Séance en hémicycle du 31 mars 2016 à 10h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance est ouverte à dix heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Par lettre en date du 30 mars 2016, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain et citoyen, a fait connaître à M. le président du Sénat que son groupe exerce son droit de tirage, en application de l’article 6 bis du règlement, pour la création d’une mission d’information sur la position de la France à l’égard de l’accord de mars 2016 entre l’Union européenne et la Turquie relatif à la crise des réfugiés et sur les conditions de mise en œuvre de cet accord.

La conférence des présidents sera saisie de cette demande de création lors de sa prochaine réunion.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’ordre du jour appelle la discussion en nouvelle lecture de la proposition de loi organique, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle (proposition n° 501, résultat des travaux de la commission n° 511, rapport n° 510) et de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture, de modernisation de diverses règles applicables aux élections (proposition n° 502, texte de la commission n° 512, rapport n° 510).

Il a été décidé que ces deux textes feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis la révision constitutionnelle du 28 octobre 1962, l’élection au suffrage universel direct du Président de la République est la clef de voûte des institutions de la Ve République.

Après chaque scrutin, notamment après ceux de 2007 et de 2012, les différents organismes de contrôle de cette élection ont formulé plusieurs recommandations sur les modalités d’organisation de cette élection si importante pour le fonctionnement démocratique de nos institutions, recommandations qui ont inspiré la rédaction de la proposition de loi organique qui vous est de nouveau soumise aujourd’hui, mesdames, messieurs les sénateurs.

Le Conseil constitutionnel, la Commission nationale de contrôle de la campagne électorale de l’élection présidentielle, organisme spécifique à ce scrutin, le Conseil supérieur de l’audiovisuel, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques et la Commission des sondages ont chacun, à deux reprises, publié un certain nombre de suggestions et de recommandations qui composent un ensemble cohérent de mesures. Celles-ci vont permettre de moderniser l’organisation de ce scrutin avec comme seul objectif d’éviter à l’avenir les contestations récurrentes qui, à chaque élection, nourrissent de vaines controverses ne débouchant jamais sur aucune réforme, qu’il s’agisse du système des parrainages, du temps de parole accordé à chaque candidat dans les médias audiovisuels ou encore des règles encadrant la publication des sondages et la divulgation des résultats.

C’est donc pour remédier à une telle situation que le Gouvernement a décidé de soutenir la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle. Ce texte a d’abord été discuté à l’Assemblée nationale, au Sénat, puis en commission mixte paritaire, le Gouvernement regrettant que celle-ci n’ait pu parvenir à un accord.

Il faut néanmoins poursuivre la discussion, de façon à définir un cadre juridique renforcé pour l’organisation de la prochaine élection présidentielle, mais aussi, naturellement, de celles qui suivront. Le but est, chacun l’aura compris, de rendre incontestable l’organisation de cette consultation.

En premier lieu, il convient de réformer les règles encadrant le système de parrainage des candidats, ce qui inclut trois mesures principales.

Tout d’abord, il est proposé de modifier les modalités de transmission des présentations ou « parrainages » au Conseil constitutionnel. Ils devront dorénavant être adressés par l’auteur de la présentation lui-même, et non plus par le candidat ou l’équipe de campagne, par voie postale ou directement auprès du Conseil constitutionnel, et non plus en préfecture, des dérogations étant bien entendu prévues pour l’outre-mer et pour nos compatriotes installés à l’étranger.

Un amendement adopté en première lecture à l’Assemblée nationale, et conservé par le Sénat, fixe également la perspective d’une remise des parrainages par voie électronique après 2017, et au plus tard au 1er janvier 2020.

Ensuite, la publicité intégrale de la liste des élus ayant parrainé un candidat est prévue. Actuellement, seule la liste des cinq cents premiers élus tirés au sort est publiée. Mais cette procédure repose sur une inégalité flagrante entre les parrains dont le nom est tiré au sort et rendu public par le Conseil constitutionnel et les autres. Nous souhaitons par conséquent mettre un terme à ce traitement différencié, dans la mesure où le principe de responsabilité et l’exigence de transparence doivent conduire les élus à assumer leur choix devant les citoyens.

Enfin, nous souhaitons imposer au Conseil constitutionnel de rendre public le nom des parrains au moins deux fois par semaine, afin non seulement d’en garantir la communication de façon plus efficace, mais aussi d’atténuer quelque peu la pression qui repose parfois sur les élus. Vous l’aurez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, il s’agit d’éviter toute dramatisation excessive de la décision que prennent les élus de parrainer tel ou tel candidat.

En deuxième lieu, nous souhaitons clarifier la réglementation des temps de parole. S’agissant de l’accès des candidats aux médias audiovisuels, la proposition de loi prévoit de substituer un strict principe d’équité à l’actuelle règle d’égalité des temps de parole réservés aux candidats pendant la période « intermédiaire », qui s’étend, je le rappelle, de la publication de la liste des candidats à la veille de la campagne officielle.

Une telle substitution permettra de simplifier et, par là même, de clarifier une réglementation devenue au fil du temps particulièrement confuse.

Faire coexister les principes d’égalité des temps de parole et d’équité des temps d’antenne représente, en effet, une source de complications aussi bien pour les candidats que pour les antennes de radio et les chaînes de télévision.

Nous observons ainsi que les services de radio et de télévision ont réservé une part réduite à l’expression des candidats au cours des trois semaines qui ont précédé la campagne électorale officielle, ce qui traduit bien une crainte de ne pas pouvoir garantir l’égalité entre chacun d’entre eux.

Certains, et c’est un comble, préfèrent même n’organiser aucun débat entre les candidats. Par exemple, TF1, France 2, France 3, Canal + et M6 n’ont réservé en 2012 que douze heures à la retransmission des interventions des candidats, soit une diminution de 50 % par rapport au volume relevé lors de la même période sur ces chaînes en 2007. Les temps de parole accordés sur les antennes des radios généralistes et des chaînes d’information en continu ont également été en baisse en 2012 par rapport à 2007.

Ni les candidats ni les électeurs ne peuvent évidemment se satisfaire de cette situation susceptible de nuire à la richesse et à la vigueur du débat démocratique.

L’adoption de la proposition de loi organique permettra, pendant la période intermédiaire, que l’équité soit observée dans des « conditions de programmation comparables ». La précision est d’importance : elle doit permettre aux différents candidats et à leurs soutiens d’être exposés sur les antennes dans les mêmes tranches horaires, évitant ainsi que l’exposition médiatique de certains candidats puisse être cantonnée à des émissions recueillant une faible audience.

Loin d’affaiblir les candidats, la proposition de loi leur permettra donc une exposition médiatique de meilleure qualité.

En troisième lieu, la proposition de loi organique prévoit de mettre en place un système automatique de radiation des listes électorales consulaires pour les Français établis à l’étranger qui rentrent en France.

En d’autres termes, dès lors que ces derniers quittent le pays étranger où ils s’étaient installés, leur radiation du registre consulaire des Français de l’étranger entraînera automatiquement leur radiation des listes électorales consulaires. Il s’agit là d’une mesure de bon sens, de simplification et de sincérité des listes. La proposition de loi organique rénovant les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France présentée à l’Assemblée nationale par Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann permettra d’approfondir la question de la double inscription, dont je sais qu’elle soulève un certain nombre d’interrogations. Naturellement, je veux exprimer le soutien du Gouvernement à cette initiative parlementaire transpartisane, qui s’inscrit pleinement dans l’esprit du texte qui est soumis aujourd’hui à votre examen, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je veux également répondre au sénateur Jean-Yves Leconte quant à la question de la radiation en cas de caducité de l’inscription sur le registre.

L’inscription au registre des Français établis hors de France est valable cinq ans. Des mesures adéquates de concertation contradictoire sont prises par les postes consulaires avant de radier les administrés. Trois mois avant l’échéance, l’administré reçoit à l’adresse postale ou électronique connue par le poste consulaire une lettre ou un message précisant les formalités de renouvellement. L’électeur est alors radié du registre dans les trois mois suivant l’envoi de ce courrier si le renouvellement n’est pas sollicité.

Par ailleurs, pour simplifier le système et pallier d’éventuelles difficultés, un registre en ligne permettra à l’électeur de renouveler son inscription ou de signaler son départ sans avoir à se déplacer au consulat.

Je veux dire à présent quelques mots sur la comptabilisation des dépenses et des recettes électorales qui ont vocation à figurer dans les comptes de campagne des candidats.

La période durant laquelle ces dépenses et ces recettes seront comptabilisées a été réduite par l’Assemblée nationale de un an à six mois. Le Gouvernement exprime des doutes quant à l’opportunité d’une telle mesure et se satisfait de la position du rapporteur, dont je salue le travail, et de la commission des lois. À nos yeux, une telle mesure aurait pour effet de réduire l’espace de contrôle des comptes de campagne et entrerait par là même en contradiction avec le mouvement de démocratisation de nos procédures, lequel vise à renforcer leur transparence.

Concernant, enfin, la législation applicable aux sondages, des dispositions ont été introduites par votre assemblée sur l’initiative des sénateurs Jean-Pierre Sueur et Hugues Portelli. Il s’agit de la reprise par voie d’amendement, en un seul article, d’une proposition de loi d’une vingtaine d’articles adoptée par le Sénat en février 2011 et examinée par la commission des lois de l’Assemblée nationale en juin 2011, c’est-à-dire sous une précédente majorité. Le texte n’a, depuis, jamais été inscrit à l’ordre du jour de la séance publique de l’Assemblée nationale, ni par le Gouvernement ni par les groupes parlementaires de la majorité ou de l’opposition, qui disposent pourtant de cette faculté.

Ce texte soulève à nos yeux quelques réelles difficultés. Ses dispositions entraînent un alourdissement significatif de la charge de travail de la Commission des sondages, ainsi qu’une modification de ses méthodes de contrôle, sujets sur lesquels sa consultation préalable, ainsi que celle des acteurs économiques concernés, nous semble nécessaire.

Par ailleurs, la rédaction actuelle soulève plusieurs difficultés techniques qui la rendent probablement incompatible avec les dispositions de la Convention européenne des droits de l’homme. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne souhaite pas conserver ces mesures dans la proposition de loi et, si celles-ci devaient être examinées, elles devraient l’être dans le cadre d’un texte spécifique.

En conclusion, le Gouvernement soutient avec force cette proposition de loi organique et regrette que le Sénat ait choisi de déposer, et sans doute de voter dans quelques minutes, une motion tendant à opposer la question préalable sur un sujet qui aurait nécessité un dépassement des clivages partisans.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la société se modernise et la vie politique doit accompagner ce mouvement vers l’avenir. Du point de vue du Gouvernement, cette proposition de loi organique y contribue.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Monsieur le garde des sceaux, à vrai dire, ce texte aurait mérité bien plus qu’un dépassement des clivages partisans.

Nous sommes dans une situation assez singulière ce matin, puisque le ministre qui représente le Gouvernement a été, dans une autre vie, l’auteur de la proposition de loi initiale dont nous débattons. Il s’agissait alors pour vous, monsieur le garde de sceaux, de rendre service au Gouvernement, en vous fondant sur la vision claire que vous venez de défendre, selon laquelle il est souhaitable, après chaque élection présidentielle, d’en tirer les conséquences en acceptant d’entendre les remarques pertinentes des autorités indépendantes ou des juges de l’élection au sens large.

Toutefois, pourquoi attendre le dernier moment du quinquennat pour se pencher sur l’élection qui suit, alors que la plupart des observations qui ont été intégrées dans la proposition de loi du député Urvoas, président de la commission des lois, ont été émises au deuxième semestre de 2012 ou dans les premiers jours de l’année 2013 ? C’est le premier problème que j’identifie, même si, en l’occurrence, l’auteur de la proposition de loi n’en est nullement responsable.

Le recours à la procédure accélérée, le contexte et le calendrier n’ont pas permis de créer le climat serein et apaisé qui aurait permis de dépasser les clivages partisans. En effet, chacun voit bien que, à l’approche de la prochaine élection présidentielle, les candidats potentiels, à commencer par ceux qui entendent lancer leur campagne sur la contestation d’une partie des dispositions qui sont évoquées, sont tentés de se saisir de ce sujet pour en faire un objet de polémique politicienne plutôt qu’un enjeu de discussions sereines et techniques. Le Gouvernement porte la responsabilité d’avoir trop tardé et, en cela, il rejoint la longue liste de tous ses prédécesseurs qui, chaque fois, attendent la dernière ligne droite du quinquennat pour traiter ces sujets.

Même si ce n’est pas la saison

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Ensuite, sur le texte en lui-même, je n’accepte pas, monsieur le garde des sceaux, l’idée selon laquelle l’Assemblée nationale aurait su, à la différence du Sénat, dépasser les clivages partisans. J’accepte encore moins l’idée que l’Assemblée nationale, parce qu’elle a voté une partie des dispositions évoquées, s’inscrirait dans un schéma de modernisation, lorsque le Sénat, fidèle à la tradition conservatrice…

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

… que l’on enseigne dans les écoles aux plus jeunes de nos concitoyens, serait bloqué dans une forme d’archaïsme. Cela ne correspond pas à la réalité, pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, nous avons fait des propositions de modifications, dont certaines me semblent plus audacieuses que celles qui ont été adoptées par l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Ainsi, un horaire unique de fermeture des bureaux de vote, valable pour toute la France, aurait, de mon point de vue, une portée symbolique plus forte sur le plan républicain que le maintien d’horaires différents selon la taille des communes et des villes, surtout lorsque l’on sait l’effet d’un tel système sur l’abstention. Y compris sur ce point, il n’a pas été possible d’avancer. Dont acte…

De même avons-nous souhaité à l’unanimité, sur la proposition de plusieurs de nos collègues représentant les Français de l’étranger, augmenter d’une cinquantaine le nombre des parrains, en faisant en sorte que les vice-présidents des conseils consulaires – ces derniers sont de facto dans une situation d’exécutif, puisqu’ils n’ont pas le droit de cumuler cette responsabilité avec un mandat parlementaire et que les ambassadeurs président de droit ces conseils – puissent parrainer. Cette mesure symbolique n’a pas plus été retenue par l’Assemblée nationale.

Seule idée que l’Assemblée nationale ait reprise : la publication intégrale de la totalité des parrainages de candidats, postérieurement à la fin de la collecte. Je me permets de dire que c’est le Sénat qui a proposé cette avancée en termes de transparence.

Alors, que reste-t-il ?

Finalement, trois points : la question de l’équité et de l’égalité du temps de parole, les comptes de campagnes et les sondages.

Sur le premier point, tout a été dit ! Et je suis dans une situation confortable, monsieur le garde de sceaux : j’ai non seulement une égalité de temps de parole avec vous, mais en plus, dans des conditions comparables de programmation. Nous passons presque à la même heure et à un moment où nos collègues ont encore une attention à peu près équivalente.

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Il faut donc que j’accélère mon propos en allant à l’essentiel !

Je pense qu’il y a d’abord eu un déficit de pédagogie dans la présentation des choses.

On oublie de dire que l’évolution proposée par le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, il y a quelques mois, ne constitue pas une rupture ou une révolution par rapport à la situation qui existe depuis 1962.

