Séance en hémicycle du 21 mars 2013 à 9h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • bancaire
  • paradis
  • paradis fiscaux
  • spéculation

La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures cinquante.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de séparation et de régulation des activités bancaires (projet n° 365, texte de la commission n° 423, rapport n° 422, avis n° 427 et 428).

Nous poursuivons la discussion des articles.

TITRE IER

SÉPARATION DES ACTIVITÉS UTILES AU FINANCEMENT DE L’ÉCONOMIE DES ACTIVITÉS SPÉCULATIVES

(Supprimé)

(Supprimé)

(Supprimé)

(Non modifié)

La section 6 du chapitre II du titre Ier du livre VI du même code est ainsi modifiée :

1° Après l’article L. 612-33, il est inséré un article L. 612-33-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 612 -33 -1 . – Lorsque l’activité d’une personne soumise à son contrôle est susceptible de porter atteinte à la stabilité financière ainsi que dans les situations d’urgence prévues par le règlement (UE) n° 1093/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, instituant une Autorité européenne de surveillance (Autorité bancaire européenne), modifiant la décision n° 716/2009/CE et abrogeant la décision 2009/78/CE de la Commission, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution peut décider de limiter ou de suspendre l’exercice de certaines opérations par cette personne. » ;

2° À la première phrase du second alinéa de l’article L. 612-35, après la référence : « L. 612-33 », est insérée la référence : «, L. 612-33-1 ».

L'article 2 est adopté.

(Non modifié)

L’article L. 531-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les filiales mentionnées à l’article L. 511-47 ne peuvent bénéficier de l’exemption d’agrément prévue au présent article. » –

Adopté.

I. – Le présent titre ne s’applique pas à la gestion extinctive des portefeuilles d’instruments financiers existant à la date de la promulgation de la présente loi.

II. –

Non modifié

III. – §(Non modifié) Le transfert de l’ensemble des biens, droits et obligations de toute nature liés aux activités mentionnées à l’article L. 511-48 du code monétaire et financier est réalisé de plein droit et sans qu’il soit besoin d’aucune formalité, nonobstant toute disposition ou stipulation contraire. Il emporte les effets d’une transmission universelle de patrimoine ainsi que le transfert de plein droit et sans formalité des accessoires des créances cédées et des sûretés réelles et personnelles les garantissant. Le transfert des contrats en cours d’exécution, quelle que soit leur qualification juridique, conclus par les établissements mentionnés à l’article L. 511-47 du même code dans le cadre des activités à transférer n’est de nature à justifier ni leur résiliation, ni la modification de l’une quelconque de leurs clauses, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l’objet. De même, ces transferts ne sont pas de nature à justifier la résiliation ou la modification d’aucune autre convention conclue par les établissements mentionnés au même article L. 511-47 ou les sociétés qui leur sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 177 rectifié, présenté par M. de Montesquiou et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Alinéa 2

I. - Première phrase

Remplacer la date :

1er juillet 2014

par la date :

1er juillet 2016

II. - Deuxième phrase

Remplacer la date :

1er juillet 2015

par la date :

1er janvier 2017

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement vise à repousser de deux ans la date d’entrée en vigueur du présent projet de loi de manière à limiter les distorsions de concurrence qui pourraient naître d’une réglementation française précédant trop celle des États-Unis, des pays membres de l’Union européenne et de l’Union elle-même, affaiblissant ainsi nos banques dans un contexte de concurrence difficile.

Cela a déjà été répété à plusieurs reprises, la réglementation bancaire progresse sur le plan européen : nous ne saurions avancer plus vite que le train européen sans mettre en grande fragilité nos banques.

Tous les pays qui se sont lancés dans des projets de réglementation bancaire ont décidé d’attendre pour mettre effectivement leurs dispositifs de régulation en action. La loi Dodd-Franck a été votée voilà presque trois ans et les décrets d’application ne sont toujours pas entrés en vigueur. Pourquoi ? Parce que les États-Unis ont fait le choix de la reconquête de la croissance à tout prix plutôt que de la mise en place d’une réglementation qu’ils jugent trop hâtive par rapport à la concurrence.

La problématique est bien différente en Europe. Tous les États membres avancent dans une solidarité de destin économique. Ce qui touche l’un affecte l’autre, et réciproquement.

À court terme, cette réforme, qui est nécessaire, freinera la rentabilité des banques. En conséquence, elle favorisera les groupes bancaires qui ne seront pas soumis au texte. L’effet de court terme peut dissuader à moyen terme nos partenaires de s’engager dans la voie de l’union bancaire.

Mes chers collègues, prenons le temps de la concertation et du dialogue. Avançons conjointement avec nos partenaires européens plutôt que de nous faire, vaille que vaille, l’avant-garde de la réglementation administrative.

L’industrie bancaire française constitue l’un de nos fleurons. Elle est internationalement respectée et enviée. Ne prenons pas le risque de l’affaiblir par rapport à ses concurrents.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

L’amendement vise à repousser l’entrée en vigueur de l’article 1er, que nous avons examiné hier soir.

Cela ne vous étonnera pas, mes chers collègues, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement puisque la disposition proposée mettrait la loi française en décalage avec la future législation européenne.

L’exemple américain est un mauvais exemple ! Les États-Unis ont voté la loi Dodd-Franck à laquelle vous avez fait référence, monsieur de Montesquiou, mais ils sont engagés depuis deux ans dans des palabres infinies pour sa mise en application, car un lobbying puissant bloque le système. Tout cela n’est pas satisfaisant.

De même – certes, c’est un point annexe –, le changement de pied sur le projet Capital Requirements Directive IV, ou CRD IV, n’est pas une bonne chose.

La législation que nous sommes en train de mettre en place sur la séparation, la régulation et le renforcement des fonds propres vise à consolider le système bancaire. Grâce à ce texte, les banques françaises seront mieux organisées, mieux structurées, avec des fonds propres plus vigoureux qui devraient tenir pleinement leur place parmi la concurrence internationale.

Je ne pense pas que nous devions avoir peur. « N’ayez pas peur », disait une personnalité célèbre ! §

Sans développer davantage ce point, je dirai qu’il ne me paraît pas judicieux de repousser la date d’entrée en vigueur des dispositions du titre Ier.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances

Nous avons souhaité être des précurseurs, disposer d’une loi qui soit en avance sur les autres, mais nous avons également voulu une loi dans l’esprit de ce qui se prépare et se pratique en Europe. Nous sommes prêts techniquement et politiquement. Ce texte doit entrer en vigueur rapidement.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement partage l’avis de la commission et émet un avis défavorable sur l’amendement n° 177 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je ne voterai pas cet amendement.

Tout d’abord, le texte qui nous est soumis aujourd’hui, s’il est important, reste quand même a minima. On aurait en effet pu imaginer d’autres mesures.

Par ailleurs, je suggère à notre ami Aymeri de Montesquiou et à ceux de mes collègues qui ne l’auraient pas visionné de voir et de revoir l’excellent documentaire sur la crise Inside Job. Ils comprendront que les dispositions qui nous sont suggérées aujourd’hui sont plus que nécessaires. L’heure n’est que trop venue de les voter ! §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Je m’étonne également de cette demande de délai, qui plus est de délai aussi important.

Il y a en effet urgence. On peut même dire qu’il y a le feu dans la maison bancaire, financière et économique européenne, voire mondiale.

L’argument de la concurrence a été avancé. Or la concurrence est à l’œuvre depuis des décennies. Le gouverneur de la Banque d’Angleterre, M. Mervyn King, a souligné que si les banques sont internationales dans leur vie, elles sont nationales dans leur mort !

Il y a d’ores et déjà des dégâts, et les premières victimes sont nombreuses : je pense à la Grèce, à l’Espagne, à l’Irlande, à Chypre. Demain, à qui le tour ?

Il ne me paraît pas possible de transiger davantage. Quand les transactions se mènent en millisecondes, repousser les décisions de quatre années serait totalement suicidaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

C’est la journée nationale de l’autisme !

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Je n’ai pas pris les banques américaines en exemple, j’ai simplement souligné que les États-Unis avaient repoussé l’application de la loi Dodd-Franck.

Je me place du point de vue européen. Monsieur le rapporteur, je devine en vous un Européen qui fait plus que sommeiller. Pourquoi ne pas coordonner notre action avec celle des autres pays européens ? C’est une question de bon sens et non de loi.

Je considère que cette réforme est bonne pour la structuration des banques françaises, pour leurs clients. Mais il serait à mon avis souhaitable qu’une coordination d’ensemble soit effectuée au niveau de l’Union européenne. Sinon, nos banques seront fragilisées par rapport à leurs concurrentes allemandes, anglaises et autres.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

TITRE IER BIS

TRANSPARENCE ET LUTTE CONTRE LES DÉRIVES FINANCIÈRES

(Division et intitulé nouveaux)

Chapitre Ier

Lutte contre les paradis fiscaux et le blanchiment des capitaux

(Division et intitulé nouveaux)

(Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 84, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La liste des États et territoires non coopératifs, tels que définis à l'article 238-0 A du code général des impôts, fait l'objet d'un débat chaque année devant les commissions compétentes en matière de finances et d'affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat, en présence du ministre chargé des finances.

Un document préparatoire, faisant état des résultats de la coopération fiscale internationale, est publié à l’occasion de ce débat.

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

M. Éric Bocquet. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous abordons ici la question de l’évasion fiscale, sujet toujours d’actualité, comme nous le constatons régulièrement

Mme Nathalie Goulet et M. Pierre-Yves Collombat s’exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Nous avons beaucoup travaillé sur ce sujet, et je n’y reviendrai pas. Je souhaite simplement profiter de l’examen de cet amendement pour rappeler trois des soixante et une propositions qui figurent dans le rapport adopté par l’ensemble des membres de la commission.

Permettez-moi de citer, telles qu’elles figurent dans le rapport, les propositions n° 3, 4 et 5.

« Proposition n° 3 : Intégrer aux études d’impact accompagnant les projets de dispositions législatives en matière fiscale une évaluation des pratiques frauduleuses ou d’évasion qui peuvent en résulter.

« La loi organique du 15 avril 2009 prévoit que tous les projets de loi, sauf exceptions prévues, sont accompagnés d’une étude d’impact réalisée par le Gouvernement. Dans la même logique, il pourrait être envisagé d’intégrer aux études d’impact accompagnant les projets de dispositions législatives en matière fiscale une évaluation des pratiques frauduleuses ou d’évasion qui peuvent en découler.

« De cette façon, une plus grande coordination entre la direction de la législation fiscale (DLF), chargée de coordonner la rédaction des textes fiscaux, et le service du contrôle fiscal de la direction générale des finances publiques (DGFIP) serait encouragée et les risques de fraude et d’évasion fiscales s’en trouveraient mieux maîtrisés. »

Proposition n° 4 : Procéder à une évaluation régulière des différents dispositifs de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales.

« L’adoption de mesures nombreuses et variées en matière de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales ne garantit en rien leur efficacité. C’est la raison pour laquelle une évaluation régulière et systématique de ces différentes mesures paraît nécessaire afin, le cas échéant, d’y apporter les modifications et les améliorations nécessaires.

« Cette évaluation pourrait emprunter diverses voies et, ainsi, reposer sur la transmission, chaque année, lors du projet de loi de finances initiale, au Parlement d’un document d’évaluation, comme le permet la LOLF, mais également sur des contrôles réalisés par les organes parlementaires compétents selon les modalités appropriées. »

« Proposition n° 5 : Engager la réflexion sur l’organisation du Parlement pour suivre en permanence les enjeux envisagés dans le présent rapport.

« Le Parlement français est dans une phase d’adaptation de son organisation pour procéder à une meilleure évaluation des politiques publiques.

« Unanimement, les membres de votre commission ont souhaité que l’attention portée à son sujet, complexe, et à forts enjeux, ne retombe pas au terme de sa mission.

« La présente commission d’enquête a contribué à sa façon à l’accomplissement de la mission de contrôle et d’évaluation des politiques publiques et de notre législation. Les contraintes constitutionnelles et la modicité des moyens constituent des limites inhérentes aux commissions d’enquête parlementaires, qui ne les empêchent pas de formaliser un problème et de donner un élan à l’action publique.

« Des structures parlementaires permanentes existent dans certains pays dédiées à la protection des intérêts financiers publics contre les fraudes. C’est en particulier le cas aux États-Unis.

« Par ailleurs, les limites que rencontre la loi pour embrasser toute la complexité de la matière fiscale, exposées dans le présent rapport, invitent à une diversification des moyens d’intervention du Parlement si celui-ci veut mieux maîtriser les effets des textes qu’il vote. Le Parlement doit prendre sa place dans la rénovation du cadre institutionnel d’adjudication des règles fiscales à laquelle appelle le présent rapport. Il pourrait, par exemple, être conduit à examiner les schémas fiscaux suspendus par l’administration dans le cadre d’une procédure rénovée de validation législative.

« Enfin, même si le président et le rapporteur général des commissions des finances ne peuvent se voir opposer le secret fiscal, une extension de cette inopposabilité devrait être envisagée pour faciliter les missions que pourrait se voir attribuer une délégation parlementaire à la protection des intérêts financiers publics, dont la création devrait être mise à l’étude du fait de la spécificité et de la transversalité des compétences que cette mission suppose. »

Il ne me paraît pas utile de développer plus avant les motifs qui justifient pleinement l’adoption de cet amendement n° 84, déposé par le groupe CRC.

J’ajouterai toutefois deux derniers éléments pour préciser notre point de vue : d’abord, nous aurons précisément un débat spécifique sur ce sujet dans le courant du mois d’avril, ce dont je me félicite ; par ailleurs, comme j’ai eu l’occasion de le rappeler, ce débat est d’autant plus légitime que les membres de la commission d’enquête avaient unanimement adopté les recommandations formulées dans le rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur Bocquet, je crois que nous partageons unanimement dans cette enceinte les recommandations que vous avez rappelées et qui figurent dans l’excellent rapport de la commission d’enquête présidée par M. Dominati, et dont vous étiez le rapporteur.

Ainsi que vous l’avez également souligné, la commission d’enquête avait adopté à l’unanimité ces propositions. Vous dites vous-même qu’un suivi est nécessaire et qu’un débat spécifique sur ce sujet aura lieu dans le courant du mois d’avril 2013 ; cela permettra sans doute de faire le point, d’aller plus loin, peut-être en élaborant éventuellement un dispositif en la matière, car le sujet, par sa haute importance, le mérite.

Par conséquent, mon cher collègue, vous ne serez pas étonné que la commission des finances ait considéré inutile de prévoir dans la loi un débat annuel sur cette question. La commission peut en effet, à n’importe quel moment, procéder à des auditions, évoquer ces questions et émettre un avis. Une telle disposition serait donc redondante.

Si, sur le fond, nous sommes d’accord avec vous, pour autant, sur la méthode, nous divergeons. L’avis est donc défavorable.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Sur le fond, je rejoins assez ce que vient de dire M. le rapporteur. D’innombrables manières de consulter, d’interpeller le Gouvernement, sans parler des rapports et des comptes rendus qui sont transmis, existent déjà.

Cela dit, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je soutiendrai cet amendement, d’abord parce que j’ai été, me semble-t-il, un membre actif de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France. Nous avons déduit de chaque audition que nous devions marquer aussi souvent que possible notre volonté politique de lutter contre l’évasion et la fraude fiscales. Ce débat est donc aussi l’occasion de rappeler les principes qui ont été définis et adoptés à l’unanimité par notre commission dans ses soixante et une propositions.

Qui peut le plus peut le moins : je soutiendrai cet amendement au nom du travail que nous avons collectivement accompli et qui, pour l’instant, n’est pas encore entré dans notre droit positif, mais nous allons y veiller. Je ne manque d'ailleurs pas une occasion de remercier le rapporteur pour le travail important et utile qui a été réalisé au Sénat avec son concours.

Les dispositions proposées dans cet amendement ne sont pas onéreuses, elles n’impliquent pas de grandes modifications de notre architecture administrative ou ministérielle. Il s’agit simplement, par l’établissement chaque année d’une sorte de feuille de route, de marquer notre volonté de lutter contre des procédés que la France ne peut plus tolérer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je veux également saluer le travail accompli par M. Bocquet dans son rapport sur l’évasion fiscale.

M. Richard Yung, rapporteur du projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui, considère que le travail de contrôle doit être permanent, et, en l’occurrence, il ne veut pas spécifier d’échéance particulière.

Cela étant, monsieur le ministre, j’aimerais savoir quelles instances exercent, au niveau européen, ce rôle de contrôle des paradis fiscaux. Je ne vous demande pas d’entrer dans les détails, mais il serait intéressant que vous puissiez en quelques mots nous décrire l’action, ou au moins la coordination, prévue au niveau européen pour lutter contre l’évasion fiscale. Nous constaterions ainsi que la lutte contre l’évasion fiscale ne peut pas aujourd'hui être menée au seul niveau national.

Certes, mes chers collègues, je comprends votre position qui consiste à dire que ce qui n’est pas fait au niveau européen doit l’être au niveau français. Mais il faut être conscient que l’action menée au niveau européen a davantage de portée.

L'amendement n'est pas adopté.

L’article L. 511-45 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

2° Sont ajoutés des II à V ainsi rédigés :

« II. – À compter de l’exercice 2013 et pour publication à partir de 2014, les établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes ayant leur siège social en France publient en annexe à leurs comptes annuels consolidés des informations sur leurs implantations incluses dans le périmètre de consolidation dans chaque État ou territoire ou au plus tard six mois après la reddition de leurs comptes annuels.

« III. – Les informations suivantes sont publiées pour chaque État ou territoire :

« 1° Nom des implantationset nature d’activité ;

« 2° Produit net bancaire ;

« 3° Effectifs, en équivalent temps plein.

« Pour les informations mentionnées aux 2° et 3°, les données sont agrégées à l’échelle de ces États ou territoires.

« IV. – Un rapport comprenant les informations mentionnées aux II et III est mis à disposition du public.

« V

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 174 rectifié, présenté par M. de Montesquiou et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

L’article 4 bis, introduit à l’Assemblée nationale, dispose que les établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes publient en annexe à leurs comptes annuels des informations sur leurs implantations et leurs activités dans chaque État ou territoire au plus tard six mois après la reddition de leurs comptes annuels.

Les résultats sont agrégés à l’échelle de ces États ou territoires. Cet article liste notamment les informations devant être publiées : noms des entités et nature d’activité, produit net bancaire, effectifs en personnels, etc.

