La commission examine les amendements sur le projet de loi n° 567 (2010-2011), adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à la bioéthique dans le texte n° 572 (2010-2011) adopté par la commission le 1er juin 2011 dont M. Alain Milon est le rapporteur.
Examen des amendements
Article 5
L'amendement n° 8 est contraire à celui présenté par la commission des lois en première lecture et que nous avons nous-mêmes adopté la semaine dernière. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8.
Les amendements n° 2 rectifié et 19 reviennent sur un débat qui a déjà été tranché en première lecture, à la fois par l'Assemblée nationale et par le Sénat. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 2 rectifié et 19.
Article 5 quinquies AA
Nous avons déjà largement évoqué la question des contre-indications médicales et de l'orientation sexuelle en matière de don du sang évoqué par l'amendement n° 9. Nous en reparlerons en séance. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 9.
Article 6
L'amendement n° 16 supprime le recours au juge pour autoriser la collecte des cellules hématopoïétiques issues de la moelle osseuse. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 16.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.
Article 7
L'amendement n° 17 porte sur les exceptions thérapeutiques. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 17.
Article 9
L'amendement n° 20 propose de revenir au texte adopté en première lecture par le Sénat, qui était également le texte du projet de loi initial.
Or, la semaine dernière, notre commission a approuvé la rédaction adoptée en deuxième lecture par l'Assemblée nationale qui, sans avoir une portée très différente, apaise certaines craintes. Demande de retrait ou avis défavorable. Même avis pour l'amendement n° 24 qui propose de rétablir le texte de première lecture de l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 45 rectifié entre en contradiction avec l'amendement suivant, n° 44 rectifié, des mêmes auteurs. Ce dernier amendement apporte une précision utile concernant l'information des femmes enceintes en matière de diagnostic prénatal (DPN). Demande de retrait ou avis défavorable à l'amendement n° 45 rectifié. Avis favorable à l'amendement n° 44 rectifié.
L'amendement n° 44 rectifié permet de préserver un équilibre en assurant à la femme une information adaptée à sa situation en matière de DPN.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 45 rectifié et favorable à l'amendement n° 44 rectifié.
L'amendement n° 11, déjà examiné en première lecture, avait alors fait l'objet d'un avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.
Le texte adopté à l'article 9 est équilibré. Il ne me paraît donc pas souhaitable de le modifier. Demande de retrait ou avis défavorable à l'amendement n° 21.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 21.
L'amendement n° 46 rectifié est inutile et, en tous les cas, mal rédigé. L'article 9 prévoit un consentement écrit aux examens du DPN. Il n'y a donc pas lieu de spécifier qu'il ne peut être exigé de refus écrit : celui-ci n'aurait aucune valeur juridique. En outre, l'amendement tel qu'il est rédigé emploie à deux reprises le verbe « exiger », ce qui n'est pas très heureux : « aucun document exigeant le refus de la femme enceinte de se soumettre aux examens mentionnés au II et IV du présent article ne doit être exigé ». Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 46 rectifié.
Article 11 bis
L'amendement n° 28 supprime le double diagnostic préimplantatoire (DPI). Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 28.
L'amendement n° 12 supprime une disposition introduite en première lecture au Sénat à l'initiative de Marie-Thérèse Hermange et Anne-Marie Payet. Revenir dessus ne serait pas souhaitable. Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12.
Article 12 bis
Pour quelles raisons ? La trisomie 21 est aujourd'hui la seule maladie à être exclue des financements publics pour la recherche. C'est à mon sens une injustice.
Le projet de loi donne d'ores et déjà entièrement satisfaction à la demande de Bruno Retailleau. L'article 12 bis dispose en effet que « dans un délai d'un an à compter de la publication de la présente loi, puis tous les trois ans, le Gouvernement remet au Parlement un rapport établissant le bilan détaillé des fonds publics affectés à la recherche sur les anomalies cytogénétiques, en particulier ceux affectés à la recherche réalisée au bénéfice de la santé des patients atteints de ces maladies ». La trisomie 21 est une anomalie cytogénétique.
Dans la mesure où le DPN se fixe notamment pour objectif de rechercher les trisomies 21, nous aurions pu, en contrepartie, faire explicitement référence à cette maladie dans l'article 12 bis. Nous savons en outre qu'il n'existe actuellement aucun financement public spécifiquement affecté à la recherche sur la trisomie 21.
Je partage l'avis de Marie-Thérèse Hermange. Le texte cible les anomalies cytogénétiques de façon globale. Or un effort considérable de recherche doit être effectué sur la trisomie 21 en particulier. Lors d'un DPN, c'est bien souvent cette maladie qui est recherchée en priorité ou qui, tout du moins, est la plus présente à l'esprit des femmes et des médecins.
Je suis en plein accord avec ce qui vient d'être dit. Lorsque je me rends dans les instituts médico-éducatifs de mon département, les enfants atteints de trisomie 21 représentent entre 45 % et 60 % des jeunes accueillis. Une impression de résignation se dégage et l'on a bien souvent le sentiment qu'aucune action ne peut être engagée pour améliorer leur situation. Il serait donc souhaitable de mentionner explicitement la recherche sur la trisomie 21 à l'article 12 bis.
L'article 12 bis tel qu'adopté par le Sénat en première lecture mentionnait précisément la recherche sur les trisomies mais, à la demande de Jean Leonetti, l'Assemblée nationale a supprimé cette référence, l'estimant stigmatisante pour les personnes atteintes de ces maladies. En tout état de cause, la recherche sur les trisomies est incluse dans celle sur les anomalies cytogénétiques.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 29.
Article 12 ter
L'amendement n° 41 vise à supprimer un article que nous avons adopté la semaine dernière en commission. Demande de retrait ou avis défavorable.
Fixer dans la loi un seuil de viabilité pose plus de problèmes qu'il n'en résout.
Notre rédaction n'inscrit pas ce seuil dans la loi mais prévoit qu'il sera fixé par décret.
Je maintiens mon amendement. La fixation d'un seuil ne me paraît pas adaptée à la notion de la vie.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 41.
Article 18 bis
Je m'interroge sur l'amendement n° 52. Après que le Gouvernement aura donné sa position, peut-être pourrions-nous nous en remettre à la sagesse du Sénat ?