Elle repose, en fait, sur l’analyse des conséquences d’un texte de la fin de l’année 2006, lui-même adopté quelques mois avant une élection présidentielle, dans des conditions de procédure qui ne permettaient peut-être pas d’en tirer toutes les conséquences et de constater, ensuite, qu’il était souhaitable de modifier certains éléments.

Quand on fait les choses de manière précipitée, on ne peut prendre en compte que la préconisation du Conseil supérieur de l’audiovisuel, qui constate que deux fois moins de temps d’antenne ont été consacrés à l’élection présidentielle et en conclut qu’il faut changer les règles.

Avec trois ans devant nous, nous aurions pu réfléchir, avec les médias, aux évolutions souhaitables. La suppression de l’égalité au profit de l’équité était-elle la seule solution, alors même que ce changement engendre de l’émotion parmi nos concitoyens ?

Nous sommes dans une période où le temps médiatique permet difficilement d’enchaîner plus de deux phrases, mais, lorsque l’argumentation dépasse ces deux phrases, je ne connais personne qui considère que remplacer l’égalité par l’équité constitue un progrès démocratique. Quand vous expliquez les choses, elles sont évidemment différentes, mais encore faut-il disposer du temps et de l’espace médiatique pour cela.

Le Sénat a, objectivement, tenté de trouver un compromis intelligent, permettant de sortir par le haut de cette affaire. Il y avait trois jours de période intermédiaire ; il y en a maintenant vingt, ce qui crée finalement le problème. Décidons alors que, pendant dix jours de cette période intermédiaire, l’égalité serait conservée et, pendant les dix autres jours, l’équité serait appliquée, ce qui permettrait de tenir compte d’une partie des remarques qui ont été émises.

Cette position de compromis et de consensus aurait permis à tout le monde de sortir par le haut : pour ceux qui crient au loup au sujet de ces modifications, il aurait été un moindre mal ; pour ceux qui considèrent que le statu quo n’est pas possible, il aurait marqué un progrès.

Mais qu’a fait la rapporteur de l’Assemblée nationale ? Elle a balayé cette proposition d’un revers de la main !

Au risque de surprendre une partie de mes collègues, je pourrais dire, ce matin, que je regrette profondément le départ de Mme Taubira de la place Vendôme : en effet, si elle était restée garde des sceaux, vous seriez resté, monsieur le ministre, président de la commission des lois de l’Assemblée nationale et vous auriez obtenu le consensus qui n’a finalement pas été possible…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

J’en viens maintenant à la question des comptes de campagne et je voudrais dire à M. le garde des sceaux qu’il est impossible de faire autre chose que de voter une question préalable.

Quand, en commission mixte paritaire, vous êtes renvoyé d’un revers de la main, même sur des points symboliques comme les vice-présidents des conseils consulaires ou les horaires de vote, et qu’on vous fait sentir que, de toute façon, la décision appartient à la majorité de l’Assemblée nationale, le faux-semblant démocratique a une limite !

Nous avons vécu d’autres débats pour lesquels les atermoiements ont duré quatre mois... Le seul avantage de la procédure accélérée, c’est que, compte tenu des positions éloignées de nos deux assemblées, on sort vite de ce faux-semblant de débat.

Pour autant, en ce qui concerne les comptes de campagne, il reste un point sur lequel je veux vous dire, monsieur le garde des sceaux, que nous sommes, dans l’ensemble, assez choqués par ce qui s’est passé à l’Assemblée nationale.

Les textes qui nous étaient soumis portaient sur l’élection présidentielle – c’était d’ailleurs inscrit dans leur titre – et vous aviez proposé de diminuer la période de prise en compte des comptes de campagne pour cette élection.

Il s’agissait de régler, dans la dernière ligne droite, un gros problème juridique qui se présente à nous, collectivement, celui des primaires. C’est, il est vrai, une nouveauté démocratique. On ne sait pas comment la prendre en compte et on laisse aux juges le soin de se demander quelle est la part des dépenses de campagne exposées à ce titre qu’il faut intégrer aux comptes de campagne et la manière de le faire. On voit bien qu’on ne pourra pas rester dans une telle situation de déni de droit.

De manière très sage, l’Assemblée nationale a estimé que modifier les règles si peu de temps avant l’élection présidentielle donnerait un sentiment de tripatouillage. Elle a donc conservé le délai de douze mois. Très bien !

Mais, dans le même temps, elle a modifié, dans la loi ordinaire, cette même durée des comptes de campagne pour toutes les autres élections, à l’exception de l’élection présidentielle. Si ce n’est pas un cavalier, monsieur le garde des sceaux, qu’est-ce que c’est ?

L’Assemblée nationale a tenté de se rattraper aux branches, en modifiant le titre de la proposition de loi pour indiquer qu’elle contient des dispositions relatives à diverses élections… Mais cette modification se justifie uniquement par la validation relative à la durée des comptes de campagne, qui a fait l’objet d’amendements issus des principaux groupes de l’Assemblée nationale.

Je veux le dire ici de manière très simple et très claire : c’est en raison ce genre de manœuvres que nos concitoyens perdent confiance dans leurs représentants.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Vous voulez modifier les règles sur les comptes de campagne ? Pas de problème, mais déposez un texte spécifique sur le sujet ! Nous prendrons le temps d’en débattre.

Modifier ces règles dans la dernière ligne droite revient à jouer aux apprentis sorciers. Il faut d’autant moins le faire que les nouvelles règles auront à s’appliquer pour les élections législatives, qui auront elles-mêmes lieu dans un tout petit peu plus d’un an.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

En effet, mais il est vrai que l’intensité des dépenses de campagne n’est pas la même pour les sénatoriales que pour les autres élections…

Le dernier point que je souhaitais évoquer concerne les sondages et je veux exprimer mon regret devant ce que je qualifierai, au minimum, de manque d’élégance et qui, en tout état de cause, est proche d’une faute.

Un texte d’une grande qualité a été voté à l’unanimité au Sénat, sur l’initiative de MM. Sueur et Portelli. Il vise à modifier une loi qui date de 1977. Je n’ai pas un souvenir très précis des sondages de cette époque, mais je serais curieux de savoir quelles en étaient les marges d’erreur… Cette loi n’a pas été modernisée, alors que les sondages prennent aujourd’hui une importance grandissante dans la vie médiatique et politique.

Nous nous sommes servis de ce véhicule législatif, tout en expurgeant le texte voté précédemment des quelques dispositions qui ne concernaient pas la politique. Finalement, l’Assemblée nationale a refusé l’intégration de ces dispositions, alors même qu’elle avait déjà voté sur ces questions auparavant.

À nos yeux, ce procédé rend encore plus illégitime le fait de toucher aux règles relatives aux comptes de campagne pour les autres élections que l’élection présidentielle.

On ne voit pas quel argument objectif pourrait être avancé pour s’opposer à cet ajout, qui avait été réalisé à l’unanimité de la commission des lois et du Sénat.

Monsieur le garde des sceaux, je sais votre temps précieux et je vous demande de considérer qu’il arrive que le nôtre le soit également. Dans ces conditions, prenez la motion tendant à opposer la question préalable comme un moyen d’éviter de faux débats. C’est pourquoi il sera proposé au Sénat d’écarter le texte organique et d’amender la proposition de loi ordinaire.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et quelques travées de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis conscient que la perspective de la question préalable enlèvera à mon intervention le peu d’intérêt qu’elle pouvait présenter…

En introduction, je voudrais tout de même dire que je suis d’accord avec la position du rapporteur sur la proposition de loi organique : lorsqu’il n’y a pas de désir de trouver une position commune, même sur les détails, il ne sert à rien de faire durer ce qui n’est pas nécessairement un plaisir.

S’agissant de la proposition de loi ordinaire, je suis également en accord avec le rapporteur : il n’y a pas de raison de réduire la durée des comptes de campagne, dont la régularité constitue un problème de fond. En ce qui concerne l’élection présidentielle, je ne parlerai même pas d’un autre problème : que se passe-t-il dans le cas où un candidat élu voit son compte de campagne invalidé ? C’est un beau sujet de réflexion…

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Le président du Sénat devient Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Certes, je voterai la motion tendant à opposer la question préalable, mais aurais-je voté le texte de la commission mixte paritaire si celle-ci avait abouti à un accord ? Non, même si le texte du Sénat était nettement plus acceptable que celui approuvé par le Gouvernement, par exemple en ce qui concerne la publication des listes de parrainages de candidats.

Le travail réalisé par le Sénat sur la campagne électorale était intéressant, mais même l’exercice, compliqué, habile, qui consistait à réduire la période intermédiaire, sans introduire ce « magnifique » principe républicain d’équité dans notre droit, n’était pas satisfaisant. En effet, cela entraînait, au fond, une réduction de la période durant laquelle tous les candidats peuvent bénéficier d’un temps de parole égal.

Finalement, je n’aurais donc pas voté ces textes et je veux, rapidement, vous dire pourquoi.

D’abord, parce que nous avons été particulièrement gâtés, durant ce quinquennat, en matière de modifications du droit électoral : modes de scrutin pour les sénatoriales, les municipales et les cantonales ; circonscriptions pour les cantonales et les régionales ; calendrier ; règles d’inscription sur les listes. Heureusement que, par définition, un quinquennat ne dure que cinq ans !

Ensuite, les textes dont nous débattons n’apportent aucune réponse au problème de fond de nos institutions, à savoir la concentration du pouvoir à l’Élysée. Or, ce problème explique justement le seul point qui intéresse les auteurs de ces textes : la multiplication des candidats au premier tour des élections présidentielles. Pourquoi tant de candidats se présentent-ils, même si leur nombre apparaît maintenant stabilisé ? Parce que l’élection présidentielle est l’élection mère ! C’est là que la dévolution du pouvoir se fait. Toutes les autres élections se trouvent dévaluées, d’où cette affluence de candidats.

Pour traiter le problème de l’augmentation du nombre de candidats, la première réponse a consisté à exercer une légère et discrète pression sur les parrains, pour qu’ils ne se laissent pas aller à donner leur signature à des candidats jugés non sérieux, car n’entrant pas dans le paysage habituel. La seconde réponse, celle qui suscite le plus de problèmes et de réactions, prévoit de remplacer, durant la campagne électorale médiatique, le principe républicain d’égalité devant les électeurs par le principe dit d’équité.

Lorsqu’un secrétariat d’État à l’égalité réelle a été créé, je me suis demandé ce que cet intitulé pouvait bien vouloir dire. Maintenant, j’ai la réponse : l’égalité réelle, c’est l’inégalité équitable !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Quel est finalement le but visé ?

Tout le monde le sait bien : il s’agit de donner un léger avantage aux candidats qu’on a l’habitude de voir, aux blocs politiques qui, depuis trente-cinq ans ou quarante ans, se partagent le pouvoir, les seuls « sérieux » ! Tous les autres, on essaie de les marginaliser. Il est vrai que, s’ils réussissaient à être trop visibles, ils feraient peut-être germer le soupçon que les politiques menées jusque-là ne sont pas forcément les bonnes…

Applaudissements sur les travées du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je n’ai ni le talent de notre rapporteur, qui a déjà quasiment tout dit, ni le sens de l’humour et de la dérision de notre collègue Collombat.

Le groupe UDI-UC votera la question préalable et, comme M. Collombat, nous n’aurions pas voté ce texte s’il n’y avait pas eu de question préalable. Nous nous y sommes d’ailleurs fermement opposés lors de la première lecture.

Ce bricolage de l’élection présidentielle nous apparaît, comme à l’ensemble des « petits » partis, totalement inacceptable, de même que l’égalité transformée en équité. Tout cela n’est guère sérieux !

Au-delà des quelques dispositions pertinentes de ces deux textes, l’article 4 de la proposition de loi organique reste un casus belli.

Cela a déjà été amplement dit, la campagne présidentielle est un moment essentiel de notre vie politique. Et, entre les deux mauvaises positions prises respectivement par le Sénat et l’Assemblée nationale, les sénateurs centristes préfèrent marquer clairement leur franche et complète opposition.

Certains évoquent une confiscation de la parole publique. Je vais prendre un exemple. Un candidat à l’élection présidentielle de 2012, qui aurait obtenu 4 millions de voix et qui a déjà recueilli 87 000 parrainages citoyens, serait totalement empêché d’être candidat, avec les dispositions dont nous débattons, s’il lui manquait quelques signatures.

Le fait de modifier les modalités de l’élection et de diminuer le nombre de candidats freine évidemment les élans démocratiques, au profit de la parole officielle…

Ces textes ont été compris de cette manière-là par la société civile, qui ressent ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui comme un bricolage insupportable, une confiscation de la parole publique.

Je ne m’exprime évidemment pas avec la brillante technicité du rapporteur, mais personne ne peut comprendre que la réduction de un an à six mois de la durée de prise en comptes des dépenses et recettes dans les comptes de campagne est finalement une question budgétaire. Les montants qu’ils comptabilisent entraînent en effet un remboursement par l’État aux candidats.

Pour les sénatoriales, cela représente une petite dépense. Je note que c’est grâce à notre collègue Anziani – ou à cause de lui… – que nous avons des comptes de campagne. Il a proposé d’établir, de ce point de vue, une égalité entre les députés et les sénateurs et cette règle de transparence est bien normale.

Pour en revenir à nos débats, la réalité, pour la société civile et l’opinion publique, c’est que nous bricolons un texte pour nous protéger. C’est complètement inacceptable, alors que le problème est, au fond, budgétaire.

Les campagnes que nous connaissons n’atteignent pas les niveaux de dépenses de celles qui se déroulent aux États-Unis, mais elles entraînent néanmoins des charges extrêmement importantes. En outre, ces dépenses sont parfois invalidées a posteriori.

Ces dispositions sont inacceptables. Nous manquons de temps pour en débattre. Discuter ainsi d’une proposition d’origine parlementaire, reprise par le Gouvernement, frappée par l’urgence et dans un calendrier contraint n’est pas sérieux, s’agissant de l’élection la plus importante de notre vie politique.

Quelles que soient les améliorations apportées par la commission des lois, le groupe UDI-UC est bien inspiré de s’opposer clairement et fermement à ces textes qui, sur le fond comme sur la forme, ne sont pas acceptables.

Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe écologiste, ainsi que sur quelques travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le débat que nous reprenons aujourd’hui montre bien que la précipitation et sa traduction parlementaire, la procédure accélérée, ne produisent pas toujours les effets escomptés.

En première lecture, nous avions critiqué les modalités de mise en débat de textes organisant la future élection présidentielle à une année tout juste de celle-ci. Nous avions également noté l’insuffisance du temps de discussion accordé à des textes fourre-tout comportant nombre de mesures de première importance pour la vie démocratique de notre pays.

Après l’échec de la commission mixte paritaire, la majorité de l’Assemblée nationale a choisi de reprendre les dispositions qu’elle avait adoptées en première lecture, à l’exception de quelques aménagements de second ordre.