Il s’inscrit clairement dans le cadre de la politique de lutte contre les paradis fiscaux initiée dès 2009 dans le cadre du G20, politique qui a été mise en œuvre à droite comme à gauche et à laquelle nous souscrivons. Pour autant, il nous semble que le principe d’une publication généralisée en vue de dissuader l’implantation n’est pas le moyen le plus opportun d’agir en la matière en tant qu’il pénalisera toutes les banques, y compris les plus vertueuses.

En effet, la diffusion d’informations stratégiques relatives à l’implantation des banques, à leurs moyens matériels et humains fragilisera nécessairement les banques françaises en donnant à leurs concurrents des informations stratégiques que ceux-ci seront seuls à exploiter.

Nous allons nous retrouver dans une parfaite situation d’asymétrie d’information puisque nous allons donner aux concurrents de nos banques, je le répète, des informations, donc des armes, pour venir les concurrencer dans les lieux d’implantation les plus fragiles.

Notre amendement de suppression a pour objet de vous alerter, monsieur le ministre, sur les conséquences du dispositif prévu à l’article 4 bis, qui pose un problème majeur de concurrence pour les banques françaises. La filialisation aura une incidence négative sur la rentabilité de banques qui souffrent déjà, comme toutes les entreprises, de la crise économique actuelle. Ne leur rendons pas la situation encore plus difficile, en donnant en plus un avantage à leurs concurrents.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet amendement, comme l’a rappelé M. de Montesquiou, vise à supprimer l’obligation de publication des données pays par pays. Nous abordons, avec cet article 4 bis, la question de la transparence, sur laquelle une longue série d’amendements a d'ailleurs été déposée.

Il s’agit là d’un débat nouveau et important sur les informations que les banques – les banques françaises, mais ce sera vrai des autres banques européennes – devront donner sur leurs activités à travers le monde. Nous aurons ainsi une idée de leur implantation, de leurs actions et peut-être, dans certains cas, de stratégies d’évitement fiscal, si vous me permettez cet euphémisme.

À Aymeri de Montesquiou, qui exprime souvent la crainte que la France ne fasse cavalier seul en avant – c'est pourtant une tradition dans la cavalerie française ! –, ce qui pourrait être défavorable à notre industrie bancaire, je répondrai qu’il s’agit d’une politique coordonnée au niveau européen. Il n'y a donc pas de crainte à avoir dans ce domaine.

Je suis par conséquent défavorable à l’amendement n° 174 rectifié.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Si vous me le permettez, monsieur le président, je ferai une intervention générale sur l'article 4 bis qui me permettra de donner mon sentiment d'ensemble sur les amendements, ce qui m’évitera d’y revenir trop longuement par la suite.

J’ai eu très tôt l’occasion d’indiquer dans le débat que j’étais ouvert à des amendements portant sur le thème de la lutte contre les paradis fiscaux.

M. Desessard m'a interrogé sur ce qui se passe à l'échelle internationale. Je ne souhaite pas entrer trop avant dans ce débat ce matin, mais j’indiquerai que c'est précisément parce qu'il se passe trop peu de chose sur les plans international et européen que j'ai accepté à l’Assemblée nationale un amendement des groupes écologiste et socialiste qui nous permet d’aller de l'avant, sans pour autant fragiliser notre système bancaire ou nous mettre dans une situation de trop grande vulnérabilité.

Soyez-en bien conscients, la législation que nous allons adopter sera une première. Nous allons demander des informations sur l'activité et les effectifs des banques non seulement dans les territoires non coopératifs, mais plus largement dans tous les pays. Cela nous permettra d’identifier les lieux où telle ou telle banque aurait une simple activité de boîte aux lettres, et ensuite d’agir.

L’amendement présenté à l’Assemblée nationale par les groupes écologiste et socialiste a marqué une avancée. J’ai indiqué, lors de la discussion à l’Assemblée nationale, qu’il fallait non seulement être conscients de l’importance de la mesure adoptée, mais également attendre que celle-ci « essaime » avant d’aller plus loin.

Sur ce point, je vous rejoins : c'est en effet quand notre action sera portée au moins au niveau européen, et si possible au niveau international, que le dispositif sera pleinement efficace. J'ai utilisé à l'Assemblée nationale un terme auquel je tiens, à savoir celui d’ « équilibre ». Les députés sont convenus qu'il ne fallait pas ajouter de critères supplémentaires. En effet, dès lors que les autres États ne seraient pas dans la même dynamique que nous, la publication unilatérale de certaines données pourrait défavoriser nos banques dans la compétition internationale, ce qui aurait des incidences sur leurs revenus et, au final, sur leurs emplois.

Je l'ai rappelé hier, l’industrie financière est très importante pour notre pays puisqu’elle fournit 400 000 emplois : au sens large du terme, elle est probablement la deuxième industrie après l'industrie automobile. Je m’engage donc à porter la mesure au niveau européen, et même au-delà, à condition qu’elle soit bien calibrée.

L’incidence de notre décision au niveau européen est importante. Vous le savez, un processus est actuellement en cours, avec les négociations conclusives sur la directive CRD IV, alors même que le sujet n'avait jamais été sur la table depuis un an ! Grâce à l'initiative française, des propositions très fortes ont également été faites en matière de transparence : le compromis prévoit que de nouvelles obligations de transparence seront imposées aux banques à partir de 2015, mais également qu’elles seront étendues aux entreprises d’investissement.

L’obligation de transparence devrait ainsi être élargie à la publication d’informations relatives au bénéfice ou à la perte avant impôt, au montant total des impôts dont les entités sont redevables et aux subventions publiques reçues.

Conformément à la teneur des discussions que j’ai eues avec les députés, et puisque nos voisins européens commencent à suivre le même chemin, je suis évidemment favorable à ce que nous puissions étendre dès à présent dans le projet de loi le champ des critères concernés à celui qui est mentionné dans la future directive.

Tel est mon point de repère. Il correspond à l’ambition affichée dans l’amendement n° 137 rectifié bis de Mme Rossignol, que je vous proposerai, mesdames, messieurs les sénateurs, de soutenir. Ce texte me semble en effet s’inscrire tout à fait dans cette volonté d’équilibre que j'évoquais. Nous devons nous assurer que cette transcription nous permettra de nous conformer à nos obligations européennes.

L’intérêt de la directive est par ailleurs d’harmoniser les exigences au niveau européen, ce qui est d’ores et déjà très ambitieux. Il ne me semble pas raisonnable d’imposer à nos entreprises des obligations qui ne figureraient pas directement dans la directive, que ce soit en termes de contenu ou en termes de délai de mise en œuvre, et ce afin de ne pas nous fragiliser.

Tel est l’état d’esprit dans lequel j’aborde l'ensemble des amendements déposés sur l’article 4 bis. J'ai indiqué que j’en retenais un ; cela signifie donc que, s’agissant des autres – et cela vaut, monsieur de Montesquiou, pour votre amendement –, je n’émettrai pas d’avis favorable, et ce pour des raisons diverses que je laisserai M. le rapporteur exposer : nous sommes en effet, me semble-t-il, en phase sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Philippe Marini, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Nous arrivons à un stade important du débat. Sur ce sujet, qui a été à mon sens bien formulé et posé par l’Assemblée nationale, nous sommes interpellés à nouveau par, si j'ose dire, le couple compétitivité-transparence. M. le ministre vient de le rappeler, notre industrie financière possède un potentiel d'activités et d’emplois très significatif. La contraindre à respecter des obligations plus importantes que celles qui sont imposées par les autres États serait susceptible de nous exposer à des pertes de substance, par déplacement d'activités en Europe. Nous devons bien évidemment nous prémunir contre un tel risque.

Je crois, pour ma part, que le texte de l'Assemblée nationale est utile, même s’il peut sans doute être encore précisé. En tout cas, il nous interpelle sur un point : il traduit l'échec – il faut bien le dire ! – des politiques conduites au sein de l'OCDE pour définir une liste des États et territoires non coopératifs.

Monsieur le ministre, Chypre, État de la zone euro, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

… le Luxembourg, État de la zone euro, et l'Irlande, État de la zone euro, sont-ils des États particulièrement bienveillants en termes de législation fiscale ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

Le Royaume-Uni, qui est à la fois si proche et si loin de nous, n'exerce-t-il pas des compétences régaliennes sur l’ensemble des îles et territoires avec lesquels il a une histoire commune et qui ne cessent de faire commerce de leurs spécificités ?

Sur ces sujets, l'hypocrisie est souvent au rendez-vous. Demander aux groupes multinationaux de publier la répartition territoriale selon les États de leurs activités, de leurs profits et de leurs impôts n'est pas forcément une si mauvaise orientation que cela. Il pourrait d’ailleurs être utile que cette prise de conscience survienne dans d'autres domaines – par exemple dans l'industrie du numérique – et qu’elle s’étende à toute l’Europe. Les États européens, au premier rang desquels la France et l'Allemagne, doivent être à l'origine d'une nouvelle conception, plus transparente, de ces questions.

Tout en reconnaissant le grand mérite à mon collègue et ami Aymeri de Montesquiou d'avoir été le premier à soulever cette question, je crois que l’article 4 bis, même s'il n'est pas parfait – mais il sera vraisemblablement encore précisé – peut être utile et pédagogique. Sans doute ne faut-il pas en attendre une révolution absolue. C'est un texte évolutif dans un contexte qui l’est également, si je puis m'exprimer ainsi. Mais les signaux que nous envoyons en examinant ce sujet seront utiles. J'avoue que je me retrouve assez bien dans les analyses qui ont été présentées tant par le rapporteur que – une fois n'est pas coutume ! – par le ministre de l'économie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Je suis assez d’accord avec l’idée de Philippe Marini d'élargir la notion de transparence à l'ensemble des groupes français. Dans un article paru le 23 janvier dernier, le journal financier néerlandais Financieele Dagblad faisait état de la présence aux Pays-Bas de grands groupes français dont l'État est d'ailleurs pour partie actionnaire. Il en est ainsi, par exemple, d’EDF et de la holding Renault-Nissan.

Du côté de l'État, n’y aurait-il pas lieu de se pencher sur les motifs qui justifient la présence de ces groupes français aux Pays-Bas ? Cela ne relèverait-il pas de la même démarche ?

Je reprendrai à mon compte le terme « hypocrisie » qui a été employé par M. Marini. Il y a effectivement beaucoup d’hypocrisie entre, d’un côté, des discours très fermes et volontaristes – « la fin des paradis fiscaux » et autres propos – et la réalité, à savoir la poursuite de l'évasion fiscale ! J'ai en tête le chiffre, cité dans le rapport de l'OCDE que M. Saint-Amans a présenté au Sénat voilà quelques semaines, du nombre de schémas d'optimisation fiscale : il est passé de 350 l'an dernier à 400 aujourd'hui. L'ingénierie de l’optimisation est toujours à l'œuvre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Je note une opinion commune transversale : nous sommes tous d'accord ici pour inciter nos banques à être vertueuses et pour éviter les excès. J'ai bien peur que l’excès de vertu ne nous handicape face à nos concurrents étrangers.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis saisi de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 137 rectifié ter est présenté par Mmes Rossignol, Espagnac et Lienemann, MM. Caffet, Yung, Dilain, Chastan, Courteau, Teulade et Godefroy, Mmes Lepage et M. André, MM. Berson, Botrel, Frécon, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Marc, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini, Madec, Madrelle, Fauconnier, Antoinette, Leconte et Teston, Mmes Alquier et Claireaux, MM. J.C. Leroy, Eblé, Rainaud, Vincent et Pastor, Mme Cartron, M. Vandierendonck et les membres du groupe socialiste et apparentés.

L'amendement n° 236 rectifié est présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 4

a) Après l'année :

insérer les mots :

pour les 1° à 3° du III et à compter de l’exercice 2014 et pour publication à partir de 2015 pour les 4° à 6° du III

b) Après les mots :

holdings mixtes

insérer les mots :

, et entreprises d’investissement

II. – Après l'alinéa 8

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

« 4° Le bénéfice ou la perte avant impôt ;

« 5° Le montant total des impôts dont les entités sont redevables ;

« 6° Les subventions publiques reçues.

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour présenter l’amendement n° 137 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Nous avons déjà largement engagé la discussion sur l'extension de la transparence aux activités des banques dans les paradis fiscaux.

Le Gouvernement a fait preuve de détermination et l'Assemblée nationale a déjà fourni un important travail sur ce texte en déposant des amendements. Aujourd'hui, nous envisageons d'étendre cette obligation de transparence aux bénéfices et pertes avant impôt, au montant total des impôts dont les entités sont redevables et aux subventions publiques reçues. À lire leurs amendements, les autres groupes de gauche partagent très largement notre position.

L'intervention de notre collègue Philippe Marini m’a permis de constater que nos ambitions en matière de transparence des paradis fiscaux progressent au sein de cette assemblée et qu’il existe une volonté commune d'aboutir.

Monsieur le ministre, vous avez employé le terme « équilibre », et je comprends ce que cela recouvre pour vous ; effectivement, entre la préservation de l'activité économique de nos banques, qui est un facteur important de création de richesses, et le besoin de moralisation, la ligne de crête est étroite.

Dans le même temps, l'absence de moralisation finira un jour par handicaper l'activité de nos banques. Il faut aussi prendre cela en compte dans l’équilibre auquel nous voulons parvenir. Je note avec intérêt que ce que nous faisons en France et les discussions actuellement menées sur le plan européen dans le cadre de la directive CRD IV pour étendre l'obligation de transparence imposée aux banques relèvent d’une dynamique commune.

S’il faut toujours être un pas en avant de l’Europe, jamais deux, pour paraphraser un propos que certains reconnaîtront peut-être, cet unique pas est précieux pour entraîner l’Europe dans des ambitions plus grandes.

Loin de moi l’envie de polémiquer ; bien au contraire, nous cherchons le rassemblement le plus large possible autour de nos propositions. Néanmoins, je ne suis pas sûre que les paradis fiscaux contribuent à préserver l’emploi dans les banques françaises ! Et s’ils le font, c’est d’une manière tellement indirecte qu’elle m’échappe un peu…

Quant à la préservation de la compétitivité de nos banques par les paradis fiscaux, elle est extrêmement fragile et toujours susceptible d’être menacée.

Monsieur le ministre, vous avez déjà indiqué que vous soutiendrez notre amendement. Nous vous en remercions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Monsieur le président, je défendrai par la même occasion les amendements n° 237, 238 et 239.

Comme l’avait montré l’excellent travail de la commission d’enquête du Sénat, dont le rapporteur était notre collègue Éric Bocquet, l’évasion fiscale est à l’origine d’un manque à gagner, pour l’État français, d’environ 40 milliards d’euros – rendez-vous compte, mes chers collègues ! –, une somme dont il semblerait que nous n’ayons pas vraiment aujourd'hui les moyens de nous priver. Dans un récent rapport, l’OCDE a tiré le même constat.

Outre le manque à gagner fiscal, l’utilisation des paradis fiscaux par nos entreprises permet également d’utiliser des législations conciliantes pour héberger des pratiques contestables. Par exemple, ce n’est pas un hasard si la fameuse viande de cheval a transité, du moins virtuellement, par les portefeuilles de plusieurs traders situés dans les paradis fiscaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Depuis la crise de 2008, qui a relancé la volonté de lutter contre les paradis fiscaux, la démarche adoptée a consisté à dresser des listes de différentes nuances de gris pour tenter de stigmatiser les mauvais élèves.

Toutefois, la diplomatie a très vite prévalu et les listes se sont retrouvées vides, ou presque. Ce fut un échec.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, c’est une tout autre démarche que nos collègues députés ont adoptée à l’Assemblée nationale : il s’agit de demander à nos banques, qui ont une responsabilité particulière dans l’évasion fiscale, parce qu’elles servent d’intermédiaires, de rendre compte de leurs activités pays par pays.

Avec l’accord du Gouvernement, l’Assemblée nationale a voté une disposition obligeant les banques à communiquer, pays par pays, le nom et la nature de leurs filiales, le nombre de leurs employés et leur chiffre d’affaires. Nos collègues députés du groupe écologiste avaient également proposé d’ajouter les bénéfices et les impôts, mais ils n’ont pu réussir à rassembler une majorité sur ce point.

Toutefois, depuis lors est intervenu un accord européen, qui incorpore non seulement les bénéfices et les impôts, mais aussi les subventions publiques reçues.

C’est pourquoi, dans la continuité du travail de nos collègues députés écologistes et en accord avec le compromis européen, nous vous proposons cet amendement, qui est identique à celui du groupe socialiste, par un heureux hasard ou, peut-être, en raison du travail réalisé en commun à partir d’une analyse commune.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 237, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Supprimer les mots :

À compter de l’exercice 2013 et pour publication à partir de 2014,

II. – Après l’alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 4° Impôts et taxes versés. »

III. – Alinéa 9

Remplacer les mots :

et 3°

par les mots :

, 3° et 4°

IV. – Après l’alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les informations mentionnées aux 1°, 2° et 3° seront fournies à compter de l’exercice 2013 et pour publication à partir de 2014. Les informations mentionnées au 4° seront fournies à compter de l’exercice 2014 et pour publication à partir de 2015. »

Cet amendement a été précédemment défendu.

L'amendement n° 238, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Supprimer les mots :

À compter de l'exercice 2013 et pour publication à partir de 2014

II. - Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 4° Résultat avant impôt. »

III. – Alinéa 9

Remplacer les mots :

et 3°

par les mots :

, 3° et 4°

IV. - Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les informations mentionnées aux 1°, 2° et 3° seront fournies à compter de l'exercice 2013 et pour publication à partir de 2014. Les informations mentionnées au 4° seront fournies à compter de l'exercice 2014 et pour publication à partir de 2015. »

Cet amendement a été précédemment défendu.

L'amendement n° 239, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 4

Supprimer les mots :

À compter de l'exercice 2013 et pour publication à partir de 2014

II.- Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 4° Subventions publiques reçues. »

III.- Alinéa 9

Remplacer les mots :

et 3°

par les mots :

, 3° et 4°

IV. - Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les informations mentionnées aux 1°, 2° et 3° seront fournies à compter de l'exercice 2013 et pour publication à partir de 2014. Les informations mentionnées au 4° seront fournies à compter de l'exercice 2014 et pour publication à partir de 2015. »

Cet amendement a été précédemment défendu.

