Séance en hémicycle du 3 mars 2011 à 21h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la garde à vue.

Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements déposés à l’article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 23, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après les mots :

est fixée

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

à l'heure à laquelle la personne a été appréhendée ou, si ce n'est pas le cas, l'heure à laquelle elle a été entendue

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

La détermination exacte du moment du placement en garde à vue revêt une grande importance. Celle-ci, de jurisprudence constante, n’intervient pas nécessairement à l’arrivée de la personne dans les locaux de la police.

Il est fait une distinction entre, d’une part, le placement effectif en garde à vue, fixé au moment où la contrainte de se tenir à la disposition de la police est apparue – ce moment marque l’instant auquel les droits du gardé à vue doivent lui être notifiés et à partir duquel commence à courir le délai de mise en œuvre de ces différents droits –, et, d’autre part, le placement théorique en garde à vue, fixé au moment où la personne s’est tenue à la disposition de la police sans contrainte – ce moment sert, quant à lui, de point de départ au calcul de la durée de la garde à vue.

L’alinéa 7 de l’article 2 du projet de loi prévoit que l’heure du début de la mesure est fixée à l’heure à laquelle la personne a été appréhendée. Il fixe donc, si l’on reprend les termes de la jurisprudence, le moment du placement théorique en garde à vue marquant le point de départ des vingt-quatre heures de garde à vue.

Or, le terme « appréhendée », impliquant une arrestation policière et donc une contrainte, ne permet pas d’envisager les différentes possibilités entraînant le point de départ de la durée de la garde à vue. La personne entendue comme témoin avant d’être placée en garde à vue dans la foulée n’a par exemple pas été appréhendée et la durée de son audition en tant que témoin doit pouvoir s’imputer sur la durée de la garde à vue.

Il s’agit ici d’une mesure protectrice, afin d’éviter qu’une personne ne soit retenue trop longtemps sous différents statuts – témoin ou gardé à vue – à la disposition des enquêteurs, ce qui permettrait de contourner facilement la limitation de la durée légale de cette garde à vue.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

L’intention de Mme Mathon-Poinat est très certainement louable. Néanmoins, la rédaction de l’amendement reste un peu obscure et je pense qu’il est bien préférable pour le gardé à vue de continuer à bénéficier d’une jurisprudence favorable, systématiquement confirmée.

Ainsi, lorsque la garde à vue fait suite à une audition libre, la durée de celle-ci doit être imputée sur celle de la garde à vue. En l’espèce, il vaut mieux s’en remettre au juge, car il est très difficile d’imaginer tous les cas de figure.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 24, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 9

Après les mots :

de police judiciaire

supprimer les mots :

ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire,

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Cet amendement a pour objet de conférer exclusivement à l’officier de police judiciaire, ou OPJ, la notification de ses droits à la personne placée en garde à vue. Cette mission ne saurait continuer d’être confiée à un agent de police judiciaire, même sous le contrôle de l’OPJ, comme c’est le cas aujourd’hui. Seul un officier de police judiciaire peut placer une personne en garde à vue compte tenu de la gravité de cette mesure.

L’obligation de notification constitue aussi une mesure d’une certaine gravité puisqu’elle porte sur la décision de contrainte elle-même et sur les droits du gardé à vue. Son non-respect emporte des conséquences sur la suite de la procédure.

En outre, avec ce projet de loi, la teneur des droits des personnes est renforcée, notamment avec l’inscription du droit de se taire. Comme le souligne le rapport, ce droit constitue une protection de la présomption d’innocence, principe de base de notre procédure pénale.

C’est évidemment très loin d’être anodin, d’autant que cette notification se situe dans le cadre d’une procédure de privation de liberté, qui est elle-même loin d’être anodine.

Toutes les garanties possibles doivent donc être données pour le bon déroulement de cette garde à vue.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

La meilleure garantie, pour le gardé à vue, c’est de se voir notifier ses droits le plus rapidement possible. Je pense qu’un agent de police judiciaire est parfaitement capable de le faire, au bénéfice de celui qui est privé de liberté.

Par conséquent, je ne vois pas l’intérêt d’alourdir la procédure en soumettant l’agent de police judiciaire au contrôle d’un officier de police judiciaire qui n’est pas forcément disponible au moment où la personne est privée de sa liberté.

C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Même avis.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 112 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de prolongation de la garde à vue, la personne est immédiatement informée qu’elle bénéfice des dispositions mentionnées aux alinéas précédents.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Bis repetita ! Cet amendement vise à inscrire dans la loi que la personne faisant l’objet d’une prolongation de garde à vue doit se voir notifier dès le début de cette prolongation qu’elle bénéficie des mêmes droits que ceux qu’elle a pu exercer durant la première garde à vue.

Cela paraît évident, mais il nous paraît indispensable de le préciser parce qu’il ne faudrait pas que la personne à laquelle il est notifié qu’elle commence une prolongation de garde à vue puisse considérer que ses droits ne sont pas les mêmes qu’au début.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

La garde à vue se déroule sur une période de temps très contrainte. La notification des droits doit être très claire et très complète en garde à vue. Dès lors, seuls de nouveaux droits ou une restriction de droits justifieraient de les rappeler.

Les droits restant inchangés, la commission est défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 25, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Sauf en cas de circonstance insurmontable, et sous peine de nullité de la procédure, les diligences résultant pour les enquêteurs de la communication de l'ensemble de droits mentionnés à cet article doivent intervenir dès le moment où la personne a été placée en garde à vue. La violation des droits mentionnés à cet article constitue une nullité d'ordre public.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Afin de contrebalancer l’atteinte portée à la liberté individuelle de la personne placée en garde à vue, le projet de loi entend lui reconnaître a minima un certain nombre de droits.

En l’état actuel du droit, la personne qui subit une telle mesure privative de liberté n’est pas dépourvue de droits et le caractère impératif de ces droits est une évidence. Cependant, comme en témoigne l’importance du contentieux jurisprudentiel relatif aux nullités de la garde à vue, il semble que la pratique ne soit pas tout à fait exempte de reproches.

Or, en réaction à ces manquements avérés des investigateurs, la Cour de cassation a considéré dans certains cas que le seul constat du non-respect des dispositions du code de procédure pénale suffisait à présumer que la personne gardée à vue avait subi un grief et à opérer un renversement de la charge de la preuve de la défense vers la partie poursuivante.

Ainsi, il semble acquis, sauf à ce que l’accusation fasse la preuve de l’intervention de circonstances insurmontables, que tout retard dans la notification de ses droits ou dans l’information de l’autorité judiciaire « porte nécessairement atteinte aux intérêts » de la personne placée en garde à vue.

De la même manière, il a été admis que le fait, pour un enquêteur – à nouveau sous réserve de l’intervention de circonstances insurmontables –, de ne pas mettre en mesure le suspect de s’entretenir avec son avocat « porte nécessairement atteinte à ses droits ».

Par cet amendement, nous souhaitons consolider cette jurisprudence et l’étendre à l’ensemble des droits visés à l’article 2. De plus, nous précisons que les nullités sont d’ordre public afin que les juges puissent les soulever d’office.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

L’amendement a pour objet de supprimer le délai de trois heures donné aux services de police pour faire droit aux demandes de la personne gardée à vue de prévenir un proche ou d’être examinée par un médecin.

Dans la pratique, ce délai est nécessaire si l’on veut que cette garantie ait des suites effectives. La commission a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 26, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

L'exécution de la garde à vue est assurée par des personnels de police ne participant pas à l'enquête et uniquement dédiés à cette tâche.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Par cet amendement, nous vous proposons de confier l’exécution de la garde à vue à des personnels de police ne participant pas à l’enquête. Ces personnels seraient uniquement dédiés à cette tâche, sous la direction d’un chef d’équipe et sous le contrôle strict du juge des libertés et de la détention.

Ainsi, l’officier de police judiciaire chargé de cette mission notifierait les droits mentionnés aux articles 63-1 et suivants, il dresserait le procès-verbal des réponses faites par la personne gardée à vue, il procéderait sans délai aux opérations utiles pour répondre aux demandes exprimées par celle-ci et en rendrait compte immédiatement au juge des libertés et de la détention.

On pourrait également envisager qu’il procède aux fouilles de sécurité afin que le nombre de personnes susceptibles de pratiquer de telles opérations soit réduit.

Par cet amendement, nous voulons susciter un débat afin de trouver des solutions concrètes qui permettent que les droits des individus soient respectés, mais également que les personnels de la police puissent travailler dans les meilleures conditions.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Comme je vous l’ai indiqué en commission, je ne comprends pas bien l’objet de cet amendement. Celui-ci prévoit que l’exécution de la garde à vue est assurée par des personnels de police ne participant pas à l’enquête. Or des actes d’enquête tels que des auditions sont réalisés lors de la garde à vue.

Que souhaitez-vous faire ? Je suppose que vous voudriez séparer les actes d’enquête tels que l’audition, les confrontations, et le fait de maintenir dans une cellule ou une pièce, créant en quelque sorte un service pénitentiaire à l’intérieur du commissariat de police : est-ce bien cela ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Vous conviendrez donc que la rédaction de votre amendement n’est pas satisfaisante. Quoi qu’il en soit, les problèmes pratiques majeurs que provoquerait l’application d’une telle disposition ne permettent pas d’y donner suite : avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Madame Mathon-Poinat, certes, cet amendement pourrait être mis en œuvre dans certains lieux, mais le dispositif que vous proposez conduirait à spécialiser une partie d’un service pour assurer la surveillance des personnes gardées à vue, tandis qu’une autre partie serait spécialisée dans les actes d’enquête.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Ce n’est pas cela ? Dans ce cas, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cette proposition, que j’ai trouvée tout à fait bonne, monsieur le ministre, émane d’un syndicat de policiers. Il n’est pas nécessaire de spécialiser un service. Simplement, l’officier de police judiciaire chargé de contrôler les conditions de la garde à vue ne doit pas être celui qui mène l’enquête.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le président, je pense que nous pourrions faire un parallèle avec les magistrats : ceux qui s’occupent de l’instruction ne peuvent pas participer à la formation de jugement.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Il faut faire une loi applicable sur l’ensemble du territoire de la République, ce que ne permet évidemment pas le dispositif qui est proposé.

Certaines brigades de gendarmerie comptent deux OPJ, d’autres un seul. Or il n’est pas possible de regrouper les brigades de gendarmerie pour disposer de deux OPJ. S’il était adopté, cet amendement entraînerait donc la fermeture d’un grand nombre de brigades de gendarmerie. Le Gouvernement y est donc défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

L’article 63-2 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi modifié :

a) Les mots : « dans le délai prévu au dernier alinéa de l’article 63-1 » sont supprimés ;

a bis) (nouveau) Les mots : « ou son employeur » sont remplacés par les mots : « ou son curateur ou son tuteur » ;

b) Il est ajouté deux phrases ainsi rédigées :

« Elle peut en outre faire prévenir son employeur. Lorsque la personne gardée à vue est de nationalité étrangère, elle peut faire contacter les autorités consulaires de son pays. » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Sauf en cas de circonstance insurmontable, qui doit être mentionnée au procès-verbal, les diligences prévues au premier alinéa doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a formulé la demande. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 77, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 6

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Le second alinéa est ainsi rédigé :

« En raison des nécessités de l'enquête, le procureur de la République peut saisir le juge des libertés et de la détention afin qu'il ne soit pas fait droit à cette demande. »

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Nous considérons que la restriction prévue par cet article – un officier de police judiciaire peut ne pas faire droit à la demande de la personne gardée à vue de prévenir un proche ou son employeur – doit relever du juge des libertés et de la détention et non du procureur de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cet amendement est parfaitement logique dans l’esprit de ses auteurs. Il vise à confier au juge des libertés et de la détention le contrôle complet de la garde à vue.

Or nous avons déjà expliqué pourquoi nous pensons que, au moins dans les premières quarante-huit heures de la garde à vue, le procureur de la République est le mieux à même d’assurer ce contrôle, en particulier lorsque, en raison des nécessités de l’enquête, il n’est pas fait droit à la demande du gardé à vue de prévenir un proche ou son employeur.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Monsieur Anziani, à l’heure actuelle, aucune exigence constitutionnelle ou conventionnelle n’impose que l’autorisation donnée aux enquêteurs de reporter l’avis à un proche ou à un employeur soit délivrée par un juge.

