La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif au harcèlement sexuel.
En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance d’hier, mercredi 24 juillet, prennent effet.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012 (projet n° 687, rapport n° 689, avis n° 690 et 691).
Nous poursuivons la discussion des articles de la première partie.
PREMIÈRE PARTIE
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RESSOURCES
I. – IMPÔTS ET RESSOURCES AUTORISÉS (suite)
Dans la discussion des articles de la première partie, nous poursuivons l’examen, au sein du titre Ier, de l’article 1er.
J’en rappelle les termes :
I. – L’article 2 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 est ainsi modifié :
A. – Le I, le IV, le 2° du D du V, le VIII et les B, D et E du IX sont abrogés ;
B. – Le A du IX est ainsi rédigé :
« A. – Le A du VII s’applique à compter du 1er janvier 2013. »
II. – Le code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012, est ainsi modifié :
A. – Au 3° de l’article L. 241-2, le taux : « 5, 38 % » est remplacé par le taux : « 5, 75 % » ;
B. – Le II de l’article L. 245-16 est ainsi modifié :
1° Au quatrième alinéa, le taux : « 1, 2 % » est remplacé par le taux : « 2, 9 % » ;
2° Au dernier alinéa, le taux : « 2 % » est remplacé par le taux : « 0, 3 % » ;
C. – L’article L. 241-6 est ainsi modifié :
1° Le 1° est ainsi rédigé :
« 1° Des cotisations proportionnelles à l’ensemble des rémunérations ou gains perçus par les salariés des professions non agricoles ; des cotisations forfaitaires peuvent être fixées par arrêté ministériel pour certaines catégories de travailleurs salariés ou assimilés ; ces cotisations proportionnelles et forfaitaires sont intégralement à la charge de l’employeur ; »
2° Au 3°, après le mot : « personnes », sont insérés les mots : « salariées et » et les mots : « du régime agricole » sont remplacés par les mots : « des régimes agricoles » ;
3° Le 9° est abrogé ;
D. – L’article L. 241-6-1 est abrogé ;
E. – L’article L. 241-13 est ainsi modifié :
1° Au I, après le mot : « sociales », sont insérés les mots : « et des allocations familiales » ;
2° Au quatrième alinéa du III, les mots : « la somme des taux des cotisations patronales dues au titre des assurances sociales » sont remplacés par le coefficient : « 0, 281 » ;
3° Au dernier alinéa du même III, les mots : « par décret dans la limite de la valeur maximale définie ci-dessus » sont remplacés par les mots : « à 0, 26 » ;
F. – Au premier alinéa de l’article L. 131-7, la date : « 1er octobre 2012 » est remplacée par la date : « 1er janvier 2011 » ;
G
III. – Le code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :
A. – L’article L. 741-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 741-3. – Les cotisations prévues à l’article L. 741-2 sont calculées, selon des modalités fixées par décret, en pourcentage des rémunérations soumises à cotisations d’assurances sociales des salariés agricoles. » ;
B. – À l’article L. 741-4, après le mot : « articles », est insérée la référence : « L. 241-13, ».
IV. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
A. – À la fin de l’article 278, le taux : « 21, 20 % » est remplacé par le taux : « 19, 60 % » ;
B. – Le 1 du I de l’article 297 est ainsi modifié :
1° Au début du premier alinéa du 5°, le taux : « 8, 7 % » est remplacé par le taux : « 8 % » ;
2° Au début du premier alinéa du 6°, le taux : « 14, 1 % » est remplacé par le taux : « 13 % » ;
C. – Le I bis de l’article 298 quater est ainsi modifié :
1° Au 1°, le taux : « 4, 73 % » est remplacé par le taux : « 4, 63 % » ;
2° Au 2°, le taux : « 3, 78 % » est remplacé par le taux : « 3, 68 % » ;
D. – Le tableau du deuxième alinéa de l’article 575 A est ainsi rédigé :
Groupe de produits
Taux normal
Cigarettes
Cigares
Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes
Autres tabacs à fumer
Tabacs à priser
Tabacs à mâcher
V. – Le dernier alinéa du I de l’article L. 1615-6 du code général des collectivités territoriales est supprimé.
VI. – Le 3° du II de l’article 53 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008 est ainsi rédigé :
« 3° La taxe sur la valeur ajoutée brute collectée par les producteurs de boissons alcoolisées ; ».
VII. – A. – Le C du IV s’applique à compter du 1er janvier 2012.
B. – Le A du II s’applique à compter du 1er janvier 2013 aux sommes déclarées par les assujettis au titre des périodes ouvertes à partir de cette date.
C. – Pour l’année 2012, le 3° de l’article L. 241-2 du code de la sécurité sociale s’applique dans sa rédaction en vigueur au 1er janvier 2012.
D. – Le B du II s’applique :
1° Aux revenus du patrimoine mentionnés à l’article L. 136-6 du code de la sécurité sociale perçus à compter du 1er janvier 2012 ;
2° Aux produits de placements mentionnés au I de l’article L. 136-7 du même code payés ou réalisés, selon le cas, à compter du 1er janvier 2013 et à ceux mentionnés au II du même article pour la part de ces produits acquise et, le cas échéant, constatée à compter du 1er janvier 2013.
E. – Pour les produits de placements mentionnés au I de l’article L. 136-7 du code de la sécurité sociale payés ou réalisés, selon le cas, du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012 et pour ceux mentionnés au II du même article pour la part de ces produits acquise et, le cas échéant, constatée du 1er juillet 2012 au 31 décembre 2012, le produit des prélèvements mentionnés au I de l’article L. 245-16 du même code est ainsi réparti :
1° Une part correspondant à un taux de 0, 3 % au fonds mentionné à l’article L. 135-1 du même code, dont une part correspondant à un taux de 0, 2 % à la section mentionnée à l’article L. 135-3-1 dudit code ;
2° Une part correspondant à un taux de 1, 3 % à la Caisse d’amortissement de la dette sociale ;
3° Une part correspondant à un taux de 2, 2 % à la Caisse nationale d’assurance vieillesse des travailleurs salariés ;
4° Une part correspondant à un taux de 0, 6 % à la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés ;
5° Une part correspondant à un taux de 1 % à la Caisse nationale des allocations familiales.
Tous les intervenants sur l'article s’étant exprimés, nous abordons l’examen des amendements.
L'amendement n° 100, présenté par M. J.C. Gaudin et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.
Notre collègue Jean-Claude Gaudin étant absent, je vais essayer de défendre l’amendement qu’il a déposé.
Il s’agit d’un amendement « de suppression de suppression », puisqu’il vise à supprimer l’article 1er supprimant la TVA sociale, laquelle, comme cela est rappelé dans l’objet, devait rapporter 13, 2 milliards d’euros au budget de l’État et, surtout, donner un coup de fouet à la compétitivité des entreprises.
On a beaucoup parlé hier du problème de la TVA sociale, ou TVA anti-délocalisation. Pour ma part, contrairement à certains de nos collègues qui ont regretté un certain flottement dans la désignation de cette TVA, je soutiens les deux termes, qui sont complémentaires, malgré des significations distinctes.
Dans un premier temps, elle fut dénommée TVA sociale car elle devait succéder à une charge de l’ordre de 5 milliards d’euros pesant sur les entreprises et destinée à financer la branche famille de la sécurité sociale. On se demande d’ailleurs pour quelle raison historique ce financement reposait sur les entreprises.
Cette TVA sociale devait également son nom à la distinction opérée entre les biens de consommation courante acquis par les ménages les moins aisés, sur lesquels pesait un faible taux de TVA, et les biens concernés par un taux normal, sur lequel devait porter l’augmentation.
Quant à la dénomination « TVA anti-délocalisation », elle se justifie par le fait que l’augmentation en question permettait de protéger les entreprises françaises en taxant des produits pour la plupart importés de pays où le coût de la main-d’œuvre est faible.
Pour nous, la suppression de cette TVA est un mauvais coup porté à l’économie française. Une telle décision est d’ailleurs d’autant plus surprenante que tant la Cour des comptes que certains anciens parlementaires socialistes devenus ministres, ainsi que certaines associations proches du pouvoir comme Terra Nova, avaient soutenu, en filigrane, l’instauration de la TVA sociale. La situation est d’autant plus inquiétante que le Gouvernement n’a présenté, à ce jour, aucune solution de substitution.
Hier, on a beaucoup parlé de la CSG, dont l’augmentation, comme certains l’ont rappelé, n’a pas encore été décidée. Néanmoins, je le rappelle, le Président de la République a affirmé récemment que, entre la TVA sociale et la CSG, il avait porté son choix sur la CSG. J’ai également entendu Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie, dire que la CSG serait destinée à financer la réforme de la dépendance. On peut se demander comment cette contribution, qu’il appartiendra de définir dans les mois qui viennent, pourrait à la fois bénéficier aux entreprises en venant réduire leurs charges patronales pour améliorer leur compétitivité et, en même temps, financer la dépendance, qui, chacun le sait, nécessite des sommes considérables.
Je le rappelle rapidement, la CSG est un impôt rétrograde et injuste puisqu’il frappe tous les revenus d’une manière uniforme, sans opérer de sélection. L’augmenter, comme ce sera sans doute le cas dans les mois qui viennent, consistera à reprendre d’une main ce qui a été donné de l’autre, en particulier aux salariés les plus modestes, qui ont bénéficié récemment d’une faible augmentation du SMIC. Finalement, ceux-là n’apercevront pas de grand changement au bas de leur feuille de paye !
J’ajoute également que la suppression programmée de la TVA sociale est un mauvais signal donné à nos partenaires européens. Je ne reviendrai pas sur les tribulations de l’Europe, dont les médias nationaux se sont encore fait l’écho ce matin, mais je rappellerai que nos partenaires attendaient des gestes forts en faveur du désendettement et de l’amélioration de la compétitivité française. Or cette suppression pure et simple ne va pas dans ce sens.
Certains ont souligné hier que les pays qui avaient appliqué la TVA sociale n’avaient pas bénéficié de l’effet qu’ils en attendaient, insistant en particulier sur l’inflation qu’elle avait engendrée en Allemagne. Si ce pays a connu, il est vrai, une légère inflation, celle-ci n’a été que de quelques points pendant très peu de temps. La situation est rapidement revenue à la normale.
J’ajoute que les projections établies à l’époque par le précédent gouvernement indiquaient, compte tenu du gain de compétitivité qui aurait été réalisé par les entreprises, que l’impact sur les prix serait de l’ordre de 0, 4 % à 0, 5 %, chiffres bien différents de ceux qui ont été annoncés.
J’ajoute encore que les pays scandinaves, et en particulier le Danemark, appliquent cette TVA dite sociale depuis très longtemps. Le Danemark est en effet, avec la Suède, l’un des pays d’Europe où le taux de TVA est le plus élevé, puisqu’il atteint 25 %. En contrepartie de cette augmentation, toutes les charges sociales des entreprises pesant sur les salaires ont été supprimées, ce qui est loin d’être négligeable. Or, chacun peut constater que, dans le concert européen, les pays scandinaves font partie du bloc du Nord, qui n’est pas le plus mal placé sur le plan financier.
On a manqué une formidable occasion en ne mettant pas à plat l’ensemble des taux et des bases de la TVA, lorsque, voilà quelques années, il y avait un taux à 33 %. Pourquoi n’a-t-on pas orienté la réflexion vers une distinction entre un taux réduit pour les biens de première nécessité, un taux intermédiaire, puis un taux majoré – peut-être de 25 % – sur les biens que les ménages n’ont pas l’impérieuse nécessité de consommer. Cela aurait été à la fois un signal fort adressé aux entreprises et une mesure de justice sociale, la taxe étant parfaitement répartie entre les consommateurs français.
La commission des finances est défavorable à cet amendement, conformément à la position adoptée par la majorité du Sénat depuis déjà plusieurs mois.
Il a été dit hier que ce projet de loi de finances rectificative était en quelque sorte une « revanche idéologique »…
Il est clair qu’il existe plusieurs options, qui ont d’ailleurs été largement évoquées hier, pour sortir de l’ornière dans laquelle se trouve notre pays.
Je tiens à attirer l’attention de notre collègue Jean-Noël Cardoux sur le fait que, dans le projet de loi de finances rectificative présentée par la droite, le déficit atteignait 84 milliards d’euros, alors que le texte qui vous est aujourd’hui soumis, mes chers collègues, a vocation à ramener ce déficit à 81 milliards d’euros. Nous parvenons ainsi, par d’autres moyens, à améliorer le solde de nos finances publiques. Dès lors, l’idée selon laquelle, à défaut de la ressource dégagée par la TVA sociale, notre situation se dégraderait et que nous donnerions à l’Europe une image déplorable n’est pas valable.
Je suis donc défavorable à cette mesure d’abord parce que son impact sur l’emploi sera quasiment nul. Par ailleurs, elle aura un effet inflationniste, comme nous avons pu le constater dans un certain nombre de pays. Enfin, il ne s’agit pas, comme M. le ministre l’a démontré hier avec beaucoup de talent, d’améliorer à la marge la compétitivité-prix, qui ne pose pas de problème particulier, mais la compétitivité hors coût.
En donnant l’avis du Gouvernement sur l’amendement défendu par M. Cardoux, je me permettrai de répondre également aux orateurs qui ont pris la parole sur l’article 1er. J’estime en effet que plusieurs débats ont été ouverts à cette occasion.
Le premier est purement politique. Il est vrai, monsieur le sénateur, qu’un membre du gouvernement de Jean-Marc Ayrault, alors qu’il était encore dans l’opposition, s’était déclaré favorable à l’idée qu’une diminution des charges pesant sur les entreprises en faveur de la protection sociale pourrait être compensée par une augmentation de la TVA. Il s’agit naturellement de Manuel Valls, auquel vous avez fait référence sans le citer.
Je prononce son nom sans craindre de le gêner en quoi que ce soit, comme je ne vous embarrasserai pas, Monsieur le sénateur, en rappelant que d’autres avaient condamné cette façon de procéder. Le premier était un certain Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie et des finances, lequel indiquait d’ailleurs, pour mettre en garde vigoureusement les parlementaires qui auraient été tentés par cette solution, que celle-ci lui apparaissait comme « un mauvais coup porté à la croissance ». ; je reprends à dessein son expression.
D’autres responsables se montrèrent hostiles à la TVA sociale. Ce furent, en 2007, dans un rapport conjoint, Éric Besson, dont je peux concevoir que l’appartenance précise à tel ou tel groupe peut prêter à débat, et Christine Lagarde, dont le positionnement politique ne peut, en revanche, être mis en doute. Cette dernière a eu des écrits très sévères à l’égard d’une politique qui consisterait à augmenter la TVA pour compenser une baisse des cotisations sociales.
Plus récemment, François Baroin, en tant que ministre de l’économie, s’était opposé, avant que le précédent président de la République ne fasse ce choix, à ce que cette politique soit celle du gouvernement auquel il appartenait.
Vous le voyez, sur le plan politique, les positions sont diverses. C’est d’ailleurs tout l’intérêt du débat que nous pouvons avoir. Finalement, et c’est rassurant, celui-ci est loin d’être manichéen. Il n’en est que plus intéressant.
Le second débat est d’ordre technique. Vous avez indiqué que la hausse de TVA procurerait un surplus de recettes pour l’État d’environ 13, 2 milliards d’euros. Permettez-moi de vous dire que cette mesure aurait produit une recette non pas de 13 milliards d’euros, mais d’un peu moins de 11 milliards d’euros. En outre, il ne s’agissait pas d’une recette supplémentaire puisque l’État l’abandonnait immédiatement au profit de la protection sociale. En cohérence avec la loi Veil, il lui fallait en effet compenser une perte de recettes qu’il avait lui-même décidée au détriment de la protection sociale. Cette hausse de la TVA n’aurait donc pas procuré le moindre euro de recettes supplémentaires à l'État.
Le troisième débat est de portée plus économique. On peut délibérer à l'infini des conséquences qu'aurait eues cette hausse de la TVA et même affirmer, comme je l'ai entendu dans la bouche de nombreux intervenants, que ce sont alors les importations qui auraient financé la protection sociale.
J'ai l’habitude, dans ce genre de discussion, de citer quelqu'un que vous avez tous bien connu les uns et les autres et qui fut, me semble-t-il, plus proche de l'opposition que de la majorité actuelle ; je veux parler d'Alain Madelin. Celui-ci déclare ainsi que prétendre que ce sont les produits importés qui supporteraient cette taxe, c'est comme affirmer que ce sont les vaches qui acquitteraient une taxe sur le lait !
Sourires sur les travées de l'UMP.
En vérité, qu’on le veuille ou non, ce sont les consommateurs qui acquitteraient cette taxe en achetant leurs produits et non les produits importés.
Je vois bien l'intérêt d’une hausse de la TVA, quelle que soit son ampleur. Il s'agirait en fait d'une mini-dévaluation compétitive. Nous pouvons au moins convenir de ce point, à condition de nous accorder sur les conditions nécessaires à la réussite de cette mini-dévaluation pour notre compétitivité. Car l'on sait bien que, pour être efficace et améliorer la compétitivité des entreprises, toute dévaluation doit être accompagnée de mesures complémentaires. À défaut, elle est vouée à l’échec, et, en France, nous avons acquis une solide expérience en la matière au cours des quarante ou quarante-cinq dernières années.
Parmi ces mesures complémentaires, il faut citer le gel des salaires et des pensions ; en effet, à défaut de geler les salaires et les pensions lorsqu’il est procédé à une mini-dévaluation compétitive, celle-ci reste dénuée d’effet. Or je me permets de rappeler que la majorité de l'époque n'avait pas prévu de geler les salaires et les pensions, pour des raisons que, sur un plan politique, l’on peut comprendre parfaitement. En l’absence de ce gel, et dès lors que les produits importés auraient immanquablement augmenté au moins à due concurrence de la hausse de la TVA, il est à craindre que, soit les consommateurs auraient subi une incontestable perte de pouvoir d'achat correspondant au moins au volume des produits importés acquis par eux, soit, en l’absence de toute perte de pouvoir d'achat faute d’un gel des salaires et des pensions, l’effet compétitivité pour les entreprises se serait dissipé sinon dans les semaines, du moins dans les mois suivants.
Dès lors, pour l'honnêteté intellectuelle des débats, il conviendrait que ceux qui défendent cette politique consistant en une baisse des charges sociales compensée par une hausse de la TVA – en réalité procéder à une mini-dévaluation compétitive au moyen d’une augmentation de la TVA – devraient préciser que, pour être complète, cette mesure devrait nécessairement s’accompagner d’un gel des salaires et des pensions. §
Même si l’on peut en contester l’efficacité, l'ensemble serait alors cohérent. En l’absence de tout gel, cette politique est condamnée à l’échec.
Il n’aura échappé à personne que la majorité précédente n’a pas osé mettre en œuvre cette mesure. Pour ce qui le concerne, le présent Gouvernement ne souhaite évidemment pas procéder à ce gel. C’est pourquoi il ne peut que s'opposer à cet amendement qui tend en réalité à instaurer une demi-mesure inefficace, au prix d'une formidable perturbation entre les finances de l'État et celles de la sécurité sociale.
Je souhaiterais répondre à la proposition de restauration de cette TVA dite « sociale » par l’amendement n° 100, déposé par le groupe UMP.
Pour moi, cette proposition est dangereuse pour les recettes de l’État, car la TVA est, de loin, la taxe la plus rentable, puisqu’elle représente plus de la moitié de l’ensemble des recettes fiscales.
Cet impôt, qui s’appuie sur la consommation, constitue donc le premier « centre de profit » de l’État. Il n’est donc pas raisonnable de lier encore plus les recettes budgétaires et les prélèvements obligatoires à notre consommation. Avant même d’être une absurdité sociale et économique, ce serait d’abord un risque supplémentaire pour les finances publiques.
C’est ensuite une absurdité sociale et économique : 10 milliards d’euros de TVA collectés en plus, ce sont 10 milliards d’euros payés en plus à l’État par les consommateurs, en fonction non pas de leurs revenus, mais de leur consommation. Elle touchera donc proportionnellement plus ceux qui ne parviennent pas à joindre les deux bouts avec leur salaire et qui consommeront moins en payant plus à l’État.
C’est donc une atteinte au pouvoir d’achat qui pèsera sur la croissance. Il serait pourtant juste et utile, dans une période de stagnation, de ne pas pénaliser la consommation des foyers défavorisés.
Il est d’ailleurs étonnant de voir l’UMP, dans la discussion générale, crier à l’atteinte au pouvoir d’achat lorsque l’on propose de mettre l’ensemble des contribuables à égalité en matière de taxation des revenus du travail, heures supplémentaires, perçues ou non, et voir cette même UMP proposer simultanément, sur une autre disposition, l’augmentation de la TVA, qui attaquerait beaucoup plus fortement le pouvoir d’achat de l’ensemble des Français.
Mais cette incohérence, qui a marqué votre politique, c’est aussi la raison de votre échec.
Cette proposition est aussi marquée par l’absence de réalisme et, d’abord, par une méconnaissance des entreprises.
M. Alain Gournac s’exclame.
L’UMP aujourd’hui, comme le gouvernement Fillon-Sarkozy hier, dit que la baisse des cotisations sociales sera très exactement compensée par une baisse des prix hors taxes. Quelle méconnaissance du fonctionnement des entreprises ! Elles prendront cette baisse de coût comme un effet d’aubaine qui n’impliquera aucune évolution des prix hors taxes.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Les entreprises auront des raisons à cela, car elles doivent, elles aussi, affronter la crise. Cette possibilité d’améliorer leurs marges sera, bien entendu, utilisée au maximum. Les entreprises ont aussi leur agenda : face à la raréfaction du crédit, elles doivent améliorer leurs résultats pour rester présentables devant les assureurs crédit et les agences de notation et elles le feront si vous leur en donnez la possibilité. Ce sera peut-être bien pour elles, mais ce sera dangereux pour le budget de l’État, pour la consommation et la croissance.
Enfin, c’est une illusion pour la compétitivité car, pris de vertige par le déficit du commerce extérieur en 2011 – 70 milliards d’euros –, le gouvernement Fillon constate, au début de 2012, le manque de capacité de nos entreprises à être performantes à l’export. Plutôt que de travailler à une nouvelle fiscalité pour les PME, pour réorienter l’épargne des Français vers les entreprises et non pas vers la pierre ou les produits financiers, pour favoriser l’innovation, le gouvernement d’alors choisit la facilité : baisser les cotisations sociales pour faire bénéficier les exportateurs d’un effet similaire à celui d’une dévaluation.
Pourtant nous avons vécu ces politiques il y a trente ans et nous savons que dévaluer pour exporter, c’est une solution de facilité qui n’a d’effet positif que quelques mois.
M. Philippe Dallier s’exclame.
Cette proposition fragilisera surtout durablement le financement de notre protection sociale.
Ajoutons enfin qu’en février le gouvernement a cédé à la facilité sans se rendre compte qu’en Allemagne les secteurs qui exportent ont un coût du travail largement supérieur à celui de la France. C’est particulièrement vrai du secteur automobile, dont la santé vient plus de stratégies gagnantes que d’un dumping social consistant à toujours rechercher plus pauvre que soi.
Il convient donc de ne pas céder à l’analyse simple qui nous est servie sur notre manque de compétitivité, manque de compétitivité malheureusement largement renforcé ces dix dernières années par un État qui avait perdu le sens de ses missions essentielles, qui a mal réparti les efforts nécessaires et a confondu le sens des valeurs « travail » et « innovation » avec la rémunération de la rente, sans voir qu’il y avait une contradiction fondamentale entre les premières et la seconde.
Enfin, cette politique a remis en cause notre protection sociale.
Transférer une part importante – 10 milliards d’euros – des recettes de cotisations sociales vers la TVA change fondamentalement la nature de notre protection sociale : on affaiblit les recettes de l’État et on rend les prélèvements obligatoires moins redistributifs.
En réalité, cette politique, qui veut faire payer une part significative de la protection sociale par la consommation, est bien dans la droite ligne du bouclier fiscal : ce sont les plus défavorisés qui, proportionnellement, contribueront le plus demain au financement de la sécurité sociale.
Risquées pour les finances de l’État, affaiblissant notre protection sociale, sans aucun effet sur la capacité de nos entreprises à être plus performantes à l’exportation, les propositions du groupe UMP sont facilement identifiables : elles portent l’ADN des gouvernements d’un quinquennat qui a coûté 800 milliards d’euros à la Nation.
L’UMP vous propose aujourd’hui de récidiver en remettant encore plus en cause les capacités de l’État et notre modèle social.
Voilà pourquoi il faut refuser cet amendement symbole d’une politique menée depuis dix ans et qui a conduit le pays à la porte de la faillite.
Hier, de manière effrontée, sans vergogne, nous avons vu plusieurs orateurs, anciens soutiens des gouvernements Fillon-Sarkozy, nous donner des leçons d’efficacité, souligner la gravité de la situation, crier à l’urgence de la réforme.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
C’est aussi pour cela que nous voulons une autre politique. C’est urgent lorsque 30 % des dépenses de l’État ne sont plus financées que par la dette, c’est-à-dire par les générations futures.
Nous voulons reconstruire un pays dont les politiques publiques sont financées, la protection sociale assurée, faire de la fiscalité un outil de politique économique capable de dynamiser les entreprises, leur capacité d’innovation, de s’extraire des exigences des financements de court terme, favorisant la croissance et la redistribution.
C’est pourquoi il faut repousser cette proposition de restauration de la TVA dite « sociale » présentée par le groupe UMP.
En effet, beaucoup a été dit sur cette TVA sociale, TVA anti-délocalisation, TVA compétitivité. Au fond, la question qui est soulevée est très simple, c'est celle du financement de notre protection sociale.
Les uns et les autres, sur quelque travée que nous siégions, avons évolué dans l’appréhension de cette question et dans les réponses que nous lui apportons. Vous-même en avez fait la démonstration tout à l'heure, monsieur le ministre. En tout cas, je ne suis pas certain qu'en supprimant ce qui a été précédemment mis en place vous régliez le problème de fond. Vous ne faites que le décaler.
En l’occurrence, la mesure adoptée par l’ancienne majorité consistait à transférer une part du financement de la branche famille vers la TVA. Et je ne vois pas pour quelle raison les entreprises ont vocation aujourd’hui à financer cette branche.