L'amendement n° 175 rectifié, présenté par M. de Montesquiou et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 4

Remplacer les mots :

publient en annexe à leurs comptes annuels consolidés

par les mots :

transmettent au ministère de l’économie et des finances

II. - Alinéas 5 à 9

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« III. - Un arrêté du ministre chargé de l’économie et des finances spécifie les informations publiables par l’administration.

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Cet amendement tend à s’inscrire dans le même esprit que celui que j’ai précédemment présenté. Il s'agit de limiter les distorsions de concurrence qui pourraient naître d’une publication généralisée d’informations relatives à l’implantation de nos banques à l’étranger.

Néanmoins, cet amendement est moins volontariste que le précédent : il constitue une solution de repli, qui pourrait à la fois garantir une certaine confidentialité quant à la politique stratégique d’implantation menée par nos banques et la nécessaire transparence – j’y insiste – en matière de lutte contre les paradis fiscaux.

Nous proposons de substituer au principe de la publication généralisée une procédure de transmission au ministère des finances des informations demandées à l’article 4 bis, dans sa rédaction actuelle.

L’adoption de cet amendement donnerait au ministre des finances le pouvoir d’établir par voie d’arrêté le type d’informations publiables par son administration. Le ministre des finances serait chargé de la police de la concurrence dans l’accès à l’information et se ferait juge de ce qui ressort ou non d’une donnée stratégique en matière d’implantation étrangère.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 240, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer les mots :

incluses dans le périmètre de consolidation

La parole est à M. Jean Desessard.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

… et défendrai par la même occasion l’amendement n° 241.

Dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, les informations devant être fournies par les banques portaient sur l’ensemble de leurs implantations. La commission des finances du Sénat a choisi de restreindre le champ de ces informations aux seules filiales entrant dans le périmètre de consolidation des comptes.

Je m’adresse ici aux téléspectateurs qui nous regardent

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Néanmoins, si elles ne figurent pas dans le périmètre de la consolidation, elles échappent par là même en partie au contrôle !

Monsieur le rapporteur, nous craignons que la restriction que vous avez apportée n’ouvre des failles permettant de contourner le dispositif de transparence mis en place.

Cet amendement est un amendement d’appel : je souhaiterais être convaincu qu’il serait vraiment techniquement impossible aux banques de nous donner des informations sur l’ensemble de leurs filiales, celles qui entrent dans le périmètre de consolidation comme les autres.

J’en viens à l’amendement n° 241. Celui-ci vise l’hypothèse où des considérations comptables empêcheraient de compiler les données mentionnées à l’article 4 bis : dans ce cas, nous proposons de ne sortir du périmètre de la consolidation que la donnée qualitative des noms et natures des filiales. Cette possibilité permettrait de vérifier que ne se multiplient pas dans certains pays les petites filiales échappant au principe de transparence, comme je l’ai expliqué. §

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 111 rectifié, présenté par M. Bas et Mme Primas, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 2° Contribution au produit net bancaire consolidé ;

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 43 rectifié, présenté par MM. Collombat, Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 8

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« …° Résultat avant impôt sur les bénéfices ;

« …° Détail des impôts versés.

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

« Laurent, serrez ma haire avec ma discipline » : vous le savez, c’est ainsi que Tartuffe entre en scène. Il semble que, comme lui, nous essayons de serrer la discipline…

Il est tout de même assez hallucinant de s’entendre dire que le texte ferait courir aux banques françaises un risque de distorsion de concurrence ! S'agissant de champions de l’évasion fiscale et du blanchiment, une telle distorsion ne me paraît pas forcément complètement immorale.

Du reste, il n’est pas certain que 400 000 emplois soient en jeu : j’espère que la solidité de nos banques ne tient pas à leur commerce avec ces lieux exotiques ! On peut aussi penser aux emplois préservés ou encore à ceux qui ont déjà été supprimés du fait des agissements de certaines de nos banques.

Si vous me le permettez, je vais vous lire un court passage d’un livre que je vous conseille : Ces 600 milliards qui manquent à la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Il est signé d’Antoine Peillon – le frère du ministre que nous connaissons.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Ce savoureux passage permet de prendre la dimension du problème : « Selon un décompte réalisé par Christian Chavagneux, journaliste à Alternatives économiques, le 11 mars 2009, BNP Paribas comptait alors pas moins de 189 filiales domiciliées dans les paradis fiscaux, nombre record parmi ceux affichés par toutes les grandes entreprises françaises du CAC 40 : sept en Suisse, vingt-sept au Luxembourg, vingt et un dans les îles Caïman.

« Dans une tribune publiée dans le quotidien Libération, le 19 octobre 2009, les députés européens Éva Joly et Pascal Canfin soulignaient que BNP Paribas propose à ses clients les plus fortunés des services d’optimisation juridique et fiscale à Monaco, en Suisse ou au Luxembourg et que sa filiale suisse vend, selon ses propres termes, la création, la gestion ou l’administration des structures établies dans des juridictions telles que les Bahamas, Jersey, le Luxembourg, Panama, Singapour, le Liechtenstein et la Suisse, c’est-à-dire des sociétés écrans, derrière lesquelles il est possible de posséder des comptes bancaires non déclarés. » Fermez le ban !

Cela étant, je retire mon amendement, au bénéfice des amendements identiques n° 137 rectifié ter et 236 rectifié, dont la formulation est très proche.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 43 rectifié est retiré.

L'amendement n° 85, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 8

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« …° Chiffre d’affaires des entités ;

« …° Charges fiscales détaillées incluses dans leurs comptes.

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Je défendrai par la même occasion l’amendement n° 86, monsieur le président.

Dans ce débat central, je vous propose à tous de faire deux pas de plus dans les contraintes.

Au terme de la discussion du projet de loi, l’Assemblée nationale a commencé de lever un coin du voile, pour reprendre l’expression de notre collègue Collombat, sur la présence de nos établissements de crédit dans ce que l’on appelle pudiquement « les États et territoires non coopératifs », autrement dit les paradis fiscaux.

L’article 4 bis traite, de manière incomplète, du reporting pays par pays. Je tiens à en rappeler les contours les plus précis.

Pour ce faire, je citerai le Comité catholique contre la faim et pour le développement, organisation non gouvernementale que chacun connaît, qui agit notamment dans les pays les plus pauvres, où l’évasion fiscale a aussi des effets dévastateurs, et qui mène un travail remarquable sur le sujet depuis de nombreuses années.

Le Comité a eu l’occasion de spécifier ce qu’il convenait d’entendre par le reporting dont nous débattons : il faut « obliger les utilisateurs des paradis fiscaux à rendre des comptes : introduire dans les normes comptables internationales une obligation de reporting pays par pays, afin d’obliger les entreprises à la transparence sur leurs activités dans les paradis fiscaux ».

Le paragraphe suivant constitue le cœur des préoccupations de l’ONG, que je partage pleinement : « Pour chaque pays et territoire où elles sont implantées, les sociétés doivent présenter des informations détaillées : coordonnées des filiales, succursales, nature des activités, produits commercialisés, effectifs, bénéfice avant impôts, taxes versées et – du moins pour l’activité dans les paradis fiscaux – gestion des risques et système de contrôle interne ».

L’effectif constitue une dimension importante dans les critères à imposer. Pierre-Yves Collombat évoquait tout à l'heure le nombre de filiales de BNP Paribas ; les sous-filiales et sous-filiales de sous-filiales qui comptent parfois un ou deux agents mais réalisent des chiffres d’affaires absolument extraordinaires doivent, bien sûr, interpeller.

L’amendement n° 85 vise à compléter le contenu de l’article 4 bis, dont les critères actuels ne peuvent constituer les seuls paramètres d’évaluation.

Nous parlons beaucoup de l’Europe. Elle nous observe, réfléchit et travaille sur ces sujets ; ne la décevons pas !

Dès lors, mes chers collègues, je ne peux que vous inviter à adopter ces deux amendements, l’amendement n° 86 tendant à tirer les conséquences du caractère particulièrement précis des dispositions de l’article.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 241, présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Par exception faite au II du présent article, les informations mentionnées au 1° sont publiées pour l'ensemble des implantations de ces États ou territoires et non seulement pour les implantations incluses dans le périmètre de consolidation. »

Cet amendement a été précédemment défendu.

L'amendement n° 194 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol, M. Dilain, Mme Lienemann, MM. Madec, Madrelle, Fauconnier, Chastan, Antoinette et Leconte, Mmes Alquier et Claireaux, MM. J.C. Leroy, Eblé, Vincent, Rome et Filleul, Mme Lepage et MM. Daudigny, Mirassou et Vandierendonck, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 9

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

« ... – En cas de manquement à l’obligation d’information prévue aux II et III, l’autorité de contrôle décide l’ouverture d’une procédure de sanction à l’encontre des dirigeants de l’établissement concerné mentionnés aux articles L. 511-13 et L. 532-2. »

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Il n’y a pas de règle sans sanction : le principe est bien connu des juristes, particulièrement des pénalistes ! Nous proposons donc d’assortir les nouvelles dispositions concernant la transparence des activités bancaires dans les paradis fiscaux de sanctions en cas de manquement aux obligations d’information : l’autorité de contrôle déciderait l’ouverture d’une procédure de sanction à l’encontre des dirigeants de l’établissement concerné.

Cet amendement est cohérent avec les dispositions dont nous venons de débattre, me semble-t-il.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je souhaite préalablement formuler quelques remarques d’ordre général. Nous sommes dans un débat important, celui qui porte sur les paradis fiscaux et sur l’évasion fiscale. Je partage le sentiment exprimé par plusieurs collègues, en particulier par M. Marini : la démarche engagée par l’OCDE, qui concerne toutes les grandes économies, n’aboutit pas et n’ouvre pas vraiment de fenêtre d’espérance.

Nous avons auditionné des responsables de l’OCDE. Ils formulent des propositions très intéressantes, mais la méthode de travail qu’emploie cette organisation pour déterminer à la fois les pays et les différentes techniques qui devraient être condamnés est celle du consensus. Pour adopter une règle, il faut donc que les États s’accordent. Par conséquent, cette sorte de comitologie, qui se poursuit indéfiniment, n’aboutit jamais.

On a rappelé, ainsi, les difficultés rencontrées pour établir les listes de paradis fiscaux et, surtout, l’impuissance de l’OCDE face au développement des techniques nouvelles, ou même anciennes d'ailleurs, comme la facturation intergroupe. Ce procédé est le grand vecteur de l’évasion fiscale : on se facture des prestations de service entre différentes filiales, entre la société mère et ses succursales, on loge les marques et les redevances de marque dans un paradis fiscal, on place les activités purement logistiques dans un autre paradis fiscal, on transite par les Pays-Bas – la plaque tournante en la matière – pour rapatrier les bénéfices vers les États-Unis, etc.

Tout cela est connu et a été bien décrit, mais rien ne se fait. Par conséquent, ce qui est proposé ici, à l’échelon européen, constitue un grand progrès. C’est la première fois que l’Union européenne permet de faire avancer les choses en ce domaine.

On voit bien la difficulté à propos d’un sujet connexe : le Royaume-Uni envisage de ramener le taux de l’impôt sur les sociétés à 20 %. Certains s’en réjouiront en pensant que c’est une bonne mesure politique, mais nous sommes ainsi engagés dans une concurrence fiscale à la baisse, à laquelle l’Irlande aussi, par exemple, participe grandement. Tant que des politiques de ce genre ne seront pas coordonnées, nous n’avancerons pas. D’une façon générale, la commission partage donc les sentiments qui viennent d’être exprimés.

J’en viens aux différents amendements.

Les amendements n° 237, 238 et 239 tendent chacun à étendre l’obligation de transparence à certaines informations. Je partage les intentions de leurs auteurs. Toutefois, l’adoption des amendements identiques n° 137 rectifié ter et 236 rectifié entraînerait le même résultat, si bien que je vous demande monsieur Desessard, de bien bouloir vous rallier à ces dispositions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Tous ces amendements sont en effet très proches.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Les amendements identiques n° 137 rectifié ter et 236 rectifié ont pour objet d’étendre les obligations de transparence aux trois types d’informations qui ont été évoquées : les bénéfices ou pertes avant impôt, le montant total des impôts acquittés et les subventions publiques reçues, et cela à partir de 2014, en vue d’une première publication en 2015.

À titre personnel – la commission ne m’a pas suivi sur ce point –, je suis favorable à ces amendements, qui visent à transposer le récent accord au conseil ECOFIN sur ces questions, l’accord dit « CRD IV » – pour « capital requirements directive IV ». Leurs dispositions viendraient ainsi compléter l’article 4 bis introduit à l’Assemblée nationale.

Pour répondre à une crainte souvent exprimée, toutes les banques européennes demeureraient traitées sur un plan d’égalité, sans cette distorsion de concurrence dont M. de Montesquiou, en particulier, s’inquiétait.

Pour des raisons de forme, je suis favorable aux amendements identiques n° 137 rectifié ter et 236 rectifié. Je demanderai donc aux auteurs des amendements n° 237, 238 et 239, ainsi qu’à ceux des amendements n° 43 et 85, qui seraient également satisfaits par l’adoption de ces amendements identiques, de se rallier à ces derniers. Toutefois, je le rappelle, il s'agit d’une position personnelle, la commission ayant exprimé un avis défavorable sur tous ces amendements.

L’amendement n° 175 rectifié tend à revenir sur la publication des données par pays, qui seraient seulement transmises à l’administration, le ministre des finances décidant finalement des informations publiées. Cette mesure étant contraire à l’esprit de l’article 4 bis et à l’impératif de transparence dont nous venons de débattre, mon avis est défavorable.

L’amendement n° 240 de M. Desessard vise à supprimer la référence au périmètre de consolidation pour établir le champ de l’obligation de transparence pays par pays – c’est la question posée par M. Desessard.

Il faut comprendre que la consolidation – une notion comptable, mobilisée par les commissaires aux comptes – permet de déterminer ce qui est réellement sous la responsabilité de l’action de la banque. Prendre en compte le périmètre de consolidation sur la base de participations significatives – par exemple, de l’ordre de 30 % du capital – revient à prendre en considération les décisions et l’action réelles d’une banque dans tel ou tel pays, avec telle et telle filiale.

En revanche, il peut exister de nombreuses autres participations, très minoritaires – par exemple, 1 % dans une caisse d’épargne à Tachkent ou diverses participations résiduelles –, qui peuvent découler d’héritages divers et n’impliquent pas une action déterminée et volontaire de la banque. Ces participations n’ont pas grand intérêt, la banque étant totalement passive en la matière.

L’idée est de déterminer ce qui compte. C’est pourquoi nous avons introduit cette notion de consolidation, et si cette explication vous convient, monsieur Desessard, je vous demanderai de bien vouloir retirer votre amendement.

L’amendement n° 241 vise également à maintenir certaines obligations de publication en dehors du périmètre de consolidation ; j’en suggère, de même, le retrait.

Enfin, l’amendement n° 194 rectifié bis de Mme Rossignol a pour objet de créer une sanction à l’encontre des dirigeants d’une banque en cas de manquement à l’obligation de publier des données de transparence pays par pays.

Cette demande me paraît satisfaite par le droit en vigueur : c’est le rôle de l'autorité de contrôle prudentiel que de contrôler le respect par les banques de l’ensemble des normes de valeur législative et règlementaire du code monétaire et financier. Je vous demanderai donc, madame Rossignol, de bien vouloir retirer l'amendement n° 194 rectifié bis.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Compte tenu de ce que j’ai indiqué tout à l’heure dans mon intervention générale sur l’article 4 bis, je suis favorable aux amendements identiques n° 137 rectifié et 236 rectifié. Je suggère aux auteurs des autres amendements de les retirer, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 137 rectifié ter et 236 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Dans la perspective d’un reporting pays par pays, je me permets d’insister sur le critère des effectifs à déclarer. En effet, aujourd'hui, nous évoluons dans un univers si virtuel que, dans certains territoires, seule la présence physique de personnels d’une banque peut témoigner d’une activité réelle ; par exemple, les îles vierges britanniques sont le sixième investisseur en Russie, ce qui soulève certaines interrogations. Je maintiendrai donc tout à l'heure l’amendement n° 85.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je voterai la totalité des amendements de précision qui ont été présentés, sauf, naturellement, ceux qui seraient retirés parce qu’ils seraient redondants. En effet, le travail de la commission d’enquête sur l'évasion fiscale a montré que, à l’évidence, nous avons besoin non seulement de précisions, mais aussi de sanctions.

Même si la loi les prévoit et que les institutions en place ont pour rôle de les faire appliquer, je voudrais rappeler que, lors de certaines auditions, notamment celles des responsables de grands groupes ayant des filiales à l’étranger, nous avons eu l’impression d’entendre de la langue de bois et nous avons perçu une certaine légèreté. Celle-ci indiquait que les établissements visés n’étaient pas tellement inquiets des sanctions qu’ils encourraient en ne respectant pas les règles existantes en matière de reporting ou de déclaration.

Une réitération des sanctions me paraît donc très intéressante. Aussi, je suis tout à fait favorable à l’amendement n° 194 rectifié bis de Mme Rossignol, car je crois comme elle qu’il n’y a pas de règle sans sanction. Il faut réaffirmer ces sanctions haut et fort, puisque celles qui existent n’incitent pas les établissements concernés à respecter la réglementation et à cesser d’agir dans l’opacité.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

En conséquence, les amendements n° 237, 238, 239, 175 rectifié et 85 n'ont plus d'objet.

Monsieur Desessard, les amendements n° 240 et 241 sont-ils maintenus ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Mes chers collègues, je tiens à saluer le vote que nous venons d’émettre. Au travers de cet article 4 bis, l’Assemblée nationale avait réalisé une avancée considérable dans le règlement de la question des paradis fiscaux. Son dispositif est aujourd'hui complété.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je retire les deux amendements, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Les amendements n° 240 et 241 sont retirés.

Madame Rossignol, l'amendement n° 194 rectifié bis est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je ne suis pas certaine que cet amendement soit satisfait par les règles actuellement en vigueur.

L’autorité de contrôle peut saisir la commission des sanctions ; je propose que cette saisine devienne automatique. En cas de non-respect des obligations de transparence, le principe d’une présomption de faute, la banque ayant la charge d’apporter la preuve contraire, me paraît approprié.

Par conséquent, je maintiens cet amendement, monsieur le président.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 52 est présenté par Mme Espagnac.

L'amendement n° 234 est présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 4

Après le mot :

territoire

supprimer la fin de cet alinéa.