Cette règle ancienne de notre droit a été introduite par la loi Sapin-Vauzelle du 4 janvier 1993 voilà près de vingt ans. Elle y a été maintenue par la loi Guigou du 15 juin 2000, qui avait pour objectif de renforcer la protection de la présomption d’innocence. Elle a été maintenue telle quelle par la loi Lebranchu du 4 mars 2002. Je pense qu’il faut rester dans cette ligne historique.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 176, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Remplacer les mots :

les diligences prévues au

par les mots :

les diligences incombant aux enquêteurs en application du

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

L'article 3 est adopté.

(Non modifié)

L’article 63-3 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est complété par trois phrases ainsi rédigées :

« Le médecin se prononce sur l’aptitude au maintien en garde à vue et procède à toutes constatations utiles. Sauf en cas de circonstance insurmontable, les diligences prévues au présent alinéa doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a formulé la demande. Sauf décision contraire du médecin, l’examen médical doit être pratiqué à l’abri du regard et de toute écoute extérieurs afin de permettre le respect de la dignité et du secret professionnel. » ;

2° À la seconde phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « par lequel il doit notamment se prononcer sur l’aptitude au maintien en garde à vue » sont supprimés.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 177, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 3, deuxième phrase

Remplacer les mots :

les diligences prévues au

par les mots :

les diligences incombant aux enquêteurs en application du

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Favorable.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 113 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° Au deuxième alinéa, après les mots : « À tout moment, », sont insérés les mots : « le juge des libertés et de la détention, ».

Cet amendement n’a plus d’objet.

L'amendement n° 28, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

2° L'avant-dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Lorsque le médecin délivre un certificat médical d'incompatibilité de l'état de santé de la personne avec la garde à vue, celui-ci a un caractère impératif. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cet amendement a déjà été présenté à l’Assemblée nationale, qui ne l’a pas retenu, ce qui est bien dommage. Peut-être sera-t-il adopté par le Sénat ?

Cet amendement vise à conférer un caractère impératif au certificat médical d’incompatibilité de l’état de santé de la personne avec la garde à vue. Il m’a déjà été répondu qu’une telle disposition était inutile.

Je vous rappelle pourtant que cette proposition constitue une recommandation ancienne et constante de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, la CNDS.

J’ai d’ailleurs eu l’occasion de saisir la CNDS d’un cas de non-respect du certificat médical dans un commissariat. La Commission déplorait, dans un rapport de 2007 relatif aux zones d’attente, qu’elle étendait à l’ensemble des lieux de privation de liberté, d’avoir été « souvent été saisie de réclamations où il était fait état du non-respect par les fonctionnaires de police ou par le personnel de surveillance des prescriptions médicales, ou encore du non-respect des certificats d’incompatibilité ».

Nous soutenons cette recommandation, car nous considérons que l’article 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, qui prévoit que la nation « garantit à tous […] la protection de la santé », doit conforter le caractère impératif du certificat médical dans de telles circonstances.

Il n’appartient pas à un fonctionnaire de police n’ayant aucune compétence médicale de ne pas donner suite au certificat médical établi par un professionnel de santé dans des conditions d’indépendance indiscutables.

En outre, cet amendement nous apparaît d’autant plus opportun que, depuis le 1er mars 2010, a été instaurée la question prioritaire de constitutionnalité, qui permet à chaque justiciable de soutenir, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction administrative ou judiciaire, « qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit », en application de l’article 61-1 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel, dans une décision en date du 30 juillet 2010, a, je vous le rappelle, déclaré que les articles 62, 63, 63-1 et 77 du code de procédure pénale étaient contraires à la Constitution.

Une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité est donc possible. Elle serait naturellement légitime, compte tenu de la violation manifeste de l’article 11 du Préambule. De toute évidence, on méconnaît de fait le droit à la préservation de la santé de nos concitoyens alors qu’il serait possible de concilier les exigences de sécurité et de préservation de l’intérêt de l’enquête avec celle, tout aussi fondamentale, de préservation de la santé des personnes gardées à vue.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Il n’est pas possible de faire dépendre le déroulement de la garde à vue, en l’occurrence son interruption ou sa poursuite, d’un certificat médical. C’est l’officier de police judiciaire qui dirige la garde à vue. À ce titre, il prend ses responsabilités.

Un officier de police judiciaire qui méconnaîtrait les conséquences d’un certificat médical prendrait la responsabilité d’invalider la procédure. En effet, la jurisprudence de la Cour de cassation est assez claire : elle indique que la poursuite de la garde à vue d’une personne dans des conditions qui sont, selon les constatations d’un médecin, incompatibles avec son état de santé porte nécessairement atteinte à ses intérêts. Elle peut entraîner l’annulation complète de la garde à vue.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Bien évidemment, si un médecin constate l’incompatibilité de l’état de santé d’une personne avec la garde à vue, il est mis fin à la garde à vue, sauf dans le cadre d’une prise en charge hospitalière conforme aux éventuelles prescriptions médicales.

Ces dispositions résultent de la jurisprudence de la Cour de cassation et d’un arrêt rendu par la chambre criminelle le 27 octobre 2009. Il n’est nullement nécessaire de les faire figurer dans la loi, d’autant que l’amendement ne tend pas à prévoir la poursuite de la garde à vue en milieu médicalisé.

Il existe par exemple à Paris, à l’Hôtel-Dieu, salle Cusco, des chambres réservées aux personnes gardées à vue devant être hospitalisées.

Madame Borvo Cohen-Seat, vous avez par ailleurs évoqué le rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Celle-ci a effectivement noté dans son rapport de 2009 avoir constaté la poursuite d’une garde à vue malgré un certificat médical ayant relevé une incompatibilité. Selon ce même rapport, cette situation s’explique, selon les indications du ministère de l’intérieur, par un dysfonctionnement de service. Des mesures correctives auraient été prises.

La CNDS indique par ailleurs dans son rapport que le non-respect d’un certificat médical d’incompatibilité est déjà contraire aux dispositions actuelles du code de procédure pénale. Elle ne sollicite donc pas de modification législative sur ce point.

Sous le bénéfice de ces explications, je vous prie, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je tiens à appuyer l’amendement de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, car il me paraît très important.

En théorie, bien sûr, le certificat médical a du poids. Monsieur le ministre, vous avez cité un exemple, permettez-moi d’en citer un autre.

Dans un avis du 1er décembre 2008, la CNDS constate qu’une personne placée en garde à vue est décédée alors qu’elle était manifestement malade et qu’elle aurait dû être hospitalisée. Ce cas est plus grave que celui qu’a évoqué Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, car la personne gardée à vue n’a même pas rencontré de médecin.

L’amendement de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ouvre un débat. Le non-respect de la réglementation, même si celle-ci est bien faite, ce qui n’est d’ailleurs peut-être pas le cas, a abouti à un décès.

Peut-être serait-il bon de rappeler, par voie de circulaire ou autre, les quelques règles qui s’imposent à chacun ?

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 27, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° La seconde phrase de l'avant-dernier alinéa est complétée par les mots : « et une copie en est immédiatement remise au gardé à vue et, si ce dernier en fait la demande, à un membre de sa famille ou à une personne de confiance ».

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cet amendement a pour objet de compléter la rédaction actuelle de l’article 63-3 du code de procédure pénale. Il tend à prévoir que non seulement le certificat médical doit être versé au dossier de la personne gardée à vue, mais que cette dernière peut, à sa demande, en obtenir immédiatement copie. Ce certificat est naturellement très important puisqu’il peut constituer une preuve pour la personne gardée à vue en cas de recours contre l’administration.

Dans un souci légitime de simplification des démarches juridiques de nos concitoyens, il serait préférable que les personnes qui font l’objet d’un examen médical se concluant par la remise d’un certificat en soient également les destinataires, car ce certificat concerne leur état de santé. À défaut, les personnes gardées à vue sont obligées d’en demander la communication aux autorités de police, voire, en cas de refus, de saisir la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA.

Par ailleurs, notre amendement, qui relève du simple bon sens, nous semble conforme à l’obligation qui est faite actuellement au médecin de remettre ce certificat médial en mains propres au patient, exigence qui est en réalité le corollaire du secret professionnel auquel est astreint le médecin.

Cette exigence est, je vous le rappelle, inscrite dans la partie réglementaire du code de la santé publique en son article R. 4127-35 qui porte transcription de l’article 35 du code de déontologie médicale.

Rien ne justifie en effet que la situation administrative des personnes gardées à vue les prive de l’application des apports considérables qui résultent de l’adoption de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades. Il faut que ces personnes puissent avoir accès, si elles le désirent, directement ou par l’intermédiaire d’un médecin qu’elles désignent, aux informations de santé les concernant, que ces informations soient établies dans cette perspective ou détenues par un professionnel ou un établissement de santé.

Enfin, nous proposons par cet amendement que la personne gardée à vue puisse, pour des raisons évidentes de conservation de ce document, faire expressément la demande que ce certificat médical soit confié, au choix, à un membre de sa famille ou à une personne de confiance telle que définie à l’article L. 1111-6 du code de la santé publique, créé par la loi du 4 mars 2002, si elle en a désigné une.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cet amendement, qui procède d’une intention louable, est en effet intéressant. Il paraît normal que la personne examinée par un médecin puisse avoir connaissance du résultat de cet examen.

Néanmoins, nous avons le souci de ne pas trop alourdir les procédures pendant la garde à vue. J’observe que ce certificat médical figure au dossier, dossier qui doit être consultable par l’avocat.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je demande donc au garde des sceaux de bien vouloir me confirmer que l’avocat pourra avoir connaissance de ce certificat et, ainsi, informer son client.

Si la réponse est positive, j’espère qu’elle vous satisfera et que vous retirerez votre amendement, madame Borvo Cohen-Seat. Dans le cas contraire, la commission émettra un avis défavorable sur votre amendement.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je vais tâcher de répondre à M. le rapporteur de la façon la plus précise qui soit, mais également de la façon la plus agréable pour lui. Me référant au texte qu’il a établi au nom de la commission des lois, je lui rappellerai que le texte proposé pour l’article 63-4-1 du code de procédure pénale à l’article 7 dispose : « À sa demande, l’avocat peut consulter le procès-verbal établi en application du dernier alinéa du I de l’article 63-1 constatant la notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés, le certificat médical établi en application de l’article 63-3, ainsi que les procès-verbaux d’audition de la personne qu’il assiste. »

Vous vous êtes donné entière satisfaction, monsieur le rapporteur. On n’est jamais mieux servi que par soi-même !

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

L’amendement de Mme Borvo Cohen-Seat est donc satisfait par ces dispositions. Par conséquent, je lui demande de bien vouloir retirer son amendement. Si elle ne le retirait pas, le Gouvernement serait défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Madame Borvo Cohen-Seat, votre amendement est-il maintenu ?

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

Après le même article 63-3, il est inséré un article 63-3-1 ainsi rédigé :

« Art. 63 -3 -1. – Dès le début de la garde à vue, la personne peut demander à être assistée par un avocat. Si elle n’est pas en mesure d’en désigner un ou si l’avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu’il lui en soit commis un d’office par le bâtonnier.

« Le bâtonnier ou l’avocat de permanence commis d’office par le bâtonnier est informé de cette demande par tous moyens et sans délai.

« L’avocat désigné est informé par l’officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature et de la date présumée de l’infraction sur laquelle porte l’enquête.

« S’il constate un conflit d’intérêts, l’avocat fait demander la désignation d’un autre avocat. En cas de divergence d’appréciation entre l’avocat et l’officier de police judiciaire ou le procureur de la République sur l’existence d’un conflit d’intérêts, l’officier de police judiciaire ou le procureur de la République saisit le bâtonnier qui peut désigner un autre défenseur.

« Le procureur de la République, d’office ou saisi par l’officier de police judiciaire ou l’agent de police judiciaire, peut également saisir le bâtonnier afin qu’il soit désigné plusieurs avocats commis d’office lorsqu’il est nécessaire de procéder à l’audition simultanée de plusieurs personnes placées en garde à vue. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Nous pourrions penser qu’aujourd’hui le respect des droits les plus basiques, tels que ceux de la défense, ou tout simplement le respect de la dignité humaine, inscrits par ailleurs dans la Constitution, étaient chose acquise.