Faisons un tout petit peu d'histoire.
À l’origine, un certain nombre d'employeurs ont volontairement fait le choix d’attribuer un sursalaire à leurs employés assumant des charges familiales, pour pallier en quelque sorte une inégalité de revenus. Nous ne sommes plus du tout dans ce contexte. En 1945 ont été généralisées les allocations familiales, lesquelles sont aujourd’hui totalement déconnectées de la sphère du travail. Par conséquent, la question du financement de la branche famille se pose plus particulièrement et, je le répète, je ne vois pas ce qu'il y a d'incongru à penser que celui-ci puisse être assuré par un impôt sur la consommation et que le renouvellement des générations soit assuré par un financement pesant sur la consommation d'aujourd'hui.
Nous dénonçons tous le fait que nous vivons à crédit sur le dos de nos enfants. Si nous avions le courage de réfléchir un tout petit peu plus loin et d’envisager le financement de la branche famille par la consommation, nous réglerions très largement ce problème de la dette que nous allons laisser à nos enfants.
Au fond, vous avez sans doute la même analyse que nous, mais vous êtes tellement préoccupés par votre volonté de défaire tout ce qui a été fait précédemment que vous en oubliez l'essentiel, à savoir apporter une réponse au financement de notre protection sociale.
C'est la raison pour laquelle, avec nombre de mes collègues, je voterai bien évidemment cet amendement de suppression de l’article.
Applaudissements sur les travées de l'UMP.
Bien qu’étant cosignataire de cet amendement du groupe UMP, pour autant, je ne le voterai pas, ce dont je prie mes collègues de bien vouloir m’excuser. Je vais très rapidement expliquer les raisons qui motivent ce choix.
En tant que parlementaire, ma principale préoccupation est le rétablissement des finances publiques, et ce dans des délais aussi brefs que possible. C’était l’objectif du programme présidentiel de Nicolas Sarkozy.
La réussite de cette entreprise tient aux moyens qu’on met en œuvre à cette fin. Par conviction, je considère que cela passe par moins d'État, moins de prélèvements obligatoires et, surtout, des économies sur les dépenses publiques.
La hausse de la TVA, je l'ai contestée lorsque j'étais membre de la majorité parce que j’estimais qu’elle n'était pas nécessairement une bonne mesure, une mesure opportune, faisant miennes les réticences « techniques » d’un certain nombre des ministres des finances de la majorité à laquelle j’appartenais. Et c'est seulement sous la pression de la crise internationale que le gouvernement puis le Président de la République se sont ralliés à cette option, option en faveur de recettes exceptionnelles dans un moment exceptionnel.
C’est à l'exécutif qu’il appartient de choisir où il trouvera des recettes, et il n’appartient pas à l'opposition de l'aider à en découvrir de nouvelles au moyen de prélèvements obligatoires nouveaux. Mon engagement politique est tendu vers une baisse des prélèvements obligatoires. C’est pourquoi j’ai combattu dans le passé des mesures de l'ancienne majorité contrevenant à cet objectif et je m'apprêtais, tout le monde le sait, dans cette seconde mandature, à combattre celle-ci.
Sur le plan technique, il convient de souligner que les produits importés sont touchés à 24 % de la recette sur le taux de TVA à 18, 6 %, à 21 % sur le taux à 5, 5 %, et à 14 % sur le taux à 2, 1 %. Cela signifie que, sur quatre produits, un produit étranger est fiscalisé. Par conséquent, l’opportunité d’une telle solution peut être débattue.
Sur le plan international, on parle souvent de l’Allemagne, qui avait établi une convergence avec la France en augmentant la TVA de 16 % à 19 %, dont seulement un point avait été affecté à la « TVA sociale ». Or, au moment de cette convergence avec la fiscalité allemande, je trouvais qu’il était gênant que notre pays s’éloigne de l’Allemagne.
En outre, en tant que chef d’entreprise, je sais que les effets de cette mesure sont limités et peu flagrants si la santé financière de l’entreprise, sa compétitivité ou sa part sur le marché international sont bonnes. Dans ce cas, la société gardera la marge pour des investissements ou dans l’attente de jours meilleurs. En revanche, cette disposition porte atteinte au pouvoir d’achat de mes clients si je travaille à la fin de la chaîne sans être un intermédiaire et pose un réel problème.
Sur le plan politique, en tant qu’opposant, j’ai déjà dit qu’il appartenait au Gouvernement de trouver les recettes à partir du moment où il ne fait pas d’économies sur les dépenses.
En ce qui me concerne, j’estime que le dispositif concerné est de nature sociale-démocrate. Je ne sais pas si je dois me féliciter que Mme Lagarde ait convaincu M. Cahuzac ou que M. Valls ait persuadé un certain nombre de mes amis. Je reconnais que j’ai du mal à y voir clair…
M. Jean-Pierre Caffet s’exclame.
En tout cas, ce que je sais, c’est que j’ai refusé par le passé la création de plusieurs impôts nouveaux et que ma position sera la même à l’avenir.
C’est la raison pour laquelle, monsieur le président, je ne voterai pas cet amendement.
Le débat que nous avons aujourd’hui met en cause diverses sensibilités et conventions.
Personnellement, je voterai contre cet amendement, car 1, 6 point de TVA ne me semble pas à la mesure des enjeux. C’est pourquoi je vous proposerai dans quelques instants un amendement qui vise à augmenter le taux de TVA, non pas de 1, 6 point, l’impact d’une telle hausse étant trop marginal pour être significatif, mais d’au moins 5 %. Ne faisons pas les choses à moitié !
Monsieur le ministre, vous avez développé une argumentation tout à fait brillante, comme à l’accoutumée, utilisant des références multiples. Je crois pouvoir dire que les hommes et les femmes politiques de gauche, de droite et du centre sont parfois victimes d’un certain nombre de tabous et de conventions de langage. Ces questions suscitent une hypersensibilité, à l’image de la cacophonie et de la polémique incroyables qui avaient duré une semaine entière entre les deux tours, après le débat sur la TVA sociale qui s’était invité au soir du premier tour des élections législatives en 2007. Toute pédagogie était devenue impossible !
Tout à l’heure, vous vous demandiez qui payait. Il est très politiquement correct de dire que certains impôts sont acquittés par les entreprises tandis que d’autres le sont par les ménages. Mais, monsieur le ministre, mes chers collègues, y a-t-il un seul impôt payé par les entreprises qu’on ne retrouve pas dans le prix demandé aux consommateurs ? N’est-ce pas un abus de langage que d’invoquer cet argument, trop commode et trop illusoire ? L’impôt est toujours payé par nos concitoyens. Ce discours sur « l’entreprise paie » était parfait en économie nationale, étanche, mais qu’en est-il en économie mondiale ?
Enfin, Monsieur Leconte, n’êtes-vous pas frappé par la vision de ces usines qui se sont transformées en lieux de distribution, parce qu’il est plus simple de mettre sur le marché des produits qu’on a importés, plutôt que de produire ici en France, en respectant l’ensemble des législations que nous avons édictées un jour ou l’autre ? Aujourd’hui, Peugeot n’est-il pas au banc des accusés parce qu’il a osé essayer de produire encore en France, alors que ses concurrents étaient partis à l’étranger !
Quel procès instruisons-nous ?
Je souhaite vraiment que nous puissions entamer un débat sur ces questions, en toute sérénité. Monsieur le ministre, maintenir un impôt assis sur les salaires, c’est, en économie globale, appliquer un droit de douane…
… à ceux qui produisent en France, droit dont sont exonérées toutes les entreprises qui font produire à l’extérieur pour approvisionner le marché national.
J’en déduis que vous excluez la possibilité de faire supporter, par les recettes des produits importés, une fraction du financement de notre protection sociale. Pour ma part, je ne me résous pas à cette fatalité, et je plaide inlassablement pour que l’impôt de consommation soit utilisé à cette fin.
Je sais que ce point de vue suscite des questions existentielles chez les partenaires sociaux : si un impôt, une cotisation assise sur les salaires n’est plus la ressource du financement de la protection sociale, les partenaires sociaux sont-ils encore légitimes pour gérer ces organismes ?
Nous devrons trouver les réponses appropriées pour apaiser ces interrogations. Mais sur le fond, je vous en prie, ne renoncez pas à poser les termes de ce débat ! Plus que jamais, il nous faut avancer dans cette voie, et ce ne sont pas les mesures du plan automobile, telles qu’elles ont été communiquées, qui m’amèneront à renoncer à déposer tout à l’heure un amendement plus substantiel.
Que mes collègues de l’UMP me pardonnent, mais avec une hausse de 1, 6, le compte n’y est pas !
Je tiens à remercier l’actuelle opposition, et ancienne majorité, de persévérer dans sa volonté d’instituer une TVA antisociale, parce qu’elle nous a déjà permis, lors des élections législatives de 1997, de gagner une cinquantaine de sièges ! Nos concitoyens ne s’y étaient pas trompés…
Vous avez poursuivi dans cette voie, mes chers collègues, en nous expliquant, le 14 mars 2012, qu’il fallait mettre en place une TVA, que vous n’aviez plus l’outrecuidance d’appeler « sociale », mais que vous avez transformée en « TVA compétitivité ». Vous n’entendiez d’ailleurs la rendre applicable qu’au mois d’octobre, après vous être dit que les Français avaient peut-être compris en 2007 que les conséquences en seraient terribles. Vous avez donc repoussé l’échéance après les élections électorales, et ce sans succès puisque vous avez perdu la majorité.
Aussi, si vous souhaitez persévérer, vous nous rendez service et, à ce titre, je vous remercie beaucoup.
Mais revenons au fond du problème. Je suis stupéfait d’avoir entendu dire dans vos rangs, à de nombreuses reprises, que la moitié des Français ne payaient pas d’impôts, une telle affirmation mettant en exergue et stigmatisant les plus modestes de notre population. Mais, mes chers collègues, c’est un mensonge car, s’ils ne paient pas d’impôts sur le revenu, ils acquittent forcément des impôts locaux et des taxes indirectes, dont la très injuste TVA, que vous voulez encore aggraver en augmentant son taux. §
Vous nous dites qu’il faut absolument assurer plus de justice. Nous sommes d’accord, et c’est la raison pour laquelle nous souhaitons revenir à l’impôt républicain tel qu’il a été défini en 1791 : « Chacun est tenu à mesure de ses moyens de contribuer aux dépenses de l’État. » C’est cela, l’impôt républicain, qui avait, en quelque sorte, été repris par Caillaux lorsqu’il a créé l’impôt sur le revenu, qui est un impôt progressif républicain, …
… peut-être pas totalement juste, mais en tout cas l’impôt le moins injuste.
Aujourd’hui, vous voulez renforcer l’impôt le plus injuste. Mais vous savez pourtant parfaitement quelle a été l’une des causes de la Révolution française !
C’était l’inacceptable écart de revenus et l’indécence de l’impôt indirect, qui s’appelait à l’époque la taille, la gabelle ou la dîme, et s’appelle aujourd’hui la TVA.
Pour illustrer mon propos, je prendrai un exemple très simple, faisant appel à un peu de calcul mental très facile, accessible à chacun d’entre nous…
Lorsque j’achète un produit de consommation, je paie le même montant de TVA que je gagne 1 000 euros ou 5 000 euros par mois. D’une certaine façon, avec un revenu proche du SMIC, je paie cinq fois plus d’impôts que celui qui gagne 5 000 euros. Pour vous, ce serait un impôt juste ! Il est en fait très injuste, et vous voulez le rendre encore plus injuste !
Pour toutes ces raisons, parce que nous voulons qu’il soit mis fin à ces écarts indécents de revenus et de ressources entre nos concitoyens, parce que nous sommes pour la paix sociale, parce que nous ne voulons pas que notre pays, plongé à cause de vous dans l’urgence sociale, l’exaspération, et peut-être même – on le voit déjà à travers l’inquiétude très forte de certains Français –, au bord de l’explosion sociale, nous vous encourageons, mes chers collègues, si vous avez un peu de fibre sociale, à refuser de voter cet amendement purement et simplement antisocial.
La TVA Sarkozy, c’est la TVA antisociale ! C’est pourquoi nous voterons contre cet amendement. §
Je voudrais répondre aux conseils prodigués voilà quelques instants, non par le dernier orateur du parti socialiste, mais par le précédent.
Mon cher collègue, selon vous, à droite de l’hémicycle, on ne connaîtrait rien à l’entreprise alors que, de votre côté, vous seriez des spécialistes. Quoi qu’il en soit, il en est un, chez vous, qui ne connaît pas l’entreprise : il s’appelle M. Montebourg. La façon scandaleuse dont il a attaqué les responsables de Peugeot démontre qu’il connaît vraiment mal le fonctionnement de l’entreprise.
À propos de l’article 1er, à la suite de notre collègue député Michel Heinrich, je rappellerai que notre pays se situe au premier rang des pays de l’OCDE en matière de prélèvements patronaux sur les salaires, devant l’Italie – 24, 3 % –, la Suède – 23, 9 % – et la Belgique – 23 %. Ce ratio est de 16, 3 % en Allemagne, et il est totalement nul au Danemark, où il n’existe plus de cotisations patronales obligatoires de sécurité sociale depuis l’an 2000 !
Pour arriver à de tels résultats, certains pays transfèrent ou ont transféré sur la TVA le financement de la protection sociale. C’est le cas du Danemark, mais aussi de l’Allemagne, qui a financé par un point de hausse de la TVA la diminution des cotisations chômage, passées de 5, 1 points à 2, 8 points, contre 6, 4 points en France.
C’est pourquoi la décision de supprimer la cotisation employeur de 5, 4 % au niveau de 2, 1 fois le SMIC allait dans le bon sens. Elle diminuait le coût des produits fabriqués en France, taxait, on vient de l’entendre, les produits importés à 1, 6 point supplémentaire de TVA et finançait notre politique familiale.
Enfin, on a constaté que l’augmentation de la TVA – d’un tiers en moyenne – dans tous les pays qui y ont eu recours n’a pas eu une forte répercussion sur les prix acquittés par les consommateurs et qu’elle a souvent permis une augmentation des salaires comme des embauches. C’est ce dont notre pays a besoin : baisser le coût du travail pour favoriser l’emploi.
Tous ces éléments nous montrent bien que la hausse de la TVA était indolore et plus efficace…
Oui, cela a été prouvé à l’étranger. Renseignez-vous, voyagez !
… qu’une hausse de la CSG sur laquelle nous ne nous faisons malheureusement aucune illusion.
C’est la raison pour laquelle je voterai en faveur de l’amendement de suppression de l’article 1er.
La première disposition pour le moins significative que comporte ce collectif budgétaire consiste à revenir sur l’une des mesures les plus emblématiques du quinquennat écoulé, à savoir la TVA dite « anti-délocalisations » ou « sociale ».
Cette mesure était censée avoir un double effet : premièrement, rendre plus chers les produits importés, deuxièmement, permettre d’alléger les cotisations sociales normalement collectées dans les entreprises sur la base des rémunérations.
L’objectif premier de la TVA dite « anti-délocalisation » n’était pas de renforcer la position de nos entreprises exportatrices ou de préserver notre appareil industriel, mais bel et bien de promouvoir un nouveau type de financement de la protection sociale, fondé sur une fiscalisation accrue.
Que le présent collectif budgétaire revienne sur cette logique ne nous dispense pas de poursuivre le débat relatif au financement de la protection sociale, d’autant que la question de la dépendance est pleinement posée et que, du fait de l’insuffisance de ses recettes, la sécurité sociale présente des déficits récurrents. Accumulés depuis dix ans, ces derniers sont à la base de la dette sociale, dont les hôpitaux publics, au travers de la T2A, et les assurés sociaux, au titre des déremboursements, de la hausse du forfait hospitalier ou encore de la perte du pouvoir d’achat des retraités, font aujourd’hui les frais.
Une fois supprimée la TVA sociale, le temps sera donc venu de faire le point sur les solutions nécessaires.
Pour ce qui nous concerne, nous sommes convaincus qu’il est temps de réhabiliter le mode de financement de la sécurité sociale à partir de la richesse créée et d’en assurer une alimentation régulière et fluide à partir de la production.
Autant nous sommes opposés au remplacement des cotisations sociales par la TVA, autant le bien-fondé de la substitution de la CSG à ces mêmes contributions ne nous convainc pas. Au demeurant, plus le financement de la sécurité sociale a été fiscalisé – notamment lorsqu’il a été question d’alléger les cotisations sociales et de les remplacer par des impôts et taxes dédiés – plus le déficit s’est maintenu, voire renforcé. De plus, voilà fort longtemps que les taux de cotisations patronales n’ont pas véritablement été réexaminés, alors même que la nécessité de garantir une sécurité sociale à la hauteur des exigences actuelles s’impose avec force.
Renouer avec la croissance et le progrès social, restaurer la compétitivité de notre économie, réaliser des gains de productivité permettant notamment de réduire l’intensité et l’importance du travail humain dans le processus de production, l’ensemble de ces objectifs supposent une sécurité sociale efficace, permettant, au-delà des considérations comptables qui restent souvent au cœur des politiques menées depuis une bonne trentaine d’années, de relever le niveau sanitaire général de la population, condition indispensable à toute avancée économique et sociale dans notre pays.
Chers collègues, pour sortir de la crise, la France doit disposer d’une main-d’œuvre bien soignée, bien formée et correctement payée. C’est cet impératif que je souhaitais rappeler dans le cadre de cette explication de vote. Vous l’aurez compris, nous voterons contre cet amendement de suppression de l’article 1er.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Mes chers collègues, personne ne sera étonné d’apprendre que je m’apprête à voter cet amendement.
Je souhaite avant tout m’adresser à M. le rapporteur général de la commission des affaires sociales, ainsi qu’à M. le ministre délégué chargé du budget. De fait, M. Daudigny hier soir, M. Cahuzac il y a quelques instants, sont tous deux allés dans le même sens, en dressant la liste des personnalités de l’ancienne majorité qui se sont exprimées, en leur temps, contre une TVA sociale.
Eh oui, cela s’apprend en première année de sciences économiques, je le répète, et je l’affirme : une politique économique ne se juge pas dans l’absolu, mais en fonction des éléments de conjoncture !
Eh oui ! Voilà pourquoi, monsieur Caffet, malgré tout ce que vous venez de dire, je tiens à souligner, comme toutes celles et tous ceux qui siègent à la droite de cet hémicycle, que vous devriez être un peu plus méfiants, un peu plus prudents, …
… concernant tous les jugements que vous portez sur la TVA sociale et sur la CSG : à mon sens, la situation ne va pas tarder à se retourner contre vous et, le moment venu, nous pourrons vous rappeler tout ce que vous venez de dire, car nous l’avons évidemment retenu !
Le Gouvernement est trop lent car, lorsqu’un nouveau ministère est formé, il est d’usage que celui-ci mette en œuvre son programme dès le mois de juillet.
Or, dans le cadre de ce collectif budgétaire, aucune mesure ne prépare l’avenir, aucune mesure ne construit pour le futur. En revanche, de nombreuses dispositions disparaissent, parfois même avant d’avoir existé. Pour ce qui me concerne, je le regrette.
À mon sens, cette réforme – inexactement qualifiée de création d’une « TVA sociale » – est en réalité l’amorce d’une profonde révision du financement de notre protection sociale.
À mes yeux, au cours des dernières années, tous les gouvernements, qu’ils soient de gauche ou de droite, ont recherché les moyens de faire peser moins lourdement le financement de notre sécurité sociale sur l’emploi. De fait, chacun admet – c’est d’ailleurs le bon sens ! – que, dès lors que l’on calcule le montant des cotisations sociales sur la base des salaires, moins il y a de salaires et d’emplois, plus il est facile d’échapper au paiement des cotisations sociales et, partant, de l’impôt.
Ce constat est si juste que, depuis longtemps, nous nous sommes efforcés de déplacer vers d’autres prélèvements une partie de nos cotisations sociales. C’est l’action qu’a menée le gouvernement Balladur concernant les cotisations familiales ; c’est l’action qu’a menée le gouvernement Juppé concernant les cotisations sociales en général, dès 1995, pour ramener à zéro le montant de ces dernières pour l’emploi d’un travailleur rémunéré au SMIC.
C’est l’action qui a été poursuivie, dans des circonstances beaucoup plus controversées, avec la loi de 1998 instituant les 35 heures. De fait, en l’occurrence, la baisse des charges était destinée non pas à alléger le coût du travail mais à compenser le renchérissement de celui-ci causé par les 35 heures payées 39, mesure conduisant à une augmentation du salaire horaire de l’ordre de 11, 4 %.
C’est assez dire que tous les gouvernements qui se sont succédé en France depuis près de vingt ans ont cherché à reporter le financement de notre protection sociale des salaires vers d’autres assiettes.
À mon sens, c’est une nécessité, et il faudra bien y venir.
Pour ma part, je déplore que, dans un élan excessivement rapide tendant à défaire ce qui venait d’être fait, le nouveau gouvernement et sa majorité ne se donnent pas le temps de la réflexion, pour tenter d’examiner les conditions les plus justes possible d’un maintien de cette réforme. Menée sans augmentation des prélèvements obligatoires, celle-ci amorcerait un basculement qui, comme vient de le rappeler notre collègue Jean Arthuis, pourrait préluder à un renversement bien plus important encore.
Je souligne que, contrairement à ce que j’ai entendu sur les travées de la majorité, le choix de la TVA n’est pas injuste. En effet, chacun le sait au sein de cette assemblée, les 10 % des Français dont les revenus sont les plus élevés acquittent sur leurs dépenses 11, 6 % de TVA, tandis que les 10 % des Français dont les revenus sont les plus faibles n’acquittent que 10 % de TVA ! Cela signifie que, grâce à la différenciation des taux, notre TVA est un impôt très juste. §C’est à tout le moins un dispositif plus juste que la CSG, dont j’entends dire qu’elle pourrait être bientôt augmentée.
Par conséquent, à mon sens, il faut faire justice à cet argument de l’injustice de la TVA : non, la TVA n’est pas injuste. De surcroît, s’il est vrai que les Français percevant de hauts revenus épargnent davantage que les autres, notre fiscalité comprend également des prélèvements sur l’épargne, que ce collectif budgétaire s’emploie du reste à augmenter radicalement, pour un montant global de 7 milliards d’euros.
Ainsi, vous souhaitez abroger cette réforme, qui n’entraînait aucune augmentation des prélèvements obligatoires, sauf pour ce qui concerne l’augmentation de 2, 6 milliards d’euros de l’impôt social sur le patrimoine. Eh bien, voilà une hausse nette des d’impôts, succédant à une mesure qui n’opérait qu’un strict basculement des prélèvements. Bref, vous augmentez les impôts. Pour notre part, nous ne les augmentions pas dans le cadre de la TVA anti-délocalisation ! §
Mes chers collègues, il en va de la TVA sociale comme il en va du ciel : il y a ceux qui y croient, ceux qui n’y croient pas, …
… et, à mon sens, de plus en plus nombreux sont les Français – notamment les parlementaires – qui s’interrogent sérieusement sur la question. Je ne suis pas certain que notre débat d’aujourd’hui permette d’éclairer beaucoup d’entre eux.
De fait, on observe aujourd’hui combien la situation est complexe : les plus libéraux d’entre nous ne sont pas favorables à cette réforme. Notre collègue Jean-Pierre Caffet, quant à lui, y est également absolument opposé.
Bref, les avis sont assez partagés.
Parmi ceux qui croient en cette mesure figurent nombre de membres de la commission des finances. En effet, cette disposition a été étudiée et discutée de très longue date au sein de cette dernière, bien avant ce funeste soir de juin 2007 qui a de facto enterré le débat. C’est dire si notre pays n’est pas encore suffisamment mûr pour traiter ce sujet : pendant cinq ans, on a soigneusement enterré le dossier, pour ne l’exhumer qu’aujourd’hui. Et pourquoi le ressortons-nous aujourd’hui ? Pour une raison bien simple, et je crois que nous serons tous d’accord sur ce point : parce que la France subit un problème de compétitivité. Personne n’osera affirmer le contraire dans cet hémicycle !
M. Philippe Dallier. La faute à qui, madame Lienemann ? Nous allons voir de quoi vous êtes capables ! Quoi qu’il en soit, notre pays est victime d’un problème de compétitivité
Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
… et le cas de Peugeot en est tout à fait emblématique. Il va bien falloir trouver des solutions.
Quelles solutions avons-nous ? Telle est tout de même la question cruciale !
Certains affirment : « Le problème central, c’est celui du financement de la protection sociale. » Je leur réponds à la fois oui et non : nous devons effectivement financer nos dépenses sociales, il faut donc dégager des recettes à cette fin, tout en évitant, parallèlement, que ces charges ne progressent trop vite. En conséquence, la question est la suivante : sur quelles masses économiques doit-on faire porter les prélèvements ? Sur les salaires ou sur une autre base ? À mon sens, imposer les salaires constitue la plus mauvaise des solutions. Il va falloir en sortir.
Chers collègues de la majorité, comme Mme Des Esgaulx, je vous enjoins à la prudence. De fait, j’ai bien entendu le Président de la République : le 14 juillet, ce dernier a commencé à nous confier qu’il jugeait, lui aussi, que la France se heurtait à un problème de compétitivité.
Comment allez-vous résoudre ce problème ? De quels outils disposerez-vous ? La situation est claire, vous êtes placés face à une alternative : ou bien vous mettrez en œuvre un mécanisme proche de la TVA sociale, ou bien vous en adopterez un autre. Peut-être sera-ce la CSG ? Quoi qu’il en soit, en définitive, vous serez bien obligés de prendre une décision, car nous ne pouvons pas rester dans la situation actuelle.
Notre collègue Jean Arthuis nous appelle à provoquer un choc de compétitivité, en opérant un basculement plus radical : pour ma part, j’y suis assez favorable. Néanmoins, étant donné que, dans ce pays, il faut avancer doucement, même en cas d’urgence, nous aurions pu conserver la mesure dans son état actuel et nous donner rendez-vous dans six mois ou dans un an pour en évaluer l’efficacité. À mon sens, cette méthode aurait été la bonne. Voilà pourquoi je regrette que Jean Arthuis ne vote pas en faveur de la suppression du présent article même si, le cas échéant, je soutiendrai son amendement.