La parole est à Mme Frédérique Espagnac, pour présenter l’amendement n° 52.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Le présent amendement tend, via la suppression du délai de six mois, à exiger des établissements de crédit, des compagnies financières et des compagnies financières holding mixtes qu’ils publient en même temps que leurs comptes annuels une annexe comportant les informations relatives à leurs implantations et à leurs activités dans chaque État ou territoire.

En effet, dans sa rédaction actuelle, l’article 4 bis laisse envisager une pérennisation de ce délai dans les années à venir, ce qui irait à l’encontre des débats que nous avons menés précédemment.

Or la principale avancée que constitue la communication en annexe de ces informations publiées simultanément aux comptes annuels est de permettre aux pouvoirs publics et aux particuliers d’appréhender les chiffres des comptes annuels en perspective avec les pays ou les territoires où ces bénéfices ou pertes sont réalisés.

Prenons un exemple pour illustrer la nécessité de voter le présent amendement : l’annonce de bénéfices records d’une banque X, suivie quelques mois plus tard d’une annexe détaillant les origines desdits bénéfices passera incognito, j’en suis convaincue, dans les médias et les cercles dirigeants. Dès lors, les banques n’ont aucune raison de changer leurs pratiques peu morales et contraires à l’esprit de ce projet de loi.

Or, mes chers collègues, imaginez l’effet d’une annonce de bénéfices records de la même banque X, mais accompagnée de l’information suivante : « dont 70 % ont été réalisés via des comptes offshore ou dans des paradis fiscaux » !

Vous en conviendrez, la simultanéité de ces informations peut, à terme, changer radicalement les pratiques de certaines banques, en instaurant une véritable transparence, pour tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 234.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

L’amendement étant identique au précédent, ma présentation sera brève.

M. le rapporteur m’a demandé de retirer mes amendements relatifs au périmètre non consolidé, ce que j’ai fait à la suite de son argumentaire.

Toutefois, en l’espèce, je suis surpris que les banques demandent un délai de six mois supplémentaires : si elles peuvent publier leurs comptes annuels consolidés en deux mois, pourquoi ont-elles besoin de six mois supplémentaires pour communiquer les informations demandées ? Elles ont, en principe, tous les éléments à leur disposition. Pourquoi les informations ne sont-elles pas publiées en même temps que les comptes consolidés ? C’est tout de même surprenant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 270, présenté par M. Yung, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

reddition de leurs comptes annuels

par les mots :

clôture de l'exercice

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l’amendement n° 270 et pour donner l’avis de la commission sur les amendements identiques n° 52 et 234.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet amendement vise à préciser que les comptes annuels doivent être remis à la clôture de l’exercice.

Je comprends les interrogations des auteurs des amendements identiques n° 52 et 234 sur le délai de six mois. Nous sommes cependant défavorables à ces propositions. En effet, les comptes consolidés sont établis par les filiales, mais celles-ci peuvent être implantées dans de nombreux pays ou territoires. La répartition par pays peut donc représenter un travail relativement lourd. C'est pourquoi les banques ont sollicité un délai.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Je suis favorable à l’amendement n° 270, donc défavorable aux amendements identiques n° 52 et 234.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Franchement, monsieur le rapporteur, à l’ère de l’informatique, si l’on a effectué la consolidation des comptes, il suffit d’appuyer sur le bon bouton pour obtenir le détail !

Un délai supplémentaire de six mois – ce n’est pas rien ! – pourrait être pour les banques l’occasion d’organiser quelque évasion ou dissimulation… Il ne faut pas inciter au vice.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Non, je le retire, monsieur le président, au profit de l’amendement n° 270.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 52 est retiré.

Monsieur Desessard, l'amendement n° 234 est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je le retire également, monsieur le président. Je me rallie moi aussi à l'amendement n° 270 de la commission.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 86 est présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 235 est présenté par MM. Placé, Desessard et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Éric Bocquet, pour présenter l'amendement n° 86.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean Desessard, pour défendre l'amendement n° 235.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Il est également défendu, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Ces deux amendements visent à supprimer la référence à un décret en Conseil d’État. Il me paraît pourtant utile de maintenir celle-ci. En effet, le pouvoir exécutif doit disposer d’une marge de manœuvre pour prendre les mesures d’application nécessaires, qui peuvent parfois être complexes.

C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Je le maintiens, monsieur le président : je reste solidaire de mes amis communistes !

Sourires.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'article 4 bis est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 87, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 4 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 2 du chapitre Ier du titre Ier du livre V du code monétaire et financier est complétée par un article ainsi rédigé :

« Art. L... . – Il est interdit à un établissement de crédit d’exercer directement ou indirectement des activités dans des États ou territoires qui n’ont pas conclu avec la France de convention d’assistance permettant l’échange automatique de tout renseignement nécessaire à l’application de la législation fiscale française et d’entretenir des relations commerciales avec des personnes ou entités qui y sont établies. »

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Les dispositions de cet amendement découlent évidemment de la position de fond de notre groupe sur la question de l’évasion et de la fraude fiscales.

Il s’agit tout simplement d’inviter nos établissements de crédit à se mettre en conformité avec les principes de transparence des transactions et des mouvements financiers qui nous animent ici, c’est-à-dire de poser le principe d’une interdiction a priori d’implantation dans les États et territoires non coopératifs, tels que nous en avons défini la liste.

À ce titre, j’observe d’ailleurs que des divergences d’appréciation existent aujourd’hui entre les différentes instances d’évaluation de la liste des États et territoires non coopératifs, les ETNC, selon qu’elles proviennent du Groupe d’action financière, le GAFI, de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, de la France, et qu’il ne nous semble pas nécessairement le mieux venu de ne retenir, dans cette liste, que les pays ne s’étant pas encore mis en conformité avec les seules recommandations de l’OCDE.

Dans le droit fil du débat annuel que nous souhaitons mener au sein du Parlement sur la question des paradis fiscaux, il nous semble nécessaire de disposer d’une certaine forme d’indépendance en appréciant à la fois les listes de paradis fiscaux reconnues à l'échelon international, mais aussi celles qui procèdent de l’analyse objective des relations fiscales bilatérales que nous pouvons entretenir avec tel ou tel pays. En attendant, nous devons nous libérer des mauvaises pratiques que constituent les implantations de nos établissements de crédit dans les ETNC.

Mes chers collègues, tel est le sens de l’amendement que je viens de vous présenter.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet amendement a pour objet d’interdire les relations d’affaires conduites avec une contrepartie installée dans un paradis fiscal, au sens de la liste française, c'est-à-dire dans les pays avec lesquels nous n’avons pas conclu de convention de coopération fiscale.

Mes chers collègues, je partage votre philosophie, mais je doute des effets d’une telle mesure. Des entreprises françaises sont implantées ou entretiennent des relations d’affaires dans certains pays – je pense par exemple à la République des Philippines, que nous avons évoquée hier.

Je mesure mal les conséquences d’une telle disposition. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, la commission émettrait un avis défavorable, monsieur Bocquet.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Les conventions fiscales signées par la France à ce jour avec des pays tiers ne prévoient pas la mise en œuvre d’un dispositif d’échange automatique d’informations. L’adoption de cet amendement aurait donc pour conséquence la fermeture des banques françaises hors de France, ce que je trouve tout à fait disproportionné au regard des enjeux.

En revanche, je tiens à vous assurer que l’échange automatique d’informations constitue un objectif stratégique de l’action de mon ministère à l’international, en particulier dans le cadre du G20 ou des négociations menées par le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales.

La France soutient la mise en place, à l'échelle mondiale, d’un dispositif d’échange automatique d’informations. Quelques pays nous ont déjà rejoints. Mes services sont mobilisés pour parvenir à convaincre les autres. À ce titre, les mesures de transparence prises dans le cadre de la loi, j’en suis persuadé, renforceront la crédibilité de l’action de la France en faveur d’une plus grande transparence.

Pour toutes ces raisons, au nom de notre démarche d’avancées progressives et de confortement de nos positions dans les discussions mondiales, je vous invite à retirer votre amendement, monsieur le sénateur. À défaut, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 195 rectifié ter, présenté par Mme Lienemann, MM. Chastan, Courteau, Teulade et Godefroy, Mmes Rossignol et Espagnac et M. Vandierendonck, est ainsi libellé :

Après l’article 4 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les établissements de crédit publient annuellement un rapport comportant notamment les données, établies par bassin de vie entendu comme un territoire de proximité sur lequel se trouvent au moins deux agences bancaires, relatives à leur activité de collecte de l’épargne et à leur activité de crédit aux personnes physiques, aux très petites entreprises, petites et moyennes entreprises, aux entreprises de taille intermédiaire et aux structures de l’économie sociale et solidaire.

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Au travers de cet amendement, j’aborde une question que nous avons eu l’occasion d’évoquer à plusieurs reprises, notamment au sein de la commission des affaires économiques, à savoir la territorialisation.

Bon nombre de nos collègues, notamment en secteur rural, mais aussi dans des zones urbaines sensibles, observent que l’épargne drainée sur leur territoire est forte au regard des prêts et de l’implication des banques pour les activités économiques desdits territoires.

Beaucoup d’élus locaux, comme bon nombre de sociétaires de banques mutualistes ou de coopératives, aimeraient savoir à quoi sert leur argent. Contribue-t-il vraiment à l’économie réelle, et sur quel territoire ? Il ne s’agit évidemment pas de fixer des règles d’usage des fonds – dans un premier temps, en tout cas –, mais d’exiger une certaine transparence en la matière.

C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d’insérer un article additionnel qui serait rédigé de la façon suivante : « Les établissements de crédit publient annuellement un rapport comportant notamment les données, établies par bassin de vie entendu comme un territoire de proximité sur lequel se trouvent au moins deux agences bancaires, relatives à leur activité de collecte de l’épargne et à leur activité de crédit aux personnes physiques, aux très petites entreprises, petites et moyennes entreprises, aux entreprises de taille intermédiaire et aux structures de l’économie sociale et solidaire. » La définition du terme « bassin de vie » n’est évidemment pas encore d’une grande précision.

Ma collègue Laurence Rossignol avait pour sa part plaidé pour qu’un tel dispositif soit appliqué au moins dans certains territoires, telles que les zones de revitalisation rurale ou les zones urbaines sensibles.

Mon amendement est d’abord un amendement d’appel. Mon objectif est que la question de la territorialisation soit mieux traitée qu’elle ne l’est aujourd'hui. J’espère que M. le rapporteur et M. le ministre pourront nous indiquer quelles actions ils pourraient mettre en œuvre pour répondre à cette préoccupation.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Le problème que soulève Mme Lienemann intéresse un grand nombre de nos élus. Beaucoup d’entre eux partagent en effet l’impression que, dans certains endroits, la collecte de l’épargne est importante, mais que, en revanche, les prêts et les crédits aux entreprises et aux commerces ne sont pas équivalents. Cela suscite un sentiment diffus, …

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

… partagé, de frustration.

Au fond, l’impression est que notre belle épargne part ailleurs. J’attire d’ailleurs votre attention sur un point, mes chers collègues : il est normal qu’il n’y ait pas nécessairement équivalence ; le rôle du système bancaire est précisément de faire circuler à la fois l’épargne et les crédits. Toutefois, le problème se posant réellement, la question de la territorialisation revient de façon assez régulière.

J’ai deux choses à dire concernant la proposition de Mme Lienemann.

En premier lieu, je rappelle que deux expériences de territorialisation sont actuellement en cours dans deux régions, en Franche-Comté – une région chère à votre cœur, monsieur le ministre – et en Île-de-France. Ces expériences feront l’objet d’un rapport dont les conclusions seront connues dans quelques mois. Je pense qu’il est préférable de les attendre.

En second lieu, madame Lienemann, je crains que le critère du bassin de vie ne soit pas très opérationnel, même si l’expression est jolie.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Nous nous sommes en effet demandé ce qu’était un bassin de vie.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini. Qu’est-ce que la vie ? Et quand commence-t-elle ?

Exclamations amusées.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Marini

M. Philippe Marini. Il faut animer un peu le débat !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Vous en donnez la définition suivante : « un territoire de proximité sur lequel se trouvent au moins deux agences bancaires ». Or je crains qu’il ne soit très difficile pour les banques de rassembler les données d’un territoire comprenant deux agences bancaires.

Vous l’avez dit vous-même, madame Lienemann, il s’agit d’un amendement d’appel, visant à apporter une solution à un problème réel. Toutefois, en l’état actuel des choses, je vous suggère de le retirer.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

La publication par chaque établissement d’un rapport annuel détaillant les montants alloués aux personnes physiques et aux entreprises suivant leur taille, par zone géographique, pose plusieurs problèmes.

Un tel rapport pose tout d’abord des problèmes de confidentialité pour les banques, dont les données relatives aux activités sont, par nature, très sensibles. Il pourrait dans certains cas être aisé d’avoir une vision assez détaillée de leur stratégie commerciale. Or les banques ne sont pas des institutions publiques, à la différence de la BPI, laquelle a des obligations de publication très larges.

Un tel rapport poserait ensuite des problèmes de confidentialité pour les entreprises, inconvénient tout aussi sérieux, puisque le degré de précision du maillage géographique proposé risque de permettre dans certains cas l’identification des entreprises concernées.

Par ailleurs, un tel rapport poserait des problèmes de mise en œuvre, comme cela a été dit, car la notion de bassin de vie, telle que vous l’envisagez, madame la sénatrice – je n’entrerai pas dans le débat soulevé par M. le président de la commission des finances –, …

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

… manque de précision et pourrait donner lieu à des interprétations très variées.

Je rappelle que la Banque de France publie déjà des données détaillées relatives aux crédits et aux dépôts à l’échelle de chaque département, dans le cadre des statistiques monétaires, des comptes financiers, des données rassemblées par le service central des risques bancaires, ainsi que de nombreuses études.

Enfin, je partage tout à fait l’avis de M. le rapporteur, pour des raisons de cœur, certes, mais aussi par raison. Je sais que la question du suivi de l’activité des banques en matière de crédits aux TPE-PME fait l’objet d’expérimentations en Franche-Comté, bientôt en Île-de-France, avec la participation volontaire de certains réseaux bancaires et le soutien des conseils régionaux concernés.

J’encourage vivement ces expérimentations. Je pense qu’elles nous permettront de mieux cerner les chances offertes par la territorialisation, laquelle, en soi, n’est pas négative, ainsi que les difficultés qu’elle pose.

Je vous recommande donc, madame la sénatrice, d’attendre les résultats de ces travaux avant de prendre des dispositions aussi contraignantes, car ils permettront de mieux éclairer la façon ou les conditions dans lesquelles on pourrait atteindre les objectifs que vous fixez.

Pour ces raisons, comme M. le rapporteur, je vous prie de bien vouloir retirer votre amendement, madame la sénatrice. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Bernadette Bourzai, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Je comprends les observations de M. le rapporteur et de M. le ministre. Néanmoins, je soutiendrai l’amendement de Mme Lienemann, et ce pour plusieurs raisons.

Une relative transparence est déjà possible. Ainsi, dans les groupes bancaires mutualistes, il est de tradition que la caisse locale fournisse des éléments d’information chiffrés sur le montant de la collecte et sur les prêts consentis sur place, tant aux collectivités locales qu’aux entreprises ou aux particuliers, sans nommer quiconque, évidemment, l’anonymat étant respecté.

Ces éléments permettent de prendre conscience du fossé existant entre les montants collectés dans certains bassins de vie – j’utilise volontairement cette expression –, par les caisses locales, ces montants étant ensuite agglomérés par les caisses régionales. La différence entre le montant de la collecte et celui des prêts est souvent très significative.

Cela tient-il à la région à laquelle j’appartiens, le Limousin ? Nous sommes très proches de l’Auvergne et nous n’avons pas la réputation d’être très généreux. Nous serions plutôt économes.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Bourzai

Nous ne sommes pas opposés à ce que l’épargne collectée participe au développement national de l’économie, mais nous aimerions qu’il contribue d’abord au développement local. En tant qu’élue, je sais les difficultés que rencontrent les petites et moyennes entreprises, ainsi que les artisans, pour se financer dans des conditions convenables. Je pense donc qu’il est indispensable que nous fassions évoluer l’idée de territorialisation et de transparence, mais aussi, éventuellement, celle d’une meilleure adéquation entre la collecte et les montants prêtés localement, même si je mesure la difficulté de la tâche.

Je pense qu’il est important que nous envisagions, à l’issue des expérimentations qui sont en cours, des mesures plus favorables au développement, en particulier dans les zones de revitalisation rurale, qui en ont grand besoin et pour lesquelles l’État consent des efforts par ailleurs, et dans les zones urbaines sensibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Éric Bocquet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

J’entends également les réserves émises par M. le rapporteur et M. le ministre. Pour autant, je partage assez largement la philosophie de l’amendement de notre collègue Marie-Noëlle Lienemann.

J’ai en tête le slogan publicitaire datant d’il y a quelques décennies maintenant de l’un des grands groupes bancaires français, que chacun reconnaîtra : « Le bon sens près de chez vous ». Ce groupe bancaire, comme beaucoup d’autres, s’est depuis lors internationalisé. Il s’est même quelque peu fourvoyé dans la dette souveraine grecque, avec les conséquences que l’on sait aujourd'hui pour son chiffre d’affaires. L’utilité d’une banque dans un territoire, c’est aussi cela.

Permettez-moi d’évoquer un cas particulier, celui de la boulangerie de mon village, laquelle a fermé ses portes il y a six mois, non parce que le boulanger faisait du mauvais pain ou parce que celui-ci était trop cher. Quatre repreneurs potentiels étaient intéressés, mais aucun n’a été suivi par la banque. Aujourd'hui, mon village, qui compte 2 000 habitants et qui est situé en métropole lilloise, n’a plus de boulangerie. C’est un véritable sujet de préoccupation.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Des questions de confidentialité ont été évoquées. Or il s’agit non pas de dresser la liste des sommes d’argent prêtées à telle ou telle entreprise, mais de présenter une information globale : telle banque a investi 300 millions d’euros dans le tissu économique local.

Nous voterons donc cet amendement d’appel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Mme Lienemann pose un véritable problème et je suis un peu étonné – non, à la vérité, je ne le suis pas ! – qu’on lui oppose des arguties, des impossibilités, que l’on évoque des perturbations pour les banques, entre autres.

Le but n’est pas du tout qu’il y ait une adéquation parfaite entre l’épargne collectée et les financements réalisés. Il s’agit de faire en sorte que les territoires en difficulté puissent au moins profiter de l’argent qu’ils déposent dans les banques.

