Séance en hémicycle du 3 novembre 2011 à 22h20

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • CDCI
  • l’école
  • l’école maternelle
  • maternelle
  • scolarisation

La séance

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La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt-deux heures vingt.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, je vous remercie sincèrement de me donner la parole pour un rappel au règlement, car j’ai été quelque peu contrarié de constater que précisément ce dernier n’était point appliqué.

Notre règlement prévoit en effet que « la parole est accordée sur-le-champ à tout orateur qui la demande pour un rappel au règlement ». « Sur-le-champ » ! Belle expression française, qui dit bien ce qu’elle veut dire, n’est-ce pas, madame Troendle ?...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ne voulant pas abuser d’un temps tellement précieux, je me référerai simplement au sous-titre que Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais a donné à l’une de ses pièces célèbres : La Précaution inutile

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le ministre, votre superbe lettre évoquant l’article 40 de la Constitution est arrivée quinze minutes avant le début du débat.

Alors que vous êtes ministre de l'éducation nationale – de l’« instruction publique », comme l’on disait jadis –, comment, très franchement, avez-vous pu défendre cette idée qu’en vertu de l’article 40 vous empêcheriez le débat parlementaire d’avoir lieu et Mme Cartron, comme tous mes collègues, de parler d’un sujet aussi important que celui du rôle de l’école maternelle dans notre pays ?

Le résultat a été le suivant : nous en avons parlé – j’ai compté – pendant une heure et dix-sept minutes, mais dans les pires conditions. Évidemment, nous étions en colère. Qui d’ailleurs ne l’aurait pas été ?

Et vous n’étiez pas dupe, monsieur le ministre, même dans les postures que vous avez prises, mais, quitte à aller au théâtre, autant que ce soit celui de Beaumarchais ! §

Dans cette affaire, monsieur le ministre, nous sommes de bonne foi, et nous avons été trompés.

Il est patent, vous êtes membre du Gouvernement et vous le savez, que le 26 octobre s’est tenue une conférence des présidents au cours de laquelle a été proposée par Mme la présidente de la commission de la culture l’inscription à l’ordre du jour de la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans, proposition contre laquelle personne n’a formulé d’objection et qui a reçu l’accord du ministre chargé des relations avec le Parlement, M. Ollier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Si cette proposition de loi était si évidemment contraire à l’article 40, pourquoi M. Ollier ne s’en est-il pas avisé le 26 octobre ?

Au surplus, monsieur le ministre, hier, la conférence des présidents s’est de nouveau réunie, à la demande de nos collègues de l’UMP et de l’UCR. Au cours du débat sur notre ordre du jour, M. Ollier nous a demandé si nous ne craignions pas que la discussion de la proposition de loi relative à l’intercommunalité ne reprenne trop tard du fait, justement, de la discussion de la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans. Donc, hier, à dix-neuf heures, M. Ollier considérait encore qu’il fallait consacrer le temps nécessaire à débattre de cette dernière.

Il s’agit donc d’une manœuvre de dernière minute, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… une manœuvre dérisoire et inutile, car elle n’empêchera pas le débat d’avoir lieu, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… une manœuvre qui nous aura fait perdre une heure et dix-sept minutes, et qui donné lieu à un lamentable spectacle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Aussi, monsieur le ministre de l’éducation nationale, au nom du beau titre qui est le vôtre et afin que nous ayons un débat de fond, je vous demande de vous consacrer à des œuvres intellectuelles et des débats de fond, plutôt que de vous livrer à des arguties et, de surcroît, de le faire alors même, et c’est encore une fois patent, que le Gouvernement a, pendant plusieurs semaines, défendu une position contraire à celle que vous avez adoptée pour la circonstance.

Le sujet mérite mieux. Le débat va avoir lieu maintenant et nous souhaitons, monsieur le président, qu’il se déroule dans la sérénité, comme celui qui suivra, ce à quoi nous coopérerons de tout notre cœur, mais en regrettant très profondément ce qui s’est passé.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Monsieur Sueur, je vous donne acte de votre rappel au règlement.

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Nous voudrions vous interroger, monsieur le ministre, car un sentiment d’incompréhension a parcouru les travées du Sénat.

Lorsque vous avez exprimé votre souhait de voir « activer » l’article 40 de la Constitution, vous avez fondé votre argumentation sur votre évaluation du surcoût qu’occasionnerait l’arrivée de 750 000 nouveaux petits.

D’abord, nous n’avons absolument pas les mêmes chiffres. Ensuite, vous avez mal lu puisque vous avez parlé des petits de deux ans, fustigeant le fait que leur scolarisation soit évoquée dans cette proposition de loi, alors que seule figure dans le texte la mention de leur accueil potentiel. Mais le propos n’est pas là.

Vous justifiez donc le recours à l’article 40 par l’arrivée potentielle de ces 750 000 petits et mettez en perspective un coût de 1, 3 milliard d’euros.

À dix-neuf heures quarante-cinq, la commission des finances, qui a toute compétence pour procéder à une évaluation technique et économique de la réalité de ces coûts, s'est réunie. Elle a supprimé, dans notre texte, des dispositions déterminantes concernant les enfants de trois ans, tout en maintenant celles qui concernent les enfants âgés de deux ans…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. En conséquence, monsieur le ministre, nous vous interrogeons, sans acrimonie : quelle est la bonne cible pour l’application de l'article 40 ? Est-ce celle de la commission des finances ou la vôtre ?

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative

Un ministre n’a pas à commenter une délibération de la commission des finances.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Celle-ci est absolument souveraine. Son président a souligné qu'elle avait pris à l'unanimité la décision d’opposer l’article 40 à certaines dispositions de la proposition de loi dont vous débattez ce soir. Je n'ai rien à ajouter.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. David Assouline, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le ministre, il va de soi que vous n'avez pas à commenter la décision de la commission des finances. Pour autant, vous êtes là pour éclairer le législateur. Il n’est pas dans votre intérêt que tout cela semble relever d’un arbitraire total : nous attendons que vous nous exposiez un raisonnement rationnel, fût-ce selon votre propre logique.

En effet, la commission des finances ne s’est pas autosaisie de ce texte : c’est vous-même qui avez demandé qu’elle se réunisse pour statuer sur la recevabilité de certaines dispositions au regard de l’article 40 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Pour justifier votre décision d’invoquer l'article 40, vous avez affirmé que le texte, à vos yeux, tendait quasiment à rendre la scolarité obligatoire pour les enfants de deux ans et qu’une telle mesure coûterait 1, 3 milliard d'euros. Ce sont vos propres mots, vous ne pouvez plus les retirer : ils figureront au compte rendu des débats et ils ont déjà été repris par l'Agence France-Presse.

Or la commission des finances a précisément maintenu les dispositions dont vous contestiez la recevabilité au titre de l’article 40, à savoir celles qui concernent la scolarisation des enfants de deux ans, mais a censuré le dispositif relatif à la scolarisation obligatoire des enfants de trois ans, qui constituait le cœur du texte.

Monsieur le ministre, peut-être y a-t-il simplement eu un défaut de communication. Cela pourrait se comprendre, car nous travaillons tous dans la précipitation, sans avoir le temps de tout lire, et de nombreux problèmes nous occupent. Pour autant, il convient de rester rationnels, de garder à nos débats une cohérence. Il ne faudrait pas donner à penser que, ce soir, nous avons fait n’importe quoi.

La commission des finances, qui n’a disposé que de quelques minutes pour prendre sa décision, ne pourrait-elle être réunie à nouveau afin le cas échéant de revoir sa position, à la lumière de l’argumentation que vous avez développée, monsieur le ministre ?

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Cela nous permettrait ensuite de poursuivre la discussion de la proposition de loi dans des conditions plus normales.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il faut tout de même respecter le règlement du Sénat et la Constitution.

Je rappelle que notre règlement prévoit que le Gouvernement doit soulever les exceptions d’irrecevabilité fondées sur l'article 40 en séance publique. Par conséquent, il ne revenait pas au ministre chargé des relations avec le Parlement, M. Ollier, de le faire en conférence des présidents.

Peut-être M. le ministre aurait-il pu prévenir de ses intentions ; c'est une autre question, mais il a donc agi conformément au règlement du Sénat en invoquant l’article 40 en séance publique.

Mes chers collègues, en cette matière, le Sénat a longtemps fait preuve d’une certaine souplesse, jusqu'au jour où le Conseil constitutionnel a indiqué que les amendements tombant sous le coup de l'article 40 de la Constitution ne devaient même pas être examinés en séance publique. Si l’on commence à discuter les décisions de la commission des finances, jusqu’où ira-t-on ?

À l'Assemblée nationale, où j’ai également siégé, l'article 40 de la Constitution était appliqué avec beaucoup de rigueur ! Lorsque j'étais dans l'opposition, il est arrivé que certains de mes amendements soient écartés de la discussion pour ce motif, ce qui était tout à fait normal.

Certains contestent le dispositif de l'article 40, notamment nos collègues du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En revanche, le groupe socialiste n’a jusqu'à présent jamais proposé de le modifier !

Cela nous renvoie au débat que nous avons eu sur la « règle d'or ». Rappelez-vous les difficultés que nous avons dû alors surmonter pour faire en sorte que l'on puisse tout de même discuter de dispositions financières hors débats budgétaires ! En effet, le dispositif initial était beaucoup plus contraignant que celui de l'article 40 !

Le ministre a le droit d’invoquer l'article 40. Dès lors que des dispositions ont été déclarées irrecevables à ce titre par la commission des finances, on n’en discute plus, même si elles constituent le cœur du texte ! Il faut respecter nos institutions, la Constitution et le règlement du Sénat : il y va de la démocratie.

Je relève d’ailleurs que certains s’attendaient tellement à ce qui s’est passé qu’ils avaient préparé leurs interventions par écrit !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C'est tout de même extraordinaire ! L'étonnement n'était pas du côté que l’on croit !

En conclusion, je voudrais poser la question suivante : pourquoi nos collègues socialistes n’ont-ils pas déposé plus tôt le présent texte, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… par exemple lorsque la gauche était au pouvoir ? Ils auraient alors eu toute latitude pour faire voter par l’Assemblée nationale la scolarité obligatoire dès trois ans…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Pourquoi une telle précipitation subitement ? Quoi qu’il en soit, une telle mesure coûte cher, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… et la commission des finances a estimé qu’elle était irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution ! Il serait peut-être bon maintenant d’avancer, car il me semble que la suite de l’examen d’une autre proposition de loi du groupe socialiste a été reportée à ce soir…

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Monsieur Assouline, monsieur Hyest, je vous donne acte de vos rappels au règlement.

Nous passons maintenant à la discussion générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Françoise Cartron.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous, sénatrices et sénateurs socialistes, avons souhaité que l’instauration de l’instruction obligatoire en France dès l’âge de trois ans soit l’une des premières dispositions examinées par la nouvelle assemblée sénatoriale. Cette mesure est soutenue, plus largement, par l’ensemble des formations de gauche.

Ainsi, cette année, trois propositions de loi portant sur l’instauration d’une obligation d’instruction dès le plus jeune âge ont été déposées au Sénat, respectivement par les socialistes et les Verts, par le groupe CRC, par les radicaux de gauche. À l’Assemblée nationale, la démarche est identique.

Je remercie Mme la présidente de la commission de la culture d’avoir retenu la présente proposition de loi et je salue l’implication et l’engagement de Mme la rapporteure, Brigitte Gonthier-Maurin.

En effet, le texte que j’ai l’honneur de présenter devant le Sénat relève de notre volonté commune de redonner toute son importance au plus jeune âge de la vie, à cette période cruciale de l’existence où se cristallisent et se sédimentent les inégalités sociales et scolaires.

Dans cette période de crise profonde qui malmène notre société, face aux restrictions budgétaires qui menacent l’équilibre de notre école de la République, il est nécessaire que nous, législateurs, reconnaissions l’école maternelle pour ce qu’elle est : une école à part entière, gratuite, ouverte à toutes et à tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Par ailleurs, cette proposition de loi répond à une exigence plus grande encore : faire de la jeunesse une priorité, inscrire la génération qui vient au cœur de nos préoccupations, au cœur de notre projet pour la France.

Répondre à l’urgence du présent sans oublier de préparer l’avenir : telle est l’ambition sous-tendant le texte que j’ai déposé au nom du groupe socialiste ; telle doit être notre ambition à tous – élus de gauche, mais aussi plus largement, j'ose l'espérer, élus de tous bords qui croient en la force de l’école publique.

La loi Jules Ferry du 28 mars 1882 instaura l’obligation scolaire de six ans à treize ans. Progressivement, cette obligation fut étendue jusqu’à seize ans, mais, à ce jour, aucune avancée concernant les enfants de moins de six ans n’a été inscrite dans la loi.

Or, nous le savons, la scolarisation précoce dans une école maternelle a une influence déterminante sur le parcours de l’enfant, sur son épanouissement personnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

L’instauration de la scolarité obligatoire dès trois ans viendrait sanctuariser et renforcer un modèle qui participe de l’idéal républicain de l’égalité des chances.

Mes chers collègues, le texte que je vous présente ici vise non à obliger ou à contraindre, mais à protéger, à préserver et à conforter notre système public d’enseignement et tous les acteurs qui s’y investissent au quotidien : parents, enseignants, auxiliaires et emplois de vie scolaire, psychologues, médecins, etc. Ce texte a vocation à soutenir les élus locaux et le dynamisme de nos territoires ; surtout, il s’adresse à nos enfants, qu’il accompagnera dans les années à venir.

Sachant que 99 % des enfants sont déjà scolarisés à l’âge de trois ans, pourquoi en faire une obligation légale ?

Je souhaite tout d’abord revenir sur ce qui fait de l’école maternelle un lieu d’apprentissage aussi spécifique qu’indispensable.

Un enfant se construit dès le plus jeune âge. Il est nécessaire que, très tôt, il soit confronté à des stimulations de tous ordres, qui l’aideront à développer son intelligence, sa curiosité, son sens critique, son autonomie et sa maîtrise du langage.

Lieu de socialisation équilibrée, notre école maternelle excelle et est citée en référence dans le monde entier.

Face aux difficultés familiales, psychologiques ou sociales rencontrées dès la petite enfance, l’école constitue un lieu d’accompagnement et de réparation indispensable, parce qu’elle construit des parcours pédagogiques adaptés, en tenant compte des différences de rythmes et de maturité, parce qu’elle reconnaît la spécificité de chaque enfant. Elle offre ainsi un temps éducatif privilégié qu’il nous faut préserver.

Dans l’accomplissement de ses missions essentielles, elle répond au double impératif de progrès et de justice sociale, valeurs qui sont au cœur même de notre pacte républicain.

Les parents, les syndicats de l’enseignement, les professionnels de l’éducation ont tous relevé le lien positif existant entre la durée de fréquentation de l’école maternelle et la réussite des élèves à l’école élémentaire, non seulement sur le plan de l’acquisition des connaissances, mais également en termes d’épanouissement et d’autonomie.

L’école maternelle assure un temps d’apprentissage particulièrement bénéfique pour les élèves les moins favorisés, socialement ou culturellement, pour les élèves d’origine étrangère primo-arrivants et pour tous ceux qui rencontrent des difficultés dans l’apprentissage du français.

L’école maternelle, c’est l’école de la rencontre avec le langage, de la rencontre de l’autre, de la découverte du monde du sensible, de l’émotion, mais c’est aussi l’école de la confrontation avec le réel, qui permet à nos enfants de mieux comprendre leur environnement.

Dans une société qui fait le pari de la jeunesse, la sécurisation de l’école maternelle, dans sa structure et ses missions, est un impératif.

Or, depuis quelques années, la politique éducative menée par différents gouvernements est allée à l’encontre de cette ambition. Nous constatons avec inquiétude la chute, année après année, du nombre d’enfants admis à l’école avant trois ans. Alors que 35 % des enfants de deux à trois ans étaient préscolarisés en 2000, ce taux est tombé, aujourd’hui, à moins de 14 %. Dans des zones sensibles comme le département de la Seine-Saint-Denis, où les besoins sont le plus criants, il est inférieur à 5 %.

En conséquence d’une application aveugle de la révision générale des politiques publiques, la fameuse RGPP, des dizaines de milliers d’enfants ont été abandonnés dans un vide éducatif préjudiciable à leur avenir, mais aussi dans une précarité sanitaire que nous découvrons, avec effroi, au travers du retour de maladies que nous croyions définitivement éradiquées.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Là encore, l’école maternelle et ses médecins scolaires jouent un rôle irremplaçable.

De plus, les réductions drastiques du nombre de postes dans le premier degré n’ont pas non plus épargné la prise en charge des enfants de trois à cinq ans. Si le taux de scolarisation demeure proche de 100 %, c’est au prix d’une augmentation des effectifs par classe, amenant une dégradation des conditions d’accueil.

Craignons que, en raison de ces coupes budgétaires sévères, les écoles maternelles ne soient dans l’obligation, demain, d’écarter de plus en plus d’enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Cela est d’autant plus à redouter que, en parallèle, tentent de se développer des structures privées et payantes, comme les jardins d’éveil. Celles-ci ne répondent ni aux mêmes exigences pédagogiques ni aux mêmes exigences de formation.

De fait, l’ambition éducative portée par l’enseignement préélémentaire en France est progressivement remise en cause.

Par ailleurs, j’entends trop souvent des justifications budgétaires au démantèlement de l’enseignement en maternelle, qui permettrait la réalisation d’économies rendues nécessaires par la crise que nous traversons. Attention, monsieur le ministre : n’ajoutons pas à la crise financière une crise éducative.

D’après des études récentes, la France est, parmi les pays comparables, celui où le nombre d’élèves par professeur est le plus important. Le sous-investissement est encore plus criant à l’école maternelle. Or, on le sait, c’est en investissant tôt dans la scolarité d’un enfant qu’on évite le mieux des échecs ou des réorientations qui coûtent cher à la société par la suite.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Enfin, je précise que l’incidence de ce texte sur les finances de l’État et celles des communes sera marginale, la quasi-totalité des enfants étant déjà accueillis à partir de trois ans.

Monsieur le ministre, vous avez affirmé que la mise en œuvre de nos propositions entraînerait l’arrivée à l’école de 750 000 élèves supplémentaires. De deux choses l’une : soit vous vouliez en fait parler de la scolarisation des enfants de deux ans, soit le nombre d’enfants de trois ans non scolarisés est effectivement aussi élevé dans notre pays, et alors la situation est encore pire que nous ne l’imaginions !

Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste -EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Il y a bien un besoin d’école aujourd’hui, puisque des classes maternelles privées hors contrat, payantes bien sûr, se développent. Le coût est donc reporté sur les familles, déjà bien malmenées financièrement. Là encore, il y a danger !

Le 28 juin dernier, je vous interrogeais, monsieur le ministre, sur le désengagement de l’État de l’école maternelle. Vous m’aviez répondu en rappelant que l’école n’était obligatoire que de six à seize ans. Monsieur Chatel, vous aviez entièrement raison ! C’est précisément un des éléments qui ont motivé le dépôt de notre proposition de loi.

Ainsi, sur le plan symbolique, l’intégration de la maternelle dans la scolarité obligatoire permettra la reconnaissance définitive de son statut d’école à part entière, lieu privilégié où se développe l’enfant, dans le respect de sa personne, de ses besoins et de ses rythmes.

Sur le plan juridique, si cette proposition de loi est adoptée, cela imposera à l’État de déployer tous les moyens nécessaires à l’accueil et à l’instruction de l’ensemble des enfants de trois à cinq ans.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Il s’agit d’accueillir à l’école les 1 % d’enfants de trois ans qui ne sont pas déjà scolarisés : je pense que notre pays peut consentir un tel effort.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

C’est un choix politique ! Dès lors, il ne sera plus possible de considérer l’école maternelle comme une simple variable d’ajustement budgétaire.

Revenons d’ailleurs sur la question des moyens.

Une scolarité maternelle longue a des effets bénéfiques sur la suite du cursus de l’enfant, à condition de garantir la qualité de l’accueil. Bien sûr, cela nécessite un investissement, que l’État doit considérer non pas comme une charge, mais comme une chance.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Voilà presque soixante ans, Pierre Mendès-France publiait un ouvrage intitulé : Gouverner, c’est choisir.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Absolument ! C’est ce que fait le Gouvernement !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

C’est cela, la noblesse de la politique : choisir des priorités. La nôtre, c’est de donner à la jeunesse de notre pays les moyens de construire son avenir, et ce dès le plus jeune âge.

Oui, des moyens humains et matériels seront nécessaires, en priorité pour les niveaux d’enseignement préélémentaires et élémentaires.

Ainsi, nous nous engageons, au travers de ce texte, à développer une vraie formation initiale et continue des personnels enseignants. Aujourd’hui, le manque de formation pratique et l’absence de modules spécifiques en sciences du langage ou en psychologie sont constatés et déplorés par les acteurs de l’éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Il est urgent de revenir sur la réforme ratée, gâchée dirais-je, de la mastérisation, en adaptant la formation pour la centrer sur le développement de l’enfant.

Nos enseignants méritent notre attention, notre estime et notre respect. Il y a urgence à leur témoigner notre confiance par des mesures concrètes.

Sur le plan pédagogique, l’occasion nous est donnée de réaffirmer la particularité de ce temps d’enseignement. L’école maternelle n’est pas le lieu d’une évaluation permanente, ni l’antichambre d’une compétition effrénée entre les enfants. Récemment, certaines initiatives malheureuses auraient pu laisser croire le contraire. En réalité, elle est un modèle éducatif qui ne se réduit pas à un mode d’accueil collectif comme les autres, ni à une classe de présélection pour l’enseignement élémentaire. Elle doit donc conserver sa pédagogie propre, de même qu’une certaine souplesse dans la prise en compte du rythme de vie de l’enfant ; cette liberté sera conservée.

En effet, d’un point de vue social, la proposition de loi rend obligatoire l’instruction. Elle ne remet nullement en cause la liberté de l’instruction et le libre choix des familles.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Nous n’avons pas souhaité faire de la scolarisation dès deux ans un droit opposable. Nous réaffirmerons la possibilité de préscolariser les enfants, plus particulièrement ceux qui sont issus des zones sociales défavorisées, rurales ou urbaines, déjà prévue aujourd’hui dans le code de l’éducation.

Néanmoins, cette problématique nous apparaît indissociable d’une réflexion plus générale sur l’accueil de la petite enfance, qui constitue non seulement un facteur déterminant de l’égalité des chances, mais également un instrument au service de l’égalité entre les hommes et les femmes. La mise en place d’un véritable service public de la petite enfance s’impose.

Au cours d’une audition par notre commission, vous avez affirmé, monsieur le ministre, qu’en une période de crise comme celle que nous connaissons actuellement, un devoir d’ambition, une exigence d’éducation s’imposaient à nous. Cette proposition de loi porte une telle ambition, non seulement pour l’école, mais également pour les territoires, dont nous sommes les représentants et qui font notre fierté. Par leurs innovations, leurs politiques volontaristes, ils sont les moteurs du développement économique et notre meilleur rempart contre la crise.

Mais que constatons-nous aujourd’hui, ici au Sénat ? Après les tribunaux, les hôpitaux, les bureaux de poste, l’école est le nouveau souffre-douleur de la RGPP.

L’enseignement primaire, domaine privilégié d’intervention pour prévenir l’échec scolaire, est aujourd’hui sinistré. Combien de postes auront été supprimés à la fin du mandat présidentiel, au nom de la seule logique comptable : 80 000 ? Davantage encore ?

Dans cet exercice de divisions multiples, les territoires ruraux et les villes de banlieue ont payé le prix fort. Oubliée, la charte sur l’organisation des services publics en milieu rural signée en 2006, qui prévoyait que toute fermeture de classes devait être anticipée deux ans à l’avance ; ignorés, les cris d’alerte des maires des villes de banlieue, affolés par la détresse d’une grande partie de leur population ; abandonnés au nom du seul critère de la rentabilité, les enfants cumulant échec social et échec scolaire !

Dans ce contexte, nous avons appris que des maires qui ne veulent pas se résigner à la mort programmée de leur école embauchent et rémunèrent des enseignants, se substituant ainsi à l’éducation nationale défaillante. Ils le savent tous : l’école est un lieu structurant, un lieu vivant dans un village, un quartier ; un lieu irremplaçable d’apprentissage, d’échange, de prévention, de socialisation.

Si la majorité actuelle n’est pas seule responsable des errements de notre système éducatif, force est de constater qu’une grande part de cette responsabilité lui incombe. L’adoption de cette proposition de loi représenterait un sursaut salvateur, et pour vous, monsieur le ministre, peut-être un premier pas vers l’obtention d’un « triple A éducatif » !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

En conclusion, en défendant cette proposition de loi, je pense en priorité à toutes ces familles qui s’inquiètent, craignant le déclassement et l’exclusion.

Je souhaite m’adresser aux enfants de notre République : c’est pour eux que nous voulons cette loi, eux qui porteront demain nos espoirs, qui défendront nos valeurs et nos convictions, qui parleront demain en notre nom à tous, en Europe et dans le monde !

En plus de vingt ans d’enseignement en zone d’éducation prioritaire, j’ai vu et accompagné tant d’enfants qui, plus tard, sont devenus des adultes accomplis, tant d’élèves qui ont su dépasser certains déterminismes sociaux, culturels ou religieux, pour devenir des professionnels reconnus, des citoyens responsables ! Quel bonheur ! Quelle fierté !

Jamais nous ne nous résoudrons à abandonner les plus fragiles, à sacrifier sur l’autel du réalisme budgétaire ou du cynisme nos ambitions éducatives et sociales.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Aucun peuple ne peut vivre sans espérer un monde meilleur, sans assurer l’avenir de sa jeunesse. Je citerai, à cet instant, Léon Gambetta : « L’avenir n’est interdit à personne. »

L’égalité des chances n’est pas un vain mot. La démocratie de la réussite est une grande idée : elle est notre but ultime.

La majorité actuelle n’aura, hélas, pas réussi à créer les conditions de la réussite partagée pour tous. Elle aura trop souvent favorisé l’émergence d’un tamis éducatif, qui sélectionne les meilleurs et élimine les moins bons. Elle aura usé et abusé d’une rhétorique, celle de l’excellence, qui cache la multitude des exclus du système.

La préparation de l’avenir de nos enfants ne peut se résumer à une compétition féroce, à un classement permanent. C’est un projet, un parcours personnel à construire, accompagné par des adultes compétents au sein de notre école républicaine.

En 1955, Pierre Mendès-France affirmait que si la République est capable de comprendre la jeunesse, d’épouser son espérance, de la servir dans chacune de ses décisions, alors elle n’a rien à craindre des extrémistes, car elle sera toujours plus forte et plus vivante, portée par sa jeunesse, ardemment défendue, et chaque jour renouvelée par elle.

Mes chers collègues, servons ce soir cette grande ambition pour la France, cette grande ambition pour la génération nouvelle. Je ne vous invite pas à poursuivre des rêves ou des utopies ; non, il s’agit, dès ce soir, d’éclairer l’avenir de nos enfants. Alors, ensemble, rêvons le possible, et adoptons cette proposition de loi !

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il eût été dommage d’être privés d’un tel discours !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Les sauveurs sont parmi nous ! Incroyable ! Pour qui vous prenez-vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

La droite a été ébranlée. Elle reste sans voix !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je vous en prie, mes chers collègues !

La parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, les événements graves survenus tout à l’heure dans cet hémicycle, qui témoignent pour le moins d’un sérieux manque de franchise, me forcent à modifier la tonalité de mon intervention.

Depuis la loi Ferry du 28 mars 1882, l’obligation scolaire a été progressivement étendue en aval, de treize à seize ans. Mais, en amont, malgré le développement des écoles maternelles sur l’initiative de Pauline Kergomard, le début de l’instruction obligatoire est resté fixé à six ans.

Avant qu’elle ne soit vidée de sa substance par la manœuvre du Gouvernement, la proposition de loi n° 447 tendait à renverser la logique, afin de préserver l’acquis social majeur que constituent les écoles maternelles.

La même conviction animait le groupe CRC lorsqu’il a déposé une autre proposition de loi, visant à garantir le droit à la scolarisation dès l’âge de deux ans, comme celle du groupe du RDSE.

La conjonction de ces trois propositions de loi, distinctes mais convergentes, témoigne de l’importance que le nouveau Sénat attache aux premiers pas des élèves à l’école.

Au terme de ses travaux, et malgré l’intervention du Gouvernement, la commission de la culture et de l’éducation considère toujours que l’école maternelle peut et doit jouer un rôle clé dans la réduction des inégalités et la lutte contre l’échec scolaire. Ce point fait consensus parmi les parents, les enseignants et les chercheurs. Globalement, à condition de s’assurer de la qualité de l’accueil, une scolarité maternelle longue a des effets protecteurs à long terme sur la suite du cursus, notamment en prévenant les redoublements.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

L’école maternelle constitue donc un instrument de sécurisation des parcours scolaires. Tous les travaux de recherche, notamment ceux des équipes d’Agnès Florin et de Bruno Suchaut, le démontrent. Le Gouvernement préfère ignorer les faits, comme il repousse le débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

L’école maternelle est bien un chaînon essentiel du système éducatif, mais elle est aujourd’hui fragilisée et menacée. Elle le sera encore plus demain, vos intentions, monsieur le ministre, étant transparentes depuis ce soir.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

En effet, malgré l’importance fondamentale de l’école maternelle pour le développement des enfants et la facilitation de leur parcours scolaire, le Gouvernement a fait prévaloir une politique de réduction des coûts, qui s’est traduite par un net recul du taux de scolarisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Ah bon ? On vient de nous dire que la quasi-totalité des enfants de trois ans sont scolarisés !

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Nous sommes, statistiquement, revenus trente ans en arrière, à la situation qui prévalait avant les années quatre-vingt.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Le taux de préscolarisation dès deux ans est le plus affecté. Son recul, à 13, 6 % sur le plan national, frappe durement des zones pourtant prioritaires, par exemple le département de la Seine-Saint-Denis.

Cependant, les réductions du nombre de postes dans le premier degré n’ont pas épargné la prise en charge des enfants âgés de trois à cinq ans. Si le taux de scolarisation demeure quasiment inchangé, cela est dû à une augmentation des effectifs par classe, qui a entraîné une dégradation des conditions d’accueil.

Il n’est pas dit que, à ce rythme, les écoles maternelles ne devront pas écarter, dans les années à venir, de plus en plus d’enfants, faute de places disponibles. Cette crainte se confirme après la tentative du Gouvernement de couper court à notre débat.

À cette pression budgétaire s’ajoutent les effets de la réforme de la formation des enseignants. De l’aveu général, monsieur le ministre, la mastérisation est inadaptée, parce qu’elle affaiblit la professionnalisation des futurs enseignants et complique leur entrée dans le métier. Quatre rapports successifs – Filâtre, Marois, Grosperrin et Jolion – convergent sur ce point. Si l’ensemble du système éducatif est concerné, c’est bien à l’école maternelle et parmi les très jeunes enfants que les dommages risquent d’être les plus importants.