Nous aurions pu procéder ainsi, chers collègues de la majorité, mais, une fois de plus, vous avez choisi de ne rien faire, …
… alors que le problème de Peugeot vous plonge dans l’embarras.
(Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.) Peugeot, qui avait fait le choix – il faut en louer ses responsables – de garder en France une grande partie de sa production, est plus pénalisée que Renault qui a fait d’autres choix.
Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.
En définitive, que proposez-vous ? Quelques mesures sur les véhicules électriques ou hybrides ! Avez-vous bien conscience que, chez Peugeot, cela concerne 2 000 véhicules par an sur 350 000 ? Pensez-vous vraiment régler le problème de Peugeot avec ce type de mesures ? §
Comment pouvons-nous aider une entreprise comme Peugeot ? C’est la bonne question et je ne vois pas beaucoup d’autres solutions que de faire baisser les charges qui pèsent sur les salaires. Si vous ne le faites pas maintenant, vous le ferez peut-être à l’automne. Mes chers collègues socialistes, soyez prudents car vous serez bien obligés d’en passer par là, mais nous aurons encore perdu quelques mois, et c’est très dommage. §
Cela fait des années qu’on baisse les charges sur les salaires, ça ne marche pas !
Je ne suis pas sûre que nous ayons un problème de vitesse. Le vrai problème, c’est que nous faisons marche arrière, et il est dommage que cette TVA sociale soit le bouc émissaire, pauvre victime politique de nombre de déboires qui datent de 2007 et même de bien avant. En effet, nous avons deux problèmes à résoudre à travers cette TVA sociale : un problème économique et un problème de financement de la protection sociale.
S’agissant du problème économique, vous refusez la TVA sociale au motif que nous n’aurions pas de problème de compétitivité-coût.
Relisez les conclusions déposées en mars 2011 par la Cour des comptes, laquelle ne peut pas être suspectée de complaisance à notre égard. Elle indiquait que l’objectif de compétitivité a une place centrale compte tenu de la perte de l’avantage relatif dont bénéficiait la France en termes de compétitivité-coût au début des années deux mille et qu’il fallait considérer comme un axe prioritaire de réflexion la question de l’allégement relatif de la taxation pesant sur le travail.
Nous avons donc bien un problème de compétitivité-coût et, s’agissant de la compétitivité hors coût, puisque vous estimez que c’est un problème central, pourquoi n’avez-vous voté ni le grand emprunt ni le crédit d’impôt recherche ?
Je ne reviendrai pas sur le caractère injuste de la TVA versus la CSG. Si nous avions choisi la CSG, vous auriez préféré la TVA…
D’ailleurs, au début de la crise, vous aviez proposé, me semble-t-il, de l’augmenter de deux points. Mais je pense que nous en reparlerons ici dans quelques semaines.
Nous avons un problème de fond sur le financement de la protection sociale et, à cet égard, il faut vraiment s’interroger sur la légitimité de la consommation, voire de la « surconsommation », à participer à ce financement. Il faut sortir de cette religion de la « surconsommation ». Je ne parle pas de la consommation de base, qui doit rester taxée à des taux réduits, et on peut débattre du panier des produits qui concernent cette consommation de base.
Nous avons entendu hier un exposé de M. Placé sur les défis écologiques ; il aurait pu nous rappeler à cette occasion que la consommation participe à la moitié des émissions de gaz à effet de serre…
… et qu’elle est une impasse écologique et sociale.
Il aurait pu nous rappeler aussi qu’elle devrait participer au financement de la protection sociale parce qu’elle participe à nombre de problèmes sanitaires de ce siècle ; je pense aux perturbateurs endocriniens, aux pesticides, aux effets possibles des ondes magnétiques des téléphones portables, …
… qui justifieraient tout à fait que la consommation participe au financement de la protection sociale.
Donc, admettez qu’aujourd’hui notre défi – si vous voulez bien le regarder avec un peu d’objectivité – est de transférer les charges qui pèsent sur le travail vers une autre assiette : la consommation et la pollution.
Malheureusement, nous allons tous être très rapidement rattrapés par la réalité économique – vous les premiers – et à cette occasion, il va falloir faire un salto arrière ! Je ne préjuge en rien de vos qualités physiques, mais il me semble qu’à nos âges, c’est un exercice extrêmement douloureux… §
Monsieur le ministre, je n’ai pas encore eu l’occasion d’intervenir sur ce texte, mais je vous ai écouté longuement hier et j’ai assez vite compris que vous aviez un problème de mémoire concernant notamment la Caisse d’amortissement de la dette sociale, la CADES, qui aujourd’hui emprunte sur les marchés – vous avez raison de le dénoncer – pour financer les retraites de notre pays.
Faisons un peu d’histoire, Monsieur Cahuzac. Nous siégions dans la même assemblée lorsque, à propos de la CADES, on a demandé au gouvernement Jospin comment il ferait pour financer les retraites. Il a répondu : nous allons créer un fonds spécial de financement des retraites qui abondera la CADES, et tout l’argent des privatisations – vous devez vous en souvenir, monsieur le ministre – sera affecté à ce fonds spécial de financement des retraites.
Quand vous nous dites aujourd’hui que nous avons laissé la Caisse d’amortissement de la dette sociale dans un état lamentable, …
… vous oubliez une décision que vous n’avez pas appliquée. Dans un but politique, vous aviez annoncé que tout l’argent des privatisations serait affecté à ce fonds de financement des retraites. En réalité, vous n’y avez affecté que 10 % du produit des privatisations alors que le gouvernement Jospin est celui qui a le plus privatisé.
Autre fait que nous sommes un certain nombre à nous rappeler. Quand on considère les courbes de la compétitivité des deux économies française et allemande, on s’aperçoit que, jusqu’en 2000, la compétitivité de l’économie française était au même niveau que celle de l’Allemagne – elle a même été souvent devant –, mais que les courbes s’inversent très exactement le jour où vous avez mis concrètement en application les 35 heures.
Et vous nous traitez aujourd’hui d’incapables ! De fait, nous reconnaissons que nous avons été incapables d’abroger ce texte funeste pour la compétitivité de notre économie.
Revenons au problème d’aujourd’hui. Alors que l’on connaît les dangers qui menacent un certain nombre de nos entreprises sur tout le territoire – pas seulement à Aulnay-sous-Bois – vous voulez supprimer le seul dispositif que nous avions à notre disposition pour éviter les délocalisations. Il ne s’agissait que d’une expérimentation – bien sûr, cher Jean Arthuis, 1, 6 point de TVA, c’est sûrement insatisfaisant – mais, face au chômage structurel que nous avons depuis vingt ans, voire trente ans, il fallait essayer ce dispositif. En fait, nous avons trop tardé, et tout un chacun en connaît les raisons politiques.
Je souhaiterais, Monsieur le ministre, qu’au sein de l’Europe, dans tous les eurogroupes auxquels vous participez, vous vous interrogiez sur ces économies dites « émergentes », qui sont en réalité « submergentes » et nous inondent de produits que tout le monde connaît et que, dans tous les hypermarchés, on appelle le « noir » – des téléviseurs, des ordinateurs –, bref, tout ce que nous ne produisons pas et dont j’ai le regret de vous dire – nous en sommes d’ailleurs tous d’accord – que ce ne sont tout de même pas des produits de première nécessité.
L’ensemble des pays que l’on appelle les BRICS – Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud – considèrent les pays européens comme des terrains à conquérir, et vous connaissez aussi bien que nous leur système social et fiscal. Aussi, estimer aujourd’hui qu’il n’est pas nécessaire de protéger un peu nos entreprises de ces économies déferlant sur l’Europe n’est pas très raisonnable. La solution, nous le savons tous, monsieur le ministre, ne peut qu’être européenne.
Nous avons entendu beaucoup de discours sur le redressement de la justice, le redressement productif…
… et l’effort juste. Mais, monsieur le ministre, que peuvent retenir celles et ceux qui attendent des éclaircissements, les acteurs économiques, les entreprises, d’un débat comme celui que nous avons autour de ce projet de loi de finances rectificative ?
Mme Bricq annonçait que nos efforts devraient porter moitié sur les dépenses et moitié sur les recettes pour trouver les 100 milliards d’euros nécessaires à l’équilibre de nos comptes dans les quatre ans à venir ; je n’y crois pas beaucoup. Je pense qu’il faudra 70 % de recettes fiscales supplémentaires et, quant à choisir entre la CSG et la TVA, monsieur le ministre, il est fort probable que nous aurons les deux, comme le dit d’ailleurs entre les lignes la Cour des comptes. §
celui-ci étant venu nous parler du sens de sa mission au sein du ministère du redressement productif.
M. le ministre a notamment cité les différents leviers possibles pour, selon lui, faire gagner nos entreprises et nos PME en compétitivité. Il a notamment affirmé – il confirmait en cela la bonne nouvelle annoncée à deux reprises hier par M. Arthuis – que le coût du travail n’était plus tabou et qu’il était tout à fait possible de prendre l’une ou l’autre mesure à cet égard. Je cite : « Une mission a été confiée à M. Gallois, qui doit à l’automne indiquer quelles sont les mesures qui pourraient être prises à cet égard. »
Je m’étonne donc, mes chers collègues, que l’on puisse, sans attendre les préconisations de cet éminent expert, prendre aujourd’hui une mesure de « détricotage » de ce dispositif expérimental que voulait engager le gouvernement précédent en matière de TVA anti-délocalisations et qui, comme vous le savez, ne devait entrer en vigueur qu’à l’automne, soit le 1er octobre.
Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.
Il n’y a pas d’urgence à légiférer à cet égard. Quelle est la raison – si ce n’est une raison éminemment politicienne – de prendre aujourd’hui une mesure supprimant cette TVA anti-délocalisations alors que vous n’avez aucune solution de rechange ?
Il faudra bien, mes chers collègues socialistes, monsieur le ministre, qu’une mesure soit prise en ce qui concerne le coût du travail. En effet, comment allez-vous gagner en compétitivité si vous ne jouez pas sur cela ?
J’ai bien entendu M. Montebourg parler hier d’innovation et rendre hommage – tenez-vous bien, mes chers collègues – au grand emprunt que ses collègues socialistes et lui-même n’ont pas voté. Il a même dit hier, ici même au Sénat, qu’il faudrait finalement un grand emprunt tous les ans, mais il n’a pas dit comment il fallait le financer… §
Votre argument, monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité sénatoriale et présidentielle, est que la hausse de 1, 6 point de TVA eût entraîné une augmentation des prix et donc une importante perte de pouvoir d’achat.
Permettez-moi de vous dire que cet argument est surprenant pour ne pas dire fallacieux eu égard aux nombreuses mesures dont on nous a déjà parlé dans ce présent collectif budgétaire et qui vont impacter ce fameux pouvoir d’achat !
En voici le catalogue : la suppression de l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires pour 9 millions de salariés, la hausse du forfait social sur l’intéressement et la participation concernant12 millions de Français, la baisse de la franchise d’impôt sur les successions. Tout cela n’est-ce pas diminuer le pouvoir d’achat de nos concitoyens ? Et je ne parle pas de la probable hausse des prix des carburants à la suite de la mise en place de la contribution exceptionnelle – que vous vous apprêtez à voter – sur la valeur des stocks de produits pétroliers, qui va toucher les distributeurs et les indépendants.
Votre argumentation est d’autant plus fallacieuse que la hausse de la TVA n’entraînerait pas mécaniquement une hausse des prix, et donc de l’inflation ; vous le savez bien, c’est beaucoup plus subtil que cela.
Aujourd’hui, en Europe, la tendance est au ralentissement de l’inflation, même si les prix des matières premières, notamment du pétrole, restent volatils.
Il y a des précédents. Vous permettrez au sénateur du Bas-Rhin que je suis de vous rappeler que, en Allemagne, la hausse des prix consécutive à la mise en place de la TVA sociale fut contenue. Par ailleurs, lorsque le taux normal de TVA fut relevé de 2 points en 1995, sous le gouvernement Juppé, l’effet sur les prix fut de 0, 5 % à 0, 7 %. Ce sont des chiffres ; ce sont des faits !
L’impact sur le pouvoir d’achat est faible car la hausse de la TVA ne concerne que le taux supérieur de 19, 6 %, qui n’augmente que de 1, 6 point. Or 60 % de la consommation des Français concerne des produits auxquels ne s’applique pas ce taux plein.
En outre, la répercussion de la hausse de la TVA sur les prix n’est pas mécaniquement proportionnelle ; elle dépend aussi de la situation concurrentielle du marché concerné – vous le savez bien, et nous vous l’avons rappelé.
De surcroît, ce dispositif ne devait entrer en vigueur qu’à compter du 1er octobre, ce qui permettait aux agents économiques d’anticiper certains achats, notamment les plus coûteux, ce qui eût soutenu momentanément la consommation, conformément à l’objectif que vous vous êtes fixé.
Les minima sociaux, SMIC et retraites notamment, étant indexés sur l’inflation, l’impact éventuel d’une hausse des prix eût par ailleurs été amorti pour les revenus les plus modestes.
Enfin, et tel était notre but, les prix des produits importés, frappés de TVA mais ne bénéficiant pas de la baisse des charges, auraient eux augmenté, tandis que le coût des produits français aurait pu diminuer, les 10, 6 milliards d’euros de hausse de la TVA étant naturellement inférieurs aux 13, 2 milliards d’euros de baisse du coût du travail.
L’argument du pouvoir d’achat et de la consommation menacés par la TVA sociale est donc largement trompeur.
En conséquence, vous l’aurez compris, je voterai l’amendement de suppression déposé par le groupe UMP.
Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UCR.
Cette suppression de la TVA antisociale est une bonne chose, car elle reflète le vote des Français.
Je reconnais certes que chacun puisse rester fidèle aux positions qu’il a défendues devant nos concitoyens pendant la campagne électorale. Pour ma part, je m’honore que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault mette en œuvre les engagements qui ont été pris devant les Français après que les deux candidats, François Hollande et Nicolas Sarkozy, eurent échangé leurs arguments.
Le deuxième sujet qui est posé – il ne date pas d’hier ! – est celui de la compétitivité française, notamment dans le domaine industriel.
En la matière, qui peut imaginer que la seule question du coût du travail – un terme que je n’aime pas, car c’est encore, me semble-t-il, le travail qui produit, et non qui coûte – soit l’élément unique et déterminant de cette compétitivité ?
Tout le monde sait que tel n’est pas le cas !
De nombreux rapports ont été publiés sur le sujet, notamment celui du Conseil économique, social et environnemental – une instance qui regroupe les partenaires sociaux, patronat et syndicats, et différentes sensibilités politiques –, qui a bien mis en exergue qu’il existait plusieurs éléments déterminants, l’adossement de nos cotisations sociales au travail n’étant que l’un d’entre eux.
Je souligne de surcroît que ce débat n’est pas l’apanage de la droite. La CSG a été créée par Michel Rocard, car nous voulions justement que le capital puisse participer au financement de la protection sociale.
Le parti socialiste et bon nombre de partis de gauche ont fait des propositions qui, d’ailleurs, ont été reprises de manière éphémère par M. Chirac. Je pense notamment au fait de calculer les cotisations sociales, en tout ou en partie, en fonction de la valeur ajoutée créée par l’entreprise, ce qui n’a rien à voir avec l’augmentation de la TVA. Ce débat a déjà eu lieu et, pour ma part, je suis favorable à cette option.
En tout cas, cette question ne peut pas faire l’économie d’un débat plus stratégique.
Le Conseil économique, social et environnemental écrit aussi dans son rapport que la France est le pays qui distribue le plus de dividendes, qui a le meilleur rendement capitalistique. Mais c’est surtout vrai pour les grandes entreprises, très peu pour les PME.
Je m’honore également de soutenir un gouvernement qui prétend réorienter les aides publiques et la fiscalité pour que ce ne soient pas toujours les PME, souvent sous-traitantes, qui portent toute la charge des cotisations sociales et de la fiscalité.
La compétitivité industrielle de la France passe aussi par des investissements. Nous n’avons pas la même tradition capitalistique que nos voisins. Je pense à la politique de Colbert, présent dans cet hémicycle par sa statue, mais aussi aux nationalisations qui ont eu lieu après la Libération. L’intervention publique de l’État dans le capital a toujours été l’un des éléments de l’industrialisation de la France, jusqu’au jour où nous sommes entrés dans un monde où tout a été libéralisé, où il n’y avait plus d’intervention capitalistique de la puissance publique…
Que faites-vous de la Commission européenne et du risque de requalification en aides d’État ?
De leur côté, les Allemands se sont mieux protégés que nous des prédateurs, grâce à leurs banques coopératives et mutualistes, et parce que le capital de leurs entreprises est resté davantage familial et national, via leurs Länder.
Nous sommes donc dans une situation où notre pays doit retrouver ses fondamentaux, à commencer par la justice sociale.
Or, vous pouvez faire tous les calculs du monde, la TVA reste un impôt injuste ! §Vous le savez, et tous les Français également !
Pour terminer, je voudrais dire à Mme Jouanno que j’entends son argument pro-limitation de la consommation. Je ne suis pour ma part ni productiviste, ni pour la société de consommation à tous crins. Toutefois, si le financement de la protection sociale repose sur la consommation et que celle-ci diminue, les crédits alloués à la protection sociale diminueront également.
Exclamations sur les travées de l'UMP.
C’est un cercle inverse qu’il nous faut. J’ai proposé d’asseoir les cotisations sur la valeur ajoutée, ce qui ne correspond pas au travail, mais à la richesse produite par le pays. Monsieur Arthuis, j’espère que, tout comme moi, vous pensez que le pays va continuer à produire des richesses !
Il existe donc des alternatives, et le Gouvernement a eu raison de ne pas tout mettre sur la table tout de suite, car l’on ne peut pas traiter séparément la question de la réforme fiscale stratégique et celle des cotisations sociales.
Je ne veux pas préjuger des futurs arbitrages, mais il ne serait pas illégitime d’augmenter une partie de la CSG
Vives exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UCR.
Attendez, laissez-moi terminer !
Nous avons aussi proposé des convergences entre l’impôt sur le revenu et la CSG, pour restaurer la progressivité de l’impôt, chroniquement insuffisante dans la fiscalité française.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. Il est donc hors de question de pouvoir envisager le financement de la protection sociale sans penser de manière globale à la compétitivité, à la pérennité de la protection sociale et à une réforme fiscale d’ampleur, juste et prometteuse pour l’avenir et pour l’emploi !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
M. Jean-Pierre Caffet. Mes chers collègues, je serai bref, tout en essayant de convaincre mes collègues de l’opposition…
Sourires.
Ce sera sans doute mission impossible, mais je vais tout de même essayer d’argumenter avec raison, et non avec passion – nous aurons probablement ce débat passionné sur l’article 2.
Dans les prochains mois, nous devrons très probablement avoir un débat sur la compétitivité de la France.
Ah ! sur les travées de l'UMP.
M. Jean-Pierre Caffet. Je prétends aujourd’hui avec force que, au moins dans l’industrie, nous n’avons pas de problème de compétitivité-coût avec nos principaux concurrents, notamment avec l’Allemagne
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Vous n’avez pas démontré le contraire, madame Keller !
Hier, j’ai rappelé que le coût horaire avoisinait 33 euros des deux côtés du Rhin. J’ai même signalé que les coûts salariaux horaires en Allemagne, dans la branche automobile, étaient supérieurs de 30 % à ceux de la France.
Regardez les résultats du commerce extérieur français et allemand dans le secteur automobile, vous serez surpris de constater l’écart qui existe entre l’extraordinaire déficit français et l’extraordinaire excédent allemand.
En revanche, il est vrai – je me réfère aux propos de Mme Jouanno à l’instant – que, depuis une dizaine d’années, les coûts salariaux ont augmenté plus rapidement en France qu’en Allemagne.
On observe d’ailleurs, dans l’Europe des Vingt-sept, un phénomène général de convergence des coûts salariaux vers la norme des pays les plus développés. Ce n’est peut-être pas votre cas, mais, pour part, je ne suis pas partisan du dumping salarial et je vois dans cette tendance un progrès.
Si la Hongrie, la Roumanie ou la Bulgarie connaissent une convergence salariale vers l’Allemagne et la France, c’est plutôt un progrès.
En revanche, comme la Cour des comptes le souligne en filigrane – ne lui faites pas dire ce qu’elle n’a pas dit, madame Jouanno ! –, si les coûts salariaux français continuaient d’augmenter plus vite que les coûts salariaux allemands à l’avenir – dans les cinq ans qui viennent, par exemple –, alors oui, nous pourrions alors avoir un problème de compétitivité-prix. Mais, je le répète, ce n’est pas le cas aujourd’hui !
Je mets au défi quiconque, y compris dans la zone des Vingt-sept, de contester ce constat.
De toute façon, nous devrons avoir ce débat sur la compétitivité-prix.
Hier, M. le ministre a démontré à l’envi que votre mesure ne résolvait aucun problème de manière structurelle, pour la raison très simple que la baisse des cotisations sociales aboutissait à une diminution du coût salarial de 2 % en moyenne. Compte tenu du poids des salaires dans la production d’un produit fini, cela représentait entre 0, 4 % et 0, 8 % de diminution du prix hors taxe. Un surcroît de compétitivité qui se fonde sur une diminution si faible du prix, c’est du pipeau !
En tout état de cause, cet avantage aurait été bien vite absorbé par les gains de productivité réalisés de l’autre côté du Rhin. Car l’Allemagne, de son côté, mène une tout autre politique. Pendant qu’on essaye de baisser les coûts salariaux, et donc, inévitablement, les salaires, les Allemands ont recours à la réduction du temps de travail, au chômage partiel et discutent avec les partenaires sociaux. C’est de cela qu’il s’agit.
Car, mes chers amis, la compétitivité n’est pas seulement un problème de compétitivité-prix. C’est aussi un problème de dialogue social et de relations avec les partenaires sociaux.
Nous avons commencé à nous atteler à cette question avec la Conférence sociale, et nous avons bien l’intention de continuer ! §
Le fait d’avoir voté et appelé à voter pour un Président de la République qui a promis, entre autres choses, de supprimer la TVA sociale suffirait à expliquer mon vote.
M. Claude Domeizel. Vous pourriez, mes chers collègues, respecter le vote des Français !
Vives protestations sur les travées de l'UMP.
Je vais toutefois essayer de vous expliquer pourquoi je suis foncièrement contre la TVA sociale.
C’est même un problème fondamental lié à l’organisation de la sécurité sociale dans notre pays.
En effet, à sa création, la sécurité sociale était assise sur deux notions, la gestion paritaire et le détachement de son budget de celui de la Nation.
C’est notamment pour cette raison que votre majorité a créé, en 1996, le dispositif qui a obligé le Parlement à voter chaque année une loi, non pas de finances, mais de financement de la sécurité sociale – la différence est de taille.
C’est la raison pour laquelle je continue, et je continuerai toujours, pour ma part, à militer pour que ces deux piliers de la sécurité sociale soient préservés.
La seule protection sociale qui soit fiscalisée dans notre pays – il n’y en a qu’une ! –, ce sont les pensions de retraite des fonctionnaires d’État, et ce pour une raison que l’on a un peu oubliée : les fonctionnaires sont inscrits au Grand-Livre de la dette publique, une vieille notion.
Même si cela peut choquer certains – mes propos n’engagent que moi ! –, je fais partie de ceux qui souhaitent que les fonctionnaires d’État aient un jour un régime propre, ce qui permettrait de clarifier la situation. On aurait alors un système fondé sur la même base : une gestion paritaire et un financement détaché du budget de la nation.
C'est la raison pour laquelle je voterai contre l’amendement de suppression présenté par M. Gaudin.
Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.
Je ne reviendrai pas sur les arguments que j’ai présentés hier sur ce sujet. Toutefois, je souhaite répondre à l’interpellation de Mme Des Esgaulx.
Certes, le jeu des citations est facile, mais il n’est pas sans intérêt ! Vous avez raison de dire qu’un dispositif économique ne peut être séparé de son contexte.
En effet, cela a été rappelé hier à plusieurs reprises, elle pèserait sur la consommation des ménages, qui, elle, pèse à hauteur de 60 % dans la croissance. Ce ne serait pas une bonne mesure pour notre économie. C’est non pas un point de vue idéologique, mais une analyse économique.
Car la gauche, elle aussi, est capable de conduire des analyses économiques !
Enfin, je veux rappeler une fois de plus qu’il existe une différence importante entre nous : nous pensons, nous n’avons de cesse de le répéter, que l’augmentation de la TVA n’est pas une mesure susceptible d’instaurer plus de justice fiscale. C’est la raison pour laquelle nous n’y sommes pas favorables.
Tels sont les deux éléments que je souhaitais verser au débat. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la cause est entendue ! Les dés sont jetés ! Ce petit enfant fragile, cette petite TVA sociale, dont l’accouchement a été si tardif, …
… est à peine né que déjà vous allez le tuer !
Cependant, je crois pouvoir dire que l’initiative que nous avons prise au mois de mars dernier a été particulièrement utile, et ce pour plusieurs raisons.
Tous nos collègues du groupe de l’UCR et du groupe UMP, à la seule exception de notre collègue Philippe Dominati, représentant la composante la plus libérale, viennent unanimement de défendre le principe de cette expérimentation. Or, jusqu’au mois de mars dernier, nous étions encore bien loin de cette unanimité, tant les divergences de vues sur ce sujet étaient grandes.
C’est, me semble-t-il, une leçon utile de l’alternance : nous avons perçu l’importance de mener une réflexion structurelle et stratégique, en matière de fiscalité, sur les prélèvements obligatoires et le financement de la protection sociale.
Plusieurs de nos collègues – Chantal Jouanno, Philippe Bas, Claude Domeizel et Jean-Pierre Caffet de manière très intéressante – ont parlé du financement de la protection sociale. Tel est, à la vérité, l’enjeu ! Demandons-nous comment nous pouvons concevoir, pour l’avenir, de manière stratégique, le financement de la protection sociale afin d’assurer sa continuité.
Toutefois, la question de fond est la suivante : la sécurité sociale est-elle, oui ou non, en train de changer de nature ?