Cet amendement supprime le dernier alinéa de l'article 18 bis qui conditionne l'entrée en vigueur des dispositions relatives au contrôle des centres d'études et de conservation des oeufs et du sperme (Cecos) par la commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) à la publication d'un décret en Conseil d'Etat. Un tel décret est inutile puisque, même si elle n'est pas toujours respectée, la loi informatique et libertés est déjà directement applicable. En outre, ce décret risque de prévoir un régime dérogatoire moins favorable que celui découlant actuellement de ladite loi. Quand bien même le projet de loi continue de respecter le principe de l'anonymat du don de gamètes, il me semble important de ne pas fixer par décret les modalités du contrôle exercé par la Cnil. Il s'agit de respecter ces enfants nés avec deux filiations dont une seule leur est connue.
Le Gouvernement sera amené à expliquer sa position en séance publique. Peut-être pourra-t-il s'engager à ne pas adopter un décret dont les dispositions seraient moins favorables que celles prévues par la loi.
La commission émet un avis de sagesse sur l'amendement n° 52.
Article 19 A
L'amendement n° 50 supprime les alinéas 6 à 9 qui autorisent le secteur privé à participer aux activités d'assistance médicale à la procréation (AMP) dans les mêmes conditions que celles imposées au secteur public. Avis défavorable.
L'amendement de suppression répond à une réaction des professionnels des Cecos. La France a toujours fait le choix d'autoriser le don de cellules ou organes humains uniquement dans des établissements à but non lucratif pour la raison principale que le don repose sur des valeurs éthiques importantes, dont la gratuité. Des exemples de pays étrangers proches montrent que des dérives peuvent exister lorsque des établissements privés à but lucratif sont autorisés à intervenir. C'est la raison pour laquelle, en cohérence avec la position des Cecos, j'ai déposé cet amendement.
L'objectif de cet article est de permettre l'égal accès de tous à l'AMP sur l'ensemble du territoire. Si les centres privés exercent la même activité que les Cecos, ils le feront dans les mêmes conditions financières, c'est-à-dire en respectant le principe du don et de la gratuité.
Vous dites que le don se fera dans les mêmes conditions que dans le secteur public. Pourtant, rien n'est précisé dans le projet de loi à ce sujet. Une fois n'est pas coutume, je partage en partie les arguments de Marie-Thérèse Hermange.
Il me semble qu'il avait été prévu de n'autoriser l'intervention du secteur privé qu'en cas d'absence de centres publics sur le territoire.
C'est effectivement ce qui avait été prévu par l'Assemblée nationale : la substitution du privé au public n'aurait été possible qu'en cas de carence constatée depuis deux ans. Cela nous a semblé un peu restrictif pour les femmes qui souhaitent faire un don mais n'ont pas de Cecos à proximité de leur domicile. L'article 19 A précise bien en son neuvième alinéa qu'« aucune rémunération à l'acte ne peut être perçue par les praticiens au titre de ces activités ».
Je partage l'avis d'Alain Milon. Sous couvert de protéger le secteur public, Marie-Thérèse Hermange tente de resserrer les conditions d'accès à l'AMP.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 50.
L'amendement n° 30 est contraire au vote qui vient d'avoir lieu. Avis défavorable.
Cet amendement est identique au mien. Au-delà de l'aspect commercial et lucratif, il existe un problème non négligeable qui est celui des appariements entre couples de donneurs et couples de receveurs
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 30.
Article 20
L'amendement n° 4, déposé par une partie des membres du groupe RDSE, tend à ouvrir l'AMP aux femmes seules en âge de procréer. C'est une façon détournée de l'ouvrir aux femmes en couple qui pourraient alors choisir de se déclarer célibataires. A titre personnel, je suis favorable à ce que l'on ouvre explicitement l'AMP aux femmes en couple. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
L'amendement n° 1 rectifié est présenté par Jean Desessard. Lors de la séance publique en première lecture, Muguette Dini et moi-même avons voté pour son adoption. En tant que rapporteur, je propose de lui donner un avis défavorable mais en tant que sénateur, je voterai en sa faveur. Les amendements n° 3, 13 rectifié et 22 sont identiques à l'amendement n° 1.
Pourquoi Alain Milon émet-il un avis en qualité de rapporteur alors que la commission ne s'est pas encore prononcée sur l'amendement ? Il peut donner son sentiment sur les différentes positions exprimées au sein de la commission mais n'a pas à s'exprimer en tant que rapporteur.
Le rapporteur peut émettre un avis et être contredit par le vote, nous l'avons vu tout à l'heure. Une fois en séance, il devra exprimer la position adoptée par la commission.
Alain Milon n'a donc pas à forcer ses convictions en commission ! Il peut s'exprimer en faveur d'un amendement à titre personnel sans avoir à anticiper pour autant le résultat futur du vote en commission. Il est déjà arrivé que le rapporteur expose en séance à la fois l'avis de la commission et sa propre position. C'est la même chose qui se produit maintenant en commission. Sur cet amendement, comment Alain Milon justifie-t-il sa position en qualité de rapporteur ?
La semaine dernière, la commission a adopté un texte qui dispose que les couples ayant recours à l'AMP doivent être « mariés, liés par un pacte civil de solidarité ou en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune présentant un caractère suffisant de stabilité et de continuité ». En tant que rapporteur de la commission, je ne peux donc être que défavorable à l'amendement que vous présentez puisqu'il contredit ce texte. Cependant, à titre personnel, j'y souscris.
Dans une situation comme celle-ci et à défaut de règles claires, ne pourrait-on pas voter directement sur l'amendement ? L'amendement deviendrait celui de la commission et serait défendu ou non à ce moment là par le rapporteur en séance publique.
En l'espèce, il s'agit d'un amendement extérieur. Le texte de la commission a déjà été voté. Le rapporteur ne peut pas remettre en cause ce qui a été décidé la semaine dernière en commission, quand bien même cela correspondrait à ses convictions personnelles.
Le rôle du rapporteur est d'apporter un éclairage sur ce qui a été décidé en commission et de savoir s'il y a ou pas cohérence entre le texte adopté par la commission et l'amendement présenté. Cela ne traduit pas mon positionnement personnel.
La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 1 rectifié, 3, 13 rectifié et 22.
Je maintiens mon amendement n° 35, qui a pour but de préserver l'intérêt de l'enfant à naître. Notons que nous ne prononçons pas souvent son nom pendant le débat.
L'amendement de Marie-Thérèse Hermange accepte deux ans de vie commune mais pas le Pacs. Je n'étais pas particulièrement en faveur de la loi créant le Pacs mais je considère qu'un Pacs traduit un engagement plus fort que deux années de vie commune.