Lors de notre discussion du 18 février dernier, en première lecture, j’ai regretté que le grand débat sur l’état de nos institutions n’ait pas eu lieu durant les quatre dernières années. Beaucoup regrettent le décalage croissant entre le pouvoir politique et les citoyens et, plus généralement, le rejet croissant de la politique, qui se concrétise, malheureusement, par une abstention massive.

La question de l’élection présidentielle est, selon nous, au cœur de cette crise.

Le déséquilibre des pouvoirs au profit de l’exécutif, induit par la Constitution de 1958, s’est renforcé au fil des années. L’effacement progressif du Parlement, détenteur du pouvoir législatif, a confirmé cette évolution dangereuse pour notre démocratie.

Avec la mise en place du quinquennat et l’inversion du calendrier électoral, qui soumet l’élection législative à l’élection présidentielle, une forme d’hyper-présidentialisation est à l’œuvre, symbolisée par l’introduction dans la Constitution, en 2008, du discours du Président de la République devant le Congrès, qui avait été alors critiquée par toute la gauche réunie.

La vie politique tourne autour de l’élection présidentielle et, finalement, de la quête de l’homme ou, plus rarement, de la femme providentielle.

Le Président de la République centralise des pouvoirs considérables. D’ailleurs, la manière dont François Hollande, hier, a clos le débat constitutionnel sur l’état d’urgence et la déchéance de la nationalité est assez symptomatique : il décide, tel un monarque, de la vie ou de la mort d’un débat public.

Que devient le pouvoir du peuple et de ses représentants dans un tel système ? À l’heure de la révolution numérique, bien réelle, un tel pouvoir pyramidal est contraire aux aspirations profondes de notre peuple.

Avec le parti communiste et le Front de gauche, nous appelons à une véritable révolution citoyenne et à une refondation de nos institutions, ce qui passe par plusieurs évolutions, notamment la remise à plat d’un système qui, chacun le sait ici, ne fonctionne plus et expose notre pays à de graves dérives démocratiques.

Nous n’aurons pas ce grand débat sur nos institutions, notamment sur la place du Président de la République en leur sein, durant ce quinquennat. En revanche, le Gouvernement nous propose ces deux textes, une proposition de loi organique et une proposition de loi, qui, sous un aspect anodin, renforcent encore le caractère bipolaire, voire tripolaire, de notre vie politique.

Je ne reviendrai pas sur l’ensemble des points abordés par ces textes, car je les ai évoqués plus en détail lors de la première lecture.

Cependant, je tiens quand même à évoquer deux éléments importants rétablis par l’Assemblée nationale dans leur rédaction d’origine, ou presque, alors que la rédaction du Sénat, sans être totalement satisfaisante, atténuait quelque peu l’impact du texte gouvernemental.

En premier lieu, je tiens à dire que nous refusons radicalement la limitation du champ temporel des comptes de campagne pour l’élection présidentielle à six mois au lieu d’une année, et ce à plafond constant. Cette incitation à une augmentation importante des dépenses électorales favorisera bien entendu les grandes formations au détriment des petites et, surtout, s’inscrit dans une conception de la vie politique qui l’associe sans hésitation au monde de l’argent. Le modèle doit-il être celui où une élection présidentielle se gagne à coup de centaines de millions de dollars ? Nous voterons une nouvelle fois avec détermination contre une telle mesure.

En second lieu, je veux aborder la mise en cause de la règle actuelle de répartition du temps de parole, qui, là aussi, se fera au détriment du pluralisme.

La majorité de l’Assemblée nationale a confirmé le 24 mars sa version de la proposition de loi qui n’est, nous l’avons bien compris, qu’un projet gouvernemental déguisé.

Le texte dont le Sénat a été saisi en nouvelle lecture propose donc de nouveau, purement et simplement, de supprimer l’égalité du temps de parole durant la période dite intermédiaire, c’est-à-dire la période s’écoulant entre la publication des candidatures par le Conseil constitutionnel et l’ouverture de la campagne présidentielle officielle.

Au principe d’égalité, la majorité gouvernementale propose de substituer un principe d’équité, fondé en particulier sur la capacité d’animation du candidat ou de la candidate et sur son niveau dans les sondages !

Pourquoi ne pas avoir décidé de donner mission à un CSA transformé de faire respecter l’égalité du temps de parole plutôt que de procéder à de tels bidouillages, qui, là encore, et de manière caricaturale et provocatrice, remettent en cause le pluralisme et donc la démocratie ?

Faut-il que le pouvoir se sente faible pour procéder à de telles manœuvres destinées à le préserver… Les conditions d’examen de dispositions aussi essentielles sont indignes, et nous estimons que le Conseil constitutionnel devra en être saisi.

L’attitude du Gouvernement et de la majorité de l’Assemblée nationale est violente. Elle s’apparente à un coup de force que nous n’acceptons pas, et auquel nous appelons à résister, car l’esprit de résistance est dans nos gènes !

En démocratie, la voix du peuple trouve toujours son chemin, comme aujourd’hui, pour contester ce projet de loi détestable de casse du code du travail.

Nous nous opposons donc avec détermination et résolution à ces deux textes, et, ce qui est plus rare, nous voterons, en cohérence avec mes propos, la motion tendant à opposer la question préalable déposée par notre rapporteur.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

M. Jean-François Husson. Très bien ! C’est un rassemblement œcuménique ! La modernité incarnée !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe socialiste et républicain du Sénat est en accord complet sur un point avec l’Assemblée nationale : les nouvelles modalités de présentation des candidats.

Par ailleurs, nous souscrivons à la moitié d’un autre point : les horaires d’ouverture des bureaux de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

M. Jean-François Husson. Il y aura bientôt des quarts de point !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Oui, il est bien d’aller vers un horaire unique ! Oui, nous pouvons admettre qu’il faille un aménagement pour le milieu urbain ! Cependant, envisager que les horaires puissent être différents pour l’élection présidentielle et, quelques mois plus tard, pour les élections législatives nous semble être une source de confusion.

En revanche, nous sommes en désaccord avec l’Assemblée nationale sur quatre points.

Tout d’abord, il y a le collège électoral des Français de l’étranger, dont Jean-Yves Leconte parlera sans doute.

Ensuite, il y a les délais de prise en compte des dépenses et des recettes dans les comptes de campagne. Nous sommes, sur ce point, favorables à la position du Gouvernement, qui consiste à ne pas modifier le droit actuel, même si des modifications seront nécessaires après l’élection présidentielle.

Par ailleurs, nous sommes en désaccord, évidemment, sur la question des sondages, mais Jean-Pierre Sueur, tout à l’heure, le dira avec force.

Enfin, nous divergeons également sur la problématique de l’accès aux médias, que je traiterai plus particulièrement.

M. le garde des sceaux vient de préciser, pour s’en féliciter, que cette proposition de loi organique tendait à opérer une clarification dans un domaine où personne ne comprend plus grand-chose. Je voudrais aussi contribuer à cette clarification avec le plus de netteté possible.

Quelle était la situation jusqu’en 2007 ? La publication de la liste des candidats au Journal officiel intervenait trois jours avant le début de la campagne officielle. Il n’y avait alors pas de difficultés, l’égalité totale entre candidats étant la règle pendant la campagne, comme le prévoit toujours le texte en discussion.

Sur demande du Conseil constitutionnel, il fut décidé à cette époque de porter le délai de trois jours à vingt et un jours, soit trois semaines, et d’en faire une période dite intermédiaire, durant laquelle devait prévaloir – tel fut le cas pour les élections de 2007 et de 2012 – la règle de l’égalité des temps de parole et de l’équité des temps d’antenne, que je préfère appeler temps de programmation, car je trouve que c’est plus clair.

Ce système a fonctionné, mais le CSA a fait observer que personne ne regardait ces émissions, qui n’intéressaient pas, soulignant que les temps d’antenne se réduisaient, preuve selon lui que ces émissions ennuyaient tout le monde. Bref, il a considéré que ce dispositif d’égalité et d’équité devait être revu.

C’est pourquoi les auteurs de cette proposition de loi organique préconisent de garder la même période intermédiaire de vingt et un jours, tout en généralisant le principe d’équité, tant pour les temps de parole que pour les temps d’antenne.

Évidemment, cette règle pose problème, d’abord pour savoir qui va être le juge de l’équité, qui ne peut plus être le pouvoir politique. Il s’agira, selon le texte, du CSA, sous réserve que le Conseil d’État ne soit pas parfois saisi sur quelque interprétation du CSA.

Ce dernier va juger selon deux critères.

Tout d’abord, il tiendra compte de la représentativité. Est-il opportun de déterminer le temps de parole ou d’antenne à l’élection présidentielle à partir de la représentativité acquise dans d’autres élections ? Je vous en laisse juges !

Ensuite, il devra considérer la contribution à l’animation des débats. Cette idée me laisse pantois ! Que signifie cette formulation ?

Si un moineau vient se poser ici sur ce pupitre, …

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

M. André Gattolin. Vous n’êtes pas Bernie Sanders !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

… peut-on considérer qu’il s’agit d’une animation des débats, et donc que j’ai droit à plus de temps de parole ?

Si un candidat à l’élection présidentielle prétend que les femmes qui avortent doivent faire l’objet d’une sanction, est-ce une contribution forte à l’animation des débats, de sorte que ce candidat mériterait plus de temps d’antenne et plus d’exposition ?

Si un candidat veut exposer son programme économique, il emploiera un ton peut-être plus sérieux, plus pesant, et il n’est pas sûr que cela intéresse beaucoup les médias. Le CSA jugera-t-il alors qu’il ne s’agit pas d’une vraie contribution à l’animation des débats ?

Pour tout dire, cette règle me laisse très perplexe, car elle va, à mon sens, nous compliquer la vie si elle est adoptée telle quelle.

C’est la raison pour laquelle, sans hésiter, j’ai été l’un de ceux qui ont cosigné un amendement pour tenter de régler le problème principal à nos yeux, à savoir la longueur de la période intermédiaire, passée de trois jours à trois semaines. Réduire de trois semaines à dix jours la période intermédiaire ne me semblerait ni scandaleux ni inhumain.

Cet amendement me paraissait être de bon sens, mais il n’a plu ni à l’Assemblée nationale ni, semble-t-il, au Gouvernement, ce que je regrette. En effet, cette solution, tendant à réduire la période à dix jours et à rétablir les principes d’égalité du temps de parole et d’équité du temps d’antenne, comme actuellement, était susceptible de satisfaire à la fois le Conseil constitutionnel, le CSA et, j’ose le dire, la démocratie.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Jacqueline Gourault applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de André Gattolin

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je veux dire en préambule que les écologistes contestent suffisamment la Ve République et sa concentration des pouvoirs pour, bien évidemment, souhaiter modifier les règles concernant sa clé de voûte, c’est-à-dire l’élection présidentielle.

Pourtant, à un peu plus d’un an de ladite élection, alors que les primaires, qui en constituent désormais le prologue, sont engagées, une telle démarche laisse perplexe. Il sera d’ailleurs difficile d’empêcher les citoyens, nos concitoyens, d’y soupçonner quelque calcul politique désespéré de dernière minute. Malheureusement, le contenu du texte n’est pas de nature à les rassurer.

Ainsi, comme toujours, derrière un beau titre et un discours de bon aloi sur la modernisation, on cherche surtout à masquer une logique de simple ravalement, qui n’est pas toujours inspirée par des intentions nobles politiquement. Cette logique vise plus la conservation des positions acquises que la modernisation telle qu’elle est attendue par le corps citoyen.

Finalement, si j’évalue l’impact possible de cette proposition de loi organique, notamment au regard de la discussion autour de l’équité et de l’égalité imposée par l’article 4, il me semble que l’on vise à favoriser les formations politiques dominantes et les candidats qui en sont issus dans la répartition du temps de parole lors de la période intermédiaire précédant la campagne. Naturellement, une telle disposition va conduire à réduire l’exposition des petits candidats, du moins ceux qui sont présentés comme tels, et des candidats émergents.

À mon sens, c’est là un vrai problème. Pour avoir été sondeur et analyste politique pendant de nombreuses années, j’ai pu constater une demande extrêmement forte de nos concitoyens, réaffirmée dans les sondages publiés récemment, notamment en janvier par le CEVIPOF, d’un renouvellement du corps politique et de la vie politique.

Dans toutes les enquêtes préélectorales et postélectorales que j’ai pu réaliser dans ma carrière professionnelle à l’occasion d’élections présidentielles, je puis vous dire que les gens étaient heureux d’avoir une offre très diversifiée au premier tour. Cela ne veut pas dire qu’ils soutenaient ces candidats, mais entendre et voir mis en scène un certain nombre de nouveaux acteurs de la vie politique était important pour eux. Or seule l’élection présidentielle, dans le cadre de nos institutions, permet de satisfaire ce désir.

Vouloir réduire l’offre sans tenir compte de ce souhait conduit à un système de reproduction. Nous sommes dans un pays fou, où pendant longtemps les candidats qui réussissaient le mieux à l’élection présidentielle étaient ceux qui avaient échoué les fois précédentes. Le candidat battu se représentait et progressait, parce qu’il avait acquis une notoriété lors des précédents scrutins, et donc une couverture médiatique plus élevée, une sorte de référencement.

Je signale que la modernité ne s’est imposée qu’en 2002, non pas en raison du résultat du scrutin, mais parce que, pour la première fois, les Français ont commencé à moins voter pour les candidats qui se représentaient à l’élection présidentielle. Et nous allons de plus en plus dans ce sens.

Or ce que le Gouvernement et la majorité de l’Assemblée nationale nous proposent, au nom d’une prétendue modernité, vise à entériner le droit et le pouvoir des médias à dicter le jeu. Cela revient à dire que, puisque les médias ne respectent pas la règle, il faut la changer. Mes chers collègues, faisons-nous le droit, la vie politique ou recherchons-nous simplement l’agrément des médias ?

Je vous rappelle que les médias audiovisuels bénéficient d’une délégation de service public, puisque l’État a le monopole des fréquences depuis la Deuxième Guerre mondiale. Le général de Gaulle l’avait voulu pour tirer les conséquences des dérives constatées avec les radios de l’entre-deux-guerres, privées en grande partie, et qui avaient largement collaboré. Aussi, quand nous donnons une accréditation à une chaîne d’information ou de radio pour émettre, nous l’assortissons de contraintes qu’elle doit respecter.

Par ailleurs, si nous considérons que ces chaînes ne respectent pas bien le temps de parole, agissons sur le service public ! Préalablement à chaque élection, et même hors des périodes d’élection, les partis politiques disposent de moments d’expression libre, dont on parle très peu. Or ces émissions sont programmées par le CSA à des heures de très faible audience – merci l’arbitre ! –, parce qu’il ne faut pas, au nom de la performance et de la compétitivité du service public, diffuser ces programmes, qui sont supposés faire moins d’audience, à des horaires de grande écoute.

Nous avons donc progressivement, et sans doute fort justement, réduit, régulé et encadré les dépenses de campagne électorale des partis ou des candidats, ce qui a conduit à placer les médias audiovisuels au centre du jeu.

Si l’on veut réduire l’exposition de certains candidats, c’est qu’on les considère comme moins légitimes, mais ils ont pourtant obtenu les 500 parrainages, qui sont justement censés leur conférer cette légitimité. S’il y a une règle à changer, c’est celle des parrainages, et non la règle du jeu postérieure à l’obtention des parrainages.