Nous nous demandons pourquoi l’on nous présente aujourd’hui la présence de l’avocat comme étant « révolutionnaire »... C’est un peu exagéré !

La règle communautaire du droit à un procès équitable, inscrite à l’article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et à partir de laquelle la jurisprudence communautaire a déduit un certain nombre de principes de droit visant à garantir l’équité de la procédure, implique de toute évidence le droit d’être assisté par un avocat.

Ainsi, dans l’arrêt Dayanan contre Turquie, la Cour européenne des droits de l’homme souligne que « l’équité de la procédure requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres au conseil. À cet égard, la discussion de l’affaire, l’organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l’accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l’avocat doit librement exercer ». Autrement dit, le travail de l’avocat doit se faire dans des conditions qui lui permettent de véritablement préparer sa défense et de préparer les interrogatoires avec la personne gardée à vue.

On est, aujourd’hui, bien loin du compte.

Nous n’avons de cesse de répéter que le texte du Gouvernement reste bien en deçà de ce qu’il devrait être pour garantir le droit à une assistance effective, telle que la souhaitaient le Conseil constitutionnel et la Cour de cassation. Dans l’arrêt Sahraoui rendu par la Cour de cassation, le juge effectue une distinction claire entre la présence de l’avocat et l’assistance de l’avocat en statuant sur la base de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Vous en faites, pour votre part, une interprétation restrictive !

En tout état de cause, le texte aurait dû être modifié afin de garantir à la personne gardée à vue, pendant la durée entière de la mesure, le droit à l’assistance effective d’un avocat, qui comprend le droit de s’entretenir en privé, la présence aux auditions avec la possibilité de poser des questions et la possibilité d’avoir accès aux pièces du dossier au fur et à mesure de sa constitution.

Comme l’a rappelé la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, dans son avis rendu le 6 janvier 2011 sur ce projet de loi, l’avocat est plus souvent un vecteur d’apaisement et de sérénité, à condition qu’il ne soit pas cantonné à un rôle de surveillant privé de réels moyens de jouer son rôle primordial dans la garantie des droits de la défense !

Il convient également d’appréhender les besoins des barreaux, qui ne disposent ni des délais ni des subsides nécessaires à leur réorganisation à court terme. Rappelons également que, selon la CNCDH, pour que le droit à l’assistance d’un avocat en garde à vue soit effectif, les crédits alloués à l’aide juridictionnelle doivent être impérativement augmentés. Or les crédits alloués au service public de la justice ne cessent de s’amenuiser – nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’en discuter lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2011 – et sont réduits à une portion congrue.

Somme toute, l’impact de cette réforme sera très limité puisqu’elle ne prévoit pas les garanties inhérentes à l’exercice de ce droit à l’assistance effective d’un avocat. Les dispositions prévues à cet article ne sont que des expédients destinés à répondre aux injonctions européennes. Hélas, ces dispositions promettent, encore, un contentieux à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 148 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'avocat peut également être désigné par un membre de la famille de la personne, son employeur, ou tout autre proche. Cette désignation doit toutefois être confirmée par la personne.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L’article 5 du projet de loi prévoit que la personne placée en garde à vue peut désigner un avocat ou, si elle ne peut pas le faire, se voir attribuer un avocat commis d’office.

Dans la pratique, nous savons que, très souvent, des personnes placées en garde à vue n’ont pas le réflexe de faire appel à un avocat qu’elles connaissent, et même qu’elles n’ont pas la moindre réaction. Très souvent, des conseils sont contactés directement par des proches, notamment des membres de la famille – conjoint, concubin, frère ou sœur, par exemple. Les avocats ainsi contactés rencontrent de grandes difficultés – et cela pose souvent un problème déontologique – à entrer en contact avec la personne gardée à vue. Cette situation étant très fréquente, il m’apparaît souhaitable qu’il soit possible pour les proches de la personne gardée à vue de proposer qu’un avocat choisi par eux soit désigné. Cette désignation devrait alors simplement être confirmée par la personne gardée à vue. Cela existe dans la pratique, mais des difficultés demeurent.

Je ne vois pas ce qui pourrait s’opposer à ce qui constituerait une vraie facilitation du processus de désignation. En effet, dans certains cas, et même assez souvent, l’avocat contacté par les proches se voit refuser l’accès aux locaux de garde à vue, faute d’avoir été désigné par la personne gardée à vue elle-même.

Il faut impérativement essayer de réparer ce dysfonctionnement en adoptant cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cet amendement ouvre à un proche la possibilité de désigner un avocat à condition que celui-ci soit agréé par la personne gardée à vue. Cela paraît aller de soi.

Cette disposition que vous proposez, monsieur Mézard, consacre en effet la pratique actuelle. Néanmoins – nous en avons parlé en commission –, votre amendement, tel qu’il est rédigé, pourrait entraîner des dérives et, en pratique, soumettre la personne gardée à vue à certaines pressions s’agissant du choix de son avocat. Pour ne parler que des cas de criminalité organisée, des trafics de stupéfiants impliquant de nombreux intervenants, cela n’est pas souhaitable.

La commission est par conséquent favorable à cet amendement, sous réserve d’une rectification. La première phrase se lirait ainsi : « L’avocat peut également être désigné par l’une des personnes susceptibles d’être informées du placement en garde à vue en application du premier alinéa de l’article 63-2. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur Mézard, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je l’accepte, monsieur le président, et je rectifie mon amendement en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis donc saisi d’un amendement n° 148 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, et ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'avocat peut également être désigné par l'une des personnes susceptibles d'être informées du placement en garde à vue en application du premier alinéa de l'article 63-2. Cette désignation doit toutefois être confirmée par la personne.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je me prononcerai sur les deux versions de cet amendement, celle qui a été présentée par M. Mézard et celle qui a été suggérée par M. le rapporteur.

Cet amendement est inspiré par des motifs respectables. Toutefois, le Gouvernement ne peut pas y être favorable en l’état, tant pour des raisons pratiques que pour des raisons de fond.

En effet, faut-il permettre à la famille ou à l’employeur de désigner un avocat pour une personne gardée à vue alors que cette dernière pourrait, par exemple, avoir été interpellée pour une infraction intrafamiliale, ou commise à l’encontre de son employeur, ou avec la complicité de celui-ci ? De surcroît, comment la personne gardée à vue pourra-t-elle valablement apprécier l’opportunité de cette désignation alors qu’elle ne connaît pas cet avocat ?

Sur le plan pratique, cette disposition est difficilement applicable.

J’ai bien compris le raisonnement du rapporteur, qui a tenté de trouver une solution. Il me semble toutefois nécessaire que la personne gardée à vue ait davantage marqué son intention de faire confiance à la personne qui choisira un avocat à sa place. M. le rapporteur prévoit que l’avocat pourrait également être désigné par les personnes susceptibles d’être informées du placement en garde à vue en application du premier alinéa de l’article 63-2.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il faut être plus précis et indiquer qu’il s’agit des personnes que le gardé à vue a prévenues et qui figurent sur la liste des personnes définies à l’article 63-2.

M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur marquent leur approbation.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

En effet, dans le cas d’une infraction intrafamiliale, la personne gardée à vue n’aura pas appelé son conjoint, par exemple, pour lui exposer la situation. Elle pourrait en revanche vouloir appeler son employeur, son frère ou sa sœur. Il faut donc que la personne concernée par la désignation d’un avocat soit celle que le gardé à vue a choisi d’avertir de son placement en garde à vue, de telle façon que l’on puisse être assuré d’une relation de confiance entre elles.

Je propose donc à M. Mézard de rédiger ainsi la première phrase de son amendement : « L’avocat peut également être désigné par la ou les personnes prévenues en application du premier alinéa de l’article 63-2. » S’il accepte cette rectification, j’émettrai un avis favorable.

Le Gouvernement est en tout cas défavorable à l’amendement tel qu’il est actuellement rédigé.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur Mézard, acceptez-vous la nouvelle proposition qui vous est faite par M. le garde des sceaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L’article 63-2 dispose que « toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, faire prévenir dans le délai prévu au dernier alinéa de l’article 63-1, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l’un de ses parents en ligne directe, l’un de ses frères et sœurs ou son employeur de la mesure dont elle est l’objet ».

Pour ma part, j’avais introduit dans mon amendement la précision suivante : « Cette désignation doit toutefois être confirmée par la personne. » Je ne vois donc pas très bien où est le problème.

M. le garde des sceaux s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le garde des sceaux, vous aviez peur que la désignation extérieure puisse intervenir, par exemple, dans des conditions de conflit intrafamilial. Or, dès lors qu’il est indiqué que la désignation doit être confirmée par la personne placée en garde à vue, je pense qu’un tel risque est réduit à néant.

Cela étant, comme je souhaite que nous puissions obtenir des avancées concrètes sur un problème auquel les acteurs de terrain sont souvent confrontés, j’accepte de rectifier mon amendement dans le sens proposé par M. le garde des sceaux ; cela permettra au moins de faciliter l’exercice de la défense.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis donc saisi d’un amendement n° 148 rectifié ter, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'avocat peut également être désigné par la ou les personnes prévenues en application du premier alinéa de l'article 63-2. Cette désignation doit toutefois être confirmée par la personne.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Comme je ne peux pas m’exprimer au nom de la commission, qui ne s’est pas prononcée sur cet amendement dans sa nouvelle rédaction, je vous indique que, à titre personnel, je suis favorable à la proposition de M. le garde des sceaux, dans la mesure où est maintenue la dernière phrase : « Cette désignation doit toutefois être confirmée par la personne. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je mets aux voix l'amendement n° 148 rectifié ter.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L'amendement n° 178, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Supprimer les mots :

commis d’office

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Il ne paraît pas nécessaire de restreindre la désignation du bâtonnier à des avocats « commis d’office ». Un avocat n’est pas forcément commis d’office dans de tels cas.

En fait, il s’agit presque d’un amendement rédactionnel.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Avis favorable.

L'amendement est adopté.

L'article 5 est adopté.

(Non modifié)

L’article 63-4 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 63 -4. – L’avocat désigné dans les conditions prévues à l’article 63-3-1 peut communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l’entretien.

« La durée de l’entretien ne peut excéder trente minutes.

« Lorsque la garde à vue fait l’objet d’une prolongation, la personne peut, à sa demande, s’entretenir à nouveau avec un avocat dès le début de la prolongation, dans les conditions et pour la durée prévues aux deux premiers alinéas. »

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 13, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

trente minutes

par les mots :

une heure

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Nous proposons d’augmenter la durée de l’entretien prévu entre la personne placée en garde à vue et son avocat.

L’insuffisance de la présente réforme se manifeste une fois de plus avec le dispositif institué à cet article, qui vient aggraver la faiblesse du droit à l’assistance d’un avocat.

En effet, l’entretien d’une demi-heure accordé à la personne gardée à vue avec son avocat est très nettement insuffisant pour la constitution d’une défense effective.

Nous imaginons difficilement que la personne gardée à vue puisse transmettre à son avocat les informations utiles à sa défense dans un laps de temps aussi limité que trente minutes, notamment dans le cas d’une affaire complexe.

Une telle inefficacité de l’entretien est amplifiée par le fait que l’avocat ne sera pas habilité, pour des raisons d’ailleurs sibyllines, à accéder à l’ensemble de la procédure.

La délivrance d’un conseil avisé et utile de l’avocat à son client dans ces conditions est chimérique.

Loin de répondre aux conditions d’une réelle assistance, cet entretien se traduira dans les faits par un simple réconfort psychologique et, au mieux, par un éclairage procédural sur le déroulement de la garde à vue.

Un entretien d’une durée d’une heure serait bien plus satisfaisant et permettrait, dans le cas d’affaires complexes, d’offrir à l’avocat un entretien efficace avec son client pour l’élaboration de sa défense, après avoir pris connaissance de la version de ce dernier, du procès-verbal et des différentes pièces du dossier.