Demander aux banques de fournir un minimum d’informations les inciterait à considérer avec un peu plus de générosité les demandes de prêts qui leur sont faites.

Je soutiendrai bien évidemment cet amendement, parce qu’il y a longtemps que le bon sens près de chez nous est devenu l’absence de bon sens en Grèce !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Mon intervention ira dans le même sens.

Je rappelle que, lors de la création de la Banque publique d’investissement, nous avons souligné, les uns et les autres, les difficultés que poserait le fait de n’avoir sur nos territoires qu’un guichet unique pour les PME-PMI, pour les toutes petites entreprises et les artisans. Nous souhaitions également des distributeurs dans les territoires et tout ce qui va avec un réseau bancaire. En effet, en raison d’un certain nombre de normes additionnelles de sécurité, ces établissements disparaissent purement et simplement des territoires ruraux.

Pour ma part, je voterai des deux mains cet amendement d’appel au secours pour nos territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Monsieur le ministre, les positions qui viennent d’être exprimées sur des travées très diverses de notre assemblée sont convergentes.

Je tiens à dire qu’il ne s’agit en aucune façon pour moi d’un I want my money back. Je n’entends nullement promouvoir le chacun chez soi ou l’esprit de Clochemerle.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Nous avons besoin d’une fluidité des flux bancaires et d’une solidarité, que les banques devraient organiser.

Toutefois, nous devons nous poser la question de l’adaptation des outils bancaires à la diversité des territoires. Notre collègue Bernadette Bourzai a souvent évoqué au sein de la commission l’exemple de son canton, dont la banque mutualiste ou coopérative, qui a collecté – excusez du peu ! – 100 millions d’euros de dépôts – il est vrai que les Limousins et les Auvergnats sont des épargnants

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Les cas tels que celui qu’a évoqué Alain Bocquet se multiplient dans bien des territoires. Les activités de service et des petits artisans locaux n’entrent pas dans les scorings habituels des activités des zones dynamiques et fortes.

Franchement, les banques pourraient faire preuve d’une plus grande créativité, en instituant par exemple des fonds de cautionnement ou de solidarité – entre 5 millions d’euros et 100 millions d’euros, elles ont une marge de manœuvre ! –, lesquels permettraient d’améliorer le scoring de certaines activités. Après une analyse un peu plus bienveillante, ces activités pourraient fonctionner et se développer. Or, aujourd'hui, elles se voient opposer un véto.

Sur la base de cette constatation, et après avoir revu la notion de « bassin de vie », qui est en effet légère d’un point de vue juridique – toutefois, la proposition de Mme Rossignol est également restreinte –, il faut définir des aires géographiques ayant une certaine pertinence.

J’entends l’argument selon lequel il convient de mener, avant de prendre une quelconque décision, des expérimentations en la matière. Je demande donc à M. le ministre de veiller à ce que, au cours de celles-ci, les banques soient incitées par l’État à réfléchir sur les possibilités de mise en place d’une meilleure territorialisation de leur activité de prêt, au profit, notamment, des secteurs où les déséquilibres sont patents et où les besoins sociaux d’une relance de l’activité économique sont importants.

J’ai cru comprendre que M. le ministre considérait nos préoccupations avec une certaine bienveillance, même s’il a exprimé quelques doutes relatifs à l’outil juridique proposé. Dès lors, et sous réserve des observations que je viens de formuler, je suis prête à retirer l’amendement n° 195 rectifié ter, car je pense que le Gouvernement a saisi les attentes exprimées sur cette question majeure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Laurence Rossignol, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’ordre dans lequel les amendements sont appelés me rend perplexe. Mme Lienemann l’a évoqué, j’ai déposé un amendement dont l’esprit se rapproche de celui de l’amendement n° 195 rectifié ter, mais dont la discussion n’est prévue qu’après l’examen de l’article 17 bis B du présent projet de loi

D'ailleurs, pour nous permettre de gagner du temps, mon amendement n° 192 rectifié bis pourrait faire l’objet d’une discussion commune avec celui qui vient d’être présenté par Mme Lienemann, car ils ont, finalement, le même objet.

En effet, l’objet de cet amendement est que « les établissements de crédit fournissent chaque année au Parlement le ratio entre le volume des encours et des nouveaux engagements consentis aux très petites entreprises et aux petites et moyennes entreprises par secteur d’activité, dans l’ensemble des communes comprenant une zone de revitalisation rurale ou une zone urbaine sensible. »

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Il est plus général que celui qui a été déposé par Mme Lienemann.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Certes, mon cher collègue, mais ces deux amendements, tout comme l’intervention de Mme Bourzai, d’ailleurs, montrent bien que nous visons le même objectif : une meilleure évaluation du rapport entre épargne collectée et soutien à l’activité par territoire, ce à quoi se livre déjà le gouvernement américain.

Nous le savons bien, les prêts aux entreprises ne représentent que 12 % de l’activité bancaire, autant dire pas grand-chose. Ce soutien, en outre, varie considérablement selon les territoires, alors que l’épargne est collectée même dans les territoires les moins favorisés.

La pertinence du découpage du territoire est, en la matière, douteuse. Si l’INSEE retient la notion d’« îlots regroupés pour l’information statistique », ou IRIS, l’utilisation de cette dernière en ce domaine semble problématique.

Notre irresponsabilité n’est pas telle que notre proposition tende à ce que l’ensemble des agences de toutes les banques fournissent un relevé de leur activité au Parlement ou à d’autres institutions. Pourtant, les parlementaires, tout particulièrement les sénateurs, qui assurent la représentation des collectivités territoriales, ont besoin d’avoir une connaissance plus fine, territoire par territoire, du rapport entre épargne et soutien à l’activité. C’est pourquoi ma proposition retient comme mailles de référence les zones urbaines sensibles et les zones de revitalisation rurale.

En déposant cet amendement, je n’avais pas pour intention de fragiliser les banques en leur demandant de communiquer des informations dont je comprends qu’elles souhaitent garder la confidentialité. Dès lors, un ratio représentant le rapport entre l’épargne collectée et les activités de crédit me paraissait une bonne solution.

Je pense, monsieur le ministre, que l’avis du Gouvernement sera similaire à celui qui a été donné sur l’amendement présenté Mme Lienemann. Pourtant, que pouvez-vous nous proposer qui prenne en compte notre préoccupation ? Au-delà des expérimentations déjà menées en Franche-Comté, nous avons besoin de savoir ce qui peut être fait en région parisienne, par exemple, comme dans tous les territoires que j’ai évoqués.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Si vous le souhaitez, ma chère collègue, nous pouvons, au prix d’une légère rectification, mettre votre amendement n° 192 rectifié bis en discussion commune avec l'amendement n° 195 rectifié ter.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Cela me semble judicieux, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Il s’agit donc de l’amendement n° 192 rectifié ter, présenté par Mme Rossignol, M. Dilain, Mme Lienemann, MM. Madec, Madrelle, Fauconnier, Chastan, Antoinette, Leconte et Teston, Mmes Alquier et Claireaux, M. J.C. Leroy, Mme Bourzai, MM. Vincent, Rome et Filleul, Mme Lepage et MM. Mirassou et Vandierendonck, et qui est ainsi libellé :

Après l’article 4 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 313-12-2 du code monétaire et financier, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. … . – Les établissements de crédit fournissent chaque année au Parlement le ratio entre le volume des encours et des nouveaux engagements consentis aux très petites entreprises et aux petites et moyennes entreprises par secteur d’activité, dans l’ensemble des communes comprenant une zone de revitalisation rurale ou une zone urbaine sensible. »

Vous avez la parole pour le défendre, ma chère collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

La commission demande le retrait de cet amendement, pour les mêmes raisons que pour l’amendement n° 195 rectifié ter : en particulier, les banques pourraient éprouver des difficultés à mettre en place une telle mesure, l’évaluation de la répartition de leurs encours et de leurs dépôts par zone de revitalisation rurale ou zone urbaine sensible se révélant complexe.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Ce débat a retenu mon attention. Je vois bien qu’il s’agit d’un sujet sensible pour vous, mesdames, messieurs les sénateurs, quelle que soit votre sensibilité politique, et j’en mesure l’acuité.

Comprenez-moi bien, je n’ai aucune opposition de principe à ce que l’activité des banques sur les territoires soit mesurée et identifiée avec plus de précision, peut-être même établissement par établissement. Je pense, simplement, que le sujet n’est pas tout à fait mûr et que nous aurions tout à gagner à nous inspirer des expérimentations locales en cours.

Les travaux du Parlement, notamment ceux de la Haute Assemblée, ne se résument pas au vote de la loi. Personnellement, je redoute les effets pervers provoqués par l’adoption de textes qui, peu opérationnels, finissent par nous embarrasser au lieu de nous offrir une solution réelle.

Je m’engage donc à créer, si vous le souhaitez, mesdames, messieurs les sénateurs, une mission ou un groupe travail sur ce sujet. Il nous sera ensuite loisible de nous inspirer de ses réflexions lors de nos discussions futures sur ce point.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Fort de ces arguments et de l’engagement ferme que je viens de prendre devant vous, je vous invite donc une nouvelle fois, mesdames les sénatrices, à bien vouloir retirer ces amendements.

J’ai eu l’occasion de le dire à l’Assemblée nationale et je le répète ici, vous soulevez une véritable question. Néanmoins, je voudrais éviter que l’on ne se précipite pour prendre des mesures qui, finalement, se retourneront contre l’objectif, tout à fait louable, que nous visons.

Très bien ! et a pplaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 192 rectifié ter est retiré.

Madame Lienemann, l’amendement n° 195 rectifié ter est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Non, je le retire, monsieur le président. Mes chers collègues, je vous demande d'ailleurs de ne pas le reprendre.

En effet, même si nous sommes tous convaincus de la nécessité d’avancer sur cette voie, le sujet mérite à l’évidence d’être encore étudié. Nous devons préférer l’efficacité. Certains pourraient être tentés de faire un geste politique en reprenant cet amendement à leur compte. À ceux-là, je dis que l’engagement du ministre à faire progresser ce dossier est précis et que celui du groupe socialiste à adopter des mesures efficaces l’est tout autant.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

M. Pierre-Yves Collombat. Je le reprends, monsieur le président !

Murmures sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Il s’agit donc de l’amendement n° 195 rectifié quater, présenté par M. Collombat.

Vous avez la parole pour le défendre, monsieur Collombat.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Je tiens à préciser qu’il ne s’agit absolument pas d’un geste politique. Cela m’est tout à fait égal !

Il s’agit, à mon sens, d’une question essentielle. Je ne redoute pas tant les effets pervers mentionnés par M. le ministre que notre habitude de traîner si bien les pieds que rien ne se passe. Prenons date, monsieur le ministre !

Vous l’aurez compris, cet amendement me semble excellent, et je suis très heureux de le reprendre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. André Reichardt, pour explication de vote sur l'amendement n° 195 rectifié quater.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Je comprends, bien sûr, l’intérêt de veiller à ce que les établissements de crédit fassent leur travail. Compte tenu de ce que l’on a connu dans le passé, je comprends tout aussi bien qu’il faille s’assurer, d’une manière ou d’une autre, que les mêmes établissements financent non seulement les particuliers, mais aussi les entreprises, notamment les plus petites d’entre elles.

En revanche, je ne vois pas très bien à quoi pourrait servir l’information que cet amendement tend à rendre obligatoire. Une fois celle-ci connue, il faudra, de toute évidence, en tirer les conséquences, et adopter des mesures particulières. Pour le dire franchement, je ne suis pas sûr que le dispositif prévu par cet amendement soit véritablement opérationnel.

Je rejoins totalement l’observation faite par M. le ministre. Il importe de voir de façon claire et précise sur ces sujets. Cependant, ce n’est pas la création d’un quelconque observatoire qui permettra de résoudre les difficultés, si tant est qu’elles existent encore.

M. Joël Bourdin applaudit.

L’amendement n’est pas adopté.

I. – À la fin du 4° de l’article L. 561-10 du code monétaire et financier, les mots : « mentionné au VI de l’article L. 561-15 » sont remplacés par les mots : « figurant sur les listes publiées par le Groupe d’action financière parmi ceux dont la législation ou les pratiques font obstacle à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ».

II. – À la fin de l’article L. 561-11 du même code, les mots : « mentionnés au VI de l’article L. 561-15 » sont remplacés par les mots : « figurant sur les listes publiées par le Groupe d’action financière parmi ceux dont la législation ou les pratiques font obstacle à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ». –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 213 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Plancade, Requier, Tropeano, Vall, Fortassin et Hue, Mme Laborde et M. Mazars, est ainsi libellé :

Après l’article 4 ter A

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L’article L. 561-25 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « opération », la fin de l’alinéa est ainsi rédigée : « non encore exécutée, dont il a eu connaissance à l’occasion des informations qui lui ont été communiquées dans le cadre des articles L. 561-15, L. 561-26, L. 561-27, L. 561-30 et L. 561-31. Son opposition est notifiée au professionnel assujetti en charge de l’opération selon des modalités définies par décret en Conseil d’État. » ;

2° Au deuxième alinéa, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « sept ».

La parole est à M. François Fortassin.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Le présent amendement vise à améliorer les outils permettant de lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. C’est TRACFIN, un service rattaché aux ministères financiers, qui est chargé de conduire cette lutte. Celle-ci repose notamment sur des « déclarations de soupçon » émanant de certaines catégories de professionnels, limitativement énumérées dans le code monétaire et financier, comme les banques et les assurances, mais aussi les avocats ou les agents sportifs, notamment.

TRACFIN dispose actuellement d’un droit d’opposition à des transactions qui ont fait l’objet d’une déclaration de soupçon et qui pourraient donc être associées à une tentative de blanchiment. Il apparaît qu’il convient d’élargir ce droit, en prévoyant qu’il peut être exercé à la suite, non seulement d’une déclaration de soupçon, mais aussi d’informations transmises à TRACFIN par l’État, par les autorités de contrôle ou encore par les administrations étrangères avec lesquelles notre pays coopère, par exemple.

Tel est l’objet du présent amendement, dont l’adoption devrait permettre à la fois de renforcer la lutte anti-blanchiment et de protéger les professionnels qui transmettent des déclarations de soupçon.

Cet amendement vise également à allonger le délai dont dispose TRACFIN pour exercer son droit d’opposition administrative. La durée de deux jours ouvrables actuellement prévue par l’article L. 561-25 du code monétaire et financier semble, en effet, insuffisante. C’est pourquoi nous vous proposons de l’étendre à sept jours.

Cependant, le délai de cinq jours proposé par le sous-amendement n° 281 du Gouvernement nous semble s’inscrire de façon satisfaisante dans la logique de notre amendement. Par conséquent, nous nous y rallierons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Le sous-amendement n° 281, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Amendement n° 213

Alinéa 5

Remplacer le mot :

sept

par les mots :

cinq

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

L’amendement qui vient d’être défendu a pour objet de faire évoluer le droit dont dispose TRACFIN de s’opposer à l’exécution d’une opération financière. Il tend à élargir ce droit d’opposition aux cas dans lesquels TRACFIN souhaite agir sur la base d’informations obtenues d’une cellule de renseignement financier d’un autre État membre ou du Conseil de l’Europe.

Je pourrais être favorable à cet amendement, si l’extension du délai qu’il tend à prévoir était réduite de sept jours, une durée qui me semble excessive, à cinq jours.

Tel est l’objet du sous-amendement n° 281.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Je tiens à souligner l’importance du travail de TRACFIN, qui joue un rôle fondamental, quoique méconnu, dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.

Cet amendement, qui vise à élargir la gamme des opérations dont l’organisme peut se saisir, va, me semble-t-il, dans le bon sens. L’avis de la commission est donc favorable.

Le Gouvernement propose par ailleurs de ramener à cinq jours le délai prévu à l’article L. 561-25 du code monétaire et financier, que nos collègues du groupe RDSE envisageaient de porter à sept jours. La commission n’a pas eu le temps d’examiner ce sous-amendement, mais j’y suis favorable à titre personnel.

Le sous-amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote sur l'amendement n° 213 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

La commission des affaires étrangères a été saisie du projet de loi de ratification de la convention du Conseil de l’Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et au financement du terrorisme, qui est un texte important. C’est notre collègue André Vallini qui vient d’en être désigné rapporteur.

En outre, le président du conseil d’orientation de la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, que nous avons auditionné dans le cadre des travaux de la commission d’enquête sur l’évasion des capitaux et des actifs hors de France et ses incidences fiscales, a insisté sur la nécessité de renforcer les échanges d’informations avec TRACFIN en la matière.

Cet amendement est donc le bienvenu, mais je pense que les acteurs de la lutte contre le blanchiment ont encore de beaux jours devant eux. Il faudrait en tout cas avancer sur la ratification de la convention, qui se fait attendre.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 ter A.

(Non modifié)

Le premier alinéa du II de l’article L. 561-29 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Après la référence : « L. 561-15 », sont insérés les mots : « ou en lien avec les missions de ces services » ;

2° Après le mot : « détient », la fin est ainsi rédigée : « aux autorités judiciaires et à l’administration des douanes. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 271, présenté par M. Yung, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Après le mot : « détient », sont insérés les mots : « aux autorités judiciaires, »

La parole est à M. le rapporteur.

L'amendement est adopté.

L'article 4 ter B est adopté.

(Non modifié)

Au premier alinéa du II de l’article L. 561-30 du code monétaire et financier, les mots : «, ils en informent » sont remplacés par les mots : « ou toute somme ou opération visées à l’article L. 561-15, ils en informent sans délai ». –

Adopté.

(Non modifié)

I. – L’article L. 561-15 du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Les IV et VI sont abrogés ;

2° Après le V, il est inséré un V bis ainsi rédigé :

« V bis. – Les tentatives d’opérations mentionnées aux I et II du présent article font l’objet d’une déclaration au service mentionné à l’article L. 561-23. »

II. – L’article L. 561-15-1 du même code est ainsi modifié :

1° Au début, est ajoutée la mention : « I. – » ;

2° À la première phrase, le mot : « déclarent » est remplacé par le mot : « adressent » ;

3° La seconde phrase est ainsi modifiée :

a) Les mots : « une déclaration » sont remplacés par les mots : « cette information » ;

b) Les mots : « à compétence nationale TRACFIN » sont remplacés par les mots : « mentionné à l’article L. 561-23 » ;

c) À la fin, le mot : « déclaration » est remplacé par le mot : « transmission » ;

4° Sont ajoutés des II et III ainsi rédigés :

« II. – Les personnes mentionnées aux 1° à 7° de l’article L. 561-2 adressent au service mentionné à l’article L. 561-23 les éléments d’information relatifs aux opérations financières présentant un risque élevé de blanchiment ou de financement du terrorisme en raison du pays ou du territoire d’origine ou de destination des fonds, du type d’opération ou des structures juridiques concernées. Un décret en Conseil d’État fixe les critères objectifs des opérations ainsi soumises à une obligation d’information.