Il y aurait beaucoup à dire également sur la question de la participation. Il est certes important d’élargir les horaires d’ouverture des bureaux de vote, mais il faut bien voir que nous votons le dimanche, ce qui n’est pas très pratique quand viennent les beaux jours. Dans un certain nombre de pays, notamment au Canada, depuis plusieurs années, a été instauré le vote anticipé dans la semaine qui précède, et je puis vous dire que ce système est particulièrement efficace en termes de participation. Il constitue aussi un bon moyen de protéger le secret du vote, car il réduit le nombre de délégations données à des personnes supposées de confiance.

Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste ne soutient pas la proposition de loi et ne s’opposera pas à la motion tendant à opposer la question préalable à l’examen de la proposition de loi organique, présentée par M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, monsieur le rapporteur, je soutiendrai évidemment la motion présentée par mon groupe, mais je m’exprimerai ici à titre personnel.

Je trouve fort raisonnable que ce débat se termine rapidement dans notre assemblée, parce qu’il est parfaitement hypocrite, et ce, pour plusieurs raisons.

La première hypocrisie, rappelée par le rapporteur, dont je salue l’excellent travail, est que nous connaissons depuis des années les préconisations qu’il faut suivre. Au lendemain de l’élection présidentielle, le Conseil constitutionnel a fait connaître ses observations, comme il le fait toujours. Et comme chaque année d’élection présidentielle, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques a relevé les problèmes rencontrés.

Or, cette fois-là, comme les autres – je ne critiquerai donc pas le Gouvernement actuel, car j’aurais autant à dire à propos de ceux qui l’ont précédé ! –, nous n’avons pris le soin de lire ces observations et préconisations qu’à la veille de l’élection présidentielle qui arrive.

Et le comble de l’hypocrisie, c’est que, non seulement nous le faisons au dernier moment, ce qui réduit beaucoup nos marges de propositions pour le scrutin de 2017 – la tradition dite « républicaine » veut, en effet qu’on ne touche pas aux règles à la veille d’un scrutin –, mais nous nous offrons le luxe de faire des préconisations pour le scrutin qui se déroulera dans six ans, sans attendre ce que nous diront le Conseil constitutionnel et la Commission nationale des comptes de campagne au lendemain des élections de 2017 ! Autant dire qu’il n’est pas très sérieux de travailler ainsi !

La deuxième hypocrisie, c’est que nous connaissons parfaitement les vrais problèmes qui se posent à cette élection présidentielle.

Il va de soi que les candidats ne sont pas égaux. Tout le monde le sait, à commencer par eux ! Certains se présentent pour être élus ou, au moins, pour mesurer leur poids politique. Et ils s’en serviront pour faire pression sur celui qui sera élu et négocier des postes ministériels, voire pour demander Matignon.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Néri

M. Alain Néri. C’est la lutte des places !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Bien sûr !

D’autres se présentent à l’élection présidentielle pour apporter un témoignage et marquer des points en vue des élections législatives qui suivront, car c’est sur la base des résultats auxdites élections que sera décidé le financement de leur parti.

C’est une évidence, tout le monde ne se présente pas à l’élection présidentielle pour les mêmes raisons. Les médias le savent, les électrices et les électeurs le savent, chacun le sait, on ne peut pas mettre tout le monde sur le même plan, même si, pour feindre de respecter la sacro-sainte règle de l’égalité, on va faire semblant de mettre tout le monde sur un pied d’égalité à deux reprises en l’espace de quinze jours, alors que la campagne dure un an.

L’égalité, on va faire mine de la pratiquer pendant les quelques jours qui précédent l’élection pour faire croire qu’on respecte tous les candidats et que leur poids devant les médias et les moyens de communication est le même. Puisque nous savons parfaitement que c’est faux, pourquoi essayer à tout prix de faire comme si c’était la réalité ?

La troisième hypocrisie concerne l’aspect financier de l’élection présidentielle. On voudrait nous faire croire qu’en France, une campagne présidentielle à deux tours coûterait 22, 5 millions d’euros. Aux États-Unis, la dernière campagne présidentielle a coûté 1 milliard de dollars à chacun des deux candidats en lice. Certes, nous n’avons pas à nous comparer avec les États-Unis, mais nous pouvons constater l’existence d’une marge non négligeable entre 22, 5 millions d’euros et 1 milliard de dollars.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Et nous savons parfaitement qu’à l’heure actuelle, le candidat qui se bat pour gagner l’élection présidentielle ne peut pas faire une campagne électorale avec 22, 5 millions d’euros. La somme est encore moins crédible dans l’hypothèse de l’organisation de primaires.

Comment font donc la Commission nationale des comptes de campagne et le Conseil constitutionnel ? Eh bien, ils font une cote mal taillée ! C’est au doigt mouillé qu’ils ont estimé à 300 000 euros le coût de la primaire pour le candidat élu en 2012. Ce n’est pas sérieux ! Même pour le candidat qui en est sorti vainqueur, on ne peut pas calculer le coût d’une campagne de la sorte.

Si nous avions travaillé en temps et en heure, nous aurions dit que la primaire a un coût, un coût que nous aurions chiffré et intégré ou non dans le coût de la campagne présidentielle. Pour faire cela, il faut s’y prendre à l’avance ! Cela ne se fait pas à la veille du scrutin, pas plus qu’on ne pose aujourd’hui les règles qui s’appliqueront en 2022.

Vous le voyez bien, le débat que nous avons aujourd’hui ne répond à aucune de ces problématiques. Ce qu’on nous propose, c’est de bricoler à la marge, de légiférer sur le temps qui sépare la validation des candidatures par le Conseil constitutionnel et le début de la campagne officielle, de définir les horaires des opérations de vote – faut-il ajouter ou soustraire une heure pour l’exercice du droit de vote des électeurs ? Ces aspects ne sont certes pas dépourvus d’intérêt, mais l’essentiel est ailleurs, et le texte n’en parle pas.

Nous avions déposé, Jean-Pierre Sueur et moi-même, il y a déjà pas mal de temps, une proposition de loi sur les sondages visant à mieux garantir la sincérité du débat politique et électoral. Le Sénat l’a votée, ce dont nous le remercions.

Il est évident que les sondages sont un élément clé de la campagne pour l’élection présidentielle. Il n’en est pas question dans la proposition de loi organique. La raison de ce silence est très simple : à partir du moment où ils sont au pouvoir, ceux qui gouvernent, qu’ils soient de gauche ou de droite, n’ont plus du tout envie qu’on réglemente les sondages. Ils sont en effet trop liés aux instituts de sondage qu’ils font vivre avec les moyens gouvernementaux – parfois même illégalement, s’agissant de certains ! –, pour qu’on ose toucher au magot ainsi distribué. On ne se risque même pas à demander à ces instituts les recettes de cuisine ni les ingrédients utilisés pour obtenir le résultat et fabriquer leurs quotas.

Les sondages d’opinion étant écartés du texte qui nous est soumis, nous en resterons aux règles qui remontent à 1977 et qui ont été vaguement mises à jour il y a une quinzaine d’années.

Mes chers collègues, vous ne manquerez pas de reconnaître en votre for intérieur que tout cela n’est pas sérieux et que nous donnons une image lamentable du travail législatif. Il n’est pas possible de continuer ainsi !

Reprenons-nous, essayons d’être un peu sérieux et honnêtes. Disons au Gouvernement que ce qu’il fait n’est pas bien, mais ce n’est pas mieux que ce qu’avait fait le gouvernement qui l’a précédé !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC et sur quelques travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais parler moi aussi de cette question des sondages.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le garde des sceaux, vous connaissez les termes du débat. Voilà six ans, Hugues Portelli et moi-même avons rédigé un rapport pour la commission des lois qui s’est traduit par une proposition de loi adoptée à l’unanimité par le Sénat un an plus tard.

Je le dis à celui qui, après avoir exercé la fonction de président de la commission des lois de l’Assemblée nationale, est maintenant garde des sceaux : il est profondément anormal qu’une proposition de loi sur un sujet aussi important n’ait jamais été, en cinq années, inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale !

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le garde des sceaux, il appartient, bien entendu, aux groupes politiques de le faire, mais, comme vous le savez, le Gouvernement peut lui aussi prendre cette initiative. Et il me paraît impensable que l’on ne revoie pas la loi sur les sondages avant la prochaine élection présidentielle !

Lors d’une campagne présidentielle, on compte cinq sondages par jour…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Lorsque l’on voit le résultat, 48 %-52 % ou 49 %-51 %, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… on ne dit rien si on ignore la marge d’erreur. Certains m’ont dit que c’était trop compliqué à comprendre. Mais la vérité n’est pas compliquée, la vérité, c’est la vérité !

On n’a jamais tiré les conséquences de ce qui s’est passé en 2002. Bien des gens pensaient que Lionel Jospin devancerait nécessairement Jean-Marie Le Pen au premier tour, parce que les sondages le plaçaient ainsi. Pourtant, en examinant attentivement les sondages de la dernière semaine, il était tout aussi évident que l’ordre pouvait s’inverser. Il suffisait de regarder la marge d’erreur, eu égard aux effectifs, parfois tout à fait insuffisants, à partir desquels les sondages sont réalisés.

Monsieur le ministre, il y a une solution très simple : il reste une dernière lecture à l’Assemblée nationale la semaine prochaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La commission des lois du Sénat a décidé de revoter les amendements que nous défendons conjointement, Hugues Portelli et moi-même, avec le rapporteur Christophe Béchu, que je tiens à saluer particulièrement.

Il est tout à fait possible d’adopter le texte ainsi modifié et il est possible que l’Assemblée nationale l’adopte la semaine prochaine. La chose est d’autant plus possible que, vous le savez, monsieur le ministre, la majorité de la commission des lois de l’Assemblée nationale a approuvé ces amendements la semaine dernière.

Au demeurant, elle les avait déjà approuvés il y a quelques années. Vous avez dit que la majorité était différente. Très franchement, tout le monde voit bien que, sur ce sujet, il y a eu ici un accord et que rien n’empêche qu’il y en ait un à l’Assemblée nationale.

J’ai remarqué que vous aviez énoncé deux objections. Première objection, la Commission des sondages n’aurait pas été entendue. Mais nous l’avons reçue trois fois et longuement ! Donc, elle a bien été entendue.

Deuxième objection, vous avez évoqué un problème de conformité à la Convention européenne des droits de l’homme. Pensez-vous qu’une modification de la loi de 1977 ferait courir à notre pays un risque en matière de respect des droits de l’homme ?

Monsieur le ministre, pensez-vous que nous allons porter atteinte aux droits de l’homme en inscrivant par exemple dans la loi – comme nous proposons de faire s’agissant des sondages – qu’il faut identifier clairement qui commande le sondage, qui le fait, qui le publie et qui le paie – problème qui n’est quand même pas le fruit de notre imagination ? Pensez-vous que la publication des marges d’erreur porte atteinte aux droits de l’homme ?

Allons-nous mettre ces droits en péril en demandant qu’il soit fourni à la Commission des sondages, pour chaque sondage, un certain nombre de renseignements, notamment les questions posées ? En effet, si les publications mentionnent souvent la réponse, elles passent la question sous silence. De plus, on ne publie que certaines réponses. Or, il y a des effets de halo d’une question sur l’autre. En réclamant ces précisions, croyez-vous vraiment que nous portons atteinte aux droits de l’homme ?

En demandant les principes en vertu desquels les redressements sont effectués pour assurer la transparence et permettre un débat sur les sondages, portons-nous atteinte aux droits de l’homme ? Très franchement, il y a là un argument que nous ne pouvons pas retenir !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La solution est très simple, monsieur le ministre, et elle est à portée de main, si le Gouvernement souhaite la tendre…

Dernier point, puisque l’Assemblée nationale elle-même a intégré dans la proposition de loi, avec l’accord du Gouvernement, des dispositions qui ne sont pas liées à l’élection présidentielle, on ne peut pas nous dire que les sondages sont en dehors du sujet.

Nous avons en effet pris soin de ne retenir que les dispositions liées à l’élection présidentielle. Ainsi, nous n’avons pas retenu – et il faudrait le faire une autre fois – la nouvelle composition que nous proposons pour la Commission des sondages. En effet, même si nous avons le plus grand respect pour toutes les personnes qui siègent actuellement au sein de ladite commission, il ne serait sans doute pas inutile d’y inclure un statisticien.

Mes chers collègues, je pense avoir été clair. Monsieur le ministre, j’espère vous avoir convaincu qu’il y a une manière de sortir de ce sujet par le haut. La solution est entre vos mains. Je vous remercie de ne pas nous décevoir !

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, sur les travées du groupe Les Républicains, de l’UDI-UC et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je suis saisi, par M. Béchu, au nom de la commission, d’une motion n°1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle (501, 2015-2016).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour dix minutes, un orateur d’opinion contraire, pour dix minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas deux minutes et demie, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. le rapporteur, pour la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Je crois avoir déjà largement insisté sur les raisons pour lesquelles nous n’avons pas vocation à voter ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Je ne crois pas nécessaire d’ajouter quoi que ce soit.

Compte tenu de l’impossibilité de trouver un accord, ne prolongeons pas les débats inutilement et préservons du temps pour traiter les sujets sur lesquels il est encore possible de construire des compromis.

Espérons que le recours à cette procédure, que nous regrettons – puisque notre assemblée est au contraire profondément attachée au débat –, sera de nature à inciter nos collègues de l’Assemblée nationale à se demander comment faire pour éviter que de telles circonstances ne se reproduisent.

Pour vous dire le fond de ma pensée, s’il n’y a pas d’accord entre les deux assemblées – et tel sera le cas si cette motion est adoptée –, cela supposera qu’une majorité absolue soit trouvée à l’Assemblée nationale. Or aucun groupe ne détient désormais cette majorité absolue à lui seul. Dans ces conditions, la position du Sénat contribuera, d’une certaine manière, à mettre la pression sur les éventuels alliés de la majorité à l’Assemblée nationale.

Pour les raisons que j’ai déjà évoquées plus tôt, je vous invite à adopter cette question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Nous ne voterons pas cette motion tendant à opposer la question préalable. Nous comprenons sa motivation, mais elle a cet effet particulier de faire disparaître tous les débats.

Elle fera disparaître le débat avec l’Assemblée nationale – ce qui est concevable, puisque les députés n’ont pas fait preuve de beaucoup de compréhension à notre égard.

Elle fera disparaître le débat avec le Gouvernement. Or je pense, comme nous venons de le voir, qu’il pouvait se poursuivre sur un certain nombre de points.

La question préalable fera aussi disparaître le débat entre nous, ici même au Sénat, sur un certain nombre de questions. Parce que nous avons des divergences et des points de vue parfois différents, je pense qu’il aurait été utile d’examiner ces questions soumises à débat.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

Le Gouvernement est naturellement défavorable à cette motion tendant à opposer la question préalable.

Aux responsabilités citées par votre excellent rapporteur, j’en ajouterai une autre. J’ai en effet été l’auteur de ce texte. Je suis maintenant ministre et vais donc défendre la position du Gouvernement, que je continuerai à représenter tout à l’heure face à la commission des lois lors de l’examen du texte améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale.