C’est pourquoi il convient d’adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cet amendement concerne l’entretien préliminaire, c'est-à-dire la première rencontre entre l’avocat et la personne en garde à vue.

Pour avoir souvent évoqué ce sujet avec des praticiens, et pour en avoir moi-même fait l’expérience, je puis vous assurer que les trente minutes sont amplement suffisantes.

En effet, à ce stade de la procédure, le dossier est vide ou presque. L’entretien a d’abord une vocation psychologique – certains parlent de « visite de courtoisie », mais je trouve l’expression tout de même un peu caricaturale – ; il s’agit de donner quelques indications à la personne placée en garde à vue. Mais ce n’est certainement pas dans ce cadre que l’on peut élaborer une stratégie de défense.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je suis convaincu par l’expérience de M. le rapporteur, et j’émets donc également un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

J’avoue que les arguments avancés par M. le rapporteur m’étonnent quelque peu.

Qui peut le plus peut le moins : si nous fixons une durée d’une heure dans la loi, rien n’empêchera l’avocat de ne rester qu’une demi-heure ! Mais nous lui laissons la possibilité de rester une heure, ce qui peut se révéler fort utile sur certains dossiers compliqués.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

En l’occurrence, nous sommes au tout début de la procédure. À ce stade, le dossier est vide ou presque. Par conséquent, une durée supérieure à celle qui nous est proposée par la commission ne me paraît pas se justifier.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 78, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« À l'issue de chaque audition ou confrontation, la personne gardée à vue peut demander à s'entretenir à nouveau avec un avocat dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je me réjouis que nous puissions examiner cet amendement juste après avoir débattu de l’amendement présenté par Alima Boumediene-Thiery.

J’ai entendu les arguments qui ont été avancés. On nous dit que le dossier est vide ou presque au début de la procédure. Mais, justement : il est amené à s’étoffer au fur et à mesure des auditions et confrontations !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Et c’est au moment où le dossier commencera à s’étoffer que l’avocat ne pourra pas s’entretenir avec son client ! C’est tout de même paradoxal !

Comme nous le savons tous, il y a des évolutions dans une garde à vue ; la situation n’est pas la même au début, au milieu ou à la fin. À mon sens, la nécessité de l’entretien se fait encore plus sentir avant une audition. À défaut, l’avocat ne pourra voir son client que quelques secondes au mieux, selon le bon vouloir des forces de police, et la discussion se fera en catimini. Il me semble préférable qu’elle se fasse au grand jour et que l’avocat puisse véritablement conseiller son client.

Au demeurant, il faut cesser de croire qu’un avocat qui conseille utilement son client va forcément à l’encontre de l’enquête. Dans certains cas, un avocat peut très bien conseiller à son client de se rendre à l’évidence et d’éviter toute déclaration manifestement contraire à la réalité des faits. Cela fait également partie du rôle de l’avocat. Mais encore faut-il qu’il puisse effectivement s’entretenir avec son client !

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je suis extrêmement sensible à ce que M. Anziani vient d’indiquer.

Mais essayons d’imaginer ce qui se passera. Après tout, personne n’a encore expérimenté cette nouvelle procédure, qui introduit de grands changements, et aucun avocat n’a encore assisté à des auditions de personnes gardées à vue.

Nous devons avoir le souci – je crois qu’il est partagé – de faire en sorte que les gardes à vue ne durent pas trop longtemps. Il faut éviter de les prolonger. Or, s’il y a une multiplication des entretiens avec l’avocat – certes, cela procéderait d’une intention louable –, les gardes à vue risquent de durer non plus une dizaine ou une douzaine d’heures, comme c’est le cas aujourd'hui, mais vingt-quatre heures, et d’être alors prolongées.

La commission a procédé à un décompte. Avec un délai de carence de deux heures pour permettre l’arrivée de l’avocat, qui risque en fait de durer deux heures et quart, suivi d’un entretien d’une demi-heure, qui risque en réalité de durer trois quarts d’heure, nous allons aboutir à des gardes à vue de plus en plus longues, d’autant que l’investigation se poursuivra en même temps !

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Pour autant, je n’exclus pas que, à l’issue de l’expérimentation de la nouvelle procédure, nous devions instituer un dispositif permettant à la personne placée en garde à vue et à son avocat de s’entretenir. Mais peut-être faudrait-il alors prévoir une rencontre d’une dizaine de minutes. En tout cas, il n’est pas possible de multiplier les entretiens d’une demi-heure.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je comprends bien l’objectif des auteurs de cet amendement. Ils veulent donner tout son sens à l’expression « assistance d’un avocat ». Pour autant, je crois que l’on ne peut pas trop diminuer le temps effectif de la garde à vue.

J’avais déposé un amendement pour réduire le délai de carence de deux heures à une heure, mais je n’ai pas senti un fort soutien de la part de la commission…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Ne vous servez pas de contre-arguments, monsieur le garde des sceaux !

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Il y a déjà un délai de carence de deux heures. On ne peut pas prévoir des durées d’entretien supérieures à celles qui sont prévues par le projet de loi. En trente minutes, on peut parler, faire connaissance, s’expliquer. Certes, je n’ai pas autant d’expérience que les avocats présents dans cet hémicycle. Un nouvel entretien de trente minutes est déjà prévu en cas de prolongation de la garde à vue. On ne peut pas multiplier les entretiens. L’objectif est tout de même d’éviter tout allongement inutile de la garde à vue.

En outre, dans les faits, l’avocat pourra s’entretenir avec son client au cours des auditions, car je doute qu’elles durent vingt-quatre heures d’affilée sans la moindre interruption !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Chaque métier est difficile, monsieur le rapporteur !

Un officier de police judiciaire chargé de retrouver des délinquants a également un métier difficile. Laissons-lui tout de même la possibilité de l’exercer.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

J’ai été relativement convaincue par les arguments de notre collègue Alain Anziani, qui souhaite donner tout son sens à la notion d’« assistance d’un avocat ».

Toutefois, un autre problème risque de se poser : celui de la disponibilité des avocats. Que feront-ils entre les entretiens ? C’est une question à creuser. Et s’il y a plusieurs personnes placées en garde à vue au même endroit, faudra-t-il mobiliser plusieurs avocats qui devront être disponibles pendant une durée indéterminée ?

La proposition formulée par M. Anziani est pertinente et traduit sa volonté que l’assistance par l’avocat soit effective. En même temps, je crois qu’elle soulève quelques difficultés de mise en œuvre pratique auxquelles nous devons réfléchir si nous voulons que la loi s’applique et que les personnes en garde à vue bénéficient d’une véritable protection.

En l’état actuel, je ne vois pas comment un tel dispositif pourrait entrer en vigueur. Je ne voterai donc malheureusement pas cet amendement, bien que je le trouve très intéressant.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

M. Alain Anziani. J’attire tout de même votre attention sur le fait que les entretiens auront tout de même lieu en pratique.

M. le garde des sceaux et M. le rapporteur acquiescent.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Les choses ne se passeront pas de la même manière à Lille, à Lyon ou à Bordeaux !

Or notre rôle est tout de même d’apporter des clarifications et de ne pas laisser les acteurs locaux déterminer la norme sur un tel sujet.

Madame Goulet, il est possible que les avocats soient effectivement confrontés à des difficultés en pratique. Mais notre rôle est bien de fixer des règles. Il appartiendra ensuite aux avocats de voir comment s’y adapter pour assister au mieux leurs clients.

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 29, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce droit lui est notifié en même temps que la décision de prolongation.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cette précision doit être notifiée au prévenu afin que tout soit bien clair pour lui.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

La commission s’est déjà prononcée défavorablement sur cette question tout à l’heure.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

La commission préfère une notification en début de garde à vue claire, complète, améliorée, telle que le prévoit le texte.

Pourquoi vouloir multiplier les notifications ? Une telle mesure pourrait se justifier si la prolongation modifiait les droits du gardé à vue, mais ce ne sera pas le cas. Une nouvelle notification n’est donc pas utile.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté.

Après le même article 63-4, sont insérés quatre articles 63-4-1 à 63-4-4 ainsi rédigés :

« Art. 63 -4 -1. – À sa demande, l’avocat peut consulter le procès-verbal établi en application du dernier alinéa du I de l’article 63-1 constatant la notification du placement en garde à vue et des droits y étant attachés, le certificat médical établi en application de l’article 63-3, ainsi que les procès-verbaux d’audition de la personne qu’il assiste. Il ne peut en demander ou en prendre une quelconque copie.

« Art. 63 -4 -2 . – La personne gardée à vue peut demander que l’avocat assiste à ses auditions. Dans ce cas, la première audition ne peut débuter sans la présence de l’avocat choisi ou commis d’office avant l’expiration d’un délai de deux heures suivant l’avis adressé dans les conditions prévues à l’article 63-3-1, de la demande formulée par la personne gardée à vue d’être assistée par un avocat.

« Si l’avocat se présente après l’expiration du délai prévu au premier alinéa alors qu’une audition est en cours, celle-ci est interrompue à la demande de la personne gardée à vue afin de lui permettre de s’entretenir avec son avocat dans les conditions prévues à l’article 63-4 et que celui-ci prenne connaissance des documents prévus à l’article 63-4-1. Si la personne gardée à vue ne demande pas à s’entretenir avec son avocat, celui-ci peut assister à l’audition en cours dès son arrivée dans les locaux du service de police judiciaire.

« Toutefois, à la demande de l’officier de police judiciaire, le procureur de la République peut autoriser celui-ci soit à débuter immédiatement l’audition de la personne gardée à vue sans attendre l’expiration du délai de deux heures prévu au premier alinéa, soit à différer la présence de l’avocat lors des auditions pendant une durée ne pouvant excéder douze heures lorsque cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l’enquête soit pour permettre le bon déroulement d’investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves, soit pour prévenir une atteinte imminente aux personnes. L’autorisation du procureur de la République est écrite et motivée.

« Dans le cas prévu au quatrième alinéa, le procureur de la République peut décider à la demande de l’officier de police judiciaire que, pendant la durée fixée par l’autorisation, l’avocat ne peut consulter les procès-verbaux d’audition de la personne gardée à vue.

« Lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, la présence de l’avocat lors des auditions peut, dans les limites fixées au quatrième alinéa, être différée, au-delà de la douzième heure, jusqu’à la vingt-quatrième heure, par décision écrite et motivée du juge des libertés et de la détention statuant à la requête du procureur de la République.

« Art. 63-4-3. – L’audition est menée sous la direction de l’officier ou de l’agent de police judiciaire qui peut à tout moment, en cas de difficulté, y mettre un terme et en aviser immédiatement le procureur de la République qui informe, s’il y a lieu, le bâtonnier aux fins de désignation d’un autre avocat.

« À l’issue de chaque audition à laquelle il assiste, l’avocat peut poser des questions. L’officier ou l’agent de police judiciaire ne peut s’opposer aux questions que si celles-ci sont de nature à nuire au bon déroulement de l’enquête ou à la dignité de la personne. Mention de ce refus est portée au procès-verbal.

« À l’issue de chaque entretien avec la personne gardée à vue et de chaque audition à laquelle il a assisté, l’avocat peut présenter des observations écrites dans lesquelles il peut consigner les questions refusées en application du premier alinéa. Celles-ci sont jointes à la procédure. L’avocat peut adresser ses observations, ou copie de celles-ci, au procureur de la République pendant la durée de la garde à vue.

« Art. 63 -4 -4. –

Non modifié

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Désormais, trois dates compteront dans la procédure pénale en France : l’arrivée de l’avocat au procès pénal en 1789, l’arrivée de l’avocat dans les cabinets d’instruction en 1895 et l’arrivée de l’avocat dans les commissariats en 2011.

Certes, cette arrivée était très attendue, mais ce projet de loi est empreint d’une certaine hypocrisie : il prévoit la présence de l’avocat, tout en réduisant à peau de chagrin l’efficacité de son intervention.

À première vue, le texte constitue une avancée puisqu’il institue la présence de l’avocat tout au long de la garde à vue. Mais c’est précisément là que le bât blesse. Les inquiétudes de la profession sont légitimes et méritent d’être relayées. Nous les partageons. Elles sont d’autant plus vives que le projet n’est pas satisfaisant au regard des attentes des praticiens et qu’il risque de sacraliser la phase policière des procédures en conférant aux procès-verbaux une valeur absolue.