Elle était, il est vrai, contributive ; elle le demeure, mais à 70 % seulement. L’ensemble de la fiscalité qui y est affecté, vous le savez fort bien, cher collègue rapporteur général de la commission des affaires sociales, représente aujourd'hui, en y intégrant la CSG, 30 % des ressources de la sécurité sociale. Il serait bien entendu impossible de concevoir une sécurité sociale sans cet apport fiscal.
Permettez-moi d’aller au bout de mon raisonnement.
La sécurité sociale, qui est notre ciment social, est en train de changer de nature. Chaque année – et ce sera avec vous pour un petit moment !
Sourires.
Le Gouvernement auquel vous appartenez a indiqué, je l’ai noté avec plaisir, car cette question avait fait débat au cours des dernières années, que toute initiative en matière de prélèvements obligatoires devra être prise dans le cadre de la loi de finances ou de la loi de financement de la sécurité sociale.
C’est le monopole des lois financières, que nos engagements européens nous incitent à consolider.
Il est bien légitime que l’on s’interroge, comme le fait de façon si tenace et si persévérante depuis de longues années notre collègue Jean Arthuis
M. Jean Arthuis opine.
Regardons d’ailleurs ce qui se passe dans les pays voisins. La plupart d’entre eux votent au sein d’une même loi la dépense sociale et la dépense budgétaire. La question des charges du financement de la protection sociale et des différents risques se pose partout.
Monsieur le ministre, ce pauvre petit enfant est pour l’instant condamné. Mais je souhaiterais vivement que l’on engage dès que possible, de manière ouverte, un vrai débat sur le sujet, car il s’agit d’une question stratégique nationale, d’intérêt général. En effet, c’est la cohésion sociale de notre pays qui est en jeu. Nous déplorons les uns et les autres l’absence d’un tel débat. Menons-le de manière constructive et transparente. Certes, il sera forcément empreint d’une certaine passion, mais c’est la vie politique qui veut qu’il en soit ainsi !
Monsieur le ministre, quelles sont vos intentions et quelles options avez-vous pour les mois à venir ?
La CSG est si pratique : …
Il n’y a pas si longtemps, nos amis présidents de conseils généraux nous faisaient remarquer les déséquilibres stratégiques de leurs comptes. La disproportion entre l’évolution des ressources des collectivités et les prestations qu’elles doivent verser, telles l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, ou la prestation de compensation du handicap, est telle que la seule solution consiste à équilibrer la dépense sociale des départements avec un peu de CSG. Qui ne l’a dit ? Qui ne l’a pensé, mes chers collègues ?
Nous entendons aussi celles et ceux qui, à juste titre, se préoccupent du risque de dépendance ou de la création d’une branche consacrée à garantir l’autonomie des personnes âgées autant qu’il est possible. Là encore, la ministre chargée de ce dossier, Mme Michèle Delaunay, a indiqué – et c’est compréhensible – qu’il faudrait un peu de CSG. Vous-même, monsieur le ministre, avec d’autres membres du Gouvernement, avez évoqué, en substitut à cette pauvre petite TVA sociale, un peu de CSG.
Par ailleurs, nous le savons, parmi les engagements présidentiels figure une fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu.
Personnellement, je ne considère pas cette option comme le diable. Mais il faut être clair : elle doit s’inscrire dans une démarche structurée et stratégique, reposant sur une comparaison avec nos principaux partenaires, afin que nous comprenions bien vers quel modèle fiscal, et donc vers quel modèle social, nous nous dirigeons.
Aussi souhaiterais-je, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur tous ces points.
L’engagement présidentiel pris quant à la fusion de la CSG et de l’impôt sur le revenu est-il, oui ou non, toujours d’actualité ? Êtes-vous toujours sur cette ligne ? Où en êtes-vous de vos réflexions et des débats internes sur le fond ? Car tout le reste en dépend.
À la rentrée, lorsque nous en viendrons enfin aux choses sérieuses, dans un contexte global qui, probablement, ne se sera pas amélioré par rapport à aujourd'hui – Dieu sait que je ne le souhaite pas, mais je fais preuve de réalisme ! –, nous devrons entrer dans le débat, le vrai, car celui-ci n’est qu’un petit zakouski, qui fait plaisir à nos collègues de la majorité et attriste les autres, qui font là en quelque sorte leur deuil.
La page sera vite tournée. Monsieur le ministre, quelle stratégie nous proposerez-vous pour la CSG, pour l’impôt sur le revenu, pour notre fiscalité, pour la TVA, pour la compétitivité, pour le financement de la protection sociale ?
Voilà ce que nous avons voulu, les uns et les autres, vous dire en multipliant nos interventions. Certes, nous n’en abuserons pas, mais il est de notre responsabilité – et c’est le cœur du rôle du Parlement – de vous demander des compléments d’information. §
M. Jean-Léonce Dupont remplace M. Charles Guené au fauteuil de la présidence.
Je mets aux voix l'amendement n° 100.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 119 :
Le Sénat n'a pas adopté. §
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 144 rectifié bis, présenté par MM. Arthuis, Zocchetto, de Montesquiou, Dubois, J. Boyer, Delahaye, Marseille et Amoudry, Mme Morin-Desailly, MM. Roche, Capo-Canellas, Détraigne et les membres du groupe de l'Union Centriste et Républicaine, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L’article L. 241-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 9° Une compensation à due concurrence du produit de la taxe sur la valeur ajoutée nette correspondant aux montants de cette taxe enregistrés au titre de l’année par les comptables publics, déduction faite des remboursements et restitutions effectués pour la même période par les comptables assignataires, et affectée au compte de concours financier « Financement des organismes de sécurité sociale ».
2° L’article L. 241-6 est ainsi modifié :
a) Au 1°, les mots : « ces cotisations sont intégralement à la charge de l’employeur » sont supprimés ;
b) Au 9°, le taux : « 6, 70 % » est remplacé par le taux : « 12 % ».
II. – Au troisième alinéa du 1 de l'article 1er du décret n° 67-804 du 20 septembre 1967 portant fixation des taux des cotisations d'assurances sociales dues au titre de l'emploi des salaries placés sous le régime général pour une partie des risques, le taux : « 12, 80 % » est remplacé par le taux : « 9, 80 % ».
III. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, la compensation à la Caisse nationale des allocations familiales et à la Caisse nationale d’assurance maladie de la réduction des cotisations patronales prévue au 2° du I, et de la diminution des taux visés au II du présent article, s’effectue au moyen des ressources mentionnées aux 9° des articles L. 241-2 et L. 241-6 du même code.
IV. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale de la suppression des charges patronales familiales et d’une fraction des charges patronales d’assurance maladie, prévues au I, sont compensées à due concurrence par les dispositions du V et du VI du présent article.
V. – Il est ouvert un compte de concours financiers intitulé : « Financement des organismes de sécurité sociale ».
Ce compte retrace, respectivement en dépenses et en recettes, les versements à l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale et les remboursements des avances sur le montant des impositions affectées par l’État aux régimes de sécurité sociale.
Le compte de concours financiers intitulé « Financement des organismes de sécurité sociale » est abondé par l’affectation d’une fraction de 5, 4 % du produit de la taxe sur la valeur ajoutée.
VI. – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° À l’article 278, le taux : « 21, 20 % » est remplacé par le taux : « 25 % » ;
2° Au premier alinéa de l’article 278 bis, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;
3° À l’article 278 ter, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;
4° À l’article 278 quater, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;
5° Au premier alinéa et au II de l’article 278 sexies, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;
6° Au premier alinéa de l’article 278 septies, le taux : « 7 % » est remplacé par le taux : « 12 % » ;
7° Au premier alinéa et à la seconde phrase du b du 1° du A de l’article 278-0 bis, le taux : « 5, 5 % » est remplacé par le taux : « 7 % ».
VII. – Le présent article entre en vigueur au 1er janvier 2013. Le Gouvernement remet au Parlement, annuellement, et au plus tard le 15 octobre, un rapport établissant l’évaluation du dispositif de TVA sociale et ses effets sur la compétitivité de l’économie française.
L'amendement n° 96, présenté par M. Dassault, est ainsi libellé :
Alinéa 27
Remplacer le taux :
par le taux :
Cet amendement n'est pas soutenu.
La parole est à M. Jean Arthuis, pour défendre l'amendement n° 144 rectifié bis.
J’ai exposé à plusieurs reprises notre philosophie et nos convictions en matière de compétitivité. Je n’ai jamais dit que celle-ci dépendait exclusivement des charges patronales pesant sur les salaires. Nous avons évidemment besoin d’innovation, d’investissement et de recherche, et il nous faut bien entendu soutenir les PME, mais il faut également prendre en compte le facteur travail.
Nous sommes au cœur d’un vrai débat sur notre stratégie fiscale. La référence à 1789 est naturellement fondamentale. Mais dites-moi, mes chers collègues, quel était le niveau des prélèvements sociaux en 1789 ?
À la Libération., il a été décidé que les salaires constitueraient l’assiette du financement de la sécurité sociale. Est-ce encore un principe de justice aujourd'hui, dans une économie mondialisée ? Le citoyen qui ne consomme que des produits venus de l’étranger ne participe pas au financement de sa protection sociale parce que le prix qu’il paie ne contribue en aucune façon à ce financement ; en revanche, ceux d’entre nous qui consomment des produits et services issus du travail français participent, à travers le prix qu’ils paient, au financement de leur protection sociale. Dites-moi où sont la justice et l’injustice !
Je vous en prie, sortons de nos schémas traditionnels ! C’est formidable de penser que les salaires doivent rester l’assiette des cotisations sociales, mais, comme l’a rappelé Philippe Marini, nous transférons chaque année des impôts d’État pour financer la sécurité sociale… Les salaires s’estompent, en quelque sorte. Ce sont les représentant des syndicats qui gèrent les caisses, mais nombre d’entre eux représentent plutôt la sphère publique que la sphère privée concurrentielle ; permettez-moi de le souligner.
Je voudrais aussi combattre l’idée que les salaires pèsent peu dans la valeur ajoutée des entreprises. Comme je l’ai dit hier, le prix que paient les entreprises pour s’approprier des sous-ensembles et des ensembles qu’elles transforment ou manufacturent – je pense notamment aux prestations extérieures et aux fournitures – est largement déterminé par des salaires versés en amont. Le poids des salaires est donc considérable !
Au demeurant, si nous voulons avoir un impact décisif, il ne faut pas nous en tenir à une hausse de 1, 6 point de TVA, mais prévoir le basculement de 50 milliards d'euros. Si vous me le permettez, monsieur le président, je voudrais me livrer à une petite démonstration.
Avec le basculement de 50 milliards d'euros que je propose, un produit actuellement vendu à 100 euros hors taxes pourrait être mis sur le marché à 95 euros hors taxes. Si l’on applique une TVA de 19, 6 % à un prix de 100 euros, le consommateur paie 119, 60 euros ; si l’on applique une TVA de 25 % à un prix de 95 euros, le consommateur paie 118, 75 euros, c'est-à-dire moins que 119, 60 euros.
J’affirme qu’une hausse de la TVA associée à un allégement des cotisations sociales dans une proportion significative n’entraînerait pas d’augmentation des produits issus du travail français. Il n’y aurait donc aucune injustice !
Il est vrai que les produits importés seraient mis sur le marché à un prix plus élevé mais, dans la mesure où ceux qui importent sont aussi ceux qui réalisent les marges les plus considérables, ils ne répercuteraient pas l’intégralité de la hausse de TVA, de sorte que l’inflation serait inférieure à cette hausse. En revanche, notre gain de compétitivité à l’export serait total puisque nous exportons hors TVA.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je vous conseille de garder la CSG pour financer la prise en charge de la dépendance lorsque vous serez en mesure de nous présenter un projet crédible !
J’ajoute que, si nous allégions les cotisations sociales, nous les allégerions pour tous les employeurs, y compris les employeurs publics. Les salaires des trois fonctions publiques représentent à peu près 250 milliards d'euros chaque année ; l’allègement des cotisations sociales se traduirait donc par un allègement significatif des charges que supportent les collectivités territoriales, les hôpitaux, les établissements sanitaires et l’État employeur.
Je vous invite donc, mes chers collègues, à vous associer à l’amendement que je présente au nom du groupe de l’Union centriste et républicaine. §
La position de la commission des finances est très simple : dans la mesure où elle s’est prononcée en faveur de la suppression de la TVA sociale, elle ne peut qu’être défavorable à cet amendement qui vise à instaurer une TVA sociale encore plus forte.
Je voudrais apporter un élément complémentaire. Certes, on peut supposer que l’impact sur l’emploi d’une TVA sociale renforcée serait bien plus puissant que celui qu’on attendait de la « petite » TVA sociale qu’avait instaurée le précédent gouvernement : selon la commission des finances, 150 000 à 160 000 emplois pourraient être créés. En revanche – il me semble important d’apporter cette précision –, l’impact sur l’inflation serait très significatif.
Certains ont soutenu que l’on ne pouvait pas dire qu’une augmentation de la TVA entraînerait forcément de l’inflation. Toutefois, plusieurs économistes ont apporté des éléments précis qui infirment cette hypothèse. Je pense notamment à l’étude de la Bundesbank sur les effets de la hausse de trois points de la TVA en Allemagne en 2007, qui montre que la hausse de la TVA s’est répercutée presque intégralement sur les prix ; l’effet inflationniste a donc été manifeste. Cet exemple est d’autant plus parlant qu’il concerne un pays proche du nôtre. Par conséquent, on ne peut affirmer de manière péremptoire qu’une augmentation de la TVA en France n’aurait pas d’effet inflationniste. Pour ma part, je pense qu’il y en aurait un.
Je suis en désaccord avec le fond même de l’argumentation développée par Jean Arthuis. Une hausse de la TVA pourrait avoir certains effets redoutables : plus d’inflation, c’est aussi plus d’injustice. Pour cette raison également, il me paraît important de ne pas donner suite à la proposition de Jean Arthuis.
Je souhaiterais prolonger le débat avec Jean Arthuis. Nous sommes en désaccord sur les conséquences qu’aurait une augmentation de la TVA sur la formation des prix. Certains pensent que ceux-ci ne seraient pas modifiés et qu’aucune atteinte ne serait donc portée au pouvoir d'achat ; d’autres estiment au contraire que les prix seraient déformés et augmenteraient.
Je reprends à mon compte l’étude de la Bundesbank qu’a citée le rapporteur général. Selon cette étude, je le rappelle, l’augmentation de trois points de la TVA décidée par le gouvernement Schröder a entraîné une inflation de 2, 6 %. On peut contester la méthodologie de la Bundesbank mais pas le chiffre qu’elle a obtenu.
Les conclusions de la Bundesbank se comprennent d'ailleurs assez bien. Examinons les conséquences d’une hausse de la TVA sur les produits importés et les produits fabriqués en France. Les produits importés voient nécessairement leurs prix augmenter, puisque la TVA sociale constitue une forme de dévaluation compétitive ; c’est d'ailleurs tout l’intérêt de cette mesure, et il est donc difficilement compréhensible que ses partisans le nient. Sachant que les produits importés représentent un tiers des biens consommés dans notre pays, comment peut-on imaginer qu’une augmentation incontestable de leurs prix n’ait pas d’incidence sur l’inflation, au moins dans ce secteur ?
Venons-en aux biens produits en France. J’ai du mal à comprendre le raisonnement qui a été tenu. Il s'agit bien, via l’augmentation de la TVA, de reporter sur le consommateur un financement actuellement dévolu aux entreprises. Par conséquent, de deux choses l’une : soit les entreprises augmenteront leurs prix à due concurrence de l’augmentation de la TVA, et c’est le consommateur qui, de fait, contribuera davantage au financement de la protection sociale ; soit les entreprises ne répercuteront pas intégralement l’augmentation de la TVA sur leurs prix, et alors elles contribueront presque pour la même part au financement de la protection sociale.
Dans le premier cas, on portera atteinte au pouvoir d’achat ; dans le second, les entreprises paieront à la place des consommateurs et l’effet ne sera donc pas aussi puissant que l’espèrent les partisans de la TVA sociale. Il me semble qu’on ne peut pas échapper à cette alternative.
J’ajoute que si, comme le pensent les promoteurs de la TVA sociale, ce sont les consommateurs qui paient, le seul moyen de ne pas porter atteinte au pouvoir d'achat serait d’augmenter les salaires à due concurrence. Mais si on procède à une telle augmentation, l’effet compétitivité disparaît pour les entreprises de notre pays… Je maintiens donc ce que j’ai dit lors de ma première intervention : la disposition que vous proposez, monsieur Arthuis, pourrait être intéressante à condition d’être complétée par une mesure indispensable à son efficacité : le gel des salaires. Or je constate que vous ne le proposez pas. Ne serait-ce qu’à cause de cette incohérence le Gouvernement est défavorable à votre amendement. §
Monsieur Arthuis, je vous ai écouté avec beaucoup d’attention. Vous nous avez dit que nous n’étions plus en 1789. Je vous l’accorde ! Nous l’avions compris depuis quelque temps…
Mais, lorsque vous faites référence au Conseil national de la résistance, je trouve que vous ne manquez pas d’audace ! En effet, le CNR a été à l’origine de la création de la sécurité sociale, de la retraite et de la solidarité dans ce pays. Or il me semble – arrêtez-moi si je me trompe – que vous avez soutenu un gouvernement qui a institutionnalisé le déremboursement des médicaments et limité l’égal accès de tous les Français aux soins en permettant des dépassements d’honoraires exorbitants qui conduisent à une véritable médecine à deux vitesses ! §
Alors je vous pose une question, monsieur Arthuis : maintenez-vous le reproche que vous semblez faire – mais peut-être ai-je mal compris – à ces gens trop modestes pour consommer de ne pas participer au financement de leur protection sociale ? C’est un gag !
Ces huit millions et demi de Français qui sont en dessous du seuil de pauvreté
Eh oui ! sur les travées du groupe CRC.
Or, lorsque vous augmentez la TVA, vous réduisez leur pouvoir d’achat. Il ne faut pas être naïf, et d’ailleurs vous ne l’êtes pas, monsieur Arthuis ! Vous savez bien que l’augmentation de la TVA sera automatiquement répercutée dans le prix de vente des produits alimentaires ou des produits de la vie courante.
Ceux qui ont moins de 800 euros par mois, une fois qu’ils ont payé le loyer et l’indispensable, quel est leur « reste à vivre » ? Le véritable problème qu’il faudra bien que nous abordions un jour est celui-là, monsieur Arthuis : le « reste à vivre » d’un certain nombre de nos concitoyens !
Aujourd’hui, notre pays connaît une crise morale et une crise sociale. Notre génération est en train de constater son échec dès lors qu’elle est convaincue que nos gosses vivront moins bien que nous. Et les enfants sont également persuadés qu’ils vivront moins bien que leurs parents. Mais vous voulez encore accentuer votre politique antisociale avec votre TVA antisociale !
Qu’offrez-vous à ces jeunes comme avenir ?
Mais alors, pourquoi supprimez-vous l’exonération des heures supplémentaires ?
M. Alain Néri. Monsieur Arthuis, vous ne pouvez pas accepter un tel avenir pour notre jeunesse et c’est pour cette raison que vous allez nous annoncer le retrait de votre amendement !
Rires sur les travées de l’UMP.
Enfin, monsieur Arthuis, je voudrais vous dire tout simplement que nous, nous leur offrons des emplois d’avenir. §
Nous allons redonner espoir à cette jeunesse et, du même coup, à leurs parents et à leurs grands-parents.
C’est comme cela que la France retrouvera confiance en l’avenir, grâce à la politique de François Hollande et du Gouvernement de Jean-Marc Ayrault. Oui, monsieur Arthuis, le changement, c’est maintenant ! §
M. Alain Gournac chante le début de « Petit papa Noël ».
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, moi, je me réjouis de ce débat sur la TVA sociale. Il est absolument indispensable compte tenu de la situation économique dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui.
Je regrette toutefois que, dans le projet de loi qui nous est présenté, il n’y ait absolument aucune mesure en faveur de la compétitivité de notre économie et de la création d’emplois.
J’espère que cela viendra vite car, tout le monde l’a dit, il est très urgent d’agir.
Pour ma part, au printemps dernier, j’ai voté la proposition qui nous était faite par le précédent gouvernement de créer cette TVA sociale. À l’époque, j’avais dit que, à mes yeux, c’était à la fois un peu trop tard et trop peu. Je me réjouis aujourd’hui que Jean Arthuis dépose un amendement qui va dans le sens d’une amplification de cette TVA sociale.
J’ai aussi noté certaines choses très intéressantes dans ce que M. le ministre nous a dit ; cela ne m’étonne guère de sa part
M. Henri de Raincourt s’exclame.
J’ai entendu que le coût du travail n’était pas le seul élément important au regard de la compétitivité et que beaucoup d’autres facteurs entraient en ligne de compte : l’investissement, l’innovation C’est indéniable. Il reste que le coût du travail ne peut pas être ignoré quand on parle de compétitivité. Or, aujourd’hui, ce coût est trop élevé en France, et nombreux sont ceux qui le reconnaissent.
Il faut donc chercher à abaisser le coût du travail dans notre pays, non pas pour le plaisir, mais en recherchant le progrès social, ce qui est notre objectif à tous. Selon moi, la baisse du coût du travail étant un facteur de création d’emplois, elle est aussi facteur de progrès social.
Par ailleurs, M. le ministre nous a expliqué que certains hommes très importants, M. Sarkozy et M. Baroin, avaient changé d’avis sur le sujet. Je me réjouis que des gens intelligents puissent, à un moment donné, changer d’avis.
Cela me rend un peu optimiste sur la question, car je sens que les choses évoluent. Depuis quelque temps, il n’y a pas que M. Arthuis et quelques autres pour défendre la TVA sociale. Cette idée fait de plus en plus d’adeptes. J’en suis heureux parce que la démonstration de M. le ministre ne m’a pas convaincu du tout !
Pour tirer les effets des économies réalisées avec la baisse des charges patronales, l’entreprise a le choix : elle peut augmenter les salaires ; elle peut aussi augmenter ses prix, comme elle peut très bien décider de ne pas les augmenter.
En tout cas, chaque entreprise a le choix, et je pense que l’ensemble des choix sera globalement bénéfique à l’économie française.
Cette intelligence, qui se manifeste tant à droite qu’à gauche, et aussi Gouvernement, me rend optimiste et je pense que le débat d’aujourd’hui sera utile pour faire évoluer les positions des uns et des autres.
Monsieur le ministre, dans votre conclusion, vous nous avez dit que vous trouviez cette proposition intéressante, à condition – je reprends vos propos – qu’elle soit assortie d’un gel des salaires et des pensions. Chiche ! Moi, je suis favorable à cette dernière proposition, à condition, bien sûr, que l’on prenne des mesures pour les plus bas salaires, les plus basses pensions, et que l’on y réfléchisse ensemble.
Compte tenu de l’état de notre économie et de notre situation budgétaire, ce serait même une très bonne piste de réflexion. Aussi, j’espère que vous l’étudierez dans les semaines qui viennent et qu’après avoir, j’imagine, pris un peu de vacances – pas trop longues ! – vous reviendrez soit avec d’autres propositions, soit en ayant évolué sur cette proposition de TVA sociale, qui est vraiment indispensable aujourd’hui.
Voilà pourquoi je voterai des deux mains l’amendement de Jean Arthuis. §
Il s’agit là d’une réforme qui ressortit à la catégorie des réformes structurelles lourdes, donc de celles que nous ne pourrons mettre en œuvre avec succès qu’en transcendant nos clivages partisans. Par conséquent, le débat est tout à fait fondamental et cette enceinte est un lieu privilégié pour échanger sur nos visions et tenter de nous convaincre mutuellement.
Madame Lienemann, la référence aux dividendes est intéressante, mais, il faut que vous en ayez conscience, les entreprises qui distribuent beaucoup de dividendes sont celles qui font des bénéfices hors du territoire national. Que cela vous amène à réfléchir sur la compétitivité du travail en France !
Cher collègue Néri, nous avons en commun l’ambition d’offrir à nos enfants des perspectives qui leur donnent espoir et confiance. Tous, nous sentons bien confusément que nous sommes dans une impasse. Nous n’avons pas vu venir la mondialisation, nous n’avons pas tiré les conséquences des défis que nous avons à relever du fait de celle-ci. Il était facile de se proclamer les défenseurs des consommateurs ; c’était formidable ! Mais un jour est venu où les défenseurs des consommateurs ont pris à la gorge ceux des producteurs qui produisent encore en France et qui créent des emplois. Voilà comment on a organisé assez méthodiquement les délocalisations d’activités et d’emplois.
Sommes-nous capables de reconnaître ces situations de fait et ces évolutions ? Qu’allez-vous dire aux salariés de chez Peugeot et aux sous-traitants qui, demain, vont perdre leur boulot ?
Nous avons à retrouver de la compétitivité et des assiettes pour le financement de notre protection sociale. Nous avons en commun cette ambition, cher collègue. Ne polémiquons donc pas et efforçons-nous plutôt de sortir la France de la crise !
Monsieur le ministre, j’aime bien vous écouter car, chaque fois, je vois la lumière !
Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.
Certes, je souscris à votre observation selon laquelle les importations seront proposées aux consommateurs à un prix plus élevé du fait de la hausse de TVA. Mais je ne comprends pas bien votre raisonnement lorsque, s’agissant de la production nationale, vous nous dites que les prix ne vont pas baisser. S’ils ne baissaient pas, cela n’aurait aucun intérêt !
J’ai à l’esprit ce que nous rappelait notre collègue Reichardt tout à l’heure : en 1995, sans allégement des cotisations sociales, avec une hausse de TVA de deux points qui était consacrée à la réduction du déficit public, il n’y a pratiquement pas eu de hausse des prix, et cela grâce à la concurrence. J’affirme que, en ce qui nous concerne, la concurrence sera toujours là et que, dans ces conditions, il n’y aura pas de hausse des prix.
La pire des injustices est, en effet, le chômage et la difficulté que rencontrent les jeunes pour entrer dans le monde du travail.
Enfin, monsieur le ministre, pour ce qui est du blocage des salaires, du fait de votre action et de votre politique, il va devenir une réalité ! Dites-moi donc comment vous allez établir votre budget pour 2013 sans un sévère blocage des rémunérations dans les fonctions publiques ?
