La séance est ouverte à dix heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (projet n° 551, texte de la commission n° 667, rapport n° 666, avis n° 634, 635, 649 et 650).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du chapitre III du titre II, aux amendements tendant à insérer des articles additionnels après l’article 19.
TITRE II
PRODUIRE ET TRAVAILLER
Chapitre III
Protéger les écosystèmes et la diversité biologique
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 842 est présenté par MM. Gontard, Dantec, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 1738 rectifié est présenté par Mme Préville, MM. J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert et Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre II du livre III du code de la santé publique est complété par un article L. 1321-5-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1321 -5 -…. – Le contrôle sanitaire de la qualité des eaux potables contrôle la présence des substances per- et polyfluoroalkylées dans les eaux destinées à la consommation humaine. Un décret du ministre chargé de la santé pris après avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail détermine les conditions d’échantillonnage. »
La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 842.
Cet amendement déposé par le président de notre groupe, Guillaume Gontard, a pour objet des substances au nom imprononçable : les perfluoroalkyles et les polyfluoroalkyles (PFAS).
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l ’ aménagement du territoire et du développement durable. Vous l’avez très bien prononcé !
Sourires.
Ces substances ne font toujours pas partie des paramètres soumis à l’obligation du contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine, alors même que leur toxicité, d’un point de vue aussi bien environnemental que sanitaire, est prouvée.
À ce jour, les seules données nationales relatives à la présence de PFAS dans les eaux distribuées qui sont utilisées sont extraites d’un rapport que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a consacré à la campagne nationale d’occurrence des composés alkyles perfluorés dans les eaux destinées à la consommation humaine, document publié en mai 2011.
Or – on le sait – la contamination de l’environnement par les PFAS et leur accumulation dans les organismes des personnes contaminées se sont poursuivies depuis.
Récemment, le seuil d’exposition tolérable aux quatre PFAS les plus couramment utilisés, établi par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), a été nettement réévalué à la baisse : ce seuil a été divisé par 2 500 entre 2008 et 2020.
En outre, comme le souligne l’Anses dans ses recommandations, il n’existe pas à ce jour de valeurs toxicologiques de référence pour tous les PFAS, ce qui empêche la construction de valeurs sanitaires maximales.
Il est donc indispensable que des études généralisées soient menées sur tous les PFAS et que des valeurs guides soient établies.
Enfin, au regard de l’enjeu majeur de santé publique que représentent les PFAS, nous jugeons indispensable d’établir des valeurs guides de ces substances et d’effectuer des contrôles plus réguliers, ce qui passe par leur prise en compte dans le contrôle de qualité des eaux potables.
La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 1738 rectifié.
Cet amendement, dont Joël Labbé vient de présenter les dispositions, vise à créer un nouvel article dans le code de la santé publique afin de prévoir un contrôle sanitaire de la qualité des eaux potables renforcé, identifiant la présence des perfluoroalkyles et des polyfluoroalkyles.
En effet, ces substances ne font pas partie des paramètres soumis à l’obligation du contrôle sanitaire des eaux destinées à la consommation humaine, alors même que leur toxicité, d’un point de vue aussi bien environnemental que sanitaire, est prouvée.
À ce jour, les seules données nationales concernant leur présence dans les eaux distribuées sont extraites d’un rapport de l’Anses déjà vieux de dix ans : ce document, portant sur la campagne nationale d’occurrence de ces composés dans les eaux destinées à la consommation humaine, a été publié en mai 2011.
Pourtant, la contamination de l’environnement par ces PFAS et leur accumulation dans les organismes des personnes contaminées se sont évidemment poursuivies. Pourquoi ? Parce que ces polluants sont très persistants, que ce soit dans l’environnement ou chez les êtres vivants.
Or ce groupe de plus de 4 700 composés est fortement utilisé dans les procédés industriels et dans les produits de consommation, comme les emballages alimentaires. On les retrouve dans des enduits protecteurs, dans l’habillement, notamment dans les vêtements de sport, dans les revêtements antiadhésifs ou encore dans les mousses ignifuges.
J’y insiste, ces produits ne se dégradent pas dans l’environnement : ils vont donc s’accumuler et, malheureusement, on les retrouve presque partout. On en a détecté jusque dans l’Arctique, ce qui est très inquiétant, compte tenu de leur toxicité.
Au regard de l’enjeu majeur de santé publique que représentent les PFAS, nous demandons l’inscription de ces dispositions dans le code de la santé publique !
Ces amendements tendent à rendre obligatoire la recherche des substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées dans les eaux destinées à la consommation humaine.
Cette recherche aurait notamment une incidence sur le coût de l’eau facturé au consommateur, dans une proportion qui n’a pas été évaluée à ce stade. Avant de la systématiser, il convient de mieux connaître ces substances et la manière de lutter contre elles.
C’est la raison pour laquelle j’émettrai un avis favorable sur les amendements identiques n° 521 et 1739, qui seront examinés dans quelques instants et qui tendent à demander un rapport relatif à ces substances.
En revanche, les amendements n° 842 et 1738 rectifié reçoivent un avis défavorable de la part de la commission.
Monsieur Labbé, madame Préville, l’introduction d’un tel contrôle ne relève pas du domaine de la loi. Cela étant, votre préoccupation est tout à fait fondée : aujourd’hui, ces substances font l’objet d’une vigilance accrue et leurs impacts sont étudiés très précisément. Nous devons le prendre en considération.
Le contrôle de l’eau destinée à la consommation humaine est actuellement encadré par plusieurs articles du code de la santé publique ; ces dispositions transposent une directive européenne de 1998, qui a fixé un cadre précis à cette surveillance.
Ainsi, par l’arrêté du 11 janvier 2007 relatif aux limites et références de qualité des eaux brutes et des eaux destinées à la consommation humaine, nous avons mentionné aux articles R. 1321-2, R. 1321-3, R. 1321-7 et R. 1321-38 du code de la santé publique les paramètres à surveiller tout au long de la chaîne de production et de distribution d’eau potable, au regard des exigences de qualité associées.
Sur le fond, les substances en question ne font effectivement pas encore partie des paramètres surveillés dans les eaux destinées à la consommation humaine.
Cette disposition est apparue dans la toute récente directive européenne Eau potable, du 16 décembre 2020. La surveillance de ces paramètres est en cours d’introduction : la France sera dans l’obligation de transposer cette directive avant le 12 janvier 2023 et les délais seront tenus – je m’y engage. Votre préoccupation sera donc prise en compte.
Je précise que ces travaux sont menés par le ministère des solidarités et de la santé, car c’est de lui que relève cette disposition.
Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer vos amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Madame la secrétaire d’État, qu’il s’agisse de la pollution des eaux, des sols ou de l’air, l’utilisation de la chimie dans nos vies représente un impensé global.
Vous faites valoir que ces dispositions sont de nature réglementaire ; mais, à l’évidence, la réglementation n’avance pas suffisamment vite et c’est notre responsabilité d’intervenir, car la dangerosité de ces substances est connue.
J’y insiste, le rapport de l’Anses a déjà dix ans : la lenteur avec laquelle ces contrôles sont mis en œuvre ne peut que nous interpeller. Pendant ce temps, les contaminations continuent. Ces produits s’accumulent dans nos tissus : nous, êtres humains, sommes aussi particulièrement concernés !
Madame la secrétaire d’État, nous avons entendu vos engagements : en l’absence de Guillaume Gontard, je suis tenu de maintenir cet amendement. Mais, pour nous, le plus important, c’est l’adoption de l’amendement suivant, que défendra Daniel Salmon !
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 521 est présenté par MM. Gontard, Dantec, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires.
L’amendement n° 1739 est présenté par Mme Préville, MM. J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert et Devinaz, Mme M. Filleul, MM. Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur la pollution des eaux et des sols par les substances per- et polyfluoroalkyles. Ce rapport propose notamment des solutions applicables pour la dépollution des eaux et des sols contaminés par des substances per- et polyfluoroalkyles.
II. – Le Gouvernement fournit systématiquement un nouveau rapport sur ce sujet à chaque réévaluation à la baisse du seuil d’exposition tolérable aux substances per- et polyfluoroalkyles fourni par l’autorité administrative européenne compétente dans les douze mois qui suivent la réévaluation à la baisse dudit seuil.
La parole est à M. Daniel Salmon, pour présenter l’amendement n° 521.
Leur nom n’est pas très connu : les perfluoroalkyles et polyfluoroalkyles sont pourtant des poisons, présents dans les eaux et dans les sols.
Ces substances sont très utilisées depuis des années par l’industrie, on les retrouve dans une multitude de matières, mais on les ignore. Ce sont des poisons très persistants dans l’environnement, très difficiles à traiter et on n’en a qu’une connaissance très partielle.
Cet amendement vise à demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport dans un délai de douze mois. Ensuite, nous demanderons un nouveau rapport, qui devra être systématiquement fourni à chaque réévaluation. En effet, chaque mois qui passe montre davantage la dangerosité des PFAS. Une meilleure connaissance est donc absolument indispensable : ces substances induisent de nombreuses perturbations et on leur attribue un grand nombre de maladies, comme le cancer et le diabète.
Nous devons approfondir nos connaissances pour avoir la vision la plus exhaustive possible de ces poisons présents dans l’environnement !
La parole est à Mme Angèle Préville, pour présenter l’amendement n° 1739.
Dans la continuité de l’amendement précédent, nous proposons de renforcer la prise en compte des substances perfluoroalkyles et polyfluoroalkyles.
Ainsi, nous demandons la remise d’un rapport au Parlement sur la pollution des eaux et des sols par ces substances. Ce document devra notamment détailler les solutions à apporter pour procéder à la dépollution.
Je le rappelle, ces substances sont largement utilisées dans le secteur industriel, pour des emplois divers et variés : dans l’industrie textile, comme agents imperméabilisants, notamment pour les vêtements de sport ; dans l’industrie du papier et du carton, comme agents répulsifs de graisse ; dans l’industrie de la peinture, notamment pour leurs propriétés réfléchissantes et antistatiques ; dans l’industrie phytopharmaceutique, notamment dans les insecticides ; ou encore dans l’industrie électronique, comme agents d’étanchéité.
Je l’ai également dit, ces composés sont très persistants et ont tendance à s’accumuler dans l’organisme des personnes contaminées, ce qui leur vaut le triste surnom de « produits chimiques éternels ».
Ainsi, les rejets industriels, la pollution des sols et la pollution des nappes phréatiques dus, d’une part, à la production et aux utilisations passées de ces substances et, d’autre part, à la poursuite de leur utilisation, aujourd’hui encore, contribuent à une imprégnation totale de notre environnement par ces composés perfluorés.
Par ailleurs, comme l’a rappelé M. Salmon, l’exposition à ces substances, même à des niveaux extrêmement faibles, peut avoir des effets particulièrement néfastes sur l’organisme : diabète, déséquilibre des hormones thyroïdiennes, cancers, baisse de la réponse immunitaire, etc.
Le problème majeur réside dans le fait que ces composés sont difficilement traitables ; par exemple, les procédés habituels de traitement des eaux, comme l’oxydation chimique, la sédimentation, la coagulation, la filtration ou encore l’irradiation aux ultraviolets ne sont pas complètement efficaces. Voilà pourquoi il faut absolument étudier la question de près.
Ces composés se retrouvent partout : certains d’entre eux sont volatils. On en a détecté jusque dans l’Arctique !
Au sein de l’Union européenne, des études ont été menées. On les a retrouvés en particulier dans les eaux souterraines superficielles, dans les organismes vivants, dans les sols, dans l’air et dans des lieux qui exigent une vigilance toute particulière : les sites de production industrielle, où les salariés travaillent, les aéroports, les bases militaires et les centres d’entraînement des pompiers !
Les auteurs de ces amendements demandent la remise d’un rapport au Parlement sur la pollution des eaux et des sols par les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées et sur les solutions applicables pour la dépollution des eaux.
La dangerosité de ces substances a été maintes fois prouvée : je souhaite moi aussi que nous bénéficiions d’un diagnostic précis sur l’état de nos cours d’eau et sur les moyens technologiques et scientifiques de faire face à ces pollutions.
Aussi, la commission émet un avis favorable.
À la demande de la Commission européenne, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) travaille à une mesure de restriction dans le cadre du règlement Reach, qui couvrirait l’ensemble de ces substances en les limitant aux usages essentiels.
En parallèle, des projets de recherche sont en cours afin de développer des méthodes intégratrices de la mesure de la présence de ces substances. Tout l’enjeu est là ; or, aujourd’hui, nous ne sommes pas à même d’effectuer ces mesures.
Même lorsqu’elles sont identifiées, ces substances sont réputées très difficiles à capter du fait de leurs caractéristiques chimiques : les techniques performantes disponibles à un coût accessible sont peu nombreuses. Nous suivons donc avec intérêt les travaux européens visant à restreindre les usages de ces composants en vue d’en limiter la dissémination.
Dans les délais demandés, il me semble compliqué de produire des données significatives sur la présence de ces substances dans les milieux aquatiques et terrestres : il nous faut attendre la mise en œuvre des dispositifs de mesure intégrés. Toutefois – je vous rejoins tout à fait sur ce point –, il est nécessaire de cristalliser nos connaissances : même s’il paraît impossible de trouver des solutions miracles dans des délais si contraints, un tel rapport pourrait au moins nous éclairer sur cette difficulté.
En conséquence, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat tout en insistant sur ce point de vigilance : les délais en question peuvent laisser craindre des données encore lacunaires.
Je voterai cet amendement, car il va dans le sens de la connaissance : à l’heure actuelle, les informations disponibles ne sont pas toujours très bien documentées.
Il faut déterminer précisément la dangerosité de ces molécules et, dans la mesure du possible, les moyens d’assurer une dépollution. Surtout, il faut pouvoir se projeter vers des solutions de substitution : si ces produits sont utilisés dans tant d’industries, dans tant de domaines d’activité, il faut penser à les remplacer ! §Nous devons être très attentifs à l’après, pour ne pas perturber l’économie, tout en restant, évidemment, soucieux de la sécurité sanitaire.
Enfin, mes chers collègues, je vous rappelle que le Parlement peut se saisir lui-même de ces sujets : nous avons les moyens de mener les travaux que nous sollicitons du Gouvernement, si nous en avons la volonté !
Je tiens à remercier M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État de leurs avis, ainsi que Mme Primas de ses propos.
À ce stade, nous ne proposons pas de fixer une limite : ce serait tout à fait prématuré. Il s’agit d’analyser un phénomène qui pose aujourd’hui un problème grave, mais dont on ne connaît pas les tenants et les aboutissants.
Nous devons améliorer notre connaissance et le vote de cet amendement sera un premier pas vers d’autres solutions. À mon sens, de tels changements seront nécessaires, mais il faut commencer par ce travail de quantification.
Bien entendu, les membres de notre groupe voteront cet amendement, qui marque une progression dans la prise de conscience du problème. Aujourd’hui, on constate que des sols sont pollués ; on sait qu’un certain nombre de substances sont nocives. Toutefois, il ne faudrait pas que ce rapport reste au fond d’un tiroir. Mme Primas l’a dit : nous devrons, ensuite, amorcer une autre dynamique.
L’an dernier, le Sénat a consacré une commission d’enquête à la pollution des sols : nous avons établi qu’en France plus de 6 000 sites pollués sont aujourd’hui à l’abandon.
Dans le cadre de ce projet de loi, nous débattrons de l’artificialisation des sols. En l’occurrence, nous sommes face à de grands enjeux de restauration de la qualité des sols.
Aujourd’hui, il faut prendre conscience du fait que certains sols sont pollués et déterminer la nature de cette pollution pour intervenir demain. C’est une première étape, mais il ne faut pas s’en tenir là !
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 19.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 717 rectifié, présenté par Mmes Préville, Monier, Jasmin et Conway-Mouret, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 79 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire est ainsi rédigé :
« Art. 79. - I. – Avant le 1er juillet 2022, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la mise en place de mécanismes permettant de réduire les rejets de fibres microplastiques issues du lavage du textile, en déterminant les objectifs à atteindre. Ce rapport s’attache en particulier à évaluer la pertinence technico-économique, environnementale et d’appropriation du consommateur, à lister les solutions internes ou externes envisageables pour les lave-linge neufs, ménagers ou professionnels, ainsi qu’à en déterminer leur degré de filtration.
« II. – Les lave-linge neufs sont dotés d’un dispositif visant à réduire la quantité de fibres microplastiques issues du lavage du textile.
« Au plus tard le 1er janvier 2025, un décret pris en concertation avec les filières industrielles concernées précise les modalités d’application du présent article. Ce décret définit notamment les conditions dans lesquelles le dispositif retenu remplit les objectifs de réduction de fibres microplastiques dans les eaux évacuées.
« III. – Le II entre en vigueur trois ans après la publication du décret mentionné au second alinéa du II. »
La parole est à Mme Angèle Préville.
Afin de lutter contre la pollution aux microplastiques, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, ou loi AGEC, a créé l’obligation d’équiper les lave-linge neufs d’un filtre à microfibres plastiques à compter du 1er janvier 2025.
Cette obligation a été introduite par voie d’amendement parlementaire, donc sans la moindre évaluation préalable.