M. Vincent Eblé applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

En outre, il ne faut pas négliger l’impact des attaques symboliques qui ont tendu à dévaloriser l’action des enseignants et à promouvoir des alternatives privées payantes, alors que celles-ci n’ont jamais démontré leur efficacité. Cette remise en cause a été durement ressentie par le corps enseignant. Elle contribue à la dégradation de la condition enseignante, analysée dès 2008 dans le rapport Pochard et illustrée de façon tragique dans l’actualité récente.

Face à ces attaques, la commission de la culture et de l’éducation a estimé qu’avancer à trois ans l’âge de l’instruction obligatoire constituait une mesure de sauvegarde essentielle. Ce devait être la première pierre du chantier de la refondation de l’école maternelle. Il nous aurait ensuite appartenu d’engager une réflexion sur la mission et la fonction de l’école maternelle, à partir de laquelle nous aurions travaillé à la remise à plat de la formation des enseignants.

Là où le code de l’éducation prévoyait la simple possibilité d’un accueil des enfants de moins de six ans, la proposition de loi visait à imposer à l’État de mettre en œuvre tous les moyens nécessaires à l’accueil et à l’instruction de l’ensemble des enfants âgés de trois à cinq ans.

Sur le plan symbolique, l’intégration de l’école maternelle dans la scolarité obligatoire aurait dû permettre la reconnaissance définitive de son statut d’école à part entière. Elle aurait pu contribuer à affirmer son rôle fondamental, à la racine du système éducatif.

En outre, le passage d’une simple faculté, même si elle était exercée dans les faits, à une obligation aurait constitué un verrou utile : cela aurait contribué à bloquer toute velléité de réduction de la scolarisation en maternelle et aidé à freiner l’érosion des moyens humains et matériels consacrés à l’école maternelle. Monsieur le ministre, vous l’aviez bien compris : c’est pour cette raison que avez méprisé le travail des auteurs de la proposition de loi et celui de la commission de la culture.

M. le ministre fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Après examen, le texte ne présentait pas de difficultés en termes de conformité aux conventions internationales ratifiées par la France, dans la mesure où seule l’instruction obligatoire était visée. La proposition de loi n’imposait pas, malgré son titre équivoque, la scolarisation obligatoire. Elle ne remettait donc aucunement en cause la liberté de l’instruction et le libre choix des familles.

La commission de la culture et de l’éducation souhaitait, et souhaite plus encore aujourd’hui, mettre en garde contre deux effets pervers potentiels.

Premièrement, il faut empêcher que la consolidation de la scolarisation à partir de trois ans ne serve de prétexte à une accélération du recul de la préscolarisation à deux ans. La commission demande, monsieur le ministre, que vous entendiez ce message.

Deuxièmement, il faut stopper la dérive à l’œuvre de l’école maternelle vers l’école élémentaire, à la fois dans les missions, l’organisation et les apprentissages. Cette tentation existe déjà, notamment en grande section. L’intégration de l’école maternelle dans la scolarité obligatoire ne devra, à aucun prix, renforcer un tel mouvement. Ce serait gommer la spécificité de cette école et empêcher son adaptation fine aux besoins d’enfants en pleine transition cognitive et psychoaffective.

Par ailleurs, pour consolider et préciser le texte de la proposition de loi, la commission avait adopté, sur mon initiative, un certain nombre d’amendements, qui ont été validés par la commission des finances ; je tiens à le souligner, car c’est grâce à leur adoption que nous avons encore un texte à discuter ce soir !

Ces amendements visaient trois objectifs.

Il s’agissait, d’abord, de garantir l’homogénéité et la cohérence de l’ensemble des dispositions du code de l’éducation mentionnant l’instruction obligatoire.

Il s’agissait, ensuite, de maintenir l’école maternelle hors du champ de contrôle de l’assiduité scolaire, afin de préserver une certaine souplesse dans l’organisation de la journée pour les enfants de trois ans et surtout, mes chers collègues, d’empêcher l’activation du mécanisme de suspension des allocations familiales prévu par la loi Ciotti du 28 septembre 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Il s’agissait, enfin, d’exiger une formation initiale et continue pour les personnels enseignants, prenant en compte la technicité particulière de leur tâche et les spécificités des enfants accueillis à l’école maternelle.

Le texte, je l’ai dit, a été vidé de sa substance après l’intervention du Gouvernement. La commission de la culture et de l’éducation, qui avait rendu un avis favorable, le déplore très vivement. Elle craint désormais que l’école maternelle ne soit bientôt la victime de graves restrictions budgétaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. Nous en reparlerons bien évidemment lors de l’examen du projet de loi de finances, monsieur le ministre.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Monsieur le président, madame la présidente de la commission, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord revenir sur les rappels au règlement et les interventions préliminaires à la discussion générale de certains membres de la Haute Assemblée.

Vouloir faire respecter la Constitution ne signifie pas refuser le dialogue. Le Gouvernement n’a jamais eu l’intention d’empêcher le débat.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

En tant que représentant du Gouvernement, j’avais le devoir de faire respecter la Constitution, comme l’a très bien expliqué tout à l’heure M. Hyest. Il n’en demeure pas moins que le dialogue est essentiel, surtout quand il s’agit de l’école. Je pense avoir montré, depuis deux ans et demi que j’exerce les fonctions de ministre de l’éducation nationale, que j’étais prêt à parler de tous les sujets avec tous les parlementaires, quelle que soit leur sensibilité politique.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Dès lors, dialoguons sur le fond, dans le respect de nos institutions.

Madame Cartron, le texte que vous présentez aujourd’hui est la démonstration qu’une idée généreuse ne fait pas forcément une bonne proposition de loi.

Oui, l’école maternelle mérite toute notre attention, parce qu’elle est le lieu où l’enfant s’initie aux apprentissages, où il est incité à l’interaction avec les autres enfants de son âge, où il est éduqué aux exigences fondamentales de la vie en société et au respect de son entourage.

Nous considérons nous aussi, madame Cartron, que la maternelle est une véritable école. En particulier, elle est l’école du langage. Permettez-moi de vous dire que nous ne vous avons pas attendue pour lui accorder toute notre attention…

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Ce n’est pas l’impression que l’on a dans les communes !

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

… et pour travailler à ce qu’elle permette à chaque enfant, madame le rapporteur, de s’engager d’un pas sûr et serein dans sa scolarité.

Puisque vous avez évoqué la question des moyens, madame Cartron, en parlant de « démantèlement », je vous ferai observer que le taux d’encadrement à l’école maternelle est exactement le même aujourd’hui qu’il y a dix ans : on compte, en moyenne, 25, 6 enfants par classe. Je souligne en outre que le nombre d’enseignants en maternelle était de 110 000 en 2008, de 111 000 en 2009 et de 112 800 en 2010.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Eu égard aux contraintes qui pèsent aujourd’hui sur le budget de l’État, en particulier sur celui de l’éducation nationale, de tels chiffres prouvent l’engagement fort du Gouvernement auprès de notre école maternelle.

Je le redis, l’école maternelle est une véritable école, et non, comme certains voudraient le faire croire, un espace d’accueil.

C’est précisément dans le plus complet respect de cette mission éducative que nous avons voulu la réformer en 2008, en lui fixant de vrais programmes centrés sur l’appropriation de la langue par la nomination, la formulation de questions, le récit, l’appropriation progressive de la syntaxe élémentaire de notre langue, ainsi que sur la découverte de l’écrit par la reconnaissance et l’écriture de la plupart des lettres de notre alphabet, la mise en relation des sons et des lettres, la copie en écriture cursive de mots simples, à commencer par son prénom.

Par le biais de ces programmes, nous avons également voulu aider les enfants à appréhender leur corps et à découvrir le monde par l’adaptation de leurs déplacements à des environnements et à des contraintes variées, la reconnaissance des objets, le repérage des dangers ou l’utilisation des marqueurs de temps.

Ces programmes visent en outre à solliciter l’attention, la concentration, l’imagination des enfants, mais aussi, dès le plus jeune âge, à leur apprendre, par l’écoute, par l’identification du rôle des adultes, à respecter des règles pour être à même de respecter les autres.

Nous avons enfin voulu travailler à instaurer davantage de progressivité entre la grande section et le cours préparatoire. Les spécialistes du langage sont unanimes : tout commence à l’école maternelle, avant l’entrée au cours préparatoire, et l’apprentissage des mots est essentiel pour un bon apprentissage de la lecture.

C’est la raison pour laquelle, madame Cartron, nous avons décidé de créer un dispositif d’aide personnalisée de deux heures par semaine dès la maternelle, afin de remédier aux difficultés scolaires et de porter une attention particulière aux enfants qui rencontrent, dès cet âge, des problèmes.

Pour aider les enseignants dans la mise en œuvre de ces nouveaux programmes de maternelle, j’ai pris la décision, à la rentrée de 2009, de nommer 100 inspecteurs de l’éducation nationale – un par département – sur des postes nouveaux. Là encore, dans un contexte budgétaire contraint, nous avons fait des choix. Ces inspecteurs ont pour missions spécifiques de veiller à promouvoir une qualité particulière d’apprentissage adaptée aux enfants de trois à six ans et de contribuer, en grande section, à la prévention de l’illettrisme dans le cadre du plan que j’ai présenté en mars 2010. En effet, pour être pleinement efficace, pour lutter contre les premières des inégalités, il faut travailler au plus tôt à l’acquisition des fondamentaux de la langue.

On sait très bien que, entre un enfant qui, à l’entrée en cours préparatoire, maîtrise de 150 à 300 mots, parce qu’il vit dans un environnement familial défavorisé, où il est peu sollicité par la conversation familiale, et un autre qui connaît, au même stade, de 800 à 1 200 mots, il existe déjà un fossé qu’il sera quasiment impossible de combler dans la suite des apprentissages. Eh bien l’école de la République, mesdames, messieurs les sénateurs, doit remédier à cette inégalité ! Nous nous y consacrons avec volontarisme et méthode.

Cette action précoce passe par un apprentissage méthodique du vocabulaire, ainsi que par un apprentissage des textes par cœur, pour développer à la fois la concentration et la mémorisation.

C’est la raison pour laquelle j’ai demandé à ces 100 inspecteurs de l’éducation nationale chargés de la maternelle de concentrer leur action sur la mise en œuvre de ce plan de prévention, afin d’instaurer une véritable égalité des chances partout sur notre territoire.

Dans ces conditions, il est totalement infondé et injuste de prétendre que nous remettrions en cause le rôle spécifique de la maternelle ! Cela ne correspond en effet ni aux convictions qui sont les miennes ni à l’action que mène le Gouvernement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je pense que personne n’est plus conscient que moi que le passage par l’école maternelle est une étape fondamentale dans l’éducation de nos enfants.

Par ailleurs, je suis tout aussi convaincu de la nécessité de disposer d’outils pour vérifier l’efficacité de notre action. C’est en ce sens, afin de garantir un meilleur contrôle sur l’acquisition des fondamentaux par les enfants, que j’ai récemment proposé aux enseignants de maternelle un nouvel outil destiné à les aider à dresser un bilan des forces et des faiblesses de chacun de leurs élèves.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Non obligatoire, strictement cantonné à la classe, ce dispositif permettra au professeur de repérer les fragilités, les difficultés des élèves qui connaissent des troubles des apprentissages et de les aider dès la grande section.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

N’importe quoi ! Repérer, vous savez faire, mais remédier, c’est autre chose ! Vous passez votre temps à évaluer sans que les actes suivent !

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

On ne peut pas à la fois nous reprocher, monsieur le sénateur, que 15 % des enfants quittent l’école primaire sans maîtriser les fondamentaux, notamment la lecture et l’écriture, et s’opposer à ce que nous nous attaquions aux problèmes dès le plus jeune âge, dès la maternelle, au moment où tout se joue ! Tous nos efforts tendent à faire de la maternelle une véritable école !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Vous passez les trois quarts du temps à évaluer !

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Madame Cartron, vous affirmez, dans l’exposé des motifs de votre proposition de loi –c’est d’ailleurs un point sur lequel je vous rejoins –, que notre école maternelle est un fleuron de notre système éducatif. Certains de vos collègues semblent en douter…

Cette conception de notre école maternelle comme une véritable école constitue bel et bien une spécificité française.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

En effet, dans nombre de pays, d’Europe et d’ailleurs, il n’y a pas d’école avant l’âge de cinq ou six ans. Nous devons donc être fiers, mesdames, messieurs les sénateurs, d’apporter les compétences d’enseignants de haut niveau aux apprentissages premiers.

Je crois d’ailleurs que nous devons pleinement reconnaître ces compétences. Je serais, en ce sens, favorable à la création d’une certification attestant des compétences spécifiques que requiert l’enseignement en maternelle, car ce savoir-faire particulier devrait sans doute être davantage reconnu.

En ce qui concerne maintenant l’âge d’entrée à l’école maternelle, qui fait l’objet de cette proposition de loi, vous considérez manifestement que la scolarisation précoce est bénéfique pour chaque enfant.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

M. Luc Chatel, ministre. Vous préconisez que les enfants soient scolarisés à deux ans.

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

J’ai pourtant cru comprendre, en vous écoutant, que c’était bien le sujet !

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Je m’étonne que, dans l’exposé des motifs de votre proposition de loi, il ne soit fait mention d’aucune enquête probante démontrant qu’une scolarisation à deux ans est préférable à une scolarisation à trois ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

C’est d’une scolarisation à trois ans qu’il est question dans la proposition de loi !

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

En revanche, je note que des études indiquent absolument le contraire, tels le rapport intitulé « L’École, outil de la liberté », que Mme Claire Brisset, Défenseure des enfants, a remis en 2003 ou l’enquête publiée en septembre 2007 par l’INSEE sous le titre « Information et vie quotidienne ». Ainsi, cette enquête signale que 56 % des adultes de la région Nord-Pas-de-Calais sont entrés à l’école avant trois ans, contre 47 % pour la moyenne nationale. Or on constate que c’est dans cette même région que les difficultés de maîtrise de l’écrit à l’âge adulte sont les plus importantes. Je pourrais également faire référence au rapport sur l’accueil des jeunes enfants remis par les sénateurs Papon et Martin en 2008.

Mais j’irai plus loin, en soulignant que des enquêtes comparatives ont été menées sur des groupes d’enfants scolarisés à deux ans et d’autres scolarisés à trois ans. Eh bien elles ont révélé que les avantages que les enfants précocement scolarisés avaient acquis s’estompaient en une année environ. Des enquêtes ont même montré qu’une scolarisation avant trois ans pouvait entraîner des phénomènes de régression en matière d’apprentissages, de processus psychologique, de renforcement des conduites agressives…

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous encourage, vous qui êtes des femmes et des hommes de terrain, des élus locaux, à faire un test que je pratique régulièrement. Quand vous vous rendez dans une école maternelle ou dans une école primaire, demandez aux enseignants s’ils sont ou non favorables à la scolarisation à deux ans.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Vous verrez que vous obtiendrez des réponses extrêmement diverses !

Soyons clairs : l’école maternelle n’a pas les mêmes missions selon qu’elle accueille les enfants à deux ou à trois ans. Jusqu’à trois ans, mesdames, messieurs les sénateurs, parce que beaucoup d’enfants ne sont pas autonomes avant cet âge, c’est la socialisation qui doit prévaloir, cela de manière non obligatoire.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

C’est, du reste, tout le sens de notre action lorsque nous privilégions la scolarisation des enfants relevant de l’éducation prioritaire. Nous favorisons, à cet égard, les enfants issus des zones d’éducation prioritaire ou des zones de revitalisation rurale.

En revanche, à partir de trois ans, on peut parler véritablement de scolarisation.

Debut de section - Permalien
Une sénatrice du groupe socialiste-Eelv

Nous sommes d’accord !

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

En effet, c’est à partir de cet âge que les apprentissages deviennent possibles et qu’il faut engager de manière résolue une action éducative.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Vous avez évoqué un « démantèlement » de l’école maternelle.

Je vous réponds que l’accès à l’école maternelle est aujourd’hui un droit, que près de 100 % des enfants de trois ans la fréquentent, …

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Alors pourquoi avez-vous invoqué l’article 40 ?

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

M. Luc Chatel, ministre. … et ce, dans la très grande majorité des cas, avec assiduité, sur la totalité du temps scolaire proposé.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

M. Luc Chatel, ministre. La dernière étude de la direction des études, de l’évaluation et des statistiques, qui a été publiée ce mois-ci, l’a d’ailleurs encore rappelé : si 72 % des enfants de deux ans accueillis à l’école maternelle en 2007 la fréquentaient à mi-temps, ils n’étaient plus que 27 % dans ce cas à trois ans. Vous ne pouvez donc soutenir que mon opposition à votre proposition de loi tient à une question de moyens, comme vous l’avez fait à plusieurs reprises.

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Je vous réponds encore que, à la rentrée de 2010, plus de 2, 5 millions d’enfants étaient scolarisés en maternelle, les effectifs ayant augmenté de 0, 3 % dans l’enseignement public.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Je vous réponds, enfin, que l’école maternelle est la première des marches scolaires vers la réussite dans l’acquisition des fondamentaux et que je suis extrêmement attentif à l’efficacité de son action.

Je suis personnellement persuadé, mesdames, messieurs les sénateurs, qu’il faudra un jour que le passage par cette école fasse partie de la scolarisation obligatoire.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

M. Luc Chatel, ministre. Je suis surpris que vous soyez surpris ! J’ai eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet à plusieurs reprises.

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Je suis tout autant convaincu qu’il nous faut réfléchir à toutes les implications d’une telle mesure pour les parents, avec lesquels nous devons construire une véritable et effective coéducation entre trois et six ans, ainsi que pour les collectivités locales, car une telle évolution entraînerait une augmentation importante des charges pesant sur les communes, surtout au titre de la scolarisation des enfants de deux ans. Vous le reconnaissez d’ailleurs vous-même, madame Cartron, dans l’exposé des motifs de votre proposition de loi.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Cela tient à la construction d’écoles maternelles spécifiques et distinctes des autres niveaux de la scolarité ou à l’abondement du forfait d’internat pour l’enseignement privé. Je rappelle que les communes contribuent tout de même à hauteur de 50 % au fonctionnement des écoles.

On m’explique, à longueur de débats, que l’État se défausse sur le dos des communes. Je suis donc un peu surpris que la chambre représentant les collectivités territoriales discute aujourd’hui une proposition de loi dont l’adoption aurait pour conséquence de transférer de nouvelles charges aux communes !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste -EELV.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

Allons au bout de votre logique, madame le sénateur : qui dit scolarisation obligatoire dit obligation d’assiduité, …

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

… comme nous l’avons d’ailleurs réaffirmé récemment au travers de la loi dite « Ciotti » du 28 septembre 2010.

Il faudrait donc assumer de dire aux familles qu’elles ne sont pas les mieux à même de savoir quel rythme est préférable pour leur enfant de trois ans et qu’elles ne sont pas libres de décider, en conscience et en connaissance de cause, de l’emploi de la journée de leur enfant.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

C’est un sujet que nous devons évoquer avec les représentants des familles et des parents d’élèves.

Il faudrait également assumer de contrôler auprès des familles qui, par exemple, ont décidé de ne pas scolariser leur enfant la manière dont elles les éduquent. Je vous laisse le soin d’imaginer les réactions de ces familles devant une telle contrainte !

Pour ma part, mesdames, messieurs les sénateurs, tant que nous n’aurons pas mené cette réflexion concertée avec les familles et les collectivités territoriales, j’aime mieux garantir aux parents de ces jeunes enfants une totale liberté de choix, et donc leur offrir la possibilité de les garder chez eux s’ils estiment que cela est préférable.

C’est aussi cela, la personnalisation : respecter les rythmes de l’enfant en bas âge ; c’est aussi cela, la coéducation : reconnaître le rôle et la compétence des familles.

Mesdames, messieurs les sénateurs, pour rendre notre école plus efficace, il faut travailler, en amont, à ce que chaque élève qui rencontre des difficultés trouve une solution personnalisée. Il faut commencer dès la maternelle, où sont posées les bases de tous les savoirs et de tous les apprentissages qui suivront. Conscient de l’extrême importance de l’école maternelle, j’ai engagé une action résolue, avec la réforme de l’enseignement primaire, avec l’aide personnalisée, avec le plan pour le développement de la lecture et la lutte contre l’illettrisme, pour qu’elle soit le premier lieu où l’on remédie aux inégalités.

Si nous voulons aller plus loin, il nous faudra travailler dans un dialogue ouvert et approfondi avec toutes les parties prenantes : on ne saurait décider d’un tel changement au détour de l’examen d’un texte qui ignore cette réalité que 99 % des enfants sont déjà scolarisés à trois ans

Exclamations sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, ministre

… qui ne fait qu’esquisser les enjeux, qui ne prend pas la mesure des implications de sa mise en œuvre pour les familles et les collectivités territoriales.

Pour toutes ces raisons, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous appelle à rejeter cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l’article 29 de notre règlement.

Nous souhaiterions obtenir des précisions sur l’organisation de nos travaux ; pour l’heure c’est la désorganisation qui règne…

Rires sur les travées du groupe socialiste -EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Hier, la conférence des présidents a décidé que la discussion du présent texte serait suivie de celle d’une proposition de loi relative à l’intercommunalité qui est un texte d’une importance majeure.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Dans ces conditions, je souhaiterais savoir, monsieur le président, comment vous envisagez la poursuite de nos travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Madame la sénatrice, je suis l’ordre du jour tel qu’il a été fixé. Après avoir achevé l’examen de la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans, nous reprendrons celui du texte que vous venez d’évoquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Pour la proposition de loi actuellement en débat, il reste une heure de discussion générale, puis nous devrons examiner une motion et plusieurs amendements. Allons-nous donc siéger toute la nuit, jusqu’à demain matin ?

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Nous pouvons également siéger demain, le matin et l’après-midi…

La parole est à M. David Assouline.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Je tiens à rappeler que nos travaux de ce jour ont commencé par l’examen d’une proposition de loi du groupe UMP relative à la protection de l’identité puis par celui d’une proposition de loi du groupe UCR relative au patrimoine monumental de l’État. Nous avons fait en sorte de respecter les créneaux horaires fixés par la conférence des présidents.

Si nous avions pu aborder la discussion de la présente proposition de loi dans des conditions normales, à dix-neuf heures, comme prévu, elle serait maintenant achevée et nous pourrions passer à la proposition de loi de M. Sueur. Les retards et la désorganisation que vous déplorez, madame Troendle, sont du fait du Gouvernement !

M. le ministre proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Nous reprenons la discussion de la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Robert Tropeano.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Tropeano

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais revenir, au nom de mon groupe, sur le coup de force tenté par le Gouvernement tout à l’heure, afin d’éviter tout débat et toute discussion sur la proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans.

Les membres du groupe du RDSE regrettent avant tout la méthode utilisée : invoquer in extremis l’article 40 de la Constitution contre des dispositions d’une proposition de loi inscrite depuis plusieurs semaines à l’ordre du jour du Sénat et ayant été soumise de surcroît à au moins deux reprises à la conférence des présidents n’est pas très sérieux et n’honore pas le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Tropeano

Une telle attitude porte atteinte aux prérogatives du Sénat et à celles de ses groupes politiques. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour invoquer l’article 40 de la Constitution ? Comment ne pas y voir une volonté de durcir nos échanges et de remettre en cause la pratique et les usages de la Haute Assemblée ? Le récent changement de majorité sénatoriale, qui était tant attendu, expliquerait-il ce comportement de la part du Gouvernement ?

Même si cette proposition de loi est finalement très largement tronquée suite à l’application de l’article 40 de la Constitution, contrairement aux usages, le débat, quant à lui, ne doit pas l’être ; la discussion doit se poursuivre.

L’école de la République est un vecteur de liberté, par la formation et la transmission du savoir et des connaissances : elle participe ainsi à l’éducation et au développement des citoyens de demain, responsables et libres. Elle doit par ailleurs constituer un vecteur d’égalité. Pour ce faire, elle offre à tous les enfants les mêmes outils éducatifs et leur dispense les mêmes enseignements. Elle permet aux plus défavorisés d’exploiter au mieux leurs capacités et contribue ainsi à la promotion sociale. De moins en moins capable, malheureusement, de supprimer les inégalités sociales, elle ambitionne néanmoins de les atténuer.

Enfin, l’école est un espace de socialisation dans lequel sont promues les valeurs de solidarité et de fraternité. Une de ses missions fondamentales est bien d’enseigner aux jeunes générations le « vivre ensemble » et l’acceptation de l’autre, sans considération d’origine raciale, sociale, religieuse ou économique.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Tropeano

Des études ont prouvé que, pour atteindre au mieux ces objectifs, il est essentiel que les enfants soient scolarisés avant l’âge de six ans. Les travaux du généticien Albert Jacquard ont notamment permis de démontrer l’intérêt d’une scolarisation des très jeunes enfants, la plasticité de leur cerveau assurant une assimilation des connaissances rapide et efficace. Cette première étape est donc bel et bien essentielle en vue d’une scolarité réussie.

Or, depuis l’adoption des lois de Jules Ferry rendant l’école gratuite et l’éducation obligatoire, l’âge de début de l’instruction obligatoire est resté fixé à six ans, comme le précise l’article L. 131-1 du code de l’éducation. Cet article, reprenant les termes de la loi d’orientation sur l’éducation du 10 juillet 1989, dite « loi Jospin », permet par ailleurs la scolarisation des enfants dès l’âge de trois ans en école maternelle, lorsque les parents en font la demande. On constate, depuis le début des années quatre-vingt-dix, que la quasi-totalité des enfants de trois à six ans sont scolarisés.

Il est désormais temps d’adapter ce cadre législatif et de mettre le droit en conformité avec la réalité. L’intégration de l’école maternelle dans la scolarité obligatoire permettra la reconnaissance définitive de son statut d’école à part entière. J’avais moi-même déposé, avec certains membres du groupe du RDSE, une proposition de loi visant notamment à rendre l’école obligatoire à partir de l’âge de trois ans : nous nous réjouissons donc que la proposition de loi de nos collègues socialistes portant sur le même thème ait été inscrite à l’ordre du jour du Sénat.

L’école maternelle est fréquemment citée comme l’un des points forts de notre système éducatif. La généralisation progressive de l’accueil des enfants de moins de six ans au cours des dernières décennies a incontestablement contribué aux progrès de celui-ci. Il est unanimement reconnu que l’école maternelle joue un rôle essentiel dans l’amorce des apprentissages, notamment ceux du langage et de la communication, dans la réduction des inégalités et dans la lutte contre l’échec scolaire.

Il est donc urgent de reconnaître par la loi l’importance de cette phase de la scolarité. Pour cela, il faut non seulement rendre l’école obligatoire à partir de l’âge de trois ans, mais aussi bien définir le rôle de l’école maternelle et aborder la question de la formation des maîtres, ainsi que celle des moyens de l’école. Un engagement financier supplémentaire sera nécessaire pour améliorer les conditions matérielles d’accueil. La diminution globale, ces dernières années, des moyens consacrés à l’éducation a pour conséquence une réduction progressive de l’offre en matière d’enseignement maternel, qui aboutira à l’aggravation des inégalités sociales en favorisant le développement de l’offre privée, accessible seulement à quelques-uns.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Tropeano

Je me félicite du travail réalisé par la commission de la culture. Des articles additionnels sont venus réaffirmer le rôle de l’État et vont dans le sens de ce que nous avions préconisé au travers de notre proposition de loi.

Ainsi, l’article 1er A précise utilement que la prise en charge des très jeunes enfants doit être adaptée à leur âge. Pour cela, l’article 1er bis, prévoyant un temps de formation spécifique aux enjeux de la scolarisation des très jeunes enfants pour les enseignants de classes maternelles, rappelle à l’État son rôle en matière de formation continue des enseignants, rôle de plus en plus abandonné, notamment depuis la désastreuse réforme de la mastérisation.

Néanmoins, je ne peux m’empêcher de faire part de ma déception concernant la scolarisation des enfants encore plus jeunes, ceux âgés de deux à trois ans. J’avais proposé, comme d’autres, l’instauration d’un droit à la scolarisation des enfants à partir de deux ans, sur demande des parents. La faculté de scolariser les enfants de cet âge est déjà inscrite dans la loi, au dernier alinéa de l’article L. 113-1 du code de l’éducation. Mais, depuis dix ans, le nombre d’enfants de deux ans scolarisés n’a cessé de baisser.

Cette tendance s’inscrit clairement à contre-courant de l’évolution démographique. Le nombre de demandes de scolarisation ne cesse d’augmenter, notamment du fait du manque de places disponibles dans les autres structures habilitées à recevoir de jeunes enfants. C’est en particulier le cas dans les communes rurales qui n’ont pas les moyens d’ouvrir des crèches municipales. Je suis tout à fait conscient que l’école ne doit pas devenir une garderie. Cependant, je l’ai déjà dit, la preuve a été faite de la meilleure réussite des élèves scolarisés très jeunes.

Sans que l’accueil scolaire puisse résoudre à lui seul l’ensemble des difficultés quotidiennes des familles françaises, l’accès à l’école maternelle dès l’âge de deux ans doit donc obligatoirement être une option proposée, d’autant qu’il est positif pour le développement des enfants. L’école de la République doit les accueillir sans que puissent être opposées aux familles des considérations géographiques, économiques, culturelles ou d’effectifs.

Je regrette donc que l’amendement que nous avions déposé pour garantir ce droit à la scolarisation des enfants de deux à trois ans ait été rejeté, sur le fondement de l’article 40 de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Tropeano

N’oublions pas que les disparités importantes en la matière, d’une académie à l’autre, ne relèvent pas uniquement de la prise en compte de considérations financières ou des éléments mentionnés à l’article L. 113-1 du code de l’éducation, mais sont aussi le résultat d’une politique insuffisamment volontariste.

Les arguments financiers sont d’autant moins pertinents que, à plusieurs reprises depuis 2008, la Cour des comptes elle-même a invité à redonner la priorité à l’école maternelle, sachant que le coût annuel de l’accueil d’un enfant dans un établissement tel qu’une crèche est en moyenne trois fois supérieur à celui de l’accueil d’un enfant en école maternelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Tropeano

M. Robert Tropeano. Monsieur le ministre, l’école maternelle doit doter tous les enfants des mêmes outils pour aborder l’apprentissage de la lecture, de l’écriture ou du calcul. C’est la raison pour laquelle nous sommes favorables à l’adoption de cette proposition de loi, qui va dans le bon sens, même si elle ne va pas encore assez loin !

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Martin

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame le rapporteur, mes chers collègues, élu local depuis plus de quarante ans, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Martin

… enseignant de profession, le bon fonctionnement de l’école a toujours été au centre de mes préoccupations. Les travaux réalisés dernièrement en compagnie de ma collègue Monique Papon, consacrés au développement des enfants dès leur plus jeune âge, m’ont permis d’approcher et d’appréhender les réalités actuellement vécues par nos jeunes dans la société.