Je précise donc que j’ai également été rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale. Du coup, je crois qu’il ne me manquera plus que de siéger au Conseil constitutionnel, qui sera consulté sur cette proposition de loi organique…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Mme Cécile Cukierman. Vous êtes trop jeune pour siéger au Conseil constitutionnel !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

J’aurai ainsi exercé toutes les fonctions qui peuvent l’être dans le cadre de l’élaboration d’un texte législatif !

Plus sérieusement, le Gouvernement est défavorable à cette motion, car il souhaite que le débat ait lieu.

Je sais qu’on peut prêter beaucoup au Gouvernement. Dans le cas d’espèce, le Parlement dispose de tous les pouvoirs et il suffit qu’il les exerce. Ce n’est pas le Gouvernement qui a décidé l’échec de la commission mixte paritaire. Ce n’est pas le Gouvernement qui a décidé des compromis impossibles à réaliser. Ce n’est pas le Gouvernement qui peut aller contre la volonté de l’une ou l’autre des assemblées.

Le Gouvernement est disponible. Il prend acte de ce qui se passe et il continue la procédure législative. Nous souhaitons que le Sénat puisse se prononcer pour qu’une lecture définitive ait ensuite lieu à l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l’adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi organique.

Je rappelle en outre que l’avis du Gouvernement est défavorable.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 192 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, la proposition de loi organique de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle est rejetée.

Nous passons à la discussion de la proposition de loi, dans le texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’amendement n° 1, présenté par M. del Picchia, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l’article L. 330–4 du code électoral, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les listes électorales consulaires sont communiquées à la condition de s’engager à ne pas en faire un usage étranger à sa finalité électorale ou à l’exercice du mandat d’élu. »

La parole est à M. Robert del Picchia.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

L’objet de cet amendement est très simple ; il résulte de l’oubli d’une partie de phrase dans la loi aujourd’hui en vigueur.

Celle-ci dispose que les listes électorales des Français de l’étranger peuvent, comme celles des Français résidant sur le territoire national, être communiquées non seulement aux élus et aux partis politiques, mais aussi à tout électeur en faisant la demande. Or on a oublié de faire figurer l’interdiction de toute utilisation commerciale de cette liste, interdiction en vigueur pour les listes électorales communales. Dès lors, plusieurs opérations commerciales ont pu être menées, en Espagne ou encore en Belgique, sur la base des listes électorales consulaires.

Voilà pourquoi j’ai décidé de déposer cet amendement visant à rectifier une situation qui porte tort aux élus que nous sommes et constitue un manque de respect pour l’esprit de la loi électorale.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

J’exprimerai plutôt, à vrai dire, l’avis du seul rapporteur et ne pourrai qu’extrapoler celui de la commission, dans la mesure où cette dernière n’a pu se réunir pour examiner cet amendement.

Je voudrais d’emblée remercier notre collègue Robert del Picchia pour la vigilance dont il a fait montre en repérant ce problème que personne avant lui n’avait remarqué.

Dans l’état actuel du droit, l’article R. 16 du code électoral interdit explicitement l’usage à des fins commerciales des listes électorales communales. Or, comme l’a justement relevé notre collègue, cette interdiction ne figure pas dans les articles relatifs aux listes électorales consulaires.

Toutefois, la vigilance même de notre collègue exige à présent qu’il retire son amendement. En effet, celui-ci est malheureusement irrecevable. Or sa proposition, par sa qualité même, mérite mieux que la sanction de l’irrecevabilité : il faudrait plutôt lui trouver un véhicule législatif adapté.

M. le garde des sceaux évoquait tout à l’heure la proposition de loi récemment déposée à l’Assemblée nationale par Mme Élisabeth Pochon et M. Jean-Luc Warsmann. Ce texte constituerait à mes yeux le véhicule idéal où intégrer la proposition formulée dans votre amendement. Je ne doute pas que le Gouvernement, la commission des lois ou vous-même, mon cher collègue, y veillerez, car ce serait vraiment faire œuvre utile.

Pour autant, je vous demande de bien vouloir aujourd’hui retirer votre amendement.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

Il est le même que celui du rapporteur. Vous n’ignorez pas, monsieur le sénateur del Picchia, que les députés évoqués à l’instant par M. le rapporteur ont récemment déposé à l’Assemblée nationale deux propositions de loi et une proposition de loi organique, cette dernière portant spécifiquement sur les modalités d’inscription sur les listes électorales des Français établis hors de France. Le Gouvernement compte faire inscrire ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale en juin prochain et à celui du Sénat en juillet.

Naturellement, la rectification que votre amendement vise à apporter est pertinente : il faut bien évidemment éviter toute utilisation commerciale d’un document qui n’a pas cette vocation. Cette rectification trouvera donc parfaitement sa place dans cette proposition de loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert del Picchia

J’ai bien entendu les arguments de M. le rapporteur et de M. le ministre. Je retirerai donc volontiers cet amendement, quitte à le défendre à nouveau en juillet prochain.

Ce sujet est, à mes yeux, extrêmement important. En effet, aujourd’hui, le ministère des affaires étrangères, quand il est saisi par les élus des Français de l’étranger, ne dispose d’aucun moyen juridique pour empêcher ces abus commerciaux, ces réelles malversations, pour ne pas dire plus, auxquelles il faut mettre fin rapidement !

Cela dit, je retire mon amendement, monsieur le président.

(Supprimé)

La loi n° 77–808 du 19 juillet 1977 relative à la publication et à la diffusion de certains sondages d’opinion est ainsi modifiée :

1° L’article 1er est ainsi rédigé :

« Art. 1 er . – Un sondage est, quelle que soit sa dénomination, une enquête statistique visant à donner une indication quantitative, à une date déterminée, des opinions, souhaits, attitudes ou comportements d’une population par l’interrogation d’un échantillon.

« Sont régis par la présente loi, les sondages publiés, diffusés ou rendus publics sur le territoire national, portant sur des sujets liés, de manière directe ou indirecte, au débat électoral.

« Les personnes interrogées sont choisies par l’organisme réalisant le sondage de manière à obtenir un échantillon représentatif de la population concernée.

« Sont assimilées à des sondages pour l’application de la présente loi les opérations de simulation de vote réalisées à partir de sondages liés au débat électoral.

bis Les articles 2 et 3 sont ainsi rédigés :

« Art. 2. – La première publication ou la première diffusion de tout sondage, tel que défini à l’article 1er, est accompagnée des indications suivantes, établies sous la responsabilité de l’organisme qui l’a réalisé :

« 1° Le nom de l’organisme ayant réalisé le sondage ;

« 2° Le nom et la qualité du commanditaire du sondage ou de la partie du sondage, ainsi que ceux de l’acheteur s’il est différent ;

« 3° Le nombre de personnes interrogées ;

« 4° La ou les dates auxquelles il a été procédé aux interrogations ;

« 5° Le texte intégral de la ou des questions posées sur des sujets mentionnés au deuxième alinéa de l’article 1er ;

« 6° Une mention précisant que tout sondage est affecté de marges d’erreur ;

« 7° Les marges d’erreur des résultats publiés ou diffusés, le cas échéant par référence à la méthode aléatoire ;

« 8° Une mention indiquant le droit de toute personne à consulter la notice prévue à l’article 3.

« Les informations mentionnées aux 5° et 7° peuvent figurer sur le service de communication au public en ligne de l’organe d’information qui publie ou diffuse le sondage. Dans ce cas, l’organe d’information indique l’adresse internet de ce service.

« Art. 3. – Avant la publication ou la diffusion de tout sondage tel que défini à l’article 1er, l’organisme qui l’a réalisé procède au dépôt auprès de la commission des sondages instituée en application de l’article 5 d’une notice précisant au minimum :

« 1° Toutes les indications figurant à l’article 2 ;

« 2° L’objet du sondage ;

« 3° La méthode selon laquelle les personnes interrogées ont été choisies, le choix et la composition de l’échantillon ;

« 4° Les conditions dans lesquelles il a été procédé aux interrogations ;

« 5° La proportion des personnes n’ayant pas répondu à l’ensemble du sondage et à chacune des questions ;

« 6° S’il y a lieu, la nature et la valeur de la gratification perçue par les personnes interrogées ;

« 7° S’il y a lieu, les critères de redressement des résultats bruts du sondage.

« Dès la publication ou la diffusion du sondage :

« – toute personne a le droit de consulter auprès de la commission des sondages la notice prévue par le présent article ;

« – cette commission rend publique cette notice sur son service de communication au public en ligne. » ;

2° L’article 3–1 est abrogé ;

3° L’article 4 est ainsi rédigé :

« Art. 4. – L’organisme ayant réalisé un sondage, tel que défini à l’article 1er, remet à la commission des sondages instituée en application de l’article 5, en même temps que la notice, les documents sur la base desquels le sondage a été publié ou diffusé. » ;

4° Les deuxième à dernier alinéas de l’article 5 sont remplacés par un alinéa ainsi rédigé :

« La commission a tout pouvoir pour vérifier que les sondages, tels que définis à l’article 1er, ont été commandés, réalisés, publiés ou diffusés conformément à la présente loi et aux textes réglementaires applicables. » ;

5° L’article 9 est ainsi rédigé :

« Art. 9. – La commission des sondages peut, à tout moment, ordonner à toute personne qui publie ou diffuse un sondage, tel que défini à l’article 1er, commandé, réalisé, publié ou diffusé en violation de la présente loi et des textes réglementaires applicables ou en altérant la portée des résultats obtenus, de publier ou diffuser une mise au point ou, le cas échéant, de mentionner les indications prévues à l’article 2 qui n’auraient pas été publiées ou diffusées. La mise au point est présentée comme émanant de la commission. Elle est, suivant le cas, diffusée sans délai et de manière que lui soit assurée une audience équivalente à celle de ce sondage, ou insérée dans le plus prochain numéro du journal ou de l’écrit périodique à la même place et en mêmes caractères que l’article qui l’aura provoquée et sans aucune intercalation.

« En outre, lorsque la publication, la diffusion ou le commentaire du sondage est intervenu pendant la semaine précédant un tour de scrutin, les sociétés nationales de programme programment et diffusent sans délai la mise au point de la commission des sondages, sur demande écrite de celle-ci. » ;

6° L’article 11 est ainsi rédigé :

« Art. 11. – En cas d’élections générales et de référendum, la veille et le jour de chaque scrutin, aucun sondage électoral ne peut faire l’objet, par quelque moyen que ce soit, d’une publication, d’une diffusion ou d’un commentaire. Pour l’élection du Président de la République, l’élection des députés et l’élection des représentants au Parlement européen ainsi que pour les référendums nationaux, cette interdiction prend effet sur l’ensemble du territoire national à compter du samedi précédant le scrutin à zéro heure. Cette interdiction prend fin à la fermeture du dernier bureau de vote sur le territoire métropolitain.

« En cas d’élections partielles, cette interdiction ne s’applique qu’aux sondages électoraux portant directement ou indirectement sur les scrutins concernés et prend fin à la fermeture du dernier bureau de vote de la circonscription électorale concernée.

« Cette interdiction ne fait obstacle ni à la poursuite de la diffusion de sondages publiés avant la veille de chaque scrutin, ni au commentaire de ces sondages, à condition que soient indiqués la date de première publication ou diffusion, le média qui les a publiés ou diffusés et l’organisme qui les a réalisés. » ;

7° L’article 12 est ainsi rédigé :

« Art. 12. – Est puni d’une amende de 75 000 € :

« 1° Le fait d’utiliser le mot : “sondage” pour des enquêtes portant sur des sujets liés, de manière directe ou indirecte, au débat électoral et qui ne répondent pas à la définition du sondage énoncée à l’article 1er ;

« 2° Le fait de commander, réaliser, publier ou laisser publier, diffuser ou laisser diffuser un sondage en violation de la présente loi et des textes réglementaires applicables ;

« 3° Le fait de ne pas publier ou diffuser une mise au point demandée par la commission des sondages en application de l’article 9, ou de la publier ou diffuser dans des conditions contraires à ce même article ;

« 4° Le fait d’entraver l’action de la commission des sondages dans l’exercice de sa mission de vérification définie à l’article 5.

« La décision de justice est publiée ou diffusée par les mêmes moyens que ceux par lesquels il a été fait état du sondage publié ou diffusé en violation des dispositions de la présente loi. » ;

8° L’article 14 est ainsi rédigé :

« Art. 14. – La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

« Pour l’application du premier alinéa de l’article 11 dans les collectivités régies par l’article 73 et l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie, cette interdiction prend fin à la fermeture du dernier bureau de vote de la collectivité. Pour l’élection du Président de la République, l’élection des députés et l’élection des représentants au Parlement européen ainsi que pour les référendums nationaux, la règle prévue à la précédente phrase s’applique lorsque la fermeture du dernier bureau de vote est plus tardive que celle sur le territoire métropolitain.

« L’interdiction prévue au premier alinéa de l’article 11 n’est pas applicable aux élections régies par les articles L. 330-11 et L. 397 du code électoral. »

L’article 2 ter est adopté.

(Suppression maintenue)

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Les autres dispositions de la proposition de loi ne font pas l’objet de la nouvelle lecture.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi de modernisation des règles applicables à l’élection présidentielle.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Monsieur le président, avant de reprendre l’examen du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale, la commission doit se réunir pour examiner plusieurs amendements du Gouvernement sur ce texte.

Je sollicite donc une suspension de séance d’un quart d’heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Mes chers collègues, conformément à la demande exprimée par M. le président de la commission des lois, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à midi, est reprise à douze heures vingt.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale (projet n° 445, texte de la commission n° 492 rectifié, rapport n° 491, tomes I et II, avis n° 476 et 474).

Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre IV du titre Ier, aux amendements portant articles additionnels après l’article 16 septies.

Titre Ier

Dispositions renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement

Chapitre IV

Dispositions améliorant la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 32 rectifié quater est présenté par MM. Vasselle, Grand et Trillard, Mmes Duchêne et Garriaud-Maylam, MM. Joyandet, D. Laurent et Karoutchi, Mme Cayeux, MM. Bouchet, B. Fournier, Bizet, G. Bailly, Milon et Laufoaulu, Mme Imbert, M. Buffet, Mme M. Mercier, M. Chaize, Mme Deseyne, M. Laménie, Mme Lopez, MM. Houpert et Pellevat, Mmes Hummel, Micouleau et Lamure, MM. de Raincourt, Chasseing, Mandelli, Doligé et Pointereau, Mmes Deroche et Mélot et MM. Rapin et Revet.

L’amendement n° 54 rectifié bis est présenté par MM. Yung et Vincent.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 16 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article 421-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« …° Les atteintes en matière de propriété intellectuelle définies aux articles L. 335-2 à L. 335-4-2, L. 521-1, L. 615-1 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle. »

La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l’amendement n° 32 rectifié quater.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Cet amendement a pour objet de renforcer les dispositions législatives en vigueur relatives à la contrefaçon.