Le commissaire européen à l’environnement a rappelé en juin dernier que le règlement communautaire relatif aux exigences en matière d’écoconception applicables aux lave-linge ménagers et aux lave-linge séchants ménagers n’avait pas prévu d’exigences d’écoconception pour les filtres, « étant donné qu’il n’existait pas de solution technique suffisamment au point et commercialement disponible lorsque les exigences d’écoconception ont été examinées ».
L’article 8 de ce même règlement prévoit d’ailleurs que la Commission européenne devra réexaminer ces normes à la lumière des progrès technologiques : elle devra, le cas échéant, présenter un projet de proposition de révision du règlement d’ici au 25 décembre 2025. Ce réexamen devra notamment porter sur la faisabilité et sur l’opportunité de nouvelles exigences visant à réduire le taux de microplastiques des eaux évacuées, comme l’installation de filtres.
Plus récemment, en décembre 2020, j’ai remis à l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) un rapport d’information relatif à la pollution plastique.
Ce rapport met en lumière les obstacles à la mise en place de ces filtres et les limites déplorées en la matière. Il souligne que ces filtres ne sont pas encore au point et détaille les difficultés sous-jacentes : le nettoyage de ces filtres, l’appropriation par le consommateur, l’entretien et le remplacement des filtres usagés.
En outre, l’implication forte du consommateur soulève deux enjeux auxquels aucune réponse n’est apportée à ce jour.
En effet, dans le cas où le filtre ne fonctionne plus, deux solutions sont envisageables : premièrement, le consommateur peut mettre en place un système de contournement aboutissant au retrait du filtre pour assurer le fonctionnement normal de sa machine ; deuxièmement, si le filtre est bouché ou s’il a provoqué un dysfonctionnement de la machine, le consommateur ne peut plus utiliser son lave-linge.
Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.
Il est ainsi essentiel que le dispositif retenu puisse prendre en compte ce risque d’augmentation du nombre de pannes possibles et in fine de déception pour le consommateur.
L’amendement n° 2143, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 19
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 79 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire est ainsi rédigé :
« Art. 79. – Afin de réduire la dispersion des microfibres plastiques dans l’environnement issues du lavage du linge, à compter du 1er janvier 2025, les lave-linge neufs domestiques ou professionnels sont dotés d’un filtre à microfibres plastiques ou de toute autre solution interne ou externe à la machine. Un décret précise les modalités d’application du présent article.
« Un rapport du Gouvernement à l’attention des parlementaires est rédigé en 2022 pour décrire, depuis la production du tissu jusqu’au lavage du linge, les connaissances sur les sources d’émission, les contraintes des filières et les mesures volontaires prises pour réduire les émissions de microfibres plastiques. »
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Madame Préville, nous sommes d’accord sur le fond : il est nécessaire d’élargir les dispositions de la loi AGEC à d’autres techniques que le filtre. Nous visons bel et bien le même objectif.
Toutefois, la rédaction de l’amendement gouvernemental me semble plus explicite pour ce qui concerne les autres technologies. De plus, nous proposons d’inscrire ces dispositions dans la loi elle-même, alors que vous renvoyez à un décret. Je vous propose donc de vous rallier à notre amendement !
L’amendement n° 717 rectifié vise à demander la remise d’un rapport au Parlement sur la mise en place de mécanismes permettant de réduire les rejets de fibres microplastiques issues du lavage du textile. En outre, il tend à préciser que les lave-linge neufs seront dotés d’un dispositif visant à réduire la quantité de fibres microplastiques.
Ma chère collègue, je vous invite à retirer cet amendement au profit de l’amendement n° 2143. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
En effet, l’amendement du Gouvernement vise à réécrire l’article 79 de la loi AGEC, lequel impose que les lave-linge neufs soient dotés d’un filtre à microfibres plastiques, afin de tenir compte de l’évolution technologique et des solutions nouvelles déployées par les industriels. Le Gouvernement précise que cette obligation pourrait être satisfaite par d’autres solutions technologiques parvenant au même résultat.
La commission est favorable à cet amendement.
Nous voterons l’amendement du Gouvernement, et pour cause : nous avions proposé cette disposition il y a deux ans lors de l’examen du projet de loi AGEC ! Je déplore simplement le retard avec lequel on prend conscience de ce grave problème écologique.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 19.
(Non modifié)
À la première phrase du premier alinéa du I de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, après le mot : « air, », sont insérés les mots : « la qualité de l’eau, ».
Je suis saisi de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 108 rectifié est présenté par MM. Mizzon et Bonneau, Mmes Sollogoub et Perrot, MM. Kern et Masson, Mme Vermeillet, M. Détraigne, Mme Chain-Larché, M. Cuypers, Mme Thomas, M. Bouchet, Mme Herzog, M. Canévet, Mme C. Fournier et MM. Bonnecarrère, Chauvet, Louault, Prince, Calvet, Cigolotti, S. Demilly et Cazabonne.
L’amendement n° 243 rectifié bis est présenté par MM. Chasseing, Guerriau, Menonville, Decool et Lagourgue, Mme Mélot, MM. A. Marc, Capus et Wattebled, Mme Garriaud-Maylam, MM. Henno, Guérini et Grand, Mme Dumas et MM. Laménie et Hingray.
L’amendement n° 909 rectifié bis est présenté par MM. Duplomb et J.M. Boyer, Mme Chauvin, M. Chatillon, Mme Puissat, M. Pointereau, Mmes Belrhiti et Delmont-Koropoulis, MM. Brisson, Klinger, Burgoa, Cardoux, Houpert, Anglars, de Legge et Vogel, Mme Richer, MM. J.M. Arnaud, Somon, Savary, Belin et Lefèvre, Mmes Dumont et Deromedi, M. Sido, Mme Micouleau, MM. Genet, Daubresse, Longuet et Courtial, Mmes Drexler et Lassarade, MM. Cadec et Panunzi, Mme Lopez, MM. Bascher, D. Laurent et Segouin, Mme Imbert, MM. Saury et H. Leroy, Mme Joseph et MM. Piednoir, Rietmann, Favreau, Allizard, Karoutchi et Bas.
L’amendement n° 2108 est présenté par Mme Schillinger, MM. Rambaud, Marchand et Lévrier, Mme Havet et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Canévet, pour présenter l’amendement n° 108 rectifié.
L’ajout proposé à l’article L. 110-1 du code de l’environnement serait redondant. Or il n’est pas bon que la loi bavarde : au contraire, il faut s’efforcer de la simplifier pour qu’elle soit la plus intelligible possible. Ne répétons pas la même chose à tout bout de champ : soyons efficaces !
La parole est à M. Joël Guerriau, pour présenter l’amendement n° 243 rectifié bis.
Cet article précise dans le code de l’environnement que la qualité de l’eau fait partie du patrimoine de la Nation. Cette notion figurant déjà dans ledit code, une telle disposition serait source de confusion. C’est la raison pour laquelle nous estimons qu’il faut supprimer l’article 19 bis A.
La parole est à M. René-Paul Savary, pour présenter l’amendement n° 909 rectifié bis.
Laurent Duplomb m’a demandé d’insister sur cette question particulièrement importante.
Monsieur le rapporteur, je suis très surpris de constater que la commission est défavorable à ces amendements. En effet, son rapport est sans ambiguïté : cet article est une affirmation solennelle à portée symbolique, mais qui n’ajoute rien à la protection et à la restauration de la qualité de l’eau.
Quand on écrit la loi, il faut toujours comparer les bénéfices aux risques. La législation indique déjà clairement que la qualité de l’eau est un patrimoine commun. En outre, ajouter cette précision, c’est créer des contraintes supplémentaires et soulever de nouvelles questions juridiques : pourra-t-on prélever de l’eau, utiliser ou non des intrants ? J’ajoute que les surfaces considérées sont considérables : les aquifères couvrent des dizaines de kilomètres carrés !
En évitant cette redondance, on s’épargnera un certain nombre de difficultés juridiques.
La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour présenter l’amendement n° 2108.
Mes collègues ont déjà tout dit : comme eux, je suis convaincue qu’il faut supprimer cet article !
Il n’a pas paru opportun à la commission de supprimer l’ajout de la qualité de l’eau au patrimoine commun de la Nation.
En effet, le législateur a fait le choix, avec la loi visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises, adoptée en janvier 2021, d’intégrer au patrimoine commun de la Nation « les sons et odeurs qui caractérisent les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins ».
Après l’ajout de ces éléments dans l’énumération des composantes du patrimoine commun de la Nation, on voit mal comment s’opposer à l’inscription de la qualité de l’eau, tout aussi importante, si ce n’est plus.
L’avis de la commission est donc défavorable.
Je rejoins l’avis exprimé par M. le rapporteur ; effectivement, l’eau est le seul élément qui ne soit pas cité à l’article général du code de l’environnement, lequel liste pourtant tous les compartiments de l’environnement, définis comme patrimoine commun de la Nation. Y sont cités la qualité de l’air, des sites, des paysages, de la biodiversité, ou encore des sons et des odeurs qui caractérise les milieux terrestres et marins.
Il était donc légitime que les députés souhaitent combler cette absence dans la liste générale. Quand bien même l’eau fait l’objet d’un livre spécifique du code de l’environnement, ainsi que vous l’indiquez, c’est aussi le cas d’autres ressources et élément déjà cités.
A contrario, son absence dans cet article L. 110–1 induirait un doute sur l’importance que nous souhaitons donner à la protection de la qualité des eaux dans notre environnement.
Au-delà du symbole, il s’agit donc d’un élément d’importance. Je demande donc le retrait de ces amendements ; à défaut, l’avis serait défavorable.
M. Savary a été très explicite quant aux raisons pour lesquelles il souhaitait la suppression de cet article. Il a indiqué que cette demande était importante et je suis d’accord avec lui : il est extrêmement important de maintenir cet article.
La qualité de l’eau est mauvaise en France et nous sommes très loin des objectifs européens. L’eau est certes un patrimoine national, mais la qualité de l’eau en est aussi un, parce que cette dégradation, ainsi que l’a relevé le rapporteur, emporte des coûts de traitement. Toute la Nation paye la mauvaise qualité de l’eau.
Nous devons mener une politique nationale de reconquête, en prêtant attention, bien sûr, à l’équilibre des usages. Aujourd’hui, c’est en train de devenir un des grands sujets conflictuels de la société française, la Bretagne en est un exemple.
Il est donc absolument essentiel d’inscrire dans le code de l’environnement que la reconquête de la qualité de l’eau est une priorité de la politique nationale, parce que ce sujet est en train de provoquer beaucoup de tensions dans la société française et de coûts induits pour les consommateurs dans ses différents usages.
Je partage ces arguments, voyez-vous, je ne suis pas contre des mesures de protection de l’eau, nous avons tous des efforts à faire.
Pourtant, si l’on souhaite que ceux-ci soient couronnés de succès, les premiers concernés vont être les agriculteurs. De ce point de vue, il vaut mieux travailler en bonne intelligence avec eux. En leur imposant toujours des contraintes supplémentaires, on parviendra à un système contre-productif, qui ne leur permettra pas de s’emparer de cette politique et d’améliorer la qualité de l’eau.
Or les contraintes sont multiples, mais le monde agricole a déjà pris conscience du problème. La démarche symbolique que porte cet article n’est pas forcément pratique et va poser un certain nombre de questions qui devront être tranchées par le juge, et non par le législateur.
C’est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement de suppression.
Monsieur le président, mes chers collègues, l’eau fait évidemment partie de notre patrimoine commun et il faut la préserver. J’entends d’ailleurs que se déroule un Grenelle de l’eau avec des ateliers destinés à travailler à sa qualité.
Il faut évidemment y être attentif, mais cet amendement de suppression découle du fait que cette question est déjà intégrée dans le code de l’environnement, dans lequel l’eau est citée parmi les ressources naturelles et les milieux naturels terrestres et marins, qui sont des patrimoines communs de la Nation.
Il s’agit donc simplement d’éviter ici la confusion résultant de la redondance juridique, au profit de la clarté de la loi, qui fait parfois défaut.
Sans insister trop lourdement, ainsi que Ronan Dantec l’a précisé, il s’agit bien ici de la qualité de l’eau. Un énorme travail collectif doit être mené sur ce sujet, dans l’intérêt, aussi, du monde agricole.
J’ai cosigné l’amendement de M. Chasseing visant à supprimer cet article et je suis intervenu en ce sens hier soir. Nous sommes soumis à des sollicitations diverses de nos agriculteurs, que nous défendons, car il est vrai qu’ils sont soumis à de nombreuses contraintes.
Pourtant, à la lecture du rapport, qui est très bien rédigé s’agissant de cet article 19 bis A, il me semble qu’il est bon d’indiquer dans le texte que la qualité de l’eau est un enjeu fondamental.
Même si je comprends l’intervention de René-Paul Savary concernant les difficultés d’appréciation juridique, j’ai été convaincu par M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État du bien-fondé du maintien de cet article. Je me rangerai donc à leur avis.
Mme Marta de Cidrac applaudit.
Je comprends la position de mes collègues qui souhaitent la suppression de cet article, mais il s’agit bien de qualité de l’eau, et je ne voudrais pas que l’on en fasse un argument qui ne concernerait que les agriculteurs.
Nous sommes tous concernés, y compris les collectivités locales, les entreprises, tous ceux qui consomment de l’eau, qui portent donc une responsabilité vis-à-vis de ce produit essentiel à la vie.
Je suivrai la position du rapporteur et j’invite mes collègues à faire de même. Il s’agit d’intégrer la notion de qualité de l’eau, comme c’est le cas pour d’autres éléments, dans notre bien commun.
Mme Marta de Cidrac applaudit.
La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Je partage ce qui vient d’être dit par Didier Mandelli et je soutiens le rapporteur. Supprimer l’article 19 bis A, qui parle de l’eau, dans un tel projet de loi, reviendrait à émettre un très mauvais signal en direction de l’ensemble de nos concitoyens.
J’ai bien compris les arguments avancés, mais il ne s’agit pas uniquement d’un problème agricole ; nous sommes confrontés tous les jours à la question de la qualité des eaux, tous les jours, je suis interpellé à ce sujet.
C’est une préoccupation importante qui doit tous nous concerner ; la suppression de cet article serait un très mauvais signe, j’invite donc tous ceux qui siègent dans cet hémicycle à le maintenir.
Je soutiens les propos que je viens d’entendre. En effet, la question de la qualité de l’eau nous touche tous. Elle dépend de multiples facteurs, et le fait que nous travaillions tous ensemble à des solutions pour l’améliorer me paraît être un très bon signal que l’on envoie vers l’extérieur.
Mme Primas a évoqué l’initiative qui a été lancée en lien avec mon collègue Julien Denormandie. Pour préciser, celle-ci ne concerne pas vraiment la qualité de l’eau, mais plutôt sa gestion quantitative.
Il y a eu les fameuses assises de l’eau, auxquelles nombre d’entre vous ont participé et qui ont été très fructueuses et intéressantes. Nous entrons maintenant dans la suite, dans les mises en application, dans la définition des solutions.
Il a été décidé de faire un focus particulier sur la question agricole, car – je vous rejoins sur ce point – les agriculteurs sont en première ligne sur cette question, même s’ils sont loin d’être les seuls. Les différentes mesures de transition écologique, concernant notamment l’industrie, vont nécessiter que nous gérions mieux l’eau.
Ce Varenne de l’eau permet donc d’aborder spécifiquement ce point en mettant tout le monde autour de la table. Il s’agit donc de trouver des solutions pour répondre aux besoins de nos agriculteurs qui nous nourrissent de manière anticipée, afin de limiter les problèmes à venir ; nous savons malheureusement que nous allons connaître des tensions sur l’eau.
L’amendement n° 108 rectifié est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 909 rectifié bis et 2108.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ article 19 bis A est adopté.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 112 rectifié, présenté par Mmes Sollogoub et Jacquemet, M. Détraigne, Mme Saint-Pé, MM. Houpert, Cardoux, Prince, Menonville et Decool, Mme Gosselin, MM. Cigolotti et Canévet et Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l’article 19 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article L. 211-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « cette gestion », sont insérés les mots : «, d’intérêt général, » ;
2° Au 1°, après les mots : « des sites et des zones humides », sont insérés les mots : « d’origine naturelle ou humaine » ;
3° Le 7° est complété par les mots : «, en veillant à ce que cette action augmente et non diminue la ressource en eau disponible, et respecte les milieux aquatiques et humides, y compris d’origine humaine ».
La parole est à Mme Denise Saint-Pé.
Cet amendement vise, d’une part, à préciser dans la loi que l’origine humaine d’un milieu aquatique ou humide ne fait pas obstacle à sa protection et à sa bonne gestion ; d’autre part, à exiger de la restauration de la continuité écologique qu’elle veille à ne pas abaisser la ressource locale en eau non plus qu’à détruire des milieux d’intérêt d’origine humaine.
Il a été constaté, tant par la recherche scientifique que par les acteurs des territoires, une confusion sur le sens du mot « naturel » : trop de gestionnaires de l’eau considèrent aujourd’hui qu’un milieu naturel aquatique ou humide est forcément sauvage et sans humain.
Or la nature en France a évolué depuis des millénaires avec les activités humaines : les lacs, les étangs, les plans d’eau, les retenues, les canaux font aussi partie des écosystèmes, bien que la plupart d’entre eux soient issus d’activités humaines passées ou présentes.