Finalement, puisque vous êtes en charge d’une politique qui va conduire au blocage des salaires, n’hésitez pas à mettre en œuvre une TVA sociale ! §
J’avais interrompu tout à l’heure mon raisonnement et réservé des arguments conjoncturels pour répondre à M. Arthuis.
On peut discuter à l’infini du caractère inflationniste ou non d’une hausse de la TVA. En réalité, personne ne connaît l’ampleur de l’augmentation des prix résultant d’une élévation du taux de la TVA. Tout dépend, encore une fois, de la conjoncture dans laquelle on se trouve.
Personnellement, je n’ai rien à ajouter à l’argumentation développée par M. Jérôme Cahuzac ; je la trouve tout à fait juste et cohérente.
Je veux simplement vous dire, monsieur Arthuis, que je ne crois pas qu’une hausse de cinq points de TVA puisse ne produire aucune augmentation des prix. Cela ne s’est vu absolument nulle part et cela risque d’ailleurs de se voir encore moins compte tenu de la situation actuelle des entreprises, laquelle est différente de celle de 1995.
En effet, aujourd’hui, le taux de marge des entreprises est historiquement bas. Je ne crois pas du tout qu’elles répercuteraient intégralement la diminution des cotisations patronales dans les prix hors taxes. Elles seront tentées d’utiliser une diminution de leurs charges, et c’est bien normal, pour obtenir un effet bénéfique sur leurs marges, donc sur leurs investissements.
Les choses sont donc extrêmement compliquées. Mais je ne crois absolument pas, je vous le répète, à une répercussion intégrale dans les prix hors taxes, surtout à ce niveau : cinq points de TVA, c’est absolument énorme ! Mais là n’est peut-être pas le plus important.
J’en viens au plus important, et cela m’amène à répondre à l’argument que j’ai entendu tout à l’heure, à savoir que la TVA était absolument indolore.
Pardonnez-moi, chers collègues, mais, quand vous avez voté le collectif Fillon II, vous avez diminué de 12, 3 milliards d’euros les charges patronales et augmenté le rendement de la TVA de 10, 6 milliards d’euros. Ces 10, 6 milliards d’euros sont inscrits dans les comptes en année pleine pour 2013 ; ils ont été affectés à la CNAF.
Quand on augmente la TVA de 1, 6 point ou de 5 points, il y a bien un agent économique qui paie l’augmentation !
Ne confondons pas, d’un côté, la perte éventuelle de pouvoir d’achat des ménages qui résulterait du caractère plus ou moins inflationniste de la conjugaison de la hausse de la TVA et de la répercussion de la diminution des charges avec, de l’autre côté, le produit que vous prélevez sur les consommateurs, c’est-à-dire sur les ménages, en compensation de la diminution des cotisations sociales patronales.
Monsieur Arthuis, les 10, 6 milliards seront pompés dans les poches des consommateurs, c’est-à-dire des ménages. Vous n’y pouvez rien, c’est comme cela ! Et cela, c’était avec une augmentation de 1, 6 point. Alors imaginez ce qu’il en sera avec une augmentation de 5 points ! Je n’ai pas fait le calcul, mais cela représente de 30 à 35 milliards de transferts de charges des entreprises vers les ménages.
Nous pouvons toujours en discuter, monsieur Arthuis. Mais tenez compte de la conjoncture dans laquelle se trouve notre pays !
M. Jean Arthuis s’exclame.
Un point de hausse de la TVA, c’est 0, 9 point de croissance en moins, et la baisse correspondante des cotisations patronales, c’est seulement 0, 4 % de croissance en plus. Ce n’est pas moi qui le dis ; ce sont les propos de Nicolas Sarkozy, en 2004, quand il était ministre des finances. Faites donc le calcul : avec 0, 9 % en moins d’un côté et 0, 4 % en plus de l’autre, le bilan d’un point de hausse de la TVA, c’est 0, 5 % de croissance en moins !
En combinant hausse de la TVA et baisse des cotisations, nous serions certains de provoquer un ralentissement de la croissance, qui serait même massif si l’augmentation était de cinq points.
Je reprends donc l’argument que j’ai essayé de faire valoir hier. Alors que les prévisions de croissance, qui étaient de 0, 7 % voilà quelques mois, sont aujourd'hui ramenées à 0, 3 %, retenir votre proposition, monsieur Arthuis, serait le plus sûr moyen de faire entrer notre pays en récession. Vous comprendrez que, personnellement, je préfère l’éviter…
On peut évidemment débattre du financement de la protection sociale. Pour ma part, je n’ai pas de religion sur les mérites comparés de la TVA et de la CSG. Je note simplement ceci : la TVA est assise, pour faire simple, sur les salaires et les retraites, tandis que la CSG l’est sur les salaires, les retraites, mais aussi les revenus du capital et du patrimoine. Ce n’est pas anodin, monsieur Arthuis ! §
J’observe avec intérêt que la gauche a changé de position : elle a compris que le financement de la protection sociale ne pouvait plus reposer sur les seules cotisations salariales.
C’est ce qui ressort des différentes interventions que nous avons entendues.
À mon sens, la droite a commis trois erreurs sur le sujet.
Première erreur : elle n’a proposé cette réforme que trois mois avant les élections.
M. Jean-Pierre Caffet s’esclaffe.
Deuxième erreur : elle a annoncé que la réduction des cotisations concernerait seulement les cotisations patronales. Or on ne peut évidemment pas susciter l’adhésion à une telle politique sans chercher à y associer l’ensemble des acteurs concernés. L’allégement aurait donc dû porter sur les cotisations patronales et salariales.
Troisième erreur : le taux retenu était beaucoup trop faible. À cet égard, je rejoins M. Arthuis : une réforme comme celle-ci doit avoir un impact fort si l’on veut qu’elle porte réellement ses fruits.
Quant à la gauche, son erreur est de ne pas comprendre que l’enjeu de cette mesure est de faire participer à l’effort les produits importés. Vous voulez trouver des modes de financement autres que les cotisations sociales, mais vous n’allez pas faire contribuer les importations ! C’est une grave erreur, et vous serez contraints de la corriger tôt ou tard.
Dans l’immédiat, nous prenons acte de votre erreur. C’est pourquoi je soutiens à titre personnel l’amendement de M. Arthuis.
Je regrette une certaine incapacité à comprendre que l’amélioration de la compétitivité de notre pays et, in fine, la création d’emplois supposent un rééquilibrage des conditions dans lesquelles s’effectue la compétition internationale. §
Monsieur le président, je n’utiliserai que le temps de parole d’une explication de vote, même si, dans ce débat sur le financement de la protection sociale, en tant que présidente de la commission des affaires sociales, je pourrais m’exprimer en toute légitimité autant de temps que je le souhaite, à l’instar de mon collègue Philippe Marini.
Du reste, je crois que nous avons sans doute un peu anticipé sur le débat que nous aurons à l’automne prochain, lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances – et j’espère qu’il sera alors approfondi.
Depuis que nous avons commencé à examiner les amendements, c'est-à-dire depuis quatorze heures trente, nous avons entendu beaucoup d’arguments. Je note que les interventions venant de la droite s’apparentaient souvent à des leçons de bonne gestion des finances publiques.
On nous a ainsi parlé du « coût du travail », de la « compétitivité », du « gel des salaires », au nom de « l’emploi », notamment de « l’emploi des jeunes »…
Permettez-moi de vous faire un petit rappel, chers collègues de l’ex-majorité. Au cours des dix ans passés, le thème de la baisse du coût du travail n’a cessé d’être au cœur de vos propositions. À cet égard, je peux citer, entre autres, la loi du 21 août 2007, la fameuse loi TEPA. Et pendant qu’on baissait le coût du travail, les délocalisations ont continué, frappant des milliers de salariés de notre pays. Dans le même temps, la richesse produite en France augmentait : elle s’est accrue d’environ 700 milliards d’euros en dix ans. Ce n’est tout de même pas rien !
Mais, tandis que le coût du travail baissait et que la richesse produite augmentait, la pauvreté s’aggravait. On compte aujourd'hui, en France, 8 millions de pauvres, dont 2 millions d’enfants. Ce sont 2 millions d’enfants qui n’ont pas forcément un repas de qualité par jour, qui n’ont pas accès à de bonnes conditions d’apprentissage ou qui ne partent pas en vacances ! C’est le résultat de la politique que vous avez menée pendant ces dix dernières années !
Il ne faut pas exagérer ! Avant, ils partaient en vacances ? Avant, ils mangeaient mieux ?
Ce n’est pas moi qui annonce ces chiffres, mon cher collègue. C’est bien au cours de ces dix dernières années que le seuil de 2 millions d’enfants pauvres a été atteint dans notre pays !
De plus, 500 000 emplois ont été supprimés. Vous parlez de l’emploi des jeunes. Mais qu’avez-vous fait pour nos jeunes ? Voyez dans quelle « galère » ils sont aujourd'hui, qu’ils soient diplômés ou non, pour trouver un emploi stable !
Comment pouvez-vous évoquer la baisse du coût du travail quand on voit la précarité, le temps partiel subi par un grand nombre de femmes vivant seules avec leurs enfants et la pauvreté de ces familles monoparentales ? Voilà le résultat de la politique que vous avez menée pendant dix ans, que ce soit sous le mandat de Jacques Chirac ou sous celui Nicolas Sarkozy !
Il est donc temps, me semble-t-il, de prendre des mesures à rebours de ce qui a été fait au cours des dix dernières années ! Il faut abroger la réforme de la TVA avant même son entrée en vigueur, car ce sont nos concitoyennes et nos concitoyens les plus modestes qui seraient, une fois encore, les premiers à en subir les effets.
Par conséquent, je ne voterai évidemment pas l’amendement de M. Arthuis et je voterai l’article 1er de ce texte, afin d’empêcher la mise en œuvre de la réforme relative à la TVA.
J’espère que nous allons maintenant pouvoir avancer un peu dans nos travaux, car il nous reste encore beaucoup à faire pour remettre un peu de couleurs dans le financement de notre protection sociale. §
Je mets aux voix l'amendement n° 144 rectifié bis.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste, l'autre, du groupe de l'UCR.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, tout comme celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 120 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 1er.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
En application de la loi organique n° 2010-837 du 23 juillet 2010 et de la loi n° 2010-838 du 23 juillet 2010 relatives à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution, et conformément aux termes de l’article L. 621-2 du code monétaire et financier, la commission des finances lors de sa réunion du mercredi 25 juillet 2012 a émis un vote favorable ( 28 voix pour, 2 voix contre et 2 votes blancs) en faveur de la désignation de M. Gérard Rameix, aux fonctions de président de l’Autorité des marchés financiers.
Acte est donné de cette communication.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2012.
Dans la discussion des articles de la première partie, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, aux articles additionnels après l’article 1er.
L'amendement n° 4, présenté par Mmes Pasquet, Cohen et David, MM. Fischer, Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre premier de la première partie du livre premier du code général des impôts est complété par une section ainsi rédigée :
« Section XXIII
« Contribution exceptionnelle sur le chiffre d’affaires réalisé par les établissements de santé privés à but lucratif
« Art. 235 ter ZG. – I – Il est institué à la charge des établissements de santé privés à but lucratif, mentionnés à l’article L. 5123-1 du code de la santé publique, une contribution exceptionnelle sur le chiffre d’affaires qu’ils ont réalisé en 2011 et 2012.
« Cette contribution est due dès lors que le chiffre d’affaires atteint 500 000 euros et est égal à 2 % de l'impôt sur les sociétés dû, déterminé avant imputation des réductions et crédits d'impôt et des créances fiscales de toute nature.
« II. – La contribution est établie, contrôlée et recouvrée comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions.
« III. – Le bénéfice de cette contribution est affecté aux centres de santé présentant d’importantes difficultés financières, inscrits sur une liste nationale établie par les représentants des agences régionales de santé. »
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Avec cet amendement, nous souhaitons relancer le débat sur le financement des centres de santé, dont certains éprouvent d’importantes difficultés financières.
Disant cela, je pense en particulier aux centres de santé des Bouches-du-Rhône, gérés par le Grand Conseil de la Mutualité et qui font l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. Si celle-ci devait aboutir, les centres de santé de mon département, qui accueillent une population pour laquelle ces structures représentent le seul accès aux soins primaires, seront contraints de fermer. Au drame sanitaire évident s’ajouterait un drame social, avec la suppression de plusieurs centaines d’emplois.
Mme la ministre des affaires sociales et de la santé est intervenue afin que soit organisée une table ronde entre les différents acteurs. Celle-ci n’a malheureusement pas pu déboucher sur des solutions concrètes et nous regrettons vivement que l’Agence régionale de santé, placée sous la tutelle de Mme la ministre, n’ait pas pu débloquer un fond financier d’urgence, alors même que, quelques semaines auparavant, elle a dégagé 40 millions d’euros d’aide exceptionnelle à destination d’une clinique commerciale.
Je connais l’attachement du Gouvernement aux structures qui participent au service public hospitalier et nous accueillons positivement les annonces faites en ce sens. Il ne faudrait pas oublier les centres de soins qui, sans être des structures hospitalières, participent de fait à la satisfaction des besoins en santé des populations, dont les plus fragiles d’un point de vue économique et social.
Avec cet amendement, nous proposons de faire contribuer financièrement les cliniques commerciales à la satisfaction de ces besoins particuliers via les centres de santé.
Selon une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, publiée le 13 mars 2012, « le chiffre d’affaires des cliniques privées a augmenté de 3, 5 % ».
Cette situation économique plutôt satisfaisante pourrait par ailleurs profiter d’une nouvelle amélioration du fait des mesures introduites par la loi HPST. Je pense précisément à la disposition qui autorise les cliniques à créer des centres de santé ou à réaliser des missions de service public supplémentaires : des mécanismes qui agissent comme de véritables aspirateurs à clientèle.
Or l’État et la sécurité sociale participent au financement de ces structures. Selon un rapport de l’inspection générale des affaires sociales de 2005, le privé lucratif, qui n’accueille qu’un tiers des malades, a reçu 42 % de l’argent distribué par l’État pour les investissements, en 2006.
Pour toutes ces raisons, il nous semble légitime que les cliniques commerciales, qui, nul ne l’ignore, pratiquent une politique tarifaire discriminatoire socialement, participent au financement de ces structures innovantes et socialement efficaces que sont les centres de santé. §
Les cliniques commerciales demeurent des acteurs incontournables de notre système de soins. Or la situation financière de beaucoup de ces cliniques semble aujourd’hui fragile.
Ainsi, selon la Fédération de l’hospitalisation privée, en 2010, près de 43 % d’entre elles étaient en déficit et 75 % se trouvaient en dessous du seuil de résultat net minimum de 3 % préconisé par les experts financiers.
Dans ces conditions, même si l’amendement présente un intérêt certain en visant à préserver une forme d’équilibre financier pour un acteur incontournable du système de santé en France, la commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement, car, à notre niveau, les effets d’une telle contribution exceptionnelle sur la situation financière des cliniques commerciales sont difficilement mesurables.
Madame la sénatrice, je comprends parfaitement l’objet de votre amendement. Le Gouvernement est évidemment très préoccupé par la situation financière d’un certain nombre de centres de santé. Je m’engage à signaler le cas que vous venez d’évoquer à ma collègue Marisol Touraine : j’espère qu’elle pourra étudier avec vous les solutions envisageables dans ce cas précis.
Pour autant, le Gouvernement ne peut accueillir favorablement votre amendement. D’abord, comme vient de l’indiquer le rapporteur général, ces cliniques, que vous qualifiez de commerciales, mais qui sont habituellement dénommées « cliniques privées », sont dans une situation telle qu’une taxe supplémentaire ne serait pas anodine pour elles. Elles aussi ont besoin de sacrifier à un certain équilibre financier.
J’ajoute que, dans ce projet de loi de finances rectificative, les prélèvements obligatoires augmentent, ce que d’aucuns nous reprochent d’ailleurs avec vigueur, et il ne me paraît pas opportun d’en « rajouter », si vous me permettez cette expression.
Le Gouvernement assume le prélèvement supplémentaire de 7, 2 milliards d’euros proposé dans ce projet de loi de finances rectificative, mais il lui paraît difficile, à l’heure actuelle, d’opérer un prélèvement supérieur à celui-là.
Je donne donc un avis défavorable sur votre amendement, en espérant toutefois votre compréhension.
J’entends bien les arguments de la commission des finances et du Gouvernement.
Cela étant, je précise que, par exemple, le profit net du premier groupe français, Générale de santé, qui représente 50 % des établissements installés en France, est passé de 24 millions à 59, 4 millions d’euros, ce qui lui a permis de verser 420 millions d’euros à ses actionnaires en 2009. Le groupe Vedici a réalisé, pour sa part, 350 millions d’euros de chiffre d’affaires et le groupe Capio, quant à lui, 490 millions d’euros.
Donc, si certaines cliniques sont en difficulté, je pense que ce n’est pas le cas de la majorité d’entre elles.
En ce qui concerne les centres de santé mutualistes, nous avons déjà alerté Marisol Touraine sur leur situation et elle a permis que soit organisée une table ronde sous l’égide de l’Agence régionale de santé.
Cela étant, je maintiens mon amendement, car il est véritablement temps d’agir, et ce dans les plus brefs délais, dans l’intérêt des centres mutualistes, qui réclament depuis des années l’attribution de ce fonds d’urgence. Je comprends que le gouvernement actuel ne soit pas comptable de la politique du gouvernement précédent, mais les centres mutualistes seront en cessation de paiement dès la fin du mois prochain.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 3, présenté par Mmes Pasquet, Cohen et David, MM. Fischer, Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article 278-0 bis du code général des impôts est complété par un F ainsi rédigé :
« F. – Les opérations d’achat réalisés par les centres de santé mentionnés à l’article L. 1110-4 du code de la santé publique ainsi que par leurs organismes gestionnaires pour leur compte. »
II. – La perte de recettes pour l’État est compensée à due concurrence par l’augmentation de la taxe sur les transactions financières visée à l’article 235 ter ZD du code général des impôts.
La parole est à Mme Isabelle Pasquet.
Cet amendement s’inscrit dans la même logique que le précédent.
Les centres de santé sont des structures de soins atypiques dans un monde médical marqué tout à la fois par le paiement à l’acte et par la prédominance de l’exercice libéral en médecine ambulatoire. Ces deux caractéristiques ont conduit à ce que, pendant des années, les centres de santé soient victimes d’une forme d’ostracisme de la part tant des pouvoirs publics que des professionnels de santé eux-mêmes.
Depuis quelque temps, face aux défis que représentent la démographie médicale, la répartition des professionnels de santé sur l’ensemble du territoire national et l’attrait des jeunes médecins pour la médecine de premier recours, les centres de santé sont apparus comme des structures pertinentes, en même temps qu’elles sont évidemment très utiles.
Ces centres sont utiles parce qu’ils constituent une réponse efficace pour celles et ceux qui souhaitent bénéficier, à des tarifs conventionnés – ce qui est essentiel eu égard à leurs ressources –, de soins de qualité et d’une organisation médicale favorisant à la fois l’approche globale et la prévention. Pour les populations, l’intérêt est donc évident.
Il en va de même pour les professionnels, qui sont de plus en plus nombreux à plébisciter ce mode d’organisation. J’en veux pour preuve le rapport remis par Mme Acker en 2007, mais qui demeure d’actualité.
Dans ce rapport, il est rappelé, à juste titre, que les centres de santé répondent aux nouveaux enjeux que j’ai mentionnés et que ce qui constitue leur force, c’est leur différence avec les autres formes d’exercice regroupé. À titre d’exemple, les professionnels interrogés reconnaissent l’intérêt d’exercer en salarié, d’être déchargés de toute obligation administrative et d’avoir un mode de tarification leur permettant d’assurer une approche à la fois sanitaire et sociale, indispensable lorsqu’il s’agit d’accueillir des populations fragilisées socialement.
Malgré tous ces avantages, une question demeure, dont le rapport fait état : « Il apparaît ainsi que les centres de santé, du moins une grande partie d’entre eux, développent des pratiques et une philosophie de soins qui répondent particulièrement bien aux enjeux actuels de notre système, là où ils sont implantés. Dès lors se pose la question de savoir pourquoi ils sont en si grande difficulté, si peu connus et peu implantés. »
Cette interrogation est fondamentale et trouve malheureusement sa réponse dans l’application à ces centres de règles dérogatoires qui leur sont défavorables. Ces règles, comme le financement de certaines pratiques, par exemple le tiers payant, ou encore certains actes préventifs, mettent en péril l’équilibre financier des centres de santé.
Cet amendement ne résoudra certainement pas à lui seul toutes les difficultés. Mais en exonérant les centres de santé, ou leurs gestionnaires, de la TVA sur les achats qu’ils réalisent, il permet d’augmenter la capacité d’autofinancement de ces centres, ce qui contribuera à faciliter leur maintien et leur développement.
La commission des finances est défavorable à cet amendement pour une raison bien simple : il est contraire à la directive européenne relative à la TVA.
En effet, l’amendement tend à soumettre à un taux réduit les achats réalisés par une catégorie d’acteurs, en l’occurrence les centres de santé. Or la directive prévoit que l’application du taux réduit ne peut concerner que des catégories d’opérations, non des catégories d’acteurs.
Le Gouvernement ne peut que reprendre à son compte l’argumentation développée par le rapporteur général. Cet amendement, s’il était adopté, serait contraire à une directive.
Madame la sénatrice, je conçois que cet argument ne vous satisfasse pas ; néanmoins, il s’impose.
L’avis du Gouvernement est donc défavorable.
Après le mot : « habitation », la fin du dixième alinéa du III de l’article 13 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 est ainsi rédigée : « ou d’une décision favorable prise dans les conditions prévues aux articles R. 331-3 et R. 331-6 du même code avant cette même date. »
L'amendement n° 19 rectifié, présenté par Mme Lienemann et M. Dilain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - Le deuxième alinéa du 8° du III de l'article 13 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans ces cas, la livraison à soi-même au taux de 5, 5 % peut s’appliquer aux travaux facturés au taux de 7 % en application de l’article 279-0 bis du code général des impôts, sous réserve que ces travaux remplissent les conditions précitées. »
... - La perte de recettes résultant pour l’État du paragraphe précédent est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.
Cet amendement tend à maintenir une TVA à 5, 5 % pour les travaux de rénovation et d’acquisition-rénovation réalisés dans les organismes HLM. Cette mesure est transitoire puisque, vous le savez, ce régime a été prévu pour les opérations qui avaient été validées par l’État avant le 1er janvier 2012.
Il se trouve que, dans le texte de la loi, n’ont été pris en compte que très peu de travaux, comme ceux portant sur les ascenseurs et quelques éléments de rénovation, en omettant les opérations d’acquisition-rénovation. Je pense notamment aux travaux d’isolation thermique ou de changement d’huisserie qui visent à améliorer les qualités thermiques des bâtiments.
Je vous propose de modifier cette mesure qui, je le répète, n’est que transitoire. Cela pourrait avoir un impact important sur l’équilibre des organismes ayant engagé ou programmé des rénovations, qu’ils seraient, sinon, peut-être amenés à annuler.
Le sous-amendement n° 233, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 3 de l’amendement n° 19 rectifié
Remplacer les mots :
Dans ces cas
par les mots :
Dans ces deux derniers cas
La parole est à M. le ministre délégué.
Madame la sénatrice, le Gouvernement serait favorable à l’adoption de votre amendement dès lors qu’il serait modifié par le sous-amendement du Gouvernement. Celui-ci a pour objet non pas de vider de son sens votre amendement, mais d’en préciser la portée pour faciliter la compréhension du dispositif.
Accessoirement, cette précision ne serait pas inutile pour limiter le coût de la mesure, qui pourrait être de 10 à 15 millions d’euros.
Quel est l’avis de la commission sur l'amendement et sur le sous-amendement ?
Nous attendions que le Gouvernement nous apporte des indications sur l'amendement de Mme Lienemann. Le sous-amendement qui vient d’être présenté nous permet d’être certains que le périmètre sera bien défini.
Le ministre avait réservé son approbation à l'Assemblée nationale dans l’attente d’un chiffrage de la mesure. Puisque des précisions nous ont été apportées, nous pouvons être rassurés et décider en connaissance de cause.
La commission est donc favorable à l'amendement et au sous-amendement.
J’ignore si c’est conforme aux usages et j’espère ne choquer personne, mais je m’aperçois que j’ai omis de citer Daniel Goldberg : c’est lui qui, à l'Assemblée nationale, avait attiré l’attention du Gouvernement sur cet aspect particulier de la législation relative au logement. Je m’en voudrais de ne pas le mentionner au moment où la Haute Assemblée s’apprête précisément à voter la disposition qu’il défendait. J’espère, madame Lienemann, que vous ne m’en voudrez pas d’avoir ainsi rappelé le rôle qu’a joué M. Goldberg dans l’élaboration de cette proposition.
M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. M. le ministre a tout à fait raison de rendre hommage à M. Goldberg, mais je voudrais lui préciser que ce dernier a repris un amendement qui avait été déposé et défendu, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2012, par Mme Lienemann au Sénat
Rires et exclamations.
, lequel l’avait voté ! C’est bien notre assemblée qui est à l’origine de cette mesure.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste. – M. Jacques Gautier applaudit également.
Le sous-amendement est adopté.
Le Gouvernement lève le gage figurant dans l’amendement n° 19 rectifié.
L'amendement est adopté.
L'article 1 er bis est adopté.
L'amendement n° 62, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 16 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011 est abrogé.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
L’une des dispositions les plus discutables votées en 2011 a sans doute été la mesure visant à geler, à compter de l’imposition des revenus de 2011, le barème de l’impôt sur le revenu en conservant les valeurs figurant à l’article 197 du code général des impôts.
Cette opération présente plusieurs facettes.
Il s’agit d’abord d’une mesure permettant d’accroître le rendement de l’impôt sur le revenu sans avoir à faire varier les taux, l’assiette imposable progressant à raison de toute évolution positive du revenu des contribuables.
