant. En dépit de quelques arrêts erratiques, les juges ne font d'ailleurs pas un usage immodéré de leur pouvoir et il arrive que la résidence partagée soit acceptée par les parents après leur avoir été imposée. Enfin, il est également nécessaire de conserver la règle permettant au juge aux affaires familiales de s'opposer, dans l'intérêt de l'enfant, à la mise en place d'une résidence partagée, même souhaitée par les deux parents.
En l'absence de consensus entre les spécialistes de l'enfance, il n'est pas justifié d'interdire la résidence partagée pour les enfants en bas âge. Autant laisser au juge, comme aujourd'hui, le soin d'apprécier au cas par cas chaque situation, en recourant le cas échéant à des expertises ou à la médiation familiale. Une telle interdiction présenterait plusieurs inconvénients : introduire une grande rigidité, alors que le seul critère de la décision doit être l'intérêt de l'enfant ; susciter un débat sans fin sur l'âge en deçà duquel la résidence partagée devrait être prohibée ; porter atteinte au principe de coparentalité ; entretenir le sentiment d'instabilité législative.
a souligné que la solution doit être recherchée non pas dans la modification d'une loi encore récente, mais dans l'élaboration d'un guide des bonnes pratiques permettant de conserver au système sa souplesse et de réduire le sentiment d'arbitraire éprouvé par certains parents à l'annonce de la décision judiciaire.
s'est enquis du nombre et de l'évolution des arrêts qualifiés d'erratiques et a demandé s'ils correspondent à des positions idéologiques des magistrats concernés.
a répondu s'être fondé, pour étayer ses propos, sur l'analyse des seules décisions publiées, celles sortant de l'ordinaire l'étant plus fréquemment. Dans l'ensemble, les décisions erratiques restent minoritaires. En outre, les prises de position idéologiques de certains magistrats peuvent être infirmées en appel.
a demandé s'il existe une étude sur le droit et les pratiques des autres pays européens.
a répondu n'avoir pas de connaissance précise de la pratique suivie dans les autres pays, mais que certains ont érigé la résidence partagée en principe. Qualifiant la législation française de souple et raisonnable, il a estimé qu'il faut faire confiance au juge, en mettant à sa disposition un guide des bonnes pratiques.
Rejoignant cette appréciation, M. Robert Badinter a rappelé que de tels guides existent dans divers domaines aux Etats-Unis et s'est interrogé sur le rôle que l'office parlementaire d'évaluation de la législation pourrait jouer dans l'élaboration de tels guides.
Les commissions ont ensuite entendu Mme Valérie Goudet, vice-présidente du tribunal de grande instance de Bobigny chargée des affaires familiales.
Après avoir indiqué que le tribunal de grande instance de Bobigny compte neuf juges aux affaires familiales, Mme Valérie Goudet, vice-présidente du tribunal de grande instance de Bobigny chargée des affaires familiales, a fait remarquer que la part des demandes de résidence alternée y est inférieure à celle enregistrée au niveau national : 6 %, contre 10,3 % environ. Cette différence s'explique par les conditions matérielles plus difficiles, notamment en matière de logement, des personnes résidant dans le ressort du tribunal. On note aussi la faible présence des pères dans les procédures à Bobigny, un tiers d'entre eux ne se présentant pas aux convocations.
Après avoir souligné la bonne coordination des neuf juges aux affaires familiales, elle a indiqué que les demandes de résidence alternée formulées conjointement par les deux parents sont systématiquement homologuées, sauf lorsqu'elles s'avèrent aberrantes. Dès lors que les parents exercent conjointement l'autorité parentale, il n'y a pas de raison, a priori, de rejeter leur demande si l'intérêt de l'enfant n'est pas manifestement négligé.
Le problème est différent en cas de désaccord entre les deux parents. Il faut savoir que si le divorce est demandé huit fois sur dix par la femme, la résidence alternée est demandée, à l'inverse, huit fois sur dix par le père, celui-ci y voyant souvent un moyen d'atténuer le choc de la séparation et de maintenir un lien avec la mère. Il arrive également que l'un des parents demande l'interruption d'une résidence alternée décidée au moment de la séparation.
Les situations de désaccord étant très délicates à apprécier, les juges, pour étayer leur décision, recourent à des enquêtes, sociales ou médico-psychologiques, ou orientent les parents vers la médiation familiale.