Ces milieux d’origine humaine rendent de nombreux services écosystémiques. La confusion assimilant « naturel » et « sauvage » a d’ores et déjà conduit à de regrettables décisions dans de nombreux territoires, par exemple à des destructions ou à des assèchements de lacs ou d’étangs.
C’est le cas, en particulier, des chantiers de restauration de continuité écologique qui ne réalisent pas d’étude d’impact sérieuse sur l’hydrologie, l’écologie et l’usage des milieux en place.
Face au changement climatique, il est nécessaire de garantir la protection de la ressource en eau sur tout le territoire, pour ses usages tant sociaux et économiques que biologiques et écologiques.
Aussi les chantiers de continuité écologique doivent-ils s’assurer que le choix d’aménagement d’un ouvrage ne conduise ni à une perte locale en eau de surface ni à une diminution locale du stockage d’eau souterraine, ce qui converge avec le souhait, déjà exprimé par les auteurs d’autres amendements, de rechercher des solutions multi-usages, douces et intelligentes, de continuité des rivières.
L’amendement n° 968 rectifié bis, présenté par MM. Segouin, Cuypers, Longuet, Klinger et Rojouan, Mme Bellurot, MM. Cardoux et Saury, Mme Deromedi, MM. Burgoa et B. Fournier, Mmes Belrhiti et Lassarade, MM. de Legge et Anglars, Mmes Garriaud-Maylam et Canayer, MM. de Nicolaÿ et Brisson, Mme Gruny, MM. J.M. Boyer et Duplomb, Mme Pluchet, M. Savin, Mme Gosselin, MM. Houpert et H. Leroy et Mme Dumont, est ainsi libellé :
Après l’article 19 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 1° du I de l’article L. 211-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° Après le mot : « entend », sont insérés les mots : « par écosystème aquatique tous les milieux en eau de manière régulière, incluant ceux créés par l’activité humaine dont les services rendus à la société et à l’environnement doivent être évalués et préservés, et » ;
2° Après le mot : « non », sont insérés les mots : «, d’origine naturelle ou humaine ».
La parole est à M. Pierre Cuypers.
De très nombreux scientifiques montrent que les retenues, plans d’eau, lacs, étangs, canaux biefs, apportent des services écosystémiques aujourd’hui indispensables. Les ouvrages assurent la préservation de l’eau à l’étiage, la régulation des crues, la dépollution locale par épuration, constituent un réservoir de biodiversité, des puits de carbone, offrent un agrément paysager, une source d’énergie bas-carbone, permettent l’alimentation des nappes et des zones humides. La Coordination nationale eau et rivières humaines (Cnerh) a publié récemment une synthèse de plus de cent publications de recherche qui confirme l’existence de ces services.
Or ces écosystèmes d’origine humaine, toujours de petite taille, sont mal protégés par le droit, contrairement aux plus grands. Ils sont détruits sans aucune étude d’impact, d’une part, parce que leur utilité écologique est ignorée, et, d’autre part, en raison de mauvaises interprétations d’autres dispositions du droit. La restauration de la continuité écologique est ainsi parfois interprétée, à tort, comme un objectif de retour à une « rivière sauvage ».
Cet amendement vise donc à enrichir l’article L. 211-1 du code de l’environnement, qui définit l’intérêt général à travers la « gestion équilibrée et durable de l’eau », afin d’étendre expressément la protection de la loi à ces milieux.
L’amendement n° 969 rectifié bis, présenté par MM. Segouin, Cuypers, Longuet, Klinger et Rojouan, Mme Bellurot, MM. Cardoux et Saury, Mme Deromedi, MM. Burgoa et B. Fournier, Mmes Belrhiti et Lassarade, MM. de Legge et Anglars, Mmes Garriaud-Maylam et Canayer, MM. de Nicolaÿ et Brisson, Mme Gruny, MM. J.M. Boyer et Duplomb, Mme Pluchet, M. Savin, Mme Gosselin, MM. Houpert et H. Leroy et Mme Dumont, est ainsi libellé :
Après l’article 19 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le I de l’article L. 211-1 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° au 1°, après les mots : « zone humide », sont insérés les mots : «, que ceux-ci soient d’origine naturelle ou humaine » ;
2° Le même 1° est complété par les mots : «, les écosystèmes aquatiques ou zones humides d’origine humaine étant les mares, étangs, retenues, lacs, canaux, biefs » ;
3° Le 7° est complété par les mots : «, en respectant les écosystèmes aquatiques et zones humides d’origine humaine tels que définis dans le 1° ».
La parole est à M. Pierre Cuypers.
Les retenues, plans d’eau, lacs, étangs, canaux, biefs apportent des services écosystémiques, cet amendement vise donc également à enrichir l’article L. 211–1 du code de l’environnement qui définit l’intérêt général à travers la « gestion équilibrée et durable de l’eau ».
S’agissant de l’amendement n° 112 rectifié, je ne peux que souscrire à la précision selon laquelle la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau est d’intérêt général. C’est d’ailleurs ce que dispose l’article L. 210–1 du code de l’environnement : « L’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général. »
En revanche, l’intérêt de préciser que les sites et zones humides peuvent être d’origine humaine ou naturelle est moins évident ; le code de l’environnement ne fait pas de distinction selon l’origine anthropique ou non de ces milieux, d’autant qu’il n’est pas toujours aisé de tracer une délimitation nette de cette origine.
Enfin, disposer que le rétablissement de la continuité écologique ne peut qu’augmenter, et non diminuer, la ressource en eau disponible complexifierait la mise en œuvre de cette politique, d’autant qu’il est malaisé de déterminer les effets liés aux aménagements et ceux qui découlent de l’hydrologie du cours d’eau.
L’avis est donc défavorable sur cet amendement.
Pour ce qui concerne les amendements n° 968 rectifié bis et 969 rectifié bis, il n’est pas opportun de préciser que les sites et zones humides peuvent être d’origine humaine ou naturelle ; le code de l’environnement ne fait pas de distinction selon l’origine anthropique ou non de ces milieux.
Certains milieux d’origine humaine sont devenus des milieux naturels par leur abandon, d’autres nécessitent au contraire de maintenir une gestion particulière et régulière pour jouer leur rôle positif.
Différencier de manière explicite dans la loi les milieux d’origine humaine des autres et lister les écosystèmes aquatiques ou zones humides d’origine humaine ne peut que conduire à l’oubli de certains d’entre eux.
L’avis est donc également défavorable sur ces deux amendements.
L’article L. 211–1 du code de l’environnement ne fait, en effet, pas de distinction entre les écosystèmes naturels ou d’origine anthropique ; il s’applique à tous les écosystèmes. La définition des zones humides présente à l’article L. 211–1 précise d’ailleurs déjà que celles-ci peuvent être exploitées par l’homme. Les niveaux d’eau des marais, par exemple, sont gérés par l’homme, pour autant, ces marais sont bien considérés comme des milieux humides exceptionnels.
La définition des zones humides, évoquée dans l’amendement n° 968 rectifié bis, a fait l’objet de plusieurs modifications récentes et vient seulement d’être stabilisée ; il ne semble donc pas souhaitable d’y revenir et de la modifier.
S’agissant de l’amendement n° 969 rectifié bis, les aménagements hydrauliques humains ne créent pas tous des milieux naturels à préserver. Je comprends l’inquiétude exprimée par ceux qui veulent préserver ce geste humain dans ces milieux exceptionnels ; pour autant, cet article, voire ce texte tout entier, en ce qu’il promeut la résilience, nous invite à repenser la qualité et la richesse de l’écosystème, avant sa forme ou son origine, naturelle ou de la main de l’homme, laquelle n’a qu’un intérêt secondaire.
Il n’y a donc pas, à mon sens, de dissensus sur cette question, nous privilégions toujours la qualité des écosystèmes, quelle qu’en soit l’origine, ainsi que l’indique déjà l’article L. 211–1.
L’avis est donc défavorable sur ces trois amendements.
J’ai du mal à déterminer mon vote sur l’amendement n° 112 rectifié. Je m’adresse donc à ses auteurs : je souscris à une bonne partie de son dispositif, qui est essentiellement une attaque d’une rare virulence contre les bassines. Je voulais donc bien m’assurer que ses auteurs étaient bien opposés à ces retenues artificielles et que tel était bien le sens de cet amendement.
En écrivant : « en veillant à ce que cette action augmente et non diminue la ressource en eau disponible, et respecte les milieux aquatiques et humides, y compris d’origine humaine », ils font référence à de grands milieux humides d’origine humaine, comme la Brière, qui constituent des zones de biodiversité et un patrimoine très important, mais ils impliquent aussi qu’il faut respecter le milieu aquatique humide et maintenir une disponibilité en eau assez large.
Or la bassine, la retenue artificielle, ne correspond ni au respect des milieux aquatiques et humides ni même à la disponibilité en eau, dans la mesure où elle provoque un gaspillage énorme.
Le sens de cet amendement est-il donc bien d’interdire implicitement les bassines et les retenues artificielles ? Si tel est le cas, je me demande si je ne vais pas le voter…
Sourires.
J’ai présenté cet amendement pour Mme Sollogoub, qui en est l’auteur, mais je vous indique qu’en aucun cas son dispositif n’exprime une opposition à la notion de bassine ou de retenue d’eau.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 52 rectifié, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Burgoa et Charon, Mmes Demas, Deromedi, Dumont et Garriaud-Maylam, MM. Genet et Meurant, Mme Raimond-Pavero et MM. Rojouan, Saury et H. Leroy, est ainsi libellé :
Après l’article 19 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 7° du I de l’article L. 211-1 du code de l’environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° La sauvegarde des aires protégées préservant les écosystèmes aquatiques d’eau douce en facilitant leur création ou leur extension. »
La parole est à M. Bruno Rojouan.
Actuellement, les aires protégées ne représentent que 23, 5 % du territoire aussi bien métropolitain que d’outre-mer. Si le Gouvernement ambitionne de porter ce chiffre à 30 % dès 2022, le présent projet de loi ne fait qu’effleurer le sujet des écosystèmes aquatiques d’eau douce. Or plus un espace est protégé, plus la biodiversité sera restaurée.
L’objectif affiché ici est de faciliter la création et l’extension d’aires protégées pour les écosystèmes aquatiques – rivières, lacs, etc. – afin de connecter ceux-ci plus largement entre eux ; cette connexion participe indéniablement à la nécessaire reconquête de la biodiversité dans ces espaces.
Le présent amendement vise donc à favoriser la réussite de nos objectifs nationaux de protection de la biodiversité, notamment en traitant de l’enjeu des aires protégées.
La commission a souhaité simplifier la gestion équilibrée et durable de la ressource en eau en n’ajoutant pas un nouvel objectif à une énumération qui en comporte déjà sept.
Cet amendement vise la sauvegarde des aires protégées préservant les écosystèmes aquatiques d’eau douce.
Dans la mesure où le 1° de l’article L. 211–1 du code de l’environnement prévoit d’ores et déjà « la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides », il n’est pas utile d’apporter cette précision qui ne ferait que complexifier la rédaction de l’article, sans gain pour la préservation des écosystèmes.
L’avis est donc défavorable.
Personne ne peut douter de mon attachement aux aires protégées ; vous le savez, nous les défendons largement et nous déclinons en plans d’action la stratégie nationale pour les aires protégées que j’ai eu le plaisir de vous présenter en début d’année.
Nous partageons la préoccupation des auteurs de cet amendement ; pour autant, dans une perspective de clarté et de lisibilité du droit, je rejoins M. le rapporteur. Il ne me semble pas pertinent d’ajouter à cet article traitant de la gestion équilibrée de la ressource en eau, la préservation d’aires protégées, laquelle relève d’outils spécifiques et d’un autre livre du code.
Je retrouve les arguments que j’ai exposés précédemment concernant la redondance des textes ! Or d’un côté on réécrit malgré tout la loi, de l’autre, on refuse de le faire.
Il ne faut pas être redondant, c’est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet amendement et je me rangerai à votre avis, madame la secrétaire d’État.
L’amendement n° 52 rectifié est retiré.
L’amendement n° 51 rectifié, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Burgoa et Charon, Mmes Demas, Deromedi, Dumont, Garnier et Garriaud-Maylam, MM. Genet, Meurant et Pellevat, Mme Raimond-Pavero et MM. Rojouan, Saury et H. Leroy, est ainsi libellé :
Après l’article 19 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le chapitre préliminaire du titre II du livre Ier du code de l’environnement est complété par un article L. 120-… ainsi rédigé :
« Art. L. 120 -…. – I. – Les citoyens sont des acteurs de la lutte contre le dérèglement climatique, ils participent à la protection de l’environnement notamment via des initiatives individuelles ou collectives.
« À titre expérimental, à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° … du … portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets et pour une durée de trois ans, les départements organisent, au minimum une fois par mois, des opérations de nettoyage des lieux pouvant faire l’objet de dégradations liées à l’activité humaine.
« Au regard des circonstances locales, un arrêté conjoint des ministres chargés de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et de la transition écologique dresse la liste des départements autorisés à participer à cette expérimentation.
« Les citoyens volontaires font connaître leur souhait de participer à cette activité auprès de leur département. Sur cette base, le département établit une liste afin de procéder mensuellement au tirage au sort des citoyens mobilisés.
« II. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »
La parole est à M. Bruno Rojouan.
Le citoyen est un acteur clé dans la protection de l’environnement. Chacun, à son niveau, a la possibilité, voire le devoir, d’adapter ses comportements afin de s’inscrire dans une démarche respectueuse de notre trésor commun : notre planète.
À cet effet, les initiatives individuelles et collectives sont nombreuses. Les opérations de collecte de mégots de cigarettes en milieu urbain ou de nettoyage des littoraux sont devenues choses communes.
Toutefois, celles-ci sont loin d’être suffisantes, sachant que, chaque année, les Français jettent environ 81 000 tonnes de déchets sauvages dans la nature.
Le présent amendement a pour objectif d’insister sur ces programmes de prévention.
M. Pascal Martin, rapporteur. Les auteurs de cet amendement proposent, à titre expérimental, que les conseils départementaux organisent, au minimum une fois par mois, des opérations de nettoyage des lieux pouvant faire l’objet de dégradations liées à l’activité humaine.
Mme Dominique Estrosi Sassone s ’ exclame.
Or rien n’empêche actuellement les collectivités d’organiser des journées « nettoyons la planète », comme c’est le cas de mon département d’élection, la Seine-Maritime, parmi d’autres. Faisons confiance aux collectivités pour agir dans l’intérêt de leur territoire et ne leur imposons pas de nouvelles contraintes qui porteraient une nouvelle atteinte au principe de libre administration.
Avis défavorable.
Toutes ces initiatives sont bienvenues, loin de nous l’idée de décourager n’importe quel niveau de collectivité ou n’importe quel acteur, citoyen ou association désireux de mener des expérimentations et de mettre en place ce type d’actions.
Toutefois, j’émets une réserve concernant le fait, d’une part, que le service public de gestion des déchets, au regard de la répartition des compétences – je ne vous l’apprends pas –, relève en premier lieu du bloc communal et, d’autre part, que l’exercice des pouvoirs de police dévolus au maire à des fins de salubrité publique exige que nous respections la lisibilité de ces compétences.
Avis défavorable.
On prend le sujet à l’envers : c’est un problème d’éducation. On est en plein dérapage, revenons à l’essentiel ! Nous en sommes à mettre en place des tas de procédures, parce que les citoyens sont incapables d’adopter un comportement normal.
Considérez les quantités de déchets qui traînent dans ce monde dit moderne, ce monde dit du développement durable : on n’en aurait jamais trouvé autant il y a un demi-siècle, ni même il y a vingt ans ! J’estime qu’il est absolument anormal de légiférer pour régler un problème qui relève avant tout d’un défaut d’éducation. Merci, monsieur le rapporteur, merci, mesdames les ministres, revenons à l’essentiel !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
L’amendement n° 51 rectifié est retiré.
L’amendement n° 53 rectifié, présenté par Mme Borchio Fontimp, MM. Bouchet, Brisson, Burgoa et Charon, Mmes Demas, Deromedi, Dumont et Garriaud-Maylam, MM. Genet, Houpert, Meurant et Pellevat, Mme Raimond-Pavero et MM. Rietmann, Rojouan, Saury, Savin et H. Leroy, est ainsi libellé :
Après l’article 19 bis A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – À titre expérimental, pour une durée de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, les collectivités territoriales de métropole et d’outre-mer possédant sur leur territoire des exutoires destinés aux eaux usées procèdent à l’installation d’un filet de collecte de déchets.
II. – Au regard des circonstances locales, un arrêté conjoint des ministres chargés de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et de la transition écologique dresse la liste des collectivités territoriales autorisées à participer à cette expérimentation.
III. – Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent article.
IV. – Au plus tard neuf mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport détaillant l’efficacité du dispositif et mesurant l’opportunité de le généraliser.
La parole est à M. Bruno Rojouan.
En septembre 2020, la France a signé l’Engagement des dirigeants en faveur de la nature.
S’inscrivant dans la philosophie de cet accord, le présent amendement tend à instaurer l’expérimentation à grande échelle du dispositif de filets de collecte de déchets, ou filets anti-déchets.