L'amendement va encore plus loin. Si nous suivons son raisonnement, nous ne reconnaîtrons que le mariage.
Si l'amendement ne reconnaît que le mariage, je comprends. Mais s'il reconnaît le mariage et deux ans de vie commune, en excluant le Pacs, je ne comprends plus.
Je rejoins Isabelle Debré. Si on exige une vie commune sans mariage, il n'y a pas de raison d'exclure le Pacs.
L'amendement n° 47 rectifié d'Anne-Marie Payet et Yves Détraigne maintient la présomption de stabilité pour le Pacs et fixe une durée minimale de vie commune qui n'a que peu de sens puisque le traitement de l'infertilité avant le recours à l'AMP dure au moins deux ans. Avis défavorable.
Dans sa rédaction actuelle, l'article 20 dispose que le couple doit « apporter la preuve d'une vie commune présentant un caractère suffisant de stabilité et de continuité ». Sur quels critères va-t-on se fonder ? Qui va en juger ? Pour apprécier la continuité, il faudrait fixer une durée minimum de vie en commun.
La rédaction de l'article 20 adoptée par la commission des affaires sociales est le fruit d'un travail effectué par la commission des lois : les candidats à l'AMP doivent être mariés, liés par un Pacs ou en mesure d'apporter la preuve d'une vie commune présentant un caractère suffisant de stabilité et de continuité. La commission des lois a proposé de supprimer la référence à une durée de vie commune de deux ans, estimant que, d'un point de vue juridique, une telle référence ne serait pas applicable : c'est au juge d'apprécier la stabilité et la continuité de la vie commune. Il s'agit d'un texte de la commission des lois, je leur fais confiance.
Il convient de prendre en compte un autre aspect. Fixer le délai à deux ans permet de s'assurer de l'infécondité du couple.
Pas tout à fait. C'est une fois que l'infertilité a été constatée et que l'échec des traitements engagés contre celle-ci a été démontré que la démarche d'AMP peut être engagée : le délai de deux ans est, dans ce cas, dépassé dans les faits.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 47 rectifié.
Article 20 ter
L'amendement n° 26, qui interdit la cryoconservation des embryons, a déjà été présenté et rejeté en première lecture. Avis défavorable.
Il s'agit d'un amendement très important puisqu'il a pour objectif de limiter le nombre d'embryons surnuméraires pouvant être conservés à l'issue d'une AMP. 156 000 embryons sont actuellement conservés en France. Or, depuis 2004, nous savons que la technique de vitrification ovocytaire pourrait à terme rendre inutile la création d'embryons surnuméraires, et donc leur conservation. Il s'agit par conséquent d'un amendement de cohérence. Si nous ne l'adoptons pas, le nombre d'embryons surnuméraires conservés sera amené à augmenter très fortement dans un futur proche.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 26.
L'amendement n° 34 de Marie-Thérèse Hermange est un peu moins restrictif que le précédent mais je maintiens ma position défavorable.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 34.
Article additionnel avant l'article 22 quinquies
L'amendement n° 15 a déjà été examiné en première lecture. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 15.
Article 23
L'amendement n° 36 prévoit l'interdiction de la recherche sur l'embryon. Avis défavorable.
Cet amendement autorise la recherche quand elle ne porte pas atteinte à l'intégrité ou à la viabilité de l'embryon.
L'amendement se fonde sur trois éléments.
Le premier est un élément scientifique. Il est aujourd'hui prouvé que nous n'avons pas besoin de faire appel à la recherche sur les cellules souches embryonnaires pour cribler les pathologies. Depuis deux mois que nous avons adopté le projet de loi en première lecture, j'ai dressé la liste de l'ensemble des publications en matière de cellules souches. Ces quatorze publications portent sur des sujets tels que la reconstitution de la rétine, la génération de cellules permettant de modéliser la schizophrénie, de reprogrammer des cellules cardiaques, de prévenir la surdité neurosensorielle, de créer un vaisseau sanguin, de restaurer du tissu pulmonaire ou de traiter de l'épidermolyse bulleuse dystrophique récessive. L'ensemble des expériences réalisées l'ont été à partir de cellules souches animales, de moelle osseuse ou de cellules souches pluripotentes induites (IPS). Seule une recherche, portant sur la reconstitution de la rétine, a été effectuée à partir de cellules souches embryonnaires. Elle a cependant été suivie immédiatement après, c'est-à-dire il y a deux jours, par une réparation de rétine effectuée à partir d'IPS. Nous savons très bien aujourd'hui que les cellules souches embryonnaires n'ont aucune capacité thérapeutique et ne permettent que de cribler des molécules et screener des maladies.
Mon deuxième élément porte sur le fait qu'il serait étrange, alors que nous nous apprêtons à transposer une directive européenne qui interdit la recherche sur l'embryon animal, d'accepter les recherches portant sur les embryons humains.
Mon troisième élément se fonde sur des arguments juridiques dégagés au sein de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Celle-ci a rendu un avis en mars dernier dans lequel l'avocat général Bot estime qu'une invention doit être exclue de la brevetabilité lorsque la mise en oeuvre du procédé technique soumis au brevet utilise des cellules souches embryonnaires dont le prélèvement a impliqué la destruction ou simplement l'altération de l'embryon. Il souligne également que donner une application industrielle à une invention utilisant des cellules souches embryonnaires reviendrait à utiliser les éléments humains comme un banal matériau de départ. Il insiste enfin sur le fait que l'exception à l'interdiction de brevetabilité doit concerner les seules inventions ayant un objectif thérapeutique ou de diagnostic qui s'applique à l'embryon.
L'amendement que je vous propose est fondé sur ces trois éléments. Il vise à ce que la recherche soit autorisée lorsqu'on ne détruit pas l'embryon. Ceci est possible pour un embryon rejeté par le DPI, pour les embryons in vitro durant les heures précédant leur implantation, au moyen d'analyses électriques ultrafines, et pourrait se faire sur des embryons orphelins abandonnés. Les trois critères sur lesquels je me fonde pour déposer cet amendement constituent des arguments de raison.
A travers cet amendement, nous abordons le coeur du projet de loi et de ce qui est au fondement de nos oppositions. Marie-Thérèse Hermange vient de développer des thèses que nous connaissons. Au moment du vote du projet de loi en deuxième lecture à l'Assemblée nationale, l'Eglise catholique a mis en place une stratégie de communication destinée à contraindre les députés, que nous n'avions jusqu'à présent jamais observée. Or l'amendement qui suit celui de Marie-Thérèse Hermange, porté par une grande partie du groupe UMP et dont Jean-Claude Gaudin est le premier signataire, a pour objet de répondre aux directives du Vatican, de l'évêché et de Monseigneur Vingt-Trois.