En revanche, la prise en compte de la parole de l'enfant appelle la plus grande prudence, voire de franches réserves, car l'obligation légale faite au juge de s'assurer que l'enfant a bien eu connaissance de son droit à donner son avis risque de placer l'enfant au coeur d'un conflit qui n'est en réalité pas le sien.
a indiqué avoir déjà ordonné une résidence alternée contre l'avis de l'un des parents lorsque l'enquête sociale avait établi l'absence d'obstacles dirimants. A l'inverse, les principaux motifs de rejet d'une demande de résidence alternée sont l'inadéquation ou l'éloignement des domiciles, l'âge de l'enfant ou des divergences de vue trop importantes sur son éducation.
Elle a indiqué que les juges du tribunal de grande instance de Bobigny sont très attachés à la médiation familiale, celle-ci devant être à son sens une étape obligée du parcours judiciaire.
l'a interrogée sur la qualité des enquêtes sociales et médico-psychologiques.
a déclaré qu'il appartient au juge de s'entourer de l'avis d'experts compétents. Elle a toutefois souligné le décalage entre la nécessité de trancher rapidement les litiges, au moins provisoirement, et la durée d'une enquête sociale, comprise entre trois et quatre mois.
a demandé si les populations immigrées, nombreuses dans le ressort du tribunal de Bobigny, posent des problèmes particuliers.
a relevé que les populations immigrées sont plus souvent dans des situations matérielles et administratives précaires ne permettant pas, de facto, la mise en oeuvre d'une résidence alternée.
En réponse à Mme Catherine Troendle, qui s'étonnait du caractère systématique de l'homologation judiciaire des demandes conjointes de résidence alternée, Mme Valérie Goudet a souligné que le juge aux affaires familiales est un juge civil saisi d'une requête et qu'il lui est par conséquent difficile de rejeter une demande conjointe émanant de parents responsables. Ce juge est bien distinct du juge des enfants : ce dernier n'est saisi qu'en cas de mise en danger de l'enfant et l'entend alors systématiquement.
Elle a ajouté qu'une résidence alternée est préférable et plus structurante pour un adolescent qu'une fausse résidence chez l'un des deux parents, l'enfant décidant au gré de ses envies d'aller chez l'un ou l'autre.
a demandé s'il ne conviendrait pas de revoir la formation des juges afin qu'ils aient une meilleure connaissance de la psychologie des enfants.
Faisant valoir que le juge doit rester à sa place et savoir renvoyer vers les bons acteurs lorsque cela est nécessaire, Mme Valérie Goudet a déclaré que, pour autant, le juge doit faire preuve de psychologie. Toutefois, la durée moyenne d'une audience étant de vingt minutes, cela ne permet pas d'entreprendre un examen psychologique approfondi. Par ailleurs, elle a indiqué qu'il lui arrive de transmettre deux ou trois fois par mois un dossier au juge des enfants.
Enfin, les commissions ont entendu M. Marc Guillaume, directeur des affaires civiles et du sceau au ministère de la justice.
a fait valoir les efforts accomplis par le ministère de la justice pour acquérir une meilleure connaissance statistique du recours à la résidence alternée : réalisation d'une enquête sur un échantillon représentatif de décisions judiciaires en 2003 ; mention au répertoire général civil du mode de résidence des enfants faisant l'objet d'une décision judiciaire depuis 2004.
Après avoir précisé que les résultats de l'exploitation du répertoire général civil en 2006 n'étaient pas encore disponibles et s'être engagé à les communiquer aux deux commissions dès que possible, il a observé que la proportion des enfants faisant l'objet, par décision judiciaire, d'une résidence en alternance était d'environ 11 % en 2005, à peine supérieure à celle observée dans l'enquête réalisée en 2003 (10 %).
Tous âges des enfants confondus, la résidence est fixée chez la mère dans 78 % des cas en moyenne, par le juge aux affaires familiales ou d'un commun accord entre les parents. Cette proportion diminue constamment à mesure que l'âge de l'enfant augmente, revenant de 95,1 % pour les enfants âgés de moins d'un an à 72 % pour les adolescents de quinze ans et plus.
La résidence des enfants est fixée chez le père dans 10,3 % des cas, tous âges confondus, et augmente avec leur âge, passant de moins de 6 % dans les cinq premières années de l'enfant à environ 19 % pour les adolescents âgés de seize ans et plus.