Dans les Alpes-Maritimes, la commune de Cannes a fait preuve d’anticipation, puisqu’elle est la première à expérimenter ce dispositif.
Ces filets, qui permettent de capter jusqu’aux plus fines particules de polystyrène, seront placés à la sortie des bouches d’évacuation ou exutoires afin de stopper la course vers les océans des déchets qui échappent aux réseaux de collecte et de retraitement.
Cet amendement tend à instaurer l’expérimentation, pour une durée de trois ans, de l’installation de filets de collecte de déchets par les collectivités possédant sur leur territoire des exutoires destinés aux eaux usées.
Plusieurs collectivités – dont celle que vous avez citée, monsieur le sénateur –, ont déjà installé de tels filets anti-déchets sur leur territoire, ce qui permet incontestablement de réduire le volume des déchets jetés au sol charriés par les eaux de pluie.
Cette solution est efficace, car elle permet d’éviter que des macro-déchets, tels que les sachets en plastique et les bouteilles, ne se déversent dans les rivières ou dans la mer.
Je demeure toutefois circonspect quant à la nécessité d’instaurer une telle expérimentation, dans la mesure où un certain nombre de collectivités ont déjà commencé à s’équiper.
Je m’en remets donc à la sagesse du Sénat.
Les rejets de macro-déchets, les rejets d’eaux pluviales et les déversements des réseaux d’assainissement en cas de forte pluie peuvent effectivement être à l’origine de pollutions. C’est pourquoi le Gouvernement a établi une feuille de route « zéro déchet en mer ». Il a également engagé des actions – que vous connaissez bien, monsieur le sénateur – visant à mieux évaluer la contribution des rejets d’eaux pluviales et des déversoirs d’orage des systèmes d’assainissement à la pollution des milieux marins par les macro-déchets.
En la matière, les collectivités et les syndicats qui gèrent les eaux usées font preuve d’un fort volontarisme, et ils ne sont nullement empêchés dans la mise en place de ce type d’expérimentation et d’outil.
Les expérimentations inscrites dans la loi doivent, non pas confirmer ce qui est déjà possible, mais permettre de déroger à ce qui est d’ordinaire interdit.
J’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
La question des déchets est complexe, et l’on ne peut y répondre qu’en marchant sur deux jambes : la première, rappelée par mon collègue Daniel Gremillet, est l’éducation, et la seconde, tout aussi importante, l’action sur le tout-jetable.
Il y a quelques siècles, le déchet n’existait pas, parce qu’étant biodégradable, il disparaissait très rapidement. Dans notre société, au contraire, le jetable a complètement envahi nos espaces. De ce fait, même si seule une personne sur cent ou sur mille jette des déchets dans l’espace public, ces derniers sont en quantités tellement invraisemblables qu’on se retrouve avec des déchets dans toutes les rues, puis dans les cours d’eau et dans la mer.
Pour éviter cela, la loi doit limiter la production de produits jetables, ceux-ci constituant l’un des plus importants gisements de déchets.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
(Supprimé)
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1084, présenté par MM. Dantec, Fernique, Labbé, Salmon et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Au 1° du I de l’article L. 211-1 du code de l’environnement, après les mots : « zones humides », sont insérés les mots : « et leur restauration ».
La parole est à M. Ronan Dantec.
Cet amendement vise à rétablir l’article 19 bis B relatif à la restauration des zones humides. En effet, pour atteindre cet objectif, il faut d’abord restaurer l’article !
Dans le cadre de ce projet de loi Climat, il nous paraît essentiel de rappeler que les zones humides sont d’importants lieux de stockage de CO2.
Les tourbières, par exemple, qui n’occupent que 3 % du territoire, sont à l’origine d’une captation de carbone équivalente à 30 % du carbone séquestré dans les écosystèmes. Or on estime que plus de 100 000 hectares de tourbières dégradées nécessitent une restauration.
L’intégration d’une orientation visant à la restauration de ces milieux, dans le cadre de la précision du contenu d’une gestion équilibrée et durable des ressources en eau que cet amendement tend à introduire, induit par ailleurs une valorisation économique des services rendus par la nature.
Le fléchage sur les tourbières est, enfin, une stratégie intéressante dans le cadre de la compensation aérienne.
M. Philippe Tabarot, rapporteur, approuve.
Je crois que nous sommes d’accord quant à la nécessité de restaurer ces zones humides et donc, leurs capacités de stockage de CO2.
Le Conseil d’État avait toutefois relevé une difficulté qui avait conduit à la suppression de cet article. En effet, dans sa rédaction initiale, celui-ci comportait une liste des milieux aquatiques.
Le Conseil d’État ayant indiqué qu’il fallait éviter une telle énumération, nous proposons une rédaction différente, par laquelle nous introduisons simplement, après les mots « zones humides », les mots « et leur restauration ».
Ainsi, nous tenons compte de l’objection du Conseil d’État, et nous répondons à la nécessité de mettre la restauration des zones humides au cœur de notre stratégie de captage du carbone.
L’amendement n° 812, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
Après le 7° du I de l’article L. 211-1 du code de l’environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … La restauration des milieux aquatiques, notamment des tourbières, mangroves, ripisylves et herbiers marins, qui rendent des services écosystémiques d’importance significative, tels que la séquestration de carbone. »
La parole est à M. Gérard Lahellec.
En convergence objective avec l’intervention de notre collègue Dantec, cet amendement vise à inscrire dans ce texte la nécessité de restaurer des écosystèmes aquatiques, qui rendent des services substantiels dans la lutte contre le changement climatique.
Il ne suffit pas de conserver l’existant : il convient d’insuffler une dynamique écologique. C’est la raison pour laquelle notre préférence va au rétablissement de l’article qui a été supprimé en commission.
La commission a fait le choix de la suppression de l’obligation de restauration des zones humides au titre des objectifs de la gestion équilibrée et durable, dans la mesure où la préservation des zones humides dispose déjà d’au moins trois assises législatives : le 1° du I de l’article L. 211-1 du code de l’environnement vise la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; l’article L. 211-1-1 du code de l’environnement dispose, depuis 2005, « que la préservation et la gestion durable des zones humides […] sont d’intérêt général », et que les « politiques nationales, régionales et locales d’aménagement des territoires ruraux et l’attribution des aides publiques tiennent compte des difficultés particulières de conservation, d’exploitation et de gestion durable des zones humides et de leur contribution aux politiques de préservation de la diversité biologique […] » ; enfin, l’article 19 du présent projet de loi prescrit d’ores et déjà, à l’article L. 210-1 du code de l’environnement « la préservation et, le cas échéant, la restauration des fonctionnalités naturelles des écosystèmes aquatiques […] dont font partie les zones humides ».
Il n’est pas nécessaire de multiplier des dispositions similaires en de multiples endroits du code, au risque d’affaiblir la lisibilité du droit et de créer de possibles contradictions en cas de formulations différentes.
J’émets donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
L’article 19 bis B adopté par l’Assemblée nationale introduisait un huitième alinéa au I de l’article L. 211-1 du code de l’environnement relatif à la restauration de certains milieux aquatiques tels que les zones humides, les tourbières et les mangroves.
Cet objectif est essentiel, car le rôle de ces milieux aquatiques dans la lutte contre le changement climatique est significatif.
Si l’intention des auteurs de ces deux amendements est la même, j’observe que M. Dantec propose une rédaction de compromis entre la version adoptée par l’Assemblée nationale et la préoccupation qui a conduit à la suppression de cet article par la commission, puisqu’elle permet d’introduire cet objectif de restauration, sans autre précision, au sein d’un article du code de l’environnement qui vise déjà la préservation des écosystèmes aquatiques et des zones humides.
Ainsi, nous intégrons l’objectif de restauration, qui est essentiel, tout en tenant compte du souci exprimé par les sénateurs en commission quant aux conséquences d’une énumération.
Je demande donc le retrait de l’amendement n° 812, au profit de l’amendement n° 1084, sur lequel j’émets un avis favorable.
L’amendement n° 812 est retiré.
La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.
Monsieur le rapporteur nous a donné lecture de l’article L. 211-1 du code de l’environnement, qui est l’article socle. De fait, si l’objectif de reconquête des zones humides est mentionné dans deux autres articles du même code, il ne l’est pas dans cet article socle.
Il ne s’agit pas de voter une loi bavarde – j’y suis également attentif –, mais, par souci de cohérence de l’action publique, d’utiliser les mêmes termes dans les différents articles relatifs aux zones humides.
Au fond, cet amendement vise à remédier au déséquilibre par lequel, dans le droit existant, seul l’article L. 211-1, c’est-à-dire l’article socle en matière de zones humides, ne fait pas mention de l’objectif de restauration.
Il me semble que cette proposition pourrait être assez consensuelle.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
I. – Le 2° du I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° et 2°
Supprimés
3°
« L’obligation prévue au présent 2 ne peut servir de motif pour justifier la destruction des moulins à eau ni des éléments essentiels de l’ouvrage permettant l’utilisation de la force motrice du cours d’eau, sauf s’il s’agit de la volonté du propriétaire de l’ouvrage ou si le propriétaire ne peut être identifié.
« En cas de désaccord entre l’autorité administrative et le propriétaire ou, à défaut, l’exploitant, concernant les modalités de maintien ou de restauration de la continuité écologique, une procédure de conciliation est engagée. Cette procédure est conduite par un référent territorial désigné par le représentant de l’État dans le département, qui exerce ses fonctions à titre gratuit. Un décret du ministre chargé de l’environnement précise les modalités de mise en œuvre de la procédure de conciliation territoriale. »
II
1° La première phrase est ainsi modifiée :
a) après la première occurrence du mot : « eau », sont insérés les mots : « autorisés ou fondés en titre, les forges et leurs dépendances, destinés à la fabrication de papier, de produits oléicoles, de farines et produits issus de la meunerie ou » ;
b) le mot : « régulièrement » est supprimé ;
2° La seconde phrase est supprimée ;
3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Cette dérogation s’applique à tous les moulins à eau, forges et leurs dépendances existant à la date de publication de la loi n° … du … portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dès lors que leurs propriétaires, des tiers délégués ou des collectivités territoriales les dotent d’un équipement pour produire de l’électricité, y compris postérieurement à cette date. »
Cet article important continue de susciter beaucoup d’émotion. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous serons deux à intervenir au nom du groupe Union Centriste sur l’article.
Je souhaiterais commencer mon intervention en saluant le compromis proposé par notre rapporteur Pascal Martin et voté en commission. Vous aviez d’ailleurs appelé un tel compromis de vos vœux, madame la ministre, lors de votre audition par notre commission.
Ne pas détruire le patrimoine hydraulique que constituent nos moulins est une volonté légitime, d’une part, parce que l’hydroélectricité constitue naturellement une source d’énergie de premier plan pour notre environnement et notre économie, d’autre part, parce que nos moulins font incontestablement partie du patrimoine culturel.
Je souhaite toutefois rappeler devant cette assemblée que l’obligation de restauration de la continuité écologique ne concerne aujourd’hui que 11 % des cours d’eau en France, c’est-à-dire ceux qui sont classés en liste 2. Surtout, cette obligation n’emporte pas tant la destruction des moulins en tant que tels que la réduction de l’impact des ouvrages existants sur les cours d’eau.
La restauration de la continuité écologique des cours d’eau est essentielle. Le défaut d’une telle restauration se traduit par une perte d’habitat pour les espèces aquatiques, une baisse du taux d’oxygène dans l’eau, ou encore un réchauffement de la température de celle-ci. On constate d’ailleurs aujourd’hui que certaines espèces piscicoles, telles que l’anguille, bien connue dans mon département de la Somme, sont en train de disparaître.
Avant de commencer l’examen de cet article, je vous invite donc, mes chers collègues, à ne pas entrer dans des débats de posture, mais à rester extrêmement pragmatiques sur ce sujet.
J’ai déjà eu l’occasion à plusieurs reprises d’évoquer le sujet des moulins dans cet hémicycle. Lorsque vous êtes venue dans mon département, madame la ministre, j’ai également eu l’occasion de vous dire toute la beauté et tout l’intérêt du patrimoine historique que représentent les dizaines, et peut-être même les centaines de milliers de moulins qui existent le long de nos rivières.
Je pense notamment aux trente magnifiques moulins situés sur la Cléry : appréciés de toutes et de tous, ils constituent des atouts patrimoniaux et touristiques.
Or, soudainement, les propriétaires de ces moulins reçoivent des courriers comminatoires de la préfecture, qui leur enjoint de faire tels ou tels travaux pour telle date. Ces propriétaires ne comprennent pas.
Nous, élus, prenons alors attache avec le préfet. Nous trouvons les chemins d’un dialogue, mais quelques mois plus tard, de nouvelles objections dirimantes sont émises contre les argumentaires des propriétaires de moulins. Nous estimons qu’un dialogue est nécessaire.
Je tiens à saluer le travail de l’Assemblée nationale. En effet, la rédaction qui a été proposée permet d’éviter la destruction d’éléments de ce patrimoine tout en préservant la continuité écologique, à laquelle nous sommes tous attachés. Ce qui a été fait par l’Assemblée nationale doit pouvoir être encore amélioré par le Sénat, dans le respect de l’environnement, c’est-à-dire de la double exigence de la continuité écologique, d’une part, et du rôle que jouent les moulins pour la régulation du passage de l’eau dans nos rivières, d’autre part.
Madame la ministre, il est important de ne pas opposer la culture et la nature. C’est pourquoi nous devons trouver le chemin qui permettra de préserver la culture, et donc, les moulins, qui sont partie prenante de la culture de notre pays, tout en respectant la nature.
Pour compléter les propos de mon collègue Stéphane Demilly, et rappeler la ligne de crête, bien identifiée, de notre groupe Union Centriste, nous refusons une continuité écologique qui conduise à la destruction systématique des retenues et des moulins.
Nous défendons une continuité écologique apaisée, permettant de valoriser les moulins et de garantir une production hydroélectrique renouvelable, en associant l’ensemble des parties prenantes dans un dialogue le plus constructif possible.
À rebours d’une mise en œuvre trop rigide ayant conduit à la destruction de 3 000 à 5 000 retenues d’eau, en particulier des moulins, dans le cadre des programmes d’aide des agences de l’eau, une politique plus apaisée est possible : elle a été défendue dans un excellent rapport de notre collègue Guillaume Chevrollier
Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains.
, ainsi que lors de l’examen de la proposition de loi tendant à inscrire l’hydroélectricité au cœur de la transition énergétique et de la relance économique grâce à la rapporteure Laurence Muller-Bronn.
Mêmes mouvements.
Aussi le présent article, introduit à l’Assemblée nationale par l’adoption de vingt-neuf amendements identiques, exclut-il la destruction des ouvrages hydrauliques, mettant fin à la continuité écologique destructive précédemment mentionnée.
Après avoir largement consulté l’ensemble des parties prenantes, le rapporteur Pascal Martin, que je salue, a proposé d’amender le dispositif pour parvenir à une solution d’équilibre.
La destruction des ouvrages ne doit pas être un principe, mais elle doit rester possible lorsque les propriétaires en expriment le souhait. Par ailleurs, en cas de désaccord, une conciliation permettra de réunir les acteurs.
Mes chers collègues, je vous invite à débattre de manière apaisée, de sorte que le bon sens et le pragmatisme l’emportent.
M. le président de la commission de l ’ aménagement du territoire et du développement durable applaudit.
Ce débat illustre les difficultés que l’on peut rencontrer lorsque l’on s’efforce de concilier des priorités absolues : en l’occurrence, la préservation de la qualité de notre eau et des écosystèmes aquatiques, qui suppose la continuité des cours d’eau, et celle d’un magnifique patrimoine dont nous sommes tous fiers et que nous avons envie de voir perdurer.
Pour tenir cette ligne de crête, il nous faut trouver un difficile équilibre.
Les problèmes qui ont été rencontrés dans un certain nombre de territoires ont été portés à notre attention. Le présent article, qui a été voté en première lecture par l’Assemblée nationale, a été proposé afin de remédier à ces difficultés, mais il s’avère que la rédaction ainsi introduite, par un effet de retour de balancier, interdit d’effectuer des travaux de rétablissement de la continuité écologique au nom de la préservation de notre patrimoine, même lorsque ces travaux sont reconnus comme nécessaires par l’ensemble des acteurs, y compris par les propriétaires des ouvrages eux-mêmes. En tombant dans l’excès inverse, une telle disposition ne permettait pas de répondre aux besoins que nous ressentons collectivement.
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat s’est emparée de ce sujet. Elle a proposé une rédaction qui me paraît beaucoup plus équilibrée, car elle autorise la préservation d’ouvrages constitutifs de notre patrimoine, en particulier de moulins, tout en permettant que des travaux nécessaires soient réalisés quand l’ensemble des acteurs en sont d’accord, à commencer par les propriétaires, ou même, en l’absence de propriétaire.
Ce point d’équilibre me paraît de bon sens. J’estime qu’il fait honneur au débat parlementaire, qui a permis d’apporter une solution à ce problème.
Certains réglages pourront sans doute encore être apportés. En particulier, il me paraît opportun de prévoir une procédure de médiation afin de calmer le jeu dans certains territoires qui connaissent des tensions.