La personne gardée à vue est immédiatement informée de son droit d’être assistée par un avocat, nous dit le texte, mais l’avocat désigné ne peut s’entretenir avec le gardé à vue que pendant trente minutes. Un amendement visant à doubler ce temps a été refusé. L’avocat a le droit de consulter les procès-verbaux du dossier, mais pas d’en prendre copie. L’avocat peut assister aux auditions, mais ne dispose que d’un délai de deux heures pour arriver, faute de quoi l’audition peut commencer sans lui. Le procureur peut différer de douze heures la présence de l’avocat aux auditions lorsqu’une telle mesure apparaît indispensable au bon déroulement de l’enquête, pour des raisons impérieuses, sans possibilité de consultation du dossier, s’il le décide. Douze heures, c’est souvent largement suffisant pour attendrir le suspect ! Et il ne nous est pas garanti que les déclarations faites pendant les douze heures passées sans l’assistance de l’avocat ne serviront pas de fondement à une condamnation ultérieure, en application de la magnifique déclaration de principe introduite à l’article préliminaire du code de procédure pénale.

Enfin, l’officier de police judiciaire peut s’opposer aux questions de l’avocat et informer le procureur de la République s’il « estime que l’avocat perturbe gravement le bon déroulement d’une audition », lequel procureur pourra demander au bâtonnier la désignation d’un nouvel avocat qu’on espérera plus docile.

Et nous ne traitons pas encore des régimes dérogatoires ! Seules sont concernées, pour l’instant, par cet articles les gardes à vue relevant du régime de droit commun. C’est vous dire le sort, bien mince, réservé au droit de la défense dans ce projet de loi.

Ainsi, mes chers collègues, le rôle de l’avocat est d’être un spectateur passif, voire un surveillant des interrogatoires de son client, quand sa présence n’est pas exclue ou différée.

Pourquoi vous montrer aujourd’hui aussi méfiants, pour ne pas dire défiants, par rapport aux aménagements que nous proposons ?

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 114 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

À sa demande, l’avocat peut avoir accès tout au long du déroulement de la garde à vue à toutes les pièces du dossier pénal qui concernent directement la personne qu’il assiste.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement vise à permettre à l’avocat d’avoir accès, durant l’ensemble de la mesure de garde à vue, à la totalité des pièces du dossier pénal qui intéressent directement son client.

Concrètement, la restriction de la transmission à l’avocat des seules pièces sur lesquelles se fonde la garde à vue, et à la disposition de l’officier de police judiciaire, n’est justifiée que par la volonté de ne pas donner à l’avocat plus d’informations que celles dont dispose l’officier de police judiciaire. Or il est en réalité très rare qu’un officier de police judiciaire ne dispose pas de l’ensemble des éléments du dossier. Cela survient, par exemple, lorsque certaines mesures sont délocalisées.

On constate donc que l’argument qui fonde cet accès limité ne tient pas.

On rappellera que, dans son arrêt Danayan c/Turquie du 13 octobre 2009, la Cour européenne des droits de l’homme soulignait que « l’équité de la procédure requiert que l’accusé puisse obtenir toute la vaste gamme d’interventions qui sont propres au conseil » dès la première minute de sa garde à vue. Elle ajoutait également que « la discussion de l’affaire, l’organisation de la défense, la recherche des preuves favorables à l’accusé, la préparation des interrogatoires, le soutien de l’accusé en détresse et le contrôle des conditions de détention sont des éléments fondamentaux de la défense que l’avocat doit librement exercer ».

En d’autres termes, la Cour européenne des droits de l’homme a posé que l’assistance de l’avocat ne peut être limitée à sa seule présence et à la consultation des procès-verbaux d’audition. L’assistance doit être effective. Elle ne peut pas être à moitié ou au tiers ; il faut qu’elle soit complète. L’avocat doit immédiatement être en mesure d’assurer la défense de son client sur le fond de l’affaire qui a justifié la garde à vue, d’autant qu’une possibilité d’intervention lui est accordée par les nouvelles dispositions. Cette notion de défense effective a été reprise par le Conseil constitutionnel, puis par la Cour de cassation dans l’arrêt Sahraoui du 19 octobre dernier.

Or cette défense effective n’est évidemment pas garantie par l’article 7. Je ne comprends donc pas pourquoi cet amendement a reçu un avis défavorable. D’une manière ou d’une autre, l’assistance devra être effective. Cela prendra peut-être un peu de temps, mais il faudra y arriver !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 30, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

peut consulter

par les mots :

peut, dès son arrivée, consulter l'ensemble du dossier pénal à disposition de l'officier de police judiciaire qui comprend notamment

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cet amendement a le même objet que le précédent.

Comme M. Hyest n’aime pas l’adverbe « notamment », je précise que nous acceptons de le supprimer dans la rédaction que nous proposons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Ce n’est pas moi qui n’aime pas le mot : « notamment », c’est le droit !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

! Et vous avez raison !

Bref, cet amendement n’a pas reçu un avis favorable, car le principe du secret de l’enquête lui a été opposé. Mais il faut rappeler que ce principe ne doit pas jouer au détriment des droits de la défense !

L’avocat est un professionnel du droit et il est lié déontologiquement par le secret qu’il a juré de garder en prêtant serment. Si cette obligation déontologique de non-révélation ne devait pas suffire à convaincre de l’absence de risque d’atteinte au secret de l’enquête et de l’instruction par l’avocat, l’article 226-13 du code pénal servirait de rempart contre les avocats fautifs passibles de répression.

Ainsi, le secret de l’enquête et de l’instruction serait préservé par le secret professionnel de l’avocat.

Rappelons que le justiciable doit bénéficier de l’assistance effective d’un avocat sans report possible, avec toute la panoplie des droits reconnus à la défense qui ne saurait être une défense alibi, mais qui doit être aussi active au cours de la garde à vue et de l’enquête que le parquet est susceptible de l’être dans son rôle d’enquêteur.

Le dossier est ce qu’il est. Certes, il n’est pas complet au début de l’enquête. Mais il serait normal que l’avocat en ait connaissance.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 79, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Après les mots :

l'article 63-3,

Rédiger ainsi la fin de cette phrase :

et toutes les pièces qui mettent en cause directement son client.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Cet amendement tend à préciser quels sont les droits d’accès de l’avocat au dossier. Aujourd'hui, ces droits sont limités à un certain nombre de pièces.

Le sens de cet accès est évidemment de permettre à l’avocat de savoir exactement ce qui est reproché à son client. Il convient donc d’aller au-delà de la formulation actuelle, très restrictive, pour préciser que l’avocat doit pouvoir accéder à toutes les pièces qui mettent en cause son client.

Pourquoi cette formulation ? On sait que l’accès total n’est pas possible. Les différentes parties du dossier ne sont pas toutes réunies au même endroit. Par ailleurs, l’avocat n’a pas forcément à avoir accès à des pièces qui concernent d’autres personnes que son client. Son accès est donc limité aux éléments relatifs à son client, par exemple aux déclarations d’un témoin ou d’une autre personne suspecte qui l’accusent.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 115 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 2, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et les pièces du dossier mettant en cause la personne gardée à vue

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Le projet de loi autorise la consultation des procès-verbaux d’auditions. Les différents amendements qui ont été exposés ouvriraient la possibilité de consulter toutes les pièces du dossier pénal qui concerneraient directement la personne.

J’ai encore en tête les propos d’un de nos éminents collègues, ancien garde des sceaux, lors du débat que nous avions organisé au Sénat sur la garde à vue en février 2010. J’avais été frappé par son témoignage, fondé sur ses expériences variées. Il soulignait que la consultation de l’intégralité du dossier pénal ne s’imposait qu’au stade de la mise en examen. Il nous rappelait qu’il ne fallait pas confondre la phase de l’enquête de police, d’une part, avec la phase judiciaire de la procédure, d’autre part.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Il avait affirmé qu’en mélangeant ces deux étapes nous risquerions d’engendrer des difficultés, de sombrer dans la confusion la plus totale, voire d’entraîner la nullité de la procédure. Par ailleurs, le dossier pénal n’est pas une simple chemise contenant des notes et des photocopies. C’est l’élément clé de la procédure : il y a les pièces du dossier, qui serviront lors du procès, et les éléments qui ne figurent pas dans le dossier et n’ont aucune valeur.

Pendant l’enquête, de nombreux éléments sont versés au dossier. Or on connaît la difficulté qu’éprouvent les juges d’instruction à tenir leur dossier à jour, afin qu’il soit consultable par les avocats – je pense notamment à l’établissement d’une cotation correcte qui permette de disposer de pièces de procédure incontestables. Un officier de police judiciaire, qui ne sera pas assisté par un greffier et devra agir dans un laps de temps extrêmement bref, ne sera pas en mesure de présenter à tout moment de la garde à vue un dossier en ordre, accessible à l’avocat et non contestable dans la suite de la procédure.

Pour toutes ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur ces quatre amendements.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. le rapporteur vient de présenter excellemment tous les arguments qui militent en faveur d’un avis défavorable sur ces quatre amendements. Je confirme cet avis, au nom du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote sur l’amendement n° 114 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je m’étonne des objections qui nous sont opposées. M. le rapporteur a invoqué la difficulté de maintenir un dossier d’instruction à jour, avec toutes ses pièces cotées, mais la période de garde à vue étant beaucoup plus courte que la période d’instruction, la difficulté n’est absolument pas comparable.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Monsieur le rapporteur, il est tout à fait louable de se référer aux propos de notre excellent et éminent collègue Robert Badinter, mais il faudrait vous y référer constamment : or je note que vous-même ou le Gouvernement le faites uniquement lorsque cela vous arrange !

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Tout à fait !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

J’ai sous les yeux la page 62 du rapport car je m’attendais à l’objection de M. le rapporteur. Mais Robert Badinter a présenté d’autres propositions qui auraient mérité un accueil plus favorable, tant de la part de M. le rapporteur que de celle du Gouvernement.

Revenons-en aux quatre amendements qui visent à permettre à l’avocat d’avoir une vision du dossier qui ne soit pas tronquée. À défaut, comment remplira-t-il sa mission ? Il faut qu’il dispose au moins des procès-verbaux de toutes les auditions : cette solution me paraîtrait raisonnable. Nous risquons, dans le cas contraire, de voir surgir de nouvelles difficultés donnant matière à recours. Si vous ne voulez pas ouvrir l’accès à toutes les pièces du dossier pénal, permettez au moins à l’avocat de prendre connaissance de toutes les auditions. De toute façon, il faudra bien y venir !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Excusez-moi de m’inviter dans ce débat, mais je souhaiterais apporter deux précisions.

Premièrement, Robert Badinter est signataire de notre amendement n° 79. Ce détail vous avait peut-être échappé.

Deuxièmement, l’expression « pièces qui mettent en cause directement son client » a été examinée avec Robert Badinter, et c’est en parfait accord avec lui qu’elle a été retenue, après de longs débats, notamment sur la notion de dossier. Il s’agit donc d’une proposition mûrement réfléchie de l’ensemble du groupe socialiste.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 80, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Il peut en prendre copie par ses propres moyens.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Monsieur le président, je vais vous faire un aveu : notre amendement ouvre à l’avocat la possibilité de « prendre copie par ses propres moyens » des éléments du dossier. En fait, notre volonté était simplement de permettre à l’avocat de « prendre copie » ; mais nous savions qu’en nous limitant à cette rédaction, nous nous exposions aux foudres de l’article 40 de la Constitution, c’est pourquoi nous avons ajouté les mots « par ses propres moyens ».

Sur le fond, nous voulons permettre à l’avocat de s’emparer intellectuellement du dossier pour, une fois rentré dans son cabinet, loin du feu de l’action, de pouvoir réfléchir aux pièces qu’il contient.

Aujourd’hui, il est tout à fait possible de prendre copie d’une pièce par ses propres moyens, grâce à un scanner portatif ou en recourant à un dictaphone pour conserver la trace d’un certain nombre d’éléments.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L’amendement n° 116 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Il ne peut en demander une copie.

La parole est à M. Jacques Mézard.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement ne relève pas de la provocation.