« III. – Les informations adressées en application du présent article sont faites sans préjudice des déclarations éventuellement faites en application de l’article L. 561-15. » –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 216 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement, Fortassin, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, Mme Laborde et M. Mazars, est ainsi libellé :

Après l'article 4 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 décembre 2014, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’efficacité des obligations de déclaration relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et les possibilités d’amélioration de ce dispositif notamment à travers l’élargissement de la liste des personnes assujetties à ces obligations.

La parole est à M. François Fortassin.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

rapport au Parlement.

Certes, notre groupe n’est pas particulièrement friand de rapports. Toutefois, la lutte contre le blanchiment nous semble un sujet particulièrement important pour la stabilité financière et pour la sécurité mondiale.

Nous nous interrogeons ainsi sur l’efficacité du dispositif de déclaration de soupçon, que nous avons déjà évoqué à propos de l’amendement n° 213 rectifié. La liste des professionnels assujettis à cette obligation a déjà été élargie à plusieurs reprises. Toutefois, en pratique, certaines catégories d’intermédiaires ne font quasiment jamais de déclaration à TRACFIN, dont je préfère d’ailleurs prononcer le nom « traque fin », pour des raisons que d’aucuns comprendront.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

La liste de professionnels assujettis est-elle donc mal calibrée, ou y a-t-il une faille dans l’application des obligations de communication relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme ? Cette liste ne mérite-t-elle pas d’être encore élargie ? D’autres améliorations permettant de renforcer l’efficacité de la lutte anti-blanchiment ne pourraient-elles pas être apportées ?

Le rapport que nous réclamons au travers de cet amendement permettrait d’apporter des réponses à ces questions essentielles. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous sommes pour la transparence la plus totale en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Les auteurs de cet amendement demandent un rapport au Gouvernement sur l’efficacité des obligations déclaratives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.

Or le rapport annuel de TRACFIN, qui analyse ces éléments en détail, répond déjà à vos préoccupations, monsieur Fortassin. Je vous suggère donc de retirer votre amendement.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 216 rectifié est retiré.

Chapitre II

Régulation du marché des matières premières

(Division et intitulé nouveaux)

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Après la première phrase du second alinéa du I de l’article L. 621-9, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Elle veille également à la régularité des opérations effectuées sur des contrats commerciaux relatifs à des marchandises liés à un ou plusieurs instruments financiers. » ;

2° Les c et d du II de l’article L. 621-15 sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« - un contrat commercial relatif à des marchandises et lié à un ou plusieurs instruments mentionnés aux alinéas précédents, dans les conditions déterminées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers ; »

3° À la fin du second alinéa de l’article L. 465-2, les mots : « de nature à agir sur les cours » sont remplacés par les mots : « ou d’un contrat commercial relatif à des marchandises et lié à un ou plusieurs des instruments mentionnés précédemment de nature à agir sur les cours desdits instruments ou actifs ». –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 118 rectifié bis, présenté par Mme Lienemann et MM. Dilain, Teulade, Chastan et Vandierendonck, est ainsi libellé :

Après l’article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 511-46 du code monétaire et financier, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L... - 1° Les établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, ainsi que toutes leurs filiales résidentes fiscales françaises et étrangères, ne peuvent réaliser de transactions impliquant un instrument financier dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole que si la contrepartie de la transaction peut faire la preuve que ledit instrument couvre un risque au sens et dans les conditions définies par la section 7 du chapitre Ier du titre Ier du livre V.

« 2° Sont considérées comme nulles les prises de positions sur les marchés dérivés de matières premières agricoles qui ne correspondent pas à la couverture d’un risque tel que visé au précédent alinéa.

« 3° Les établissements mentionnés au 1° et négociant des produits dérivés sur matières premières agricoles, sur ou hors d'une plateforme de négociation, sur les marchés réglementés et sur les marchés de gré à gré, fournissent à l’Autorité des marchés financiers une ventilation complète de leurs positions sur base hebdomadaire.

« 4° Sur la base de ces informations, l’Autorité des marchés financiers publie chaque trimestre un rapport concernant les activités menées par les établissements mentionnés au 1° sur les marchés réglementés de matières premières agricoles et les marchés de gré à gré. Ce rapport rend notamment publiques les informations relatives aux montants investis sur les marchés de matières premières agricoles, le type d’instruments financiers utilisés et les résultats financiers. Un décret détermine les modalités d’application du présent alinéa. »

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 199 rectifié bis, présenté par Mme Rossignol, M. Dilain, Mme Lienemann, MM. Madrelle, Fauconnier, Chastan, Antoinette, Madec, Leconte et Teston, Mmes Alquier et Claireaux, M. J.C. Leroy, Mme Bourzai, MM. Vincent et Rome, Mme Lepage et MM. Mirassou et Vandierendonck, est ainsi libellé :

Après l'article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 511-46 du code monétaire et financier, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - 1° Les établissements de crédit, compagnies financières et compagnies financières holding mixtes, ainsi que toutes leurs filiales résidentes fiscales françaises et étrangères, ne peuvent réaliser de transactions impliquant un instrument financier dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole que si la contrepartie de la transaction peut faire la preuve que ledit instrument couvre un risque au sens de l’article L. 511-47 du code monétaire et financier.

2° Sont considérées comme nulles les prises de positions sur les marchés dérivés de matières premières agricoles qui ne correspondent pas à la couverture d’un risque tel que visé au précédent alinéa. »

La parole est à Mme Laurence Rossignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Le dérèglement climatique et les politiques publiques de soutien aux agrocarburants ont joué un grand rôle dans la déstabilisation des marchés agricoles alimentaires, contribuant ainsi aux émeutes de la faim en 2008.

C’est à peu près à cette même époque que les institutions financières ont choisi d’investir massivement sur les marchés dérivés de matières premières agricoles. Aujourd'hui, seulement 35 % des opérations constatées sur ces marchés sont le fait de producteurs et de commerçants physiques.

Le présent projet de loi, qui a vocation à réguler et à moraliser les activités financières, interdit aux établissements bancaires de réaliser des opérations de spéculation pour compte propre sur les marchés dérivés de matières premières agricoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

C’est déjà une belle avancée.

Toutefois, nous serions un certain nombre à souhaiter aller plus loin dans la restriction des possibilités de spéculation, par une limitation des transactions sur les marchés dérivés de matières premières agricoles, c'est-à-dire des opérations que les banques effectuent au compte de leur client.

D’ailleurs, et je l’ai souligné hier, certaines banques, et non des moindres, ont fait le choix de l’autorégulation. Ainsi, la BNP et le Crédit agricole se sont engagés à ne plus vendre de produits dérivés à des opérateurs externes dont l’objectif serait exclusivement financier, c'est-à-dire ne serait pas lié à la nécessité de protéger une activité physique contre les fluctuations d’un prix.

Notre amendement va exactement dans le même sens. Par conséquent, son adoption permettrait aussi de protéger nos grandes banques.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 228 rectifié, présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les entreprises d’investissement, les établissements de crédit, les compagnies financières, les compagnies financières holding mixtes, leurs filiales telles que mentionnées au I de l’article L. 511-47, les compagnies d’assurances ne peuvent réaliser de transactions impliquant un instrument financier dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole que si la contrepartie de la transaction est une entreprise non financière qui peut faire la preuve que ledit instrument est destiné :

1° à atténuer les conséquences des variations de cours sur les marges commerciales, et

2° à sécuriser les coûts d’achat et/ou de vente à terme de la matière première agricole utilisée par l’entreprise non financière.

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Nous abordons une série d’amendements relatifs à la spéculation sur les matières premières agricoles.

Les marchés agricoles à terme ont été créés au XIXe siècle, afin d’assurer un prix aux fournisseurs et aux transformateurs de matières premières pour des biens livrés parfois plusieurs mois plus tard et avec des cours variables en raison du caractère aléatoire de la production.

Il s’agissait donc d’acheter des produits alimentaires avec un règlement à une échéance ultérieure, par exemple six mois ou un an plus tard, le client ayant la certitude de recevoir une livraison dans des termes connus à l’avance.

Il y avait toutefois un inconvénient ; d’où l’évolution constatée, car des investisseurs qui n’étaient pas directement concernés sont entrés dans le jeu. Je résumerai la situation en ces termes : « Pas de marché, c’est flou ; trop de marché, c’est fou ! »

« Pas de marché, c’est flou ! » En effet, une certaine fluidité est nécessaire pour avoir la réalité des prix. Sans un certain niveau de marché, on ne connaît pas le prix exact.

« Trop de marché, c’est fou ! » En effet, aujourd'hui, ce sont des investisseurs qui spéculent en masse sur les matières premières agricoles. Et le problème joue dans les deux sens : soit on manque de matières premières, ce qui provoque une montée des prix et mène à des crises alimentaires dans les pays qui ne peuvent plus s’approvisionner en riz ou en blé ; soit on a au contraire une surproduction, ce qui entraîne un effondrement des prix, donc la faillite d’entreprises agricoles et la ruine de producteurs.

Il faut donc trouver un équilibre entre le maintien d’un certain niveau de marché pour avoir de la fluidité et la lutte contre une spéculation trop importante sur les matières premières agricoles, sous peine de voir apparaître des prix dépourvus de tout lien avec les coûts réels de production et les capacités de paiement de certains pays en voie de développement.

Tel est le sens de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Les auteurs des amendements n° 199 rectifié bis et 228 rectifié prévoient que les banques peuvent réaliser des transactions sur un instrument financier dont le sous-jacent est une matière première agricole uniquement si la contrepartie de la transaction peut prouver que cet instrument sert de couverture à un risque.

Mes chers collègues, je vous rappelle les termes du débat.

D’un côté, nous avons un cycle agricole de production, avec des décalages, donc des problèmes de financement et de vente selon les périodes ; les acteurs de la filière agricole, qu’ils soient producteurs, intermédiaires ou vendeurs, ne sont pas des financiers.

De l’autre, nous avons des institutions spécialisées dans la prise en charge du risque financier, qu’il s’agisse de banques ou d’autres établissements, ce qui n’a rien de condamnable. À chacun son métier. Le travail d’un cultivateur de blé, ce n’est pas de suivre l’évolution du cours des céréales à la bourse de Chicago ! Ça, c’est le rôle des intermédiaires financiers, qui exercent leur mission de manière honnête et non spéculative, du moins nous l’espérons, même si la spéculation peut exister.

Nous avons déjà encadré de telles activités, en renforçant les pouvoirs de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, l’ACPR, et en inscrivant au titre de ses missions l’obligation de fixer des positions sur les marchés de matières premières et d’en assurer le contrôle. Le marché est donc déjà extrêmement contrôlé. L’ACPR procédera à des vérifications jour par jour, semaine par semaine, et elle interviendra pour fixer de nouvelles positions si elle l’estime nécessaire.

Ces amendements ne me paraissent pas opérants pour limiter la spéculation. En outre, ils visent seulement les banques françaises. Or, pour l’essentiel, les intervenants en la matière ne sont ni des banques ni des acteurs français. Le dispositif est ainsi très incomplet.

Par conséquent, la commission sollicite le retrait de ces amendements.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Nous avons déjà commencé à évoquer le sujet hier soir. Je ne reprendrai pas tous les arguments que j’ai développés.

Je n’ai pas pour objectif d’empêcher un certain nombre de professionnels de la filière agricole de poursuivre leurs activités. Pas, je me suis déjà déclaré favorable aux amendements n° 230 rectifié du groupe écologiste, 214 rectifié du groupe RDSE et 140 rectifié bis du groupe socialiste, qui tendent tous trois à insérer un article additionnel après l’article 4 quater.

Il me semble que si nous nous en tenons à ces amendements, nous disposerons d’un dispositif très complet de mesures permettant d’assurer la transparence de ces marchés, leur suivi par l’AMF et l’encadrement des opérations, bref d’en garantir le bon fonctionnement tout en évitant de les perturber.

Les objectifs que vous visez seraient ainsi atteints. Pour le reste, nous risquons de réitérer toujours la même démarche. Le mieux est l’ennemi du bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La définanciarisation de notre économie est un long chemin, sur lequel il faut avancer pas à pas. Je retire donc mon amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 199 rectifié bis est retiré.

Monsieur Desessard, l’amendement n° 228 rectifié est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Joël Bourdin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

M. Joël Bourdin. La description des acteurs des marchés de matières premières, telle qu’elle transparaît au travers des amendements qui viennent d’être défendus, ne laisse pas de m’étonner. Ainsi, celui de M. Desessard me paraît dater quelque peu du XIXe siècle. Je parle bien de l’amendement, et non de son auteur...

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

La première catégorie des acteurs de ces marchés rassemble les spécialistes des « marchés physiques », selon le terme technique communément employé, qui peuvent être des producteurs de blé ou des transformateurs, par exemple des fabricants de biscuits. Ces professionnels ont besoin de couvrir leurs risques. C’est aussi le cas des éleveurs qui achètent du soja pour leurs bêtes et qui ont besoin de couvrir leurs risques sur le marché à terme de cette céréale. Et il en est de même sur tous les marchés à terme, qu’il s’agisse de celui du cacao, du café, etc.

Je le répète, tous les acteurs professionnels des marchés à terme ont besoin de contrats leur permettant de couvrir leurs risques, que ce soit sur des échéances ou sur des livraisons qu’ils doivent effectuer ou réceptionner. Lorsqu’ils interviennent, ils reçoivent en quelque sorte l’assurance d’obtenir un certain prix de vente ou d’achat. Ces marchés, auxquels participent aussi des spéculateurs, fonctionnent donc comme des marchés d’assurance pour ces professionnels.

La deuxième catégorie d’acteurs est constituée par les spéculateurs, des personnes comme vous ou moi, qui interviennent sur les marchés par la vente ou l’achat de contrats et la pose d’options, pour orienter ceux-ci à la hausse ou à la baisse et profiter des fluctuations ainsi suscitées.

Il est évident que ces spéculateurs interviennent sur les marchés, mais je ne suis pas certain qu’ils en soient les acteurs les plus nombreux et les plus influents. En effet, lorsque l’on examine l’évolution des cours du blé et de ceux de la plupart des matières premières sur plusieurs années, on constate que la courbe des hausses et des baisses successives finit par ressembler au tracé d’un encéphalogramme assez compliqué.

Or cette évolution traduit avant tout des déséquilibres sur les marchés physiques. Vous n’allez pas me dire que ce sont les spéculateurs qui ont fait monter le prix du blé l’année dernière ! Cette hausse des cours s’est produite, en fait, quand la Russie a décidé d’un seul coup, à la suite de certaines difficultés, de ne plus exporter, ce qui a entraîné une raréfaction de cette marchandise sur les marchés. Or, en juin et en juillet de la même année, la sècheresse a frappé les États-Unis, et l’on savait qu’il y aurait moins de blé. C’est donc l’insuffisance de l’offre par rapport à la demande mondiale qui a créé un accroissement des prix.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Certes, cher collègue, ce phénomène a sans doute été accompagné par des spéculateurs, mais il est surtout lié aux données du marché.

De même, ce qui a fait grimper le cours du cacao, voilà quelques années, c’était la crise traversée par la Côte d’Ivoire, premier pays producteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Ce qui fait monter le prix d’un produit, c’est l’arrêt brutal de son exportation et l’insuffisance de ce produit sur le marché.

Encore une fois, il est possible que les spéculateurs aient accompagné ce phénomène. Je rappelle cependant, même si je ne suis pas là pour les défendre

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

La troisième catégorie d’acteurs, dont on ne parle jamais, ce sont les arbitragistes. Nous sommes là au cœur de l’amendement !

Les arbitragistes, qui ne sont pas des spéculateurs, interviennent sur les marchés pour tenter de limiter le caractère erratique des cours. Par exemple, considérant qu’il existe un écart trop élevé, lié à l’augmentation des taux d’intérêt, entre les cours affichés du mois de décembre et ceux du mois de septembre de la même année, ils peuvent vendre les contrats portant sur décembre pour faire baisser les cours, et acheter des contrats portant sur septembre pour les faire monter.

Ce faisant, ils lissent les cours et introduisent de la fluidité dans le fonctionnement des marchés. L’action de ces intervenants, qui ont besoin de nombreux moyens et sont souvent soutenus par des banques, doit donc être considérée non comme spéculative, mais comme liée au marché.

Les amendements qui viennent d’être présentés tendent à autoriser les interventions sur les marchés de matières premières agricoles aux seuls professionnels appartenant à la première catégorie. Selon moi, c’est insuffisant, car nous avons aussi besoin des autres acteurs.

Je suis donc bien évidemment opposé à ces amendements, à l’instar de M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Il convient d’aborder ce sujet des marchés agricoles, qui est à fois extrêmement important et très complexe, avec une grande précision.

Chacun conviendra que les marchés des produits dérivés des matières premières agricoles sont utiles et nécessaires. §En effet, ils mettent en relation des producteurs, qu’il s’agisse d’agriculteurs ou d’industriels du secteur agroalimentaire ayant besoin de matières premières agricoles pour les transformer, avec des organismes financiers. Mes chers collègues, si vous ôtez l’un des deux éléments de ce système, celui-ci ne peut plus fonctionner, tout simplement parce que les organismes financiers prennent en charge la couverture des risques des producteurs. Cet élément tout à fait incontestable figure d'ailleurs dans l’excellent rapport publié par Oxfam, auquel je souscris.

Le problème, c’est qu’il y a également sur ces marchés, sur lesquels sont passées des opérations directement liées à l’économie réelle, c’est-à-dire à la production, des produits dérivés, et donc, inévitablement, des phénomènes spéculatifs.

Or il se trouve que, au cours des dernières années, les phénomènes purement spéculatifs, totalement déconnectés de toute contrepartie relevant de l’économie réelle, ont pris une énorme importance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Permettez-moi, à cet égard, de rectifier les chiffres cités par Laurence Rossignol. La répartition des transactions opérées sur ces marchés, dont elle a fait état – 65 % relevant des spéculateurs et 35 % des producteurs –, n’est pas exacte ; ces chiffres, qui figurent bien dans le rapport d’Oxfam, ne concernent en effet que les échanges de blé enregistrés à la bourse de commerce de Chicago et ne rendent pas compte de la situation française.