Quoi qu’il en soit, il me semble que si nous suivons cette ligne de crête en nous efforçant de concilier nos deux priorités, nous parviendrons à élaborer une rédaction susceptible de satisfaire tout le monde.
J’évoquerai pour ma part le droit à produire de l’hydroélectricité dans nos moulins. Dans le cadre du groupe d’études Énergie, Daniel Gremillet et moi-même avions d’ailleurs reçu le syndicat France Hydroélectricité.
Madame la ministre, le bon sens que vous invoquez ne pourra être appliqué dans nos départements par les ingénieurs des directions départementales des territoires et de la mer (DDTM) tant que perdurera, au sein de votre ministère, la querelle entre le développement durable et la défense de la faune et de la flore.
Je peux en témoigner personnellement, car, résidant entre un moulin et une écluse, j’ai souhaité me doter d’une petite installation hydroélectrique.
Après avoir validé mon projet, l’ingénieur travaux m’a renvoyé vers sa collègue chargée de la faune et de la flore.
Première question : les poissons remontent-ils le moulin ? Je lui ai répondu qu’à moins de s’appeler Sergueï Bubka et d’être capable de faire un bond de trois mètres cinquante, un gardon aurait plus de chances de passer par l’écluse.
Sourires.
Deuxième question : est-ce une zone de frayère ? Le cours d’eau étant de faible profondeur – de quatre-vingts centimètres à un mètre – on peut voir qu’il n’y a pas d’herbe au fond. Dans ces conditions, je ne vois pas comment une frayère pourrait s’y trouver.
Quoi qu’il en soit, on m’indique qu’il faut réaliser une étude faune-flore « quatre saisons », sur une année. Mais combien cela coûte-t-il ?
Madame la ministre, dès lors que les techniciens de l’État déploient tous les moyens pour empêcher ce type de projet d’aboutir, il n’est pas étonnant que certains propriétaires de moulins doivent attendre plus de cinq ans une dernière réponse pour monter un dossier d’installation l’hydroélectrique.
Il y a pourtant une solution simple : le préfet est le patron des services de la DDTM ; qu’il signe donc les permis qu’il souhaite autoriser !
Madame la ministre, le bon sens doit d’abord être appliqué dans votre ministère avant de diffuser au sein des DDTM. Alors seulement, nous n’aurons plus de problèmes dans nos départements !
Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains.
Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une décision commune.
L’amendement n° 329 rectifié n’est pas soutenu.
L’amendement n° 510 rectifié bis, présenté par MM. Chevrollier, Favreau et Piednoir, Mme Muller-Bronn, M. de Nicolaÿ et Mmes Deroche et Doineau, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le 2° du I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement est ainsi modifié :
1° La seconde phrase est complétée par les mots : «, sans que puisse être remis en cause son usage actuel ou potentiel, en particulier aux fins de production d’énergie » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée : « S’agissant plus particulièrement des moulins à eau, l’entretien, la gestion et l’équipement des ouvrages de retenue sont les seules modalités prévues pour l’accomplissement des obligations relatives au franchissement par les poissons migrateurs et au transport suffisant des sédiments, à l’exclusion de toute autre, notamment de celles portant sur la destruction de ces ouvrages. »
La parole est à M. Guillaume Chevrollier.
À l’occasion de la présentation de cet amendement, qu’il me soit permis de saluer tout d’abord l’action des élus et de l’ensemble des acteurs de terrain qui agissent pour l’eau, ce bien commun.
Ces acteurs ont un objectif commun : la restauration de la continuité écologique, qui consiste à assurer la préservation de la biodiversité et du bon état des masses d’eau. Cependant, l’application de ce principe est source de complexité et de tensions. De fait, les incompréhensions sur le terrain sont nombreuses entre les services de l’État et les propriétaires d’ouvrages hydrauliques.
La destruction des ouvrages, plutôt que leur aménagement, serait privilégiée. Or il n’existe pas une, mais des solutions. Il apparaît donc nécessaire de mettre en œuvre une politique de gestion apaisée de la continuité écologique, mais il s’agit d’un débat complexe, dans lequel s’opposent des positions contradictoires.
Le présent amendement vise à revenir à la rédaction de l’article 19 bis C résultant des travaux de l’Assemblée nationale, rédaction qui consacrait un principe de non-destruction des moulins à eau. Elle est soutenue par des acteurs de terrain, parmi lesquels des propriétaires de moulins ou d’étangs, des agriculteurs et des défenseurs du patrimoine.
Si la rédaction issue des travaux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable apportait des réponses pertinentes s’agissant de l’obtention des aides des agences de l’eau pour la suppression volontaire des seuils à des fins de restauration de la continuité écologique, et proposait des solutions autour de la médiation, il semble plus approprié de retenir la rédaction de l’Assemblée nationale, qui offre un degré de protection supérieur pour les propriétaires de ces ouvrages.
Un vote conforme permettrait d’engager une politique de la continuité écologique plus apaisée, et de réorienter l’action des pouvoirs publics en faveur de la valorisation des ouvrages, dans une perspective de développement durable et conformément au projet de loi initial, qui dispose que la préservation des milieux repose sur le triptyque de la gestion, de l’entretien et des équipements.
L’amendement n° 1418, présenté par Mme M. Filleul, MM. J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert, Devinaz, Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le 2° du I de l’article L. 214-17 du code de l’environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas où les solutions de mise en conformité des ouvrages, dont l’arasement, ont pour incidence de porter une atteinte grave à l’intérêt patrimonial de ces derniers ou à supprimer des capacités de production hydroélectrique que souhaiterait préserver le propriétaire, ou ne seraient pas acceptées par les propriétaires, un argumentaire devra être présenté par l’administration instructrice. En cas de conflit persistant entre le propriétaire et les services instructeurs, une procédure de conciliation est engagée, pilotée par un référent territorial nommé par le représentant de l’État dans le département au sein des services de l’État. En cas d’échec de la procédure de médiation territoriale, le comité national de l’eau sera mandaté pour proposer des solutions consensuelles. Un décret précisera le contenu de l’argumentaire, les modalités de recours à la procédure de conciliation territoriale et nationale, les missions du référent, les missions et la composition de la commission d’expertise qui sera constituée pour accompagner le comité national de l’eau. »
La parole est à Mme Martine Filleul.
Mme Martine Filleul. Ce sujet aura décidément donné beaucoup de grain à moudre à notre assemblée !
Sourires.
Permettez-moi tout d’abord de préciser notre cadre : les sénateurs du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sont très attachés à la préservation de la continuité écologique des cours d’eau et ne souhaitent pas sa remise en cause.
Pour mémoire, la directive Eau de 2000 nous fixait l’objectif d’atteindre un bon état écologique pour les deux tiers de nos masses d’eau en 2015. Or, comme cela a été rappelé lors des assises de l’eau en 2019, seulement 44 % des masses d’eau ont atteint cet objectif européen, du fait de la trop forte artificialisation de nos rivières, des pollutions agricoles et de prélèvements trop importants.
Pour apaiser ce débat, il faut replacer les choses dans leur contexte et à leur juste mesure. Pour cela, il est important de préciser que tous les cours d’eau ne sont pas concernés par cette protection, tant s’en faut. De fait, tous les moulins et installations de petite hydroélectricité ne sont potentiellement pas menacés de destruction.
Nous sommes favorables à la recherche d’une conciliation entre cet engagement environnemental et le développement de la petite hydroélectricité en France, qui répond à la nécessité d’encourager le développement de nos énergies renouvelables.
Par cet amendement, nous proposons un compromis axé sur le renforcement des procédures de conciliation, ainsi qu’une méthodologie et un chemin très précis.
Par souci de transparence, je précise que cet amendement a été élaboré avec l’Association nationale des élus de bassin. Il vise à renforcer les procédures de dialogue et de conciliation en cas de conflit, ainsi qu’à garantir la plus grande transparence lorsque des décisions sont prises. Ainsi toute solution de mise en conformité conduisant à la suppression des capacités de production hydroélectriques ou portant atteinte à l’intérêt patrimonial – ce point tient particulièrement à cœur à mes collègues Sylvie Robert et Jean-Pierre Sueur – devra-t-elle être accompagnée d’un argumentaire de l’administration visant à justifier ce choix.
En cas de persistance du conflit, une procédure de conciliation sera engagée. Celle-ci sera pilotée par un référent territorial nommé par le préfet du département. En cas d’échec de cette procédure de conciliation, le Comité national de l’eau sera alors mandaté pour présenter des solutions consensuelles afin de trouver une sortie satisfaisante pour l’ensemble des parties.
L’amendement n° 510 rectifié bis, présenté il y a quelques minutes par M. Chevrollier, vise à rétablir la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.
Le maintien et la restauration de la continuité écologique est un sujet qui a beaucoup occupé notre commission ces derniers mois. Je salue, à ce propos, le travail accompli par Guillaume Chevrollier dans son rapport d’information qui contient des pistes intéressantes pour la mise en œuvre d’une continuité écologique apaisée. Je salue également celui de Laurence Muller-Bronn, dont le rapport pour avis sur la proposition de loi tendant à inscrire l’hydroélectricité au cœur de la transition énergétique et de la relance économique de Daniel Gremillet a déjà été cité.
Ce sujet, c’est le moins que l’on puisse dire, a fait l’objet de débats passionnés à l’Assemblée nationale. Je sais que, parmi nous, nombreux sont ceux qui s’intéressent aux moulins à eau, car ces ouvrages sont souvent présents sur les cours d’eau.
Cependant, la rédaction retenue par nos collègues députés me paraît juridiquement plus fragile que celle dont j’ai proposé l’adoption à la commission, de sorte qu’elle peut être source de difficultés d’interprétation.
J’ai néanmoins également entendu les inquiétudes que bon nombre d’entre vous sont venus exprimer, au sujet de la possible disparition de cet article à l’issue de la commission mixte paritaire.
Compte tenu de ces éléments, j’ai décidé de m’en remettre à la sagesse du Sénat sur l’opportunité d’en revenir à la rédaction de nos collègues députés.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Quant à l’amendement n° 1418 de Martine Filleul, il a pour objet la mise en œuvre d’une procédure de conciliation en cas de désaccord entre un propriétaire de moulin et l’administration, concernant l’obligation de restauration de la continuité écologique.
Les travaux de notre commission ont montré à quel point des tensions pouvaient exister dans certains territoires au sujet des prescriptions administratives en matière d’aménagement et d’équipement des ouvrages hydrauliques.
Le législateur doit se saisir de ces questions, afin d’assurer une continuité écologique apaisée qui préserve non seulement l’environnement et la biodiversité, mais également les moulins à eau à forte valeur patrimoniale. Une conciliation paraît de nature à lever les malentendus.
Cependant, cet amendement est satisfait par la rédaction issue des travaux de la commission. J’en demande donc le retrait, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Nous avons eu effectivement, en commission, un débat très riche. Il était nécessaire et je vous en remercie.
Le ministère a été amené à constater et à étudier certains cas particuliers, liés à des situations locales que vous avez bien voulu d’ores et déjà nous faire remonter. À partir du moment où le sujet a été porté à l’Assemblée nationale, de manière certes un peu brutale, nous y avons travaillé.
Je remercie la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat de ses efforts pour trouver une rédaction de compromis. Elle a compris qu’il était nécessaire de changer de regard dans le traitement des dossiers qui concernent ces ouvrages, et a inscrit dans le texte la nécessité de développer une véritable médiation, ce dont chacun convient aujourd’hui.
Sur la forme, adopter l’amendement de M. Chevrollier reviendrait à nous priver d’un certain nombre de possibles.
La nécessité d’une médiation a été largement entendue. C’était là tout l’objet du travail parlementaire et des positions qui ont été défendues avec force aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Maintenant que le message est passé, ne nous privons pas des outils grâce auxquels nous éviterions de nous enfermer dans des situations figées !
En effet, je suis sûre que vous conviendrez qu’il serait d’autant plus regrettable que des propriétaires qui n’ont pas de perspectives en matière d’hydroélectricité et souhaitent intervenir sur leur ouvrage, pour s’épargner quelques frais d’entretien, ne puissent plus le faire.
Ne nous privons pas non plus de la possibilité d’intervenir sur des ouvrages sans propriétaire ! Je crois qu’il nous faut préserver cette médiation, parce que le sujet des moulins n’est que l’incarnation ou la cristallisation de l’équilibre que nous avons besoin de construire, en responsabilité, en veillant à préserver les continuités écologiques et le patrimoine, et en veillant aussi à sauvegarder la production d’hydroélectricité, quand bien même celle-ci serait très individuelle.
Or, s’il était adopté, monsieur Chevrollier, votre amendement qui rétablit la rédaction du texte issu de l’Assemblée nationale nous couperait de ces possibles, contrairement aux améliorations que la commission de l’aménagement du territoire du Sénat, dans sa grande sagesse, a bien voulu introduire dans le texte.
Comme vous le savez, je me suis engagée à organiser une concertation, à l’issue de la consultation publique sur les schémas directeurs d’aménagement et de la gestion des eaux (Sdage), à l’automne, et nous l’accueillerons bien volontiers au ministère, ainsi que tous les parlementaires qui souhaiteront y être associés.
Le Gouvernement présentera également un amendement qui vise à organiser cette médiation à un double niveau, local et national. Tous ces outils ont reçu un accueil largement favorable.
Je vous demande donc, monsieur Chevrollier, de retirer votre amendement, puisque le message porté à l’Assemblée nationale a été très largement entendu, afin de rendre possibles la définition de projets locaux et l’ouverture d’un chemin pour une médiation.
En ce qui concerne l’amendement n° 1418, la réponse est dans la médiation prévue dans l’amendement n° 2144 du Gouvernement. Au-delà des questions territoriales, les autres partenaires, dont le Comité national de l’eau dont vous prévoyez la saisine, madame Filleul, sont évidemment, de fait, acteurs de cette réflexion. Ils sont aussi, localement, les premiers médiateurs de ces sujets.
Par conséquent, je demande le retrait de cet amendement au profit de l’amendement n° 2144 du Gouvernement, qui privilégie la médiation.
Je me sens légèrement déstabilisé. En effet, j’avais cru comprendre, en écoutant l’intervention de Mme la ministre, que le Sénat avait fait œuvre utile et que le Gouvernement avait entendu ceux qui s’étaient mobilisés sur ce sujet, parfois avec force, ce qui a pu nous surprendre.
Nous étions donc arrivés à une rédaction de compromis qui, pour reprendre en substance les mots de Mme la secrétaire d’État, dit les possibles et fixe le cadre de la concertation. À mon avis, si l’on a trouvé ce compromis, il ne faut pas le remettre en cause ! Un vote conforme risquerait de nous faire perdre davantage que le cadre fixé.
Je souhaite donc en rester à ce compromis et je retire l’amendement de suppression partielle que j’avais déposé. C’est une manière pour moi de reconnaître le travail collectif qui a été effectué, même s’il ne correspond pas totalement à ma position personnelle ni à celle de mon groupe. Je souhaite vraiment que nous en restions à ce travail collectif.
Sur le fond, néanmoins, je crois qu’il faut être clair : la restauration des continuités écologiques est une priorité européenne. Il est important de le rappeler, car 11 % des cours d’eau en France sont morcelés. Même si ce morcellement ne concerne pas la totalité des cours d’eau, nous ne pouvons pas négliger la nécessité de préserver la continuité écologique.
Un autre problème, assez important, qu’il nous faut prendre en compte concerne le développement des cyanobactéries. J’y ai été confronté dans mon département. Des cyanobactéries comme Planktothrix ou Anabaena, – je les connais par cœur ! – remettent en cause beaucoup d’usages lorsqu’elles arrivent sur un plan d’eau. Pour lutter contre leur développement, il faut non seulement limiter les intrants, notamment le phosphore, mais il faut aussi que l’eau circule.
Dans tous les cas, nous ne pouvons pas accepter que les cours d’eau finissent par devenir une suite de retenues avec de l’eau qui ne coule plus. Ce serait désastreux tant pour la qualité que pour l’usage de l’eau, car l’on favoriserait ainsi le développement des cyanobactéries, avec tous les problèmes qui en découlent.
Par respect pour le travail collectif accompli, je retire l’amendement n° 1872, et je ne voterai pas non plus ceux qui vont à l’encontre de cette position.
L’amendement n° 1872 est retiré.
La parole est à M. Daniel Gremillet, pour explication de vote.
Je veux dire trois choses. La première, c’est que, au Sénat, nous avons tous une histoire de vie dans nos territoires. Nous pourrions tous prendre des exemples de ce que nous vivons, de ce que nous avons connu, de ce qui a existé, ou de ce qui a été fait dans nos territoires.
Pour ma part, je viens d’un petit village, où coule un ruisseau qui prend sa source à peine à un kilomètre de chez moi. Sur ce ruisseau, il y avait deux féculeries, un tissage, un moulin, et une turbine. Je suis pêcheur dans tous les sens du terme. J’ai toujours attrapé des truites, en haut, en bas. J’ai toujours vu des écrevisses en haut et en bas. §Je suis très sérieux, quand je dis cela !
La vie d’un cours d’eau est complexe. Il y a eu ce qu’ont fait nos anciens et qui constitue notre histoire, car nous ne venons pas de nulle part. Cela a permis, effectivement, la préservation de richesse aquatique.