Ayant fait partie du groupe d'amitié France-Vatican, auquel appartenait notamment Jean-Louis Lorrain, j'ai travaillé sur les questions de religion. Je ne suis donc pas étonné par les arguments avancés. Mais nous tenons à exprimer un désaccord profond et complet. Nous nous opposerons à ces amendements.
Nous touchons au point le plus important du projet de loi puisque c'est celui qui fera pencher notre vote en faveur ou contre l'adoption du projet de loi. Les arguments de Marie-Thérèse Hermange sont connus. Il s'agit de ceux développés par certains intégristes de l'Eglise catholique. Il faut le dire ! Ces mêmes intégristes retranscrivent nos échanges en commission sur internet et publient sur nous des attaques. Or le fait d'avoir une religion ne nous oblige pas à suivre ceux qui la dévient. Ceci étant dit, je tiens à souligner que tous les chercheurs français sont en opposition totale avec la décision d'interdiction prise par l'Assemblée nationale. Les chercheurs étrangers, eux, ne comprennent plus rien. Nous sommes totalement ridiculisés. La science a besoin de pouvoir travailler et c'est à partir de ces embryons, qui quoi qu'il arrive sont destinés à être détruits, que les chercheurs veulent travailler. Certes, d'autres méthodes existent. Mais c'est l'utilisation d'un ensemble de méthodes qui permet aux chercheurs de progresser. Les scientifiques français ne peuvent se limiter à une seule méthode tandis que leurs voisins étrangers en utilisent tout un ensemble. Tous doivent être mis sur un plan d'égalité et en mesure de confronter leurs expériences afin de faire évoluer la recherche. Je respecte tout à fait vos arguments mais n'essayez pas de nous les imposer.
Jean-Pierre Godefroy et moi-même ne nous laisserons pas attaquer nominativement sur internet à partir d'informations transmises dans des conditions que nous connaissons.
Il importe aujourd'hui de donner à nos scientifiques des moyens de travail équivalents à ceux des autres chercheurs dans le monde entier. Les convictions religieuses auxquelles il est fait allusion sont à mon sens des convictions intégristes, qui n'ont rien à voir avec la religion. Ces opinions sont défendues par une frange intégriste qui cherche à faire pression sur le législateur. Or il n'est pas normal que des députés et des sénateurs soient soumis à des lobbies de ce type. Ils sont ici pour voter la loi en dehors des lobbies.
Certains ont pu considérer l'autorisation de la recherche sur l'embryon humain comme un « recul de civilisation sans précédent ». Relisez les déclarations des plus hautes autorités de l'Eglise catholique, elles sont éclairantes.
Je suis assez bouleversée par ce débat. Pour des motifs personnels, je n'ai pas pu être présente en commission mercredi dernier. J'ajoute que je ne sais pas, Bernard Cazeau, à quoi vous faites allusion.
Je voudrais dire tout simplement que, certes, j'ai une source en moi qui me fait penser que la vie est un don, que cette vie commence au moment de la constitution de la cellule initiale, que cette cellule, dès cet instant, peut être en mouvement et peut donner naissance à une vie humaine et qu'à partir de là, nous n'avons pas à en faire un matériau. Mais je ne suis jamais montée à la tribune du Sénat en invoquant, comme d'autres l'ont fait, des pères de l'Eglise pour étayer mon argumentation. Depuis sept ans que je travaille ici, je me suis formée avec des équipes de chercheurs, des juristes, des experts, qui n'ont pas les mêmes options politiques, philosophiques et religieuses que moi. Lorsque le président Larcher et Muguette Dini m'ont demandé de présenter les rencontres de la bioéthique, j'ai essayé de remplir ma mission avec objectivité tout en évoquant les questions qui m'interpellaient.
Aujourd'hui, je suis effectivement interpellée lorsque je lis les arguments juridiques avancés par le procureur Bot de la CJUE. Ce n'est pas moi qui parle d'un « simple matériau de départ », c'est le procureur Bot. Quand je l'entends dire que le projet de révision de la directive 86-609 sur l'expérimentation animale exclue désormais les animaux vertébrés non humains vivants, y compris les formes larvaires autonomes et les formes embryonnaires ou foetales, de la recherche embryonnaire, il me semble qu'il s'agit d'arguments objectifs dont je dois faire part à la commission.
Maintenant, si certains, parce que c'est moi qui les énonce, pensent qu'il s'agit d'arguments intégristes, je les laisse libres de leur jugement. Mais beaucoup est affaire de croyance sur ce sujet. Certains scientifiques écrivent : « je crois que l'embryon dépend de l'usage qu'on peut en faire, selon qu'il y a un projet parental ou non ». Ces chercheurs qui écrivent « je crois que » nous donnent aussi à atteindre à une certaine forme du principe de laïcité.
Hier, le président Autain et moi-même avons auditionné, dans le cadre de la mission d'information sur le Mediator, le directeur de l'institut national scientifique d'études et de recherches médicales (Inserm) qui nous a rappelé des éléments importants sur la thérapie génique. Pendant de nombreuses années, nous avons cru aux vertus de la thérapie génique. De la même façon, nous avons cru à l'équation : un gène, une fonction, une maladie. Aujourd'hui ces croyances se révèlent fausses. Elles nous ont pourtant conduits à engager des financements afin de travailler sur ces questions.
Je considère que le travail de recensement que j'ai engagé depuis deux mois constitue un travail objectif.
J'ai cosigné l'amendement déposé par une large partie du groupe UMP et dont le premier signataire est Jean-Claude Gaudin. Il est très difficile de concilier ses convictions religieuses et philosophiques avec son devoir de législateur qui implique que nous légiférions pour tous, c'est-à-dire également pour ceux dont les convictions sont opposées aux nôtres. Ceci étant, je souhaiterais déposer un sous-amendement pour que l'on revienne à la formulation de l'article 23 tel qu'il avait été proposé en premier lieu par le Gouvernement dans le projet de loi initial. En effet, si je soutiens dans son ensemble l'amendement du groupe UMP, je suis en désaccord avec certains de ses éléments. L'Assemblée nationale a utilisé l'expression « cellules souches » et je préfèrerais qu'on revienne à la version du Gouvernement. Je suis également en désaccord avec le fait de donner systématiquement aux familles des informations sur la nature des recherches menées à partir de leurs embryons surnuméraires.