Avec cette mesure, un fonctionnaire victime du gel du point d’indice mais bénéficiant d’une promotion, ne serait-ce que d’un échelon dans son grade, devra contribuer plus fortement au budget de la nation.
De la même manière, un retraité dont la pension a été revalorisée à hauteur de l’indice des prix, comme c’est le cas depuis la réforme Balladur de 1993, verra le montant de son imposition évoluer à due proportion.
Le gel du barème de l’impôt sur le revenu est le plus sûr moyen qu’avait trouvé la majorité de l’époque, devenue opposition aujourd'hui, pour faire contribuer au redressement des comptes publics la plus grande partie des contribuables de notre pays, qui n’ont, généralement, que le produit de leur travail ou une retraite pour vivre.
Une telle mesure a évidemment des effets collatéraux puisque d’autres dispositions fiscales sont en partie liées à l’évolution du barème de l’impôt sur le revenu et que les droits connexes tenant à une non-imposition peuvent se trouver mis en cause. Je pense notamment à la taxe d’habitation et à l’allocation personnalisée au logement, mais cela concerne bien d’autres dispositifs puisque tous les tarifs sociaux appliqués par les collectivités locales à de nombreuses familles sont adossés au revenu imposable.
S’il convient d’agir sur l’assiette de l’impôt sur le revenu, qui est à la fois bien trop étroite et largement émoussée par de multiples dispositions dérogatoires, il importe toutefois de faire en sorte que les « victimes » du rééquilibrage fiscal ne soient pas toujours les mêmes.
En effet, le gel du barème frappe d’abord et avant tout ceux qui n’ont rien à cacher, dont les revenus sont connus et qui, le plus souvent, renvoient leur déclaration pré-imprimée sans y apporter de modifications substantielles. Il est évident que, en revanche, l’essentiel des revenus dissimulés à l’imposition, qui permettent d’« animer » l’activité des services luttant contre la fraude fiscale, provient des autres revenus catégoriels, de ceux qui échappent à la stricte application du barème de l’impôt.
Il faut éviter que notre système fiscal ne pénalise par trop l’effort, le travail et, par-dessus tout, la transparence ; nous devons donc promouvoir une fiscalité qui, dans un souci d’égalité et de justice, permette de lutter contre la fraude.
Notre collègue Marie-France Beaufils attire notre attention sur la question extrêmement importante des effets pervers du gel du barème de l’impôt sur le revenu, particulièrement dommageables pour un certain nombre de nos concitoyens, notamment ceux d’entre eux qui n’étaient pas imposables et qui le deviennent ou ceux qui passent dans une tranche supérieure.
Il serait heureux de corriger ces effets pervers. Le Gouvernement, qui est conscient de cette situation, a prévu, me semble-t-il, de modifier ce dispositif dans le projet de loi de finances pour 2013, dans le cadre plus global d’une réforme de l’ensemble des impositions sur le revenu.
Dès lors, c’est au moment de la discussion budgétaire de cet automne que ces différents sujets devraient être abordés. Cela vaut pour cet amendement et pour d’autres portant également sur l’impôt sur le revenu et qui seront présentés aujourd'hui ou demain.
Dans ces conditions, la commission des finances souhaite le retrait de cet amendement, même si elle reconnaît qu’il est intéressant tant dans sa formulation que dans sa philosophie, partagée par nombre d’entre nous.
Madame la sénatrice, vous avez évoqué, à juste titre, comme l’a souligné le rapporteur général, les « effets de bord » de cette réforme, qui sont incontestables. Pour autant, le Gouvernement ne peut que donner un avis défavorable sur votre amendement, et ce pour deux raisons.
Premièrement, les opérations de recouvrement des impôts sur le revenu intégrant ce gel du barème ont déjà été engagées. Vous imaginez la complexité administrative qui résulterait de l’annulation de cette disposition ! Je ne suis pas sûr que cela faciliterait la tâche d’une administration déjà beaucoup sollicitée en raison du contexte.
Deuxièmement, le rapporteur général vient d’y faire référence, le Gouvernement proposera au Parlement une réforme de l’impôt sur le revenu dans le cadre de la prochaine loi de finances initiale.
Des suggestions telles que la vôtre pourraient y avoir toute leur place.
Dans cette perspective, le Gouvernement sollicite le retrait de votre amendement. À défaut, son avis serait défavorable.
Monsieur le ministre, j’ai bien entendu que les travaux de recouvrement de l’impôt sur le revenu étaient déjà engagés. Je regrette donc que nous n’ayons pas agi plus tôt !
Encore une scorie que nous laisse la majorité sortante et qu’elle n’aura pas à assumer
Vives protestations sur les travées de l'UMP.
… puisque ce n’est pas elle qui aura à en subir le contrecoup !
J’espère que les élus locaux présents dans cet hémicycle s’en souviendront tout à l'heure, lorsque nous présenterons notre amendement relatif à la taxe d’habitation. Soyez sûrs que, si vous ne le votez pas, c’est vous, élus locaux, qui serez rendus responsables de l’augmentation de la taxe d’habitation qu’un certain nombre de personnes devront payer parce que vous aurez maintenu le gel de l’impôt sur le revenu. Mais, chers collègues de l’opposition, au moment de voter cette mesure, l’an dernier, vous n’avez pas voulu nous entendre lorsque nous en dénoncions les redoutables conséquences. Eh bien, aujourd'hui, on perçoit clairement ses effets pervers.
Les membres du groupe CRC acceptent de retirer cet amendement. §Nous avons entendu votre appel, mais j’espère que vous avez entendu aussi le mien.
Je m’apprête à présenter un autre amendement dont l’adoption aurait pu nous permettre de trouver un équilibre financier. Je rappelle en effet que, pour les contribuables, le coût du gel du barème s’élève à 1, 7 milliard d’euros, soit le montant exact de ce qu’a représenté l’abaissement de l’impôt de solidarité sur la fortune auquel vous avez procédé l’année dernière ! Souvenez-vous-en plutôt que de protester sur le coût des mesures contenues dans ce projet de loi de finances rectificative ! §
L'amendement n° 62 est retiré.
L'amendement n° 77, présenté par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Bocquet et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 1er bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au dernier alinéa du 1 du I de l'article 197, le taux : « 41 % » est remplacé par le taux : « 45 % » ;
2° Au premier alinéa du 1 du I de l'article 117 quater etau quatrième alinéa du 1 de l'article 187, le taux : « 21 % » est remplacé par le taux : « 28 % » ;
3° Au premier alinéa du 1°, au 1° bis, au premier alinéa du 6°, au 7°, aux premier et second alinéas du 8° et au premier alinéa du 9° du III bis de l'article 125 A, au premier alinéa du I de l'article 125 C, le taux : « 24 % » est remplacé par le taux : « 28 % » ;
4° Au 2 de l'article 200 A, le taux : « 19 % » est remplacé par le taux : « 28 % » ;
5° À la première phrase du premier alinéa du 6 de l'article 200 A du même code, le taux : « 41 % » est remplacé par le taux : « 45 % ».
6° À la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article 200 B, le taux : « 19 % » est remplacé par le taux : « 25 % ».
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Nous pensons que ce collectif budgétaire devrait permettre d’entrevoir, dès cet été, une partie des orientations que doit suivre la réforme fiscale de grande ampleur dont notre pays a besoin pour assurer sa place dans le concert des nations.
Nous l’avons parfaitement compris : par le biais de ce projet de loi de finances rectificative, le Gouvernement a le souci de trouver des moyens financiers nouveaux en esquissant les contours d’une nécessaire justice fiscale. Il disposera ainsi d’outils de réduction du déficit et, par là même, d’une meilleure capacité à répondre aux défis de moyen et de long terme.
Pour autant, nous pensons qu’il convient d’adresser un signe explicite à ceux qui ont choisi de voter pour le changement politique, c’est-à-dire la jeunesse, le monde du travail et celui de la création, qui attendent beaucoup de la nouvelle période qui s’ouvre. §Il convient de procéder dès maintenant à un profond rééquilibrage de notre fiscalité directe sur le revenu. Bien sûr, il est clair que tout le monde ici n’est pas de cet avis !
Au travers de l’amendement n° 62, nous avons défendu le dégel du barème de l’impôt car notre inquiétude première porte bien évidemment sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Annie David le disait tout à l'heure : en France, 8 millions d’hommes et de femmes sont aujourd'hui considérés comme pauvres.
Or, nous le savons tous, notre économie est largement tirée par la consommation des ménages. L’amélioration du pouvoir d’achat de ces femmes et de ces hommes, de ces familles qui, pour l’essentiel, ont des revenus inférieurs à 1 200 euros, toutes recettes confondues, est indispensable à la dynamique économique dont nous avons besoin. Pour tous ces foyers, cette amélioration passe nécessairement par une augmentation des salaires.
Pourtant, j’ai entendu parler tout à l'heure de gel des salaires : pour nous, cette mesure serait catastrophique, comme elle l’est pour la Grèce ou pour l’Espagne.
C’est la raison pour laquelle nous avons proposé de supprimer le gel de barème de l’impôt sur le revenu mais, comme je le disais tout à l'heure, il manquerait alors dans le budget 1, 7 milliard d’euros, qu’il serait évidemment nécessaire de retrouver, d’une manière ou d’une autre.
À ce sujet, je rappelle que le gel de barème touchait non seulement les salariés et les retraités, mais aussi les artisans et les commerçants. Contrairement à ce que l’on entend bien souvent, une mesure qui s’attaque au minimum imposable est très large !
Chers collègues de l’opposition sénatoriale, vous allez bien sûr nous dire que cette proposition fait appel à la contribution des plus aisés, à ceux dont le revenu est placé au-delà de la limite de la dernière tranche du barème de l’impôt. Mais, quand vous nous dites que nous visons encore les plus riches, nous ne pouvons oublier que la concentration du produit de l’impôt ne provient, au final, que de celle des revenus et, plus encore, dans le cas qui nous préoccupe, de celle des patrimoines ! Au final, l’essentiel des plus hauts revenus ne sont pas ceux de salariés.
La commission demande le retrait de cet amendement, pour les mêmes raisons qui l’avaient amenée à demander le retrait du précédent : nous souhaitons que cette réflexion puisse s’inscrire dans le grand chantier du prochain projet de loi de finances pour 2013.
L’impôt sur le revenu, les prélèvements forfaitaires sur les dividendes, les plus-values immobilières : il me semble que tous ces points seront examinés dans le cadre du travail global dont nous a parlé le ministre et sur lequel il s’est engagé.
Madame la sénatrice, je vous remercie de vos propos, qui me permettent de préciser ce qui a peut-être été mal interprété tout à l'heure.
C’est justement parce qu’il ne doit pas y avoir de gel des salaires, et encore moins des pensions, que je m’étais permis d’indiquer l’opposition franche et nette du Gouvernement à toute hausse de la TVA pour compenser une baisse de charges sociales. Par conséquent, nous nous rejoignons sur ce refus d’un gel des rémunérations et des pensions.
J’en viens à l’objet de votre amendement.
Le rapporteur général vient d’indiquer dans quel esprit nous réfléchissons actuellement pour proposer au Parlement une réforme globale de l’impôt sur le revenu, qui reviendra à fiscaliser de la même manière les revenus du travail et ceux du capital. Je vous donne donc rendez-vous pour l’examen de la loi de finances initiale.
Dans ces conditions, votre amendement est un peu prématuré, et le Gouvernement en sollicite le retrait. À défaut, il émettrait un avis défavorable.
Oui, monsieur le président.
En effet, cet amendement est plus qu’un symbole : c’est un signe. Comme je le disais tout à l'heure, les plus modestes vont être affectés par le gel du barème de l’impôt sur le revenu décidé par la majorité précédente.
Si nous avons entendu votre appel à une réflexion commune, monsieur le ministre, nous souhaitons manifester notre volonté d’améliorer la progressivité de l’impôt en maintenant notre amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
A. – L’article L. 241-17 est abrogé ;
B. – L’article L. 241-18 est ainsi modifié :
1° Le I est ainsi rédigé :
« I. – Dans les entreprises employant moins de vingt salariés, toute heure supplémentaire effectuée par les salariés mentionnés au II de l’article L. 241-13 ouvre droit à une déduction forfaitaire des cotisations patronales à hauteur d’un montant fixé par décret.
« La déduction s’applique :
« 1° Aux heures supplémentaires définies à l’article L. 3121-11 du code du travail ;
« 2° Pour les salariés relevant de conventions de forfait en heures sur l’année prévues à l’article L. 3121-42 du même code, aux heures effectuées au-delà de 1 607 heures ;
« 3° Aux heures effectuées en application du troisième alinéa de l’article L. 3123-7 du même code ;
« 4° Aux heures supplémentaires mentionnées à l’article L. 3122-4 du même code, à l’exception des heures effectuées entre 1 607 heures et la durée annuelle fixée par l’accord lorsqu’elle lui est inférieure. » ;
2° Au début du II, sont ajoutés les mots : « Dans les mêmes entreprises, » ;
3° Après le mot « salarié », la fin du même II est ainsi rédigée : « relevant d’une convention de forfait annuel en jours, au-delà du plafond de deux cent dix-huit jours mentionné à l’article L. 3121-44 du code du travail, dans les conditions prévues à l’article L. 3121-45 du même code. » ;
4° Le deuxième alinéa du IV est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les I et II sont applicables sous réserve du respect par l’employeur des dispositions légales et conventionnelles relatives à la durée du travail, et sous réserve que l’heure supplémentaire effectuée fasse l’objet d’une rémunération au moins égale à celle d’une heure non majorée.
« Ils ne sont pas applicables lorsque les salaires ou éléments de rémunération qui y sont mentionnés se substituent à d’autres éléments de rémunération au sens de l’article L. 242-1 du présent code, à moins qu’un délai de douze mois ne se soit écoulé entre le dernier versement de l’élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement des salaires ou éléments de rémunération précités. » ;
5° Au dernier alinéa du même IV, les mots : « de la majoration mentionnée au I » sont remplacés par les mots : « des déductions mentionnées aux I et II » ;
6° Le V est ainsi rédigé :
« V. – Le bénéfice des déductions mentionnées aux I et II est subordonné, pour l’employeur, à la mise à la disposition des agents chargés du contrôle mentionnés à l’article L. 243-7 du présent code et à l’article L. 724-7 du code rural et de la pêche maritime d’un document en vue du contrôle de l’application du présent article. » ;
7° Il est ajouté un VI ainsi rédigé :
« VI. – Un décret fixe les modalités d’application du présent article ainsi que les modalités selon lesquelles les heures supplémentaires effectuées par les salariés affiliés au régime général dont la durée du travail ne relève pas du titre II du livre Ier de la troisième partie du code du travail ou du chapitre III du titre Ier du livre VII du code rural et de la pêche maritime ouvrent droit aux déductions mentionnées au présent article. » ;
C. – L’article L. 711-13 est ainsi rédigé :
« Art. L. 711-13. – Un décret fixe les conditions d’application des articles L. 241-13 et L. 241-18 aux employeurs relevant des régimes spéciaux de sécurité sociale des marins, des mines et des clercs et employés de notaires. »
I bis (nouveau). – Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° L’article 81 quater est abrogé ;
2° Au troisième alinéa du 1 de l’article 170, la référence : « 81 quater, » est supprimée ;
3° Le septième alinéa du 3° du B du I de l’article 200 sexies est supprimé ;
4° Au c du 1° du IV de l’article 1417, la référence : « 81 quater, » est supprimée.
II. – À l’article L. 741-15 du code rural et de la pêche maritime, la référence : « L. 241-17, » est supprimée et, au I de l’article 53 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008, la référence : « aux articles L. 241-17 et » est remplacée par les mots : « à l’article ».
II bis (nouveau). – Après le mot : « du », la fin du 2° du II du même article 53 est ainsi rédigée : « code général des impôts ; ».
II ter (nouveau). – Au V de l’article 48 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, le mot : « majoration » est remplacé par le mot : « déduction ».
III. – A. – Au titre de l’année 2012, l’affectation prévue au 2° du II de l’article 53 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 précitée est limitée à une fraction égale à 42, 11 % du produit de la contribution.
B. – Le même article 53 est abrogé à compter du 1er janvier 2013.
C. – Le j du 7° de l’article L. 131-8 du code de la sécurité sociale est abrogé à compter du 1er janvier 2013.
IV. – Pour l’année 2012, une fraction égale à 340 988 999, 21 € du produit de la contribution mentionnée à l’article 235 ter ZC du code général des impôts est affectée, après déduction de la fraction mentionnée au A du III du présent article, au financement des sommes restant dues par l’État aux caisses et régimes de sécurité sociale retracées à l’état semestriel du 31 décembre 2011 au titre des mesures dont la compensation est prévue à l’article 53 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 précitée.
V. – A. – Les I, II et II ter s’appliquent aux rémunérations perçues à raison des heures supplémentaires et complémentaires effectuées à compter du 1er septembre 2012.
B. – Lorsque la période de décompte du temps de travail ne correspond pas au mois calendaire et est en cours au 1er septembre 2012, les articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale et L. 741-15 du code rural et de la pêche maritime dans leur rédaction en vigueur antérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi demeurent applicables à la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires de travail versée jusqu’à la fin de la période de décompte du temps de travail en cours, et au plus tard le 31 décembre 2012.
C
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous venons de passer une première promesse de campagne : la suppression du dispositif qui devait permettre de redonner de la compétitivité à la France. Nous en arrivons maintenant à une deuxième promesse de campagne : la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires.
Pendant toute la campagne, le président François Hollande n’a cessé de marteler que les efforts devraient être supportés par les plus privilégiés.
Je vais tenter de vous démontrer que la réalité est tout autre.
Dans cet article 2 du projet de loi de finances rectificative, vous nous proposez de refiscaliser les heures supplémentaires.
Mes chers collègues, avec la fin de l’exonération des cotisations sociales sur les « heures sup », il ne faut cesser de le répéter, ce sont 9 millions de Français qui verront leur pouvoir d’achat amputé, de 450 euros par an en moyenne.
Permettez-moi de rappeler que les cadres ne sont en général pas bénéficiaires de ce dispositif – ils relèvent d’un autre système, prévu dans les conventions collectives. Ce sont donc bien les salariés modestes qui en bénéficient.
Lors de la discussion générale, j’avais évoqué le cas de Catherine, aide-soignante dans une maison de retraite de Strasbourg, qui a touché 103 euros pour les deux gardes dominicales qu’elle a effectuées en ce mois de juin.
Je vous avais également parlé de Thierry
M. François Rebsamen s’esclaffe.
… ce paysagiste chef d’équipe – fonction qui appelle autonomie et compétence et dans laquelle on ne peut être facilement remplacé – qui, le même mois, a fait pour plus de 500 euros d’heures supplémentaires afin de parachever des plantations.
Le troisième cas que je souhaite mentionner concerne le secteur du transport routier. Les conducteurs accomplissent, en moyenne, pour 300 euros d’heures supplémentaires par mois, soit 3 600 euros par an.
En supprimant l’exonération des charges pesant sur les heures supplémentaires, vous enlèverez aux conducteurs, dont le salaire moyen est de l’ordre de 1 400 euros par mois, environ 20 % de ces 3 600 euros, soit 720 euros par an.
S’y ajoutera l’« effet boomerang » en termes d’impôt sur le revenu 2012, que nous voterons lors de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2013. Un conducteur taxé à 10 % perdra 300 euros ; pour un conducteur relevant d’un taux marginal de 30 % parce qu’il est, par exemple, célibataire, même avec un salaire modeste, ce sera 1 000 euros en moins ! Au total, mes chers collègues, vous retirerez à ce conducteur entre 1 000 et 1 700 euros, soit un mois de salaire.
Ces Français que je viens de décrire ne pensaient sans doute pas, en écoutant le président François Hollande, qu’ils appartenaient à la catégorie des plus privilégiés ! Ce sont pourtant bien eux qui verront le montant inscrit au bas de leur fiche de paie diminuer et leurs impôts augmenter. Ce sont bien les plus modestes qui sont touchés.
Par ailleurs, cette mesure nous est présentée par le Gouvernement comme visant à soutenir l’emploi. Mes chers collègues, ce débat nous ramène trente ans en arrière ! §
En 1981, j’étais encore sur les bancs de l’école, et le gouvernement d’alors tenait déjà ce raisonnement sur le partage du temps de travail ! Cette idée fut, d'ailleurs, reprise une quinzaine d’années plus tard.
Comme ses prédécesseurs de gauche, le gouvernement actuel, monsieur le ministre, souscrit à l’idée simple selon laquelle il serait possible de réduire le chômage des uns en réduisant le temps de travail des autres.
Mais affirmer que l’exonération fiscale et sociale des heures supplémentaires est un frein à l’embauche, c’est méconnaître la réalité des entreprises.
En effet, ces dernières ne disposent pas de personnel suffisamment formé et qualifié pour être directement opérationnel et capable de répondre à un surcroît de travail ou à une absence momentanée de l’un des employés. Or de tels ajustements sont indispensables dans la restauration, les soins, le transport, secteurs principalement concernés par les heures supplémentaires.
Dans notre économie, la main-d’œuvre n’est pas parfaitement interchangeable.
Alors que l’avenir est incertain pour nos entreprises, les charges qui pèsent sur le coût du travail ne leur permettent pas d’embaucher chaque fois qu’elles ont à faire face à des commandes ponctuelles. Nos entreprises ont besoin de la flexibilité du temps de travail…
… pour s’adapter rapidement aux fluctuations de l’activité. Nous le savons bien, en tant qu’élus locaux : quand une entreprise décroche un appel d’offres, il faut qu’elle exécute rapidement le marché. Les entreprises donneuses d’ordre ont les mêmes exigences ; cela s’appelle la gestion « juste à temps ».
Le dispositif des heures supplémentaires défiscalisées facilitait cette réactivité. Quand les entreprises peuvent réagir rapidement, elles développent leur activité ; une fois celle-ci consolidée, elles peuvent former et embaucher un salarié à long terme.
Le dispositif des heures supplémentaires défiscalisées permettait donc d’entrer dans ce cercle vertueux…
… et vous le remettez en cause, alors que cette flexibilité est encore plus vitale en période de crise.
La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires aboutit donc, mes chers collègues, à un système « perdant-perdant » : perdant pour le pouvoir d’achat des salariés, perdant pour le pouvoir d’embauche des entreprises !
Applaudissements sur les travées de l’UMP. – M. Hervé Marseille applaudit également.
Monsieur le président, bien que je tienne à respecter mon temps de parole de cinq minutes, je suis très tentée de répondre à Mme Fabienne Keller, étant en désaccord total avec les propos qu’elle vient de tenir. Je vais donc m’efforcer de condenser mon propos.
Avec cet article 2, nous entamons un débat sur le sens même du travail et son lien avec notre système de protection sociale, fondé sur la solidarité et assis sur les revenus du travail, au travers des cotisations sociales. Hier, dans son intervention, M. Arthuis le rappelait – pour le contester, il est vrai ! –, notre système de protection sociale repose bien sur un financement solidaire assuré par ceux qui peuvent le plus contribuer.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je souhaite revenir sur les débats animés auxquels cet article a donné lieu à l’Assemblée nationale. À entendre nos collègues députés de l’UMP, je me suis rappelé une expression qu’aimait utiliser M. Xavier Bertrand, lorsqu’il était ministre : « Ce n’est pas parce qu’un mensonge est répété cent fois qu’il devient une vérité ».
Exclamations sur les travées de l’UMP.
Je trouve regrettable que, pour le coup, il ait oublié cette vérité ! En effet, lui-même et d’autres voudraient nous faire croire qu’ils seraient devenus les ardents défenseurs des salariés !
Dommage, alors, mes chers collègues, qu’en 2005 vous ayez soutenu et fait adopter la participation forfaitaire de 1 euro à chaque acte et consultation médicale ! Dommage qu’en 2008 vous ayez créé les franchises médicales ou qu’en 2009 vous ayez osé fiscaliser les indemnités perçues en cas d’accident du travail et de maladie professionnelle ! Dommage aussi qu’en 2011 vous ayez augmenté de 32 % le forfait hospitalier, doublé la taxe sur le chiffre d’affaires des mutuelles, contraignant ces dernières à augmenter leurs tarifs, ou encore instauré ou ajouté un jour de carence, tant dans le secteur privé que dans le secteur public. Autant de mesures qui ont évidemment une incidence directe sur le pouvoir d’achat des salariés. Mais là, bizarrement, vous n’étiez pas leurs preux défenseurs !
Et que dire de la hausse de la TVA que vous avez soutenue et adoptée sans vous soucier alors de ses effets sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens ? Heureusement nous venons de supprimer cette disposition ! Car vous aviez, vous, prévu de prendre 11 milliards d’euros en prélevant dans les poches de chacun, avec des conséquences dramatiques pour les plus modestes, et sans que cela vous dérange le moins du monde, tandis qu’il est maintenant proposé de récupérer 2 milliards d’euros sur les revenus de celles et ceux qui ont accès aux heures supplémentaires.
En réalité, en dix ans, le pouvoir d’achat du plus grand nombre n’a cessé de baisser et le nombre de personnes pauvres, lui, n’a pas diminué. Je vous le disais tout à l’heure : 8, 1 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, dont 2 millions d’enfants.
Selon un article de L’Expansion du 27 juin 2012, rien qu’entre 2011 et 2012, la progression des prélèvements obligatoires assumés par les ménages s’élève à 6, 7 %. Et l’article de préciser : « Sans ces hausses d’impôts, le pouvoir d’achat aurait globalement augmenté de 0, 4 %, calcule l’INSEE. » Dans le même temps, la richesse produite n’a pas cessé de progresser, toujours au profit des mêmes ; en tout cas, pas au profit des enfants pauvres !
Cet article 2, chère collègue Fabienne Keller, ne fait qu’opérer, finalement, un retour à la normale, c’est-à-dire à la situation d’avant 2007 : il n’interdit en rien les heures supplémentaires, mais il réintroduit leur soumission à cotisations sociales, en adéquation avec notre pacte social, tout simplement ! Il n’empêchera pas les entreprises d’être réactives, pas plus qu’il ne s’opposera à la flexibilité : celle-ci existait avant l’instauration de la mesure et elle continuera d’exister après sa suppression.