Le ruisseau devant chez moi s’appelle la Bouillante. Vous avez tous l’équivalent dans vos territoires, vous avez tous un vécu et une histoire. Je tiens à remercier notre collègue Guillaume Chevrollier pour son amendement, ainsi que M. le rapporteur pour son avis de sagesse.
Nous ne pouvons pas renier notre histoire et, grâce à cette force, pour une fois, nous allons inscrire « dans le dur », si nous votons conforme le texte adopté par l’Assemblée nationale, un point qui fait polémique et débat depuis tant de temps !
Tout ce temps perdu a empêché les investissements. Je reprends là le propos de notre collègue que je partage à 200 %. L’innovation n’est possible que si l’on investit. Il faut permettre ce renouvellement, car, grâce aux technologies, nous pourrons faire des choses qui seront différentes que ce qui a été fait dans le passé.
Je suis rapporteur pour avis sur ce texte et je suis très fier du travail que nous avons fait ensemble. Cependant, pour une fois, je serai très content que l’amendement que je dois présenter au nom de la commission des affaires économiques tombe, si celui de M. Guillaume Chevrollier est adopté.
En effet, notre amendement a trait à la conciliation. Or qui dit conciliation dit aussi conflit. Si nous pouvons éviter le conflit, comme nous avons l’occasion de le faire, nous aurons fait un excellent travail.
Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC.
Je souhaite aussi soutenir l’amendement de notre collègue Chevrollier. En effet, quelques années de pratique dans cet hémicycle nous montrent, madame la ministre, qu’il vaut mieux tenir que courir.
Nous avons aussi, dans l’Orne, une histoire avec les moulins. Certaines associations sont très actives, notamment l’association Les Amis des moulins, qui assure la protection et la sauvegarde des moulins, ainsi que l’assistance aux propriétaires d’ouvrages hydrauliques, et qui existe d’ailleurs aussi en Bretagne. Ces associations sont très mobilisées, nous en avons déjà beaucoup parlé.
En leur nom, nous souhaitons donc défendre une solution qui soit équitable et conforme à leurs attentes. Comme notre collègue Gremillet l’a déjà très bien dit, là où il y a une médiation, il y a aussi un risque.
On connaît aussi les divergences de position des administrations, d’un territoire à l’autre. Celles-ci peuvent varier au cours de l’eau, si j’ose dire, et être différentes à un endroit et à un autre du cours d’eau, simplement parce que celui-ci coule sur des territoires où les jurisprudences ne sont pas les mêmes.
Je soutiens donc avec force cet amendement, au nom de toutes les associations qui ont travaillé sur ces sujets, et qui sont extrêmement inquiètes.
M. Stéphane Demilly applaudit.
Cela fait des années que l’on attend cette disposition pour les moulins ! Nul doute que la rédaction issue des travaux de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable est de meilleure qualité, puisqu’elle donne une place centrale à la médiation ! Je suis d’accord.
Cependant, cela fait tellement longtemps que l’on attend cet article que je vais soutenir l’amendement de notre collègue Guillaume Chevrollier. Ainsi, nous pourrons au moins avoir l’assurance que nous disposerons d’une base juridique et que l’article sera validé et « fermé » à l’Assemblée nationale.
Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, nous avons confiance en vous. Sur ce point, laissez-moi cependant vous faire une suggestion : inscrivez la proposition de loi de Daniel Gremillet à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, de sorte que les deux assemblées puissent en débattre et avancer !
En attendant, je soutiens l’amendement de Guillaume Chevrollier, car il nous donne précisément l’assurance d’avancer.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Mme Barbara Pompili, ministre. À cette heure, et parce que cela me concerne personnellement, je souhaite adresser un petit salut à nos futurs bacheliers qui viennent de terminer l’épreuve de philosophie. Le sujet sur lequel ils devaient travailler était le suivant : « La technique nous libère-t-elle de la nature ? » Voilà que leurs aînés en débattent aussi ! J’ai une pensée pour ma fille dont j’attends des nouvelles…
Sourires.
Les débats à l’Assemblée nationale ont été passionnés, mais les amendements n’avaient pas été suffisamment préparés en amont. Après le vote à l’Assemblée nationale, de nombreux députés, qu’ils siègent sur les bancs de la majorité ou de l’opposition, tous très soucieux des questions relatives aux moulins, sont venus me faire part de leur satisfaction d’avoir fixé une règle nouvelle, mais aussi de leur crainte d’avoir été trop loin en entérinant une régression environnementale.
En effet, les mesures qui ont été votées à l’Assemblée nationale ne prévoient aucun moyen pour faire les travaux qui s’imposent, en cas de régression environnementale avérée sur un cours d’eau, …
Faites inscrire la proposition de loi de Daniel Gremillet à l’ordre du jour !
… et cela même si personne ne conteste leur nécessité. Les propriétaires devront donc les faire à leurs frais.
Voilà pourquoi les députés sont venus me voir, en espérant que la mesure pourrait être recalibrée lors de l’examen du texte au Sénat. La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable l’a fait, en veillant à inscrire clairement dans son texte qu’il ne pouvait plus y avoir de dérasements de seuil « sans l’accord des propriétaires ».
Cela signifie qu’on ne pourra plus enjoindre à aucun propriétaire, de manière un peu brutale, comme cela a parfois été le cas dans certains territoires, de renoncer à son moulin. Cette mesure était attendue depuis très longtemps et nous ne voulons pas revenir dessus. C’est un point très important.
Nous devons cependant veiller à ne pas prendre des mesures qui ne seraient pas équilibrées et qui risqueraient d’avoir pour effet que, là où chacun serait d’accord pour constater une régression environnementale, on ne pourrait pas y remédier.
La médiation est essentielle sur ce point, car certains sujets nécessitent que tous les acteurs puissent échanger. À l’issue des discussions, le propriétaire pourra ainsi être mieux à même d’envisager une solution.
Croyez-vous vraiment qu’il suffise de supprimer la médiation pour arrêter tous les conflits ? Pas du tout ! Cela ne mettra pas fin aux recours.
Nous devons gérer un problème de qualité de l’eau sur certains cours d’eau, mais pas sur tous, heureusement ! L’immense majorité des cours d’eau et des moulins n’est pas concernée par les mesures dont nous parlons.
Il nous faut donc trouver des solutions équilibrées pour répondre à ces cas particuliers. Votre commission a réussi à en proposer une, car elle a pu travailler en évitant la précipitation, contrairement à l’Assemblée nationale. Nous avons eu le temps de faire ce travail, et les sénateurs de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ont apporté d’excellentes contributions pour conserver l’acquis très attendu auquel un certain nombre d’entre vous tient beaucoup, tout en préservant les possibilités de ne pas favoriser la régression environnementale, quand il y en a.
Vous avez voté, avant l’article 1er, une disposition consacrant la nécessité de faire très attention à ne pas favoriser la régression environnementale. Je vous alerte donc, à présent, sur le fait que la proposition de la commission permet d’y veiller. En revanche, le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale risque d’entraîner des problèmes sur un certain nombre de cours d’eau, même si celui-ci reste assez réduit.
Je crois fermement qu’il est possible de trouver un chemin de crête. La voie qui y mène ne passe pas par un retour à la rédaction de l’Assemblée nationale. Tel est le point sur lequel je vous alerte.
En revanche, j’entends les inquiétudes qui ont été relayées par M. le rapporteur : si l’article n’est pas voté conforme, qui nous dit qu’en commission mixte paritaire, on ne le supprimera pas tout simplement ?
Je considère que, sur cette question, nous devons faire confiance à l’intelligence collective. Toutefois, la confiance exige des preuves. Donc, en tant que représentante du Gouvernement, présente ici avec Bérangère Abba, je prends l’engagement formel que, en commission mixte paritaire, on ne supprimera pas cet article, et que l’on gardera a minima la version qui a été votée par l’Assemblée nationale.
Murmures sur les travées du groupe Les Républicains.
Si jamais la commission mixte paritaire échoue, ce qui peut arriver, en nouvelle lecture, nous défendrons cette position, et je peux vous garantir que la majorité de l’Assemblée nationale la votera, c’est une évidence !
Au pire, les députés voudront revenir à leur rédaction initiale, mais je ne pense pas qu’ils le feront, puisqu’ils ont constaté les limites de celle-ci.
La rédaction issue des travaux du Sénat sera de toute façon votée. Quand bien même elle ne le serait pas, au pire pour moi, ou au mieux pour vous, on en reviendrait à la rédaction de l’Assemblée nationale.
Par conséquent, vous ne prenez pas de risques à voter ce que la commission a très bien écrit, et qui garantit non seulement la préservation de notre patrimoine, mais aussi la possibilité de sauver des cours d’eau, dont la qualité exige une attention particulière.
Voilà ce que je souhaitais vous dire. Je ne peux pas aller plus loin. Si vous choisissez de « fermer » l’article, en le votant dans la rédaction de l’Assemblée nationale, cela risque de poser un grave problème de régression environnementale.
J’entends parfaitement ce que Mme la ministre vient d’exprimer. La commission est arrivée à une solution très équilibrée, qui n’était pas facile du tout à mettre par écrit. Malgré les intérêts très contradictoires qui s’expriment au sujet des cours d’eau, on peut parvenir à dégager des convergences.
Figer cet article en votant l’amendement de notre collègue Chevrollier, c’est aller vers de nouveaux soucis. Loin de favoriser l’apaisement et le dialogue, nous irons vers de nouveaux affrontements, car nous braquerons à nouveau les associations, et les recours au niveau européens se multiplieront. Évitons de reprendre le chemin du conflit, et appuyons-nous plutôt sur le travail effectué en commission, car celle-ci a su trouver le bon étiage – c’est le cas de le dire…
Sourires.
Mon intervention sera brève. Je suis très surpris, madame la ministre, que vous preniez ici un engagement au nom de la commission mixte paritaire. Vous avez dit, en effet, prendre l’engagement qu’il n’y aurait aucun problème lors de la commission mixte paritaire.
Je suis confus de devoir rappeler que le Gouvernement ne siège pas dans une commission mixte paritaire. Il n’y a que des parlementaires, madame la ministre.
La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Je veux tout d’abord saluer Ronan Dantec qui a retiré son amendement au profit du texte de la commission. Le débat n’est effectivement pas facile. Il oppose celles et ceux qui veulent mettre un terme à la destruction des barrages et ceux qui disent qu’il ne faut pas le faire. Le sujet est compliqué.
En tant que président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, je considère que l’article 19 bis C n’interdit pas ni n’autorise la destruction des barrages. Il constitue une sorte de compromis qui permet d’assurer la continuité écologique et de ne pas maintenir un barrage ou un moulin qui ne fonctionne plus, ou qui n’a plus d’utilité. Ce point est important dans la décision que nous prendrons et nous devons nous autoriser à prendre un peu de recul.
J’ai bien noté le souhait de Guillaume Chevrollier, et j’en ai longuement discuté avec lui. Cependant, dans l’immédiat, mieux vaut que nous conservions le texte dont nous avons beaucoup discuté en commission. Nous pourrons ainsi ouvrir des perspectives et nous éviterons de figer la situation.
En effet, l’interdiction, si nous la décidons, vaudra partout. Or peut-être que, à un moment donné, il y aura des volontés ou des usages qui dépasseront le cadre environnemental et que nous ne pourrons plus maîtriser.
J’ai bien compris que l’administration pouvait parfois poser problème. Cependant, la rédaction issue des travaux de la commission me semble sage. Elle permet une certaine ouverture, et je souhaite que nous puissions la conserver.
Monsieur Sueur, je ne sais pas ce qui se passera en commission mixte paritaire. Celle-ci ne durera peut-être que trente secondes ou bien cinq heures. Quoi qu’il en soit, j’ai entendu les engagements de Mme la ministre. Sachez, mon cher collègue, que je n’oublierai pas de rappeler les propos qui ont été tenus aujourd’hui par Mme la ministre.
Quelques mots très rapides, car je veux d’autant moins allonger le débat que le mérite de la solution proposée revient aux collègues de la commission, mais je tiens quand même à souligner un point concernant cet amendement que j’aurais volontiers soutenu, puisque Guillaume Chevrollier et ses collègues ont beaucoup travaillé sur ces sujets.
Je ne suis pas un spécialiste des moulins, mais davantage du ferroviaire, des petites lignes et des petites gares que je défends avec passion et conviction, comme le font pour les moulins ceux de mes collègues qui se sont exprimés sur ce sujet.
Nous avons effectivement été sollicités par des propriétaires et par des associations qui défendent les moulins et le patrimoine. Un amendement qui n’a pas été défendu visait aussi le travail mené par les élus et les forces vives au sein des parcs naturels régionaux. Les parcs nationaux ont aussi une histoire et une vocation importante de défense du petit patrimoine.
Compte tenu des arguments développés par le président de la commission et par le rapporteur, je me plierai à leur avis.
Merci également, madame la ministre et madame la secrétaire d’État, pour votre engagement. Un travail de fond a été effectué. Je tiens sincèrement à féliciter mes collègues de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, ainsi que ceux de la commission des affaires économiques, dont Daniel Gremillet qui est un grand spécialiste de ces questions.
Je me rallierai donc à la position de la commission.
La parole est à M. le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à douze heures trente-cinq.
La séance est reprise.
La parole est à M. Didier Mandelli, pour explication de vote.
J’ai la lourde tâche de tenter de clarifier la position de la commission et celle de la majorité sénatoriale sur cette question sensible.
Mes chers collègues, nous allons vous demander de voter l’amendement n° 510 rectifié bis de Guillaume Chevrollier.
Je remercie le Gouvernement, plus précisément les deux ministres présentes parmi nous ce matin, des engagements formels et fermes qu’il a pu prendre.
Cela étant, en complément de l’adoption de l’amendement de notre collègue, nous souhaitons que la proposition de loi de Daniel Gremillet puisse être inscrite à l’ordre du jour.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC.
Cela nous permettrait de résoudre toutes les difficultés et d’avoir un débat beaucoup plus approfondi sur un sujet qui nécessite, effectivement, une attention particulière. Je le dis tout en reconnaissant l’efficacité du travail du rapporteur Pascal Martin et tout en ayant conscience des efforts qu’il a dû faire pour en arriver à cette position.
En attendant, j’ai bien conscience que personne ne sera complètement satisfait de cette issue.
Je mets aux voix l’amendement n° 510 rectifié bis.
En conséquence, l’article 19 bis C est ainsi rédigé, et les amendements n° 1418, 2144, 1851 et 967 rectifié bis n’ont plus d’objet.
Le livre Ier du code forestier est ainsi modifié :
1° L’article L. 112-1 est ainsi modifié :
a)
« 4° La préservation de la qualité des sols forestiers au regard de la biodiversité ainsi que la fixation, notamment en zone de montagne, des sols par la forêt ; »
b) Au 5°, les deux occurrences des mots : « bois et forêts » sont remplacées par les mots : « sols forestiers, bois et forêts » ;
1° bis
2° L’article L. 121-1 est ainsi modifié :
a) La seconde phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « et sont conformes aux principes mentionnés au présent article » ;
b) Au deuxième alinéa, après le mot : « État », sont insérés les mots : «, en concertation avec les collectivités territoriales et leurs groupements et en mobilisant les autres parties prenantes, » ;
c) Le 2° est complété par les mots : « afin de contribuer à l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050 énoncé à l’article L. 100-4 du code de l’énergie » ;
d) Au 3°, après le mot : « biologiques », sont insérés les mots : «, notamment en matière d’essences, » ;
e) Le 4° est complété par les mots : «, en ayant notamment recours à la migration assistée des essences ou à la régénération naturelle » ;
f) Après le 7°, sont insérés des 8° et 9° ainsi rédigés :
« 8° À la promotion de l’utilisation de bois d’œuvre provenant de feuillus ;
« 9° À l’impulsion et au financement de la recherche et à la diffusion des connaissances sur les écosystèmes forestiers, afin d’anticiper les risques et les crises. » ;
g) Les deux premières phrases du dernier alinéa sont remplacées par une phrase ainsi rédigée : « La politique forestière a pour objet d’assurer la gestion durable et la vocation multifonctionnelle, à la fois économique, écologique et sociale, des bois et forêts. » ;
2° bis
« L’État encourage le déploiement de méthodes et de projets pouvant donner lieu à l’attribution de crédits carbone au titre du label “Bas-Carbone” en faveur des pratiques sylvicoles durables, sur l’ensemble du territoire. » ;
3° La deuxième phrase du premier alinéa de l’article L. 121-2-2 est complétée par les mots : « conformément aux principes énoncés à l’article L. 121-1 ».
La Convention citoyenne pour le climat a formulé un certain nombre de propositions sur la forêt. Toutefois, peu d’entre elles ont été retenues par le Gouvernement dans son projet de loi. Les interactions entre forêt et changement climatique sont pourtant nombreuses et ont une incidence majeure. Ainsi, la forêt française, l’une des plus grandes et des plus diversifiées d’Europe, atténue le changement climatique en absorbant chaque année plus de 11 % de nos émissions de gaz à effet de serre. Elle filtre l’eau, l’air, rafraîchit les températures et abrite un réservoir de biodiversité.