La dernière phrase de l’alinéa 2 de l’article 7, relatif aux pièces communiquées à l’avocat, est actuellement ainsi rédigée : « Il ne peut en demander ou en prendre une quelconque copie ». J’ai écouté avec intérêt les explications de notre collègue Alain Anziani : que signifie « prendre copie » ? Cette formulation me paraît particulièrement surprenante : si l’on entend par là que l’avocat pourrait, de lui-même, emporter une copie du procès-verbal sans autorisation, c’est assez original !

Plus simplement, il me semble qu’il s’agit d’une maladresse rédactionnelle, car il est tout aussi illogique d’interdire strictement à l’avocat de posséder une copie de ce procès-verbal, dans la mesure où cette pièce participe de la régularité de la procédure de garde à vue. À mon avis, rien ne devrait empêcher un officier de police judiciaire de donner de lui-même une copie à l’avocat, dans le souci d’assurer une défense effective et loyale de la personne gardée à vue.

Quoi qu’il en soit, la rédaction qui prévoit que l’avocat ne peut « en prendre une quelconque copie » est trop vague : ou il a le droit ou il ne l’a pas ! Sinon, on pourrait croire qu’il est suspecté de chaparder des pièces ou de les copier en douce ! J’ai donc été particulièrement surpris de trouver cette formulation dans le texte du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il faut faire attention : bientôt, c’est l’avocat qui sera mis en garde à vue !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je salue la sagacité rédactionnelle de notre collègue Jacques Mézard. Notre rôle consiste effectivement à élaborer le meilleur texte possible ; l’amendement n° 116 rectifié apporte donc très certainement une plus-value rédactionnelle.

En effet, la rédaction de l’amendement n° 80 de notre collègue Alain Anziani ne peut recueillir l’assentiment de la commission des lois, car l’expression « prendre copie » est floue. La formulation « une quelconque copie », qui figure dans le texte élaboré par l’Assemblée nationale, n’est pas meilleure.

C’est pourquoi la commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 116 rectifié et un avis défavorable sur l’amendement n° 80.

J’ajoute, monsieur le président, qu’il aurait été opportun d’aborder dans la foulée l’amendement n° 81, qui traite exactement de la même question…

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J’appelle donc en discussion l’amendement n° 81, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il peut toutefois prendre des notes.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 81 ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cet amendement tend à préciser dans le texte du projet de loi que l’avocat peut prendre des notes. La commission des lois a estimé que c’était bien le moins que puisse faire un avocat et elle a donc émis un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l’amendement n° 80, présenté par M. Anziani.

En ce qui concerne l’amendement n° 116 rectifié, je partage le sentiment exprimé par M. Mézard : il faut soit autoriser, soit refuser la copie des pièces. Le Gouvernement souhaite la refuser. J’émettrais donc un avis favorable sur cet amendement si M. Mézard acceptait de le rédiger comme suit : « Il ne peut en demander ou en réaliser une copie ».

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur Mézard, que pensez-vous de la suggestion de M. le garde des sceaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je l’accepte, monsieur le président, et je rectifie mon amendement en ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis donc saisi d’un amendement n° 116 rectifié bis, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi et ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Il ne peut en demander ou en réaliser une copie.

Veuillez poursuivre, monsieur le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

S’agissant de l'amendement n° 81, le Gouvernement considère que l’avocat du gardé à vue peut bien évidemment prendre des notes lorsqu’il consulte les procès-verbaux d’auditions. Il peut même en prendre pendant les auditions, cela ne pose absolument aucun problème.

Au demeurant, cette précision me paraît assez inutile, car elle ne relève pas du domaine de la loi. De plus, cet ajout pourrait entraîner des interprétations a contrario : ainsi, le code de procédure pénale ne précise pas que l’avocat peut prendre des notes lorsque le dossier d’instruction est mis à sa disposition ; il en prend quand même, c’est une question de fait.

J’ai bien compris que M. le rapporteur était favorable à cet amendement, mais il me semble qu’il ne faut pas trop corseter la pratique. Je serais donc plutôt enclin à émettre un avis défavorable, mais, afin de rester dans le cadre d’un dialogue fructueux, je m’en remettrai à la sagesse du Sénat.

L’amendement n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je mets aux voix l’amendement n° 116 rectifié bis.

L’amendement est adopté.

L’amendement est adopté à l’unanimité des présents.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 82, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

L’avocat peut assister aux auditions et confrontations de la personne gardée à vue.

La parole est à Mme Virginie Klès.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, monsieur le président, je présenterai en même temps l’amendement n° 84.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

J’appelle donc en discussion l’amendement n° 84 rectifié, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et ainsi libellé :

Alinéa 3, première phrase

Compléter cette phrase par les mots :

et confrontations

Vous avez la parole, ma chère collègue, pour défendre les amendements n° 82 et 84 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Ces deux amendements ont pour objet de réaffirmer le droit de l’avocat d’assister non seulement aux auditions mais aussi aux confrontations du gardé à vue, sachant que l’initiative peut venir de lui-même, dans un cas, ou de la personne gardée à vue, dans l’autre cas.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

La commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 82. En effet, ce n’est pas l’avocat qui va diriger la garde à vue. En outre, il apparaît préférable de laisser à la personne gardée à vue la liberté de décider si elle souhaite bénéficier ou non de la présence d’un avocat. Il n’appartient pas à l’avocat de se substituer au gardé à vue.

En revanche, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 84 rectifié. Tout ce qui vaut pour les auditions vaut aussi pour les confrontations.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le Gouvernement partage le sentiment de la commission sur l’amendement n° 82 ; aussi, il émet un avis défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 84 rectifié, il est évident que l’avocat pourra assister à la confrontation. Dans la mesure où je ne suis pas avocat, il est possible que je commette une grave erreur – auquel cas je rectifierai ma position –, mais je considère que la confrontation et l’audition désignent la même chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’est vrai ! Il est déjà question, ailleurs, d’audition et de confrontation.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Par conséquent, cet amendement est satisfait.

La justice requiert d’amples réformes. S’il faut employer deux mots pour désigner une même réalité, on comprend que les processus soient parfois un peu longs ! Je le répète, une audition peut aussi être une confrontation.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Bien sûr que si ! Qu’en savez-vous, madame Boumediene-Thiery ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Tout le monde sait bien, ici, que ces deux termes désignent la même chose !

Certes, n’ayant, pour ma part, jamais été placé en garde à vue, je ne peux parler d’expérience !

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Cela viendra peut-être !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

En tout cas, le Gouvernement maintient son avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 83, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 3, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Au cours de celles-ci, l'avocat peut prendre des notes.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Toujours dans le même esprit, nous proposons que l’avocat soit autorisé à prendre des notes au cours des auditions et des confrontations.

Je crois savoir que M. le président de la commission et M. le rapporteur souhaiteraient que je rectifie cet amendement de manière à en affiner la rédaction. J’annonce d’emblée que j’accède bien volontiers à cette demande.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

M. François Zocchetto, rapporteur. J’espère que M. le garde des sceaux ne nous en voudra pas de vouloir, une nouvelle fois, autoriser l’avocat à prendre des notes !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Comme M. Anziani l’a évoqué, la commission lui suggère de rectifier son amendement en remplaçant les mots « au cours de celles-ci » par les mots « au cours des auditions ou confrontations », le reste demeurant sans changement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

M. Anziani a d’ores et déjà indiqué qu’il acceptait de rectifier son amendement dans ce sens.

Il s’agit donc de l’amendement n° 83 rectifié, ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Au cours des auditions ou confrontations, l'avocat peut prendre des notes.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il va y être défavorable, car cet amendement ne peut que lui déplaire !

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

J’avoue que les bras m’en tombent un peu ! Il est quand même bizarre que ce soient des avocats qui soutiennent de telles idées !

Après tout, pendant que l’avocat prend des notes, il se tait et il ne fait rien d’autre. Il vaudrait mieux pour son client qu’il s’exprime pour le soutenir, mais il est vrai qu’il ne peut prendre la parole qu’à la fin de l’audition.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le temps qu’il relise ses notes et l’audition ou la confrontation sera terminée !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

J’avais dans l’idée – étrange idée, probablement – que l’avocat avait toute liberté pour prendre des notes ou ne pas en prendre. Bientôt, nous serons amenés à examiner un amendement visant à indiquer à quel moment il doit prendre ses notes ou quelles abréviations il doit utiliser…

L’avocat est libre. Il construit avec son client une relation de confiance et c’est la raison pour laquelle ce dernier l’a désigné.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Il s’agit juste de l’autoriser à prendre des notes !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Autoriser ou non l’avocat à prendre des notes ne relève pas du domaine de la loi, et M. le président de la commission des lois le sait très bien. Aussi, j’en appelle à son autorité. Cela étant, si l’objectif est de faire plaisir à tout le monde, j’accepte bien volontiers, tout en renouvelant l’avis défavorable du Gouvernement sur cet amendement, d’accueillir le résultat du vote avec une grande sagesse.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Tout d’abord, il convient de rappeler que l’avocat joue un rôle limité au cours de la garde à vue.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Il pourrait être très dangereux de modifier complètement son rôle de telle sorte que certains avocats puissent en profiter pour paralyser la garde à vue et l’enquête. Je ne vais pas citer de noms, mais on en connaît qui ficheraient la pagaille assez vite ! Bien entendu, je ne vise personne ici !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En revanche, certains, parmi nous, qui pourraient devenir avocat, ficheraient, eux, volontiers la pagaille ! Là encore, je ne citerai aucun nom.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Mme Josiane Mathon-Poinat. Vous êtes suspicieux !

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le garde des sceaux, il vaudrait mieux, me semble-t-il, préciser un certain nombre de points.

Imaginez qu’un officier de police judiciaire interdise à un avocat de prendre des notes. Vous savez, on trouve tous les genres d’individu dans la nature ! Cette disposition est d’ordre non pas réglementaire, mais législative, car nous sommes dans le domaine de la procédure pénale. Les circulaires d’application, quant à elles, n’ont pas de caractère réglementaire : elles n’ont d’autre objet que d’expliciter des dispositions. Peut-être une circulaire suffirait-elle, ...

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

... mais, je le répète, elle n’aurait de toute façon aucun caractère réglementaire.

Sur le fond, monsieur le garde des sceaux, je partage votre analyse. Mais, puisque nous avons déjà décidé tout à l’heure d’autoriser une première fois la prise de notes, je suis, comme la commission, favorable à ce que le code de procédure pénale autorise explicitement l’avocat à prendre des notes au cours des auditions ou confrontations.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Alain Anziani, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

M. Alain Anziani. Je tiens à rassurer M. le garde des sceaux : les avocats ont parfaitement la capacité d’écrire et de s’exprimer en même temps !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

L’esprit du projet de loi est clair : autoriser la présence de l’avocat tout en définissant précisément et rigoureusement son rôle. Or la rédaction de la dernière phrase de l’alinéa 2 pose problème : « Il ne peut en demander ou en prendre une quelconque copie. » C’est la raison pour laquelle nous avons déposé ces amendements.

À cet égard, je souscris aux propos pleins de sagesse du président de la commission. Imaginons, par exemple, que, au cours d’une garde à vue, un officier de police judiciaire objecte à l’avocat que, prendre des notes, c’est prendre copie, et lui interdise par conséquent de poursuivre ! Voilà la difficulté que nous souhaitons prévenir.

L'amendement est adopté à l'unanimité des présents.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 163, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3, seconde phrase

Après les mots :

la première audition

insérer les mots :

, sauf si elle porte uniquement sur les éléments de personnalité,

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Après tous les efforts que j’ai consentis, j’espère que la commission acceptera mes amendements aussi facilement que d’autres.

Sourires

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Cet amendement de précision vise à apporter une solution pragmatique destinée à concilier les nécessités de l’enquête et la préservation des droits de la défense. Le Gouvernement propose ainsi que la présence de l’avocat ne soit pas obligatoire lorsque la première audition porte uniquement sur les éléments de personnalité. Les services de police et de gendarmerie pourraient ainsi entendre la personne gardée à vue durant les deux premières heures de la mesure, y compris sans avocat, à condition que cette audition ne porte que sur des éléments de personnalité. Notre objectif est clair : il s’agit de consacrer utilement le temps de la garde à vue aux questions de fond en évacuant préalablement les questions liées à la personnalité de la personne mise en cause.