Sur le marché à terme international de France, le MATIF, les proportions sont inverses : 75 % des transactions concernent l’économie réelle, et seulement 25 % des opérations peuvent être qualifiées de spéculatives.

Cela dit, deux solutions se présentent à nous.

La première, celle qui est prévue au travers des amendements n° 199 rectifié bis et 228 rectifié, respectivement présentés par Laurence Rossignol et Jean Desessard, revient en fait à interdire aux acteurs financiers l’accès à ces marchés, qui ne pourront ainsi plus fonctionner. Leur fonctionnement suppose en effet la présence tout à la fois de producteurs et d’acteurs financiers qui acceptent de couvrir leurs risques.

La seconde solution, proposée dans les amendements à venir n° 230 rectifié de Jean Desessard et 140 rectifié bis, déposé par Yannick Botrel au nom de mon groupe et que défendra François Marc, permettra, en revanche, à ces marchés de continuer à fonctionner.

Il s’agit en effet de mieux connaître ces marchés et d’imposer aux banques un reporting extrêmement précis des transactions passées en leur sein, afin de faire le tri entre celles qui sont directement corrélées à l’économie réelle et les opérations spéculatives. Disposer de ces connaissances représenterait d’ores et déjà un très grand progrès.

M. Desessard propose, par ailleurs, et nous voterons bien sûr son amendement, d’introduire sur la base de ces données des limites de position aux acteurs financiers intervenant sur ces marchés.

En permettant à ces marchés de continuer à fonctionner, tout en les contrôlant, nous accomplirons un progrès tout à fait considérable. C’est d’ailleurs exactement la position défendue par Oxfam dans son rapport, que nombre d’entre vous ont dû lire, et dont vous me permettrez de citer un extrait : « Ces limites de position constituent un outil-clef qui permettrait de lutter efficacement contre la spéculation excessive et l’ultra-financiarisation des marchés dérivés de matières premières agricoles ».

La position défendue par Yannick Botrel et Jean Desessard au travers de leurs amendements respectifs est donc in fine la même que celle d’Oxfam, à laquelle je souscris.

J’appellerais donc à voter contre l’amendement n° 228 rectifié si Jean Desessard décidait de le maintenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Nous aurions intérêt à distinguer, d’une part, les échanges, voire la spéculation, portant sur des produits réels, qui supposent l’existence de véritables engagements, et, d’autre part, ceux qui concernent des produits dérivés, c’est-à-dire au départ des contrats d’assurance. Le problème commence quand on se met à échanger non plus des produits mais des contrats, et à spéculer sur ces derniers. Ce n’est pas exactement la même chose !

Peut-être pourrions-nous, dans un premier temps, car cela paraît assez facile, interdire la spéculation sur les contrats. Il paraît plus complexe, en revanche, d’empêcher les opérations de spéculation consistant à acheter au bon moment pour revendre à meilleur prix.

En effet, cette spéculation sur les matières premières, sur les produits agricoles, remonte à la nuit des temps. C’est même l’une des premières activités spéculatives de l’humanité. Limiter les prises de position, comme tendent à le prévoir certains des amendements à venir, paraît beaucoup plus difficile.

L’amendement que nous avions déposé visait, quant à lui, à interdire la spéculation sur les contrats eux-mêmes, c’est-à-dire sur les produits qui ne sont pas liés à une transaction portant sur des matières véritablement existantes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Il existe incontestablement une relation entre les marchés financiers et les marchés physiques, qui sont tous indispensables.

Des dérives peuvent cependant se produire, ce qui peut poser problème, comme le montrent les quelques exemples que je vais citer.

Que des spéculateurs achètent en août la récolte de maïs 2012 qui n’est pas encore ramassée, passe encore ; on peut en effet considérer que cette opération n’est pas exempte d’une certaine vision. Toutefois, qu’ils achètent la récolte 2013, c’est ubuesque, et il faut bien entendu y mettre un terme !

Ces spéculateurs ont pour l'essentiel deux vices majeurs : d'une part, ils affaiblissent les producteurs au point de les étrangler ; d'autre part, ils accentuent le phénomène de la faim dans le monde.

Dans les pays pauvres, notamment, on a engagé les agriculteurs, qui représentent en général la majorité de la population, à délaisser les cultures vivrières pour se lancer dans des cultures spéculatives qui se retrouvent aux mains des spéculateurs. Résultat : ces populations nombreuses n'ont plus de revenus ou doivent se contenter de revenus très faibles et, dans le même temps, n’ont plus les cultures vivrières qui leur permettaient de s'alimenter.

Sur ce point, je serai très dur : la plupart de ces spéculateurs se comportent comme des criminels. Il faut tirer le signal d'alarme. Et si la représentation nationale ne le fait pas, qui le fera ?

Nous ne devons pas être la dupe d’un comportement respectable en apparence, d’une présentation irréprochable et d’un langage policé, encore que les spéculateurs ont souvent recours à un galimatias que nous ne comprenons guère.

Je le répète, nous avons le devoir d’alerter sur ces pratiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je remercie mon collègue du groupe du RDSE des exemples qu'il a donnés pour rendre compte de la spéculation sur les matières premières agricoles. Son inquiétude en la matière montre que nous sommes loin d'avoir résolu ce problème.

Pour autant, comme je l'ai fait remarquer hier au cours de la discussion générale, il faut considérer ce projet de loi comme une étape en vue d’un travail commun avec l'Europe visant à consolider la régulation des marchés financiers.

L’avis favorable du Gouvernement sur les amendements n° 230 rectifié et 214 rectifié, même si ceux-ci vont moins loin que la mesure prévue par l'amendement n° 228 rectifié, témoigne d’une meilleure prise en compte de la nécessité de réguler le marché des matières premières agricole. J’en suis conscient.

Par conséquent, même si j’aurais aimé que nous soyons plus audacieux sur ce sujet, je retire cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 228 rectifié est retiré.

L'amendement n° 233, présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les transactions impliquant un instrument financier de couverture de risques pour les opérateurs du physique dont l’élément sous-jacent est une matière première agricole devront être réalisées auprès d’une chambre de compensation, au plus tard le 1er janvier 2016.

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

On estime que 80 % des transactions agricoles se font de gré à gré ; c'est beaucoup. Il s’agit là d’une évaluation, car ces marchés, qui s’appuient sur des transactions bilatérales et qui, par définition, ne sont pas soumis à une autorité de contrôle, sont peu transparents. Cet état de fait facilite tous les montages financiers et offre une grande, une trop grande flexibilité.

Par comparaison, les marchés organisés sont régis par des autorités de gouvernance qui édictent un règlement intérieur, lequel précise notamment le montant des dépôts de garantie à constituer et permet de demander à un participant de réaliser des engagements d’achat ou de vente si l’autorité juge son volume d’engagement excessif par rapport à sa surface financière.

Ces marchés disposent d’une chambre de compensation des opérations ou d’un système de règlement-livraison où se déroulent simultanément le règlement et la livraison des contrats. De la sorte, il n’existe pas de risque de contrepartie et la transparence des transactions y est assurée. Ces marchés sont gouvernés par les ordres d’achat ou de vente, dont la confrontation dégage un « prix du marché ».

Pour mettre en place une mesure de plafonnement des positions prises par les opérateurs financiers, afin de circonscrire le champ de la spéculation sur les produits dérivés, une condition est nécessaire.

C’est d’ailleurs pour ces raisons que, à l’occasion du sommet du G20 de Pittsburgh, en 2009, soit l’année suivant la crise alimentaire, les chefs d’État et de gouvernement avaient décidé le transfert progressif des transactions de gré à gré vers des marchés organisés. Dans la déclaration « Améliorer les marchés de gré à gré de produits dérivés », ils s’engageaient à soutenir une transition des contrats de produits dérivés de gré à gré vers des plates-formes d’échanges ou des plates-formes de négociations électroniques et compensés par des contreparties centrales d’ici à la fin 2012 au plus tard.

De même, dans son rapport préparatoire aux G8 et G20 remis au mois d’octobre 2010 au Président de la République, Jean-Pierre Jouyet, alors président de l’Autorité des marchés financiers, insistait sur la nécessaire transparence des marchés financiers agricoles, en particulier les marchés de gré à gré, et proposait d’appliquer au monde agricole les mesures avancées dans le domaine financier par la Commission européenne.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, cet amendement a pour objet de rendre transparents les marchés de gré à gré.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Sur ce sujet, monsieur Desessard, nous avons une assez grande convergence de vue. En effet, vous prévoyez, au travers de cet amendement, que les transactions sur produits dérivés de couverture soient réalisées auprès d’une chambre de compensation.

De quoi s'agit-il ? Une chambre de conversation est le préalable à un marché organisé ; cela implique une publicité des achats et des ventes et le déroulement des transactions dans un lieu déterminé. La chambre de compensation s'engage à organiser le marché, à publier et, le cas échéant par exemple, à maintenir les prix et à garantir la reprise de produits et de contrats pour lesquels aucun acheteur ne se serait déclaré. Elle garantit donc la liquidité et fait en sorte que le système fonctionne.

Une chambre de compensation permet l'organisation d'un marché plus transparent, plus clair, avec des garanties de prix, et offre une sécurité supplémentaire aux différents acteurs.

Dans la mesure où, par définition, les contrats et transactions de gré à gré se font sans publicité – personne ne connaît les quantités échangées, le prix des transactions, etc. –, la création d’une chambre de compensation constitue à l’évidence un grand progrès. Bien plus, elle tend à devenir une obligation à l'échelon européen, avec l’entrée en vigueur du règlement européen EMIR, European market infrastructure regulation, qui demande à tous les pays d'organiser des chambres de compensation pour les différents produits que nous venons de mentionner.

C'est la raison pour laquelle cet amendement est satisfait.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Le ministre vous le confirmera sans doute dans un instant, monsieur Desessard.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Monsieur le sénateur, je comprends la préoccupation que vous exprimez par cet amendement : il faut améliorer la sécurisation et la transparence des transactions sur les produits dérivés de matières premières agricoles.

Je pense cependant, à l’instar de M. le rapporteur, que la chambre de compensation n’est pas le bon instrument pour y parvenir, car elle ne pourra être efficace sur un champ aussi vaste de produits dérivés.

Par ailleurs, l'outil que vous proposez n'est pas conforme à la réglementation européenne EMIR, qui prévoit déjà cette obligation de compensation centrale pour les produits dérivés de gré à gré, chaque fois que c’est possible et uniquement dans ces cas. C'est ce principe que le G20 a acté.

Dans la mesure où d'autres amendements, notamment l'amendement n° 230 rectifié sur lequel j'ai déjà annoncé que le Gouvernement émettrait un avis favorable, permettront de mettre en place un dispositif que je juge efficace et complet pour assurer la transparence et limiter la spéculation sur ces marchés, je vous invite à retirer l'amendement n° 233.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 233 est retiré.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 229, présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La section 4 du chapitre Ier du titre II du livre IV du code monétaire et financier est complétée par un article ainsi rédigé :

« Art. L. … – Dans les conditions fixées par son règlement général, l’Autorité des marchés financiers impose des limites aux positions sur instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole qu’une personne est autorisée à détenir et peut fixer des dérogations lorsque les positions en cause ont été constituées pour :

« 1° atténuer les conséquences des variations de cours sur les marges commerciales,

« 2° sécuriser les coûts d’achat et/ou de vente à terme de la matière première agricole utilisée par l'entreprise non financière. »

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Je retire cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 229 est retiré.

L'amendement n° 230 rectifié, présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- La section 4 du chapitre Ier du titre II du livre IV du code monétaire et financier est complétée par un article ainsi rédigé :

« Art. L. … – Dans les conditions fixées par son règlement général, l’Autorité des marchés financiers impose des limites aux positions sur instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole qu’une personne est autorisée à détenir et fixe des dérogations notamment lorsque les positions en cause ont été constituées à des fins de couverture.

II.-Le présent article s'applique à partir du 1er juillet 2015.

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

À défaut de pouvoir interdire complètement la spéculation sur les matières premières agricoles, je propose par cet amendement d’introduire une forme de contrôle et de régulation en dotant l’Autorité des marchés financiers du pouvoir d’établir des limites aux positions des opérateurs financiers sur les marchés à terme de matières premières agricoles.

Le principe d’imposer des limites aux positions que sont susceptibles de détenir les acteurs de marché n’est pas une idée nouvelle. Nous nous inspirons ici de l’esprit de la réglementation existante aux États-Unis et mise en place par la CFTC – non pas le syndicat, mais la Commodities futures trading commission

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Depuis 2011, cette structure met en œuvre une réglementation en matière de limites de position par la fixation de plafonds, imposés ex ante, qui déterminent le nombre de contrats ouverts que peut détenir un même opérateur sur un produit financier ou une gamme donnée de produits financiers ayant le même sous-jacent.

Les États-Unis jouent un rôle de pionnier en la matière. Cette question est l’objet de la refonte de la directive européenne sur les marchés d’instruments financiers. Il serait heureux que la France, en particulier le Sénat, se positionne dès aujourd’hui sur cette option, pour affirmer nos choix dans le cadre des négociations européennes.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet amendement tend à prévoir que l’AMF fixe des limites de position sur dérivés sur les matières premières. Nous avons déjà largement débattu de ce sujet.

La commission des finances émet un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

M. Jean Desessard. Tout arrive, il suffit d'attendre !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Le Gouvernement émet également un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Joël Bourdin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Joël Bourdin

Cet amendement me semble satisfait par la pratique des organismes de compensation.

Il existe deux façons de réguler le marché et les contrats à terme.

En premier lieu, il est possible d’agir sur les positions autorisées : acheteurs, vendeurs, échéances, etc. Ainsi, en cas de surchauffe, les organismes de compensation limitent les positions des acheteurs, si la tendance est à la hausse, ou celles des vendeurs, si le cours est à la baisse.

En second lieu, les organismes de compensation peuvent intervenir sur le montant de garantie et l’augmenter si les circonstances l’exigent. Sur les marchés à terme, la spéculation existe, l’acheteur ne devant verser qu’une garantie initiale qui représente 7 %, 8 %, quelquefois 10 % du total de la transaction, alors que l’échéance est de plusieurs mois.

Même si cette pratique existe déjà dans la plupart des organismes de compensation, il est bon de le rappeler à l’AMF. C'est la raison pour laquelle je voterai cet amendement.

Nouveaux sourires.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 quater.

L'amendement n° 231 rectifié, présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les entreprises d’investissement, les établissements de crédit, les compagnies financières, les compagnies financières holding mixtes, leurs filiales telles que mentionnées au I de l’article L. 511-47 et les compagnies d’assurances ne peuvent proposer à leurs clients aucun fonds d’investissement indexés, même partiellement, sur des matières premières agricoles.

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Dans leur rédaction comme dans leur philosophie, les dispositions de cet amendement ressemblent à celles de l'amendement n° 228 rectifié. Comme j’ai accepté de retirer celui-là, je retire également celui-ci, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 231 rectifié est retiré.

L'amendement n° 214 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Alfonsi, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Après l'article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre Ier du titre V du livre IV du code monétaire et financier est complété par une section ainsi rédigée :

« Section … – Obligation d’information par les personnes détenant des instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole

« Art. ... . – Toute personne détenant des instruments financiers dont le sous-jacent est constitué en tout ou partie d’une matière première agricole, au-delà d’un seuil de détention fixé pour chaque matière première concernée par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers et dans les conditions fixées par ce dernier, communique quotidiennement le détail de ses positions à l’Autorité des marchés financiers. »

La parole est à M. François Fortassin.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

L’amendement n° 214 rectifié tend à obliger toute personne dépassant un seuil de détention d’instruments financiers relatifs à des matières premières à déclarer ses positions à l’AMF.

L’amendement n° 140 rectifié bis, que nous allons examiner dans quelques instants, a, lui, pour objet d’obliger l’AMF à publier un rapport hebdomadaire présentant les positions agrégées sur les différents instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole.

Nous allons donc toujours dans le sens, opportun selon moi, d’un renforcement des pouvoirs de l’AMF, qu’il s’agisse de connaître les positions prises sur le marché ou de les limiter.

La commission est favorable à ces instruments, qui permettront au régulateur de mieux connaître les positions et les acteurs présents sur ces marchés.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 quater.

L'amendement n° 140 rectifié bis, présenté par MM. Botrel et Caffet, Mme M. André, M. Berson, Mme Espagnac, MM. Frécon, Germain, Haut, Hervé, Krattinger, Marc, Massion, Miquel, Patient, Patriat, Rebsamen, Todeschini, Yung et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre II du livre IV du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° La section 6 du chapitre Ier est complétée par un article ainsi rédigé :

« Art. L. … – L’Autorité des marchés financiers publie un rapport hebdomadaire présentant les positions agrégées détenues par les différentes catégories de personnes détenant des instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole négociés sur un marché réglementé et qui lui ont été communiquées en application de l’article L. 451-5.

« Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers prévoit les conditions d’application du présent article. » ;

2° La section 2 du chapitre IV est complétée par un article ainsi rédigé :

« Art. L. … – L’Autorité des marchés financiers publie un rapport hebdomadaire présentant les positions agrégées détenues par les différentes catégories de personnes détenant des instruments financiers dont le sous-jacent est une matière première agricole négociés sur un système multilatéral de négociation et qui lui ont été communiquées en application de l’article L. 451-5.

« Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers prévoit les conditions d’application du présent article. »

La parole est à M. François Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Nous avons déjà longuement évoqué le problème du détournement des instruments de couverture des risques, instruments qui ont, au demeurant, toute leur utilité en matière agricole.

Les détournements importants qui ont été constatés ont amené le Gouvernement à introduire dans le projet de loi une interdiction pour la filiale cantonnée d’opérer à titre propre sur ce marché, ce qui est une très bonne chose.

Il apparaît toutefois nécessaire à nombre d’entre nous d’aller plus loin dans l’encadrement des activités au compte de clientèle.

Comme pour l’encadrement des relations avec les hedge funds, nous sommes face à deux options.