À ces fonctions de séquestration et de stockage de carbone, il faut également ajouter des fonctions de substitution de ce matériau et de cette énergie renouvelable, au regard de matériaux et d’énergies dont le bilan carbone est plus préjudiciable à l’environnement. C’est toute la stratégie de la RE2020.
Ces dernières années, notre forêt a subi de plein fouet les premiers effets du changement climatique : cimes des arbres brûlées à cause des fortes chaleurs, prolifération de parasites et d’insectes ravageurs sur quasiment toutes les essences d’arbres, rendues plus vulnérables du fait des sécheresses à répétition, montée du risque d’incendie dans des régions où il était, hier encore, inimaginable.
Face à ces menaces croissantes, la réponse passe par davantage de pragmatisme local et de multifonctionnalité.
La multifonctionnalité est un concept de gestion forestière qui rencontre un grand succès en France depuis la loi de 2001 d’orientation sur la forêt et qui privilégie la conciliation des enjeux environnementaux, sociaux et économiques de la forêt. Ce n’est pas une mince affaire – il faut le dire – sur le terrain, mais cette gestion a pu se développer au fil du temps grâce, principalement, aux stratégies locales de développement forestier, comme les chartes forestières de territoire, qui sont de précieux outils d’administration des massifs.
La gestion multifonctionnelle française de la forêt repose sur quelques principes simples : le prélèvement du bois pour s’équiper en mobilier ou pour la construction, tout en séquestrant le carbone et en répondant à l’objectif de substitution fixé par la RE2020, par exemple via le recours de plus en plus important aux matériaux biosourcés dans le bâtiment ; la préservation du stockage de carbone dans les sols et de la biodiversité des espaces forestiers par des interventions adaptées ; l’accueil de nos concitoyens dans des forêts publiques, mais aussi très souvent privées, ouvertes aux promeneurs, aménagées et sécurisées. Il faut continuer à encourager et à propager cette politique de gestion au fil du temps – certes souvent long – de la forêt.
Nos collègues députés ont adopté trois articles sur la forêt, que nous avons enrichis en commission des affaires économiques. Nous avons aussi introduit deux nouveaux articles, qui visent à développer le label bas-carbone en forêt et dans les aires protégées, à étendre les paiements pour services environnementaux à la forêt, à préserver la qualité des sols forestiers, notamment face aux pratiques sylvicoles préjudiciables au stockage de carbone et à la biodiversité, à prendre en compte les risques d’incendie émergents dans des territoires jusqu’ici relativement épargnés, avec la faculté pour des maires en quelque sorte « lanceurs d’alerte » d’imposer des obligations en matière de débroussaillement, ou encore à maîtriser les exportations massives de bois d’œuvre, qui risquent d’être préjudiciables à terme à l’approvisionnement de nos propres entreprises et, donc, de nous empêcher d’atteindre les objectifs fixés par la stratégie nationale bas-carbone.
Ainsi amendé, l’article 19 bis D ajuste les grands principes du code forestier en y intégrant les objectifs opérationnels de soutien à l’adaptation et à la résilience des forêts face au changement climatique. Il promeut une forêt multifonctionnelle, source de solutions face à l’ensemble des défis climatiques qui sont devant nous.
Je souhaite concentrer mes propos sur les services écosystémiques rendus par la forêt.
Si la forêt a besoin de s’adapter au dérèglement climatique, elle est elle-même un vecteur majeur de lutte contre celui-ci. Il me semble que, à ce titre, elle a besoin d’un traitement particulier.
Nous sommes confrontés aujourd’hui à l’impérieuse nécessité d’adapter nos politiques de développement pour répondre à l’objectif de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. La forêt joue en la matière un rôle majeur : il est impératif de renforcer sa place et de sécuriser sa bonne gestion pour optimiser ses atouts.
Il est nécessaire que, au-delà des certifications existantes, les services écosystémiques des forêts fassent l’objet d’une reconnaissance officielle en France. Cela passe sans doute par le biais d’une nouvelle certification, qui comblerait les lacunes des précédentes : elle valoriserait davantage une sylviculture mélangée, à couvert continu, dont les effets ne sont plus contestables en termes de performances écosystémiques, à l’inverse de l’exploitation forestière de masse, souvent en monoculture, qui a longtemps prévalu, mais qui ne contribue pas à la fixation durable et massive du carbone. Les chercheurs ont récemment prouvé qu’une forêt gérée en futaie irrégulière stockait six à sept fois plus de carbone dans son sol.
Nos voisins allemands se mobilisent pour une reconnaissance des services écosystémiques de la forêt : le 22 avril dernier, le Bundestag a mandaté les ministères de l’agriculture et de l’environnement pour élaborer et mettre en œuvre un dispositif visant à compenser financièrement ces services rendus par la forêt. Captation et stockage de carbone, filtration de l’eau et réserve en eau, réservoir de biodiversité, espace de bien-être sont autant de services rendus et de services vitaux pour l’équilibre de notre planète. Il faut donc accroître au maximum les capacités de photosynthèse des écosystèmes forestiers.
Le renouvellement forestier et les pratiques sylvicoles vertueuses doivent être promus pour lutter contre le réchauffement climatique. Il n’est par conséquent pas excessif d’envisager une juste rémunération de ces services, en contrepartie de critères exigeants qui valident l’excellente gestion de nos forêts privées et publiques.
Les entreprises envisagent de consacrer une partie de leurs recettes à la rémunération de ces services. Il me paraît important que ces pratiques forestières vertueuses puissent être divulguées, labellisées et rémunérées.
Comme l’ont souligné nos collègues députés lors des débats à l’Assemblée nationale, la forêt était la grande absente du projet de loi initial. Il est heureux que le travail parlementaire ait réparé cet oubli, car la forêt française absorbe chaque année près de 20 % des émissions nationales de CO2. Elle rend gratuitement des services inestimables à notre pays et ne reçoit rien, ou presque, en échange.
Pis, depuis plusieurs années, notre forêt est objet de spéculation : elle est devenue une valeur refuge, qui suscite beaucoup d’appétit de la part des investisseurs privés, lesquels n’ont que peu de considération pour l’écosystème forestier, pourtant très fragile. Cela concerne en particulier les massifs de résineux. Ainsi, en les couvrant en monoculture avec des essences comme le Douglas, dont la rentabilité est forte, le risque d’une baisse systématique de l’âge d’exploitabilité des forêts et d’une atteinte à la biodiversité est avéré.
Ce n’est pas pour rien que la Convention citoyenne pour le climat a consacré une large place à la situation des forêts françaises, recommandant notamment de privilégier une gestion forestière sans destruction du couvert forestier, de minimiser la replantation de résineux et de veiller au mélange des variétés d’arbres, de ne pas accroître la récolte de bois, d’interdire les coupes rases dans les vieilles forêts et, surtout, de pérenniser l’existence de l’ONF et d’en augmenter les effectifs. Or, depuis vingt ans, l’État se désengage de la gestion forestière en imposant à l’ONF des contraintes financières disproportionnées et des missions éloignées de sa vocation première.
L’Office, garant du patrimoine forestier public, perd peu à peu son rôle d’acteur pivot, car il dispose de moins de personnel et de temps pour l’entretien des voies et des pièces d’eau, pour le conseil aux élus des communes forestières, pour l’accueil et la sensibilisation du public. Saigné à blanc, il a vu disparaître près de quatre emplois sur dix, soit au total 38 % de ses effectifs, et ce alors même que ces agents sont extrêmement précieux pour la filière bois et jouent un rôle essentiel auprès d’une myriade de petits propriétaires. Il faut conforter l’Office, rassurer les agents, agrandir les parcelles et renoncer à la politique de démantèlement de ce service public fondamental.
Je voudrais saluer les propos tout à fait réalistes des précédents intervenants et remercier Anne-Catherine Loisier de son action en faveur de la forêt, tant publique que privée.
Mon intervention sera très concrète et complétera celle de mon prédécesseur, puisqu’elle concerne les agents des centres régionaux de la propriété forestière.
Qu’ils émanent des CRPF ou de l’ONF, les acteurs de la forêt ont besoin de conseils. Il importe aujourd’hui de modifier les pratiques et de faire en sorte que la forêt joue le rôle multifonctionnel dont a parlé Mme la rapporteure pour avis. Encore faut-il que ces organismes en aient les moyens. C’est la raison pour laquelle il est important que l’article 19 bis EA introduit par le Sénat soit maintenu : il prévoit de prolonger les codes des bonnes pratiques sylvicoles, véritable moyen pour les petits propriétaires forestiers de connaître les différentes composantes de la forêt.
Des organismes tels que les CRPF ou l’ONF ont besoin de notre soutien. De fait, sans corrélation entre forêts voisines, sans conseils, les mauvaises pratiques se généralisent, car tout n’est pas toujours d’une redoutable évidence.
En outre, l’exploitation forestière implique que l’on trouve un maître d’ouvrage – il existe tout un tas de syndicats ou de coopératives de propriétaires – qui organise et conseille, mais également des maîtres d’œuvre, les experts forestiers. En conséquence, c’est toute une série de bonnes pratiques qu’il faut encourager.
Il est important d’y mettre les moyens, tant pour la forêt publique que privée, de façon à ce que nous puissions réfléchir, de façon connexe, massif forestier par massif forestier. Ce point me paraît essentiel.
Madame la ministre, puisque vous avez la volonté d’agir efficacement, me semble-t-il, je vous remercie de faire en sorte que cet article soit conservé par l’Assemblée nationale.
Autre point important et très concret : la forêt est morcelée. C’est pourquoi un droit de préférence s’y applique : à chaque nouvelle mise en vente d’une parcelle forestière, on offre la possibilité aux propriétaires forestiers voisins de l’acheter en priorité. Sauf que, en règle générale, les ventes concernent plusieurs parcelles, qui ne sont pas forcément les unes à côté des autres. On dénombre alors souvent plus d’une dizaine de propriétaires voisins. Dans ce type de situation, le droit de préférence ne s’exerce plus forcément : s’y substitue un simple droit de publicité qui ne permet pas à ces propriétaires d’être pleinement informés.
Lorsqu’une parcelle, même de plusieurs hectares, est vendue, il suffit que celle-ci comporte quelques mètres carrés de pré, c’est-à-dire une surface qui, même si elle est boisée, est encore classée au cadastre en tant que pré, pour qu’elle soit considérée comme un bien dit « mixte ». Or, dans ce cas, le droit de préférence ne s’applique plus, ce qui nuit à l’efficacité de la lutte contre le morcellement des propriétés forestières. Je veux vous alerter sur ce point, parce qu’il doit être relativement simple de trouver une solution permettant d’empêcher cette fragmentation forestière.
Je suis saisi de neuf amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 1878, présenté par MM. Labbé, Dantec, Fernique, Salmon et les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Au 1°, après le mot : « forêts », sont insérés les mots : « en tant que milieu naturel et puits de carbone » ;
II. – Alinéa 6
Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :
… L’article L. 112-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « à l’équilibre biologique » sont remplacés par les mots : « au maintien, et le cas échéant à la restauration, d’un bon état de conservation des forêts en tant que milieu naturel et puits de carbone » ;
b) À la fin du second alinéa, les mots : « sage gestion économique » sont remplacés par les mots : « gestion durable et multifonctionnelle garantissant la préservation de la biodiversité ainsi que de l’environnement et permettant de lutter contre le dérèglement climatique ».
III. – Alinéa 9
Compléter cet alinéa par les mots :
notamment les propriétaires privés, les entreprises, les associations de protection de l’environnement et les citoyens
IV. – Alinéa 11
Remplacer les mots :
matière d’essences,
par les mots :
favorisant le mélange d’essences à l’échelle de la parcelle,
V. – Alinéa 12
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
e) Après le 4°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … À la promotion de la régénération naturelle, à la limitation du recours aux plantations en excluant, au plus tard au 1er janvier 2023, toute plantation en plein d’une seule essence et au développement d’une gestion forestière à couvert continu ; »
VI. – Alinéa 14
1° Après le mot :
œuvre
insérer le mot :
massif
2° Compléter cet alinéa par les mots :
, notamment par la structuration de filières industrielles adaptées, et à l’empêchement de l’enrésinement des forêts aux niveaux national et local
VII. – Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
… Le premier alinéa de l’article L. 121-6 est complété par les mots : «, ainsi qu’à la démonstration des bénéfices apportés pour la réalisation des objectifs prévus à l’article L. 121-1 ».
La parole est à M. Joël Labbé.
Cet amendement vise à mieux intégrer les objectifs de lutte contre le dérèglement climatique, de renforcement de la résilience de la forêt et de préservation de la biodiversité, en rééquilibrant les articles de principe du code forestier et de la politique forestière nationale. Notre but est de mieux faire reconnaître le caractère multifonctionnel de la forêt.
L’article 19 bis D, introduit à la suite de l’adoption d’un amendement en partie vidé de sa substance à l’Assemblée nationale, est insuffisamment ambitieux à cet égard. Certes, des avancées ont été obtenues en commission, avec notamment l’introduction de la notion de « gestion multifonctionnelle des forêts » ou l’ajout des termes « sols forestiers ». Cependant, au vu des enjeux écologiques et sociaux, la situation actuelle de la forêt en France impose d’aller encore plus loin.
Les forêts vivent des crises sanitaires majeures, alors même qu’elles ont un rôle primordial à jouer, notamment dans la lutte contre le réchauffement climatique. Ces espaces ont des fonctions multiples et essentielles pour nos territoires, à la fois pour les paysages, le patrimoine, la biodiversité, le stockage de carbone et l’atténuation des effets du réchauffement climatique. Bien gérées, les forêts jouent aussi un rôle important dans la production de bois, matériau écologique et renouvelable.
Les études scientifiques montrent que les pratiques sylvicoles actuellement en fort essor, c’est-à-dire les plantations monospécifiques de résineux et les coupes rases, fragilisent la résilience des forêts face au réchauffement climatique, aux tempêtes et à la prolifération des insectes. De ce fait, elles diminuent le stockage de CO2.
Les crises se multiplient, sans que l’on constate malheureusement une véritable réorientation des politiques forestières. Au contraire, la tendance à l’industrialisation de la forêt s’accélère : on observe de plus en plus de coupes rases dans les forêts de feuillus, qui sont remplacées par des forêts monospécifiques de résineux. Il est pourtant fondamental de préserver la diversité des forêts sur notre territoire et de les mettre en adéquation avec les équilibres locaux, car elles sont une source de résilience.
Notre amendement vise, tout en conservant les avancées adoptées par la commission des affaires économiques, à prévoir que la politique forestière favorise les pratiques qui maintiennent un couvert forestier continu, une diversité d’essences à l’échelon de la parcelle, via l’interdiction des plantations monospécifiques à compter de 2023 et la limitation des forêts de résineux.
L’amendement n° 1419 rectifié, présenté par Mme M. Filleul, MM. J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert, Devinaz, Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le début du 5° est ainsi rédigé : « Le rôle de puits de carbone par… (le reste sans changement) » ;
La parole est à Mme Martine Filleul.
Cet amendement vise à préciser que les forêts, en tant que milieux naturels et puits de carbone, sont reconnues d’intérêt général, et ce en vertu d’arguments qui ont déjà été défendus par les précédents intervenants.
Comme vous le savez, les forêts constituent le deuxième plus grand puits de carbone de la planète après les océans. Jusqu’à sa maturité, un peuplement forestier capture du CO2, participant ainsi à la réduction de la présence des gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Mais ce n’est pas là le seul atout de la forêt : une fois récoltés, les arbres continuent de jouer un rôle dans le stockage de carbone sur le long terme et peuvent se substituer à des matériaux plus énergivores, réduisant ainsi les émissions de gaz à effet de serre dans d’autres secteurs.
Ces puits de carbone sont des milieux vulnérables, dont la capacité de tampon est elle-même amoindrie par le réchauffement climatique et ses effets. Dans son rapport d’avril 2020, le Haut Conseil pour le climat proposait de consacrer davantage de moyens à la consolidation de ces puits.
L’amendement n° 2110, présenté par MM. Rambaud, Marchand et Lévrier et Mmes Schillinger et Havet, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Le 1° est complété par les mots : « en prenant en compte la problématique du changement climatique afin de favoriser la résilience des forêts en mobilisant l’ensemble des techniques sylvicoles notamment la diversification des essences, la migration assistée ou la régénération naturelle quand elles sont appropriées » ;
II. – Alinéas 11 et 12
Supprimer ces alinéas.
III. – Alinéa 14
Après le mot :
provenant
insérer le mot :
notamment
La parole est à Mme Nadège Havet.
Cet amendement tend à améliorer la rédaction consolidée de l’article L. 121-1 du code forestier, après les nombreuses modifications apportées lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale.
La résilience des forêts face au changement climatique doit faire partie de nos priorités. L’article 19 bis D, introduit sur l’initiative de députés issus de nombreux groupes politiques, a donc toute sa place dans ce texte. En revanche, il est nécessaire d’apporter certaines rectifications.
Il semble plus adapté de rattacher l’enjeu de la problématique du changement climatique au 1° de l’article L. 121-1 du code forestier relatif à l’adaptation des essences forestières. C’est pourquoi nous proposons de supprimer les dispositions introduites aux alinéas 11 et 12 du présent article.