Une vraie question s’est rapidement posée lors de ces travaux : quand le jeune enfant est-il prêt pour une scolarisation précoce ? À cet instant, je voudrais citer un extrait de l’arrêté du 28 juillet 1882 fondant l’organisation pédagogique de l’école maternelle non obligatoire, gratuite et laïque :

« L’école maternelle n’est pas une école au sens ordinaire du mot : elle forme le passage de la famille à l’école, elle garde la douceur affectueuse et indulgente de la famille, en même temps qu’elle initie au travail et à la régularité de l’école. »

L’école maternelle n’est donc pas une « école » au sens ordinaire du mot, ce qui donne à penser qu’y envoyer ses enfants demeure un droit ouvert à la famille, et non une obligation. Au demeurant, de nombreuses écoles n’acceptent pas les enfants qui ne sont pas encore propres.

En outre, l’absence de contraintes et la souplesse d’accueil répondent bien aujourd’hui à la diversité des situations parentales et professionnelles.

Dans le cadre d’une école obligatoire, au vu des attentes des parents, le régime dérogatoire aurait immédiatement sa place, ce qui priverait de sa portée le principe de l’obligation posé. On en reviendrait alors à la situation actuelle.

Certes, l’État doit intervenir pour assurer la qualité d’instruction nécessaire à l’enfant pour sa progression personnelle, mais il appartient à la famille, me semble-t-il, de décider de ce qui est le mieux pour son enfant.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Martin

Cette question du respect du choix des familles doit demeurer centrale.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Martin

Peut-on se vouloir porteurs d’un idéal de liberté tout en souhaitant imposer par la contrainte la scolarisation à l’âge de trois ans ? Est-il imaginable d’imposer sans concertation, aux communes en particulier, une obligation de scolarisation à trois ans, avec les conséquences qui en découlent ? Comment les collectivités pourraient-elles faire face aux implications budgétaires de l’adoption de ce texte, puisque chacun sait que l’obligation fixe des cadres ?

Certes, aujourd’hui, la scolarisation à trois ans est un usage, mais la rendre obligatoire supposerait davantage de réflexion, d’échanges et de concertation, ainsi qu’une évaluation précise de l’incidence d’une telle mesure.

Au sein du processus d’évolution de l’être, la petite enfance mérite incontestablement une attention particulière. Elle devrait permettre d’organiser et d’assurer, harmonieusement et efficacement, les premières étapes de la scolarisation de l’enfant.

Soyons fiers de notre école maternelle, dont on loue, à juste titre, les qualités et les mérites en France et que l’on nous envie au-delà de nos frontières.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Martin

Laissons-lui son savoir-faire pour préparer de mieux en mieux l’entrée à l’école élémentaire obligatoire.

L’organisation de notre système scolaire doit être affaire de bon sens, puisque ces jeunes enfants ne sont pas tous identiques, ne vivent pas tous dans les mêmes conditions et ne sont pas tous aptes à apprendre et à comprendre les mêmes choses. Malgré cela, ils doivent tous, sans exception, avoir le droit d’apprendre et, un jour, de choisir leur vie librement sans souffrir de ces différences.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Martin

Notre réflexion doit nous conduire à concevoir au mieux les différentes étapes de la petite enfance, de la naissance à la scolarisation à six ans.

Peut-être pourrions-nous alors nous retrouver sur certains sujets, par exemple la finalité qui doit être assignée à l’école maternelle, les programmes, la formation des enseignants, les améliorations qui pourraient être apportées à notre dispositif. Il me semble qu’une réflexion plus globale pourrait être engagée, et que ce n’est pas la simple obligation de scolarité à trois ans qui favorisera l’épanouissement de l’enfant.

Le sujet mérite d'ailleurs une réflexion approfondie. Un large partenariat, associant le secrétariat d’État à la famille, le ministère de l’éducation nationale, les parents, les enseignants et les élus des collectivités locales, permettrait à mon sens de déboucher sur des conclusions partagées par tous.

À ce jour, la scolarisation en école maternelle s’est accomplie en l’absence de toute obligation légale. Notre groupe estime qu’elle doit continuer à procéder d’un choix des familles. Aussi voterons-nous contre cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le psychodrame que nous vivons depuis le début de cette soirée s’explique, à mon sens, par une confusion que les propos de Mme le rapporteur n’ont pas totalement dissipée.

À l’origine, la proposition de loi de Mme Cartron visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans était d’une rigoureuse simplicité : on pouvait être d’accord ou pas, mais ce texte avait au moins le mérite de la clarté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

Ensuite, au fil des discussions en commission, sont venues se greffer sur la proposition de loi des dispositions relatives à l’accueil des enfants âgés de deux ans : certes, il n’a pas été dit qu’il s’agissait de le rendre obligatoire, mais certains attendus ont donné à entendre que ce pourrait être le cas. Finalement, on ne sait plus très bien quel est le sujet : l’obligation concerne-t-elle les enfants de trois ans ou ceux de deux ans ?

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

La commission n’a pas retenu la scolarisation obligatoire à deux ans !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

Pour la clarté du débat, je m’exprimerai d’abord sur la scolarisation obligatoire à trois ans, avant d’aborder l’accueil des enfants dès deux ans.

Depuis un mois, la nouvelle majorité sénatoriale ne s’est pas privée d’opposer la question préalable à des propositions de loi émanant d’autres travées, sous le prétexte qu’il s’agissait selon elle de textes d’affichage.

Je serais tenté de lui rendre la politesse ce soir en votant la motion tendant au renvoi à la commission, mais celle-ci a peu de chances d’être adoptée. Pourtant, à mon sens, s’il est un texte qui mérite d’être qualifié « d’affichage », c’est bien la proposition de loi qui nous est soumise !

Rendre obligatoire ce qui est déjà inscrit dans les faits, dans les mœurs, dans les esprits, relève non pas, comme on essaie de nous le faire croire, de la grande tradition républicaine des lois sur l’école, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

M. Jean-Jacques Pignard. … mais tout simplement d’une stratégie électorale, à quelques mois d’échéances décisives.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

Les grandes lois républicaines sur l’école ont changé la face de notre pays. Quand Jules Ferry introduisit l’obligation scolaire, les écoles communales existaient depuis cinquante déjà, depuis la loi Guizot, mais les parents n’y envoyaient pas leurs enfants, parce qu’ils préféraient les garder aux champs ou à l’atelier.

Aujourd’hui, les écoles maternelles existent depuis des décennies, mais 99 % des parents y envoient leurs enfants sans y être contraints.

Inscrire une obligation dans la loi parce que c’est une nécessité, comme à l’époque de Jules Ferry, n’est pas la même chose que le faire quand cela se borne à entériner la pratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

M. Jean-Jacques Pignard. Il s’agit, dans un cas, d’un changement profond de la société, dans l’autre d’une mesure d’affichage électoral : il suffit, pour s’en convaincre, de relever que votre communiqué de presse fait référence à une « proposition de loi du groupe socialiste pour lutter contre le démantèlement de l’école maternelle orchestré par le Gouvernement » !

Rires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

Je voudrais savoir en quoi consiste cette menace contre l’école maternelle. En effet, 99 % des parents y envoient leurs enfants parce qu’ils croient en elle : Mme le rapporteur admet elle-même qu’elle est reconnue comme l’une des meilleures du monde. Toutefois, ce n’est pas la situation actuelle qui est en cause, nous dit-on, mais celle qui résultera inéluctablement des choix du Gouvernement…

Alors, monsieur le ministre, nous centristes voudrions être certains que nous ne faisons pas fausse route en vous soutenant : avez-vous vraiment l’intention de démanteler l’école maternelle, de ne plus y accueillir les enfants de trois ans quels que soient leur origine sociale, leur âge, leur langue ?

M. Alain Gournac rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

Si tel était le cas, évidemment, nous modifierions notre position !

Sourires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

Certes, les défenseurs de la proposition de loi évoquent les jardins d’éveil, qui constituent selon eux une menace considérable. Revenons à la réalité ! Ces jardins d’éveil relèvent d’initiatives privées, si j’ose dire parcellaires. Ils ont leur place dans une société de liberté, mais je ne suis pas du tout convaincu qu’ils menacent l’existence de l’école publique. Cela étant, plus grande est la menace, plus grand est le sauveur ! On veut nous faire croire qu’il n’y a pas de fumée sans feu : pour ma part, je vois pourtant beaucoup de fumée, mais pas de feu !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Hervé Maurey applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

J’en viens maintenant au problème de l’accueil des enfants âgés de deux ans et du devenir de l’école maternelle, qui ne pourra rester demain ce qu’elle était hier ou ce qu’elle est aujourd’hui.

La formation des enseignants ou l’accueil des enfants de deux ans sont bien entendu des questions essentielles, mais qui méritent un véritable débat et ne sauraient être l’objet d’une simple proposition de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

Oui, nous sommes d’accord pour engager ce débat ; non, nous ne sommes pas favorable à un texte de circonstance qui masque en fait une argumentation politique.

Rendre obligatoire ce qui va de soi… En commission, M. Assouline m’a dit, de manière très fleurie, que ce n’est pas parce que c’est une évidence qu’il ne faut pas l’inscrire dans la loi ! J’avoue que je préférais M. Assouline dans un autre registre, quand il proclamait qu’il est interdit d’interdire ; devenu sénateur, il estime qu’il est obligatoire d’obliger ! §

S’il faut inscrire l’évidence dans la loi, pourquoi ne pas y inscrire alors que le ciel est bleu quand il n’y a pas de nuages, l’herbe verte au début du printemps, les arbres rouges au cœur de l’automne… Que l’on me permette de faire du Sueur de temps en temps ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

Pour poursuivre dans ce registre, je dirais volontiers : « qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse » !

Chers collègues de la majorité sénatoriale, je vous le dis très simplement, avec un peu d’humour pour détendre l’ambiance électrique de ce soir : depuis votre victoire électorale, vous vivez, cela est normal, une sorte de nuit d’ivresse législative, ce qui vous conduit à déposer de très nombreux textes, les uns significatifs, les autres non, l’essentiel étant qu’ils donnent lieu à débat. Comme vous le reconnaissez vous-mêmes dans la presse, cela vous fournit une belle tribune. Faut-il, pour autant, grossir des incidents de séance comme celui que nous avons vécu tout à l’heure, certes regrettable ? Soyons sérieux : il est vrai que nous sommes en brumaire, mais nous ne nous trouvons pas à Saint-Cloud ; le Gouvernement n’a pas fait donner la garde, il s’est contenté de rappeler quelques règles constitutionnelles.

Ces nuits d’ivresse, printanières ou automnales, nous les avons tous connues, les uns et les autres, dans cet hémicycle. Elles n’ont qu’un temps et conduisent parfois à des réveils douloureux. Sachons tous raison garder : pour notre part, nous ne sommes pas contre l’école maternelle, mais nous sommes contre un texte qui, nous semble-t-il, n’a pas d’utilité.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « une société n’a de valeur qu’en fonction des moyens qu’elle choisit de donner à ses enfants pour se construire », disait Jean Epstein.

C’est dans cet esprit que la commission de la culture, de l'éducation et de la communication présente cette proposition de loi, à forte portée symbolique en effet, déposée par Mme Cartron en avril dernier – avant donc que la gauche ne devienne majoritaire au Sénat, monsieur Pignard – et visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans.

Nous avons préparé ce texte avec sérieux, conviction et responsabilité, monsieur le ministre, et il eût été préférable que vous le lisiez attentivement, afin d’éviter les multiples contresens auxquels vous vous êtes livrés au cours de cette soirée.

Mme la rapporteure a exposé les objectifs de cette mesure, que vous avez voulu repousser, monsieur le ministre, avec un cynisme narquois, révélateur du peu d’estime que vous avez pour nos travaux et pour l’école publique.

Cette mesure, nous l’avons vu en commission, peut paraître ou symbolique – la quasi-totalité des enfants de trois ans est déjà scolarisée, ce qui témoigne d’une forte adhésion des familles –, ou prématurée, dans la mesure où nous sommes en effet nombreux à plaider, pour des raisons parfois différentes, monsieur Martin, en faveur d’une refondation globale du système d’éducation.

Mais il y a urgence, monsieur le ministre ! Nous assistons en effet à une fragilisation croissante des conditions d’accueil scolaire des jeunes enfants, quoi que vous en ayez dit voilà un instant, à la surprise de l’assemblée, en lisant un texte en miroir de ce que nous affirmons et appelons de nos vœux.

Nous constatons quels risques majeurs la révision générale des politiques publiques fait peser sur l’école maternelle, puisque, vous l’avez dit vous-même, monsieur le ministre, l’école n’est pas obligatoire avant six ans.

Ainsi, chargés de trouver des moyens de réaliser des économies pour appliquer le schéma d’emploi 2011-2013 – je devrais plutôt parler de schéma de suppression de postes ! –, les recteurs et les inspecteurs d’académie font des choix stratégiques qui les amènent inexorablement à augmenter le nombre d’élèves par classe, à supprimer les RASED, les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté, …

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

… à réduire les moyens consacrés aux remplacements…

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

… et, enfin, à limiter la scolarisation précoce, en réduisant le nombre de postes affectés à l’école maternelle – celle-ci n’étant pas obligatoire –, cela en dépit du dynamisme de la démographie scolaire.

Les conséquences de cette politique sont l’effondrement de l’accueil des enfants de moins de trois ans, l’augmentation mécanique des effectifs par classe maternelle restée ouverte, la dégradation des conditions d’accueil des enfants et des conditions de travail des enseignants. Par suite, les parents se trouvent dissuadés d’inscrire leurs enfants à l’école maternelle, certains d’entre eux étant sensibles aux discours les encourageant à chercher une autre solution – jardin d’éveil ou autre mode de garde, quand il en existe.

Outre que ces solutions alternatives à l’école maternelle ne sont pas gratuites, elles n’ont pas les mêmes finalités, car l’école maternelle n’est ni un simple mode de garde gratuit ni une petite école élémentaire. L’école maternelle a sa vocation propre, ambitieuse ; elle respecte l’âge et les aptitudes des enfants qu’elle accueille, grâce au professionnalisme spécifique de ses maîtres. Ses finalités sont d’ordre cognitif et pédagogique, sous-tendues par une réflexion sur les bases éducatives que tout enfant doit acquérir pour grandir et pouvoir apprendre.

Tout enfant, monsieur le ministre, quels que soient ses origines, celles de sa famille, son milieu de vie, son environnement social et culturel, doit acquérir ces bases, des codes, des comportements ; tout enfant doit pouvoir découvrir ses aptitudes. Cela, c’est l’école publique, laïque, gratuite et obligatoire, fût-elle maternelle, qui sait et doit le faire.

Mais l’école de la République, dont vous rappelez, monsieur le ministre, qu’elle n’est pas obligatoire avant l’âge de six ans, est en danger s’agissant de l’accueil précoce des enfants. Elle est menacée par la volonté de réaliser des économies budgétaires du Gouvernement, qui désespère les acteurs de l’école publique – mais pas seulement eux – et a insulté les honorables parlementaires qui soutiennent cette proposition de loi à forte portée symbolique.

Il y a urgence à sanctuariser l’école maternelle en la rendant obligatoire dès l’âge de trois ans.

Cette obligation ne sera pas une contrainte pour les familles ni une entrave à leur liberté, puisqu’elles ont déjà massivement plébiscité la scolarisation dès l’âge de trois ans, voire plus tôt. Elle n’entraînera de dépenses supplémentaires ni pour l’État ni pour les collectivités locales, puisque 99 % des enfants de trois ans sont scolarisés, sauf en outre-mer, où l’on peine déjà, malheureusement, à scolariser les enfants de six ans, et ce dans la plus profonde indifférence des pouvoirs publics. §

Cette obligation concernera essentiellement les pouvoirs publics, qui devront affecter des moyens à la scolarisation dès l’âge de trois ans, garantir une formation spécifique aux maîtres afin qu’ils puissent accueillir, dans les meilleures conditions d’épanouissement, de réussite éducative et de réussite scolaire ultérieure, les enfants de trois à six ans, au lieu de se borner à les soumettre à ce protocole d’évaluation structurée qui serait, selon vous, monsieur le ministre, l’alpha et l’oméga de la prévention de l’échec scolaire. Les enfants ne sont pas des produits devant être normés, ils sont des sujets à épanouir.

Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Claude Dilain applaudissent

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Les mutations profondes subies par notre société appellent des réponses nouvelles, pensées, efficaces en matière d’accueil et d’éveil des jeunes enfants, ainsi que d’accompagnement de la parentalité.

L’école ne peut pas tout, elle n’est pas responsable de tout, mais elle peut construire ou casser des repères.

Au-delà de la contrainte législative qu’elle prévoit pour imposer aux pouvoirs publics l’accueil des enfants dès l’âge de trois ans dans une école spécifique, cette proposition de loi comporte plusieurs enjeux, d’ordre éducatif bien sûr.

L’école maternelle a une triple fonction : l’accueil, la socialisation et l’instruction des jeunes enfants. Contrairement aux jardins d’enfants, où prévalent la garderie et la prise en charge tarifée, l’école maternelle a aussi et surtout une vocation éducative, intégrative, selon des objectifs communs à toutes les écoles, sur l’ensemble du territoire, que les équipes pédagogiques, formées à cet effet, se doivent d’atteindre en organisant leur pédagogie afin de tenir compte de la singularité des enfants accueillis.

L’école maternelle est un cadre pour l’émergence du sujet. L’enfant y apprend à maîtriser ses impulsions, à prendre sa place dans un collectif, à être patient et pugnace, partageur et coopératif, attentif et spontané.

La scolarisation précoce favorise la construction d’une architecture intellectuelle par la maîtrise du langage, le développement et l’expression d’une pensée abstraite, la compréhension et l’intégration des informations.

C’est à l’école maternelle que tous les enfants d’une même tranche d’âge peuvent entrer dans un bain de langue, qui leur donnera les clés de la communication et des apprentissages.

Des études le montrent : c’est en parlant avec le jeune enfant – pas simplement pour lui donner des consignes ou des ordres –, en ayant des conversations avec lui, plutôt que de le laisser à la garde de la télévision, que l’on construit ses capacités langagières, dont le niveau de développement présage de sa réussite scolaire future.

L’école maternelle permet à l’enfant d’apprendre la vie en collectivité. Pour que l’enfant devienne élève, il faut qu’il entretienne des relations à l’autre, à travers des pratiques et des usages où il n’est plus seul, qu’il adopte des codes, accepte des tâches et y prenne goût.

Aller à l’école, c’est acquérir des savoirs et des compétences, mais c’est aussi adhérer à une manière de se les approprier. Dès l’âge de trois ans, cela profite à tous les enfants, particulièrement à ceux dont la famille ne détient pas les normes de ce capital culturel et social qui fait la différence.

L’école maternelle donne le goût de l’école et le plaisir d’apprendre. Les chercheurs en éducation s’accordent à reconnaître les vertus du plaisir pris à fréquenter l’école au regard de la réussite scolaire. Déjà, Jules Ferry préconisait de rendre « l’école aimable et le travail attrayant ». En appuyant les apprentissages sur une pédagogie du jeu, l’école maternelle a un rôle déterminant pour faire naître ce plaisir d’apprendre et éviter que ne se développe, non pas l’ennui, mais cette douleur et cette souffrance qui entraînent le décrochage scolaire. Chaque année, 150 000 jeunes décrocheurs quittent le système scolaire sans qualification, notamment par dégoût de l’étude.

L’école maternelle est une clé pour l’acquisition des bonnes pratiques et des compétences. Elle n’est pas un lieu d’accueil comme un autre, où l’enfant attendrait de rejoindre, à six ans, la véritable école, après s’être soumis au protocole d’évaluation structuré que vous préparez, monsieur le ministre. La maternelle est l’école première, par conséquent rendons-la obligatoire dès l’âge de trois ans, afin d’offrir à tous les enfants les mêmes chances de réussite scolaire.

J’en viens aux enjeux sociaux et citoyens.

L’école maternelle est le creuset de la République : elle est un espace de transition entre la famille et l’école élémentaire ; elle fait rupture avec la communauté familiale et sociale pour amener l’enfant dans un ensemble plus large, celui de la République, où il se reconnaîtra partie prenante à une identité rassembleuse.

Pour Philippe Meirieu, « la découverte de l’altérité est au cœur du processus éducatif ». Découvrir qu’il existe des êtres qui viennent d’ailleurs, découvrir d’autres langues, d’autres histoires, c’est agrandir le cercle de sa pensée et apprivoiser l’autre.

La scolarisation précoce permet aussi d’encourager la citoyenneté des parents, qui viennent naturellement à l’école maternelle, qui y expérimentent leur utilité sociale par confrontation avec leurs pairs et peuvent ainsi ressentir positivement leur rôle.

À l’âge de tous les possibles pour leur enfant, ils sont disponibles pour des projets collectifs, facteurs d’engagement citoyen, de cohésion sociale. Ils découvrent, eux aussi, leurs us et coutumes réciproques. Ils peuvent acquérir, eux aussi, de bonnes pratiques, rencontrer des professionnels qui les accompagnent, en tant que de besoin, dans la parentalité.

L’école de la République est gratuite et donc accessible à tous, ce qui rend effectif le principe républicain de l’égalité. Elle permet aux enfants et à leurs parents, venus de tous horizons, de se rencontrer, de se connaître, de se comprendre, de se respecter, de pratiquer la fraternité.

La scolarisation précoce est un moyen efficace, utile et nécessaire pour réduire les inégalités. Des études montrent qu’elle permet d’atténuer les inégalités et coûte moins qu’elle ne rapporte en matière d’intégration sociale et de prospérité. L’école maternelle, gratuite, obligatoire, est la matrice qui permet de compenser les handicaps sociaux de tous les enfants.

Les jardins d’éveils, non gratuits, non obligatoires, contribuent, eux, à accroître les inégalités plutôt qu’à les réduire.

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

L’école maternelle est aussi un rempart contre les difficultés extérieures. Toutes les analyses le montrent, les familles sont de plus en plus déstabilisées, les temps de vie de plus en plus morcelés, la vie quotidienne est perturbée par les difficultés économiques. Le contexte social et environnemental est de plus en plus rude, voire violent. L’enfant est ainsi de plus en plus exposé à une précarité affective ou matérielle. L’école maternelle, par sa structure, les repères spatiaux et temporels qu’elle fournit, son encadrement, peut représenter pour certains enfants le seul espace de stabilité.

L’école maternelle est le lieu privilégié d’articulation entre apprentissages cognitifs et « vivre ensemble ». Elle permet de concilier socialisation et scolarisation.

Pour le chercheur en sciences de l’éducation Pascal Guibert, « à l’école maternelle, la socialisation scolaire relève de l’apprendre ensemble comme à tous les niveaux de la scolarité ».

Scolariser, c’est ouvrir à la culture, à l’estime de soi, et permettre à des enfants très jeunes de se confronter à l’altérité ; c’est accéder à des valeurs, à des compétences et à des savoirs qui font sens collectivement, sont des sésames pour la citoyenneté et permettent une véritable prévention des violences réciproques ultérieures.

Malheureusement, l’exemple que vous donnez ce soir, monsieur le ministre, va bien à l’encontre de ces principes, …

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Mme Dominique Gillot. … que vous devriez avoir à cœur de défendre, mais que vous avez bafoués cyniquement.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Mme Dominique Gillot. Votre manœuvre de dernière minute pour empêcher la discussion publique de notre proposition de loi est venue confirmer que votre funeste stratégie est de faire mourir l’école maternelle

M. Alain Gournac s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

… de l’asphyxier en lui retirant progressivement les moyens qui lui sont nécessaires.

Dans ce contexte, la sanctuarisation de l’école maternelle, par l’instauration de la scolarité obligatoire dès l’âge de trois ans, est totalement d’actualité. Instaurer une telle obligation n’a rien à voir avec une forme quelconque de collectivisme ou de contrainte.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Gillot

Mme Dominique Gillot. C’est le moyen le plus sûr de résister aux dérives de l’individualisme, du pouvoir de l’argent, de la compétition et du tri, de former, dès le plus jeune âge, nos enfants au bien vivre ensemble, de leur offrir les conditions culturelles propices à l’établissement du lien social et aux apprentissages, dans le respect des singularités et de la réciprocité, de bâtir, dès le plus jeune âge, la « société des égaux » chère à Pierre Rosanvallon. Ce serait là le véritable progrès du XXIe siècle !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste -EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Le Scouarnec

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le groupe CRC, conscient des enjeux spécifiques et essentiels liés à la scolarisation des enfants âgés de deux à six ans, a engagé sur ce thème une réflexion qui lui a permis de déposer, dès le mois de mars dernier, une proposition de loi, suivie par celles de nos collègues du groupe socialiste et du RDSE.

Le constat partagé du rôle fondamental de l’école maternelle nous a ainsi conduits, comme Mme Cartron, à vouloir rendre l’école obligatoire dès trois ans. Une telle mesure permettrait de consacrer l’importance de cette institution scolaire et de pérenniser son existence face aux réductions drastiques des moyens et du nombre de postes d’enseignant résultant de l’application de la révision générale des politiques publiques.

L’école maternelle est, malheureusement, devenue une variable d’ajustement budgétaire privilégiée pour le Gouvernement. Ainsi, à chaque rentrée scolaire, le curseur du nombre d’élèves par classe est déplacé afin de ne pas avoir à créer de nouveaux postes ; les moyens diminuent alors que les effectifs augmentent, comme je le constate dans mon département du Morbihan, où une classe d’une petite commune rurale compte même trente-six élèves…

Parents et élus de toutes tendances se mobilisent à chaque rentrée de septembre. Nous souhaitons protéger l’école maternelle en inscrivant dans la loi ce qui, aujourd’hui, est déjà une réalité : la quasi-totalité des enfants de trois à six ans sont scolarisés en maternelle, même si certains d’entre eux restent accueillis en pôle « multi-accueil » ou en crèche jusqu’à quatre ans.

Une telle mesure permettrait de reconnaître à leur juste valeur les apports fondamentaux de la maternelle au sein de notre système scolaire, sans affecter les finances de l’État. L’école maternelle joue un rôle décisif dans la diminution de l’échec scolaire et dans la lutte contre les inégalités, particulièrement pour les enfants issus d’un milieu social défavorisé. Elle a une influence positive sur les niveaux de compétences ainsi que sur le taux de redoublement, ce qui pourrait peut-être représenter une source d’économies pour le budget de l’éducation nationale.

L’étude PISA de 2009 montre ainsi que les élèves qui ont fréquenté la maternelle réussissent mieux que les autres. Elle indique également que cet avantage est plus marqué dans les systèmes d’éducation où l’enseignement préélémentaire et élémentaire dure longtemps. Pourtant, selon un rapport de la Cour des comptes de mai 2010, le montant des dépenses annuelles par élève de maternelle est, en France, inférieur de 5 % à la moyenne des pays de l’OCDE.

La scolarisation des enfants de deux à trois ans est à nos yeux une question essentielle. En 2000, un enfant sur trois appartenant à cette tranche d’âge fréquentait l’école maternelle, contre un sur cinq seulement aujourd'hui ! Cette diminution résulte d’un choix politique du Gouvernement. Les inspecteurs d’académie prennent de moins en moins en compte les demandes de scolarisation d’enfants de deux à trois ans pour le calcul des effectifs des maternelles, ce qui a une incidence sur le nombre de postes d’enseignant, en particulier dans le contexte budgétaire actuel.

En Bretagne, le taux de scolarisation des enfants âgés de deux à trois ans est traditionnellement assez fort, puisqu’il s’élevait par exemple à 60 % en 2007. Or l’académie de Rennes est connue pour obtenir de bons résultats : c’est un début de preuve, monsieur le ministre, de l’intérêt de la scolarisation précoce des enfants.

Ce taux élevé de scolarisation des très jeunes enfants a notamment été permis par une forte implication des collectivités locales, qui ont privilégié l’accueil en maternelle par rapport aux structures de garde telles que les pôles « multi-accueil » ou les crèches, qui ont construit en conséquence des écoles maternelles et mis à disposition des personnels spécialisés. Parmi mes collègues maires, toutes tendances politiques confondues, je n’en connais pas un seul qui soit opposé à la création de classes de maternelle. Au contraire, nous nous battons tous ensemble pour maintenir nos classes et pour garder nos enseignants et nos agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles – les ATSEM. Dans le Morbihan, on compte un ATSEM par classe dans toutes les communes !

Malgré les demandes des parents et des élus locaux, le rectorat a décrété en 2011 que les écoles pourraient accueillir au maximum 20 % des enfants de deux à trois ans, soit une division par trois du taux de scolarisation de cette tranche d’âge par rapport à 2007. Cette régression très rapide et brutale a été douloureuse pour les enfants et leurs familles, mais aussi pour les élus qui luttent pour maintenir les écoles de leurs communes.

Afin d’empêcher que les enfants âgés de deux à trois ans ne soient définitivement écartés de l’école maternelle, la législation doit traiter de la question de la préscolarisation, comme nous entendions le faire au travers de notre proposition de loi. Il faut maintenir la possibilité de scolariser à partir de deux ans tous les enfants qui y sont prêts et dont les familles en font la demande.

Naturellement, la scolarisation des enfants de deux à trois ans ne peut se concevoir que dans de bonnes conditions d’accueil, en évitant par exemple la constitution de classes de trente élèves et plus, comme il arrive de temps en temps, même si la moyenne se situe plutôt entre vingt-cinq et vingt-six élèves par classe.

Même si le groupe CRC aurait souhaité que cette proposition de loi aille plus loin en matière de scolarisation des enfants de deux à trois ans, il la votera, car la scolarisation en maternelle doit absolument être valorisée. L’école maternelle construit en effet les bases de la réussite et de l’épanouissement de l’enfant.

Nous voulons rendre ses lettres de noblesse à l’école maternelle et établir partout sur notre territoire les mêmes règles d’accès à ce que Philippe Meirieu a appelé « l’école première ». Ainsi, nous affirmons notre fidélité à la devise de notre République : « liberté, égalité, fraternité ». L’avenir de notre pays est en jeu !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste -EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’école maternelle est souvent citée comme l’un des points forts de notre système éducatif, et il est incontestable que la généralisation progressive de l’accueil des jeunes enfants de trois ans a contribué à ses progrès.

En mettant à disposition des classes maternelles, l’État permet aux parents qui le souhaitent de scolariser tôt leurs enfants. Dans les faits, environ 99 % des enfants de trois ans sont scolarisés.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Pourtant, rendre obligatoire cette scolarisation reviendrait à supprimer la flexibilité actuelle, ce qui n’est absolument pas souhaitable.

En effet, dans bien des cas, en petite section, cette scolarisation ne favorise pas les enfants. Beaucoup ne sont pas prêts à vivre en collectivité. Certains d’entre eux n’ont pas acquis le réflexe de propreté…

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ce n’est pas un réflexe, c’est un apprentissage !

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

… ou n’ont pas atteint le stade de développement leur permettant de supporter le cadre scolaire.