Cette mesure est essentielle si l’on veut que la garde à vue se déroule dans de bonnes conditions et ne se prolonge pas. En effet, si ces questions d’état civil ne sont pas abordées au cours de cette première phase, elles devront l’être ensuite, ce qui entraînera la prolongation de la garde à vue. Est-ce là le but visé ? Si l’on considère que la garde à vue doit être aussi courte que possible, l’adoption de l’amendement du Gouvernement devrait permettre de satisfaire cet objectif, d’autant – et nous l’avons tous souligné – que la question demeure de savoir quelle autorité judiciaire doit décider cette prolongation.

Espérant avoir convaincu la commission du bien-fondé de cet amendement, je vous invite, mesdames, messieurs les sénateurs, à le voter.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

M. François Zocchetto, rapporteur. Monsieur le garde des sceaux, quitte à vous contrarier une nouvelle fois – d’autant que ce n’est peut-être pas la dernière

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Pourquoi ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Nous pensons qu’il n’est pas si aisé de distinguer entre l’interrogatoire de personnalité et l’interrogatoire portant sur les éléments de l’enquête.

À l’appui de ma démonstration, je vous rapporterai cet exemple d’interrogatoire, cité en commission.

Question : « Où habitez-vous ? ». Réponse : « À tel endroit. » « Pourquoi ? » « Êtes-vous marié ? » « Non. » « Vivez-vous seul ? » « Non. » « Alors expliquez-nous ! » « Quelles sont vos ressources ? » La personne indique ou non ses ressources. « Comment les justifiez-vous ? »

Comme vous pouvez le constater, il est assez difficile, au cours de l’interrogatoire de personnalité, de s’en tenir à des questions et à des réponses simples.

Monsieur le garde des sceaux, nous attirons votre attention sur le fait que l’adoption de cet amendement risquerait de fragiliser les procédures en favorisant les nullités. Je rappelle que, aux termes de l’article 1er A du projet de loi, qui complète l’article préliminaire du code de procédure pénale, les déclarations faites hors la présence d’un avocat n’ont pas la même valeur que celles qui sont faites en sa présence.

La commission est unanimement convaincue qu’il vaut mieux prévoir deux cas de figure très simples : soit le gardé à vue veut bénéficier de l’assistance d’un avocat et les questions ne peuvent lui être posées qu’à compter de l’arrivée de ce dernier, soit il ne le désire pas et, dans ce cas, le flot des questions peut immédiatement commencer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Je souscris entièrement au point de vue de la commission. Ce n’est qu’a posteriori, à l’issue de l’interrogatoire, qu’on sait si celui-ci a porté strictement sur les éléments de personnalité ou si, comme l’a dit le rapporteur, les questions ont concerné d’autres sujets.

Monsieur le garde des sceaux, votre idée est excellente, mais en théorie, car, en pratique, son application sera source de problèmes et pourrait même contrevenir à l’objectif du présent texte, à savoir l’assistance par un avocat.

Je le répète, la commission a adopté une position sage.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Monsieur le garde des sceaux, vous savez faire preuve d’un certain humour dans vos interventions, mais, comme je vous disais ce matin : perseverare diabolicum. Et, dans le cas présent, l’enfer n’est pas pavé de bonnes intentions…

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement est la démonstration de la résistance qui peut être opposée, par philosophie, aux évolutions prévues pour la garde à vue.

Monsieur le garde des sceaux, il faut avoir assisté, au cours de sa vie professionnelle, à des interrogatoires de personnalité pour savoir ce que recouvrent en réalité les mots « éléments de personnalité ». Il n’est pas raisonnable d’écrire, comme on peut le lire dans l’objet de l’amendement, qu’il s’agit par exemple de l’identité, des charges et des ressources de la personne. Voici le genre de questions qui peuvent être posées : « Monsieur, avez-vous l’habitude de boire ? » – C’est une question de personnalité ! – « Avez-vous l’habitude de vous adonner à la consommation de produits stupéfiants ? »

Nous l’avons tous compris, c’est avec de telles questions qu’on commence à « cuisiner » le gardé à vue. Cela, nous devons l’éviter, et c’est pourquoi je partage entièrement l’avis de la commission.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Monsieur Mézard, nous n’avons aucune volonté d’aller contre la réforme, au contraire, et j’entends bien le prouver dès maintenant, et plus tard lors de sa mise en œuvre ! Néanmoins, il ne faut pas tout paralyser en confondant tout.

Ce que vous avez évoqué, monsieur Mézard, ressemble plus à l’enquête de personnalité faite par le juge d’instruction qu’au procès-verbal de personnalité fait dans le cadre de la garde à vue. Je rappelle que le procès-verbal de personnalité porte uniquement sur des questions d’état civil et sur rien d’autre.

Dans le cadre de la garde à vue, il s’agit de préparer l’enquête et de ne pas retarder indéfiniment le moment où l’on commencera à interroger sur le fond la personne gardée à vue. Sinon, on ne fera que prolonger la garde à vue, c’est-à-dire l’inverse de ce que l’on voulait obtenir, puisque nous voulons réduire le nombre de garde à vues et en limiter la durée.

C’est la raison pour laquelle cet amendement me semble de bon sens. Il ne s’agit pas du tout d’établir un procès-verbal de fond sur la personnalité mais de relever son état civil.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Peut-être, mais je rappelle que vingt-quatre heures, c’est très court.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Je me demande si l’on ne pourrait pas mettre tout le monde d’accord en remplaçant l’expression « éléments de personnalité » par l’expression « éléments d’identité » ou « éléments d’identité de la personne ».

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Pour montrer que je suis ouvert au dialogue, j’accepte !

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

C’est exactement ce que je voulais dire. Je voulais demander à M. le ministre de rectifier son amendement en indiquant « éléments d’identité », puisque le terme « personnalité » inclut également le comportement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

L’idée de notre collègue Yves Détraigne me semble excellente !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Il me semble que le terme « identité » n’est pas celui qui convient ; il serait préférable de parler d’ « éléments d’état civil ».

La notion d’ « identité » est mal définie, on ne sait pas très bien ce qu’elle recouvre. À l’inverse la notion d’ « état civil » est claire, on sait ce que c’est.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Qu’en pensez-vous, monsieur le garde des sceaux ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je préfère le terme « identité » proposé par M. Détraigne et je rectifie l’amendement du Gouvernement dans ce sens.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis donc saisi d’un amendement n° 163 rectifié, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :

Alinéa 3, seconde phrase

Après les mots :

la première audition

insérer les mots :

, sauf si elle porte uniquement sur les éléments d'identité,

Je le mets aux voix.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 164 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3, seconde phrase

Remplacer les mots :

de deux heures

par les mots :

d'une heure

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Cet amendement vise à réduire le délai durant lequel les services de police ne peuvent commencer le premier interrogatoire de la personne gardée à vue sans la présence d'un avocat, lorsqu'une telle assistance a été sollicitée.

Le texte de la commission prévoit un délai d’attente – je préfère, d’ailleurs, le terme « attente » à tout autre mot – de deux heures. L’amendement que je soutiens, au nom du Gouvernement, a pour objet de réduire ce délai à une heure.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

L'existence d'un délai d'attente, qui court à compter du moment où l'avis à l’avocat a été adressé, paraît nécessaire pour permettre à celui-ci de se présenter. Toutefois, il ne peut être occulté que ce délai contribuera à ralentir les investigations des services de police et allongera d'autant les mesures de garde à vue.

C'est pourquoi le présent amendement limite à une heure la durée de ce délai. Une telle durée permet de concilier l'effectivité de l'assistance de l'avocat et l'efficience de la garde à vue.

C’est pourquoi le Sénat devrait adopter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

L’Assemblée nationale a eu une excellente idée en instaurant ce délai de carence, et elle n’a pas fixé le délai de deux heures par hasard.

Monsieur le garde des sceaux, ce délai répond à des considérations pratiques. Il faut prendre en compte, en particulier dans les départements ruraux, le délai d’accès aux brigades de gendarmerie où peuvent se dérouler les gardes à vue.

Un certain nombre d’entre nous sont issus de départements ruraux. Ils connaissent le temps qu’il faut pour rejoindre la brigade de gendarmerie la plus éloignée.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je sais ce qu’il en est dans le département de la Mayenne, mais dans le Cantal, dans l’Orne, dans les Alpes-Maritimes, dans l’Ille-et-Vilaine, en Gironde…

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

M. François Zocchetto, rapporteur. … oui, même dans le Rhône

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Si l’on réduit ce délai, on regroupera inévitablement les lieux de garde à vue dans chaque département sur trois ou quatre sites. Or cela, le Sénat ne le veut pas !

Vous l’avez dit vous-même, monsieur le garde des sceaux, il n’est pas question d’instaurer deux catégories de brigades de gendarmerie, celles où l’on trouverait des OPJ et des avocats et celles qui en seraient privées parce que moins accessibles.

On devine déjà ce qui pourrait advenir assez rapidement de ces brigades de gendarmerie …

Le texte élaboré par l’Assemblée nationale est un bon texte, sur ce point comme sur les autres. Le directeur général de la gendarmerie nationale et les représentants des organisations syndicales de policiers à qui nous avons posé la question nous ont répondu qu’il fallait maintenir ce délai de deux heures. Les représentants des organisations de policiers nous ont même dit que c’était une bonne idée, puisque ce délai correspondait à peu près au temps nécessaire pour procéder aux formalités d’accueil du gardé à vue, lui notifier ses droits, procéder éventuellement à l’examen médical et prévenir un proche. Si cela permet en outre de donner à l’avocat le temps d’arriver, c'est parfait !

À tout cela, nous venons d’ajouter d’ailleurs, à votre demande, monsieur le garde des sceaux, la possibilité pour les enquêteurs de procéder à des questions concernant l’identité de la personne.

C’est pourquoi la commission, à l’unanimité, a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que deux heures peuvent être nécessaires à l’avocat pour arriver, mais encore faut-il savoir d’où l’on part ! Tout dépend d’où l’on part et où l’on va !

Ce délai de deux heures ne sera pas nécessaire partout. Dans certains cas, peut-être faudra-t-il deux heures, dans d’autres cas, beaucoup moins. Pour apprécier ce délai, M. le rapporteur a pris l’avis du directeur général de la gendarmerie ainsi que des organisations syndicales de policiers. Ces renseignements, monsieur le rapporteur, m’ont semblé particulièrement intéressants.

Je suis bien persuadé que la mise en œuvre de ce texte posera un certain nombre de problèmes pratiques, notamment aux avocats.

Aussi, je souhaiterais rechercher, avec les barreaux, les mesures techniques qui permettront de diminuer ce délai. Si l’on peut trouver une solution pour que l’avocat soit présent dans un délai de vingt minutes, il n’y a pas de raison d’y renoncer.

Permettez-moi de vous citer un exemple. J’habite un petit village, dans un canton rural. Il s’y trouve une gendarmerie, siège d’une communauté de brigades. Il nous a fallu vingt ans pour obtenir un officier de gendarmerie ; maintenant, cela fonctionne plutôt bien. Moi non plus, je ne veux pas de regroupement ; comme vous tous, je veux conserver, sur mon territoire, tous les services publics qui s’y trouvent.

Mon village est situé à plus de cinquante kilomètres de la ville siège du tribunal de grande instance, mais à seulement dix-sept kilomètres d’une autre ville, située dans un autre département, qui dispose, elle aussi, d’un tribunal de grande instance et où se trouvent également des avocats.

Chacun peut choisir librement son avocat. Le gardé à vue qui paiera lui-même les honoraires de son avocat peut donc choisir celui-ci dans une ville ou dans une autre.

Certes, un problème se pose dans le cas de l’aide juridictionnelle. Mais je suis tout prêt à rechercher avec les barreaux, s’ils en sont d’accord, la mesure technique qui permettra d’ouvrir le dispositif et de donner à chacun la possibilité de choisir librement son avocat, même en cas d’aide juridictionnelle.

Dans ces conditions, mon amendement prend tout son sens. La diminution du délai que je propose ne doit pas être considérée comme une entrave puisque je l’assortis de mesures techniques permettant de limiter les déplacements à une heure.