Si la promotion du bois d’œuvre issu de feuillus est une des priorités pour valoriser les ressources forestières nationales, elle n’est pas exclusive de la valorisation des ressources résineuses. C’est la raison pour laquelle nous proposons également une modification rédactionnelle qui tend à élargir le champ de cet article.
L’amendement n° 816 rectifié, présenté par M. Gay, Mme Varaillas et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11
Remplacer les mots :
matière d’essences
par les mots :
favorisant le mélange d’essences à l’échelle de la parcelle
II. – Alinéa 12
Remplacer les mots :
migration assistée des essences ou à la régénération naturelle
par les mots :
régénération naturelle si elle est possible et, en cas d’impossibilité, à la migration assistée de gènes ou d’essences de zones plus chaudes et plus sèches
La parole est à M. Gérard Lahellec.
Cet amendement vise à apporter des précisions au dispositif de l’article 19 bis D pour le rendre plus clair, mais également, et surtout, beaucoup plus efficace.
L’État, par sa politique forestière, veille au maintien de l’équilibre et de la diversité biologiques, notamment en matière d’essences. Cependant, cet article ne mentionne pas explicitement l’importance fondamentale du mélange d’essences. Or, en termes de biodiversité, de longévité des forêts et de stockage de carbone, le mélange d’essences est absolument nécessaire, comme l’a rappelé notre collègue Labbé. Il favorise également la régénérescence naturelle de la forêt.
Contrairement au mélange d’essences, la tendance actuelle est de privilégier la monoculture. Pardonnez-moi de le dire en ces termes, mais cela signifie que l’on favorise les essences qui poussent le plus vite.
Notre amendement a pour objet de donner une plus grande portée à cet article.
L’amendement n° 1879, présenté par MM. Labbé, Dantec, Fernique, Salmon et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Remplacer les mots :
en matière d’essences
par les mots :
en favorisant le mélange d’essences à l’échelle de la parcelle
La parole est à M. Joël Labbé.
Pour compléter les propos de Gérard Lahellec, j’insisterai sur le fait que les scientifiques de l’INRA demandent à ce que soient atténués certains risques biotiques.
Le mélange d’essences améliore la qualité des arbres, la stabilité face au vent et, dans une certaine mesure, la résilience à la sécheresse. Or, il faut le rappeler, aujourd’hui, 84 % des plantations sont monospécifiques. Sur 69 millions de plants forestiers utilisés en France lors de la saison 2017-2018, dix essences seulement totalisaient 92 % des plants vendus, dont plus de 80 % de résineux. C’est pourquoi il nous semble essentiel de faire apparaître la notion de « mélange d’essences à l’échelle de la parcelle » dans cet article.
Enfin, je précise que le dispositif de cet amendement reprend l’une des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, qui souhaitait minimiser la replantation des résineux et veiller au mélange des variétés d’arbres.
L’amendement n° 1880, présenté par MM. Labbé, Dantec, Salmon, Fernique et les membres du groupe Écologiste - Solidarité et Territoires, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
e) Après le 4°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … À la promotion de la régénération naturelle, à la limitation du recours aux plantations en excluant, au plus tard au 1er janvier 2023, toute plantation en plein d’une seule essence et au développement d’une gestion forestière à couvert continu ; »
La parole est à M. Joël Labbé.
Cet amendement de repli vise à substituer à la notion de « migration assistée des essences », promue par le présent article, celle de régénération naturelle, de limitation des plantations, d’exclusion des monocultures à partir de 2023 et de développement d’une gestion forestière à couvert continu. En l’état, l’article 19 bis D précise en effet que l’État, via sa politique forestière, veille à la régénération des peuplements forestiers, en ayant notamment recours à la migration assistée des essences ou à la régénération naturelle.
Il est très réducteur de présenter la migration assistée des essences comme réponse à la problématique de la régénération des forêts. En effet, il semble que cette méthode soit encore mal définie et ne donne pour l’instant que peu de résultats. On peut donc se demander s’il est utile de l’inscrire dans la loi, d’autant que certains chercheurs de l’ONF chargés de l’adaptation des forêts au réchauffement climatique estimaient, dans un article paru en 2020, que cette approche dite « de migration assistée » était souvent évoquée théoriquement, mais très peu mise en pratique.
Notre amendement tend à donner la priorité à la régénération naturelle pour lutter contre la perte de couverture forestière et favoriser la résilience de la forêt, en s’appuyant sur la diversité qu’elle favorise. La régénération naturelle permet de bénéficier de la capitalisation génétique naturelle de la forêt, qui garantit son adaptation climatique, y compris dans le cadre de la sélection de nouvelles essences sylvicoles. Ainsi, les pratiques de plantation ou de migration des essences ne devraient persister que si la régénération n’est pas possible ou en complément de la régénération naturelle.
Dans le même esprit, le présent amendement vise à interdire les forêts monospécifiques à compter de 2023, car celles-ci créent des milieux fragiles, pauvres en biodiversité, vulnérables aux agressions d’insectes, aux tempêtes et au changement climatique.
En parallèle de ces enjeux écologiques majeurs, il nous faut promouvoir une gestion forestière respectueuse des paysages pour répondre aux attentes sociétales de plus en plus fortes en la matière. Cette gestion présente également un intérêt économique en raison de sa résilience, de sa durabilité et des faibles risques qu’elle fait courir aux forêts grâce à la diversification des essences.
L’amendement n° 1420, présenté par Mme M. Filleul, MM. J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert, Devinaz, Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 12
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…) Après le 4°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« … À la promotion de la régénération naturelle, à la limitation du recours aux plantations en excluant toute plantation en plein d’une seule essence et au développement d’une gestion forestière à couvert continu ;
La parole est à Mme Martine Filleul.
Cet amendement vise à préciser les orientations générales de notre politique forestière en indiquant que l’État doit veiller à la promotion de la régénération naturelle, à la limitation du recours aux plantations, en excluant toute plantation en plein d’une seule essence, et au développement d’une gestion forestière à couvert continu. En effet, seuls 18 % des écosystèmes forestiers remarquables sont dans un bon état de conservation. Pourtant, dans le cadre de la Convention sur la diversité biologique, la France s’était engagée à mettre fin à l’érosion de la biodiversité, notamment en forêt, un objectif qui aurait dû être atteint en 2010, mais qui est, depuis, régulièrement repoussé.
Plutôt que de miser sur la diversification et le renforcement de la résilience, la tendance actuelle est plutôt à privilégier un renouvellement forestier par des plantations en monoculture. Près de 84 % des nouvelles plantations sont monospécifiques et environ 87 % des arbres plantés sont des résineux.
Des forêts diversifiées et en bonne santé sont converties par coupes rases en plantations, le plus souvent monospécifiques. C’est un pari très risqué d’après les scientifiques, car ces monocultures sont plus sensibles au changement climatique.
L’amendement n° 1421, présenté par Mme M. Filleul, MM. J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert, Devinaz, Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Compléter cet alinéa par les mots :
, notamment par la structuration de filières industrielles adaptées, et à l’empêchement de l’enrésinement des forêts aux niveaux national et local
La parole est à Mme Martine Filleul.
Si l’utilisation du bois de construction est recommandée pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, elle doit être raisonnée et son extraction gérée de manière durable. En effet, une trop forte augmentation des prélèvements entraînerait une forte baisse du puits de carbone et dégraderait la fertilité et la biodiversité, hypothéquant nos chances de restaurer un bon état écologique des forêts.
Par ailleurs, des forêts diversifiées en bon état de santé, mais qualifiées de pauvres, sont converties par coupes rases en plantations, le plus souvent monospécifiques. Or c’est un pari très risqué, comme je l’ai dit précédemment. C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, de préciser que la promotion de l’utilisation de bois d’œuvre provenant de feuillus doit notamment passer par la restructuration ou la structuration des filières industrielles et l’empêchement de l’enrésinement des forêts.
L’amendement n° 1422, présenté par Mme M. Filleul, MM. J. Bigot, Montaugé et Kanner, Mme Bonnefoy, MM. Dagbert, Devinaz, Gillé, Houllegatte et Jacquin, Mmes Préville, Artigalas et Blatrix Contat, MM. Bouad, Cardon, Mérillou, Michau, Pla, Redon-Sarrazy, Tissot et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
… Le premier alinéa de l’article L. 121-6 est complété par les mots : «, ainsi qu’à la démonstration des bénéfices apportés pour la réalisation des objectifs prévus à l’article L. 121-1 ».
La parole est à Mme Martine Filleul.
Les forêts françaises hexagonales sont parmi les plus vastes d’Europe, avec une diversité de climat, d’altitude et de sol ; il en va de même des forêts ultramarines. À différents titres – activités économiques, préservation de la biodiversité, stockage de carbone, paysage, loisirs –, elles représentent un atout indéniable pour notre pays et l’ensemble de la population.
À l’exception de celle de Guyane, demeurée en majorité dans son état primaire, la forêt a depuis longtemps été utilisée par l’homme, lequel l’a façonnée peu à peu. Elle s’est donc adaptée en faisant preuve de résilience. Mais, aujourd’hui, on constate des dommages déjà subis par de vastes étendues boisées, en particulier dans l’est de la France. On peut sérieusement se demander si elle sera en mesure de faire face au changement climatique, source de graves menaces de différentes natures selon les massifs forestiers.
Dans ce contexte, nous devons affronter un double enjeu : veiller à ce que les forêts contribuent de manière significative à l’atténuation du changement climatique, tout en s’y adaptant, afin de permettre le maintien de la biodiversité et des activités générées par la forêt.
Cet amendement vise donc à préciser que l’attribution des aides publiques destinées à la forêt est conditionnée à la démonstration des bénéfices apportés dans la réalisation des objectifs de notre politique forestière. Il y va de l’utilisation optimale de l’argent public, dans le sens d’une politique forestière plus durable qui respecte les équilibres écologiques et accompagne nos filières économiques.
La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 1419 rectifié, qui tend à préciser le rôle de puits de carbone des forêts, ainsi que celui joué par la séquestration et la substitution. La commission est également favorable à l’amendement n° 2110, compte tenu des précisions rédactionnelles qu’il vise à apporter sur les techniques sylvicoles.
L’amendement n° 816 rectifié a pour objet de promouvoir la régénération naturelle plutôt que la migration assistée des essences. S’il était adopté, nous nous verrions privés d’une technique pourtant essentielle à l’adaptation de nos forêts au changement climatique – celui-ci ayant la caractéristique d’être très rapide, il nous faut y répondre le plus vite possible. La commission a donc émis un avis défavorable.
L’amendement n° 1879 vise à préconiser le mélange d’essences à l’échelle de la parcelle. Cette précision est inopportune et peu réaliste pour les parcelles de quelques ares, l’enjeu étant d’avoir des forêts mosaïques caractérisées par une complémentarité de l’ensemble du massif. L’avis est donc défavorable.
Les amendements n° 1880, 1420 et 1421 tendent à interdire les plantations en plein d’une seule essence et l’enrésinement. S’ils reprennent un certain nombre de pratiques reconnues – régularisation des peuplements, régénération naturelle, etc. –, qui ont toute leur place dans le code forestier et ont été largement renforcées, ces amendements semblent excessifs et surtout inadaptés aux besoins actuels de la multifonctionnalité pour laquelle nous plaidons tous. N’ignorons pas les besoins de notre filière, de nos entreprises, de la construction et de l’approvisionnement en bois ! Je rappelle que la gestion forestière se fait d’abord in situ, en appréhendant tout l’écosystème. J’invite nos collègues à ne pas chercher à légiférer en apportant trop de précisions et à faire confiance aux forestiers sur le terrain. La commission a donc émis un avis défavorable.
L’amendement n° 1422 a pour objet de préciser que l’attribution des aides publiques est conditionnée au respect des principes d’intérêt général. C’est une volonté que nous partageons, mais l’amendement est déjà satisfait par les documents de gestion durable, qu’il convient de renforcer et sur lesquels il faut rester vigilant. En conséquence, la commission demande le retrait de cet amendement, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
Enfin, l’amendement n° 1878 vise à reprendre l’ensemble des contraintes venant d’être évoquées. Dans la mesure où celles-ci sont trop restrictives et ne permettront pas à la forêt de remplir ses missions de multifonctionnalité, l’avis est défavorable.
Je serai relativement succincte, car je rejoins la position de la rapporteure pour avis sur l’essentiel.
Je tiens vraiment à remercier le Sénat de sa volonté d’enrichir le texte sur la question forestière. Le couple forêt et usages du bois contribue de façon déterminante à la transition écologique et énergétique. La forêt est un levier absolument essentiel d’atténuation du dérèglement climatique et le premier réservoir de biodiversité terrestre. Il est donc impératif que nous nous en occupions : sa production durable doit être sécurisée et amplifiée. Ses services environnementaux et socio-économiques – en faveur du bien-être, du développement d’une bioéconomie et de nos paysages – sont, pour nous et les générations futures, primordiaux.
Le Gouvernement défendra des orientations fortes et équilibrées en la matière. Nous n’irons sans doute pas au bout de cette discussion dans le cadre de ce texte, mais sachez que, dans les mois à venir, Julien Denormandie et moi-même les porterons.
L’amendement n° 1878 est en quelque sorte un best of de tous les autres amendements. Je ne vais donc pas détailler les nombreuses propositions qu’il contient. La diversification et le mélange d’essences sont nécessaires et doivent être envisagés par la régénération naturelle, mais à une échelle plus locale, avec un maillage plus fin, dans le cadre de la révision actuelle des schémas régionaux de gestion sylvicole et des documents-cadres de gestion forestière.
Le Gouvernement est très favorable à l’amendement n° 1419 rectifié de cohérence et de précision, car il s’inscrit dans le vocabulaire de la stratégie nationale bas-carbone. Le Gouvernement avait d’ailleurs déposé, à l’Assemblée nationale, un sous-amendement allant dans ce sens.
L’avis est également favorable sur l’amendement n° 2110, dont l’adoption améliorera la rédaction de l’article. Il fait écho aux moyens inédits mobilisés dans le plan France Relance pour faire face à l’avenir incertain de la forêt et à la nécessaire diversification des essences et des techniques sylvicoles.
Sur les autres amendements en discussion commune, le Gouvernement émet un avis défavorable. Mieux vaut mettre en cohérence les documents-cadres de gestion forestière plutôt qu’établir des critères prédéfinis à l’échelon national. Sur le fond, je vous rejoins sur des considérations telles que la valorisation des feuillus, les plantations monospécifiques ou la diversification. En revanche, je ne pense pas qu’il faille d’ores et déjà fixer des curseurs pour l’ensemble du territoire.
Pour ma part, je suivrai les avis de la commission et du Gouvernement.
Tout le monde s’accorde sur le principe d’une forêt mosaïque, mais, la forêt, c’est le temps long. Les vieux forestiers vous le diront : il faut attendre cent ans après une plantation et trois cents ans pour la régénération naturelle. C’est donc un investissement pour les générations suivantes.
S’agissant de la diversification, restons humbles. Chacun a son expérience dans son département. Pour ma part, je prendrai l’exemple de massifs forestiers qui ne sont pas dans mon département. Les épicéas, par exemple, peuvent être touchés par le scolyte ; les sapins peuvent être « guités », c’est-à-dire parasités par le gui, qui prolifère à des altitudes de plus en plus élevées. Pour y remédier, des sapins Douglas sont souvent plantés, mais ils peuvent être victimes de l’effet de cerf, qui, en se frottant contre leur tronc, abime leur écorce.
Les experts forestiers, qu’ils soient privés ou publics, ont déjà intégré qu’il était nécessaire de substituer les futaies irrégulières aux futaies régulières. Laissons-leur une liberté de manœuvre et le temps nécessaire pour parvenir à une forêt mosaïque. Cela implique également de former et de transformer la filière. Souvent, les professionnels du bois ne veulent pas récupérer des feuillus plantés au milieu de résineux, car ils ne savent tout simplement pas les travailler. Le bois est donc perdu…
Le Sénat a fait du bon travail, et il permet déjà d’avancer.
M. Marc Laménie applaudit.
La forêt, c’est du temps long, c’est vrai, mais on a pris du retard ! Plus vite on donnera de nouvelles orientations, plus vite on avancera. Oui, c’est pour les générations futures !
La forêt mosaïque est le souhait de toutes et de tous. La formulation que nous avons choisie – « mélange d’essences à l’échelle de la parcelle » – permettrait de s’assurer que, pour s’adapter à cette diversification des essences, on ne plante pas en majeure partie des résineux monospécifiques sur un massif forestier de cent hectares, laissant une toute petite surface, à la marge, à la régénération naturelle. À défaut, cela viderait de son sens la notion de diversité d’essences.
Le Sénat va enrichir le texte quoi qu’il arrive. C’est une fierté ! Une autre fierté est la qualité du travail du groupe d’études Forêt et filière bois. Si nous maintenons nos amendements, c’est parce que nous sommes exigeants, mais, en fin de compte, nous sommes plutôt satisfaits.
M. le président. Mes chers collègues, dans la mesure où je suis saisi de plusieurs demandes de scrutin public, il me semble plus raisonnable de suspendre la séance maintenant.
Marques d ’ approbation au banc des commissions.
J’informe le Sénat que des candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales ont été publiées. Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à quatorze heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.