Les parents doivent conserver la liberté de choisir. Concrètement, en petite section, la sieste peut se faire l’après-midi à l’école ou à la maison.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

L’enfant peut fréquenter l’école à mi-temps, ce qui est plus facile pour débuter une scolarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Il faut aussi se méfier des dérives : des parents peuvent choisir l’école comme mode de garde parce qu’il n’est pas onéreux. On peut le comprendre, mais cela est grave, car l’essentiel est l’intérêt de l’enfant.

En commission, un amendement prévoyant que « tout enfant peut être admis, à l’âge de deux ans, dans une école maternelle ou une classe enfantine le plus près de son domicile » a obtenu un avis favorable, ainsi que le souhaitait notre rapporteur.

Si la généralisation de la scolarisation à partir de trois ans peut être considérée comme un facteur d’efficacité de notre système éducatif, faut-il, pour autant, encourager la scolarisation à deux ans ?

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Certes, notre rapporteur nous a répété qu’il ne s’agissait nullement, par cette proposition de loi, de rendre l’école maternelle obligatoire à partir de deux ans. Toutefois, ce texte vise à inscrire dans le code de l’éducation une contrainte pour les collectivités, qui devront être en mesure d’accueillir les plus jeunes enfants. Cela entraînera, à l’évidence, des besoins en locaux et en personnel.

Je pense que l’encadrement des enfants de deux ans relève des structures d’accueil de la petite enfance, donc de la politique familiale, et non de l’éducation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

J’ai participé aux réunions du groupe de travail sur l’accueil des jeunes enfants. L’interrogation essentielle était la suivante : l’école s’adresse-t-elle aux enfants de deux ans ? Je rappellerai la citation de Françoise Dolto qui figure en tête du rapport de Monique Papon et de Pierre Martin : « Quand on dit deux ans et trois ans, c’est comme si on disait douze ans et vingt-cinq ans. À deux ans, de trois mois en trois mois, les enfants évoluent énormément ; leurs intérêts, leur mode de langage au sens large du terme sont en continuelle mutation. »

Tout d’abord, sur le plan de la maturité, l’enfant de deux ans n’est pas prêt à subir les contraintes d’un cadre scolaire. Il a ses propres rythmes et besoins qu’il est important de respecter : il doit faire la sieste, avoir des moments d’isolement et de calme, ou au contraire de mouvement. Même si certains de ces besoins sont pris en compte, la classe de très petite section fonctionne sur le modèle de la classe, avec ses contraintes et ses exigences : des locaux parfois peu adaptés, des effectifs nombreux, un manque de souplesse des horaires, des activités imposées, peu de jeux libres, de nombreux moments d’attente…

Il a en outre été indiqué au groupe de travail que le milieu scolaire ne favorisait pas l’acquisition du langage pour les tout-petits, qui ont besoin d’une relation privilégiée avec un adulte pour entrer dans ce champ d’apprentissage, préalable indispensable à une réussite scolaire ultérieure.

J’ajouterai à ce sujet que, selon les études disponibles, la scolarisation à deux ans influe peu sur le devenir des enfants. Les effets positifs de cette scolarisation précoce sont en fait limités et peu durables ; ils s’estompent au cours de la scolarité élémentaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

La relation entre obligation de scolarisation et résultats scolaires n’est pas réelle. En Finlande, l’école n’est obligatoire qu’à partir de sept ans. Or, ce pays se classe en tête des pays de l’OCDE dans les enquêtes PISA, comme nous le savons tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

En commission, j’ai entendu notre rapporteur dire qu’un enfant de deux ans n’était plus un bébé. Pourtant, à cet âge, il est très rarement propre, et je crois savoir que la pédiatrie considère l’enfant comme un nourrisson jusqu’à trente-six mois. C’est donc un handicap sérieux en milieu scolaire. D’ailleurs, il faut rappeler qu’actuellement les écoles maternelles n’acceptent pas l’enfant qui est encore en couches : sa scolarisation est alors reportée jusqu’à ce qu’il soit propre.

L’acquisition de la propreté peut alors se transformer en contrainte psychologique, ce qui peut être très grave pour l’enfant.

Notre rapport sur les jardins d’éveil concluait que « l’enfant de deux ans est en quelque sorte un individualiste auquel il faut laisser le temps d’évoluer, de mûrir pour être en capacité un peu plus tard de devenir élève ».

Je pense qu’il n’était pas inutile de le rappeler, alors que nous risquons de faire ce soir un pas vers la scolarisation à deux ans. L’enjeu est extrêmement important et mérite mieux qu’une décision hâtive prise au détour de l’examen d’une proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vais pas reprendre les arguments développés par les orateurs qui m’ont précédé. L’utilité de l’école maternelle pour l’épanouissement des enfants et leur préparation à l’école primaire est reconnue sur toutes les travées de cet hémicycle.

En revanche, il me paraît utile d’opérer une mise en perspective, en rappelant les origines profondes de l’école de la République.

La IIIe République a eu comme objectif prioritaire de préparer les futurs citoyens à un niveau d’instruction plus égalitaire, facteur d’émancipation individuelle, de liberté et de responsabilité. Atteindre cet objectif devait aussi – il faut le souligner – permettre d’affronter les nouvelles exigences imposées par l’industrialisation et une économie plus ouverte vers le monde extérieur.

Pour y parvenir, la loi du 28 mars 1882 a instauré « l’instruction primaire […] obligatoire pour les enfants des deux sexes, français ou étrangers, âgés de six ans à treize ans révolus ». Cette seconde borne d’âge a été portée à quatorze ans en 1936, puis à seize ans en 1959.

Dans cette perspective, encore fallait-il se doter d’une institution capable de relever cet immense défi, à savoir l’école de la République, qui, pour des raisons évidentes, se devait d’être laïque et gratuite.

Mais le législateur a admis que l’école de la République pouvait cohabiter avec des établissements privés, non soumis à cette contrainte de gratuité et de laïcité. La tolérance du législateur est même allée jusqu’à cet extrême compromis que fut – et qu’est toujours – l’enseignement au sein de la famille.

Obligatoire, laïque, gratuite : ces trois mots auraient toute leur place au fronton de nos écoles républicaines.

La mise en œuvre de cette obligation s’est traduite par des « maisons d’école », qui ont poussé comme des champignons dans toutes les communes et hameaux. Cependant, jusque dans les années vingt, bon nombre de parents ont bravé cette obligation ; on a longtemps continué à travailler jeune, et même à descendre au fond de la mine à l’âge de onze ou douze ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Quant à la gratuité et à la laïcité, ces deux notions ont subi quelques soubresauts, parfois violents.

Je pense aux lois Barangé et Debré et, de manière plus personnelle, aux violents mouvements de la Grand’Combe, dans le Gard, de 1946 à 1948. Ces événements, oubliés de l’histoire de la laïcité et de la gratuité de l’école, ont opposé les tenants de l’école publique et ceux de l’école privée confessionnelle. Durant des mois, le calme dans cette commune a été précaire, malgré la présence de CRS et de gendarmes mobiles. J’en ai été le témoin.

Mais venons-en à l’école maternelle, qui, au fil du temps, s’est fortement implantée partout ou, plutôt, presque partout.

Les enfants de moins de six ans sont-ils traités de manière égalitaire ? Le taux de scolarisation des trois à six ans, proche de 100 %, ne doit pas masquer la réalité.

Monsieur le ministre, vous le savez, le milieu rural est profondément affecté à un double titre : les moins de cinq ans restent très souvent devant la porte de l’école ; l’âge d’admission constitue, en milieu rural plus qu’ailleurs, la variable d’ajustement pour les refus de création ou les fermetures de classes.

Certes, le code de l’éducation dispose que « les classes enfantines ou les écoles maternelles sont ouvertes, en milieu rural comme en milieu urbain, aux enfants qui n’ont pas atteint l’âge de la scolarité obligatoire ». Mais la réalité est tout autre.

Je suis loin d’ignorer les contraintes que représente pour les communes et les enseignants l’accueil des enfants âgés de trois à six ans, en particulier dans les classes uniques. Mais les familles sont en droit d’attendre le même traitement de la part des pouvoirs publics en zone rurale qu’en milieu urbain. En tant qu’élu d’un département rural, j’insiste particulièrement sur ce point. En cas de refus, les familles risquent de se décourager de vivre dans nos villages. Certes, elles peuvent inscrire leur enfant de moins de cinq ans dans un bourg voisin plus important, mais cela peut occasionner le transfert de toute une fratrie et accélérer ainsi la fermeture de l’école du village.

Pourquoi trois ans ? Tout simplement pour tenir compte des usages devenus bien ancrés, les textes législatifs et réglementaires faisant toujours référence à cet âge pour l’école maternelle.

Monsieur le ministre, vous avez très longuement évoqué l’accueil à deux ans. Permettez-moi de vous dire que je vous rejoins sur ce point. À titre personnel – cela n’engage que moi –, je pense que l’inscription entre deux et trois ans doit faire l’objet d’une dérogation afin de prendre en considération des situations particulières. C’est notamment le cas en milieu rural, où l’organisation pédagogique et les transports du domicile à l’école sont plus délicats.

Plus généralement, je voudrais que nous partagions ensemble plusieurs constats.

Premièrement, l’école maternelle fonctionne dans des locaux publics, avec des professeurs des écoles publics. C’est donc bien une école de la République.

Deuxièmement, l’école maternelle, qui accueille près de 100 % des enfants de trois à six ans, est efficiente.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Je conclus, monsieur le président.

Troisièmement, l’école maternelle est gratuite et laïque. Mais elle n’est pas obligatoire. Comblons cette lacune ! Insérons dans la loi l’obligation scolaire à partir de trois ans. Au-delà du symbole, ce sera un acte républicain digne de nos prédécesseurs de la IIIe République, digne de Jules Ferry.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

M. Claude Domeizel. Dès lors, au fronton de toutes nos écoles, qu’elles soient primaires ou maternelles, nous pourrons inscrire : « École de la République : obligatoire, laïque et gratuite. »

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion n° 7, tendant au renvoi à la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. Monsieur le président, Mme Cartron, l’auteure de la proposition de loi, souhaiterait faire une déclaration.

Protestations sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Écoutez-la, elle veut vous faire gagner du temps !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Monsieur le ministre, après avoir assisté à l’ensemble de la discussion, mon sentiment est partagé. En effet, je vous ai entendu défendre magnifiquement notre école maternelle et reconnaître son rôle essentiel. Vous avez admis que 99 % des enfants âgés de trois ans y étaient scolarisés. Dans ces conditions, je ne comprends pas que vous ayez invoqué l’article 40 de la Constitution en affirmant que la proposition de loi créerait des charges supplémentaires impossibles à assumer pour l’État et les collectivités locales.

La proposition de loi que j’ai déposée vise à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans, et non à deux ans. Or c’est précisément cette dernière mesure qui vous a conduit à invoquer l’article 40 de la Constitution. Il s’agit là, me semble-t-il, d’un contresens.

Vous avez beaucoup insisté sur la nécessité de laisser le libre choix aux familles. La proposition de loi est fondée sur ce credo : elle vise à instaurer la scolarité obligatoire à partir de trois ans, la scolarité des enfants de deux ans relevant du libre choix des familles, sous réserve qu’il y ait des places disponibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

M. Alain Gournac. C’est obligatoire, mais ce n’est pas obligatoire !

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Selon certains, notre proposition de loi ne ferait que confirmer ce qui existe déjà dans les faits. C’est une loi d’affichage, dites-vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Oui, nous affichons des principes et des valeurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Le fait que plus de 98 % des enfants âgés de trois ans soient scolarisés à l’école maternelle est, selon nous, un progrès. Il a fallu des années pour parvenir à un tel résultat !

Notre proposition de loi vise à consolider ce progrès et à empêcher tout retour en arrière dans les années à venir. Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, c’est une vraie chance pour les enfants de pouvoir être scolarisés à l’école maternelle.

Quoi qu’il en soit, après l’application de l’article 40 de la Constitution, je ne reconnais ni l’esprit ni le corps central du texte que j’avais déposé, c'est-à-dire la scolarité obligatoire à trois ans et le libre choix laissé aux familles pour les enfants âgés de deux ans.

La proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans ayant été dénaturée – je ne sais pas si c’était de bonne foi ou sciemment –, je ne vois pas bien de quoi nous pourrions débattre. Aussi, monsieur le président, j’ai décidé de la retirer.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

La commission prend acte du choix de l’auteure de la proposition de loi de retirer son texte en vertu de l’article 26 du règlement du Sénat. Ce gâchis est regrettable, y compris à l’égard du travail collectif qui a été accompli.

Nous avons parfois eu l’impression que vous n’aviez pas lu le texte, monsieur le ministre.

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Je prends simplement l’exemple de l’alinéa 4 de l’article 1er, qui visait à instaurer davantage de souplesse pour les familles. Nous avons eu le sentiment que vous insistiez sur une disposition qui n’était pas inscrite dans le texte.

En tant que présidente de commission, j’aurais mauvaise grâce à ne pas me plier à l’article 40, qui s’impose à tous, et j’y insiste. La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ne dispose-t-elle pas que nous sommes tous « égaux en droit » ? Mais c’est là que le bât blesse…

Vous faites un usage inédit de l’article 40. Cela reste pour moi la preuve manifeste d’une volonté exceptionnelle et inquiétante de déployer tous les moyens, fussent-ils de nature constitutionnelle, pour tuer une proposition de loi dont vous ne voulez pas. Nous serons donc très attentifs…

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Mme Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture. … au coût des textes qui seront présentés par l’opposition sénatoriale.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Je comprends la réaction de Mme Cartron et du groupe socialiste-EELV. En effet, l’irrecevabilité financière prévue à l’article 40 de la Constitution a eu pour effet de vider la proposition de loi de son contenu, faisant ainsi obstacle à l’adoption d’un texte qui aurait sécurisé l’existence de l’école maternelle.

Cette séance aura donc été celle d’une occasion manquée. C’est d’autant plus grave que les attentes de nos concitoyens sont grandes.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

J’en veux pour preuve les auditions que j’ai réalisées. Ainsi, Mme Bouysse, inspectrice générale de l’éducation nationale, nous disait combien, dans l’esprit des gens, l’école maternelle à trois ans était vécue comme une obligation de fait.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Il existe un consensus dans notre pays pour considérer l’école maternelle et une scolarisation précoce comme des instruments efficaces de lutte contre l’échec et les inégalités scolaires, qui sont d’ailleurs liés – il faut tout de même le dire – aux inégalités sociales.

Dans l’esprit de la commission, l’instauration de la scolarité obligatoire à trois ans n’était pas contradictoire avec l’exigence de souplesse du dispositif et le respect du rythme de l’enfant. Nous avions d’ailleurs adopté des amendements importants soulignant la nécessité de prévoir des conditions d’accueil adaptées, de maintenir l’école maternelle hors du champ de contrôle de l’assiduité scolaire et d’empêcher l’activation du mécanisme de suspension des allocations familiales instauré par la loi Ciotti. Nous avions également pointé la nécessité d’une formation initiale et continue des personnels reconnaissant la technicité particulière de la tâche de ces enseignants.

Il s’agissait donc, pour nous, de confirmer dans la loi les faits et d’activer un verrou, car, en raison de son caractère non obligatoire, l’école maternelle a d’abord fait les frais des restrictions budgétaires.

Monsieur le ministre, avec votre majorité, vous avez caricaturé à dessein notre position sur les enfants âgés de deux à trois ans, laissant à penser que nous voulions imposer un dispositif rigide et obligatoire. Or il s’agissait simplement de préserver une possibilité mise à mal par l’application de la RGPP, application qui commence d’ailleurs à avoir des conséquences pour les enfants plus âgés.

La majorité présidentielle poursuit le travail de sape du service public de l’éducation qui a été entamé il y a cinq ans.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, rapporteur. Mes chers collègues, il y a nécessité à légiférer sur la situation de l’école maternelle, car elle est bien la clef du recul de l’échec scolaire.

Applaudissementssur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La proposition de loi visant à instaurer la scolarité obligatoire à trois ans est retirée.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, à la demande du groupe socialiste-EELV, de la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l’application du dispositif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité, présentée par M. Jean-Pierre Sueur (proposition n° 793 [2010-2011], texte de la commission n° 68, rapport n° 67).

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Hervé Maurey, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Si je considère cette proposition de loi comme plutôt bienvenue, ce sera d’ailleurs le sens de ma prise de parole sur l’article 1er, je trouve particulièrement malvenues les conditions dans lesquelles nous sommes conduits à l’examiner.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Qui dans cet hémicycle peut estimer qu’il est correct de commencer l’examen d’un texte, dont les auteurs soulignent toute l’importance, à presque une heure du matin, dans la nuit de jeudi à vendredi ?

Je rappelle à ceux qui l’ignoreraient que la plupart des parlementaires repartent dans leurs départements le jeudi. Un certain nombre d’entre eux ne sont donc pas présents cette nuit. Pour être là aujourd’hui, certains ont donc dû annuler des obligations ; d’autres, comme moi, sont retournés dans leur département et sont revenus à Paris dans la soirée uniquement pour participer à ces travaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Nous avons été avertis seulement hier à dix-neuf heures de la tenue de cette séance, ce qui nous a laissé assez peu de temps pour nous organiser. Pourtant, il était prévisible que l’examen de ce texte, qui d’un article est passé à douze par la volonté de ses auteurs, prendrait du temps. Ce comportement n’est ni sérieux ni correct !

Je vous laisse imaginer ce que l’actuelle majorité aurait dit si cet ordre du jour tout à fait inconvenant lui avait été imposé par le Gouvernement ou par l’ancienne majorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

M. Hervé Maurey. Je le dis encore une fois, les conditions dans lesquelles nous travaillons sont tout à fait malvenues. Si telle est la nouvelle gouvernance du nouveau président du Sénat, cela augure bien mal des prochaines années de travail de la Haute Assemblée.

Applaudissements sur les travées de l ’ UCR et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

La parole est à Mme Catherine Troendle, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je m’associe pleinement aux propos de M. Maurey.

Hier, j’ai dénoncé le passage en force de ce texte de la plus haute importance relatif à l’intercommunalité. C’est en effet la conférence des présidents qui a eu lieu hier en fin d’après-midi qui a réglé l’ordre du jour de nos travaux de cette nuit. Au cours de cette réunion, nous avions d’ailleurs largement évoqué l’incertitude pesant sur la présence effective de M. le ministre lors de cette séance. Qu’il me soit donc permis de saluer M. Richert, qui est parmi nous malgré les contraintes de son emploi du temps liées à l’examen du projet de budget à l’Assemblée nationale.

Monsieur le président, comme je l’ai déjà souligné, le groupe de l’UMP pense que ce ne sont pas des heures pour légiférer. Nous ne serions pas crédibles aux yeux des Français s’ils nous voyaient examiner un texte aussi fondamental jusqu’à trois heures du matin.

Mes chers collègues, relisez l’excellente étude comparative de M. Gélard, qui montre qu’aucun parlement européen ne légifère au milieu de la nuit !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Acte vous est donné de ce rappel au règlement, madame Troendle.

Mes chers collègues, je rappelle que la discussion générale a été close et qu’une motion déposée sur ce texte a été repoussée.

Nous en sommes donc parvenus à la discussion des articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 7, présenté par M. Favier, Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er,

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est abrogée.

La parole est à M. Christian Favier.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Nous poursuivons ce soir un premier débat concernant quelques aspects de la réforme des collectivités territoriales.

Par cet amendement, nous ne cherchons pas faire de surenchère. Nous souhaitons réaffirmer, depuis le changement de majorité de la Haute Assemblée, notre objectif commun de voir la réforme du 16 décembre 2010 abrogée au plus vite. En effet, malgré les avancées positives contenues dans la proposition de loi déposée par Jean-Pierre Sueur, nous voulons affirmer avec force que ces modifications ne sont pour nous qu’une première étape avant l’abrogation de cette loi.

Notre amendement est à la disposition de la majorité si elle considère que l’heure est venue de prendre une telle décision. Pour notre part, nous y sommes prêts.

Si un autre temps, un autre rythme est retenu à partir du projet d’organisation d’états généraux des collectivités locales, nous nous y résoudrons, à condition que l’objectif commun soit bien réaffirmé, conformément aux engagements de Jean-Pierre Bel.

Ainsi, nous vous proposerons dans quelques jours de prendre une décision politique majeure et symbolique en adoptant notre proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial. À la différence du texte qui nous est soumis ce soir, nous proposerons non pas d’aménager la loi de 2010, mais de faire disparaître un pan très important de celle-ci.

Ce démantèlement en appellera beaucoup d’autres, car rien dans cette réforme des collectivités locales n’est positif à nos yeux. Celle-ci fixe des objectifs que nous ne saurions avaliser.

Si nous n’acceptons pas la disparition programmée de nos communes par une intégration contrainte, toujours plus poussée au sein d’intercommunalités mises en place à la hussarde, nous n’acceptons pas non plus la disparition programmée de la compétence générale pour les départements et les régions, la fin des financements croisés et le désengagement renforcé de l’intervention de l’État. Nous refusons également la mise en concurrence des territoires et la mise en cause des services publics locaux, conséquences directes de cette réforme.

Cependant, nous ne saurions nous satisfaire du statu quo ou d’un simple retour à la situation antérieure.

Oui, une autre réforme est aujourd’hui absolument indispensable, mais elle doit être fondée cette fois sur la libre administration des collectivités locales et le développement des coopérations volontaires afin de favoriser et de soutenir la mise en œuvre de projets de territoire répondant aux besoins et aux attentes de nos concitoyens !

Bien entendu, cette réforme institutionnelle ne saurait être mise en œuvre sans une autre réforme, concernant cette fois le financement des collectivités locales, en particulier le rétablissement de leur autonomie fiscale.

Nous connaissons, vous connaissez tous des inquiétudes dans ce domaine, ainsi que nous avons pu le constater durant toute la campagne des élections sénatoriales. L’immense majorité des élus locaux ne savent plus comment tenir les responsabilités qui sont les leurs face aux situations sociales fortement dégradées des populations et à l’avenir incertain des territoires.

Avec notre amendement, nous souhaitons marquer une rupture et ouvrir un autre chemin. Il est temps de tourner la page d’une mauvaise réforme contraire à une véritable décentralisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Cet amendement soulève une question qui a donné lieu à un débat en commission. La copieuse discussion générale qui s’est déroulée hier a également permis à chacun de préciser ses positions.

Sans anticiper sur les débats qui seront ceux de la Haute Assemblée dans les mois à venir, il me semble que l’un des éléments de cohérence de la nouvelle majorité sénatoriale est sa volonté de remplacer la réforme territoriale du mois de décembre 2010. Beaucoup ici en ont pris formellement l’engagement. En cet instant, je puis affirmer que tel sera bien notre programme de travail, en particulier dans le cours et à l’issue des états généraux des élus locaux que le président Bel compte organiser dès les prochaines semaines.

De ce fait, le programme d’abrogation ou de remplacement des dispositions de cette réforme très critiquée est commencé.

Cela étant, si cet amendement était adopté ce soir, il nous priverait de la possibilité de réaliser les aménagements concrets et pratiques souhaités par vous-même, mon cher collègue, et par de nombreux autres sénateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je tiens d’ailleurs à remercier Mme Troendle d’avoir souligné le caractère fondamental du texte que nous examinons.

Monsieur Favier, je pense que vous aurez à cœur de ne pas priver le Sénat de la possibilité de légiférer utilement, d’autant que nous partageons le même objectif politique. Il serait donc préférable que vous retiriez cet amendement et qu’il ait simplement valeur d’engagement collectif à poursuivre un travail de suppression qui se fera en plusieurs étapes : votre proposition de loi relative à l’abrogation du conseiller territorial, que nous examinerons dans quelques jours, puis le remplacement des dispositions critiquées de la loi du 16 décembre 2010.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales

À l’occasion de cet amendement, qui vise à abroger la loi de réforme des collectivités territoriales, je souhaite faire quelques remarques qui me permettront, par la suite, d’être plus bref.

J’ai bien entendu l’auteur de l’amendement nous dire que l’objectif visé était le démantèlement de la réforme des collectivités et que cette proposition de loi n’était que la première étape avant son abrogation. Je reprends explicitement les termes qu’il a utilisés afin que l’on comprenne bien le sens de sa démarche.

Ma démarche, en revanche, comme je l’ai déjà expliqué, est tout autre. Je pense que seuls quelques ajustements ponctuels sont nécessaires, et la proposition de loi initiale déposée par M. Sueur allait dans ce sens.

Or, au cours de son examen en commission, le texte est passé de un à douze articles et son contenu a été complètement modifié. Dès lors, il s’agit non plus d’une proposition de loi visant à ajuster ponctuellement des points qui méritaient d’être explicités pour éviter les malentendus, mais d’une remise en cause fondamentale de tout ce qui a été fait. En quelques heures, on prétend repartir sur de nouvelles bases, comme si les 300 heures de débat parlementaire qui ont permis d’aboutir à la réforme des collectivités n’avaient pas existé. Le Gouvernement ne peut souscrire à une telle démarche.

Autant nous aurions été d’accord pour aménager un certain nombre de points – je les ai déjà cités, je ne les reprendrai pas une nouvelle fois –, autant il nous est difficile d’accepter le principe d’une suppression d’éléments fondamentaux permettant aujourd'hui à un grand nombre de départements d’élaborer un schéma qui peut être accepté par une très large majorité.

Comme je l’ai souligné hier, j’aurais souhaité qu’on dise clairement que, là où le schéma départemental recueille un large consensus, on gardera ce qui a été mis en place et que, là où les situations sont bloquées, on essaiera d’apporter des réponses. Nous n’en sommes pas là, et je le regrette. Je le redis une fois pour toutes : on aurait pu imaginer que cette proposition de loi puisse être approuvée, à condition qu’elle apporte effectivement satisfaction sur l’ensemble des points.

Je voudrais revenir sur le calendrier d’élaboration et d’application du schéma, question qui nous a beaucoup occupés hier. Il est évident que vous et moi n’avons pas eu la même lecture de la proposition de loi.

Permettez-moi de rappeler que la loi de réforme des collectivités territoriales a prévu l’adoption du schéma avant le 31 décembre 2011, chaque fois que cela est possible, puis une mise en œuvre selon trois étapes classiques : l’arrêté de projet de périmètre, la délibération des conseils municipaux et des conseils des établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, l’arrêté préfectoral définitif prononçant la fusion, la modification ou la dissolution.

Les derniers arrêtés doivent paraître au plus tard le 1er juin 2013. Le Gouvernement a précisé lors des débats que les premiers mois de 2013 seront un dernier recours. En règle générale, l’objectif est bien d’avoir terminé à la fin de 2012 pour répondre aux vœux très appuyés de l’AMF, l’Association des maires de France.

Disons-le clairement : la proposition de loi telle qu’elle est issue des travaux de la commission prévoit que le schéma sera définitivement adopté le 31 mars 2013. Selon moi, il faudra alors accomplir les procédures de mise en œuvre :…

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

… arrêtés de projet de périmètre, délibérations, arrêtés définitifs. Cela nous amène à l’été, voire à l’automne de 2013.

Le processus nous rapproche des élections municipales, ce que l’AMF voulait absolument éviter, préoccupation qui avait été relayée ici, à l’époque, sur l’ensemble des travées, comme je l’ai dit hier soir, en citant assez longuement les propos des intervenants, notamment ceux de la gauche.

MM. Richard et Sueur nous ont dit hier que ce n’était pas ce qu’il fallait comprendre. Selon eux, sitôt le schéma adopté, le préfet prendra immédiatement les mesures d’application. Il n’aura pas à prendre d’arrêté de périmètre ni à consulter les conseils municipaux.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Il prendra directement les arrêtés définitifs. Ils considèrent en somme que la consultation des conseils municipaux sur le projet de schéma aura suffi. Autrement dit, la procédure d’élaboration du schéma absorbe la procédure de mise en œuvre.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Mais alors, ce n’est pas mieux !

D’abord, on se retrouve en pleine incertitude juridique.

Il ne suffit pas d’écrire, à l’alinéa 17 de l’article 5, que le schéma « est mis en œuvre par arrêtés préfectoraux ». Il faudrait déroger aux dispositions du code général des collectivités territoriales, dispositions nombreuses, constantes, traditionnelles, qui prévoient évidemment qu’il faut prendre un arrêté de projet, puis consulter les assemblées délibérantes avant de prononcer une dissolution, une fusion, une transformation ou une modification.

M. le rapporteur s’exclame.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

On ne peut pas se permettre une incertitude juridique sur un point aussi fondamental.

Ensuite, avec votre interprétation, on perd toute souplesse dans la mise en œuvre du schéma.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Les préfets prendraient des décisions définitives d’office, automatiquement, obligatoirement, immédiatement, en prenant tous les arrêtés en une seule salve. Le préfet et la commission départementale de la coopération intercommunale, la CDCI, ne pourraient pas s’écarter du schéma. Il serait impossible de faire face aux évolutions des situations locales.

On sait bien pourtant que les positions peuvent être évolutives. On sait bien que, dans certains cas, l’intérêt général ou le bon sens commanderont de renoncer à un projet inscrit au schéma, ou de le modifier, ou de proposer un projet que le schéma ne prévoit pas. À supposer que le schéma aboutisse, ce qui est peu probable avec une procédure aussi lourde que celle qui est prévue, les acteurs locaux s’en trouveront complètement prisonniers.

Dans tous les cas, il sera impossible d’appliquer le schéma dès 2012, puisqu’il n’y aura pas de schéma en 2012. L’application en 2013, qui est l’exception dans la loi de réforme des collectivités territoriales, deviendra la règle aux termes de cette proposition.

En outre, on ne sait pas ce qui se passe en cas de désaccord.

Aux alinéas 14 et 15 de l’article 5, vous avez prévu que, si les communes ne donnent pas leur accord, la commission départementale de la coopération intercommunale tranche à la majorité des deux tiers. Si la CDCI n’adopte pas le schéma, c’est le préfet qui l’arrête.

Mais alors, le préfet arrête quel schéma ? Le projet de la CDCI ? Un schéma conforme à la volonté des communes ou celui que bon lui semble ? La proposition de loi ne le dit pas. Et que se passe-t-il si la CDCI adopte un schéma laissant subsister des discontinuités, des enclaves, des périmètres incohérents ? Le préfet doit-il l’exécuter ou rester immobile ? Là encore, rien n’est prévu.

M. le président de la commission des lois s’exclame.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

On voit bien que l’issue la plus probable sera malheureusement la situation de blocage.

Telles sont les observations que je voulais formuler. Elles constituent la base des réponses que j’apporterai à un certain nombre d’amendements et montrent précisément que cette proposition de loi va à l’inverse de l’objectif visé.

Je le répète, les dispositions que nous avons mises en place doivent respecter, chaque fois que cela est possible, la date du 31 décembre 2011. Il aurait été utile de le rappeler avant de s’attaquer aux détails.

On le voit bien, l’objectif est celui d’un démantèlement total de la loi de 2010. Cette proposition de loi en est la première étape, comme l’a dit l’auteur de l’amendement n° 7, auquel je ne peux être favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Tout le monde ici souhaite que nous ayons une discussion ordonnée et rationnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Chacun a compris que le long exposé du ministre se fondait sur une interprétation, par ailleurs erronée, de l’article 5. Or, sauf erreur de ma part, nous sommes en train d’examiner un amendement de portée politique, portant article additionnel avant l’article 1er.