Enfin, la résidence en alternance est de faible importance dans les toutes premières années de l'enfant (2 % pour les moins de un an, 4,2 % à un an, 6,7 % à deux ans), cesse d'être marginale à trois ans en passant la barre des 10 %, augmente légèrement jusqu'à neuf ans, pour atteindre un maximum de 13,8 %, puis décroît, surtout à partir de onze ans. Les trois quarts des enfants ont moins de dix ans, l'âge moyen étant de sept ans.
Dans 80 % des cas, les demandes de résidence en alternance sont formées conjointement par les deux parents, 95 % d'entre elles étant acceptées par les juges. En cas de désaccord parental, la résidence en alternance est retenue dans un quart des cas ; dans les trois quarts restants, la résidence habituelle de l'enfant est fixée chez l'un des parents, le plus souvent chez la mère.
Après avoir insisté sur le fait que les juges aux affaires familiales statuent exclusivement sur les requêtes dont ils sont saisis, M. Marc Guillaume a exposé qu'en cas de désaccord des parents, les magistrats n'imposent une alternance qu'après s'être entourés d'un maximum de précautions, puisqu'ils recourent à des mesures d'instruction dans la moitié des procédures, le plus souvent une enquête sociale. Ce recours est plus fréquent en cas de décision d'acceptation de l'alternance (61 %) qu'en cas de rejet (39 %). Enfin, les décisions de rejet sont fondées sur plusieurs critères : les mauvaises relations entre les parents, l'éloignement de leurs domiciles respectifs, l'âge des enfants ou encore les conditions matérielles de leur résidence. Aussi, compte tenu des spécificités de chaque situation et des précautions prises par les juges aux affaires familiales, l'élaboration d'un guide des bonnes pratiques judiciaires ne lui a-t-elle pas semblé indispensable.
a par ailleurs observé que le faible recours à l'aide juridictionnelle -une procédure sur cinq seulement- donne à penser que les parents ont une situation financière relativement aisée.
l'ayant interrogé sur une éventuelle modification du code civil, M. Marc Guillaume a déclaré que les résultats des études statistiques sur le recours à la résidence alternée ne fournissent aucune raison objective de modifier la législation, même si certaines décisions peuvent parfois engendrer, comme dans bien d'autres domaines, des situations individuelles difficiles. Il a tenu à saluer la qualité de la justice civile française, le dévouement des juges aux affaires familiales et leur souci, en cas d'hésitation sur la décision à prendre, de s'entourer de l'avis d'experts.
ayant rappelé que le juge doit également parfois procéder à l'audition de l'enfant, M. Marc Guillaume a estimé que, depuis la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance, aucun obstacle juridique ne s'oppose à cette audition. Celle-ci lui a toutefois semblé, tant aux dires d'avocats et de magistrats qu'au regard de sa propre expérience des cas de divorce transfrontalier traités par la direction des affaires civiles et du sceau, être parfois préjudiciable à l'enfant, celui-ci ne devant pas être invité à prendre parti dans un conflit qui n'est pas le sien.
l'ayant interrogé sur les moyens mis à la disposition des juges pour trancher les litiges, M. Marc Guillaume a souligné que les crédits destinés à financer les associations de médiation familiale avaient doublé entre 2002 et 2004. Toutefois, une étude établissant un ratio entre le nombre des affaires résolues au moyen de la médiation et son coût conduirait peut-être à remettre en cause sa rationalité économique. Surtout, les mentalités ne sont, à son avis, pas encore prêtes, en France, pour ce mode de résolution des conflits, si on en juge par le faible nombre de justiciables ayant accepté d'y avoir recours après avoir suivi une séance d'information ordonnée par le juge aux affaires familiales. Enfin, une directive européenne destinée à développer le recours à la médiation devrait être prochainement adoptée.
Après avoir salué la qualité de la justice civile française, M. Robert Badinter s'est interrogé sur les raisons de la diminution du nombre des enfants en résidence alternée passé l'âge de onze ans.
Après avoir précisé que les études réalisées sont exclusivement quantitatives et non qualitatives, M. Marc Guillaume a estimé que cette diminution peut s'expliquer par le changement d'établissement scolaire lié au passage au collège, par l'augmentation des charges financières afférentes à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, mais aussi par une expression plus nette et une plus grande écoute de ses attentes.