Tâchons de retrouver un peu de sérénité sur ce sujet essentiel. J'ai entendu ce qu'ont dit Guy Fischer et Bernard Cazeau. Etant catholique, je leur pardonne leurs outrances. Des points de vue différents, voire opposés, existent. Il est légitime que chacun s'exprime. Mais écoutons-nous un peu et tolérons que d'autres puissent penser différemment. Je suis en désaccord avec Guy Fischer et Bernard Cazeau sur le sujet que nous traitons mais je leur reconnais parfaitement le droit d'avoir un avis opposé au mien. J'aimerais que l'on évite de caricaturer les positions des uns et des autres.
Il ne faut par ailleurs pas confondre catholicisme et intégrisme. Le catholicisme, c'est l'Eglise universelle. Que des courants se réclamant du christianisme, qualifiés par vous d'intégristes, tentent de faire pression, personne ne le nie. Mais ces gens là ne s'expriment qu'en leur nom. Ils ne parlent pas au nom des catholiques et encore moins de l'Eglise. Cette remarque s'applique également à moi-même : je ne me reconnais aucun droit de m'exprimer au nom de l'Eglise catholique. Les catholiques ici présents sont libres de leur vote et de leurs opinions. N'oublions pas que la laïcité, telle qu'elle est définie par la loi de 1905, garantit également la liberté d'expression religieuse.
Pour en revenir au fond, Marie-Thérèse Hermange a très bien présenté les enjeux. Selon Bernard Cazeau, il faut autoriser toutes les recherches techniquement possibles afin d'optimiser nos chances de faire progresser la recherche. Je constate simplement, Marie-Thérèse l'a démontré, qu'il n'est peut-être pas si sûr que toutes les pistes méritent d'être explorées. J'ajouterai un autre argument : la France est un tout petit pays, ruiné financièrement.
N'engageons pas le débat là-dessus, je crois que les responsabilités sont largement partagées. Toujours est-il que la France n'a pas les moyens d'engager des recherches sur tous les sujets. Si nous avions le bon sens de nous engager pleinement dans la recherche sur les cellules souches adultes, ce que beaucoup d'autres pays ne font pas, nous pourrions peut-être prendre une certaine avance dans ce domaine. Comme d'habitude, nous allons vouloir tout faire et par conséquent, nous serons en retard sur tout.
Tout en étant en complète opposition sur le fond avec André Lardeux, je voudrais dire à peu près la même chose que lui concernant la tonalité du débat. Chacun a ses convictions et j'attends de nos collègues ici présents qu'ils respectent cette diversité. Quand nous avons débattu de la proposition de loi sur la fin de vie, un de nos collègues nous a accusés de vouloir nous débarrasser de nos aînés. Aujourd'hui, nous sommes accusés de vouloir tuer les bébés. Ces paroles sont dures. Il convient d'en mesurer la portée avant de les prononcer.
Pour en revenir au texte, je rejoins la position de Bernard Cazeau et Guy Fischer. Interdire la recherche sur l'embryon humain donnerait un très mauvais signal. Notre vote en première lecture avait suscité beaucoup d'espoir au sein de la recherche française et clarifié notre position vis-à-vis de la recherche mondiale.
Je me prononcerai donc contre cet amendement et contre le prochain. Ne cherchons pas à dépassionner le débat : il s'agit d'un sujet passionnant et il est normal que nous en parlions avec passion. Mais restons mesurés afin de ne blesser personne.
Les sénateurs, quand ils s'expriment à la tribune ou en commission, n'ont pas à faire référence à leurs convictions religieuses. Mais si jamais ces convictions se ressentaient dans nos paroles et dans nos actes, ce serait une bonne chose : nous n'avons pas non plus à les étouffer.
Personne n'interdit à quiconque de s'exprimer. La preuve en est que chacun a pu parler longuement. Il est bien évident que sur ce sujet, deux conceptions s'opposent qui sont également respectables.
Je rejoins l'ensemble de la commission sur le fait que chacun est libre d'exprimer ses pensées. Mais nous avons également le devoir de légiférer en toute connaissance de cause. Je souhaite, et je le referai en séance, rendre hommage au travail considérable accompli par Marie-Thérèse Hermange sur les cellules souches embryonnaires. Mais je tiens à lui préciser que les travaux qu'elle nous a présentés ne traduisent qu'une partie de la réalité. D'autres études permettraient de soutenir une position contraire.
Je souhaiterais maintenant revenir à la recherche sur l'embryon. Il faut bien savoir que nous parlons d'un amas cellulaire de seize cellules, avant que ne se soient écoulés cinq jours et demi après la fécondation. Passé ce délai, la recherche sur les cellules souches embryonnaires devient impossible, celles-ci n'étant plus totipotentes. Je précise que le terme « amas cellulaire » est scientifique et ne traduit aucune connotation. Un prélèvement effectué sur un amas de seize cellules ne porte pas atteinte à la viabilité de l'embryon mais à son intégrité.
Par conséquent, interdire les recherches portant atteinte à l'intégrité de l'embryon revient à totalement interdire les recherches sur les cellules souches embryonnaires. Je souligne en outre que le rôle de l'agence de la biomédecine (ABM) est d'interdire les recherches sur les cellules souches embryonnaires dès lors qu'une autre méthode permet d'atteindre un résultat équivalent. Cette règle figure déjà dans la loi. Nous n'avons pas besoin de la renforcer en interdisant totalement la recherche sur l'embryon et sur les cellules souches embryonnaires.
Je m'exprimerai en séance sur les autres sujets.
Pour finir, je soulignerai que s'il existe dans la chrétienté des Eglises opposées à la recherche sur l'embryon, des Eglises protestantes y sont au contraire favorables.
Il convient aussi d'insister sur le fait que les embryons utilisés pour effectuer les recherches sont de toute façon amenés à être détruits puisqu'ils ne font plus l'objet de projet parental. Si nous fabriquions des embryons dans le but spécifique d'effectuer des recherches, je m'y opposerais totalement. Ce n'est pas le cas en l'espèce.
Marie-Thérèse Hermange n'a pas signé l'amendement n° 51. Elle est cohérente avec elle-même. Le principe même d'une dérogation à l'interdiction prévu à l'amendement n° 51 est hypocrite. La position de Marie-Thérèse Hermange est respectable. Le texte de Jean-Claude Gaudin et de certains membres du groupe UMP est politique.