La contrefaçon s’apparente aujourd’hui à une véritable « industrie » criminelle mondiale, florissante, qui se positionne au deuxième rang des grands commerces illicites mondiaux. Les derniers chiffres disponibles viennent illustrer cette inquiétante tendance. En moins de dix ans, ce trafic aurait plus que doublé, passant de 650 milliards de dollars en 2008 à 1 700 milliards de dollars en 2015. La contrefaçon détruit au sein des pays du G20 environ 2, 5 millions d’emplois et fait perdre environ 62 millions d’euros de recettes fiscales.

Il est aujourd’hui urgent d’en réaliser toute la gravité, d’autant plus que la contrefaçon se révèle une source de financement privilégiée de la criminalité organisée et des organisations terroristes, plus importante encore que le trafic de drogues, le blanchiment d’argent et la corruption. Le rapport « Contrefaçon et terrorisme », remis par l’Union des fabricants pour la protection internationale de la propriété intellectuelle, l’UNIFAB, au ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, le 28 janvier 2016, met en exergue l’implication des groupes terroristes dans le trafic de produits contrefaisants, trafic très lucratif, discret et peu risqué.

Malgré cela, la contrefaçon est encore trop souvent considérée comme un délit mineur par l’opinion publique, mais également par les enquêteurs et les magistrats. La contrefaçon demeure une infraction peu recherchée sur initiative, pour laquelle les moyens d’enquêtes sont peu fournis. Au demeurant, aucune disposition législative n’existe aujourd’hui qui permette aux officiers de police judiciaire et aux magistrats de faire le lien entre terrorisme et contrefaçon.

Bénéfices, impunité, tolérance : ces lacunes et failles juridiques sont exploitées par les réseaux de contrefacteurs. L’adoption de mesures concrètes est aujourd’hui indispensable pour ne pas encourager cette activité illicite aux répercussions graves et pour adapter la logique répressive, afin d’offrir de nouveaux moyens d’action aux services enquêteurs et à l’autorité judiciaire.

Cet amendement vise à remédier à la situation en insérant le délit de contrefaçon en bande organisée dans la liste des infractions susceptibles d’être commises « en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur » de l’article 421-1 du code pénal. Le délit d’initié, le blanchiment et le recel de vol figurent déjà dans cette liste comme délits de criminalité astucieuse. On comprend donc mal aujourd’hui pourquoi la contrefaçon en bande organisée en serait exclue, alors même que la rédaction actuelle de l’article 421-1 du code pénal semble clairement en faveur d’une conception globale du terrorisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Je ne termine pas la lecture de l’exposé des motifs de cet amendement, mes chers collègues, pour permettre à M. le président de faire respecter le temps de parole.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 54 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet amendement vise également à inclure le délit de contrefaçon dans la liste des infractions pouvant constituer des actes de terrorisme ou être liées à des actes de terrorisme qui figure à l’article 421-1 du code pénal. Cela part du constat qu’il existe un lien incontestable entre la contrefaçon et le financement du terrorisme ; vous avez tous en tête des exemples récents, y compris en France, de financement d’attentats soit, à l’échelon local, par du petit délit de contrefaçon, soit de façon beaucoup plus organisée par de grandes bandes.

Il convient de tirer les conséquences de cette situation et de durcir les sanctions applicables aux délits de contrefaçon qui « sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public par l’intimidation ou la terreur ».

Le déclenchement du dispositif prévu à l’article 421-1 du code pénal permettrait d’aggraver les peines encourues par les contrefacteurs, qu’il s’agisse des peines principales – six ans d’emprisonnement en cas de délit simple, sept ans d’emprisonnement en cas de délit aggravé – ou des peines complémentaires – interdiction des droits civiques, interdiction d’exercer une fonction publique, etc.

Je sais que cet amendement rencontre une résistance de la part des plus éminents juristes. Il serait en effet impossible d’appliquer à un délit les règles dérogatoires applicables aux actes de terrorisme. Or plusieurs délits sont déjà assimilés à des actes de terrorisme par l’article 421-1 du code pénal, notamment le délit d’initié, le recel ou le blanchiment. J’ai donc du mal à comprendre pourquoi le délit de contrefaçon ne pourrait pas être ajouté à cette liste.

Par ailleurs, il s’agit non pas de la contrefaçon en tant que telle, mais bien de la contrefaçon en lien avec une action terroriste. Elle est donc spécifiquement définie.

Pour toutes ces raisons, il ne paraît ni injustifié ni déraisonnable que cette infraction, lorsqu’elle est commise en lien avec une entreprise terroriste, soit poursuivie, instruite et jugée dans les mêmes conditions que les délits visés à l’article 421-1 du code pénal.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

En écoutant la radio ce matin et, comme tout un chacun, en lisant les dépêches sur mon mobile, je me suis aperçu qu’on avait complètement oublié l’article 2 du code civil, selon lequel « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif ».

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Par conséquent, monsieur le garde des sceaux, tant que ce texte n’est pas voté, il n’a pas d’effet et ceux qui ont été arrêtés ne sont pas concernés par ces dispositions ni par un texte qui aurait été subséquent à une révision de la Constitution.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Il faut rappeler ce point essentiel en démocratie, fondé par l’article 2 du code civil : il faut connaître la loi pour pouvoir lui obéir.

Cela étant – et j’ai bien compris ce qui avait été souligné –, il s’agit de traiter non pas de la contrefaçon, mais de la contrefaçon en lien avec les opérations de terrorisme. De ce point de vue, ces amendements identiques sont satisfaits, dans la mesure où l’article 421-2-2 du code pénal prévoit expressément cette hypothèse.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice

Le Gouvernement est loin de méconnaître la réalité que vient d’évoquer M. Yung : un lien existe bien entre la contrefaçon et le financement du terrorisme. De ce point de vue, la France dispose déjà d’incriminations permettant de combattre cette tentation. D’ailleurs, nous aurons l’occasion de rediscuter d’une aggravation des peines liées à ces amendements.

Je connais bien les objets de ces amendements : ils ont été déposés à toutes les étapes de l’élaboration de ce texte, ce qui montre bien l’opiniâtreté de ceux qui en sont à l’origine. Le Gouvernement y sera néanmoins défavorable, du début à la fin de l’examen de ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l’amendement n° 32 rectifié quater.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

La commission comme le Gouvernement ont émis un avis défavorable sur ces amendements identiques. Dans la mesure où, pour le rapporteur, ils sont satisfaits par les dispositions déjà en vigueur, j’aurais préféré qu’il en demande le retrait.

Par ailleurs, M. le garde des sceaux a précisé que des dispositions plus contraignantes étaient prévues, qui seraient présentées dans les jours ou les semaines à venir.

Pour toutes ces raisons, rien ne justifie le maintien de l’amendement n° 32 rectifié quater et je le retire.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’amendement n° 32 rectifié quater est retiré.

La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote sur l'amendement n° 54 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je vais retirer cet amendement, monsieur le président, puisque le mécanisme juridique existe déjà, semble-t-il. Il faut néanmoins que la représentation nationale et le Gouvernement envoient un signal fort en matière de lutte contre la contrefaçon, cette dernière étant trop souvent considérée comme une infraction mineure.

Je retire l’amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 54 rectifié bis est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 88 rectifié est présenté par MM. Bizet, G. Bailly, Bouchet, Cardoux, Chaize, Charon, Chasseing, Danesi, de Legge et del Picchia, Mmes Deromedi et Duchêne, M. Dufaut, Mme Duranton, M. Emorine, Mme Estrosi Sassone, MM. B. Fournier et J.P. Fournier, Mme Garriaud-Maylam, MM. Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houel, Husson, Karoutchi, Laménie, D. Laurent, Lefèvre, Lemoyne et Mandelli, Mmes Mélot et Micouleau et MM. Milon, Morisset, Pellevat, Perrin, Pierre, Pinton, Raison, Revet, Trillard et Vasselle.

L'amendement n° 135 rectifié ter est présenté par Mme N. Goulet, M. Reichardt, Mme Billon, MM. Roche, Canevet, Bockel et Gabouty et Mme Férat.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 16 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Constitue également une contrefaçon, l'importation, le transbordement ou la commercialisation, sur le territoire français, sans le consentement du titulaire de la marque, de produits en provenance d'un pays tiers à l'espace économique européen sur lesquels est apposée ladite marque. »

La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 88 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Cet amendement vise à compléter la définition de la contrefaçon pour la mettre en conformité avec celle de la jurisprudence européenne, telle qu’elle résulte notamment de l’arrêt Silhouette International Schmied GmbH & Co. KG contre Hartlauer Handelsgesellschaft GmbH rendu le 16 juillet 1998 par la Cour de justice de l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour présenter l'amendement n° 135 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je retire cet amendement, monsieur le président, ayant bien compris qu’il était satisfait.

La lutte contre le financement du terrorisme s’apparente à la guerre de l’obus et du blindage. À mesure que nous blinderons notre législation, de nouveaux moyens de contourner la loi en utilisant tous les circuits de la délinquance financière pour financer le terrorisme apparaîtront. Éric Bocquet et moi connaissons très bien ce sujet.

Cela étant dit, j’attends avec impatience de connaître les dispositions dont le ministre vient de nous parler.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’amendement n° 135 rectifié ter est retiré.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 88 rectifié ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier, rapporteur. Je remercie Mme Goulet d’avoir retiré son amendement et ainsi montré la voie à M. Revet !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

J’indique à M. Vasselle que je n’ai en aucun cas voulu le blesser tout à l’heure en émettant un avis défavorable et que je sollicite d’ores et déjà le retrait de ses deux amendements suivants, ce qui devrait le satisfaire !

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

En l’espèce, il s’agit non pas de contrefaçon, mais de diffusion sur un marché parallèle de produits de marque authentiques.

Étendre le champ du droit de la contrefaçon comme il est proposé serait inopérant, d’autant que la jurisprudence européenne a déjà reconnu que la spoliation de ses droits d’une marque relevait du juge civil, et non du juge pénal.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement, monsieur le sénateur ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Non, je le retire, monsieur le président, compte tenu des précisions apportées par M. le ministre et M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 88 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 38 rectifié ter est présenté par MM. Vasselle, Grand et Trillard, Mmes Duchêne et Garriaud-Maylam, MM. Joyandet, D. Laurent, Karoutchi, Bouchet, B. Fournier, Bizet, G. Bailly, Milon et Laufoaulu, Mme Imbert, M. Buffet, Mme M. Mercier, M. Chaize, Mme Deseyne, M. Laménie, Mme Lopez, MM. Houpert et Pellevat, Mmes Hummel, Micouleau et Lamure, MM. de Raincourt, Chasseing, Mandelli, Doligé et Pointereau, Mmes Deroche et Mélot et MM. Revet et Rapin.

L'amendement n° 55 est présenté par M. Yung.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 16 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au dernier alinéa des articles L. 335-2, L. 335-4, L. 716-9 et L. 716-10, à l’article L. 343-4 et au premier alinéa des articles L. 521-10 et L. 615-14 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 euros d'amende » sont remplacés par les mots : « les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 700 000 euros d'amende ».

La parole est à M. Alain Vasselle, pour présenter l’amendement n° 38 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Je remercie M. le rapporteur de l’amabilité dont il fait preuve à mon égard en m’invitant par avance à retirer cet amendement, ainsi que le suivant.

Le présent amendement vise à alourdir les peines encourues en cas de contrefaçon. J’aimerais tout de même connaître l’avis du rapporteur et du garde des sceaux sur ce point. Je ne crois pas que cet amendement soit déjà satisfait, mais, si c’était néanmoins le cas, je le retirerais.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l'amendement n° 55.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet amendement tend à prendre en compte le développement de la contrefaçon comme moyen de financement du terrorisme. Je ne crois pas qu’il pose de problème juridique.

On sait que la contrefaçon est l’un des éléments constitutifs de la criminalité organisée. C’est un moyen très commode de blanchir de l’argent et d’en gagner sans prendre trop de risques. C’est beaucoup moins dangereux que de braquer une banque ! Les bandes organisées l’ont bien compris et ont investi ce secteur de façon massive, y compris pour financer des actions terroristes, selon différentes formes sur lesquelles je ne m’attarderai pas.

La lutte contre la contrefaçon est donc un enjeu de sécurité nationale. De ce fait, les sanctions encourues par les contrefacteurs devraient être plus lourdes qu’elles ne le sont aujourd'hui. C’est pourquoi je propose de punir le délit aggravé de contrefaçon liée au financement du terrorisme d’une peine maximale de sept ans d’emprisonnement et de 700 000 euros d’amende, au lieu de cinq ans et de 500 000 euros actuellement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

La commission avait initialement émis un avis défavorable sur ces amendements, mais les interventions de M. Vasselle et de M. Yung donnent à réfléchir. Après tout, pourquoi ne pas aggraver les peines ? À titre personnel, je m’en remets à la sagesse du Sénat.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

Le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements, sous réserve que le montant maximal de l’amende encourue soit porté à 750 000 euros, et non à 700 000 euros, pour respecter l’échelle des peines. Si vous acceptez, messieurs les sénateurs, de rectifier vos amendements sur ce point, l’avis sera favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur Vasselle, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par le Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur Yung, acceptez-vous également de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par le Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je suis donc saisi de deux amendements identiques rectifiés.

L’amendement n° 38 rectifié quater est présenté par MM. Vasselle, Grand et Trillard, Mmes Duchêne et Garriaud-Maylam, MM. Joyandet, D. Laurent, Karoutchi, Bouchet, B. Fournier, Bizet, G. Bailly, Milon et Laufoaulu, Mme Imbert, M. Buffet, M. Mercier, M. Chaize, Mme Deseyne, M. Laménie, Mme Lopez, MM. Houpert et Pellevat, Mmes Hummel, Micouleau et Lamure, MM. de Raincourt, Chasseing, Mandelli, Doligé et Pointereau, Mmes Deroche et Mélot et MM. Revet et Rapin.

L’amendement n° 55 rectifié est présenté par M. Yung.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l'article 16 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au dernier alinéa des articles L. 335-2, L. 335-4, L. 716-9 et L. 716-10, à l’article L. 343-4 et au premier alinéa des articles L. 521-10 et L. 615-14 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « les peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 500 000 euros d'amende » sont remplacés par les mots : « les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende ».

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je me réjouis de la position adoptée par M. le rapporteur, à titre personnel, et par M. le ministre.

En prenant connaissance de ces amendements, j’ai d’abord pensé qu’il n’y avait pas de rapport entre la contrefaçon et le terrorisme, que ces deux sujets étaient disjoints.

Cependant, après avoir procédé à des auditions et lu les documents, j’ai acquis la conviction qu’il existait des connexions entre contrefaçon et terrorisme, ce dernier étant d’ailleurs lié à de nombreux types de délinquance.

C’est pourquoi je me réjouis de l’accueil favorable réservé à la proposition de nos collègues. Richard Yung se bat contre la contrefaçon depuis des années et il a présenté une proposition de loi importante sur ce sujet. N’oublions pas que la contrefaçon amène la destruction de dizaines de milliers d’emplois en France : cela n’est pas accessoire dans les temps que nous vivons.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 16 septies.