Cela dit, quelle que soit la décision du Sénat, ma proposition de « décadenasser » les règles techniques du paiement de l’aide juridictionnelle restera d’actualité !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Certes, il est souhaitable que l’on passe avec les barreaux et le parquet des contrats d’objectifs visant à diminuer au maximum le temps mis par les avocats pour se rendre dans les locaux de garde à vue ; cela va de soi.

Si l’avocat arrive dans la demi-heure, bien entendu, les auditions commenceront dès son arrivée. Mais, vous savez aussi bien que nous, monsieur le garde des sceaux, que sur notre beau territoire certains lieux sont éloignés de tout.

Et, mes chers collègues, n’oublions pas qu’il y a toujours des projets de réorganisation des services. Si l’avocat ne peut pas arriver dans le délai d’une heure, très vite on s’interrogera sur l’opportunité de conduire le gardé à vue dans les lieux difficiles d’accès. La tentation sera grande de regrouper les lieux de garde à vue le plus près possible du tribunal, si bien qu’à terme les brigades territoriales n’auront plus d’officier de police judiciaire. C’est pour cette raison que nous sommes fermement attachés au maintien du délai de deux heures.

Pour la grande criminalité, les enquêtes sont rapidement confiées aux brigades ou aux sections de recherche. Dans le monde de la gendarmerie, les choses se passent différemment. L’officier de police judiciaire travaille dans son environnement et conduit son enquête sur place. Le maintien du délai de deux heures est donc nécessaire. Cela n’empêche pas de tout faire pour que l’avocat puisse arriver le plus rapidement possible. C’est dans l’intérêt de la personne gardée à vue, certes, mais aussi dans celui de l’avocat lui-même, qui ne tire aucun avantage à faire « mariner » ses clients.

S’il est souhaitable de prendre toutes dispositions utiles pour faciliter la présence rapide de l’avocat, il me paraît en revanche risqué de limiter le délai à une heure, car, je le répète, on tirera alors prétexte de l’impossibilité de l’avocat d’être présent pour regrouper les lieux de garde à vue.

Monsieur le garde des sceaux, bien que nous souhaitions vous être agréables, parce que nous connaissons les difficultés de gestion de la nouvelle procédure, nous restons fermes sur le maintien du délai de deux heures, qui a d’ailleurs recueilli l’approbation unanime de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Virginie Klès, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Monsieur le garde des sceaux, j’ai un peu de mal à suivre votre raisonnement. Tout à l’heure, lorsqu’il était question de préciser que l’avocat pouvait prendre des notes pendant les auditions et les confrontations, vous nous rétorquiez que l’avocat était libre. Pour ce qui nous occupe actuellement, on peut aussi considérer qu’il est libre d’arriver le plus vite possible, et pourtant, vous voulez lui imposer un délai d’une heure.

Même si l’avocat dispose de deux heures pour se rendre auprès de la personne gardée à vue, il est bien évident que, s’il peut arriver plus tôt, il le fera. Pourquoi vouloir ramener ce délai à une heure sous prétexte que, parfois, il peut être là plus tôt ?

Je considère qu’il faut faire confiance aux avocats. Ce qui n’exclut pas les procédures de simplification. Si elles peuvent permettre à des avocats d’une autre juridiction d’intervenir, pourquoi pas ? Mais cela n’impose pas d’inscrire le délai d’une heure dans le projet de loi.

Vous prétendez que le libre choix de l’avocat permettra de réduire le temps d’attente ; permettez-moi d’en douter. Ce n’est pas parce que la personne gardée à vue peut choisir librement son avocat qu’elle optera pour celui qui est le plus proche : elle choisit un avocat, pas une distance.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nathalie Goulet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le garde des sceaux, je suis favorable à votre souhait de concilier assistance de la personne gardée à vue et efficience de la garde à vue. Vous n’oubliez pas que vous avez été ministre de l’espace rural et vous savez combien il est difficile d’organiser les territoires, parfois même entre des départements limitrophes.

Toutefois, une garde à vue peut avoir lieu la nuit ou hors des heures de travail habituelles. C’est pourquoi – et je n’ai pas participé aux travaux de la commission des lois – le délai de deux heures me semble tout à fait raisonnable.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le garde des sceaux, je suis étonné par votre amendement, pour deux raisons.

Tout d’abord, il semble me souvenir – mais il se peut que ma mémoire commence à flancher – qu’en matière d’aide juridictionnelle on peut désigner un avocat qui n’est pas du barreau concerné.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je me suis fié à ce que m’ont dit les avocats.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Méfiez-vous de ce que vous disent les avocats.

Sourires

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je vous remercie de dire cela, maître Mézard.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement constitue donc une erreur, me semble-t-il, par rapport aux dispositions légales et réglementaires concernant l’aide juridictionnelle.

Ensuite, le délai d’une heure est incompatible avec la réalité du terrain. Je prendrai un seul exemple.

Monsieur le garde des sceaux vous connaissez Massiac, le canton de M. Alain Marleix.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Il y a une très belle compagnie de gendarmerie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Une très belle compagnie de gendarmerie, en effet, proche de la petite portion d’autoroute qui existe dans ce pauvre département !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

C’est vrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

La majorité des avocats résident à Aurillac. Pour rejoindre Massiac, il leur faut une heure et quart, et encore quand tout va bien, c’est-à-dire quand il n’y a pas eu d’effondrements. De toute façon, la vitesse reste limitée à trente kilomètres à l’heure sur plusieurs tronçons, malgré les efforts de l’excellent député de la circonscription.

Même si l’avocat se lève sitôt prévenu, part sans délai, il ne peut éviter le trajet d’une heure et quart. S’il arrive trop tard, il sera fondé à présenter des recours au motif qu’il n’a pu exercer les droits de la défense. Et il ne fait aucun doute que la procédure sera annulée.

Monsieur le garde des sceaux, je suis encore plus surpris par l’exposé des motifs de l'amendement.

On peut en effet y lire que le délai de deux heures « contribuera à ralentir les investigations des services de police et allongera d’autant les mesures de garde à vue ». Reconnaissez que c’est un peu fort ! Mais ce n’est pas tout. Les deux arguments suivants sont pour tout dire extraordinaires.

Le quatrième alinéa de l’objet précise : « Par ailleurs, il doit être rappelé que la personne gardée à vue pourra toujours, comme cela devra désormais lui être notifié, choisir de ne pas répondre aux questions tant que l’avocat ne sera pas présent. » Voilà un beau moyen d’accélérer la procédure !

Et, pour aller au terme de ce merveilleux raisonnement, le dernier alinéa de l’objet ajoute : « Au surplus, ainsi que le prévoit également le projet de loi, les déclarations faites par la personne sans la présence de son avocat ne pourront servir de seul fondement à sa condamnation. »

Monsieur le garde des sceaux, avec le cumul du droit au silence et la réserve émise sur les déclarations faites par le gardé à vue en dehors de la présence de son avocat, vous faites tout pour que les procédures que vous instituez ne tiennent pas la route. Je ne doute pas que nombre d’entre elles aboutiront à des relaxes, … ce dont je ne peux que vous féliciter !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je mets aux voix l'amendement n° 164 rectifié.

L'amendement n° 35, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il peut également participer à l'ensemble des actes d'enquête auxquels participe activement le gardé à vue, notamment aux confrontations et reconstitutions, dans les mêmes conditions.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

L’article 7 limite l’assistance de l’avocat aux seules auditions de la personne gardée à vue, à l’exclusion de tout autre acte. On a déjà introduit les confrontations, mais il est vrai qu’elles sont, selon M. le garde des sceaux, assimilables à des auditions.

Je propose que le droit à l’assistance effective par un avocat concerne, outre les interrogatoires, l'ensemble des actes d'enquête auxquels participe activement le gardé à vue, notamment la confrontation et la reconstitution des faits.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Madame Borvo Cohen-Seat, ne raisonnons pas comme s’il s’agissait de l’instruction !

Cela dit, en matière de confrontation, votre demande est déjà satisfaite.

Pour le reste, je ne vois pas très bien quels actes vous visez, car lorsque des actes d’enquête sont conduits pendant la garde à vue, ils ne le sont pas en présence du gardé à vue.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Peut-être, mais, en tout état de cause, je ne vois pas comment l’avocat peut être présent à la fois sur le lieu de l’acte d’enquête et dans les locaux de garde à vue. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Même avis !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Que vous ne soyez pas d’accord est une chose, que vous travestissiez mon propos en est une autre. Il est bien évident que je vise les actes d’enquête auxquels participe le gardé à vue.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 36, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

À moins que la personne gardée à vue en fasse la demande par acte contresigné par son avocat, qui s'assure auprès de son client de la réalité de la sincérité de cette volonté, celui-ci assiste à tous les interrogatoires.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cet amendement vise à garantir que la présence de l’avocat à tous les interrogatoires soit la règle, règle à laquelle il ne peut être dérogé que de manière formelle. La renonciation à la présence de l’avocat par une personne gardée à vue doit être établie expressément par un acte contresigné par ledit avocat.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cet amendement prévoit que la personne gardée à vue est assistée par un avocat, sauf renoncement express confirmé par ce dernier. C’est un peu comme si vous renversiez la charge de la preuve, ma chère collègue.

Il paraît au contraire préférable, dès lors que la personne gardée à vue a été informée de ce droit, de lui laisser le soin de choisir si elle veut, ou non, être assistée par un avocat.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Défavorable !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 165, présenté par MM. Anziani, Michel, Badinter et Sueur, Mmes Klès et Boumediene-Thiery, M. Courteau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 4, première phrase

Après les mots :

qu'une audition

insérer les mots :

ou une confrontation

II. - Alinéa 4

Compléter cet alinéa par les mots :

ou la confrontation

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet amendement vise à réintroduire la possibilité pour un avocat d’assister aux auditions, mais également aux confrontations, de la personne gardée à vue. Pour cela, nous proposons d’ajouter le terme « confrontation » après les mots « qu’une audition », parce que chacun sait bien qu’une audition, ce n’est pas une confrontation.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

C’est un amendement de coordination avec ce que le Sénat a voté tout à l’heure ; la commission émet un avis favorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

L'amendement est adopté à l’unanimité des présents .

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 32, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Remplacer les mots :

à la demande de la personne gardée à vue afin de lui permettre de

par les mots :

par l'officier de police judiciaire qui demande à la personne gardée à vue si elle veut

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La personne gardée à vue ne sera peut-être pas en capacité de faire valoir de sa propre initiative les droits qui sont attachés à la mise en œuvre de la procédure. Ainsi, lorsque son audition est en cours, elle ne sera pas forcément tenue au courant de l’arrivée de son avocat sur les lieux.

Seuls les officiers peuvent l’en informer, à moins que l’avocat ne prenne l’initiative d’interrompre lui-même l’audition. Nous proposons donc que l’OPJ soit obligé d’informer la personne de l’arrivée de l’avocat et de lui demander si elle désire s’entretenir avec lui.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Cet amendement me paraît inutile parce que, en pratique, l’officier de police judiciaire informera nécessairement l’intéressé de l’arrivée de l’avocat ; à ce moment-là, le gardé à vue pourra demander à bénéficier de son droit à un entretien de 30 minutes. En outre, l’avocat pourra lui aussi faire valoir ce droit.

Je demande donc à Mme Borvo Cohen-Seat de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Cet amendement me paraît un peu complexe et son objet me semble déjà rempli par le projet de loi. Si une personne a demandé à être assistée par un avocat et que celui-ci arrive alors que l’audition est en cours, l’officier de police judiciaire demandera bien évidemment au gardé à vue s’il souhaite une interruption d’audition pour procéder à l’entretien préliminaire de 30 minutes avec l’avocat. C’est la règle et la loi.

La question de l’interruption sera donc posée par l’officier de police judiciaire et c’est bien à la demande du gardé à vue qu’il sera ou non décidé d’interrompre l’audition.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 8 mars 2011 :

À neuf heures trente :

1. Questions orales.

À quatorze heures trente et le soir :

2. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la garde à vue (253, 2010 2011).

Rapport de M. François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (315, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 316, 2010-2011).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures quarante-cinq.