L’une, assez radicale, défendue à travers plusieurs amendements, consiste à interdire l’essentiel des transactions dès lors qu’elles ne couvriraient pas un risque économique, agricole ou industriel. Comme Jean-Pierre Caffet l’a clairement démontré tout à l’heure, la limite de cette solution est qu’elle prive en réalité les acteurs, qui doivent impérativement se couvrir, d’acheteurs qui porteront le risque. Or le problème de ces marchés, ce n’est pas la présence d’intervenants financiers, c’est la déconnexion entre le volume de titres échangés et les volumes de matières premières agricoles.

En outre, la question des matières premières agricoles se posant à un niveau international, il ne peut être réglé que dans un cadre international. C’est pourquoi, avec mes collègues du groupe socialiste, à l’interdiction sous différentes formes je préfère l’encadrement des positions prises, dans la logique que promeut la directive MIF 2, en cours de négociation.

C’est dans cet esprit que nos collègues écologistes et radicaux de gauche proposent de mettre en place un système de reporting régulier des acteurs financiers, au-delà des seules banques. Ce reporting se fera sous le contrôle de l’AMF, qui pourra fixer des limites de positions individuelles, afin d’éviter toute perturbation du marché.

Ces amendements complètent d’ailleurs les améliorations apportées à l’Assemblée nationale et en commission des finances sur les manipulations de cours.

Par cet amendement, qui vise à compléter le dispositif introduit par les amendements du RDSE et du groupe écologistes, nous demandons que la surveillance opérée par l’AMF fasse l’objet d’un rapport hebdomadaire, qui permettra d’identifier les différents acteurs et les volumes échangés.

Nous savons que la spéculation se nourrit d’une certaine opacité. Dès lors, créer de la transparence aura forcément pour effet de dissuader la spéculation.

Nous pensons que le système ainsi mis en place assurera un encadrement optimal du marché, qui permettra à la fois de couvrir utilement les risques agricoles et de limiter les fluctuations de cours, donc, par voie de conséquence, les effets pervers que peut engendrer la spéculation.

Cet ajout au dispositif, déjà très élaboré, que vous avez mis au point avec ce projet de loi, monsieur le ministre, nous semble utile.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

La parole est à M. Francis Delattre, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Francis Delattre

Nous approuvons les intentions qui sous-tendent cet amendement, mais, à vrai dire, il ne change pas grand-chose.

De plus, je me demande si la disposition qu’il introduit ne serait pas plutôt de nature réglementaire. Du reste, j’ai le sentiment que, au fil de nos débats, nous incluons dans la loi des mesures qui me semblent relever du domaine du règlement.

Si M. le ministre s’engageait à inclure ce dispositif dans un futur texte réglementaire, cela ne suffirait-il pas ?

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Cette disposition relève bien du domaine législatif, monsieur le sénateur.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 quater.

L'amendement n° 232 rectifié, présenté par MM. Desessard, Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l'article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les entreprises d’investissement, les établissements de crédit, les compagnies financières, les compagnies financières holding mixtes, leurs filiales telles que mentionnées au I de l’article L. 511-47 et les compagnies d’assurances doivent tenir une comptabilité séparée pour les opérations liées à la conclusion des contrats financiers sur les marchés dérivés de matières premières agricoles et sur les marchés de gré à gré.

Ces informations sont transmises à l’Autorité des marchés financiers, de façon hebdomadaire. Chaque trimestre, l’Autorité des marchés financiers publie un rapport, rendu public, présentant pour chaque établissement les montants investis sur les marchés de matières premières agricoles, la typologie des instruments financiers utilisés et des résultats financiers.

La parole est à M. Jean Desessard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Cet amendement porte sur la transparence.

Nous avons constaté précédemment une convergence pour dire qu’il existe un lien entre spéculation sur les matières premières agricoles et accentuation de la volatilité des prix alimentaires, même si d’autres facteurs ont aussi une incidence sur ces variations de prix.

Nous avons noté que les fonds indexés sur les matières agricoles créés en France l’ont été après la crise alimentaire de 2008.

Nous avons indiqué que les investisseurs institutionnels étaient largement représentés parmi les souscripteurs des fonds indexés, en tout ou en partie, sur les matières premières agricoles.

Si nous voulons que la spéculation sur les matières premières agricoles et la financiarisation à outrance de ces marchés cessent, encore faut-il avoir une idée précise de l’activité des banques et des investisseurs sur ces marchés.

Mais l’exigence de transparence, pour être efficace, doit être conditionnée à une notification régulière de l’évolution de ces positions puisque, comme avec le trading à haute fréquence, ce sont les variations rapides qui permettent d’identifier une activité purement spéculative sur un marché. Elle doit être également conditionnée à la publication de ces notifications.

Pour freiner, voire stopper cette financiarisation des marchés agricoles, il faut pouvoir disposer d’un « levier de pression ». Et quel meilleur « levier de pression » que la transparence sur les activités ?

La publication du rapport d’Oxfam France, en février dernier, a déjà conduit BNP Paribas à suspendre les souscriptions à son fonds Parvest World Agriculture, indexé à 100 % sur le cours de matières premières agricoles, et à fermer son fonds ETF Ultra Light Energy, indexé à plus de 40 % sur les matières premières agricoles.

Cette transparence a également conduit le Crédit Agricole à fermer trois fonds indiciels qui permettaient à ses clients de spéculer sur les matières premières agricoles.

De son côté, le groupe Axa a fourni à l’ONG des informations sur plusieurs fonds, que l’opacité du système financier ne lui avait pas permis d’identifier.

C’est bien lorsqu’elles sont confrontées à une obligation de transparence que les banques s’organisent.

On peut également estimer que les banques et investisseurs « irréprochables » en la matière gagneront à voir publier ces informations. Les investisseurs vertueux, ceux qui ont le souci de l’éthique, se repéreront ainsi mieux dans le paysage bancaire.

C’est la transparence des positions, leur communication régulière à l’AMF et leur publication que nous préconisons au travers de cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet amendement impose une comptabilité séparée pour les opérations liées à la conclusion de contrats financiers sur les marchés dérivés de matières premières agricoles et sur les marchés de gré à gré, lesquels peuvent concerner d’autres sous-jacents que les matières premières agricoles – des actions, des obligations, des indices, du pétrole, que sais-je encore…

La commission des finances sollicite le retrait de cet amendement, monsieur Desessard, en dépit de vos excellents arguments invoquant la transparence et la vertu.

La vertu est souvent citée dans cet hémicycle, mais Offenbach nous a appris ce qu’il fallait en penser… §

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il y a de petites et de grandes vertus !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Pour ce qui concerne les matières premières agricoles, les amendements que nous venons d’adopter sur la communication des positions quotidiennes et hebdomadaires à l’AMF et la fixation de limites de positions me semblent de nature à répondre à vos préoccupations, monsieur Desessard.

S’agissant des contrats sur les marchés de gré à gré, un problème de définition se pose puisque vous englobez l’ensemble des transactions, qu’elles concernent ou non les matières premières agricoles. Or cette mesure est probablement irréalisable sur le plan technique.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Je me range à l’avis de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Desessard

Vous avez reconnu que cet amendement portait une vraie question, monsieur le rapporteur. Vous estimez toutefois qu’il serait aujourd'hui techniquement difficile de le mettre en œuvre.

Comme je l’ai dit, je considère ce projet de loi comme une étape. Je retire donc cet amendement, en espérant que, lors d’une prochaine étape, y compris à l’échelon européen, nous pourrons mettre en place ces instruments de transparence.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 232 rectifié est retiré.

L'amendement n° 215 rectifié, présenté par MM. Collin, Mézard, Alfonsi, Baylet, C. Bourquin, Bertrand, Chevènement et Fortassin, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Après l'article 4 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 décembre 2014, le Gouvernement remet au Parlement un rapport dressant un bilan des mesures visant à lutter contre la volatilité des prix des matières premières agricoles, notamment à travers la régulation des marchés de dérivés sur matières premières agricoles.

La parole est à M. François Fortassin.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Cet amendement reflète la préoccupation des membres du RDSE quant à la spéculation sur les matières premières agricoles et ses incidences.

Le G20 présidé par la France en 2011 avait donné lieu à un certain nombre de déclarations relatives à l’influence des marchés financiers agricoles sur les marchés physiques et sur les risques qui y sont associés, notamment en termes de volatilité des prix des matières premières.

« Nous reconnaissons que des marchés financiers agricoles régulés de façon appropriée et transparents sont effectivement essentiels au bon fonctionnement des marchés physiques », avaient ainsi déclaré les ministres de l’agriculture des vingt principales puissances mondiales, à Paris, voilà deux ans.

Mais où en sommes-nous sur cette question ?

Il nous semble que, depuis 2011, il n’y a pas eu beaucoup d’avancées en matière de régulation et de transparence ; du reste, la place occupée dans le présent débat par les problèmes que pose la spéculation sur les matières premières agricoles en témoigne.

Par cet amendement, nous demandons qu’un rapport permette de faire le point sur ce sujet et d’en tirer les conséquences pour limiter les dérives des marchés financiers agricoles.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

L’amendement prévoit la rédaction d’un rapport dressant le bilan des mesures visant à lutter contre la volatilité des prix des matières premières agricoles.

La commission sollicite le retrait de cet amendement. En effet, des organismes internationaux comme le FMI, l’OCDE ou, en France, le Conseil de stabilité financière font régulièrement paraître des études sur ce point.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Il ne faudrait pas se contenter de grandes déclarations à l’occasion des conférences internationales, car, en fin de compte, rien ne bouge, hélas !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Je veux bien retirer cet amendement comme cela m’est demandé, mais le fond du problème demeure.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L’amendement n° 215 rectifié est retiré.

Chapitre III

Encadrement du trading à haute fréquence

(Division et intitulé nouveaux)

Le chapitre Ier du titre V du livre IV du code monétaire et financier est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Obligation d’information sur les dispositifs de traitement automatisés

« Art. L. 451-3-1. - Toute personne utilisant des dispositifs de traitement automatisés doit :

« 1° Notifier à l’Autorité des marchés financiers l’utilisation de dispositifs de traitement automatisés générant des ordres de vente ou d’achat de titres de sociétés dont le siège social est localisé en France ;

« 2° Assurer une traçabilité de chaque ordre envoyé vers un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation, conserver pendant une durée fixée par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers tout élément permettant d’établir le lien entre un ordre donné et les algorithmes ayant permis de déterminer cet ordre, conserver tous les algorithmes utilisés pour élaborer les ordres transmis aux marchés et les transmettre à l’Autorité des marchés financiers lorsqu’elle en fait la demande.

« Les personnes utilisant des dispositifs de traitement automatisés doivent mettre en place des procédures et des dispositifs internes garantissant la conformité de leur organisation avec les règles du 2°.

« Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers prévoit les conditions d’application du présent article. » –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 202, présenté par Mme Espagnac, M. Caffet et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l'article 4 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le huitième alinéa de l’article L. 533-10 du code monétaire et financier, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« 8. Lorsque les prestataires de services d’investissement fournissent un accès direct à une plate-forme de négociation à une autre personne, signer un accord écrit contraignant avec cette personne portant sur les droits et obligations essentiels découlant de la fourniture de ce service et stipulant que le prestataire de services d’investissement conserve la responsabilité de garantir la conformité des négociations effectuées par son intermédiaire, puis mettre en place les systèmes permettant au prestataire de service d’investissement de vérifier le respect des engagements prescrits par ledit accord, s’agissant notamment de la prévention de toute perturbation du marché ou abus de marché. »

La parole est à Mme Frédérique Espagnac.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Espagnac

Le présent amendement vise à renforcer le dispositif permettant de mieux encadrer les acteurs du trading à haute fréquence, qui bénéficient souvent d’accès directs au marché, particulièrement utiles à la mise en place de leurs stratégies spéculatives.

Les participants de marché ne doivent plus, à terme, pouvoir offrir d’accès direct à leurs clients sans contrôle préalable sur les flux d’ordres transmis.

Ces pratiques, dites de naked market access, participent grandement à la volatilité des cours et permettent de réaliser des profits colossaux. Ce contrôle, matérialisé par un contrat écrit, vise donc à assurer la stabilité du marché, à prévenir les abus et à garantir la pleine responsabilité du membre de marché à l’égard des flux de ses clients.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Cet amendement vise à empêcher que les plateformes boursières ne soient mises à disposition de clients, quels qu’ils soient – traders, personnes physiques, entreprises ou intermédiaires –, sans contrôle de la part des propriétaires de ces plateformes.

Il s’agit d’une pratique discutable et la commission émet un avis favorable sur cet amendement, qui complète utilement un certain nombre d’autres amendements portant sur le trading à haute fréquence.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 quinquies.

Le titre II du livre IV du code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° La section 4 du chapitre Ier est complétée par un article un article L. 421-16-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 421-16-1. - I. - L’entreprise de marché met en place des procédures assurant que ses systèmes possèdent une capacité suffisante de gestion de volumes élevés d’ordres et de messages et permettent un processus de négociation ordonné en période de tensions sur les marchés. Ses systèmes sont soumis à des tests afin de confirmer que ces conditions sont réunies dans des conditions d’extrême volatilité des marchés. L’entreprise de marché met en place des mécanismes assurant la continuité des activités en cas de défaillance imprévue des systèmes.

« II. - L’entreprise de marché met en place des mécanismes permettant de rejeter les ordres dépassant des seuils de volume et de prix qu’elle aura préalablement établis ou des ordres manifestement erronés, de suspendre temporairement la négociation en cas de fluctuation importante des prix d’un instrument financier sur le marché et, dans des cas exceptionnels, d’annuler des transactions.

« III. - L’entreprise de marché met en place des procédures et des mécanismes pour garantir que les personnes utilisant des dispositifs de traitement automatisés ne créent pas des conditions de nature à perturber le bon ordre du marché. Elle prend notamment des mesures, en particulier tarifaires, permettant de limiter le nombre d’ordres non exécutés.

« Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers prévoit les conditions d’application du présent article. » ;

2° La section 2 du chapitre IV est complétée par un article L. 424-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 424-4-1. - I. - La personne qui gère un système multilatéral de négociation met en place des procédures assurant que ses systèmes possèdent une capacité suffisante de gestion de volumes élevés d’ordres et de messages et permettent un processus de négociation ordonné en période de tensions sur les marchés. Ses systèmes sont soumis à des tests afin de confirmer que ces conditions sont réunies dans des conditions d’extrême volatilité des marchés. L’entreprise de marché met en place des mécanismes assurant la continuité des activités en cas de défaillance imprévue des systèmes.

« II. - La personne qui gère un système multilatéral de négociation met en place des mécanismes permettant de rejeter les ordres dépassant des seuils de volume et de prix qu’elle aura préalablement établis ou des ordres manifestement erronés, de suspendre temporairement la négociation en cas de fluctuation importante des prix d’un instrument financier sur le marché et, dans des cas exceptionnels, d’annuler des transactions.

« III. - La personne qui gère un système multilatéral de négociation met en place des procédures et des mécanismes pour garantir que les personnes utilisant des dispositifs de traitement automatisés ne créent pas des conditions de nature à perturber le bon ordre du marché. Elle prend notamment des mesures, en particulier tarifaires, permettant de limiter le nombre d’ordres non exécutés.

« Le règlement général de l’Autorité des marchés financiers prévoit les conditions d’application du présent article. » –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

L'amendement n° 83 rectifié, présenté par M. Bocquet, Mme Beaufils, M. Foucaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 4 sexes

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le a du 3° du II de l’article 235 ter ZD du code général des impôts est complété par les mots : « selon les critères techniques définis par l’Autorité des Marchés Financiers en ce qui concerne la taille, le prix ou « écart de cours » et le temps de présence sur le marché ».

La parole est à M. Éric Bocquet.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Il s’agit d’un amendement de cohérence.

Nous avons eu l’occasion d’indiquer, lors de la discussion de l’article 4 bis A, tout le bien que nous pouvions penser des limites de la taxation des transactions financières telle qu’elle est prévue par l’article 235 ter ZD du code général des impôts. Cet article dispose en effet que cette taxation n’est pas applicable aux opérations de tenue de marché répondant à certains critères spécifiques :

« Ces activités sont définies comme les activités d’une entreprise d’investissement ou d’un établissement de crédit ou d’une entité d’un pays étranger ou d’une entreprise locale membre d’une plateforme de négociation ou d’un marché d’un pays étranger lorsque l’entreprise, l’établissement ou l’entité concernée procède en tant qu’intermédiaire se portant partie à des opérations sur un instrument financier, au sens de l’article L. 211-1 du même code :

« a) Soit à la communication simultanée de cours acheteurs et vendeurs fermes et compétitifs de taille comparable, avec pour résultat d’apporter de la liquidité au marché sur une base régulière et continue ;

« b) Soit, dans le cadre de son activité habituelle, à l’exécution des ordres donnés par des clients ou en réponse à des demandes d’achat ou de vente de leur part ;

« c) Soit à la couverture des positions associées à la réalisation des opérations mentionnées aux a et b ; »

Pour aller à l’essentiel, je dirai qu’avant même d’appliquer un dispositif de taxation des transactions financières, on a commencé par définir les opérations qui échapperaient à ladite taxation !

Notre amendement tend donc à compléter cet article afin que l’assiette de la taxe soit quelque peu élargie et son rendement, majoré à due proportion.

Assurer la liquidité du marché ou répondre aux ordres donnés par les clients : ce sont là deux motifs qui apparaissent comme suffisamment vagues pour permettre de déclassifier facilement certaines opérations de haute fréquence, d’échapper à l’impôt et de prolonger la poursuite des pratiques financières les plus discutables.

Nous recommandons donc que l’Autorité des marchés financiers se penche avec plus de précision sur les spécifications techniques de ces opérations dites de « tenue de marché » afin que nous puissions requalifier celles dont le caractère spéculatif est avéré.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Il s’agit en fait d’une proposition de modification de la taxe sur les transactions financières, ainsi que de la taxe sur le trading à haute fréquence.

J’avancerai deux arguments pour amener M. Bocquet à le retirer.

En premier lieu, je l’ai déjà indiqué hier, la bonne façon, selon moi, de lutter contre les dérives du trading à haute fréquence est celle que prévoit le dispositif de l’article 4 sexies, qui introduit des règles tarifaires de nature à décourager l’annulation des ordres. Il s’agit de l’outil efficace permettant de lutter contre la spéculation, ou l’excès de spéculation, sur ce marché.

En second lieu, monsieur Bocquet, vous nous proposez une modification de nature fiscale qui aurait plutôt sa place dans une loi de finances.

Debut de section - Permalien
Pierre Moscovici, ministre

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Je maintiens l’amendement, monsieur le président.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Jean-Pierre Bel.