L'amendement n° 31 rectifié quater, présenté par MM. Vasselle, Grand et Trillard, Mmes Garriaud-Maylam et Duchêne, MM. Joyandet, D. Laurent et Karoutchi, Mme Cayeux, MM. Bouchet, B. Fournier, Bizet, G. Bailly, Milon et Laufoaulu, Mme Imbert, M. Buffet, M. Mercier, M. Chaize, Mme Deseyne, M. Laménie, Mme Lopez, MM. Houpert et Pellevat, Mmes Hummel, Micouleau et Lamure, MM. de Raincourt, Chasseing, Mandelli, Doligé et Pointereau, Mmes Deroche et Mélot et MM. Revet et Rapin, est ainsi libellé :

Après l’article 16 septies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le dernier alinéa du 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Compte tenu de l’intérêt général attaché à la lutte contre le financement de la criminalité organisée et du terrorisme, et sans préjudice de dispositions législatives ou réglementaires plus contraignantes, les personnes mentionnées aux 1 et 2 agissent avec diligence en prenant toutes mesures proactives, raisonnables et adéquates afin de concourir à la lutte contre la promotion, la commercialisation et la diffusion de produits contrefaisants ou de contrefaçons telles que définies aux articles L. 521-1 et L. 716-1 du code de la propriété intellectuelle.

« Tout manquement aux obligations définies aux quatrième, cinquième et sixième alinéas est puni des peines prévues au 1 du VI du présent article. »

La parole est à M. Alain Vasselle.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

L’amendement est défendu, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je suis contraint de demander à M. Vasselle de bien vouloir retirer son amendement, dont le caractère normatif n’apparaît pas évident, même après plusieurs lectures. En particulier, l’expression « toutes mesures proactives, raisonnables et adéquates » me semble recouvrir un champ un peu large…

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

Le Gouvernement est soucieux du respect des exigences constitutionnelles de prévisibilité et de précision de la loi. Or, en l’espèce, nous ne sommes pas certains que ces exigences soient pleinement respectées.

C’est pourquoi je vous invite à retirer cet amendement, monsieur le sénateur ; à défaut, le Gouvernement serait contraint d’émettre un avis défavorable.

À l’article L. 233-1 du code de la sécurité intérieure, la référence : « de l’article 706-73 » est remplacée par les références : « des articles 706-73 et 706-73-1 ». –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 202, présenté par M. F. Marc et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :

Après l'article 16 octies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne est ainsi modifiée :

1° Au troisième alinéa du I de l’article 34, après le mot : « illégaux », sont insérés les mots : «, contre le blanchiment des capitaux, contre le financement du terrorisme » ;

2° Après le 4° de l’article 38, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’Autorité de régulation des jeux en ligne peut utiliser ces données afin de rechercher et d’identifier tout fait commis par un joueur ou un parieur, susceptible de constituer une fraude ou de relever du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme. »

La parole est à M. Jacques Bigot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Cet amendement vise à compléter la loi du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne.

Il s’agit de donner à l’Autorité de régulation des jeux en ligne, l’ARJEL, la possibilité d’utiliser les données recueillies afin de rechercher et d’identifier tout fait commis par un joueur ou un parieur susceptible de constituer une fraude ou de relever du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme.

Que l’ARJEL, qui est l’autorité de contrôle des opérateurs agréés, lesquels sont assujettis aux obligations prévues en termes de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, puisse utiliser ces données apparaît indispensable. Cette autorité pourra récupérer toutes les informations, procéder à des mesures de contrôle des comportements et, bien évidemment, aviser le cas échéant TRACFIN et le ministère public, ce qui permettra d’engager des poursuites.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Cet amendement nous paraît intéressant. Cependant, son 1° est redondant avec l’article 3 de la loi de 2010. Nous avions d’ailleurs demandé sa suppression en commission. Si cet amendement, par ailleurs tout à fait pertinent, était rectifié en ce sens, la commission y serait favorable.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Monsieur Bigot, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Je l’accepte bien volontiers, la suggestion de M. le rapporteur étant tout fait logique.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je suis donc saisi d’un amendement n° 202 rectifié, présenté par M. F. Marc et les membres du groupe socialiste et républicain, et ainsi libellé :

Après l'article 16 octies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 4° de l’article 38 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’Autorité de régulation des jeux en ligne peut utiliser ces données afin de rechercher et d’identifier tout fait commis par un joueur ou un parieur, susceptible de constituer une fraude ou de relever du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme. »

Je le mets aux voix.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 16 octies.

Chapitre V (suite)

Dispositions renforçant l’enquête et les contrôles administratifs

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je rappelle que les articles 17 à 21 ont été précédemment examinés.

Titre II

DISPOSITIONS RENFORÇANT LES GARANTIES DE LA PROCÉDURE PÉNALE ET SIMPLIFIANT SON DÉROULEMENT

Chapitre Ier

Dispositions renforçant les garanties de la procédure pénale

Après l’article 39-2 du code de procédure pénale, il est inséré un article 39-3 ainsi rédigé :

« Art. 39 -3. – Dans le cadre de ses attributions de direction de la police judiciaire, le procureur de la République peut adresser des instructions générales ou particulières aux enquêteurs et contrôle la légalité des moyens mis en œuvre par ces derniers, la proportionnalité des actes d’investigation au regard de la nature et de la gravité des faits, l’orientation donnée à l’enquête ainsi que la qualité de celle-ci.

« Il veille à ce que les investigations tendent à la manifestation de la vérité et qu’elles soient accomplies, dans le respect des droits de la victime, du plaignant et de la personne suspectée, à charge et à décharge. »

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Les amendements identiques n° 171 rectifié, présenté par Mmes Aïchi, Bouchoux et Blandin, M. Dantec, Mme Archimbaud et MM. Gattolin et Labbé, et n° 197 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Collin et Fortassin, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Requier et Vall, ne sont pas soutenus.

L'amendement n° 92, présenté par M. Grosdidier, n’est pas soutenu.

Je mets aux voix l'article 22.

L'article 22 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 76 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Charon et Danesi, Mme Canayer, MM. de Legge, Mandelli, Morisset, D. Laurent, Pellevat, Trillard, Lefèvre, Gournac, Kennel et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :

Après l’article 22

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Le chapitre Ier du titre II du livre Ier est complété par un article 74-… ainsi rédigé :

« Art. 74 -… – Si les nécessités de l’enquête portant sur un crime ou un délit flagrant puni d’au moins trois ans d’emprisonnement l’exigent, le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention d’une requête motivée tendant à ce que la personne soit, à l’issue de sa garde à vue, astreinte à une ou plusieurs obligations du contrôle judiciaire ou, si celles-ci se révèlent insuffisantes, à son assignation à résidence avec surveillance électronique. À titre exceptionnel, si les obligations du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence avec surveillance électronique sont insuffisantes, elle peut être placée en détention provisoire pour une durée d’un mois renouvelable une fois.

« Il est alors procédé conformément aux articles 137 à 150.

« L’avocat choisi ou le bâtonnier est informé, par tout moyen et sans délai, de la date et de l’heure du débat contradictoire. L’avocat peut, à tout moment, consulter le dossier et s’entretenir avec son client.

« Si la personne se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire, le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention pour que celui-ci décerne mandat d’arrêt ou d’amener à son encontre. Il peut également, par requête motivée, saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement en détention provisoire. Quelle que soit la peine d’emprisonnement encourue, le juge des libertés et de la détention peut décerner, à l’encontre de cette personne, un mandat de dépôt en vue de sa détention provisoire, sous réserve des dispositions de l’article 141-3. Les dispositions de l’article 141-4 sont applicables ; les attributions confiées au juge d’instruction par cet article sont alors exercées par le procureur de la République.

« La mise en liberté peut être ordonnée d’office par le procureur de la République.

« La personne placée en détention provisoire ou son avocat peut, à tout moment, demander sa mise en liberté. La demande de mise en liberté est adressée au procureur de la République. Sauf s’il donne une suite favorable à la demande, le procureur de la République doit, dans le délai de cinq jours à compter de sa réception, la transmettre au juge des libertés et de la détention avec son avis motivé. Ce magistrat statue dans le délai de trois jours prévu à l’article 148.

« À l’issue de l’enquête, si la personne est toujours détenue, le procureur de la République peut procéder conformément aux articles 393 à 397-7. » ;

2° L’article 143-1 est ainsi modifié :

a) Après le 2°, il est inséré un 3° ainsi rédigé :

«  Lorsqu’il est fait application de l’article 74-3 à l’encontre de la personne mise en cause. » ;

b) Au dernier alinéa, les mots : « à l’article » sont remplacés par les mots : « aux articles 74-3 et ».

La parole est à M. André Reichardt.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Cet amendement tend à créer un nouveau régime d’enquête dans lequel le procureur de la République garderait le contrôle de la procédure, mais pourrait solliciter du juge des libertés et de la détention le placement en détention provisoire pour une durée d’un mois renouvelable une fois.

Cet amendement avait déjà été débattu, M. le rapporteur me l’a rappelé, lors de l’examen du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle. Il avait été rejeté, essentiellement parce qu’une objection d’inconstitutionnalité avait été soulevée par la Chancellerie.

Je l’ai néanmoins redéposé, car, après vérification, il est apparu que la Chancellerie n’avait fait référence à aucune disposition constitutionnelle précise. À mon sens, rien dans la Constitution n’interdit une mesure privative ou restrictive de liberté de ce type.

Je suis d’accord avec M. le rapporteur : une telle disposition ne peut être adoptée par voie d’amendement et l’idée n’a pas encore suffisamment fait son chemin parmi les professionnels du droit, qui y sont plutôt opposés. Il reste que l’opinion publique n’est pas forcément du même avis et que l’efficacité du dispositif est difficilement contestable sur le fond.

Par ailleurs, j’ai veillé à entourer ce nouveau dispositif de nombreuses garanties afin de préserver les droits de la défense.

J’aimerais donc connaître l’avis du rapporteur et du ministre avant, le cas échéant, de prendre la décision de retirer l’amendement, comme cela m’a été fortement suggéré en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Comme M. Reichardt l’a suggéré, il s’agit en fait d’un amendement d’appel.

Le couple que forment le procureur de la République et le juge des libertés et de la détention apparaît aujourd’hui comme l’un des rouages essentiels de notre procédure pénale. Cela nous conduira obligatoirement à réviser leurs statuts respectifs. Comme vous l’avez vous-même relevé, mon cher collègue, cela ne peut se faire via un unique amendement.

Par ailleurs, il semble délicat de permettre au parquet de saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de placement sous contrôle judiciaire ou de détention provisoire au cours de l’enquête, alors que l’action publique n’est pas mise en mouvement et que la personne n’est pas encore poursuivie : là se situe la difficulté constitutionnelle. La procédure de l’enquête, à la différence de l’information judiciaire, est menée par le procureur, qui dispose toujours, jusqu’à la fin de l’enquête, de l’opportunité des poursuites.

Par conséquent, je ne pense pas que l’on puisse placer quelqu’un en détention pendant l’enquête, laquelle, nous en reparlerons à propos de l’article 24, est très peu contradictoire, ce qui est assez normal. D’une manière générale, la personne mise en cause ne bénéficie d’aucune des garanties de l’instruction.

Votre amendement permet d’engager une réflexion qui devra être approfondie, en vue d’une refonte globale de notre procédure pénale. Pour l’heure, je souhaiterais que vous acceptiez de le retirer, pour nous éviter d’avoir à nous prononcer sur le fond. Si cet amendement a opportunément permis d’attirer l’attention du Sénat et du Gouvernement sur une question importante, il ne peut la résoudre aujourd'hui, ne serait-ce qu'en raison de la difficulté constitutionnelle que j’ai rappelée.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Je vais le retirer, après avoir entendu les excellents propos de M. le rapporteur, mais, comme je l’ai déjà souligné à de nombreuses reprises, rien dans la Constitution n’interdit une mesure privative ou restrictive de liberté avant l’engagement des poursuites par le parquet. Le parquet pourrait certes classer la procédure, mais le juge d’instruction peut, lui, ordonner un non-lieu, même après que le mis en examen a été détenu provisoirement.

Je le répète, bien que la Chancellerie ait affirmé qu’une telle disposition était anticonstitutionnelle, elle n’a fait référence à une disposition constitutionnelle précise à l’appui de cette affirmation. C'est la raison pour laquelle je pense qu’il vaudrait la peine d’aller au bout de cette discussion en une autre occasion. J’espère que vous m’apporterez alors votre soutien, monsieur le rapporteur, car nous devrons obligatoirement nous engager dans cette voie.

Pour l’heure, je vous remercie de votre écoute et je retire l’amendement.

Après l’article 229 du même code, il est inséré un article 229-1 ainsi rédigé :

« Art. 229 -1. – En cas de manquement professionnel grave ou d’atteinte grave à l’honneur ou à la probité par une des personnes mentionnées à l’article 224 ayant une incidence sur la capacité d’exercice des missions de police judiciaire, le président de la chambre de l’instruction, saisi par le procureur général près la cour d’appel dans le ressort de laquelle la personne exerce habituellement ses fonctions, peut, sans préjudice des sanctions disciplinaires administratives qui pourraient être prononcées, décider immédiatement qu’elle ne pourra exercer ses fonctions de police judiciaire pour une durée maximale d’un mois.

« Cette décision prend effet immédiatement. Elle est notifiée, à la diligence du procureur général, aux autorités dont dépend la personne.

« La saisine du président de la chambre de l’instruction par le procureur général en application du premier alinéa du présent article vaut saisine de la chambre de l’instruction au titre du premier alinéa de l’article 225. »

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 2 rectifié est présenté par MM. Grand, Pellevat et Danesi, Mmes Deromedi et Procaccia, MM. Laufoaulu et Milon, Mme Hummel, MM. B. Fournier, Chaize et Chasseing, Mme Garriaud-Maylam et MM. Laménie, Charon, Vasselle, Joyandet, Panunzi, Pinton, Bouchet, G. Bailly, Mandelli, Pierre, Revet et Gremillet.

L'amendement n° 93 est présenté par M. Grosdidier.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Charles Revet, pour présenter l’amendement n° 2 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

L’article 23 institue une procédure de suspension en urgence des agents ou officiers de police judiciaire coupables de manquement professionnel grave ou d’atteinte grave à l’honneur ou à la probité.

Or il existe déjà une procédure disciplinaire, avec des mesures conservatoires de nature à empêcher l’exercice de la qualité d’officier ou d’agent de police judiciaire. Nous proposons donc de supprimer cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’amendement n° 93 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 2 rectifié ?

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement. En effet, cette procédure, qui relève de l’autorité judiciaire, est nécessaire pour lui permettre d’exercer pleinement ses prérogatives de contrôle et de surveillance de la police judiciaire. Elle se distingue de la procédure disciplinaire classique que vous avez évoquée, monsieur le sénateur. Le Gouvernement souhaite donc le maintien de l’article 23.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Je retire l’amendement, monsieur le président.

L'article 23 est adopté.

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Les articles 77-2 et 77-3 sont ainsi rédigés :

« Art. 77-2. – I. – Toute personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction punie d’une peine privative de liberté et qui a fait l’objet d’un des actes prévus aux articles 61-1 et 62-2 peut, un an après l’accomplissement du premier de ces actes, demander au procureur de la République, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé, de consulter le dossier de la procédure afin de faire ses observations.

« Dans le cas où une telle demande a été formée, le procureur de la République doit, lorsque l’enquête lui paraît terminée et s’il envisage de poursuivre la personne par citation directe ou selon la procédure prévue à l’article 390-1, aviser celle-ci, ou son avocat, de la mise à la disposition de son avocat, ou d’elle-même si elle n’est pas assistée par un avocat, d’une copie de la procédure et de la possibilité de formuler des observations ainsi que des demandes d’actes utiles à la manifestation de la vérité dans un délai d’un mois, selon les formes mentionnées au premier alinéa du présent article.

« Lorsqu’une victime a porté plainte dans le cadre de cette enquête et qu’une demande de consultation du dossier de la procédure a été formulée par la personne mise en cause, le procureur de la République avise cette victime qu’elle dispose des mêmes droits dans les mêmes conditions.

« Pendant ce délai d’un mois, le procureur de la République ne peut prendre aucune décision sur l’action publique, hors l’ouverture d’une information, l’application de l’article 393 ou le recours à la procédure de comparution sur reconnaissance de culpabilité prévue aux articles 495-7 à 495-13.

« II. – À tout moment de la procédure, même en l’absence de demande prévue au premier alinéa du I, le procureur de la République peut communiquer tout ou partie de la procédure à la personne mise en cause ou à la victime pour recueillir leurs éventuelles observations ou celles de leur avocat.

« III. – Dans les cas mentionnés aux I et II, les observations ou demandes d’actes de la personne ou de son avocat sont versées au dossier de la procédure.

« Le procureur de la République apprécie les suites devant être apportées à ces observations et demandes. Il en informe les personnes concernées.

« Art. 77 -3. – La demande mentionnée au premier alinéa du I de l’article 77-2 est faite au procureur de la République sous la direction duquel l’enquête est menée. À défaut, si cette information n’est pas connue de la personne, elle peut être adressée au procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel l’un des actes mentionnés au même article a été réalisé, qui la transmet sans délai au procureur de la République qui dirige l’enquête. » ;

bis (Supprimé)

2° À la fin de la deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa de l’article 393, les mots : « et sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes » sont remplacés par les mots : «, sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes qu’il estime nécessaires à la manifestation de la vérité et sur les modalités d’engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ».

II

Non modifié

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 98 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Pellevat, D. Laurent, Morisset, de Legge, Charon, Trillard et Danesi, Mmes Micouleau et Canayer, M. Mandelli, Mme Deromedi, MM. Gremillet, Lefèvre, Gournac, Kennel et Houel et Mme Mélot, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. André Reichardt.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Je considère que les dispositions de l’article 24 ne répondent à aucune obligation découlant des normes européennes ou internationales, ni à un besoin réel. Elles ne seront pas de nature à résoudre les difficultés relatives aux enquêtes longues ; bien au contraire, elles risquent de les aggraver. Je crains qu’elles ne provoquent une désorganisation complète de la chaîne pénale, engendrant un ralentissement majeur de la réponse pénale.

Mes chers collègues, ouvrir la brèche du contradictoire au stade de l’enquête préliminaire, c’est prendre le risque qu’elle ne s’agrandisse à chaque réforme législative. Or, je pense que vous en conviendrez tous, une enquête n’est efficace que lorsqu’elle est secrète.

Je salue le remarquable travail accompli par M. le rapporteur. La formulation retenue à l’issue des débats en commission des lois est incontestablement meilleure que celle qui nous a été transmise par l’Assemblée nationale. Encore peut-on se demander ce que cet article vient faire dans un texte relatif à la criminalité organisée.

Pour autant, des imprécisions subsistent. Qu’advient-il lorsqu’une demande d’accès au dossier est formulée mais que l’enquête n’est pas terminée ? Le procureur ne semble avoir aucune obligation, alors même que c’est à ce stade que la personne mise en cause souhaite savoir si elle risque d’être inquiétée. Si le procureur a déjà pris la décision d’engager des poursuites par citation directe ou par convocation par officier de police judiciaire, il est largement illusoire de croire que les observations des parties le feront revenir sur cette décision. Alors, à quoi bon ?

Ensuite, lorsqu’une victime a porté plainte et qu’aucune suite n’a été donnée, c’est tout simplement parce que l’enquête est en cours, que l’auteur n’a pas été identifié ou autres motifs, bref parce qu’aucune réponse ne peut, en l’état, lui être apportée. Je rappelle que lorsque la procédure est classée sans suite, la victime est systématiquement avisée du motif de ce classement, et que lorsque l’affaire est renvoyée à l’audience, celle-ci ne peut se tenir que si la victime a été avisée. Alors, à quoi bon ?

Voilà ce qui justifie ma demande de suppression de l’article 24. Je crains qu’elle n’ait guère de succès, mais au moins aurai-je essayé.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je trouve l’amendement présenté par M. Reichardt très intéressant et assez fondé en droit. Toutefois, il me semble en légère contradiction avec son amendement précédent, qui visait à introduire du contradictoire avant le placement en détention provisoire…

Encore une fois, nous vivons une période de changement de notre procédure pénale. On est arrivé à la fin d’un cycle et il faut reconstruire. Cependant, comme on n’est pas prêt à tout reconstruire, eu égard à l’actualité, au temps parlementaire, au temps gouvernemental, au temps électoral, on essaye de poser quelques pansements ici ou là…

Le contradictoire, cela est vrai, doit s’apprécier sur la totalité du procès, qui commence à l’enquête et finit à l’audience. Les garanties ne sont pas les mêmes, pour les personnes concernées par l’action publique, au cours des différentes séquences que sont l’enquête, l’éventuelle instruction et l’audience.

Au stade de l’enquête, le fait que l’autorité judiciaire mène celle-ci, sous l’autorité du procureur de la République et, de plus en plus souvent, du juge des libertés et de la détention, constitue la garantie essentielle : c’est l’article 66 de la Constitution. Il faut garder à l’enquête son efficacité.

Le contradictoire joue pleinement au stade de l’audience, les droits de la défense primant alors.

Cependant, les députés ont délibéré, et nous devons en tenir compte : l’article 24 a été récrit à l’Assemblée nationale à la demande du Gouvernement, en partie au moins. Nous avons essayé, en commission des lois, de mieux encadrer ce principe du contradictoire, de façon à ne pas nuire à l’efficacité de l’enquête : si tout est ouvert, il n’y a plus d’enquête.

Pour autant, certaines enquêtes peuvent être très longues, pour diverses raisons, au premier rang desquelles l’engorgement du parquet.

Nous avons donc d’abord décidé de porter de six mois à un an le point de départ pour le contradictoire. Nous avons ensuite limité le champ des actes susceptibles d’ouvrir le contradictoire aux seules mesures de garde à vue et d’audition libre. S’il ne s’est plus rien passé pendant un an après une garde de vue ou une audition, il est tout de même normal de permettre aux parties concernées de demander au procureur où en est le dossier.

Nous avons en outre veillé à ce que ce soit le procureur qui décide de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité pendant le mois au cours duquel la personne peut formuler des observations.

Nous avons enfin supprimé les dispositions en vertu desquelles la personne ayant déjà fait l’objet d’une garde à vue ou d’une audition libre peut consulter le dossier avant de faire l’objet d’une nouvelle audition ou d’une nouvelle garde à vue.

Nous avons donc accepté, en commission, l’introduction d’une dose de contradictoire dans l’enquête, parce qu’il s’écoule parfois trop de temps entre les premiers actes et le moment où une suite est donnée, tout en veillant à conserver l’efficacité de l’enquête. C’est une solution de compromis. Je vous invite, monsieur Reichardt, à retirer votre amendement.

Debut de section - Permalien
Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux

Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Le contradictoire existe quand les juges d’instruction conduisent les enquêtes. Le fait qu’il puisse y avoir une phase de contradictoire simplifié quand ce sont les procureurs paraît assez cohérent, notamment, comme l’a dit le rapporteur, lorsque les enquêtes sont longues. Cela nous évitera des condamnations par la Cour européenne des droits de l’homme pour non-respect du droit à un procès équitable.

Le Gouvernement a imaginé la procédure prévue à l’article 24 dans sa rédaction initiale. La commission des lois a restreint le champ de l’enquête et l’étendue du contradictoire. Le Gouvernement, qui n’est pas totalement convaincu par ces modifications, propose, au travers de l’amendement n° 232, que je défends ainsi par anticipation, de rétablir le texte qui avait été voté par l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

J’ai rendu tout à l’heure hommage à M. le rapporteur pour son travail de réécriture de l’article 24. Je m’empresse d’ajouter maintenant que, bien entendu, je voterai dans quelques minutes contre l’amendement n° 232 du Gouvernement, qui vise à revenir sur cette réécriture.

Pour autant, si j’en avais le temps, je pourrais vous répondre, monsieur le rapporteur, sur chacun des points que vous avez soulevés. Après avoir hésité, je vais maintenir mon amendement. Le vote permettra de voir combien d’entre nous souhaitent accélérer les procédures – car c’est bien de cela qu’il s’agit –, tout en préservant véritablement les droits de la défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

Je ne voterai bien évidemment pas cet amendement.

Je pense que notre collègue Reichardt ne mesure pas, comme l’a dit le rapporteur, l’évolution de la procédure pénale. La Cour européenne des droits de l’homme nous invite, à juste titre, à respecter le principe du droit à un procès équitable. Or, plus le procès est préparé jusqu’à la saisine du tribunal correctionnel, la plupart du temps par le procureur, plus le contradictoire est nécessaire. Il est même parfois souhaité par les procureurs parce que si, notamment par des écrits, la défense pose des questions, demande des investigations complémentaires, l’affaire revient devant le tribunal avec des compléments qui sont utiles à la manifestation de la vérité et qui, finalement, évitent l’allongement des procès.

Quant à la durée des enquêtes, qu’il s’agisse d’une enquête préliminaire ou d’une enquête sur commission rogatoire du juge d’instruction, elle est aussi liée à la capacité de la police judiciaire ou de la gendarmerie de suivre le rythme.

De ce point de vue, je comprends en partie les réserves formulées par le rapporteur et la modification apportée au texte de l’Assemblée nationale par la commission, pour des raisons pragmatiques. Concrètement, en l’état actuel des moyens mis à la disposition des procureurs de la République, ne faut-il pas prévoir un délai d’un an avant que le contradictoire puisse être mis en œuvre par une personne ayant déjà été entendue, au moins jusqu’à ce que la justice ait été dotée de davantage de moyens ? Peut-être aura-t-on des éclaircissements sur ce point d’ici à la CMP.

Il importe incontestablement d’élaborer un texte qui ne méconnaisse pas le principe du droit à un procès équitable, mais il faut aussi faire preuve de pragmatisme. Monsieur le garde des sceaux, je rejoins tout à fait votre point de vue et celui de l’Assemblée nationale, mais il faut aussi prendre en compte la réalité des moyens dont dispose la justice.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L'amendement n° 232, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Les articles 77-2 et 77-3 sont ainsi rédigés :

« Art. 77 -2. – I. – Toute personne contre laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction punie d’une peine privative de liberté et qui a fait l’objet d’un des actes prévus aux articles 56, 61-1, 62-2, 76 ou 706-141 à 706-158 peut, six mois après l’accomplissement du premier de ces actes, demander au procureur de la République, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé, de consulter le dossier de la procédure afin de faire ses observations.

« Dans le cas où une demande prévue au premier alinéa a été formée, le procureur de la République doit, lorsque l’enquête lui paraît terminée et s’il envisage de poursuivre la personne par citation directe ou selon la procédure prévue à l’article 390-1, aviser celle-ci ou son avocat de la mise à la disposition de son avocat ou d’elle-même si elle n’est pas assistée par un avocat d’une copie de la procédure et de la possibilité de formuler des observations dans un délai d’un mois, selon les formes mentionnées au premier alinéa du présent article. Lorsqu’elle a déposé plainte, la victime dispose des mêmes droits et en est avisée dans les mêmes conditions.

« Pendant ce délai d’un mois, le procureur de la République ne peut prendre aucune décision sur l’action publique, hors l’ouverture d’une information ou l’application de l’article 393.

« II. – À tout moment de la procédure, même en l’absence de demande prévue au premier alinéa du I, le procureur de la République peut communiquer tout ou partie de la procédure à la victime et à la personne suspectée pour recueillir leurs éventuelles observations ou celles de leur avocat.

« III. – Dans les cas mentionnés aux I et II, les observations de la personne ou de son avocat, qui sont versées au dossier de la procédure, peuvent notamment porter sur la régularité de la procédure, sur la qualification retenue, sur le caractère éventuellement insuffisant de l’enquête et sur les modalités d’engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Elles peuvent comporter, le cas échéant, des demandes d’actes que la personne estime utiles à la manifestation de la vérité.

« Le procureur de la République apprécie les suites devant être apportées à ces observations. Il en informe les personnes concernées.

« IV. – Si, à la suite d’une demande formée en application du I du présent article par une personne déjà entendue en application des articles 61-1, 62-2 ou 76, l’enquête préliminaire se poursuit et doit donner lieu à une nouvelle audition de la personne en application de l’article 61-1, celle-ci est informée, au moins dix jours avant cette audition, qu’elle peut demander la consultation du dossier de la procédure par un avocat désigné par elle ou commis d’office à sa demande par le bâtonnier ou par elle-même si elle n’est pas assistée par un avocat. Le dossier est alors mis à disposition au plus tard cinq jours ouvrables avant l’audition de la personne. En l’absence d’une telle information et de mise à disposition du dossier, la personne peut demander le report de son audition. Le présent IV ne s’applique pas si la personne est à nouveau entendue dans le cadre d’une garde à vue sans avoir été préalablement convoquée ; dans ce cas, l’avocat de la personne ou, si elle n’est pas assistée par un avocat, la personne peut cependant consulter le dossier de la procédure dès le début de la garde à vue.

« Art. 77 -3. – La demande mentionnée au premier alinéa du I de l’article 77-2 est faite au procureur de la République sous la direction duquel l’enquête est menée. À défaut, si cette information n’est pas connue de la personne, elle peut être adressée au procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel l’un des actes mentionnés au même article a été réalisé, qui la transmet sans délai au procureur de la République qui dirige l’enquête. » ;

2° À la fin de la deuxième phrase du quatrième alinéa de l’article 393, les mots : « et sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes » sont remplacés par les mots : «, sur la nécessité de procéder à de nouveaux actes qu’il estime nécessaires à la manifestation de la vérité et sur les modalités d’engagement éventuel des poursuites ou le recours éventuel à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ».

II. – Les I et IV de l’article 77-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction résultant du I du présent article, sont applicables aux personnes ayant fait l’objet d’un des actes prévus aux articles 56, 61-1, 62-2, 76 ou 706-141 à 706-158 du même code après la publication de la présente loi.

Cet amendement a été précédemment défendu par M. le garde des sceaux.

Quel est l’avis de la commission ?

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à treize heures dix, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.