La méthode de travail retenue par le ministre en vaut d’autres. Nous sommes toutefois plusieurs sur ces travées à préférer la méthode normale consistant à privilégier un débat législatif serein. Il me semble donc que nous pourrons avoir cette discussion et relever un certain nombre d’erreurs de raisonnement §– pardonnez-moi, monsieur le ministre – lorsque nous examinerons l’article 5.

En attendant, nous avons compris que vous n’étiez pas favorable à l’amendement de principe de nos collègues du groupe CRC. Je me suis permis, au terme d’un bref échange, de leur suggérer de ne pas le maintenir ce soir, mais d’en faire une étape vers d’autres débats qui auront lieu au cours des prochaines semaines. Il me semble que le Sénat pourrait en rester là et passer à un travail ordonné.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Notre amendement a effectivement trait à une question de fond, à savoir l’appréciation que nous portons sur la réforme globale des collectivités territoriales. Je le confirme, le groupe CRC souhaite une remise en cause sur le fond de cette réforme.

Pour notre part, je le répète, nous souhaitons élaborer une nouvelle réforme qui respecte véritablement la décentralisation. Nous ne voulons pas d’une réforme comme celle qui a été votée – même si, il ne s’agit pas de le nier, le Sénat a consacré de très nombreuses heures à ce travail –, qui est recentralisatrice et contraire à l’intérêt des collectivités locales. Elle a d’ailleurs été massivement rejetée lors des récentes élections sénatoriales.

J’espère que la nouvelle majorité du Sénat pourra aboutir à un nouveau texte de loi.

Pour autant, nous ne sommes pas dans la politique du pire. Des améliorations sont proposées au travers de cette proposition de loi. Nous avons d’ailleurs contribué à ces avancées au sein de la commission des lois.

Compte tenu de l’engagement qui a été pris par le président Jean-Pierre Bel de l’organisation d’états généraux, et qui a été rappelé par M. le rapporteur, lesquels nous permettront effectivement de rediscuter de manière plus large du contenu de la réforme des collectivités territoriales, nous sommes d’accord pour retirer notre amendement. Nous resterons toutefois extrêmement vigilants et actifs sur lors des débats futurs, en particulier lorsqu’il sera prochainement question de la suppression du conseiller territorial. §

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 7 est retiré.

L'amendement n° 10, présenté par M. Pointereau, est ainsi libellé :

I. – Avant l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les projets de fusion de communautés de communes doivent être approuvés par les deux tiers des conseils municipaux des communes concernées représentant la moitié de la population, ou la moitié des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population.

À défaut, les projets sont reportés en 2014.

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Section…

Règle de majorité applicable aux fusions de communautés de communes

Cet amendement n'est pas soutenu.

I §(nouveau). – Le dernier alinéa de l’article L. 5211-41-2 et le IV de l’article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales sont supprimés.

II. – L’article 83 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le II est ainsi rédigé :

« II. – Jusqu’au prochain renouvellement général des conseils municipaux, la composition de l’organe délibérant et du bureau des établissements publics de coopération intercommunale créés antérieurement à la date de promulgation de la présente loi et des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre issus de l’une des opérations prévues aux articles L. 5211-41 à L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales demeure régie par les dispositions du même code dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’article 9.

« Les délibérations des conseils municipaux se prononçant sur la composition de l’organe délibérant et du bureau sont prises au plus tard trois mois après l’adoption du schéma départemental de coopération intercommunale. Toutefois, ce délai est ramené à deux mois si le schéma est défini dans les conditions prévues au onzième alinéa du IV de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la loi n° … du … portant diverses dispositions relatives à l’intercommunalité.

« À défaut de délibération dans ces délais, la composition de l’organe délibérant et du bureau est fixée par arrêté du représentant de l’État dans le département lorsque les communes font partie du même département ou par arrêté conjoint des représentants de l’État dans les départements concernés, conformément aux dispositions des I à V de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales.

« Au plus tard six mois avant le 31 décembre de l’année précédant celle du prochain renouvellement général des conseils municipaux, il est procédé aux opérations prévues aux I à VI de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de la présente loi. » ;

2° Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :

« II bis. – Jusqu’au prochain renouvellement général des conseils municipaux, la désignation de suppléants par les membres des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre demeure régie par les dispositions du code général des collectivités territoriales dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’article 9. » ;

3° Le V est ainsi rédigé :

« V. – En cas de création d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre après la date de promulgation de la présente loi, les conseils municipaux des communes intéressées disposent, à compter de la date de publication de l’arrêté, d’un délai de trois mois pour délibérer sur la composition de l’organe délibérant et du bureau selon les modalités prévues aux I à VI de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales. »

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

L’article 1er contient la disposition simple et pratique éloquemment défendue hier par l’auteur de cette proposition de loi ; je n’y reviendrai donc pas, compte tenu de l’heure avancée.

L’essentiel de ce texte, et cela n’a pas échappé à notre ministre des collectivités territoriales, est contenu dans les articles 5, 6 et 7. Ces dispositions représentent un progrès considérable par rapport au texte qu’elles visent à remplacer, s’agissant de l’achèvement de la carte de l’intercommunalité et des modalités de sa mise en œuvre. C’est d’ailleurs à mon sens la raison pour laquelle elles n’ont pas recueilli la sympathie entière de notre ministre. J’ajoute que ce n’est pas parce qu’on a discuté 300 heures que le produit est forcément satisfaisant !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Malheureusement, et vous êtes en train d’en rajouter !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Ce texte, et l’on aura certainement le temps de l’examiner de près, constitue un progrès, j’oserais même dire une sorte de « révolution copernicienne » puisqu’il remet les collectivités à la place qu’elles n’auraient jamais dû quitter, à savoir au centre du projet intercommunal, occupé depuis la loi de décembre 2010 par les préfets.

Normalement, l’intercommunalité, c’est l’affaire des communes, ce que résumait parfaitement la loi Joxe du 6 février 1992, que je vous invite à méditer. Comme l’indique l’article L. 5210-1 du code des collectivités territoriales : « Le progrès de la coopération intercommunale se fonde sur la libre volonté des communes d’élaborer des projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité. » Sauf que, depuis la loi de décembre 2010, on fait tout le contraire !

Autrement dit, si la loi fixe les objectifs et les règles essentielles, elle laisse toute latitude aux collectivités pour les traduire en actes. Si l’État, à travers ses représentants, veille à l’application de la loi, apporte le concours de son expertise aux collectivités, il ne décide à leur place que si elles se montrent incapables de s’entendre ; c’est précisément ce que prévoit la proposition de loi.

Cela étant posé, et qui est essentiel, je dois constater que, sur un certain nombre de sujets, cette proposition de loi a des allures d’acte manqué, comme si la liberté laissée aux communes de s’associer et de décider de leur statut devait être limitée, encadrée, même en cas d’accord à la majorité qualifiée. Je pense à la limitation du nombre de délégués au conseil communautaire, à la limitation du nombre de vice-présidents et à la taille minimale pour les communautés de communes, sauf dérogation motivée accordée par le préfet dans la loi de décembre 2010 et par la CDCI à la majorité qualifiée dans le présent texte.

Je veux bien que la liberté conduise à des aberrations – on peut le constater ! –, mais la contrainte y mène tout autant ! C'est la raison pour laquelle j’ai déposé des amendements que je présenterai plus tard, mais dont je voulais, par cette intervention liminaire, souligner la cohérence.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Lorsque je me suis inscrit pour prendre la parole sur l’article 1er, j’étais loin d’imaginer que j’interviendrais dans la nuit de jeudi à vendredi à plus d’une heure du matin !

Cette proposition de loi nous paraît bienvenue dans la mesure où il est manifestement nécessaire de revoir un certain nombre de dispositions de la loi du 16 décembre 2010. Nous, sénateurs centristes, l’avions d’ailleurs indiqué au Premier ministre lors d’un déjeuner au mois d’avril dernier et confirmé dans un courrier.

Il nous paraît particulièrement nécessaire de modifier trois points de la loi.

Le premier porte sur le délai d’élaboration du schéma, de la proposition à l’acceptation. Je vous le dis très honnêtement, mes chers collègues, nous avions souligné ce point d’abord pour des raisons politiques, car il nous paraissait pour le moins inopportun de soumettre, pour concertation, un projet de schéma aux élus en pleine période électorale. Malheureusement, nous avons eu raison…

Au-delà de cet aspect politique, nous avions des raisons objectives, dont nous avons peu parlé pour l’instant dans ce débat, d’évoquer la révision du délai d’élaboration du schéma. En effet, dès lors que les services de l’État n’étaient pas en mesure de fournir au préfet et aux collectivités locales les simulations financières leur permettant d’apprécier l’intérêt ou l’opportunité des projets de regroupement, il fallait décaler le calendrier. Les schémas se font en effet à l’aveugle, ce qui est une pratique intéressante en œnologie mais pour le moins risquée lorsqu’il s’agit de collectivités locales.

Le deuxième point important à revoir est le seuil de 5 000 habitants. Dans certains départements, ce seuil est appliqué de manière très stricte, comme un véritable couperet, alors que, dans d’autres, il l’est avec beaucoup plus de souplesse, conformément d’ailleurs à ce qu’ont toujours indiqué les membres du Gouvernement, que ce soit Michel Mercier lors de l’examen du projet de loi ou Philippe Richert, interpellé à plusieurs reprises sur ce point. Ce seuil doit être vu comme un objectif et non comme un impératif.

Le troisième point est le rôle du préfet dans l’élaboration du schéma. Sans remettre tout en cause, il faut signaler que le texte comporte de nombreuses incohérences. Par exemple, comment justifier le fait que le préfet ne puisse pas tenir compte des avis exprimés par les collectivités locales pour modifier son projet avant de le présenter à la CDCI ? La seule chose qu’il peut faire, c’est demander à la CDCI de procéder à cette modification, sans être certain d’y parvenir, car la majorité requise, celle des deux tiers, est extrêmement contraignante.

Voilà les trois points sur lesquels nous avions appelé l’attention du Premier ministre. D’autres sujets nous ont bien évidemment interpellés, comme la question qui va être abordée à l’article 1er de la gouvernance des EPCI, laquelle mérite d’être prolongée jusqu’en 2014, celle du pouvoir de police du maire ou celle des « communes-îles ».

Aujourd'hui encore plus qu’il y a quelques mois, il nous paraît nécessaire d’adopter cette proposition de loi, et ce pour plusieurs raisons.

En premier lieu, le Premier ministre a souhaité laisser du temps pour la mise en place des schémas. Or, nous le savons bien, la loi indique très précisément que les schémas doivent être arrêtés au 31 décembre. À défaut, le préfet pourra émettre des propositions sans être dans l’obligation de les soumettre à la CDCI. La situation sera alors bien pire ! Ce point extrêmement important mérite d’être corrigé, sinon les paroles du Premier ministre resteraient lettre morte, ce qu’aucun de nous dans cet hémicycle ne souhaite, bien évidemment. §

En second lieu, le Gouvernement semble avoir renoncé à présenter le projet de loi n° 61. Ce texte aurait pourtant constitué un véhicule législatif permettant d’évoquer un certain nombre de sujets, dont celui que nous allons traiter à l’article 1er.

Les sénateurs centristes abordent donc ce débat non pas dans un esprit d’obstruction ou d’opposition, ni pour faire de la surenchère ou de la démagogie, mais avec la volonté d’améliorer le texte, dans l’intérêt des communes et des élus. Je regrette simplement, une fois encore, que nous soyons obligés de travailler dans des conditions qui ne sont vraiment pas satisfaisantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

Avant d’aborder l’article 1er, je voudrais souligner au nom du groupe de l’UMP que remettre en cause, par petits bouts, la loi de réforme des collectivités territoriales votée définitivement en décembre 2010, il y a donc à peine un an, n’est ni sérieux ni acceptable, tant les nombreuses heures passées à examiner ce texte ont permis d’aller aussi loin que possible dans la prise en compte de la portée des mesures et de toutes leurs conséquences.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Vous avez surtout aidé à faire battre nos sénateurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cambon

C’est la logique d’un texte que nous avons voulu et voté, tout en introduisant, comme le rappelait le rapporteur de l’époque, Jean-Patrick Courtois, « de nombreuses modifications afin de mettre davantage l’accent sur la liberté des collectivités territoriales et d’accroître leur capacité à exercer leurs compétences pour renforcer la qualité du service public ».

Notre rapporteur soulignait alors fort justement que « nous adaptions le dispositif présenté par le Gouvernement aux réalités de la vie locale et à l’expérience concrète des élus de terrain, dans un double esprit de pragmatisme et de consensus ». C’est ainsi que nous avons « accordé davantage de liberté et d’autonomie aux communes dans le fonctionnement des structures intercommunales, y compris celui des futures métropoles instituées par le texte, apporté des garanties supplémentaires aux populations et aux collectivités dans les procédures de regroupement de départements et de régions, et clarifié les principes de répartition des compétences entre les différents niveaux de collectivités territoriales ».

Ce rappel général me semblait utile au regard de la pertinence du travail accompli, qui – ne nous le cachons pas – n’a pas forcément été apprécié à sa juste valeur par nombre d’élus locaux.

La proposition de loi de notre collègue Jean-Pierre Sueur que nous examinons aujourd’hui comportait initialement un dispositif simple, qui, il faut le dire, a été profondément transformé par les travaux de la commission des lois.

L’article 1er en constitue un bon exemple.

Initialement, l’article unique de la proposition de loi reportait l’application des nouvelles règles de fixation du nombre et de la répartition des délégués des EPCI au prochain renouvellement général des conseils municipaux pour les EPCI à fiscalité propre étendus à une ou plusieurs communes, pour les EPCI à fiscalité propre issus de la fusion de plusieurs EPCI et pour les EPCI nés de la transformation d’un syndicat de communes en EPCI à fiscalité propre.

Modifié par le rapporteur, outre les dispositions que je viens de rappeler, il vise maintenant à donner au préfet la capacité de déterminer la composition du conseil communautaire et du bureau à défaut d’accord amiable, à permettre la désignation de suppléants d’ici au prochain renouvellement général et à prévoir une période transitoire de trois mois, postcréation de l’EPCI, pour déterminer la composition du conseil communautaire et du bureau.

Supposé remédier aux lacunes d’un dispositif de la loi de décembre 2010, ce texte crée, à notre sens, de nouvelles interrogations et de nouvelles incertitudes. La suppression des dispositions indiquant les modalités de composition des conseils communautaires à la suite d’une transformation ou d’une fusion d’EPCI à fiscalité propre laisse notamment un vide juridique. De plus, exiger que les conseils municipaux se prononcent sur la composition des conseils communautaires dans les trois mois suivants la publication du SDCI, le schéma départemental de coopération intercommunale, ne présente à nos yeux pas d’intérêt puisque, à cette période, aucune mesure inscrite dans le schéma n’aura encore été mise en œuvre.

Dans ces conditions, nous voterons l’amendement de suppression de l’article 1er que présentera notre collègue Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, nous sommes tous soucieux de faciliter la vie de nos collectivités territoriales. C'est la raison pour laquelle il y a entre nous un large accord sur la nécessité, d’une part, d’éviter tout passage en force en matière de regroupements de communes et, d’autre part, de prendre le temps nécessaire pour permettre le bon aboutissement de ces regroupements.

Mais, ce soir, ce n’est pas de cela qu’il s’agit, me semble-t-il. La discussion qui vient de se dérouler nous a permis d’avoir une révélation : pour reprendre les termes de notre rapporteur, il existe une cohérence entre les intentions des auteurs de la proposition de loi et celles des auteurs de l’amendement, qui vient d’être retiré, tendant à abroger la loi de réforme des collectivités territoriales.

En effet, lorsqu’on regarde attentivement le texte, notamment les articles 5 et 6, qu’il nous faut évoquer, il est évident qu’il s’agit non pas d’adopter une autre méthode pour poursuivre le processus engagé, mais bien de remettre les compteurs à zéro en faisant table rase de onze mois de travail, lesquels ont donné lieu en France à des dizaines de milliers de réunions…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… d’élus pour préparer des regroupements d’intercommunalités. Tout ce travail…

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

… prendra brutalement fin puisque l’article 5 tend à prévoir que le schéma territorial doit être élaboré conjointement par la commission départementale de la coopération intercommunale et par le préfet.

Or, sur le fondement de la loi du 16 décembre 2010, un premier avant-projet de schéma a été présenté dans tous les départements de France par les préfets. Ces textes deviendraient caducs si la présente proposition de loi était adoptée.

Non ! sur les travées du groupe socialiste-EELV, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l ’ UCR.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

On nous a indiqué que le « desserrement » des délais ne conduirait pas au report du point d’aboutissement de la réforme. Mais cela est faux, comme M. le ministre l’a très bien expliqué tout à l’heure. Ne soyons pas dupes !

Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai l’excellent amendement que présentera M Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Au risque d’être importun, j’aimerais vous inviter une nouvelle fois, mes chers collègues, à avoir une discussion législative ordonnée. Nous aurons tout le temps de débattre des mérites de l’article 5, qui réorganise en disposition permanente, monsieur Bas, et non en disposition transitoire, le dispositif d’adoption du schéma.

Je voudrais faire observer à tous ceux qui se plaignent de l’heure à laquelle nous examinons ce texte que, si nous acceptions de travailler article par article, nous progresserions plus vite. Je suggère donc que nous engagions véritablement l’examen de l’article 1er, sur lequel M. Hyest a déposé un amendement de suppression, qui n’a rigoureusement rien à voir avec les interventions qui viennent d’avoir lieu.

M. Maurey, pour sa part, a très bien montré que le texte avait tenu compte des apports des parlementaires de toutes les sensibilités. Ce constat vaut aussi pour vous, mes chers collègues du groupe de l’UMP !

Je le répète, il serait préférable de travailler avec méthode, c’est-à-dire d’examiner un par un les dix articles totalement consensuels portant sur des adaptations souhaitées par tous et inspirées du terrain et de réserver la controverse aux articles 5 et 7, qui tendent à remédier aux inconvénients déjà constatés du dispositif actuel, dont M. Maurey vient de parler.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 36, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest. Je remercie M. le professeur Richard de nous avoir indiqué de quelle manière nous devions délibérer.

M. Alain Gournac et Mme Catherine Troendle s’esclaffent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Ici, chacun est libre d’exprimer ses opinions.

Monsieur Richard, comme vous ne comprenez pas la position de M. le ministre, que je partage complètement – je crois avoir quelque peu participé au débat à l’époque §–, je constate que vous transformez complètement le schéma départemental de coopération intercommunale.

J’en viens à mon amendement.

Pour ma part, je préférerais que l’article 1er soit rédigé différemment. C’est pourquoi, dans un premier temps, j’avais déposé un amendement de suppression. Il faut dire que nous avons travaillé dans des conditions particulièrement difficiles : d’abord, nous n’avons eu connaissance du rapport que vendredi dernier, ensuite il y a eu le week-end de la Toussaint. Nous nous rendons disponibles, mais il ne faut pas exagérer !

Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 17 rectifié, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le II de l'article 83 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« II. - Jusqu’au prochain renouvellement général des conseils municipaux, la composition du bureau des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre issus d’une procédure de fusion, de transformation ou de transformation-extension par application des articles L. 5211-41-3 et L. 5211-41 du code général des collectivités territoriales ou des dispositions de l’article 60 de la présente loi, demeure régie par les dispositions du code général des collectivités territoriales dans leur rédaction antérieure à celle de l’article 9 de la présente loi.

« Au plus tard six mois avant le 31 décembre de l’année précédant celle du renouvellement général des conseils municipaux, il est procédé aux opérations prévues au VII de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales. »

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Comme je l’ai déjà indiqué, le fait que l’on ne procède pas à des aménagements avant le renouvellement des conseils municipaux pose problème et préoccupe les élus locaux. D'ailleurs, Jean-Pierre Sueur partage cette préoccupation ; c’est aussi le cas de Jacques Pélissard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur Sueur, nous sommes d’accord sur la finalité du texte et animés du même esprit, mais ma rédaction est plus simple et plus explicite que la vôtre. En effet, je ne comprends pas pourquoi cet article répète plusieurs fois la même chose.

Je ne comprends pas non plus où est la cohérence. Une première fois, il est question d’un délai de six mois ; une seconde fois, le texte évoque un délai de trois mois. Pour ma part, je m’en tiens au délai de six mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 60, présenté par M. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Remplacer les mots :

issue de l'article 9

par les mots :

résultant de la présente loi

II. – Alinéa 5, seconde phrase

Remplacer la référence :

onzième alinéa du IV

par la référence :

sixième alinéa du IV bis

La parole est à M. le rapporteur pour présenter l’amendement n° 60 et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 17 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Il s’agit d’un amendement de coordination.

Pour la suite du débat, je pense utile de préciser que l’article 1er, dans sa version actuelle, répond plus complètement à la question de la poursuite des mandats en cours que le dispositif proposé par M Hyest. En effet, l’amendement n° 17 rectifié ne vise que la composition des bureaux, alors qu’il faut également statuer sur la composition de l’organe délibérant.

Si un point de la rédaction de cet article ne vous convient pas, mon cher collègue, il me semble préférable de déposer un amendement visant à le modifier spécifiquement. En effet, dans l’hypothèse où l’amendement n° 17 rectifié serait adopté, nous n’aurions plus de dispositions de nature à maintenir le mandat des conseils communautaires.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

J’ai déjà indiqué à de multiples occasions que la question de la composition des exécutifs, en cas de fusion d’intercommunalités avant 2014, méritait des précisions.

La date de mise en œuvre des regroupements a été différée pour permettre de conserver un délai suffisant entre le 1er juin 2013 et mars 2014, mois au cours duquel seront élus les conseillers territoriaux et renouvelés les conseils municipaux, et donc les instances dirigeantes des intercommunalités. Ce délai devait permettre à ces élections de se dérouler dans la sérénité et de n’être pas troublées par les regroupements opérés, qui peuvent, dans un certain nombre d’endroits, laisser des séquelles.

Or, à l’époque, nous n’avions pas vu qu’une disposition permettant de prolonger le mandat des membres de l’exécutif était nécessaire, afin d’éviter que, du fait de la fusion ou de la réorganisation des collectivités, certains d’entre eux ne soient « éjectés ».

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

L’objet de la proposition de loi initiale était de remédier à cette situation. J’avais d’ailleurs indiqué clairement que cette démarche me semblait utile et que j’y souscrivais.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Si la question de la composition des intercommunalités subsiste, le dispositif proposé par Jean-Jacques Hyest me paraît plus simple dans sa mise en œuvre et l’emporte en termes de clarification. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 17 rectifié et un avis défavorable sur l’amendement n° 60.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

L'article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Pointereau, est ainsi libellé :

I. – Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article 9 de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 portant réforme des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« I. – La répartition des sièges dans les organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre assure la représentation des territoires en fonction du territoire et de la démographie sur la base d'accords locaux. »

II. – En conséquence, faire précéder cet article d’une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Section …

Modalités de détermination du nombre et de répartition des délégués communautaires

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 44, présenté par MM. Frécon et Camani, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa du III, les mots : « ou au VI » sont remplacés par les mots : «, au V, au VI ou au VI bis » ;

2° Après le VI, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :

« VI bis. – Par accord des deux tiers au moins des conseils municipaux des communes intéressées représentant la moitié de la population totale de celles-ci ou de la moitié des conseils municipaux des communes intéressées représentant les deux tiers de la population totale, les communes peuvent attribuer un siège supplémentaire à chaque commune membre, au-delà de l’effectif résultant de l’application des I à IV du présent article. » ;

3° À la première phrase du premier alinéa du VII, les mots : « et VI » sont remplacés par les mots : «, VI et VI bis ».

Cet amendement n'est pas soutenu.

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 6 rectifié bis, présenté par MM. Collombat, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier et MM. Requier, Tropeano et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :

« L’établissement public de coopération intercommunale fixe librement le nombre de membres de son bureau, qui est composé du président, des vice-présidents et éventuellement d’un ou plusieurs autres membres.

« Le nombre de vice-présidents est limité, conformément au tableau ci-dessous :

« Population EPCI

Nombre de vice-présidents

Jusqu’ à 5000 h

De 5 000 à 19 999 h

De 20 000 à 39 999 h

De 40 000 à 59 999 h

De 60 000 à 99 999 h

De 100 000 à 149 999 h

De 150 000 à 199 999 h

De 200 000 à 249 999 h

De 250 000 à 299 999 h

De 300 000 à 500 000 h

Plus de 500 000

Plus de 1 million

2° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Cet amendement tend à régler un problème que nous connaissons tous : l’application des dispositions, extrêmement drastiques, de la loi du 16 décembre 2010 concernant les bureaux des intercommunalités.

Tout le monde sait qu’un EPCI n’est pas du tout comme un conseil municipal et qu’il a besoin d’un consensus pour fonctionner. C’est au sein du bureau que celui-ci s’établit.

Or les dispositions actuelles sont très contraignantes puisque, si le nombre de vice-présidents est déterminé par l’organe délibérant, il ne peut être supérieur à 20 % de l’effectif total délibérant ni dépasser quinze vice-présidents. Dans ces conditions, un EPCI regroupant par exemple 20 000 habitants – c’est une taille respectable – ne peut pas avoir plus de quatre vice-présidents.

Mon amendement est simple : il vise à redonner aux collectivités la liberté de fixer contractuellement la composition de leur bureau. Le tableau qui lui est annexé permet au consensus de s’établir, tout en limitant l’inflation du nombre de vice-présidents.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 22, présenté par Mlle Joissains, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre comprenant plus de trente communes, le nombre de vice-présidents correspond à celui des communes membres. »

Le sous-amendement n° 58, présenté par Mme Bruguière, est ainsi libellé :

Compléter cet amendement par un alinéa ainsi rédigé :

Les crédits nécessaires seront pris dans le cadre de l'enveloppe budgétaire existante.

Cet amendement et ce sous-amendement ne sont pas soutenus.

L'amendement n° 23, présenté par MM. Hérisson, César, P. André, Laurent, Doublet, Houel, A. Dupont, Vestri, B. Fournier et J.P. Fournier et Mlle Joissains, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au troisième alinéa de l'article L. 5211-10 du code général des collectivités territoriales, le mot : « quatre » est remplacé (deux fois) par le mot : « huit ».

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 6 rectifié bis ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Cet amendement vise à apporter une réponse à un problème que chacun d’entre nous connaît.

Progressivement, nous nous apercevons que des correctifs à la loi, limités et raisonnés, ne sont pas inutiles. On voit ainsi que le plafonnement du nombre de vice-présidents au lieu d’être alternatif est cumulatif. Par exemple, le nombre de vice-présidents dans les collectivités les moins peuplées est limité à quatre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Relever le plafond coûterait de l’argent !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Plusieurs de nos collègues sont pourtant intervenus pour le relever. Je pense à l’amendement n° 23, déposé notamment par M Hérisson, qui tend à prévoir un seuil minimum de huit vice-présidents, ou à l’amendement n° 22 de Mlle Joissains, qui procède du même esprit.

Tout en restant dans une proportion de l’ordre de 20 % des membres de l’organe délibérant, l’amendement de M. Collombat reprend le plafond de huit vice-présidents pour les communautés de moins de 5 000 habitants. Il prévoit en outre une augmentation progressive de leur nombre, en fonction de la population, sans que ce nombre puisse toutefois être supérieur à quinze pour les EPCI de moins de 100 000 habitants.

Estimant qu’il s’agit d’une bonne synthèse entre les différents amendements déposés sur ce sujet, la commission a émis un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

La loi de 2010 a délibérément limité le nombre de postes de vice-présidents. Nous voulions éviter les effectifs pléthoriques et la multiplication des postes à responsabilité visant à satisfaire le plus de personnes possible…

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

… ainsi que les dérives financières qui en découlent.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Je suis sûr que certains dans cet hémicycle ont en mémoire la désignation de cinquante vice-présidents à seule fin d’obtenir un accord très large.

C’est la raison pour laquelle nous avions décidé, après de vrais débats – certains pensent qu’ils étaient vains, mais tel n’était pas le cas –, de fixer le nombre de vice-présidents au minimum à quatre et au maximum à quinze, ce dernier chiffre étant déjà très élevé.

Je signale, mesdames, messieurs les sénateurs, que, si le Gouvernement l’avait souhaité, il aurait pu invoquer l’article 40 sur cet amendement…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La commission des finances s’est prononcée sur ce point, monsieur le ministre !

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Quoi qu’il en soit, le Gouvernement souhaite maintenir le nombre de vice-présidents arrêté en 2010. Passer de quatre à huit et de quinze à trente reviendrait à adresser un mauvais signal à nos concitoyens à un moment où nous devons être particulièrement exigeants. Si des ajustements doivent être recherchés, ce n’est certainement dans l’augmentation du nombre de postes.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le ministre, même un EPCI de plus de un million d’habitants ne bénéficierait pas de cinquante postes de vice-présidents si le schéma que je propose était adopté.

J’en conviens, toute liberté que l’on accorde laisse la porte ouverte à des excès de libertés. Je dois être un peu plus libéral que vous puisque, pour ma part, je préfère cela à des excès de contraintes.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. Reste que je m’insurge contre cette campagne perpétuelle de dénigrement des élus, qui seraient des incapables, qui prendraient l’argent public, qui dépenseraient sans compter.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

C’est inadmissible d’entendre ça !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Dans le même temps, vous nous annoncez un statut de l’élu qui tarde à venir. La démocratie locale, comme toute démocratie, a un coût.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

L’institution fonctionne bien, voilà le problème ! Ce ne sont pas quelques indemnités misérables qui ruinent nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

C’est si vous ne faites pas votre travail que vous les ruinez.

Cette démagogie n’est pas recevable. Des excès que vous pourriez sanctionner existent par ailleurs. Commencez, par exemple, par prendre des dispositions contre les bonus ou un certain nombre de dévoiements de l’argent public ou semi-public.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je défendrai constamment cette position : si l’on veut que la démocratie locale fonctionne bien, il faut donner aux élus les moyens adéquats. Encore faut-il que les élus exercent bien leurs missions, faute de quoi ils doivent être sanctionnés.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Je ne peux pas laisser passer de tels propos.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Vos mots ont probablement dépassé votre pensée, monsieur Collombat. En effet, je ne peux pas imaginer que l’on puisse traiter les parlementaires ou les membres du Gouvernement de la sorte.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Je connais les élus comme vous. J’en suis moi-même un.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Je n’ai donc pas de leçons à recevoir.

Permettez-moi de vous faire remarquer que la multiplication des postes, comme on a pu le constater sur le terrain, afin de satisfaire un certain nombre d’élus et d’obtenir leur vote n’est pas respectueuse de la démocratie.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

À un moment donné, il faut mettre des bornes…

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

M. Philippe Richert, ministre. … de façon à éviter les dérapages. Regardez ce qui se passe dans le Sud, notamment !

Protestations sur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Après un long débat, nous avons voté la limitation, bienvenue, du nombre de vice-présidents. Aujourd’hui, eu égard au contexte économique, nos concitoyens auraient du mal à comprendre que les élus ne perçoivent pas les difficultés que connaissent certains d’entre eux en fin de mois.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

C’est au moment de l’examen du budget que nous nous en occuperons !

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

M. Philippe Richert, ministre. Conserver une fourchette de quatre à quinze vice-présidents permet largement de répondre aux besoins existants, y compris dans les grandes intercommunalités.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

C’est dans les petites intercommunalités que le problème se pose !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

L’article 40 aurait pu être opposé à l’amendement n° 6 rectifié bis.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’est dommage, car la mesure proposée risque d’entraîner des dépenses supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La commission des finances ayant eu beaucoup de travail, n’insistons pas.

Certains de nos collègues, y compris au sein de mon groupe, prônent un assouplissement. Or les collectivités locales ont toujours connu une limitation du nombre de vice-présidents, d’adjoints.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Si nous avons retenu une fourchette de quatre à quinze postes, c’est parce que c’est ce qui vaut pour les communes. Or les tâches d’un adjoint dans une commune sont parfois beaucoup plus prenantes que celles d’un vice-président dans une intercommunalité, qui n’a pas forcément à gérer au jour le jour, surtout s’il s’agit d’une intercommunalité de projet.

Personnellement, je comprends votre position, monsieur Collombat, mais quel est le risque demain ? Que l’on nous demande dix, puis douze vice-présidents. Et nous céderons !

Nos concitoyens…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… sont très attentifs à ces questions. Les armées mexicaines n’ont jamais servi le bon fonctionnement de la démocratie locale. Je pourrais donner de nombreux exemples dans lesquels la multiplication des postes correspond non pas à de réelles fonctions, mais à des prébendes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Pour ma part, je souhaite l’éviter au maximum. Mieux vaut prévenir que corriger de trop nombreux abus, à l’instar de ceux qu’ont connus certaines collectivités.

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas l’amendement n° 6 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Nous sommes quelques sénateurs dans cet hémicycle à être des élus du Sud. Nous n’avons pas du tout apprécié vos propos, monsieur le ministre. Par conséquent, je vous demande de vous expliquer ou de vous excuser.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Sachez, monsieur Courteau, que je ne vous mets nullement en cause !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

L’article 2 que nous allons examiner dans quelques instants a trait indirectement à la question dont nous débattons. En effet, il vise à donner la possibilité d’augmenter le nombre de sièges prévu par le tableau en portant le taux à 25 %, ce qui augmente ipso facto le nombre de vice-présidents, qui correspond à 20 %, me semble-t-il, du nombre de conseillers communautaires.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Par conséquent, l’article 2 assouplit d’ores et déjà les bornes.

Reconnaissons-le, un certain nombre d’abus existent. Ainsi, dans un département voisin de celui dont je suis l’élu, une communauté d’agglomération dispose de quarante vice-présidents, nombre manifestement excessif.

L’article 2 apporte un assouplissement bienvenu en augmentant à la fois le nombre de délégués et celui de vice-présidents. Il n’est donc pas utile d’aller au-delà.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je suis obligé de vous détromper, monsieur Maurey. Est précisément visée la petite malfaçon de la loi de 2010 que j’ai mentionnée peut-être trop sobrement, d’où cette incompréhension.

Le texte applique le coefficient de 20 %, tout en prévoyant un plafond en valeur absolue de quinze.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Lorsque les membres d’un conseil communautaire sont plus nombreux, ce pourcentage est inapplicable, la limite étant fixée à quinze postes.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Justement, c’est favorable aux intercommunalités !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Pour les intercommunalités comptant jusqu’à 100 000 habitants, nos positions convergent.

La raison qui a conduit la commission à retenir le tableau proposé par M. Collombat est que seules sont concernées par un nombre de vice-présidents supérieur à celui qui est actuellement prévu les agglomérations comprenant une population élevée et de nombreuses communes. Le nombre maximal retenu par notre collègue s’élève à trente et ne vise que les EPCI qui recouvrent un nombre d’habitants supérieur à un million. Reste que, dans ce dernier cas, je ne sais pas si la mesure sera applicable, puisque seraient visées des communautés urbaines ou des métropoles bénéficiant, si je ne me trompe, d’un barème plus élevé.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Si l’on devait assouplir la mesure limitant le nombre de vice-présidents, il serait pertinent de le faire, selon moi, en fonction non pas du nombre d’habitants, mais des compétences exercées par les intercommunalités.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je bats ma coulpe de ne pas avoir déposé un amendement en ce sens.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.

L'amendement n° 24, présenté par MM. Lenoir, Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase du troisième alinéa du III de l’article L. 5211-41-3 du code général des collectivités territoriales sont insérées deux phrases ainsi rédigées :

« Toutefois, lorsque cette restitution porte sur des compétences ni obligatoires, ni optionnelles, ce délai peut être porté à deux ans. Ces compétences ni obligatoires, ni optionnelles peuvent faire l’objet de restitution partielle. »

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cet amendement vise à faciliter la restitution partielle de compétence en matière de compétence facultative en cas de fusion d’EPCI dont l’un au moins est à fiscalité propre.

Il a un double objet.

D’une part, il tend à allonger le délai pendant lequel l’EPCI à fiscalité propre issu de la fusion peut exercer de manière différenciée les compétences facultatives sur son périmètre. Durant cette période, les communes pourront de manière précise définir la partie de la compétence facultative restant au niveau de l’EPCI à fiscalité et celle qui sera appelée à être restituées aux communes.

D’autre part, il vise à établir que la restitution de compétence peut s’opérer de manière partielle en matière de compétence facultative. Cette disposition s’inspire du transfert partiel de compétence prévu par l’article L. 5211-17 du code général des collectivités territoriales pour les compétences facultatives. La part résiduelle de la compétence doit s’appuyer sur une définition objective, ce qui n’est pas exclusif de la détermination d’une liste des établissements ou équipements concernés par le transfert de compétences, à l’instar de ce qui est exigé à l’occasion de la définition de l’intérêt communautaire.

Ainsi, en s’inspirant des transferts partiels de compétences prévus par l’article L. 5211-17 pour les compétences facultatives, cette disposition permettrait de faciliter la fusion d’EPCI à fiscalité dont le degré d’intégration serait différencié.

Par exemple, des communes appartenant à un EPCI à fiscalité propre exerçant la compétence « équipements scolaires » pourraient rejoindre un EPCI à fiscalité propre ne souhaitant pas reprendre la totalité de cette compétence. Une définition adaptée de la compétence facultative restant au sein de l’EPCI à fiscalité permettrait d’éviter, par exemple, la création d’un syndicat ad hoc.

Il s'agit donc ici d’assouplir le dispositif proposé, à la lumière de l’expérience, afin de faciliter le travail des EPCI.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La commission a adopté cet amendement, et M. Hyest vient d’illustrer parfaitement l’esprit dans lequel nous avons travaillé.

Des améliorations peuvent être apportées au dispositif actuel. La question des syndicats recréés du fait de compétences qui n’entrent pas dans une fusion plus large devait être traitée. Dans une première version du texte, nous avions prévu un délai de trois mois pour la restitution aux communes des compétences qui ne seraient pas déléguées à une nouvelle communauté.

MM. Lenoir et Hyest ont raison de vouloir relever à deux ans ce délai pour la restitution des compétences, notamment quand des personnels sont attachés aux communes, car cette procédure peut prendre du temps et justifier des discussions entre municipalités. C'est pourquoi la commission a émis un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Cet amendement de clarification est utile. Avis favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.

L'amendement n° 57, présenté par Mlle Joissains, est ainsi libellé :

Après l’article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l’article L. 5217-4 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour la mise en œuvre de la compétence relative au plan local d'urbanisme, le conseil municipal est le seul compétent pour décider et voter sur les dispositions spécifiques concernant la commune qu'il représente. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

Après les mots : « ne peut excéder de plus de », la fin du deuxième alinéa du I de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigée : « 25 % le nombre de sièges qui serait attribué en application des II à VI du présent article ».

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 37, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L’amendement n° 37 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 21 rectifié, présenté par Mlle Joissains, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

L'avant-dernière phrase du deuxième alinéa du I de l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales est complétée par les mots : «, sauf pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération dont le nombre de communes est supérieur à trente et la population supérieure à 300 000 habitants, pour lesquelles ce pourcentage est porté à 20 % ».

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Collombat, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier et MM. Requier, Tropeano et Vendasi, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La dernière phrase du deuxième alinéa du I de l’article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales est supprimée.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

L’objectif est ici très simple : il s'agit d’aller plus loin que la présente proposition de loi, modifiée par la commission, qui vise à porter à 25 % le nombre de délégués dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération.

Mes chers collègues, vous avez sans doute en tête le dispositif prévu : lorsqu’il y a accord, et pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération, il est possible de surseoir à l’application du tableau. Quand tel n’est pas le cas, et pour les autres types de collectivités, il n’existe aucune possibilité de dérogation.

Mon souhait est de laisser aux communes la possibilité de fixer le nombre de leurs représentants, non seulement pour des raisons de principe, sur lesquelles je ne reviendrai pas, mais aussi pour des motifs pratiques, appuyés sur des exemples concrets. À cet égard, je peux entrer dans le détail des calculs si vous le souhaitez.

Ainsi, dans des communautés qui comptent environ 20 000 habitants et qui sont composées d’une importante ville-centre et de douze, treize, quatorze ou quinze petites communes, ces dernières sont le plus souvent condamnées à n’avoir qu’un seul représentant. C’est parfois une nécessité, notamment quand les communes formant la communauté sont vraiment trop nombreuses. Toutefois, nous pourrions dans certains cas donner à ces municipalités la liberté d’avoir deux représentants, sans pour autant que les conseils communautaires des EPCI soient pléthoriques.

Là encore, je propose de miser sur l’intelligence des communes : celles-ci ne créeront pas des conseils communautaires qui seraient proprement ingérables parce que leurs membres seraient trop nombreux. Il me paraît tout à fait souhaitable de leur laisser la possibilité de s’entendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

La commission s’est interrogée. Si elle a retenu un plafonnement du nombre de conseillers communautaires, même dans le cas d’un accord amiable entre communes, c’est pour une raison simple, qui procède de l’expérience : lorsque les communes se prononcent sur le barème de la représentation, elles le font une par une, séparément, au sein de chaque conseil municipal. Dans ce cas, personne ne se charge véritablement de l’équilibre et de la maniabilité, si j’ose dire, de la future instance délibérante.

Il nous a donc paru qu’il fallait maintenir un plafond, sinon la volonté, même bienveillante, de laisser les communes passer des accords risquerait d’aboutir, sans que personne l’ait vraiment décidé, à la constitution de conseils pléthoriques, ce que leurs propres membres regretteraient ensuite.

La logique de la commission est la suivante : nous le savons tous, la représentation des communes constitue une véritable source de frictions dans la mise en place des nouvelles communautés, du fait du caractère assez rigoureux du tableau législatif qui a été adopté et que la commission n’a pas remis en cause. Pour régler ce problème, il nous a donc paru équilibré et judicieux de prévoir la possibilité d’augmenter au maximum d’un quart, soit 25 %, le nombre des représentants. Si le tableau prévoit quarante sièges, l’EPCI peut en créer jusqu’à cinquante, de manière à faciliter les accords et à éviter que trop de communes ne soient représentées par un seul conseiller.

Par ailleurs, nous avons adopté, sur une large base, des dispositions plus favorables en ce qui concerne la suppléance.

Toutefois, nous avons préféré maintenir un plafond pour le nombre des représentants. C'est pourquoi la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Chacun l’a compris, nous avons déjà doublé tout à l'heure les plafonds pour les vice-présidents. Le texte, tel qu’il nous est proposé ici, vise carrément à supprimer le plafonnement du nombre des délégués dans les intercommunalités.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous imaginez bien que, comme nous sommes déjà défavorables au texte de la proposition de loi issu des travaux de la commission, nous le sommes encore davantage à l’idée de M. Collombat. Celui-ci souhaite systématiquement augmenter les seuils, ou même carrément les supprimer, comme c’est le cas ici. Je ne pense pas que ce soit la voie à suivre.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Tout d'abord, je remarque que, actuellement, il n'existe pas de plafonnement.

Ensuite, j’observe que le nombre des représentants n’est pas fixé par les communes prises individuellement, mais au moment de la discussion des statuts. Nous savons, pour être ici un certain nombre à avoir participé à ces réunions, qu’il s'agit d’une sacrée partie de plaisir ! La nécessité de ne pas créer des conseils trop nombreux, qui, du coup, deviendraient ingérables, est donc bien prise en compte.

Par ailleurs, monsieur le ministre, vous trouvez anormal que des conseils d’EPCI soient trop importants. Toutefois, je vous ferai remarquer, car ce point me revient soudain en mémoire, que, aux termes de la loi de réforme des collectivités territoriales, la région de Provence-Alpes-Côte d’Azur comptera 226 conseillers territoriaux. Or cela vous paraît tout à fait normal et parfaitement gérable !

Je le maintiens : il faut laisser aux collectivités la possibilité de fixer le nombre de leurs représentants quand elles trouvent un accord, d’autant plus que le tableau est extrêmement défavorable aux petites collectivités ; je n’entrerai pas dans les détails, mais c’est une vérité.

Je le répète, là où un accord est possible, laissons les gens s’entendre entre eux.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cette question, elle aussi, a déjà été longuement discutée. M. Collombat avait déjà déposé des amendements similaires. Il est normal qu’il soit persévérant, mais je crois que nous avions trouvé un équilibre.

Pour ma part, je suis assez favorable au dispositif de l’article 2. En effet, nous le savons, une bonne représentation des communes facilite les ententes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Pas forcément, mon cher collègue. Je connais une communauté qui compte vingt communes, dont certaines font 5 000 habitants et d’autres 100 seulement. Or son conseil compte autant de représentants qu’il y a de communes. Cette répartition s’est faite naturellement, par entente, et le système fonctionne.

Certes, nous devons laisser un peu de souplesse – en cas d’entente, bien sûr, sinon il faut appliquer un barème –, comme le prévoit d'ailleurs l’article 2. À la réflexion, et après avoir observé récemment de nombreuses constitutions de communautés, je trouve cette dernière disposition tout à fait pertinente. En effet, on affirme souvent que les schémas de cohérence territoriale ne fonctionnent pas, mais, dans certains départements, il n’en est rien.

Dans le département dont je suis l’élu, le problème vient de deux municipalités communistes – comme par hasard ! –, qui n’ont jamais voulu pratiquer l’intercommunalité. §Eh oui, c’est paradoxal, mais c’est ainsi ! On nous chante la coopération, et on choisit le chacun pour soi…

Je considère que le dispositif de l’article 2 est tout à fait raisonnable. Je voterai donc contre l’amendement n° 4 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je tiens à rappeler que le dispositif précis que nous sommes en train de modifier a été adopté, si je ne m’abuse, à la quasi-unanimité des membres de cet hémicycle – seul le groupe CRC-SPG ne l’avait pas voté, me semble-t-il –, pour la simple raison que le groupe de l’UMP et le groupe socialiste défendaient des amendements identiques, et pour cause, puisque ces dispositions émanaient l’une et l’autre de la même source, à savoir l’Association des maires de France.

Je rappelle ces faits sous le contrôle de M. Hyest, qui a les vécus de manière beaucoup plus active que moi : nous sommes passés d’un dispositif proposé par le Gouvernement, qui était très strict et exigeait le respect absolu d’un tableau, à un mécanisme favorisant les accords et instituant une prime de 20 % de conseillers supplémentaires en cas d’entente.

M. Jean-Jacques Hyest acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur Collombat, vous avez pris l’exemple de communautés de communes composées d’une ville-centre et de nombreuses petites communes. Je vis une telle situation dans la communauté de communes dont je suis le président. Or, au sein du conseil, un grand nombre de communes n’ont qu’un délégué, et ce mécanisme fonctionne très bien, à une seule condition : il faut que des suppléants soient prévus. C'est pourquoi, et cette remarque fera le lien avec les dispositions de l’article suivant, le groupe de l’UCR, dès la première lecture du projet de loi, dans le texte présenté alors, avait déposé un amendement visant à créer des suppléants aux conseillers communautaires. Pour la petite histoire, c’est finalement l’amendement de M. Charasse qui avait été retenu. D'ailleurs, il était plus restrictif que le nôtre, qui visait à instituer des suppléants quel que soit le nombre de conseillers communautaires.

Je le répète, ce mécanisme peut tout à fait fonctionner, à condition que des suppléants soient prévus. De ce point de vue, les dispositions de l’article 3 – pardonnez-moi, monsieur le rapporteur, de les évoquer dès maintenant, mais cela m’évitera peut-être de reprendre la parole ensuite – vont dans le bon sens en renforçant les pouvoirs des suppléants.

Puisque j’évoque l’article 3, j’ajouterai qu’un élément me fait quelque peu sourire : dans la version du texte qui est proposée, on revient sur la parité qui avait été instaurée sur ce point dans la loi du 16 décembre 2010. Chers collègues de la majorité sénatoriale, je croyais que la gauche était plus vigilante que la droite et le centre sur ces questions, et voilà que vous supprimez la parité dans les règles de suppléance !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Monsieur le président, il est deux heures quinze du matin et nous n’en sommes qu’à l’article 2. J’aimerais donc obtenir des précisions sur le déroulement de nos travaux.

La discussion de cette proposition de loi a commencé hier, elle se continue aujourd’hui et je croyais avoir compris que nous devions poursuivre demain.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

En tout cas, il est impossible que nous terminions dans la nuit, ou bien il ne restera que cinq sénateurs dans l’hémicycle au moment du vote sur l’ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

M. le président. Je pense que nous pouvons, je n’ose dire « raisonnablement », achever l’examen de la proposition de loi cette nuit.

Exclamations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Nous devrions terminer vers quatre heures au plus tard.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

M. Bel ne veut pas qu’on travaille la nuit !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme Catherine Troendle. C’est inadmissible ! Je demande une suspension de séance !

Mmes Nathalie Goulet et Jacqueline Gourault protestent.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Est-ce raisonnable, ma chère collègue ?

La parole est à M. le président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, je n’avais pas demandé la parole, mais puisque vous me la donnez – vous aurez d’ailleurs remarqué que je n’abuse pas de ce droit ce soir, mes chers collègues –, je tiens à dire que le débat se poursuit dans un excellent climat, caractérisé par une bonne écoute réciproque.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Madame Troendle, comme beaucoup d’entre nous, je siège depuis un certain nombre d’années dans cet hémicycle, et j’ai vu de très nombreux débats se terminer à une heure tardive.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pour ma part, j’ai eu grand plaisir à participer à de nombreux débats jusqu’à une heure avancée.

La conférence des présidents, dans sa sagesse, a prévu que la séance se poursuivrait durant la nuit.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Vous croyez que ces conditions de travail incitent les jeunes femmes à venir siéger ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

J’estime que notre débat se déroule dans un bon climat. Il me semble donc positif de le continuer à ce rythme.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je rappelle que la séance de vendredi est éventuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Elle n’est pas de droit, ma chère collègue.

Nous reprenons donc l’examen de la proposition de loi.

Le second alinéa de l’article L. 5211-6 du même code est ainsi rédigé :

« Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, lorsqu’une commune ne dispose que d’un seul délégué, elle désigne dans les mêmes conditions un délégué suppléant qui participe avec voix délibérative aux réunions de l’organe délibérant en cas d’absence du délégué titulaire et dès lors que ce dernier en a avisé le président de l’établissement public. Les convocations aux réunions de l’organe délibérant, ainsi que les documents annexés à cette convocation, sont adressés au délégué suppléant. »

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Catherine Troendle, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je le répète, nos conditions de travail, qui diffèrent de celles des autres parlements européens, n’encouragent pas les jeunes femmes à siéger au Sénat ou à l’Assemblée nationale. Plusieurs de nos collègues, notamment au sein du groupe de l’UMP, ont de jeunes enfants, qu’elles devront accompagner à l’école tout à l'heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Cette façon de faire est inadmissible et ne permet pas de légiférer de manière sereine. Elle ne favorise pas non plus la parité dans notre assemblée.

J’en viens à l’article 3.

Il est tout à fait normal que les communes puissent être représentées. C’est pourquoi lorsqu’une commune ne possède qu’un unique délégué, celui-ci doit pouvoir être remplacé.

La représentation nationale a adopté une position de compromis en admettant que l’élection des délégués au suffrage universel n’est pas incompatible avec la présence de suppléants. Cette présence paraît nécessaire à certains d’entre nous. En effet, dans les cas exceptionnels où le délégué titulaire d’une petite commune ne pourrait se rendre à une réunion importante pour sa commune, il faut qu’il puisse être remplacé par un suppléant représentant le conseil municipal.

Je rappelle que c’est déjà possible, grâce à la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales : « Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, lorsqu’une commune ne dispose que d’un seul délégué, elle désigne dans les mêmes conditions un délégué suppléant qui peut participer avec voix délibérative aux réunions de l’organe délibérant en cas d’absence du délégué titulaire et si celui-ci n’a pas donné procuration à un autre délégué. »

Je souhaite faire trois remarques.

La première est relative au texte même de l’article 3, qui exclut les communautés urbaines ainsi que les métropoles de demain. Comment se fait-il que celles-ci ne soient pas concernées ?

Ma deuxième remarque porte sur les difficultés pratiques que ferait naître l’adoption de cet article. Dans les grandes communautés, dont certaines comportent une majorité de communes n’ayant qu’un seul représentant, les organes délibérants deviendraient de véritables auberges espagnoles, selon l’expression que nous avions employée lors de l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales. Cela rendra la gestion des grandes agglomérations extrêmement difficile, puisque la composition de l’organe délibérant ne sera jamais la même.

Cette disposition va à l’encontre des objectifs de la réforme des collectivités territoriales, qui visait à conforter les élus locaux, notamment en dotant les élus des départements et des régions de compétences plus nombreuses, afin qu’ils soient plus légitimes et plus écoutés.

Dans la mesure où nos concitoyens perçoivent mal, voire pas du tout, l’ampleur et l’importance des politiques départementales et où l’on constate une méconnaissance du travail réalisé par les élus locaux, il faut introduire de la lisibilité et renforcer le lien qui unit nos concitoyens à leurs élus de proximité. Tel ne sera certainement pas la conséquence de l’adoption de cet article !

Enfin, ma troisième remarque est que cet article tend à supprimer le dispositif qui garantit aujourd’hui une représentation, avec voix délibérative, des communes déléguées au sein des conseils communautaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 38, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Pour être franc, cet article me surprend quelque peu. En effet, lors de l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, nous avions convenu que le suppléant pourrait siéger dès lors que le maire n’avait pas donné procuration à un autre délégué.

Ne parlons pas d’un système de « représentants à éclipses », ni d’un manque de continuité. À l’époque, nous étions tous d’accord sur ce point !

Il est normal que le maire qui ne peut pas se rendre à une délibération qui porte sur la commune qu’il représente envoie l’un de ses adjoints. Or on nous propose aujourd'hui de privilégier le suppléant par rapport au conseil communautaire. Je ne comprends pas cette évolution. Pourquoi revenir sur ce qui faisait consensus entre nous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Il s’agit d’un débat qui porte sur des points importants : quelle est la source de la légitimité des membres d’une instance communautaire, qui demeure intercommunale ?

Nous discutons d’un point relativement précis, à savoir l’ordre de suppléance de l’unique délégué d’une commune qui ne peut assister à une réunion de l’organe délibérant communautaire. La loi donne aujourd'hui la priorité aux collègues du conseiller municipal titulaire.

Il nous semble, à la lumière de notre expérience de terrain – nous avons tous entendu la même chose –, que la question de la représentation unique des communes constitue un frein à la réalisation de communautés élargies ou fusionnées.

L’intercommunalité est encore en construction et, je me permets de le répéter, c’est l’existence de situations problématiques ou conflictuelles qui explique l’inachèvement de la carte intercommunale ; nous le savons tous. Les fusions constitueront une étape difficile, car on va changer d’échelle.

C'est pourquoi, même si les arguments présentés par Mme Troendle et M. Hyest sont parfaitement recevables, la commission a estimé qu’il fallait donner la priorité non à la représentation par un collègue d’une commune voisine, comme c’est le cas actuellement, mais à la représentation par le suppléant.

La seule autre modification que nous avons introduite vise à garantir une certaine stabilité dans le travail de l’organe délibérant communautaire, en prévoyant que les suppléants recevront régulièrement la documentation relative à ce travail, même lorsqu’ils ne sont pas appelés à siéger.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Certes, mais ce n’est pas inscrit dans la loi. Nous voulons instaurer cette garantie afin que le suppléant soit en mesure de participer utilement aux délibérations en représentant bien sa commune.

Il existe donc une divergence entre nous sur ce point. Toutefois, vous pouvez admettre que la commission s’est efforcée de faire du bon travail, dans une ambiance pluraliste, pour régler ce petit problème.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Le Gouvernement est favorable à l’amendement de Jean-Jacques Hyest.

Le droit en vigueur prévoit non seulement l’existence d’un suppléant, mais aussi la possibilité pour le titulaire de lui déléguer son vote. Ainsi, l’article L. 5211-6 du code général des collectivités territoriales dispose : « Dans les communautés de communes et les communautés d’agglomération, lorsqu’une commune ne dispose que d’un seul délégué, elle désigne dans les mêmes conditions un délégué suppléant qui peut participer avec voix délibérative aux réunions de l’organe délibérant en cas d’absence du délégué titulaire et si celui-ci n’a pas donné procuration à un autre délégué. »

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Cela signifie que le droit en vigueur permet au suppléant de voter à la place du titulaire.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Je ne comprends pas pourquoi vous voulez interdire au titulaire d’attribuer sa délégation de vote à un autre membre de la communauté de communes. Le droit existant me semble bien plus intéressant, car il laisse le choix au titulaire.

Jean-Jacques Hyest propose simplement de s’en tenir au droit en vigueur, qui, me semble-t-il, répond déjà aux demandes qui ont été formulées.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Peut-être cela n’avait-il pas été suffisamment explicité.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 59, présenté par M. Richard, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après les mots :

même code

insérer les mots :

, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Il s’agit d’une précision rédactionnelle : dans un souci de clarté, la commission a souhaité qu’il soit explicitement fait référence à la loi du 16 décembre 2010.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

L'amendement est adopté.

L'article 3 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 25, présenté par MM. P. Leroy et Lecerf, Mme Sittler et MM. B. Fournier, Lefèvre, Billard, Chatillon, Dulait, J.P. Fournier, Huré, du Luart et Portelli, est ainsi rédigé :

Après l'article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la première phrase du premier alinéa de l’article L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« La demande de retrait de l’établissement public de coopération intercommunale ne peut être effectuée qu’une fois par année civile. »

Cet amendement n’est pas soutenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

J’en reprends le texte, au nom de la commission, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Il s’agit donc de l’amendement n° 71, présenté par M. A. Richard, au nom de la commission, et dont le libellé est strictement identique à celui de l’amendement n° 25.

La parole est à M. le rapporteur, pour le défendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Philippe Leroy et Jean-René Lecerf nous avaient convaincus de la pertinence de leur proposition, et, en leur absence, il me paraît judicieux de reprendre leur amendement non soutenu.

Si une commune fait une demande de retrait de la communauté de communes et que les autres communes laissent passer un délai de trois mois, ces dernières sont réputées avoir donné un avis favorable.

L’expérience pratique montre qu’il peut se produire, en cas de conflit, que des communes fassent des demandes de retrait répétées dans l’espoir qu’un jour, du simple fait de l’inattention des autres communes, le retrait soit adopté.

L’amendement n° 71 vise donc à limiter à une par année civile les demandes de retrait d’un EPCI de manière à éviter les situations de harcèlement, ce qui laisse largement aux communes la possibilité d’exercer leur liberté de demander la reconsidération de leur position au sein d’une communauté de communes en conflit. Formuler des demandes plus souvent serait au contraire, me semble-t-il, un abus de droit de leur part.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Todeschini

Personnellement, je suis totalement défavorable à cet amendement qui répond à des préoccupations purement locales sans aucun rapport avec la réforme.

M. Philippe Leroy, lorsqu’il était président du conseil général de Moselle, a imposé une communauté de communes sur quatre cantons, regroupant 128 communes, avec une gouvernance impossible de 150 personnes. La préfète de l’époque a été obligée d’accepter. Est arrivée la restructuration militaire, suivie de l’éclatement de la droite mosellane. Il s’agit purement et simplement d’un problème au sein de celle-ci ! §Les communes de cette communauté de communes ne peuvent plus vivre ensemble et M. Leroy, qui avait déjà déposé une proposition de loi allant dans le même sens que cet amendement, « raccroche » maintenant celui-ci à la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui pour résoudre un problème local que la commission départementale de coopération intercommunale ne peut pas régler.

Nous avons mandaté en CDCI la sous-préfète de Château-Salins pour faire une expertise, et c’est bien là l’objet de cet amendement. Je peux vous assurer, mes chers collègues, que ce dernier n’a rien à voir avec la réforme ! Vous allez donner l’opportunité à M. Leroy d’empêcher le travail dont la sous-préfète a été chargée par la CDCI ! Je vous demande donc de ne pas voter ce texte de circonstance, car, en Moselle, nous ne savons plus quoi faire de cette intercommunalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Nous avons exactement le même cas dans l’Orne.

La demande réitérée par année civile pose un autre problème. Nous sommes dans le cadre de l’élaboration de la nouvelle carte de l’intercommunalité, et il faut de toute façon que la commune demandant son retrait puisse se rattacher à une autre intercommunalité. Le problème du retrait ne se pose pas du tout de la même façon depuis que nous sommes dans le cadre de la refonte de l’intercommunalité.

Cet amendement me paraît en conséquence très délicat à mettre en œuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Nos deux collègues mentionnent là un aspect de la vie politique locale tout à fait concret, et leurs considérations doivent être respectées.

Je n’ai pas voulu développer le sujet pour ne pas compliquer le débat, mais la question est en fait plus large : monsieur le ministre, il n’existe pas de lieu d’arbitrage des conflits d’intercommunalité.

Personnellement, je réfléchis actuellement à une proposition de loi visant à donner ce rôle à la CDCI, car celle-ci est permanente et est composée d’une manière équilibrée. Ma modeste expérience personnelle de président d’une petite commission de conciliation en matière d’urbanisme – cela renvoie d’ailleurs à un texte de 1983, donc très ancien déjà, que j’avais moi-même rapporté – m’a en effet démontré que ce type d’instance pouvait régler certains problèmes.

À l’inverse, force est de constater que les membres du corps préfectoral ne sont pas toujours aux avant-postes pour régler les conflits internes des intercommunalités, ce qui n’a rien d’étonnant puisqu’il y a évidemment quelques coups à prendre. Or, aucune autre instance n’est chargée de régler ces conflits.

Pour autant, madame Goulet, monsieur Todeschini, la bonne solution, pour une commune confrontée à un problème d’intercommunalité, est-elle de réitérer une demande de retrait tous les deux mois ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je ne suis effectivement pas sûr que ce soit le bon outil. Dans cette mesure, l’amendement dont nous débattons, qui avait convaincu la commission des lois, tout en n’interdisant pas qu’un problème soit exprimé au sein de l’intercommunalité, tend au moins à éviter qu’une commune n’utilise ce moyen de procédure pour tenter d’accélérer les choses en comptant sur un oubli pour les voir aboutir.

Cela étant dit, comme je constate que le sujet est controversé et que les auteurs de l’amendement initial ne sont pas là, je suis tout à fait d’accord pour que l’on diffère la discussion à une autre occasion, et je retire donc l’amendement n° 71.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Autrement dit, nous ne reprenons plus l’amendement de nos collègues !

Souriressur les travées du groupe socialiste-EELV.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Nous, nous essayons de nous écouter les uns les autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Eh oui, un débat ne se résume pas à des braillements !

Le III de l’article L. 5210-1-1 du même code est ainsi modifié :

1° Après les mots : « peut être abaissé », la fin du 1° est ainsi rédigée : « par la commission départementale de la coopération intercommunale, par une délibération motivée, lorsqu’elle adopte la proposition finale, pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces ; »

2° Le 4° est ainsi rédigé :

« 4° La suppression des syndicats de communes et des syndicats mixtes ou la modification de leur périmètre quand les compétences qui leur ont été transférées peuvent être exercées par des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont les périmètres et les compétences ont été définis ; »

3° Le 5° est supprimé.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Bordier

Cet article donne à la commission départementale de la coopération intercommunale la faculté de déroger au seuil de 5 000 habitants pour la création d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Je souhaiterais rappeler dans quel esprit nous avons voté et pourquoi nous l’avons fait.

Nous avons laissé les élus locaux depuis de nombreuses années dessiner la carte de l’intercommunalité. Nous constatons que, de cette situation, ont découlé de nombreux périmètres relativement fantaisistes.

Les intercommunalités n’ont pas toutes été créées sur des territoires forcément pertinents aujourd’hui puisqu’elles l’ont été sur des critères géographiques et/ou économiques susceptibles d’évoluer. Leurs périmètres peuvent dès lors ne plus être adaptés pour répondre à l’objectif d’élaboration de projets communs de développement dans un cadre de solidarité.

Nous faisons tous le constat que le maillage du territoire national par les collectivités locales est trop confus. Trop de périmètres ne correspondent à aucune réalité concrète et ne permettent pas de rationaliser la dépense publique, ce qui est l’un des objectifs de la réforme.

La loi que nous avons votée a fixé un cadre : le seuil minimal de population requis pour créer une structure intercommunale à fiscalité propre est désormais de 5 000 habitants.

Cependant, en l’état de ce que nous avons voté, il n’y a aucun caractère impératif à la création d’intercommunalités d’au moins 5 000 habitants ; il peut en effet être dérogé à cette règle dans deux cas : soit dans les zones de montagne, où seul un territoire immense permettrait d’atteindre le seuil, soit par dérogation du préfet pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces.

Pourquoi nous est-il proposé que la CDCI se substitue au rôle du préfet dans ce dernier cas ?

Nous avons constaté, je l’ai dit, qu’une liberté trop importante laissée aux élus sur ces questions conduisait à la mise en place de cartes de l’intercommunalité fantaisistes. Il n’y a pas lieu ici de stigmatiser les élus ; il s’agit de prendre en compte le fait que les différents atouts dont dispose chaque commune et les divers intérêts que les communes peuvent avoir à se regrouper ne permettent pas de réaliser des regroupements dynamiques pour l’avenir de nos territoires.

Qui mieux que le préfet, représentant de l’État et de l’intérêt général dans le département, peut décider de déroger à la règle des 5 000 habitants pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces ?

Seuls les préfets peuvent assumer ce rôle, et ils savent parfaitement prendre en compte la réalité géographique de leurs territoires pour dynamiser les regroupements.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 39, présenté par M. Hyest et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cet amendement se situe dans la suite de l’intervention de M. Bordier.

Je rappelle tout d’abord que nous concevons avant tout les communautés de communes – et le même esprit guidait d’ailleurs les lois précédentes – comme des bassins de vie ayant pour objectif le développement économique et l’aménagement du territoire, ce qui n’est pas envisageable en dessous d’un certain seuil que nous avons fixé à 5 000 habitants.

Évidemment, nous avons prévu des exceptions, notamment pour les vallées de montagne. Il est normal qu’il y ait des dérogations ; mais si l’on abaisse trop le seuil ou si l’on accepte systématiquement qu’il y soit dérogé, nous allons nous retrouver dans la même situation qu’aujourd'hui.

En effet, pourquoi est-on obligé de refaire la carte de l’intercommunalité alors que 92 % du territoire est déjà couvert ? C’est bien parce que certaines communautés de communes ont été bâties n’importe comment.

Pour ma part, je connais un cas tout simplement scandaleux : la constitution de trois communautés de communes sur un même canton parce que les communes qui bénéficient des ressources de l’aéroport de Roissy ne veulent pas les partager avec les autres !

Dans de tel cas, il faut bien que le préfet intervienne, car la CDCI suivra, mais elle ne proposera jamais. On entre d’ailleurs là dans le débat sur l’article 5. Peut-être certains sont-ils d’accord pour que l’on fasse de la CDCI non plus une instance d’avis mais une instance décisionnelle ; en tout cas, pour ma part, je ne crois absolument pas qu’une commission prendrait des décisions.

Il faudrait donc une autre structure. M. le rapporteur évoquait les commissions de concertation : concertation, d’accord, mais la commission ne décide pas ; elle propose, elle délibère, elle tente d’aplanir les désaccords.

Je peux dire que, avec le préfet, les choses se passent généralement bien, et qu’il en va ainsi dans beaucoup de départements. Si la décision est laissée à une commission, la carte de l’intercommunalité va continuer à être assez baroque et elle ne sera certainement efficace ni pour mieux mutualiser les moyens ni pour donner aux communautés de communes – le problème ne se pose pas pour les communautés d’agglomération et les communautés urbaines – un vrai pouvoir en matière de développement local.

Ce dernier aspect me paraît fondamental, et c’est pourquoi je ne peux pas être favorable à l’abaissement systématique du seuil en fonction de critères qui conviendraient à certains et pas à d’autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je souhaiterais que nous restions concentrés sur chaque sujet : n’anticipons pas la discussion de l’article 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Mon cher collègue, je m’efforce de vous donner un argument en respectant parfaitement votre raisonnement.

Honnêtement, sur cette affaire de taille des communautés de communes, les esprits ont évolué, comme nous le constatons dans nombre de départements. À ce propos d’ailleurs, si le Gouvernement nous faisait la faveur de nous transmettre une synthèse des rapports qu’il reçoit des préfets, cela nous aiderait à mieux apprécier encore l’état du débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Quoi qu’il en soit, nous voyons bien que l’idée d’élargir les périmètres progresse. De ce fait, nous sommes nombreux à ne pas partager l’approche un peu désabusée de M. Hyest sur les limites de la collégialité et le rôle que peuvent tenir les CDCI.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Dans toute une série d’instances, à commencer par celle dans laquelle nous siégeons actuellement, la collégialité permet aussi d’arriver à des décisions.

Nous fixons un cadre strict, puisque le seuil de 5 000 habitants est maintenu, la possibilité d’y déroger étant aujourd'hui confiée à la CDCI statuant à la majorité des deux tiers et devant motiver sa décision.

Reconnaissez que nous essayons de légiférer pour la France entière : il y a une exception fondée sur un critère objectif, à savoir les zones de montagne, qui sont hors débat puisque classées comme telles, et une possibilité de dérogation tenant aux particularités géographiques.

Laissez-moi vous rendre attentifs au fait qu’il existe différentes particularités géographiques. On trouve ailleurs qu’en montagne des zones très peu peuplées à la population extrêmement dispersée. Nous sommes alors face à une contradiction dont tous les départements nous font part : seuil de population critique pour permettre la mutualisation versus extension géographique qui rompt la solidarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On a déjà discuté de tout cela pendant des heures !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

J'écoute avec la plus grande patience et le plus grand respect vos raisonnements ; je vous prie de faire de même lorsque j’expose un autre point de vue.

Ces particularités géographiques peuvent donner lieu à des dérogations. La CDCI statuant collégialement est aussi apte à prendre en compte ces spécificités que le représentant de l'État qui, par ailleurs, préside cette instance. Sa connaissance du terrain le lui permet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je souhaite simplement ajouter quelques précisions à ce qu’a excellemment exposé le rapporteur à la suite des remarques formulées par Jean-Jacques Hyest.

Sur ce sujet, il faut faire preuve d’ouverture. Je ne crois pas que le préfet possède toujours la vérité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il est vrai que le préfet est fondé à prendre un certain nombre de décisions. La loi précise ce qui relève de son autorité et ce qui ressortit à la compétence de la CDCI. Cette dernière est une assemblée d’élus.

Monsieur Hyest, j’ai cru devoir intervenir, car, si l’on poussait votre raisonnement jusqu’au bout, on pourrait aboutir à la conclusion que les assemblées d’élus n’ont pas légitimité à prendre des décisions. Ce serait absurde !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Ne demandez pas aux élus de faire des choses qui déplaisent à leurs copains !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous soulevez là un problème fondamental pour notre démocratie ! Considérer que les collégialités d'élus ne sont pas susceptibles de dégager l'intérêt général et n’ont d’autre cesse que de faire plaisir à leurs copains, pour reprendre votre expression, c’est remettre en cause les fondements mêmes de notre démocratie.

De quoi s'agit-il ? Des dérogations sont possibles, elles doivent être motivées. Dans sa rédaction actuelle, la loi accorde cette prérogative aux préfets. Or nous jugeons préférable qu’elle soit confiée à la collégialité de la CDCI. C'est un choix différent.

Je fais remarquer que, au cours des nombreux mois que nous avons consacrés à la discussion de ce texte, nous avons toujours arbitré dans un sens ou dans un autre. On sait le rôle éminent que joue le représentant de l'État ; on sait aussi que la collégialité des élus a une tâche à accomplir et a toute légitimité pour le faire. Par conséquent, la nouvelle disposition prévue à l'article 4 semble logique.

Gageons que les élus des CDCI feront preuve de sagesse. Ils refuseront les communautés de communes de quelques centaines d'habitants, car cela n’a pas de sens, sauf dans les zones de montagne. De même, ils pourront statuer dans le cas où, à 200 ou à 300 habitants près, on est au-dessus ou en dessous du seuil des 5 000 habitants et si des conditions particulières le justifient.

Il me paraît essentiel de ne pas jeter le discrédit sur la collégialité des élus en sous-entendant que, sur un sujet comme celui-là, ceux-ci seraient incapables de délibérer valablement dans le sens de l'intérêt général.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Monsieur le rapporteur, vous avez raison : les esprits évoluent et les choses changent. Je n’ai eu de cesse de le répéter à cette tribune depuis que nous débattons de la réforme des collectivités territoriales. On me rétorque que je raconte n’importe quoi. Pourtant, cette réforme a bien modifié l'attitude et l'approche des élus.

Il nous reste maintenant deux mois pour continuer à travailler sereinement sur l'intercommunalité. C'est la raison pour laquelle je déplore ces débats permanents qui donnent le sentiment que tout sera remis à plat et qu'il faudra repartir de zéro. Accompagnons les élus pour que, partout où ça marche, on puisse mener ce projet à bien.

C'est dans ce seul but que j'agis ; je ne fais pas d’opposition systématique. Les mentalités ont changé, souvent beaucoup plus que l'on ne l'imagine. Bien sûr, les élus sont inquiets, ils s'interrogent et ils nous le font savoir ! Apportons-leur des réponses.

Sur ce sujet très particulier, comment cela se passe-t-il très concrètement ? Nous le savons par les préfets et les élus qui sont sur le terrain. Le principe de base est le suivant : le préfet élabore un projet de schéma qui est ensuite mis en débat. Par exemple, il aura prévu de maintenir ou de baisser légèrement le seuil de 5 000 habitants ;…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Pas sur ce point-là ! Pas sur le seuil de 5 000 habitants !

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

... la commission départementale en discute et, le cas échéant, se prononce par un vote sur cette proposition.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Bien sûr que si !

Quand le préfet élabore un projet de schéma, il connaît le contour des intercommunalités et sait si l’on est au-dessus ou en dessous du seuil des 5 000 habitants. Les élus votent nécessairement sur ce point, puisqu'ils émettent leur avis sur ce projet.

Les préfets peuvent donc modifier le seuil. La loi les y autorise, mais elle les oblige également à tenir compte des préconisations et remarques des CDCI, puisqu’un vote à la majorité des deux tiers est prévu. Nous voulons que les préfets tiennent compte en amont de l’avis exprimé par les commissions départementales. Voilà la réalité ! Très franchement, c'est ainsi que cela se passe déjà et c'est ce que nous demandons.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Monsieur le rapporteur, si j'ai bien compris, vous souhaitez que l’on aille au-delà de nos divergences politiques. Pour ma part, je décris une réalité.

Aujourd'hui, on tient compte de l'avis des élus, y compris celui qu'ils ont exprimé par le vote. Mais c'est le préfet qui prend la décision finale, c’est la seule différence. À mes yeux, cette démarche est la bonne : le préfet a été force de proposition, la commission débat, délibère et le préfet arrête en dernier ressort.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

À ce stade du débat, je tiens à rappeler les conditions dans lesquelles se sont élaborées les CDCI.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez avoir totalement oublié le nombre de relances nécessaires pour obtenir le décret d'application relatif à la composition et au fonctionnement de la commission départementale de la coopération intercommunale. Je ne crois pas me tromper en soulignant que l’extrême complexité des modes d’élaboration des commissions et la publication tardive du décret d'application ont eu comme conséquence que, dans la majorité des cas, les CDCI ont été élues sur la base d'une liste unique des maires ; le nombre de départements dans lesquels plusieurs listes ont été déposées est très faible.

Il faut faire confiance à l'intelligence territoriale ; c'est un sujet que nous connaissons bien dans cette assemblée. Le fait de redonner le pouvoir à la commission me semble très important, d’un point de vue psychologique, pour faire progresser ce dossier. En effet, dans le cadre du projet de schéma, tel qu'il a été élaboré depuis le 16 avril dernier, les préfets ont soit accordé, soit refusé des dérogations. Or cette faculté doit être confiée à la CDCI. En effet, ces décisions seront mieux comprises des élus si elles émanent de leurs pairs plutôt que de l'autorité administrative ; sinon, elles seront toujours entachées de suspicion.

Par conséquent, je suis extrêmement favorable à cet article. C'est la raison pour laquelle je ne voterai pas l'amendement n° 39.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Je tiens à préciser que le décret d'application a été publié dans un délai d'environ un mois. C’est plutôt rapide, même si je sais que l’on peut toujours faire mieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Philippe Bas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. le rapporteur a raison de dire que la question de principe du transfert des compétences du préfet à la commission départementale se posera surtout aux articles suivants.

La question se pose alors : à quoi sert l'article 4 ? S’il a pour objet de faciliter les dérogations, c'est à mon avis rendre un mauvais service aux communes et aux intercommunalités. Je ne pense pas que l'on puisse postuler que ce sera nécessairement le cas, car il faut bien voir que la commission départementale se caractérise plus pas sa diversité que par son homogénéité. Elle est constituée de collèges différents, et c'est d'ailleurs le préfet, qui joue un grand rôle dans la constitution de la CDCI, qui assure la répartition entre les collèges.

On peut se demander ce que la commission départementale pourrait faire d’un tel pouvoir, s’il lui était confié. Bien plus, d'où viendraient les éléments objectifs de sa décision, sinon du préfet qui, aujourd'hui, détient cette faculté de délivrer des dérogations ?

En quoi le changement prévu ici facilitera-t-il le développement de l'intercommunalité ? Si notre travail doit avoir un sens, c'est en fonction de la réponse que nous pouvons apporter à ce type de questions. En ce qui me concerne, je l’avoue, je ne peux qu'exprimer un sentiment de perplexité sur ce point.

Si l'idée est d'aller au-delà des dérogations permises pour les zones de montagne, l’article 4 est dépourvu d'objet. En effet, la rédaction actuelle du 1° du III de l’article L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales prévoit bien que « ce seuil peut être abaissé [...] pour tenir compte des caractéristiques géographiques particulières de certains espaces ». Or c’est exactement la formulation retenue par la proposition de loi. Cela ne nous avance donc pas à grand-chose.

C'est la raison pour laquelle je voterai l'excellent amendement de M. Jean-Jacques Hyest.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Je mets aux voix l'amendement n° 39.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que l'avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici le résultat du scrutin n° 17 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 5 rectifié, présenté par MM. Collombat, Bertrand, C. Bourquin et Collin, Mme Escoffier et MM. Requier, Tropeano et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Le 1° est abrogé ;

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

En préambule, je souhaite réaffirmer deux principes. Tout d’abord, la coopération intercommunale est l’affaire des communes, avant d’être celle des préfets. Par ailleurs, le schéma est essentiellement élaboré par la CDCI, et il est appliqué. Il ne peut donc y avoir des intercommunalités complètement aberrantes.

J’en viens maintenant à l’objet de mon amendement. Ce dernier vise à supprimer le seuil démographique de 5 000 habitants prévu pour la constitution d’EPCI à fiscalité propre. À cet égard, je rappelle – mais mes collègues s’en souviennent certainement – que, en 2010, lors de la première lecture du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, une telle disposition avait été adoptée par la commission des lois, ce qui prouve qu’elle n’est pas complètement loufoque. En tout cas, je la reprends.

Je souhaite simplement m’attarder sur la seule objection me paraissant importante, soulevée notamment par le président Hyest et portant sur les compétences des communautés de communes et des communautés d’agglomération. Les textes précisent que ces intercommunalités ont « pour objet d’associer des communes au sein d’un espace de solidarité, en vue de l’élaboration d’un projet commun de développement et d’aménagement de l’espace ».

On m’objecte qu’une trop petite taille serait un obstacle à l’exercice efficient de toute compétence. Certes, mais, en l’absence d’espace de solidarité, rien non plus ne pourra être fait. §Mais oui, mon cher collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

À mon sens, un tel espace peut exister, en montagne notamment, même si les communautés humaines sont distantes de plusieurs kilomètres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Quelle distance ? Dix kilomètres ? Vingt kilomètres ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Écoutez, mon cher collègue, je reviendrai sur ce point, qui me semble important. Mais là, le temps me manque.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Mes chers collègues, si vous pouviez éviter les interruptions à cette heure tardive !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Pour conclure, je dirai que la suppression de ce seuil, dans la mesure où la décision sur le schéma appartient in fine à la CDCI, qui, par principe, ne fera pas n’importe quoi, est une solution de sagesse. Je le répète, cette position avait été retenue par la commission des lois à l’occasion de la première lecture du projet de loi portant réforme des collectivités territoriales, voté en 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

L'amendement n° 12 rectifié bis, présenté par MM. Maurey et Deneux et Mmes Goy-Chavent et Morin-Desailly, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Après les mots : « peut être abaissé », la fin du 1° est ainsi rédigée : « à 4500 habitants par la commission départementale de la coopération intercommunale, par une délibération motivée, lorsqu'elle adopte la proposition finale, pour tenir compte des caractéristiques particulières de certains espaces ;

La parole est à M. Hervé Maurey.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

La question du seuil a fait l’objet de débats importants, puisque, en première lecture du projet de loi portant réforme des collectivités territoriales, le Sénat avait fixé le seuil à 3 000 habitants. Puis l’Assemblée nationale l’a relevé à 5 000 habitants. En deuxième lecture, le débat a repris, Nathalie Goulet ayant proposé à nouveau la suppression du seuil. C’est d’ailleurs à cette occasion que Michel Mercier, alors ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire, avait bien insisté sur le fait que ce seuil était non pas impératif, mais indicatif.

Il importe de rappeler ce point, car certains préfets manient brutalement le couperet en contraignant à fusionner des communautés de communes qui comportent 4 800 ou 4 900 habitants ; tel fut notamment le cas dans mon département, l’Eure.

Le texte de la commission propose que la CDCI puisse déroger à ce seuil de 5 000 habitants, pour tenir compte de caractéristiques géographiques particulières de certains espaces.

Mon amendement vise à proposer une double modification. Tout d’abord, la décision ne doit pas seulement reposer sur un critère géographique, mais doit prendre aussi en compte les autres critères fixés par la loi elle-même, à savoir la cohérence spatiale, la notion de bassin de vie ou la solidarité financière. Par ailleurs, je suggère également, pour éviter des excès et qu’on ne se retrouve effectivement avec des communautés de communes beaucoup trop petites, que cette possibilité de déroger soit limitée à la fourchette 4 500/5 000 habitants.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Nous sommes vraiment là dans les réalités de terrain, et l’on sent que les opinions sont tranchées et diverses.

La commission a été convaincue – et je crois que c’est le sentiment d’une majorité de sénateurs – de la nécessité de conserver le seuil de 5 000 habitants. Telle est la règle, même si des dérogations sont prévues.

Ensuite, la question est de savoir, en cas de dérogation, quel est le cadre de cette dernière.

Je me permets de revenir un instant sur les rôles respectifs des parties prenantes à l’élaboration du schéma, monsieur le ministre, puisque c’est, me semble-t-il, l’une des petites faiblesses du dispositif de l’article 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales, tel qu’il est rédigé aujourd’hui.

Le projet qui doit être soumis au vote alternatif de la commission ne peut être que le schéma initial du préfet, schéma qui a été présenté aux conseils municipaux. Le préfet ne peut modifier son projet, toute modification devant résulter d’un vote aux deux tiers de la CDCI. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que tous les préfets aient compris la disposition de cette façon…

Je regrette, monsieur le ministre, mais il n’est pas possible, aujourd’hui, pour la CDCI, de changer le seuil de 5 000. Seul le préfet peut le faire. La loi est impérative et rigide sur ce point-là. Nous pensons qu’il vaudrait mieux confier cette possibilité de déroger à la CDCI.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 5 rectifié, car l’abolition de tout plancher démographique constituerait un retour en arrière par rapport à l’idée de mutualisation et de création de communautés ayant une capacité réelle à impulser le développement.

Il nous semble, par ailleurs, que l’amendement n° 12 rectifié bis, qui répond bien à l’idée de respect d’un seuil dimensionnel, risque de se heurter à des réalités de terrain. En effet, il peut y avoir des cas, notamment dans des zones très peu peuplées auxquelles je faisais allusion tout à l’heure – par exemple, dans la région Champagne-Ardenne ou dans le département de la Meuse, où l’on rencontre des situations de sous-densité de population impressionnantes – pour lesquels le critère qu’il souhaite retenir ne serait pas adapté.

Dans le cadre du dialogue qui doit obligatoirement se nouer entre les acteurs – je rappelle que c’est le préfet qui préside la CDCI, et qu’il n’y a donc pas de coupure entre les deux instances –, il faut retenir cette obligation de motiver la dérogation par une particularité géographique pertinente. Mais une fois retenu le principe de la dérogation au seuil de 5 000 habitants, le seuil doit pouvoir être abaissé jusqu’à 4 400, par exemple. La commission émet donc un avis défavorable sur l’amendement n° 12 rectifié bis.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

M. le rapporteur a fait une bonne description des règles posées par la loi adoptée en décembre 2010. La discussion avait été longue sur ce sujet : si le seuil de 3 000 habitants avait été évoqué à un moment donné, c’est le seuil de 5 000 habitants qui avait finalement été retenu, avec une exception pour les zones de montagne. Comme l’avait dit Michel Mercier – Hervé Maurey l’a rappelé –, il s’agit non pas d’un impératif, mais d’un objectif.

Nous avons donc tous les éléments.

Comment le dispositif fonctionne-t-il exactement ? C’est très simple.

Dans un premier temps, le préfet prépare un schéma qui est une base de travail. Il a été expressément demandé à tous les préfets de créer les conditions d’un véritable travail de coproduction : le projet de schéma élaboré par le préfet est présenté à la CDCI et adressé pour avis notamment aux conseils municipaux. L’objectif est d’aboutir à un consensus très large, si possible bien au-delà de la majorité des deux tiers. Puis, en accord avec le préfet, la CDCI vote ce qui s’appliquera in fine. Ce sont donc bien les élus qui décident, y compris les seuils démographiques. Le préfet organise la concertation en amont, puis, une fois que les élus se sont exprimés, prend la décision, notifie et met en œuvre ce qui a été élaboré. Tel le processus de coproduction.

Je remercie M. le rapporteur d’avoir rappelé le droit en vigueur, et je me demande pourquoi on veut le modifier.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Il y a un point de détail sur lequel je veux revenir, puisqu’il a motivé le changement que nous avons souhaité apporter.

Si le préfet a imposé le seuil de 5 000 habitants dans son projet initial, il n’a plus la possibilité de le changer et la CDCI ne peut pas descendre en-dessous. C’est un point de rigidité du texte de 2010 qui vous a peut-être échappé. Le préfet n’a qu’un projet, qui ne peut être modifié que par un vote aux deux tiers de la CDCI. Or, le pouvoir de descendre en dessous du seuil de 5 000 habitants est remis au préfet seul. Il vous manque donc un maillon.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Tout le monde a le droit de se tromper, mais il est préférable de le reconnaître.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Je ne peux pas laisser dire cela ! Je défends le texte ancien, celui que vous voulez changer à tout prix ! J’étais présent, en tant que sénateur, lorsqu’il a été voté.

Si le préfet élabore un schéma initial conforme au seuil de 5 000 habitants – c’est ce que la plupart des préfets ont prévu – et que, au cours du débat avec les élus de la CDCI, on en arrive à un schéma prévoyant un ou deux cas en dessous du seuil de 5 000 habitants, c’est la CDCI qui vote.

Et si la CDCI a proposé de passer au-dessous du seuil, c’est le préfet qui décide de permettre qu’il en soit effectivement ainsi : c’est tout !

Il n’y a donc, sur ce point, aucun problème au regard du respect de la réglementation, de la loi et de l’organisation.

Monsieur le rapporteur, si vous le souhaitez vraiment, nous pouvons continuer à nous donner des chiquenaudes ; c’est tellement amusant…

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

C’est bien pour cela que je vous donne des explications complémentaires et que je veux vous montrer comment le dispositif entre concrètement en application. Tout se passe dans le respect des dispositions qui ont été votées : la loi permet d’agir de la sorte, il est inutile de le nier, car telle est la réalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Il suffit qu’une personne conteste la décision pour qu’elle gagne au tribunal !

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Nous verrons bien…

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Je le répète, tout se fait dans le simple respect des textes.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l’amendement n° 5 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le ministre, lors des lectures du texte que vous avez vous-même qualifié d’« ancien », ce qui me ravit totalement, j’ai lutté pour que le seuil de 5 000 habitants soit supprimé.

À l’usage, l’instauration d’un seuil a tout de même permis d’apporter quelques améliorations. À l’évidence, des petites communautés de communes, placées tout de même sous perfusion, ont fini par retrouver leurs bassins de vie naturels et par se reconstituer autour d’un certain nombre de pôles et de critères beaucoup plus concrets.

En même temps, il est d’autres communautés de communes qui, comptant 4 500 habitants, essayent désespérément de grossir et se livrent à un véritable mercato pour attirer les communes environnantes.

De mon point de vue, le dispositif adopté par la commission est bien plus équilibré et pertinent que celui qui nous est proposé par le texte « ancien ». Je voterai donc contre les amendements de suppression complète du seuil et pour l’article dans sa rédaction proposée par la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Cette disposition a véritablement un caractère discriminatoire à l’égard des petites collectivités. Alors que l’on chipote sur leur liberté de s’associer, le texte autorise de parfaites aberrations pour des intercommunalités gigantesques, en principe réservées à des métropoles, c’est-à-dire des espaces urbains.

Je prendrai un exemple que d’aucuns ignorent peut-être et qui ravira certainement M. le ministre chargé des collectivités territoriales, tant ses préventions contre le Sud risquent d’en être augmentées !

Je veux parler de la métropole Nice-Côte d’Azur. S’étendant de la ville de Nice jusqu’au Mercantour, elle incorpore la communauté urbaine de Nice et des petites communautés de communes. En passant de communauté urbaine à métropole, son périmètre a crû de 456 kilomètres carrés à 1 452 kilomètres carrés, alors que sa population n’a augmenté que de 1, 8 %.Voilà une réalité qui a été rendue possible par la loi.

Tandis que l’on se montre tatillon à l’égard des petites communes en se demandant ce qu’elles vont bien pouvoir faire, on ne semble pas s’offusquer de voir se constituer ainsi une métropole simplement dans un souci d’aménagement du territoire, alors que ce type d’intercommunalité est en principe réservé aux espaces urbains.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le rapporteur, vous m’avez expliqué les raisons pour lesquelles il convenait de ne pas mettre de limites à la possibilité, pour la CDCI, de déroger au seuil de 5 000 habitants ; et je vous ai entendu.

En revanche, vous ne m’avez avancé aucun argument pour justifier votre opposition au fait de pouvoir intégrer d’autres critères que le critère purement géographique. Comme l’a rappelé tout à l’heure Jean-Jacques Hyest, ce dernier n’est pas forcément le seul.

Les critères dont je suggère la prise en compte ne sont pas subitement sortis de mon esprit à cette heure matinale. Je les tiens de la loi elle-même : à mon avis, les notions de bassin de vie ou de solidarité financière peuvent justifier, au moins autant que le critère géographique, une dérogation à ce seuil de 5 000 habitants.

Autrement dit, votre réponse m’a laissé sur ma faim !

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 4 est adopté.

L’article L. 5210-1-1 du même code est ainsi modifié :

1° Le IV est ainsi rédigé :

« IV. – Le projet de schéma est élaboré en collaboration par la commission départementale de la coopération intercommunale et le représentant de l’État dans le département.

« Pour son élaboration, le représentant de l’État dans le département présente à la commission son analyse de la situation et ses recommandations pour atteindre les objectifs fixés au II.

« La commission recueille l’avis des présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre existants et des maires des communes qui y sont incluses, dans le délai de deux mois à compter de leur saisine ; elle entend, sur leur demande, les présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes intéressés. La commission départementale de la coopération intercommunale adopte le projet de schéma à la majorité de ses membres.

« Ce projet, pour chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre envisagé, dresse la liste des communes incluses dans le périmètre et définit la catégorie dont il relève. Il indique les compétences que pourrait exercer le nouvel établissement.

« Le projet est adressé pour avis aux conseils municipaux des communes et aux organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale et des syndicats mixtes concernés par les propositions de modification de la situation existante en matière de coopération intercommunale. Ils se prononcent dans un délai de trois mois à compter de la notification et transmettent un choix indicatif de compétences pour le nouvel établissement les concernant. À défaut de délibération dans ce délai, l’avis est réputé favorable.

« Lorsqu’une proposition intéresse des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale ou des syndicats mixtes appartenant à des départements différents, la commission départementale de la coopération intercommunale saisit pour avis conforme la commission départementale de la coopération intercommunale du ou des autres départements concernés, qui se prononce dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. À défaut d’avis rendu dans ce délai, l’avis est réputé favorable. Les modifications du schéma résultant, le cas échéant, de ces avis sont intégrées au projet préalablement à la consultation prévue à l’alinéa précédent. » ;

2° Après le IV, sont insérés un IV bis et un IV ter ainsi rédigés :

« IV bis. – À l’issue des consultations, la commission départementale de la coopération intercommunale adopte, dans le délai d’un mois, à la majorité des deux-tiers des suffrages exprimés, une proposition finale de schéma départemental qui fixe la liste des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et, pour chacun d’entre eux, énumère les communes incluses dans chaque projet de périmètre, définit la catégorie dont il relève et en détermine le siège. À défaut, la proposition finale est établie par le représentant de l’État dans le département.

« La proposition finale indique en outre les modifications pouvant en résulter pour les syndicats de communes et les syndicats mixtes par application des articles L. 5211-18, L. 5212-27 et L. 5212-33.

« Elle est notifiée au maire de chaque commune concernée afin de recueillir l’accord du conseil municipal. Pour chaque établissement public, cet accord doit être exprimé par deux tiers au moins des conseils municipaux des communes incluses dans le périmètre proposé représentant plus de la moitié de la population totale de celles-ci, ou par la moitié au moins des conseils municipaux des communes représentant les deux tiers de la population. À défaut de délibération d’un conseil municipal dans le délai de trois mois à compter de la notification, l’accord est réputé donné. La consultation prévue au présent alinéa n’est pas organisée lorsque la proposition finale conserve le périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre existant.

« L’accord donné dans les conditions prévues à l’alinéa précédent entraîne dans les périmètres concernés l’adoption définitive du schéma.

« Lorsqu’une proposition de périmètre issue de la proposition finale n’a pas recueilli la condition de majorité prévue au troisième alinéa du présent IV bis, la commission départementale de la coopération intercommunale entend les maires des communes, les présidents des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre et les présidents des syndicats de communes et des syndicats mixtes intéressés. La commission statue à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés sur la constitution des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre couvrant les aires géographiques dans lesquelles l’accord des communes concernées n’a pas été recueilli. Pour chaque établissement, elle fixe la liste des communes incluses dans le périmètre, définit la catégorie dont il relève et détermine son siège.

« À défaut d’adoption par la commission départementale de coopération intercommunale dans le délai de deux mois suivant l’achèvement de la procédure de consultation sur la proposition finale, le schéma définitif est arrêté par le représentant de l’État dans le département.

« Le schéma fait l’objet d’une insertion dans au moins une publication locale diffusée dans le département.

« Il est mis en œuvre par arrêtés préfectoraux.

« L’arrêté emporte retrait des communes incluses dans le périmètre des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres.

« IV ter. – Le schéma peut être révisé selon la même procédure pendant l’année qui suit celle du prochain renouvellement général des conseil municipaux. »

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le ministre, mes chers collègues, avec les articles 5, 6 et 7, nous entrons au cœur de cette proposition de loi.

Le texte proposé par la commission des lois ne se limite pas, vous l’avez compris, à poser quelques rustines bien venues sur la loi de décembre 2010, à allumer des contre-feux en réponse à la bronca qu’elle a suscitée là où aurait dû s’exprimer un quasi-consensus, c’est-à-dire sur le volet de la réforme concernant l’achèvement de la carte de l’intercommunalité.

Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le ministre – peut-être avez-vous lu un peu trop rapidement le texte ? –, l’objectif initial n’est absolument pas remis en cause. Le calendrier sera même tenu, mais selon des modalités complètement différentes, en intégrant notamment, dès la réflexion sur le schéma, des opérations renvoyées à plus tard dans la loi de décembre 2010.

Pour reprendre l’expression que j’ai utilisée tout à l’heure, cette proposition de loi opère une sorte de « révolution copernicienne », parce qu’elle remet les collectivités à la place qu’elles n’auraient jamais dû quitter : je veux parler du centre du projet intercommunal, occupé, depuis décembre 2010, par les préfets.

Je prendrai quelques exemples pour illustrer mon propos.

Tout d’abord, le projet de schéma est un acte commun de la CDCI et du préfet. C’est inscrit dans la proposition de loi. À vous entendre, cela devrait se passer ainsi à l’heure actuelle : c’est parfois le cas, mais pas toujours !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

En tout cas, pour l’heure, cette disposition n’a aucun caractère obligatoire.

Ensuite, la CDCI ne se contente pas de censurer le schéma, elle l’adopte, ce qui est complètement différent. Le préfet n’a le dernier mot qu’à partir du moment où les élus sont incapables de se mettre d’accord. Quoi de plus normal ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

En outre, les syndicats et syndicats mixtes ne sont pas supprimés simplement pour faire du chiffre. Je sais bien que pareille intention n’est pas explicitée dans la loi, mais je peux vous dire que la réalité est tout autre. Dans mon département, par exemple, parmi les propositions formulées, il est inscrit noir sur blanc – je vous enverrai la photocopie si vous ne me croyez pas – : suppression de 50 % des syndicats ; voilà bien un objectif quantitatif !

Dans la proposition de loi, ce n’est plus du tout la même logique : les syndicats et les syndicats mixtes peuvent être supprimés quand les compétences qui leur ont été transférées peuvent être exercées par des EPCI à fiscalité propre dont les périmètres et les compétences ont été définis.

Par ailleurs, la discussion sur les périmètres n’est pas séparée de celle qui porte sur la nature des EPCI. Pour l’instant, on définit des périmètres sans rien préciser de leur futur contenu. J’ai moi-même entendu des propos du genre : « Nous avons en tête un périmètre couvrant une population de 550 000 habitants. Pour en faire quoi ? Une métropole ? Non, nous n’en savons rien ! »

Dans le texte, le schéma propose des types d’EPCI.

La réflexion sur la définition des compétences est purement indicative, la décision étant bien évidemment renvoyée aux collectivités intéressées, ce qui est, là aussi, tout à fait normal. En effet, le simple fait d’envisager la suppression de certains syndicats revient, d'ores et déjà, à poser la question des compétences.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Vous le savez aussi bien que moi.

Surtout – et c’est la raison pour laquelle le texte est quelque peu compliqué –, la consultation et l’expression des collectivités sont présentes à chacune des étapes de l’élaboration – en deux temps – du schéma départemental.

Vous voulant rassurant, monsieur le ministre, vous nous promettez que les préfets n’arrêteront, le 31 décembre 2011, les schémas départementaux de coopération intercommunale que dans les territoires où le niveau de consensus sera considéré comme suffisant. Ailleurs, la discussion pourra se poursuivre, avec, au besoin, la mise en place d’une cellule censée aider les élus à progresser.

Se satisfaire d’une telle proposition ou simplement reculer la date de publication du schéma ne changera rien si les articles 37, 60 et 61 de la loi du 16 décembre 2010 ne sont pas supprimés.

Regardez-y d’un peu plus près : schéma ou pas schéma, en l’état actuel de la loi, le préfet doit passer à la création des EPCI qu’il entend réaliser, et supprimer tous les syndicats et syndicats mixtes jugés superfétatoires. Jusqu’au 1er juin 2013, pour obtenir l’accord des collectivités, la majorité qualifiée des deux tiers classiquement utilisée est remplacée par la majorité simple.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà le fond du débat. Pendant la période de transition, entre le 1er janvier 2012 et le 1er juin 2013, le préfet achève, en toute liberté, la carte telle qu’il l’entend. Par conséquent, le schéma, qu’il ait été arrêté ou non, ne change rien à l’affaire. C’est pour cela que ce texte remet les choses, …

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

… dans le sens qui aurait dû être le sien dès le départ : que l’intercommunalité soit l’affaire des collectivités, le dispositif n’étant encadré que là où c’est nécessaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a souligné Pierre-Yves Collombat, avec cet article 5, nous en arrivons au cœur du dispositif proposé par M. le rapporteur.

La commission des lois a attribué un rôle déterminant à la CDCI : cette dernière serait compétente pour élaborer et adopter le schéma et verrait donc ses prérogatives largement renforcées par rapport à celles du préfet.

C’est une évolution très attendue par les élus, qui se sont fortement inquiétés de la mainmise du représentant de l’État sur l’évolution de l’intercommunalité dans notre pays.

La logique qui nous est soumise aujourd’hui est donc intéressante. Je partage pleinement le souci exprimé par la commission des lois de laisser la main aux élus sur des sujets dont ils assument la responsabilité sur le terrain.

En effet, force est de constater que le premier bilan de l’application des dispositions de la loi de décembre 2010 fait apparaître que les préfets ne sont pas toujours en phase avec les positions exprimées localement.

La rédaction actuelle du texte s’appuie donc pleinement sur la responsabilité des élus et sur leur vision du territoire en laissant toute sa place à la concertation. C’est une bonne chose.

Pour autant, la commission des lois prévoit aussi une clause de sauvegarde, en confiant au préfet le soin d’établir la proposition finale et d’arrêter le schéma en cas de blocages au sein de la CDCI.

Ce point est important, car l’achèvement de la carte intercommunale, et donc le rattachement des communes isolées en dehors de l’Île-de-France, doit bien rester une priorité selon le calendrier fixé dans la loi, comme le souhaitent toutes les associations d’élus.

Toutefois, il est permis de s’interroger sur les conséquences de fusions forcées mises en œuvre au terme d’un processus qui conduirait le préfet à imposer de nouvelles coopérations intercommunales contre le gré des élus et, qui plus est, à quelques mois seulement du renouvellement des conseils municipaux.

Ce qui a fait la force et la légitimité des intercommunalités, c’est la volonté des élus de se réunir autour d’un projet commun, dans un contexte consensuel. Il faut respecter cette démarche, qui doit primer sur tout « mariage imposé », car elle est le gage de la réussite et de l’efficacité de la coopération intercommunale.

En ce qui concerne la détermination des compétences, la saisine de la commission sur ce point va à l’encontre du but visé par l’esprit de ce texte.

Cela complique considérablement la démarche et pose le problème de subsidiarité de ces prérogatives, qui incombent d’abord – il faut le rappeler – aux communes, les seules à être maîtres de leurs délégations de compétences dans le cadre des accords intercommunaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Jarlier

Par ailleurs, l’harmonisation des compétences exercées peut, dans certains cas, constituer un frein à l’évolution des périmètres des EPCI et provoquer la création de nouveaux syndicats au moment où la loi suggère d’en supprimer le maximum. Cela ne va pas dans le sens d’une logique absolue.

Heureusement, l’adoption, tout à l’heure, de l’amendement n° 24, dont les premiers signataires sont Jean-Claude Lenoir et Jean-Jacques Hyest, devrait normalement permettre d’améliorer la situation.

Dans ce domaine aussi, une certaine souplesse s’impose pour adapter notre législation à la réalité du terrain.

Enfin, la préparation des schémas départementaux de coopération intercommunale a aussi mis en évidence les impacts financiers importants pour les EPCI dont nous ne mesurons pas toujours les conséquences, ni sur leurs moyens futurs, ni sur leur fiscalité.

Sans doute ce sujet méritera-t-il un débat à l’occasion de la discussion de notre prochaine loi de finances. Mais, d’ores et déjà, les élus doivent pouvoir compter sur l’État pour l’élaboration de simulations complètes qui ne se réduisent pas à un calcul de DGF très aléatoire dans cette période de gel des dotations.

Quoi qu’il en soit et sous réserve de l’adoption des amendements déposés par notre groupe, j’estime que le nouveau processus d’élaboration du schéma qui nous est proposé aujourd’hui va dans le sens d’une meilleure démocratie locale parce qu’il fait confiance aux élus. C’est la raison pour laquelle je le soutiendrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. Courteau, je dois vous dire que, compte tenu du rythme de la discussion, nous ne pourrons pas terminer l’examen de ce texte au cours de cette séance, que je vais probablement lever vers quatre heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Nous avons tenté d’achever la discussion du texte cette nuit, mais le rythme d’examen n’est pas suffisant. Peut-être parviendrons-nous à aller au bout de l’article 5 avant d’arrêter nos travaux.

La parole est à M. Roland Courteau, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Cet article, comme d’ailleurs l’ensemble de cette proposition de loi, est vivement attendu par les élus, lesquels sont très demandeurs d’un achèvement véritablement concerté de la carte intercommunale.

Il serait presque inutile de dire, tant nous l’avons répété ici même, que la procédure, telle que la loi actuelle la définit, fut très mal accueillie par les élus, quelle que fût d’ailleurs leur sensibilité politique. Dirigée par le préfet, elle ne donnait presque aucune possibilité à la CDCI d’infléchir les décisions.

Si, à l’origine, l’intercommunalité avait été soumise à des décisions imposées et non à un choix concerté, aujourd’hui, elle serait au point zéro. Car, comme le disait justement Jean-Pierre Sueur à plusieurs reprises voilà quelques mois, ce ne sont pas les préfets qui sont à l’origine du développement de la coopération intercommunale, c’est bien le mouvement des collectivités.

Je me réjouis des travaux de la commission. Il fallait, en effet, accroître, le pouvoir des élus en étendant les prérogatives de la CDCI et en donnant donc la primauté à cette dernière dans l’adoption du schéma d’intercommunalité.

Le rôle moteur qui est ainsi donné à la CDCI par la commission des lois sera, n’en doutez pas, particulièrement apprécié par les élus, et cela quelle que soit leur sensibilité politique. Plus de concertation, mes chers collègues, cela veut dire que l’on concilie concertation et efficacité. Cela veut dire que la CDCI va aussi jouer un rôle de négociateur.

En donnant la primauté à la CDCI pour l’élaboration du schéma départemental de coopération intercommunale, on va justement permettre aux communes de mieux maîtriser leur destin.

La démocratie locale en sortira gagnante. Il s’agit là d’une proposition qui va tout à fait dans le sens de l’histoire, c’est-à-dire celui de la décentralisation. Au choix imposé, nous préférons la concertation, qui est susceptible de déboucher sur une décision librement consentie.

De même, les dispositions de la loi actuelle étaient sources de menaces, de désorganisation en impulsant une suppression massive des syndicats spécialisés, alors que le débat sur les compétences des communautés susceptibles de reprendre les missions de ces syndicats n’était pas conclu.

Fort heureusement, la commission règle d’une certaine manière cette difficile question des syndicats en introduisant un premier échange sur les compétences dans l’adoption du schéma et en renvoyant à une étape suivante la reconfiguration des syndicats.

Enfin, je note avec satisfaction que, si le préfet transcrit, par arrêté, les contours et la catégorie d’établissement des nouvelles communautés, il n’a plus la faculté de proposer une création s’écartant du schéma adopté, comme la loi actuelle lui en donnait la possibilité, ce qui n’allait pas, convenons-en, dans le sens de la cohérence et de la transparence.

Mes chers collègues, les dispositions de cet article sont véritablement les bienvenues.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. Philippe Bas, je tiens à vous dire qu’on me demande d’essayer de prolonger la séance jusqu’à quatre heures et demie.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Non, cela suffit ! Monsieur le président, vous aviez pris un engagement ! C’était quatre heures ! Vous l’avez dit deux fois !

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Mon seul objectif, c’était d’essayer d’en finir ce soir.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Sinon, le débat reprendra demain à quatorze heures trente.

La parole est à M. Philippe Bas, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Il faut tout de même que le débat ait lieu !

J’ai écouté avec attention les précédents orateurs et je dois dire que je ne suis pas convaincu. On voudrait nous faire croire que l’enjeu du vote de l’article 5 est de se prononcer pour ou contre l’unilatéralisme autocratique des préfets, pour ou contre la capacité d’initiative des élus. Ne pas voter cet article serait un signe de défiance envers la capacité d’initiative des élus.

En réalité, les choses ne se présentent pas du tout ainsi ! Je crois que le texte de l’article 5 a pour effet d’étendre les décisions qui vont s’appliquer d’en haut aux élus de base.

Jusqu’à présent, le préfet n’avait qu’à discuter du périmètre. Avec le texte s’y ajoute un préalable, les compétences.

Et là, on marche sur la tête ! En effet, toute la logique du processus qui a été retenu et qui a été parfaitement compris par l’ensemble des maires et des délégués dans les intercommunalités veut que l’on détermine, dans un premier temps, avec qui on va discuter. Et pour discuter de quoi ? Mais des compétences, bien sûr ! Dès lors, s’il faut avoir déterminé quelles seront les compétences à mettre en commun avant de déterminer avec qui on doit en discuter, c’est le serpent qui se mord la queue !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Le dispositif qui nous est proposé est donc totalement dépourvu de logique parce qu’il signifie qu’en aval il n’y aurait plus rien à discuter, les compétences figurant déjà dans le schéma départemental !

Dans ces conditions, on ne passerait pas d’un préfet dirigiste à une commission souple, mais d’un préfet souple à une commission extrêmement dirigiste.

Or c’est exactement le contraire de ce que voudraient obtenir les orateurs qui se sont exprimés, lesquels veulent précisément qu’on laisse plus de latitude aux élus. Vous savez bien que, pour l’élu d’une commune rurale située bien loin du chef-lieu du département, que ce soit le préfet qui ait pris la décision ou une commission départementale dans laquelle il ne se sent nullement représenté compte tenu de la diversité des collèges qui participent à la désignation des membres de cette commission, cela ne change rien ! Pour lui, de toute façon, la décision viendra d’en haut ! Et ce qui viendra d’en haut, ce ne sera pas simplement le périmètre, mais le périmètre plus les compétences !

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Nous attaquons, à cette heure de plus en plus matinale, le point dur de cette proposition de loi, l’article 5, celui qui, à titre personnel, me pose le plus de problèmes.

J’ai eu l’occasion de dire – et je le redis – que les conditions actuelles d’élaboration du schéma ne me semblaient pas pleinement satisfaisantes.

Je regrette qu’il n’y ait pas de concertation de la part des préfets avant qu’ils ne présentent leur projet : concertation avec la CDCI, concertation avec les syndicats ou les EPCI concernés…

Dans mon département, les présidents de SIVOS ont reçu un courrier les informant qu’après une large concertation il allait être procédé à une fusion. C’est intéressant, pour un président, d’apprendre qu’apparemment il y avait eu une large concertation et qu’au terme de cette concertation – qu’il ignorait ! –une fusion allait avoir lieu…

Outre ce problème de concertation, il y a un problème de délai, avec la date butoir du 31 décembre 2011 qu’il faut absolument décaler. Il y a un problème dans le fait que le préfet ne puisse pas modifier son projet, mais qu’il puisse, en revanche, déroger au schéma au cours de l’année 2012.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Il y a encore l’extrême lourdeur de la majorité des deux tiers des membres.

Bref, la procédure actuelle comporte quantité de points qui méritent d’être modifiés. Pour autant, je ne pense pas que le dispositif proposé améliore les choses.

Je ne vois pas comment une commission composée d’une quarantaine de membres pourrait arriver à élaborer un projet. En effet, dans une commission, il faut bien qu’il y ait un chef de file. Or là – et c’est en cela que vous n’êtes pas cohérents avec vous-mêmes ! – le président de la CDCI, c’est toujours le préfet. Pour aller dans le sens de votre logique, il aurait fallu que soit élu un président qui n’aurait pas été le préfet.

Comment tout cela va-t-il fonctionner ? Le président risque, en permanence, d’être mis en difficulté par les membres de la commission.

Je rappelle que, parmi cette quarantaine de membres, la plupart sont surtout de bons connaisseurs d’une partie du territoire départemental, celui dont ils sont les élus. Ne voyez dans mon propos aucune connotation péjorative ! Mais enfin, comment pourront-ils avoir une vision globale permettant d’élaborer un projet cohérent ? Dès lors que la majorité des deux tiers sera nécessaire, j’avoue ne pas bien saisir comment tout cela pourra fonctionner !

Par ailleurs, je souscris à ce qu’a dit M. Bas sur la question des compétences : en voulant les introduire dans les schémas, on renforce les contraintes venues d’en haut.

Dans ces conditions, il aurait été beaucoup plus sage, à mon avis, de se rallier à la position du président de l’AMF, dont je crois comprendre qu’elle est à peu près celle du ministre. N’oublions pas qu’un travail a été fait depuis le mois d’avril, peut-être plus ou moins bien fait, avec plus ou moins de tiraillements, mais il y a des milliers de délibérations prises par les conseils municipaux, par les EPCI, il y a eu des heures et des heures de réunions de commissions départementales de coopération intercommunale. Ne faisons pas comme si rien ne s’était passé, comme si on était au début de l’année 2011 ! Nous sommes à la fin de l’année 2011 ! Bien des choses ont été faites !

Dès lors, je le répète, il aurait été beaucoup plus sage d’adopter la position du président de l’AMF qui consiste à dire : là où il n’y a pas de problème, publions le schéma. Et c’est là que mon point de vue diverge légèrement de celui du Gouvernement : quand il y a problème, il ne faut pas renoncer au schéma. En effet, renoncer au schéma, cela laisse encore plus de pouvoirs au préfet, qui peut faire ce qu’il veut sans avis de la CDCI. Mais, quand il y a des problèmes, donnons-nous un peu plus de temps pour parvenir – dans six mois, dans un an – à disposer d’un schéma qui puisse convenir à la totalité du territoire.

Ce point de vue me semble partagé par beaucoup d’associations d’élus. En effet, en début de séance, j’ai reçu, comme d’autres, un courrier électronique émanant de l’ADCF pour attirer l’attention des parlementaires que nous sommes sur le fait qu’il ne fallait pas que la procédure législative gèle le travail en cours des CDCI.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Je voudrais, pour faciliter la conclusion de la discussion, essayer de bien cerner les éléments de différence.

La principale différence entre nous, monsieur le ministre, c’est la division en deux phases que vous avez choisie…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’est le Parlement qui choisit ! Ce n’est pas le ministre !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

En effet, mon cher collègue, vous avez tout à fait raison ! Mais le Parlement délibère à nouveau, et c’est le ministre qui défend le texte qui a été voté, ce qui est parfaitement dans son rôle.

J’essaie donc de clarifier les différences.

La difficulté, c’est le clivage qu’il y a entre l’adoption du schéma et la constitution des communautés.

Il nous semble que c’est un facteur de perte de confiance. Lorsque le schéma départemental est adopté, il doit être « la loi des parties », si j’ose dire. Le système que nous proposons repose donc, comme le précise l’alinéa 3, sur un dialogue entre le préfet et la CDCI – que le préfet préside, en effet, vous avez raison sur ce point, monsieur Maurey. Nous avons effectivement pour objectif que ces deux acteurs travaillent en symbiose : les préfets seront convaincants et ils seront réceptifs. Dans ce dispositif, l’obtention d’un accord et d’une synthèse est tout à fait réaliste.

En revanche, conserver la procédure actuelle qui dure plus d’une année et qui permet de s’éloigner du schéma, que l’on a eu du mal à établir, sans offrir aucune possibilité de recours devant la CDCI, ne me semble pas la bonne solution. Il faut changer ce système, et l’article 5 constitue la base législative de ce changement.

J’ajouterai deux observations, pour tenter de réduire nos divergences.

D’une part, il est parfaitement possible, soit de partir du résultat consensuel qui a été obtenu – puisque l’article 7 prévoit d’ouvrir cette option à la CDCI –, soit de rouvrir un processus de concertation sur les points qui font l’objet de divergences. Si l’on peut constater le consensus, notre proposition permet de passer tout de suite à la création des communautés. Les débats ne risquent donc pas de se trouver rallongés.

D’autre part, en ce qui concerne les compétences, il ne faut pas qu’il y ait maldonne. Il n’est pas prévu – sur ce point, le texte de la proposition de loi est, me semble-t-il, parfaitement clair et dépourvu d’ambiguïté – que le schéma départemental ou le vote des communes aient valeur d’engagement sur la définition des compétences. En revanche, dans la phase préparatoire, qui est nécessaire là où existent des divergences, il nous a paru judicieux – la paternité de cette idée revient d’ailleurs à Pierre-Yves Collombat, qui a beaucoup réfléchi sur ce sujet – qu’un premier échange de vues ait lieu sur les compétences. En effet, vous savez très bien que, dans les cas où des réticences s’expriment – excusez-moi si je rabâche, l’achèvement de la carte de l’intercommunalité a pour objet de régler toutes les situations de conflit et de désaccord qui ne l’ont pas été au cours des vingt dernières années ! – il est préférable que les communes intéressées s’expriment une première fois, sans s’engager, sur les compétences qu’elles souhaitent voir exercer par l’intercommunalité : ainsi, on pourra rapprocher les points de vue, d’une part, et faire en sorte que le périmètre, seul point sur lequel portera l’engagement, soit choisi après un dialogue entre les communes, d’autre part. Ce périmètre sera choisi selon les modalités de droit commun, sans discussion sur les compétences. En outre, ce premier dialogue sur les compétences – sans valeur d’engagement – permettra de faire des choix judicieux sur la suppression ou non des syndicats.

Tels sont les points sur lesquels nous sommes en désaccord : deux positions s’opposent, qui toutes deux ont leur légitimité. À la remarque de méthode parfaitement judicieuse formulée par M. Hyest, je répondrai qu’en effet il y a un changement. Mais reconnaissez que l’expérience des derniers mois a montré qu’un changement était souhaité…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Il est donc légitime que le législateur adopte un dispositif juridique qui réponde à toutes les situations, et pas seulement aux situations où aucun problème ne se pose. Quand tout marche bien, on n’a guère besoin de la loi ! Celle-ci devient nécessaire quand les avis divergent. Or c’est ce qui se produit : nous pouvions le prévoir du fait, notamment, des délais. Les délais trop courts imposés à la phase de consultation de la CDCI résultent de l’exigence du texte actuel, qui distingue deux phases, alors que ce n’était pas nécessaire ; notre proposition consiste donc à regrouper en une seule phase la création des communautés, après un vote à la majorité qualifiée des communes – le principe de libre administration est donc respecté. Nous obtenons ainsi un résultat plus consensuel, sans engagement sur les compétences, mais après un dialogue. L’intercommunalité aura de meilleures chances de réussite et tel est bien notre objectif !

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

Nous arrivons donc à l’un des articles qui consacrent le désaccord entre nous. J’avais dit au début de cette séance de nuit…

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

M. Philippe Richert, ministre. En effet, et c’est la première fois, depuis vingt ans que je fréquente le Sénat, que je participe à une discussion aussi tardive sur un texte de ce genre.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste-EELV et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Pendant la discussion de la loi Raffarin, nous avons siégé jusqu’à sept heures du matin !

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

C’est la première fois, à titre personnel, que je participe à une discussion sur un texte de cette nature à une heure aussi matinale. Mais nous sommes ici pour cela…

J’en reviens à la proposition de loi en discussion. Nous sommes en effet sur un véritable point de clivage. Depuis le début de la discussion, mon discours est exactement identique à celui que tiennent M. Maurey, le président de l’AMF et bien d’autres encore : là où le schéma départemental est réalisable dans l’état actuel du droit, pourquoi ne pas aller au terme du processus ? Je pense que, dans 50 % à 70 % des cas, en utilisant la procédure arrêtée en décembre 2010, les procédures engagées peuvent se poursuivre.

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

J’avais demandé que ce point soit clairement explicité, afin qu’il n’y ait pas de doute dans l’esprit des élus. La procédure actuellement en vigueur aurait certainement pu être complétée grâce à quelques amendements de précision faisant toute la clarté nécessaire. Mais nous sommes en train de tout remettre à plat…

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

… et c’est exactement ce que je conteste dans votre façon de faire. Tel est le premier point de désaccord que j’avais mentionné au début de cette séance.

Le deuxième point sur lequel je suis en désaccord, c’est que la procédure que nous mettons en place introduit des complexités supplémentaires et raccourcit les délais en phase finale, ce qui ne va pas améliorer la qualité du débat ni la mise en œuvre de l’intercommunalité que nous appelons tous de nos vœux.

Par exemple, votre texte dit clairement que la CDCI va discuter des compétences de chaque intercommunalité…

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

C’est exactement ce que prévoit la proposition de loi ! Permettez-moi de vous rappeler votre texte : « Ce projet, pour chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre envisagé, dresse la liste des communes incluses dans le périmètre et définit la catégorie dont il relève. Il indique les compétences que pourrait exercer le nouvel établissement. »

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

« Il indique » ! Il n’y a donc pas d’engagement !

Debut de section - Permalien
Philippe Richert, ministre

En 2010, nous avons défini un système fondé, dans un premier temps, sur le recensement des communes prêtes à s’associer : le préfet propose ensuite un périmètre, qui fait l’objet d’une discussion. Pendant un an et demi, les intercommunalités peuvent mettre en place l’ensemble de leurs compétences, décidant, par exemple, des compétences qui pourraient rester confiées à un syndicat ou définissant celles qui restent libres au sein de la nouvelle intercommunalité. Ce système offrait plus de flexibilité, à charge pour les élus de chaque intercommunalité de porter des projets.

Dans le système que vous proposez, tout remonte vers la commission départementale, qui prend de plus en plus d’importance et de poids. Le Gouvernement, lui, avait l’idée de laisser ce schéma départemental s’établir sur la base des projets d’intercommunalité qui se mettent en place. En outre, pendant cette période, des modifications pouvaient être apportées, parce que des idées nouvelles auraient émergé ou parce que des perspectives nouvelles se seraient offertes. Nous ouvrions donc la possibilité de modifier le schéma en conséquence.

Quand je compare le droit existant, c’est-à-dire le texte voté en décembre 2010, à votre proposition de loi, très franchement, je ne vois aucun progrès ! Si vous aviez commencé par dire clairement que, lorsque la procédure se déroule normalement, on la laisse s’achever, mais que, en cas de blocage avéré, on cherche une autre solution afin de pouvoir travailler, votre démarche aurait pu être admise.

J’espère que nous aurons l’occasion d’utiliser un autre véhicule législatif, car j’ai bien compris que certaines positions sont d’ores et déjà figées – je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi – en dépit des discussions dont on veut nous abreuver. En tout cas, je comprends que nous ne parviendrons plus à vous convaincre et je le regrette, parce que, sur le fond, l’objectif était de trouver un accord entre tous ceux qui ont foi en l’intercommunalité, celle-ci étant à mon sens la meilleure façon d’organiser l’administration et le pouvoir politique dans notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Mes chers collègues, compte tenu de l’heure avancée, il me semble peu judicieux d’entamer maintenant l’examen des amendements portant sur l’article 5.

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 4 novembre 2011, à quatorze heures trente :

Suite de la proposition de loi tendant à préserver les mandats en cours des délégués des établissements publics de coopération intercommunale menacés par l’application du dispositif d’achèvement de la carte de l’intercommunalité (793, 2010-2011).

Rapport de M. Alain Richard, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (67, 2011-2012).

Texte de la commission (n° 68, 2011-2012).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le vendredi 4 novembre 2011, à trois heures cinquante-cinq.