Présentée comme devant favoriser la compétitivité des entreprises, cette exonération de cotisations sociales a, de toute évidence, été inefficace au regard du nombre d’entreprises qui, depuis, ont été délocalisées ou ont purement et simplement fermé.
Et cette politique inefficace pour éviter les délocalisations et les fermetures de sites était également inefficace en termes d’emploi : selon un rapport parlementaire réalisé par votre collègue, le député Jean-Pierre Gorges, la mesure aurait détruit 100 000 emplois.
Ce chiffre figure dans le rapport d’un député membre de votre parti !
Et, cerise sur le gâteau, cette mesure aurait coûté chaque année plus de 3 milliards d’euros à notre système de protection sociale.
Au regard de ces contre-performances, il fallait supprimer cette disposition.
D’ailleurs, les salariés savent bien que la suppression de ces exonérations aura moins de conséquences que la proposition de loi Warsman, que vous avez soutenue et adoptée, et qui autorise les employeurs à moduler systématiquement la durée du temps de travail sans revaloriser les salaires. Autrement dit, plus besoin de payer les heures supplémentaires, on pourra moduler le temps de travail et les heures excédentaires seront payées comme des heures normales !
Ces salariés savent également, et nous le réaffirmons avec eux, que les cotisations sociales renforcent la part de salaire socialisé et différé qui sert à la création de crèches, de places en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, qui améliore notre système de soin, le fonctionnement de nos hôpitaux, ou encore permet la présence en nombre suffisant d’infirmiers, de juges, de policiers ou d’enseignants.
À l’inverse, le maintien des exonérations n’a aucune utilité sociale, fragilise notre système de protection sociale et augmente la part de richesses produites par les salariés, que s’approprie une minorité.
Notre collègue vient de citer Jean-Pierre Gorges, qui se trouve justement être un élu de mon département. Étrangement, il n’a pas, de son propre rapport, tout à fait la même lecture que Mme David. J’en discutais encore avec lui la semaine dernière et il a eu l’occasion de s’exprimer lors des débats à l’Assemblée nationale, se prononçant très clairement contre la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires.
Fabienne Keller l’a dit très justement, ce dispositif ne concerne pas les classes plus aisées, mais les classes modestes. Elle a cité les chiffres : les heures supplémentaires rapportent en moyenne 1 500 euros à chaque salarié et la suppression de la défiscalisation entraînera pour chacun une perte de 450 euros. Si l’on veut avoir une certitude sur ces chiffres, il suffit de se référer au rapport de la direction générale du Trésor, le rapport Guillaume, qui chiffre très précisément les gains par salarié.
La suppression de ce dispositif va donc réduire le pouvoir d’achat, faire baisser la consommation et toucher singulièrement certaines catégories modestes : les enseignants, les aides-soignants et tous les salariés qui ont de faibles revenus.
Cette mesure va également toucher les entreprises, notamment dans le secteur des travaux publics, du bâtiment, des transports, ainsi que dans un certain nombre d’activités saisonnières comme l’hôtellerie ou la restauration.
Enfin, deux problèmes n’ont pas été envisagés.
Le premier concerne les dates d’application. Initialement, si je ne m’abuse, le projet de loi de finances rectificative prévoyait une application de cette mesure au 1er septembre 2012. Je sais que les débats à l’Assemblée nationale ont été un peu confus, mais il semblerait que la date d’entrée en vigueur soit avancée au 1er août. Il faudra sans doute que le ministre nous explique quelle est la date réelle : il semblerait qu’elle diffère selon que l’on envisage la défiscalisation ou l’exonération sociale.
Le deuxième problème touche au champ d’application. Si je me réfère à la promesse n° 34 du candidat Hollande, l’exonération fiscale et sociale devait être maintenue pour les PME. Or le projet de loi de finances rectificative méconnaît cette promesse puisque l’exonération ne concerne plus que les charges sociales, les heures supplémentaires réalisées dans les PME et les TPE étant fiscalisées. C’est clairement une promesse de campagne qui n’est pas tenue !
Enfin, j’aimerais que M. le ministre nous éclaire sur les effets de seuil. En limitant à vingt salariés le niveau sous lequel les entreprises continueront à bénéficier des exonérations de charges sociales, on s’expose en effet au risque de créer un effet de seuil. Je connais des exemples très précis d’entreprises qui seront réticentes à réaliser des embauches qui leur feraient dépasser l’effectif de vingt personnes puisqu’elles perdront alors le bénéfice de cette exonération.
Toutes ces raisons conduiront le groupe UMP à voter contre cet article 2. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite compléter le propos de mes collègues par quelques remarques sur le schéma que nous propose le Gouvernement.
Si l’on analyse les présupposés qui l’inspirent, on aboutit à peu près au schéma suivant : on rend moins attractives les heures supplémentaires ; il s’ensuit des créations d’emplois.
C’est votre hypothèse !
Ainsi, les revenus qui étaient distribués au titre des heures supplémentaires le seraient dorénavant au titre d’heures de travail réalisées dans le cadre de nouveaux emplois. La mesure serait donc en quelque sorte neutre : moins d’heures supplémentaires, celles-ci étant de fait moins intéressantes, mais plus d’emplois ; moins de revenus distribués au titre des heures supplémentaires, mais plus de revenus distribués par ailleurs.
Ce type de raisonnement s’inspire des lois de la physique, mais nous parlons là d’économie ! En physique, les variables sont inertes ; en économie, les variables réfléchissent, elles réagissent, elles se dilatent ou se rétractent ; elles ne sont pas aussi faciles à manier qu’en physique.
En l’occurrence, comment peuvent réagir les intéressés, qu’il s’agisse des travailleurs ou des chefs d’entreprise ?
En ce qui concerne les travailleurs, si les heures supplémentaires sont moins rémunératrices – selon les évaluations, en moyenne, les salariés qui effectuaient des heures supplémentaires devraient perdre 400 euros –, elles susciteront moins d’appétence, elles seront moins demandées ou moins facilement acceptées.
En ce qui concerne les employeurs, le coût des heures supplémentaires étant accru, ils réduiront forcément leur offre. De plus, du fait des effets de seuil, la création d’emplois risque d’être moindre.
Avec le schéma que vous proposez, nous risquons donc de constater, à terme, une contraction des heures travaillées : le nombre d’heures supplémentaires baisserait, mais cette baisse ne serait pas compensée par le nombre d’heures réalisées dans le cadre d’emplois nouvellement créés. Dès lors, le système que vous prévoyez a un caractère récessif et risque de jouer négativement sur les facteurs de croissance : la croissance potentielle pourrait donc être affectée par cette mesure.
On peut aussi aborder le problème d’une autre manière : si l’on ne parvient pas à transformer en emplois les heures supplémentaires qui ne seront plus effectuées, le revenu distribué sera moindre et la consommation en sera affectée. Certains de nos collègues ont insisté sur le fait que la consommation comptait pour 60 % dans le niveau de croissance : si la consommation baisse, là encore, la croissance s’en trouvera altérée.
Faites attention ! Vous mettez le doigt dans un mécanisme qui peut provoquer un affaiblissement de la croissance potentielle.
Nous avons remarqué qu’il était beaucoup question de croissance depuis quelque temps et nous ne pouvons vous le reprocher. Mais alors, permettez-moi de vous dire que ce que vous proposez joue contre la croissance.
C’est la raison pour laquelle, avec le groupe UMP, je ne voterai pas le dispositif proposé à l’article 2.
À entendre certains, il risquerait fort de croire que nous débattons de la suppression des heures supplémentaires payées 25 % de plus, alors qu’il n’est question que de la suppression l’exonération fiscale de ces mêmes heures supplémentaires.
M. Richard Yung. Par ailleurs, et je sens que vous allez être d’accord avec moi, l’article 2 vient après l’article 1er.
Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.
Eh oui ! Contrairement à ce que vous prétendez, nous avons une stratégie budgétaire…
… et la ligne que nous suivons pour l’article 2 est cohérente avec l’article 1er ; j’y reviendrai dans quelques instants.
Maintenant, si vous le voulez bien, abandonnons un moment le dogme et l’idéologie…
J’ai dit « abandonnons l’idéologie » ! Je vous invite à une démarche conjointe ! Vous, vous ne faites jamais d’idéologie, madame Des Esgaulx ?
C’est formidable ! Vous êtes toujours vêtue de lin blanc et de probité candide, n’est-ce pas ?
Le débat de fond, nous l’avons déjà évoqué. Vous avez sincèrement pensé qu’en défiscalisant les heures supplémentaires, en les encourageant, vous alliez créer davantage de travail. Après tout, l’idée pouvait se défendre. La réalité – et c’est là que vous devez faire votre examen de conscience –, c’est que, cinq ans après, le nombre d’heures supplémentaires en France est resté parfaitement constant : 400 000 par an. C’est donc une politique qui n’a pas marché.
Sans elle, le nombre d’heures supplémentaires aurait peut-être diminué !
Nous pensons que, dans les circonstances que nous connaissons, il vaut mieux partager et faire en sorte que des emplois soient créés plutôt qu’encourager le recours aux heures supplémentaires. Cependant, je reconnais que l’on peut avoir un vrai débat sur ces questions.
Sur le pouvoir d’achat, j’en reviens à l’article 1er abrogeant la TVA sociale, qui représente une économie de 10 milliards d'euros pour les ménages, soit à peu près 400 euros par foyer. La fin de l’exonération des heures supplémentaires à l’article 2 représente, quant à elle, 5 milliards d'euros, soit à peu près 400 euros par personne concernée. Autrement dit, l’opération est parfaitement équilibrée du point de vue du pouvoir d’achat. Vous ne pouvez pas dire, monsieur Bourdin, que cette disposition entraîne une perte de pouvoir d’achat.
J’ajoute que le système est relativement injuste du point de vue social puisque chacun sait que ce sont ceux qui perçoivent les rémunérations les plus élevées qui bénéficient des heures supplémentaires les mieux payées.
Mais si, c’est la vérité ! On a cité, par exemple, ces enseignants qui doublaient leur salaire grâce aux heures supplémentaires.
Il dit parfaitement cela ! Votre collègue a peut-être changé d’avis, mais pas nous !
Enfin, vous avez voulu nous faire croire que la mesure était injuste puisque la part patronale continue à être exonérée pour les entreprises de moins de vingt salariés. Ce n’est pas le cas de la part salariale, et c’est un argument qui a été employé pour parler d’injustice sociale. Or, le fond de cette question, c’est qu’il n’est pas possible d’introduire des différences de rémunération entre les salariés. Ce ne serait pas conforme à nos principes constitutionnels. Nous sommes donc obligés d’agir ainsi.
Pour toutes ces raisons, notre groupe votera l’excellente disposition figurant à l’article 2. §
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, n’en déplaise à notre collègue Richard Yung, je dois vous dire que les salariés de ma circonscription, c'est-à-dire le beau département de la Gironde, et au-delà les plus de neuf millions et demi de Français concernés, vont constater, après le vote de cet article 2, une perte nette de pouvoir d’achat sur leur feuille de paye et sur leur avis d’impôt sur le revenu. Et cette part de pouvoir d’achat va manquer à la consommation.
Or, ne l’oublions pas, la croissance, pour ceux qui aiment bien faire un peu de macroéconomie, repose à 60 % sur la consommation et dépend donc du pouvoir d’achat.
La suppression visée à l’article 2 concerne quelque 700 millions d’heures supplémentaires, monsieur Yung, qui génèrent en moyenne 500 euros de pouvoir d’achat par an et par salarié percevant un revenu moyen de 1 500 euros par mois. Avec 1 500 euros, je ne crois pas que l’on soit classé dans la catégorie des riches !
Cela va toucher non seulement ces salariés, mais aussi les entreprises et leur compétitivité. C’est un véritable gâchis !
Le partage du travail que vous cherchez, au fond, à instaurer va aboutir à la sclérose de l’offre sur le marché du travail. C’est ce que la défiscalisation des heures supplémentaires visait justement à éviter.
Cette affaire aurait mérité que nous légiférions en prenant véritablement en compte la question des effectifs. Car qu’est-ce, en vérité, qu’une petite entreprise ? Ce n’est pas une entre prise de vingt salariés au plus ! Les chiffres sont très clairs : une petite entreprise, c’est une entreprise qui occupe moins de cinquante personnes ou bien qui réalise moins de 2 millions d'euros de chiffre d’affaires ou de total de bilan annuel. Ce sont les trois critères retenus dans le droit communautaire.
Franchement, le seuil de vingt salariés me paraît totalement insuffisant. L’effet de seuil qu’il faut en attendre sera très dangereux. Nous en entendons déjà parler dans nos circonscriptions.
Cette affaire aurait également mérité qu’on légifère en fonction des activités, parce que l’on ne peut pas les traiter toutes de la même manière. Je pense en particulier aux activités saisonnières comme le tourisme. J’habite sur le bassin d’Arcachon et j’affirme que seules les heures supplémentaires sont efficaces pour répondre à la demande dans ce type d’entreprise. Le caractère saisonnier doit vraiment être pris en compte.
Je pourrais également parler du secteur du bâtiment, avec les intempéries, ou les délais que nous fixons dans nos appels d’offres, mes chers collègues. À l’évidence, avec tout ce que vous nous préparez, le prix du logement pourrait bien augmenter ! Et le même raisonnement vaut pour le secteur des transports.
Pour conclure, je voudrais insister sur deux points.
Premièrement, les branches à hauts salaires n’ont pas recours aux heures supplémentaires. Contrairement à ce que vous prétendez, ce sont les branches à bas salaires qui y recourent massivement. Par moments, quand je vous écoute, je me demande dans quel monde vous vivez !
Rencontrez-vous des personnes ayant les mêmes problèmes que celles que je vois dans ma mairie, dans ma permanence ? J’ai l’impression que vous êtes totalement déconnectés et que vous ne savez pas ce que c’est que d’avoir des gens en face de vous qui veulent travailler un peu plus pour payer leur maison, pour terminer de payer les études de leurs enfants. Vraiment, nous ne vivons pas dans le même monde !
Deuxièmement, je veux évoquer un point qui me tient beaucoup à cœur. Parce que, même si je suis sénateur, je n’oublie pas que je suis d’abord un élu local.
Vous invoquez la destruction massive d’emplois induite par les heures supplémentaires. Cet argument ne tient pas ! S’il est un secteur dans lequel cet argument ne tient pas, c’est bien dans la fonction publique ! Comment pouvez-vous soutenir que, dans la fonction publique, les heures supplémentaires sont une mauvaise chose parce qu’elles provoqueraient une destruction massive des emplois ? Là, il y a un problème !
Avec les dispositions que vous vous apprêtez à voter, la perte de pouvoir d’achat pour les agents des collectivités territoriales sera sévère et s’ajoutera au gel du point de la fonction publique.
Vraiment, l’effort prétendument juste que vous voulez imposer est totalement injuste !
Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UCR.
Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs généraux, mes chers collègues, ce que notre ami le Huron de Voltaire a déjà certainement compris depuis la tribune, c’est que la majorité socialiste est en train, avec cet article, de porter un mauvais coup aux neuf millions de salariés qui bénéficient des heures supplémentaires.
Je ne sais si elle est ingénue ou candide, mais, plus de dix ans après l’instauration malthusienne des 35 heures, …
… la gauche continue de penser que le travail se partage et qu’un salarié qui effectue des heures supplémentaires prend la place d’un chômeur.
Au-delà de cette remarque d’ordre général, je voudrais, en tant que membre de la commission de la culture, souligner un point qui me paraît important, à savoir les conséquences de l’adoption de cet article sur les enseignants.
On a entendu beaucoup de choses sur le sujet, et la nouvelle majorité a jusqu’à présent tenté de faire croire que ce sont des contribuables appartenant à une classe plutôt aisée qui vont subir seuls la « rigueur », mot qu’il faut d’ailleurs éviter d’employer en ce moment.
Or on s’aperçoit que des heures supplémentaires sont régulièrement effectuées par des ouvriers et des fonctionnaires, au premier rang desquels les enseignants.
Sur l’année scolaire 2010-2011, dans l’enseignement public, plus d’un enseignant sur deux a fait des heures supplémentaires : 56 % des enseignants, pour être précis.
Ne pouvant écarter cette évidence objective, le Gouvernement tente d’opposer les enseignants les uns aux autres, en laissant entendre que seuls les plus favorisés d’entre eux ont eu jusqu’à présent accès aux heures supplémentaires. Ainsi, M. Vincent Peillon, auditionné par notre commission, a indiqué que « les professeurs des écoles en [avaient] très peu bénéficié et [que] dans le secondaire, elles [étaient] allées davantage aux professeurs des grands lycées de centre-ville qu’aux jeunes certifiés des collèges difficiles. »
Il me semble donc utile d’examiner un peu plus en détail la situation, et nous disposons pour cela d’un document récent : le rapport fait par Mmes Cartron, Férat et Gonthier-Maurin sur la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2012, dans lequel figure tout le cadre réglementaire des heures supplémentaires dans l’éducation nationale.
Qu’y constate-t-on ? Il existe tout d’abord des heures supplémentaires effectuées de manière permanente. À titre d’exemple, pour un certifié avec un service normal de dix-huit heures par semaine, deux heures supplémentaires représentent un supplément de rémunération d’environ 326 euros. Mais j’ai bien compris que vous vouliez revenir sur cette défiscalisation. Sur cette somme, il perdra donc l’équivalent de 20 % du montant représenté par les cotisations salariales, soit 60 euros, ce qui n’est pas négligeable.
De plus, à défaut d’enseignants volontaires, les chefs d’établissement peuvent désigner des personnels pour assurer le remplacement d’un enseignant absent pour une courte durée ; ces personnels devront ainsi faire des heures supplémentaires.
Il y a d’autres cas de ce type. N’oublions pas les dispositifs particuliers relatifs aux heures supplémentaires, qui permettent, notamment, de mieux rémunérer l’accompagnement éducatif après les cours. Ce dispositif existe depuis la rentrée 2007 dans les collèges, mais aussi, je le rappelle, dans les écoles qui relèvent de l’éducation prioritaire. J’ai également en tête les stages de remise à niveau, ainsi que les stages passerelles, organisés depuis 2010. Pour mémoire, les stages en anglais sont aussi assurés, depuis la rentrée 2008, par les enseignants du second degré, pour aider les collégiens et lycéens pendant les vacances.
On nous objecte le cas des professeurs des classes préparatoires, qui, eux, bénéficieraient de quatre heures supplémentaires pour ce que l’on appelle les heures d’interrogation, les fameuses « colles ».
Monsieur le ministre, ces enseignants sont-ils les privilégiés que l’on entend dénoncer ?
Il me semble qu’il serait préférable de réfléchir à un statut particulier pour ces enseignants plutôt que de supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires.
Je vous le dis, cette suppression se fera au détriment de tous, et notamment des enseignants, qui, vous le savez bien, ne sont pas les plus riches de nos concitoyens. §
Enfin, pour rester dans le domaine de l’éducation nationale, je voudrais comprendre en quoi l’imposition des heures supplémentaires permettra de créer des emplois, puisqu’il s’agit d’un des principaux arguments que vous mobilisez pour défendre cette mesure. Le renouvellement des départs à la retraite, que vous rétablissez à l’article 23 du présent texte, ne va en rien réduire le nombre d’heures supplémentaires. Vous allez simplement diminuer le revenu actuel des enseignants, à l’inverse de ce que vous promettiez lors de la campagne.
M. Jean-Pierre Leleux. Oui, mais en supprimant ces postes, nous avions commencé à revaloriser le métier des enseignants en augmentant leur revenu
Vives protestations sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
C’est l’ancienne majorité qui a augmenté la rémunération des enseignants en début de carrière et qui, dans le même esprit, a défiscalisé leurs heures supplémentaires.
Monsieur le président, monsieur le ministre, il a été tout à l'heure question de paraphraser Voltaire, mais je constate que nous nous paraphrasons beaucoup nous-mêmes ! En effet, les arguments que nous avançons – et mon cas ne dérogera pas à la règle – ont déjà été évoqués avec talent par le ministre et certains collègues, comme Jean-Pierre Caffet ou d’autres de mes amis.
Nous avons une excuse en ce que vous nous « accrochez » avec violence et tentez de mener une offensive sans concession pour défendre la hausse de la TVA et les exonérations de charges sociales et fiscales sur les heures supplémentaires. Pourtant c’est vous qui, dans le même temps, nous accusez de nous livrer à des règlements de compte idéologiques !
Mes chers collègues, je me souviens d’un moment où l’idéologie s’est effectivement exprimée en ces lieux. Lorsque Mme Lagarde, alors au banc du Gouvernement, a dit que la loi TEPA allait créer un « choc de confiance » et un « choc de croissance », son discours était bien, alors, empreint d’idéologie. Souvenez-vous, on essayait, par cette loi, de décliner le slogan « travailler plus pour gagner plus ». C’est justement cet entêtement idéologique qui, me semble-t-il, a empêché les auteurs de ces mesures de réaliser qu’elles allaient totalement à rebours de ce qu’il fallait faire en période de crise, et qui est à l’origine d’une part des difficultés que nous connaissons aujourd'hui.
Car enfin, quel est le bilan des heures supplémentaires non taxées ? Clairement, il n’est pas satisfaisant. Inefficace et contre-productive pour l’emploi, cette mesure a représenté, depuis 2007, je le rappelle, un coût de 5 milliards d’euros par an pour les finances publiques, soit 25 milliards d’euros en cinq ans, financés exclusivement par l’endettement.
En outre, la loi TEPA a créé des effets d’aubaine pour de nombreuses entreprises, qui ont préféré avoir recours aux heures supplémentaires plutôt que d’embaucher. Elle a été une mesure qui a freiné l’embauche en n’incitant pas à l’emploi de chômeurs ou de gens qualifiés qui attendaient que des postes se libèrent.
Selon des chiffres que vous ne pouvez pas discuter puisqu’ils sont avancés par le directeur adjoint du département Analyse et Prévision de l’OFCE, Éric Heyer, près de 40 000 emplois n’ont pas été créés à cause de cette défiscalisation.
La remise en cause de cette mesure permettra non seulement de relancer en partie l’emploi, mais également d’alimenter les finances publiques.
Vous mettez en avant la prétendue perte de pouvoir d’achat que sa remise en cause induirait pour « des millions de Français » – ces 9 millions que vous citez à l’envi –, alors que vos explications sur son impact pour l’emploi restent bien insuffisantes.
Tout à l'heure, vous avez mis en doute le rapport parlementaire du député Jean-Pierre Gorges. Je vous cite ce qu’il contient : « À moyen et à long terme, cette dépense peu efficace, financée par un surcroît de dette publique – dont les intérêts correspondant à la dépense annuelle atteignent environ 140 millions d’euros – ne manquera pas d’alourdir les prélèvements obligatoires futurs. »
Contrairement à ce vous affirmez aujourd’hui, la défiscalisation des heures supplémentaires n’a pas augmenté le pouvoir d’achat des Français. En effet, le pouvoir d’achat par unité de consommation n’a augmenté que de 0, 1 % par an en moyenne entre 2007 et 2010. Il a même reculé en 2011 et au premier trimestre 2012, selon Bercy.
Enfin, cette argumentation simpliste ne prend pas en compte le maintien des exonérations pour les TPE. Quand on sait que les entreprises de moins de vingt salariés constituent la plupart des entreprises implantées sur les territoires que nous représentons, ce maintien devrait avoir un effet bénéfique.
La fin des exonérations sociales sur les heures supplémentaires rapportera 980 millions d’euros cette année et 3 milliards d’euros en 2013. Quant à la refiscalisation, elle rapportera 600 millions d’euros dès 2013.
Sur la période 2011-2014, cette réforme permettra la création ou la sauvegarde de près de 18 000 emplois. Les créations d’emplois supplémentaires entraîneront un supplément de recettes fiscales et une économie de dépenses sociales représentant 1, 3 milliard d’euros. Au total, une fois le bouclage macroéconomique réalisé, cette réforme permettra de réduire le déficit des administrations publiques de 5, 2 milliards d’euros, soit 0, 26 point de PIB en 2013.
Mes chers collègues, il est temps de mettre en avant ces faits, afin de ne pas laisser s’exprimer la seule voix – parfois partielle et surtout partiale – de l’UMP, qui prétend que la suppression des exonérations entraînera une baisse du pouvoir d’achat, alors qu’elle était, rappelons-le, favorable à la TVA sociale, mesure dont l’instauration aurait touché, avant tout, les plus modestes.
La suppression des exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires est donc une mesure qui, contrairement à ce que vous avancez, est économiquement efficace et socialement juste. §
Chers collègues de la majorité, vous nous expliquez à longueur d’« éléments de langage » que votre rigueur serait beaucoup plus juste que celle pratiquée par les gouvernements précédents. Cela nous amène à nous interroger sur le sens que revêt désormais pour vous l’expression de « justice sociale ».
Est-il « juste » – il semble que ce soit votre mot fétiche – de supprimer le bénéfice d’une exonération fiscale, qui représente 500 euros pour les 9 millions de salariés gagnant en moyenne 1 500 euros par mois et améliore ainsi leur pouvoir d’achat ?
Exclamations sur les travées du groupe socialiste.
Nous vous le disons de manière très claire et très sereine, ce type de réflexion est une véritable insulte lancée à ces 9 millions de travailleurs
Protestations sur les mêmes travées.
Mes chers collègues, si vous avez un doute quant à la véritable orientation du présent projet de loi de finances rectificative, nous tenons à notre disposition un tableau émanant du Gouvernement, qui est parfaitement explicite sur ce point.
M. Francis Delattre brandit un document.
Penchons-nous, si vous le voulez bien, sur quelques lignes tirées de ce rapport. On y trouve tout d’abord la suppression de l’exonération des heures supplémentaires, qui touche essentiellement les salariés modestes. Cette mesure représente, sur deux ans, 3, 6 milliards d’euros. Il nous est en outre expliqué que le présent texte s’attaque aux riches et aux banques. Un coup d’œil sur le document nous apprend que la taxation accrue des stocks options ne rapportera que 0, 3 milliard d’euros. Les mesures concernant les salariés qui bénéficient de l’épargne salariale rapporteront, quant à elles, 2, 4 milliards d’euros. En revanche, la contribution du secteur bancaire ne s’élèvera qu’à 0, 6 milliard d’euros.