J'explique simplement que si Marie-Thérèse Hermange exprime ses convictions, votre démarche est purement politique.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 36.
L'amendement n° 51 rectifié revient à rétablir le texte adopté à l'Assemblée nationale. Or ce texte interdit la recherche sur l'ensemble des lignées cellulaires, même non embryonnaires. Le Sénat avait autorisé la recherche encadrée en première lecture. La commission spéciale de l'Assemblée nationale a entériné ce principe mais en l'encadrant de façon telle que la recherche devenait très difficile. En séance publique, l'Assemblée nationale est revenue au principe de l'interdiction tout en durcissant les conditions de dérogations au point de rendre la recherche quasiment impossible. C'est ce texte qui nous est maintenant présenté par le biais de l'amendement n° 51 rectifié. Avis défavorable.
Quelle est la différence entre le texte proposé par l'amendement et le droit applicable actuellement ?
Je signale que cet amendement contient une erreur technique importante puisqu'il parle des cellules souches et non des cellules souches embryonnaires. Cela revient à placer l'ensemble de la recherche sur les cellules souches adultes sous un régime juridique d'interdiction avec dérogations. L'ABM serait soumise à un travail considérable et les chercheurs ne comprendraient pas une telle situation. L'amendement déposé la semaine dernière par Jean-Louis Lorrain afin de corriger cette erreur technique n'a pas été adopté. C'est la raison pour laquelle je dépose aujourd'hui un sous-amendement n° 31 ayant le même objectif.
L'amendement n° 51 revêt une signification politique importante puisqu'il concrétise certainement la volonté politique de la majorité et porte le sceau du Président de la République. Cette volonté est claire : il s'agit d'interdire la recherche sur l'embryon humain, sur les cellules souches embryonnaires et sur les lignées de cellules souches. Accepter un tel amendement constituerait un véritable « recul de civilisation » et enverrait aux chercheurs un signal inacceptable.
Ce n'est absolument pas un amendement suggéré par l'exécutif. La preuve en est qu'il ne s'agit pas du texte proposé initialement par le Gouvernement. Je voterai en faveur du sous-amendement de Marie-Thérèse Hermange. Je suis également gênée, je vous l'ai dit, par la disposition de l'amendement qui permet au couple ou au membre survivant du couple d'être informé de la nature des recherches projetées sur ses embryons surnuméraires afin de pouvoir donner un consentement libre et éclairé. Une telle précision ne me paraît pas nécessaire et je souhaiterais avoir l'éclairage du rapporteur sur ce point. J'essaierai d'être présente en séance et interrogerai à cette occasion le Gouvernement.
Je n'ai pas eu de contacts avec d'éventuels lobbies. Nous nous sommes regroupés à quelques uns à la suite de la dernière réunion de commission afin, effectivement, d'exprimer notre volonté politique. Le terme volonté politique ne me paraît pas péjoratif, d'autant que cette volonté repose sur des convictions. Cet amendement s'inspire effectivement de ce qui a été adopté à l'Assemblée nationale et est en accord avec la volonté initiale du Gouvernement : il s'agit avant tout d'un retour aux dispositions d'origine. Le texte demeure malgré tout imparfait, notamment quant à l'autorisation de la recherche lorsqu'elle est susceptible de permettre des progrès « médicaux » et non « thérapeutiques » majeurs.
Je souhaiterais exprimer un malaise. Les auditions nous ont permis d'entendre des points de vue très différents et j'ai beaucoup de mal à forger ma propre opinion, quand bien même je partage certaines des convictions philosophiques ou morales qui ont pu être avancées. J'avais déposé en séance en première lecture un amendement qui revenait à la position du Gouvernement telle qu'elle figurait dans le projet de loi initial. Je regrette qu'il n'ait pas été adopté alors et que, si j'en crois le rapporteur, l'amendement n° 51 rectifié qui nous est présenté aujourd'hui soit en retrait par rapport au droit applicable. Il ne faut pas barrer la route à toute recherche mais celles-ci doivent être encadrées.
Enfin, un élément attire particulièrement mon attention : pourquoi conservons-nous en France autant d'embryons ? Ne donnons-nous pas là un signal d'absence de morale dans la recherche embryonnaire ? Je demeure hésitante. L'abstention ne me paraît cependant pas une position très courageuse et je voterai donc en faveur de cet amendement tout en regrettant qu'il soit en retrait par rapport au texte initial.
Il me semble normal que nos collègues de la majorité gouvernementale aient déposé un amendement qui va dans le sens de la position du Gouvernement. C'est bien ce dernier qui est à l'origine du texte que nous étudions.
L'amendement, tel qu'il est proposé, c'est-à-dire reprenant le texte de l'Assemblée nationale, ne peut être accepté puisqu'il conduit à interdire totalement la recherche.
La loi bioéthique de 2004 prévoyait une révision et des évolutions futures. Avec le texte actuel, nous n'envisageons pas de révision future. Si nous interdisons la recherche sur l'embryon tout en prévoyant des dérogations, le signal envoyé aux chercheurs internationaux sera avant tout celui d'une interdiction. Nous nous priverons alors de recherches considérables pour l'avenir en laissant nos collègues internationaux effectuer les travaux à notre place.
Les recherches menées en France le sont actuellement sur tous les types de cellules souches. Or, qu'il s'agisse des cellules IPS ou des cellules embryonnaires, les résultats sont dans les deux cas décevants. Il n'existe pas un type de cellules souches qui permettrait d'exclure de la recherche les autres cellules souches.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 51 rectifié et au sous-amendement n° 31.
Le sous-amendement n° 53 propose de remplacer « progrès médical » par « progrès thérapeutique ». Cette modification ne me paraît pas nécessaire dans la mesure où le terme « médical » me semble plus adapté à la démarche scientifique. C'est d'ailleurs ce dernier qui figurait dans le projet initial déposé par le Gouvernement. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable au sous-amendement n° 53.
Le sous-amendement n° 54 vient amender l'amendement n° 51 rectifié. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable au sous-amendement n° 54.
L'amendement n° 27 de Bruno Retailleau tend à l'interdiction totale de la recherche sur l'embryon. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 27.
Article 24 ter B
Avis défavorable sur l'amendement n° 7 qui allonge le délai de révision de la loi. L'amendement n° 39 de Marie-Thérèse Hermange prévoit la création dans chaque assemblée d'une délégation parlementaire à la bioéthique. Ces questions entrent déjà dans le champ de compétence de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Demande de retrait ou avis défavorable.
Article 24 quater
L'amendement n° 42 a été déclaré irrecevable sur le fondement de l'article 48 de la Constitution. Il n'a donc pas été examiné par la commission.
Article additionnel après l'article 24 quater
Je serais a priori favorable à ce que l'Inserm remette un rapport au Parlement relatif à la recherche sur les causes de la stérilité. L'amendement n° 43 prévoit cependant une périodicité annuelle, ce qui me paraît trop lourd et me conduit à émettre un avis de sagesse.
L'objectif d'un tel rapport annuel serait de permettre une prise de conscience élargie des conséquences que peut avoir l'utilisation courante de certains produits sur la fertilité.
Remettre un rapport par an me paraît utopique. Pour cette raison, je ne voterai pas en faveur de l'amendement.
La commission émet un avis de sagesse à l'amendement n° 39.
Puis la commission procède à l'examen du rapport de M. Jean-Louis Lorrain sur le projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.
Ce texte depuis longtemps attendu, qui nous revient en deuxième lecture, apporte des modifications essentielles aux règles actuelles de l'hospitalisation sous contrainte.
Il tend à dissocier l'obligation de soin et les modalités des soins en prévoyant la possibilité pour des patients de faire l'objet de soins sans leur consentement sous une autre forme que l'hospitalisation complète. Après une période d'observation d'une durée maximale de soixante-douze heures, le directeur de l'établissement ou le préfet, selon le régime sous lequel la personne a été admise en soins sans consentement, décidera de la forme de la prise en charge.
Les soins revêtant une autre forme que l'hospitalisation complète incluront des soins ambulatoires et pourront comporter des soins à domicile et, le cas échéant, des séjours effectués dans un établissement habilité à recevoir des personnes hospitalisées sans leur consentement.
Pour répondre aux exigences formulées par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 26 novembre 2010, le projet de loi introduit une saisine obligatoire du juge des libertés et de la détention sur toutes les mesures d'hospitalisation sans consentement. Le juge devra se prononcer dans les quinze jours de l'admission puis tous les six mois.
Le texte prévoit en outre une procédure renforcée pour la levée des soins sans consentement lorsqu'elle concerne des personnes ayant séjourné en unité pour malades difficiles (UMD) ou ayant fait l'objet d'une déclaration d'irresponsabilité pénale. Le préfet et le juge, lorsqu'ils statueront sur le sort de ces personnes, devront recueillir l'avis d'un collège composé de deux psychiatres et d'un membre de l'équipe pluridisciplinaire, ainsi que deux expertises psychiatriques.
Pour prendre en compte la situation des personnes isolées, le projet de loi crée une nouvelle procédure d'admission en soins sans consentement en cas de péril imminent. Cette procédure permettra une hospitalisation en l'absence de tiers demandeur sur la base d'un seul certificat médical.
Les travaux parlementaires ont permis de préciser de nombreux points et d'apporter des compléments utiles au projet de loi. Ainsi, en première lecture, l'Assemblée nationale a prévu un « droit à l'oubli » pour les personnes ayant séjourné en UMD ou ayant fait l'objet d'une déclaration d'irresponsabilité pénale, afin que la procédure renforcée ne leur soit plus applicable après une certaine durée. Elle a aussi prévu une saisine du juge des libertés et de la détention en cas de désaccord entre le médecin et le préfet sur la levée d'une mesure d'hospitalisation complète.
De son côté, le Sénat a souhaité apporter des précisions à la notion de soins hors de l'hôpital sans le consentement du patient. Il a notamment remplacé la notion de « protocole » de soins par celle de « programme » de soins. Il a en outre prévu de faire référence à des lieux de soins plutôt qu'à des formes de soins. Il a précisé les conditions d'élaboration et de modification du programme de soins en prévoyant un entretien entre le psychiatre et le patient.
Notre assemblée a par ailleurs substantiellement amélioré les règles relatives à l'audience du juge des libertés et de la détention, en prévoyant la faculté de tenir l'audience au sein de l'établissement d'accueil, en encadrant le recours à la visioconférence et en permettant la tenue d'une audience non publique pour protéger le malade. Elle a également donné faculté au juge, en cas de levée d'une mesure d'hospitalisation complète, d'ordonner que cette mainlevée prenne effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures pour permettre, éventuellement, l'élaboration d'un programme de soins.
Enfin, le Sénat a fixé à dix ans la durée de la période à l'issue de laquelle s'appliquera le « doit à l'oubli ».
En deuxième lecture, l'Assemblée nationale est revenue sur certaines modifications apportées par le Sénat sur les soins hors de l'hôpital mais a conservé les précisions sur le programme de soins et son élaboration. Elle a aussi prévu que les personnes susceptibles d'être admises en soins psychiatriques sans consentement et prises en charge en urgence devront être transférées vers un établissement psychiatrique dans un délai maximal de quarante-huit heures, mais que la période initiale d'observation et de soins commence dès le début de la prise en charge. Elle a enfin adopté un amendement réécrivant l'article du code de la santé publique sur l'organisation territoriale de la mission de service public de prise en charge des personnes en soins psychiatriques sans consentement.
Compte tenu des clarifications et des améliorations qu'a apportées la navette sur ce texte, qui doit impérativement entrer en vigueur dès le 1er août prochain, et dont certaines dispositions, comme le contrôle du juge des libertés sur les mesures d'hospitalisation, sont particulièrement attendues, je vous propose de l'adopter dans la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale.
Au cours des prochains mois, nous devrons être très vigilants sur les conditions de mise en oeuvre de la loi, afin de vérifier qu'elle s'applique dans de bonnes conditions.
J'estime également que notre commission devra examiner avec grande attention le contenu du plan de santé mentale que présentera le Gouvernement à l'automne prochain, lequel devra être véritablement ambitieux pour que les nouvelles procédures prévues par la loi soient réellement applicables. Peut-être sera-t-il bon, dans ce cadre, d'entendre la ministre, dès la rentrée.
Inutile de rappeler notre opposition de principe à un texte d'affichage qui, du reste, sera inapplicable au 1er août. Sur le fond, il ignore totalement ce qu'est le fonctionnement de la psychiatrie. J'ai reçu le président d'un des syndicats représentatifs de la profession les plus importants : il partage totalement notre analyse. Quant à sa mise en pratique, n'en parlons pas. Pour respecter les délais et les conditions, le juge, dans le Rhône, où la seule agglomération lyonnaise compte trois grands hôpitaux psychiatriques, aura à se déplacer dans chaque hôpital.
Nous avons affaire à un texte aberrant, sur lequel nous maintenons notre opposition.
Le désaccord des écologistes sur ce texte demeure. Mais les positions du rapporteur n'ont-elles pas évolué, sachant qu'une grande association semble avoir changé les siennes, que le Gouvernement, et lui-même, présentaient comme un argument fort, sur les soins sans consentement hors établissement ?
Ce texte me laisse perplexe. Sans être spécialiste de la question, on peut, à constater que l'article premier ne comporte pas moins de 116 paragraphes, et le reste, à l'avenant, s'interroger sur la clarté de ses dispositions.
Je doute, moi aussi, qu'il soit applicable au 1er août, si j'en crois les échos qui me viennent de mon département, où le préfet est dans le brouillard, de même que les juges et le procureur, tandis que les administrations de santé se demandent avec angoisse qui payera la facture.
Je reste dubitatif sur les soins sous contrainte hors hôpital. Je vois mal comment cela peut fonctionner. Sera-ce à la famille de vérifier que les soins sont bien suivis ? Ce serait proprement invivable. « C'est une disposition moderne », nous a-t-on doctement expliqué. Et bien précisément, au vu des âneries qui se sont faites, ces dernières années, au nom de la modernité, je m'inquiète.
Je partage largement l'analyse d'André Lardeux. Si un texte est bien attendu, monsieur le rapporteur, ce n'est nullement celui-là, mais une grande loi de santé publique. Le travail parlementaire, mené tambour battant, n'a pas levé les inquiétudes : ni les nôtres, ni celles de tous ceux qui auront à appliquer - et au 1er août de surcroît ! - un texte dont nous ne pouvons, au-delà, partager l'économie d'ensemble. Sur les soins sans consentement, nous attendons toujours que l'on nous explique comment soigner les gens malgré eux.
C'est là un texte de circonstance, qui répond à l'événement médiatique sans prendre en considération les problèmes que pose la prise en charge de la maladie mentale. De la grande loi que nous appelions de nos voeux, la ministre Nora Berra se demandait, devant l'Assemblée nationale, ce que l'on pourrait bien mettre dedans. Qu'il suffise de lui suggérer de lire les conclusions du récent rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas), dont beaucoup mériteraient d'être reprises. Pour l'heure, à ce texte de circonstance, nous répondrons de manière circonstancielle.
En entendant le rapporteur, j'ai eu le sentiment que l'on souhaiterait en finir au plus vite avec ce texte, qui nous revient pourtant de l'Assemblée nationale en recul sur les dispositions que le Sénat y avait introduites.
Pour nous, nous continuerons à nous y opposer fermement en séance, et à relayer la contestation des psychiatres et des personnels de santé mais aussi des représentants des patients. Nous défendrons donc nos amendements en séance. Il n'est pas acceptable que vous nous dirigiez ainsi tout droit vers un vote conforme, d'ailleurs déjà annoncé par le Gouvernement !
La commission se réunira la semaine prochaine pour l'examen des amendements extérieurs.
Je comprends, monsieur Fischer, votre volonté de stimuler le débat, mais vous avez eu des mots bien forts. Pour moi, les dispositions qui concernent le domaine clinique sont parfaitement acceptables.
Je n'ai pas récemment rencontré, monsieur Desessard, les représentants de l'Unafam. Mais j'ai vécu d'autres épisodes législatifs en ce domaine douloureux de la psychiatrie, et je sais combien les acteurs y sont sensibles, combien aussi le pouvoir médical est jaloux de ses prérogatives, combien enfin les établissements diffèrent selon les régions et n'offrent pas partout la même qualité de service.
Je n'ai pas eu de contact.
La polyvalence du lieu, monsieur Lardeux, est utile pour les cas de grande exclusion, pour les personnes isolées. J'y tiens. Les soins à domicile ont connu de profondes évolutions, pour les personnes âgées, pour les handicapés, pourquoi n'évolueraient-ils pas dans le domaine du handicap psychiatrique ?
Je n'en reste pas moins très vigilant. Et c'est pourquoi j'ai demandé que le Sénat puisse examiner de près le plan santé mentale à venir. Les inquiétudes persistent, m'objectez-vous ? C'est que nous avons affaire, je l'ai dit, à un univers douloureux.
J'admets, madame Demontès, que l'on peut ressentir quelque précipitation dans la volonté d'aboutir, mais c'est que nous avons l'impératif de répondre à l'exigence posée par le Conseil constitutionnel. Je regrette que l'Assemblée nationale ait touché aux dispositions relatives au programme de soin mais la notion de programme demeure : aux professionnels associés de travailler à établir les procédures.
Le rapporteur nous dit tout à la fois qu'il n'est pas totalement satisfait, mais qu'il faut adopter le texte conforme, en ajoutant qu'il sera vigilant à la rentrée : c'est admettre qu'il ne l'est pas aujourd'hui. Je comprends mal ce qui l'empêche d'adopter dès à présent des amendements qui le rendraient mieux satisfait.
Je puis comprendre votre approche perfectionniste : il faut toujours aller vers le mieux. Mais l'immensité de la tâche ne saurait s'embrasser par les quelques amendements cosmétiques du rapporteur que je suis. C'est pourquoi j'ai demandé au ministre de mettre en oeuvre, dans le cadre du plan national, un groupe de liaison par lequel nous pourrons exprimer toutes nos réflexions. J'en ai fait l'expérience avec le plan Alzheimer, elle fut très fructueuse. Il peut en être de même pour la psychiatrie.
En l'absence d'amendements du rapporteur ou d'autres sénateurs, je mets aux voix le texte du projet de loi tel qu'il nous revient de l'Assemblée nationale.
La commission adopte le projet de loi sans modification.
La commission procède à la désignation de sept candidats titulaires et de sept candidats suppléants appelés à faire partie d'une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la bioéthique.
Sont désignés comme candidats titulaires : Muguette Dini, Alain Milon, Marie-Thérèse Hermange, Jean-Louis Lorrain, Bernard Cazeau, Jean-Pierre Godefroy et Guy Fischer et comme candidats suppléants : Gilbert Barbier, François-Noël Buffet, Annie David, Jean Desessard, Bruno Gilles, André Lardeux et Raymonde Le Texier.