Notre collègue Jean Germain, maire de Tours, nous a demandé, hier, ce qu’il y avait de choquant dans ces mesures. C’était très astucieux de sa part ! Je vais lui répondre. Ce qu’il y a de choquant, c’est que le projet de loi de finances rectificative, contrairement à ce que vous prétendez, dégage des ressources fournies essentiellement par les salariés.
Vous pouvez l’orner de tous les qualificatifs qu’il vous plaira, mais c’est la vérité !
Vous dites également que la TVA sociale détruit des emplois et vous ne cessez d’invoquer un rapport parlementaire. Or la lecture de celui-ci ne permet pas de découvrir le moindre chiffre indiquant que ce dispositif a détruit des emplois, comme cela a été abondamment dit.
Quel était l’objectif de cette mesure ? Il était d’offrir un peu de flexibilité aux entreprises. En effet, ces dernières vivent essentiellement en fonction de leur carnet de commandes. C’est ce carnet qui les dirige. Or l’évolution des carnets de commandes est variable. Par conséquent, le fait de recourir ou non à des heures supplémentaires relève non pas du dogme, mais bien des possibilités de l’entreprise.
En réalité, jamais les entreprises n’ont créé d’emplois grâce au partage du travail. Vous évoquez souvent divers modèles européens. Or on ne trouve dans aucune statistique de ces pays – ils ne s’y sont d’ailleurs même pas essayés ! – l’illustration du fait qu’on pourrait créer des emplois par le partage de la pénurie.
Enfin, je voudrais dire un mot sur l’épargne salariale. Aux 9 millions de salariés que vous allez sanctionner en réduisant leur pouvoir d’achat, vous ajoutez les 10 millions de salariés qui bénéficient de cette épargne. C’est un non-sens économique, monsieur le ministre !
Tout le monde le sait, parmi les nombreux problèmes que connaît le fonctionnement de nos entreprises, notamment industrielles, figure celui du financement, en particulier des PME. Ce financement dépend trop des banques, nous le savons tous. Les entreprises n’ont pas assez de capitaux stables. Or l’épargne salariale était un moyen de leur en garantir. Elle est en expansion, et elle permettait d’associer naturellement – c’est une idée qui nous est chère – les directions des entreprises et leurs salariés. Elle mettait en avant la participation et le fameux dialogue social, auquel elle donnait un véritable contenu, et dont vous nous avez parlé tout à l’heure.
On se réfère régulièrement au modèle allemand. L’examen de la situation outre-Rhin permet de comprendre assez aisément les causes des difficultés que nous avons connues ces dernières années. Le chômage structurel est la conséquence implacable d’une trop grande pression fiscale et réglementaire, d’un marché du travail trop rigide, d’une politique budgétaire erratique, d’un euro trop fort et, enfin, d’une politique d’innovation et de recherche trop faible, et souvent trop étatisée.
Nous avons essayé de réformer cela, à travers un certain nombre de mesures. En détricoter l’essentiel sera néfaste à la compétitivité de nos entreprises et fera assurément croître le chômage. §
La motivation du Gouvernement sur ce sujet, on l’a souligné à plusieurs reprises, est uniquement idéologique, guidée par le besoin irrépressible de s’attaquer au bilan de Nicolas Sarkozy et de faire table rase de ce qui a été entrepris.
L’exonération des heures supplémentaires, mesure d’ordre purement économique, était au service des salariés et des entreprises de notre pays. Il est vrai que, pour vous, elle présentait l’inconvénient d’avoir été mise en place par le précédent gouvernement.
Monsieur le ministre, vous êtes en train de mettre à mal la compétitivité des entreprises en touchant au pouvoir d’achat des classes moyennes. Il ne pourra y avoir de redressement économique dans notre pays, encore moins de justice sociale, notion que vous ne cessez pourtant de brandir, depuis hier, comme l’étendard de votre politique gouvernementale. Vous la présentez même comme la clé de voûte de votre action au service des Français. Or, avec la suppression de cette exonération, vous foulez aux pieds la justice sociale !
Vous allez délibérément porter atteinte au pouvoir d’achat des ouvriers, des employés et des fonctionnaires. Dans mon département et dans ma ville, j’ai été interpellée par des transporteurs, des hôteliers, des cafetiers, des fonctionnaires municipaux, notamment de police, des ouvriers, des chefs d’entreprise ou des enseignants du second degré, qui effectuent régulièrement des heures supplémentaires et ne font pas partie, mes chers collègues, des plus privilégiés. Eux aussi sont inquiets pour l’avenir. Qu’allez-vous répondre à tous les Français qui perdront, en moyenne, près de 600 euros par an ? Ils seront, en effet, presque 9 millions à être victimes de votre conception de la « justice sociale ».
Je le redis, vous commettez une faute non seulement sociale, mais aussi économique. En effet, sous prétexte de faire des économies, vous mettez à mal le développement économique, l’emploi et le budget des foyers.
Et ce n’est certainement pas la hausse symbolique du SMIC qui compensera la perte de pouvoir d’achat que vous voulez instaurer.
Votre mesure constitue une double peine pour notre pays : elle frappe le moral des salariés et celui des entreprises.
Voilà quelques jours, M. Benoît Hamon a affirmé qu’on attendait du Gouvernent qu’il tienne « un langage de la preuve » pour que nos concitoyens puissent mettre « un peu de beurre dans les épinards ». Les Français vont devoir renoncer à ce « beurre », car il va fondre jusqu’à disparaître.
Je citerai également le cas des entreprises du secteur du BTP ou encore de l’hôtellerie-restauration. En fonction de l’horaire actuel dont ils relèvent, la remise en cause des exonérations sociales reviendrait à faire perdre à tous ces salariés entre 3 % et 7 % de leur pouvoir d’achat après impôt. Vous admettrez que ce n’est pas rien !
Monsieur le ministre, avec ce projet, vous tournez le dos à la France qui travaille §et vous commettez une double injustice, à la fois sociale et économique.
Comme Philippe Dallier, je citerai les paroles d’une chanson, qui fut extrêmement populaire dans les années quatre-vingt : « antisocial, tu perds ton sang-froid » !
Pour toutes ces raisons, je ne voterai évidemment pas cet article de suppression. §
Je reviendrai sur deux points déjà évoqués, qui me paraissent fondamentaux.
Tout d’abord, je souhaite rappeler que cette discussion intervient après le vote de l’article 1er, qui a rendu à l’ensemble des Français 10, 6 milliards d’euros de pouvoir d’achat
Protestations sur les travées de l'UMP.
L’effet de la mesure prévue à l’article 2 sera de l’ordre de 5 milliards d’euros, dont seulement 4 milliards d’euros concernent les ménages, ce qui signifie que le différentiel est bien de 6 milliards d’euros, lesquels, grâce aux articles 1er et 2 de ce texte, viendront majorer le pouvoir d’achat des Français en 2012.
Ensuite, l’enjeu de cet article n’est pas, bien évidemment, la suppression des heures supplémentaires. Nous le savons, celles-ci sont indispensables au fonctionnement des entreprises. Leur rémunération est d’ailleurs majorée de 25 % à 50 %, ce qui est juste pour les salariés et tout à fait équitable d’un point de vue économique. En effet, l’entreprise dépense moins en payant des heures supplémentaires qu’en embauchant un nouveau salarié. L’enjeu est donc de savoir s’il faut maintenir les avantages liés à ces heures supplémentaires, en matière de fiscalité et de contributions sociales.
Enfin, mes chers collègues, nous avons l’ambition de construire un nouveau système fiscal, qui s’appuiera sur le concept fondamental de justice.
Chacun doit contribuer à la solidarité nationale en fonction de ses revenus et quelle que soit leur nature, c’est du moins l’idéal vers lequel il faut tendre.
Un salarié dont la rémunération est de 1 500 euros contribue à la solidarité nationale via l’impôt sur le revenu et les contributions sociales sur la base de 1 500 euros. En revanche, le salarié dont le revenu de 1 500 euros est composé d’un salaire de 1 200 euros et du paiement d’heures supplémentaires à hauteur de 300 euros ne contribue à la solidarité nationale par l’impôt sur le revenu et des contributions sociales que sur la base de 1 200 euros. Est-ce juste ? (Comment peut-on justifier une telle différence de traitement sinon par la seule nécessité, à l’époque, de mettre en œuvre un slogan de campagne électorale ?
L’inspection des finances a noté de « zéro » à « trois » les dépenses fiscales et les niches sociales selon qu’elles ont ou non réalisé leurs objectifs, ou, au contraire, renforcé les inégalités, ainsi que par comparaisons internationales. Mesure phare du paquet fiscal de 2007, le dispositif relatif aux heures supplémentaires a reçu un score d’« un ». L’avantage fiscalo-social est nettement croissant avec le niveau de vie. La baisse du coût des heures supplémentaires « tend aussi à accroître les incitations à des pratiques d’optimisation fiscale associées à la déclaration d’heures supplémentaires fictives ».
Par ailleurs, le rapport de nos collègues Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot, que nous avons souvent cité, insiste sur la sous-déclaration des heures supplémentaires. Leur rapport est également accablant pour ce qui concerne les gains et avantages fiscaux. Le gain moyen est de 42 euros mensuels ; le gain médian n’atteint que 29 euros. L’explication d’une telle différence est particulièrement intéressante. Le dispositif ne prévoyant pas de plafonnement du gain fiscal, les auteurs du rapport notent qu’une telle situation a pu conduire à des avantages pouvant être jugés disproportionnés.
J’évoquerai, enfin, l’aspect économique, qui a été souvent abordé. Après avoir analysé la situation de notre pays, nous avons voulu maintenir l’avantage du dispositif pour les petites entreprises.
Pour ces dernières, le recours aux heures supplémentaires est un facteur significatif d’adaptation aux variations de la demande qu’elles subissent. En 2011, 44 % des heures supplémentaires étaient effectuées dans les entreprises de moins de vingt salariés ou de vingt salariés, alors que celles-ci ne représentent seulement qu’un tiers de l’emploi. Elles rencontrent les contraintes les plus fortes et les difficultés de financement et d’accès à la commande publique les plus grandes. Elles acquittent un impôt sur les bénéfices proportionnellement plus important que celui qui est payé par les très grandes entreprises, lesquelles sont capables de mettre en œuvre des mécanismes d’optimisation. Une telle disposition traduit notre responsabilité en matière économique.
M. Yves Daudigny, rapporteur pour avis. Une mesure qui rend du pouvoir d’achat à l’ensemble des Français et qui abroge un système destructeur d’emplois est certainement appropriée à notre pays, opportune et intelligente.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.
Après l’intervention dans cet hémicycle de M. Jean-Marc Ayrault, j’avais pris la parole pour dire que je voterai ce qui me paraissait bon et que je ne voterai pas ce qui me paraissait mauvais.
Je n’ai donc pas voté la réforme de la TVA sociale, qui constituait, selon moi, une bonne mesure. Je m’apprête, en revanche, à voter l’article 2, si la majorité consent à étudier avec intérêt l’amendement que j’ai déposé et qui vise à atténuer quelque peu la brutalité d’une application trop rapide de la mesure pour les entreprises. Nous aurons l’occasion d’en reparler au moment de l’examen de l’amendement.
La réforme liée à l’exonération des heures supplémentaires avait plusieurs vices de forme.
Le premier vice de forme, qui a déjà été rappelé, repose sur l’inégalité de traitement. Comment expliquer à nos concitoyens que le salarié qui n’a pas la chance de pouvoir effectuer des heures supplémentaires est imposé sur la totalité de son revenu, contrairement à celui qui a la chance de pouvoir en faire ? §
Deuxième vice de forme, cette réforme, dont l’objet, en réalité, était de revenir sur les 35 heures, a manqué de courage. Il eût été préférable de dire clairement les choses. Puisqu’il s’agissait de redonner de la compétitivité à notre nation, chacun aurait dû pouvoir travailler davantage d’une manière légitime, et pas seulement ceux qui ont la possibilité d’effectuer des heures supplémentaires.
Troisième vice de forme, cette réforme a été financée par l’endettement. Or, quand on est endetté, toute dépense supplémentaire a pour effet de creuser le déficit budgétaire. Offrir des avantages de cette nature dans un tel contexte, c’est dire aux gens qu’ils ne paieront pas, mais que leurs enfants paieront un jour.
Quand une mesure n’est pas bonne, il faut savoir la supprimer, surtout si elle ne correspond pas à la demande des entreprises et des salariés.
Les entreprises ont besoin d’une plus grande souplesse. Elles doivent pouvoir être réactives. Pour ce faire, il est important qu’elles puissent demander aux salariés d’effectuer des heures supplémentaires en fonction de l’importance du carnet de commande. Nul besoin d’introduire une telle distorsion pour arriver à ce résultat !
Je m’apprête donc à voter l’article 2, si la gauche veut bien m’écouter. Elle doit comprendre qu’il serait préférable de mettre en application cette mesure à compter du dernier trimestre de 2012, de manière à ce que celle-ci ne vienne pas perturber la comptabilité des entrepreneurs. L’adoption de cet amendement, qui n’entraînerait pas une perte financière très lourde, permettrait d’apporter une certaine souplesse.
Comment donner souplesse et réactivité à notre société ? Pour nous tous, le chantier reste ouvert !
M. Jean-François Husson applaudit.
Pour juger du contenu de cet article, il faut revenir à l’origine de la loi TEPA. Vous avez dit qu’il s’agissait, en 2007, d’augmenter le pouvoir d’achat et de donner de la flexibilité aux entreprises. En réalité, il n’en est rien.
J’ai retrouvé l’intervention prononcée par Mme Lagarde au cours de la discussion de l’article 1er du projet de loi TEPA : « L’augmentation de la durée moyenne du travail est une condition essentielle à la baisse durable du chômage et à l’augmentation de notre rythme de croissance. Cette corrélation est mise en évidence par les comparaisons internationales qui montrent que les pays européens qui connaissent le plein emploi sont souvent ceux dans lesquels le nombre moyen d’heures ouvrées par salarié est élevé. »
Tout est dit ! On retrouve là la croyance selon laquelle plus la durée du travail est longue, plus on crée d’emplois et plus c’est favorable à la croissance. Tel était donc l’objectif de la loi TEPA, comme l’avait souligné Mme Lagarde ici même.
C’est à l’aune de cet objectif qu’il faut juger de l’efficacité de cette mesure, d’autant que, après cinq années d’application, nous avons aujourd’hui le recul nécessaire. Un certain nombre d’études et de rapports ont été faits.
Je n’en citerai que trois : le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, le rapport du Comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, et le rapport de nos collègues députés Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot, rapport bipartisan dont il a beaucoup été question et qui a été abondamment cité.
Tous ces rapports soulignent que non seulement l'emploi n'a pas progressé, …
Ne vous inquiétez pas, je reviendrai sur les 35 heures !
Tous ces rapports soulignent que non seulement l’emploi n’a pas progressé, mais encore que cette mesure a conduit à des destructions d'emplois.
Voulez-vous que je vous lise le dernier rapport que j’ai cité ? Voici ce qui y est écrit : « en cas de récession, il – ce dispositif – conduit à une réduction plus forte du nombre d'emplois par un recours accru ou maintenu aux heures supplémentaires subventionnées ».
Autrement dit, vous avez emprunté, parce que cette mesure n'était pas financée en 2007, pas plus qu'elle ne l'était en 2008, en 2009, en 2010, en 2011 et en 2012, pour détruire des emplois !
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Subventionner des heures supplémentaires quand on est en période de sous-emploi, voire de récession, comme en 2009, est une aberration totale !
Autant je peux comprendre qu'on subventionne des heures supplémentaires en phase de forte croissance et de plein emploi, autant les subventionner en phase de récession et en période de chômage massif est une absurdité.
Pour terminer, j’évoquerai le paradoxe que vous devez gérer. Certains d'entre vous l’ont reconnu, les 35 heures vous posaient problème. Vous avez donc eu l’idée d’allonger la durée du travail en subventionnant les heures supplémentaires. Simplement, en 2007, pour atteindre cet objectif, vous avez généralisé les 35 heures en les étendant aux entreprises de moins de vingt salariés alors que celles-ci n’y étaient pas soumises.
À vous qui êtes les pourfendeurs au quotidien des 35 heures, pardonnez-moi de dire que généraliser celles-ci et emprunter pour détruire de l'emploi, c'est se prendre deux fois les pieds dans le tapis !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame vivement.
Il faut distinguer la macroéconomie, c'est-à-dire les études dans lesquelles nous nous efforçons de puiser des éléments d'appréciation, …
Comme M. Caffet, comme chacun d'entre nous ! (Sourires.)
Il faut distinguer, d’un côté, la macroéconomie et, de l’autre, la microéconomie, c'est-à-dire la réalité concrète des entreprises. D’un côté, il y a les doctrines qui nous inspirent ; de l’autre, pardonnez-moi de le dire, il y a les gens que l'on rencontre.
Je voudrais simplement mettre l'accent sur deux situations concrètes.
Ah ! sur les travées du groupe socialiste.
S'agissant du bâtiment et des travaux publics, qui comptent 1, 5 million de salariés, l'on me dit que près de 130 millions d'heures supplémentaires auraient été effectuées en 2011, soit 85 heures en moyenne par salarié.
La majorité des salariés seraient touchés par les mesures envisagées. L'impact serait d'autant plus important que 85 % des entreprises du bâtiment ont recours aux heures supplémentaires structurelles, lesquelles sont une nécessité incontestable dans ce secteur.
Je comprends bien les arguments selon lesquels il pourrait y avoir, dans des proportions variables, un effet de substitution entre les heures supplémentaires et les créations d'emploi. Néanmoins, s'agissant du bâtiment et des travaux publics, il faut raisonner en tenant compte des conditions concrètes auxquelles sont confrontées les entreprises du secteur, à savoir des plans de charge soumis à des aléas importants, voire à des phénomènes de saisonnalité. Le recours aux heures supplémentaires, qui sont ici structurelles, est assez naturel.
Certes non ! Simplement, il est brutal de supprimer quasiment instantanément un régime de détaxation et d’exonération de charges sociales.
S'agissant du transport routier de marchandises, on me dit que ce secteur compterait un peu plus de 400 000 salariés au 31 décembre 2011, dont 75 % de conducteurs routiers.
Selon un scénario bas, le temps de service hebdomadaire d'un conducteur en transport routier de marchandises est égal à celui d'un conducteur courte distance, soit 42, 35 heures.
Selon le scénario central, le temps de service hebdomadaire est égal à celui de l'ensemble des conducteurs, soit 46 heures, c’est-à-dire 199 heures par mois.
Selon le scénario haut, le temps de service hebdomadaire est égal à celui d'un conducteur longue distance, soit 47, 4 heures, c’est-à-dire 205, 2 heures par mois.
Ces chiffres sont tirés du bilan social annuel du transport routier de marchandises, établi par le service de l'observation et des statistiques du ministère de l'écologie, qui était auparavant également chargé des transports.
En considérant que le temps de service hebdomadaire moyen dans ce secteur est de 41 heures, les hypothèses prévues pour les différents types de services montrent incontestablement que la suppression de la loi TEPA aurait un impact important sur le salaire net des conducteurs.
Selon le scénario dans lequel on se place, la perte est soit de 213 euros par an, soit de 790 euros par an ; pour le conducteur longue distance, la perte est de 1 016 euros par an.
Ces effets sont brutaux. Et je ne parle, ici, que des effets sur les salariés et non de ceux sur les entreprises, lesquels seraient également à prendre en compte, d’autant que la conjoncture n'est pas nécessairement facile.
Vous le savez, les secteurs du transport routier de marchandises et du bâtiment, que j’ai pris comme exemples, sont assez représentatifs de la conjoncture générale de l'économie. La mesure prise sera brutale pour les salariés. Par ailleurs, dans la conjoncture actuelle, elle ne pourra sans doute qu’aggraver les difficultés d’une proportion significative d'entreprises.
À mon sens, il eût été préférable de limiter le coût budgétaire de la loi TEPA et de procéder par étapes, ainsi que je l’avais proposé ces dernières années.
La méthode du rabot me paraît une excellente méthode. D'ailleurs, monsieur le ministre, j'espère que vous l’appréciez tout autant que vos prédécesseurs : il s’agit d’un instrument, extrêmement pratique pour un ministre du budget, car il peut être manié sur une surface extrêmement large.
Je le répète, cette mesure est trop brutale ; elle va trop loin ; elle risque de poser des problèmes économiques à un nombre important d'entreprises, notamment aux petites et moyennes entreprises – les deux branches que j’ai citées comptent une proportion très significative de petites et moyennes entreprises de plus de 20 salariés – ; et elle pourrait être perçue par les salariés concernés comme contraire à l'équité.
Aussi, mes chers collègues, faute de mieux, il me semble préférable, à ce stade, de voter l'amendement de suppression de l'article 2.
Comme vous, mes chers collègues, j’ai écouté tout à l'heure le vibrant plaidoyer prononcé par notre collègue Alain Néri en faveur des travailleurs pauvres.
Pour ma part, je voudrais parler ici d'une catégorie qui n'est pas sensible aux crises économiques, à savoir les salariés de nos communes, car nous sommes nombreux à être maires sur ces travées. À ce titre, nous avons nous aussi recouru aux heures supplémentaires.
Disant cela, je m'appuie sur mon expérience de maire d'une ville moyenne de 16 000 habitants dans le Val-de-Marne, département qui n'est pas particulièrement favorisé.
Les assistantes maternelles que nous embauchons, qui arrivent bien souvent de province
Exclamations offusquées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Dans le même temps, les maires rencontrent bien des difficultés pour remplacer les policiers municipaux, les agents de voirie, les agents des services des fêtes et cérémonies, les auxiliaires de puériculture, les animateurs de quartier.
L'état de leurs finances ne leur permet pas de créer immédiatement un emploi pour remplacer un agent en congé maternité ou en arrêt maladie pour quelques jours ou quelques semaines. Voilà pourquoi ils avaient recours aux heures supplémentaires.
Je veux ici plaider pour ces personnels.
Je comprends la gêne que suscite chez vous ce débat. Vous nous citez toutes sortes de rapports. L'un d'entre vous a même parlé de pouvoir d'achat par unité de consommation. Venant de votre part, on croit rêver !
Je me souviens de vos cris d'orfraie lorsque nous avions instauré un malheureux forfait de 1 euro pour l'achat d'un médicament. Que n'avait-on entendu ! Notre collègue Philippe Bas, alors ministre, pourrait en témoigner.
Or que représente un tel forfait par rapport au coup que vous allez porter à des agents de catégorie C qui, pour certains, perçoivent mensuellement 200 euros, 300 euros ou 400 euros en heures supplémentaires, pour un salaire net mensuel de 1 150 euros ?
Sachant que, en région parisienne, une assistante maternelle ou une puéricultrice doit débourser au minimum entre 600 euros et 800 euros par mois pour louer un malheureux studio, ce complément de salaire défiscalisé était essentiel.
M. Christian Cambon. Alors, ayez du courage et allez leur expliquer le mauvais coup que vous leur portez !
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.
Mes chers collègues de l’opposition, j’ai écouté attentivement vos propos, y compris lorsqu’ils étaient aberrants. Je vous demande maintenant de bien vouloir me laisser m’exprimer.
Madame Des Esgaulx, lorsque nous rencontrons nos concitoyens, ils expriment que leur préoccupation principale, ce que confirment les enquêtes d’opinion, est l’emploi et le chômage. Les Français sont inquiets, surtout si dans un couple l’un ou l’autre est sans emploi, ou s’ils ont encore à leur charge un enfant qui ne trouve pas de travail.
Cette question de l’emploi et du chômage pèse sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens qui n’ont pas la chance de pouvoir travailler et d’avoir un salaire tous les mois.
C’est en fonction de cet ensemble qu’il faut estimer ce qui est bon pour le pouvoir d’achat et pour la France.
Il n’y a pas de doute : en période de « non-croissance » – pour être pudique –, il ne faut pas de mesures qui détruisent les emplois !
Mme Chantal Jouanno s’exclame.
Oui, quand on veut favoriser à tout prix l’emploi, on pense aux travailleurs, c’est-à-dire à l’ensemble de ceux qui devraient pouvoir avoir un salaire !
Exclamations sur les travées de l'UMP.
Lorsqu’une mesure entraîne, selon les évaluations, la disparition de 100 000 emplois, quand elle encourage à ne pas embaucher, on ne peut pas dire qu’elle favorise le pouvoir d’achat ! §
En outre, cet article s’inscrit dans un ensemble.
Comme l’a souligné M. Daudigny, la suppression de la TVA sociale, chiffrée à 11 milliards d’euros, représentera 380 euros de plus en moyenne pour l’ensemble des ménages, et pas seulement pour les 9 millions de Français concernés par les heures supplémentaires. Les deux mesures se valent en termes de pouvoir d’achat, seule la répartition change.
L’augmentation du SMIC de 2 %, que vous avez bloqué pendant des années, …
… fera une différence réelle en matière de pouvoir d’achat.
Il en est de même de l’encadrement de la hausse des loyers à la première relocation et de l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire.
Ces mesures, ainsi que l’ensemble des dispositions relatives à l’emploi qui figureront dans le futur projet de loi de finances initiale, que nous voterons à l’automne, créeront une dynamique favorable à tous nos concitoyens salariés.
J’ai entendu vos arguments, mais vous savez pertinemment que la défiscalisation des heures supplémentaires n’est pas une mesure satisfaisante. Elle a été très critiquée, y compris à droite en raison de son caractère antiéconomique en période de récession.
Après avoir bien « matraqué » les salariés pour engranger les gains, vous cherchez à les duper avec leur fiche de paie. Vous croyez les Français moins intelligents qu’ils ne le sont, comme souvent d’ailleurs ! Si vous les aviez pris plus au sérieux, vous n’auriez pas subi d’échec. François Hollande a assumé cette mesure devant l’ensemble du peuple et a été élu. Il a toujours défendu cette position devant les journalistes qui l’interrogeaient, puis lors du débat avec Nicolas Sarkozy.
En définitive, les Français savent que c’est la gauche qui défend le pouvoir d’achat et que vous les avez « matraqués » pendant cinq ans avec vingt-cinq taxes supplémentaires !
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq.