La commission examine le rapport pour avis de M. Alain Anziani sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement »).
Cet avis sur les crédits du programme « Coordination du travail gouvernemental » est un nouveau rapport de notre commission. Ce programme est l'un des trois d'une mission plus vaste, la mission « Direction de l'action du Gouvernement », qui couvre l'ensemble de l'action interministérielle. En autorisations d'engagement, les crédits de la mission diminuent de 28 % mais ceux du programme « Coordination du travail gouvernemental » augmentent de 3,37 %.
Ce programme hétéroclite comprend neuf actions, parmi lesquelles on peut trouver les crédits de rémunération du cabinet du Premier ministre ou des secrétaires généraux aux affaires régionales, des organismes de prospective, l'Ordre de la légion d'honneur ou l'Ordre national du mérite, ou encore la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les toxicomanies.
Néanmoins, on peut distinguer trois grandes masses de crédits au sein de ce programme.
Le premier pôle est le Secrétariat du Gouvernement, qui assure une mission de continuité et de cohérence de l'action gouvernementale. Il comprend dans son périmètre le service d'information du Gouvernement.
La deuxième grande masse budgétaire est le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale, qui absorbe 40 % des crédits du programme, au titre de la responsabilité du Premier ministre en matière de défense nationale. Il comprend l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information, organisme récent qui a pour mission de prévenir les attaques informatiques dont peuvent être victimes les administrations d'Etat et certains organismes privés d'intérêt vital.
Le troisième pôle est le Secrétariat général des affaires européennes, qui assure la coordination interministérielle sur les dossiers européens, joue un rôle d'interface avec les institutions européennes et informe le Parlement sur ces dossiers.
Je souhaite insister dans mon propos sur deux grands sujets : la qualité du droit et les actions d'information et de communication du Gouvernement.
On peut toujours chercher à améliorer la qualité de notre droit, car chacun fait le constat qu'il existe des lois inutiles comme des lois préparées dans des conditions qui ne permettent pas de légiférer de manière satisfaisante. Même s'il s'agit d'un problème récurrent, la qualité du droit doit rester un souci majeur de notre commission.
Concernant l'application des lois, le Gouvernement indique que 81 % des lois votées depuis le début de la législature auraient reçu application. Il existe cependant une forte hétérogénéité de ce taux d'application selon les ministères : il est inférieur à 50 % pour les ministères de la solidarité et de l'écologie et il est même nul pour les ministères de la culture et des sports.
Sur le second sujet de l'information et de la communication gouvernementales, j'observe avant tout une inflation des dépenses. De 2006 à 2009, les crédits ont augmenté de plus de la moitié, même si l'on constate un tassement en 2010. En 2010, les crédits du service d'information du Gouvernement représentent 16 % de l'ensemble des dépenses estimées de communication des ministères, contre 5 % seulement en 2006, et le montant des crédits de ce service a quadruplé depuis 2006. Cette hausse des crédits du service d'information du Gouvernement n'est que partiellement compensée par une diminution des crédits des ministères.
On peut à juste titre se donner l'objectif d'améliorer la coordination et la mutualisation de la communication gouvernementale, mais force est de reconnaître que cet objectif n'est manifestement pas atteint, malgré des instructions du Premier ministre en ce sens. Il n'est aujourd'hui obligatoire de passer par le service d'information du Gouvernement que pour l'achat d'espaces publicitaires. Des formes plus abouties de mutualisation sont nécessaires.
Concernant le contenu de ces actions de communication, il existe de grandes campagnes d'information, en matière de santé publique par exemple, qui sont légitimes et indiscutables. Il existe en revanche des actions plus discutables, par exemple des prestations de « coaching » des ministres ou des sondages sur l'image personnelle des ministres. Cela relève-t-il de l'intérêt général ? La Cour des comptes a fait des observations critiques à ce sujet.
Il existe également un problème de légalité. Concernant les sondages de l'Elysée, qui étaient pris en charge par le service d'information du Gouvernement depuis 2007 sans fondement juridique, ils sont, depuis janvier 2011, pris en charge directement par les services de l'Elysée. Le recours aux prestataires extérieurs se fait souvent par le biais de marchés à bons de commande, qui ne sont pas moins chers et qui ne permettent pas un réel contrôle des prestations. Surtout, on invoque l'intuitu personae pour justifier, en matière de prestations de conseil en communication, des pratiques en dehors du droit : on ne fait pas toujours appel à concurrence et à la transparence et on ne respecte pas toujours les règles des marchés publics. Sur ce point, le jugement de la Cour des comptes est sévère.
Notre commission pourrait reprendre les préconisations de la Cour des comptes dans son enquête sur les dépenses de communication du Gouvernement : plus de mutualisation, même s'il est difficile de limiter l'autonomie des ministères, et une coordination interministérielle beaucoup plus forte, qui permettrait notamment de veiller à la régularité juridique des marchés.
Lorsque l'on prétend bénéficier de crédits en hausse comme c'est le cas en matière de communication gouvernementale, dans un contexte budgétaire difficile, il est indispensable d'être exemplaire dans l'utilisation de ces crédits.
Je me félicite que notre commission se soit saisie de ce budget, car il donne matière à analyse et à discussion.
Je partage la conclusion de notre rapporteur car il me semble utile de disposer d'une approche fine et précise sur le sujet, hors du champ médiatique.
S'agissant de la question de l'inflation législative, il faut rappeler qu'il s'agit d'un problème ancien qui pourrait faire l'objet d'une réflexion de la part de notre nouvelle commission pour le contrôle de l'application des lois. Une attention particulière doit être portée sur les effets d'annonce liés à la survenance de faits divers.
La loi apparaît aujourd'hui de plus en plus technique, ce qui l'expose à l'influence des lobbies et la rend, de fait, réversible et instable, notamment en cas d'alternance politique. Peut-être faudrait-il réécrire quelques articles de la Constitution afin de définir plus strictement les domaines de la loi et du règlement.
Enfin, nous constatons que des crédits sont utilisés par de nombreux ministères afin d'apprécier la popularité de tel ou tel ministre alors qu'ils pourraient servir à l'évaluation de l'application des politiques publiques.
Je souhaite tout d'abord rendre hommage au travail de notre rapporteur sur la question de la qualité du droit.
Le secrétariat général du Gouvernement, administration de coordination composée de quelques administrateurs civils, représente incontestablement un outil précieux pour notre République. Seul le système britannique obtient un niveau de performances comparable au SGG. Toutefois, une évolution institutionnelle, apparue en 2007, est venue perturber le travail du SGG : alors qu'auparavant les arbitrages sur les projets de loi ou de règlements relevaient du cabinet du Premier ministre, force est de constater qu'aujourd'hui, le SGG ne dispose plus des marges de manoeuvre nécessaires pour améliorer la qualité du droit sur les textes qu'il reçoit puisque tous les arbitrages sont désormais pris au niveau de la Présidence de la République. Pourtant, il ne revient pas à celle-ci d'assurer la coordination interministérielle qui relève du Premier ministre.
On constate par ailleurs une grande diversité au niveau de la compétence des services juridiques des ministères. Beaucoup d'entre eux ne sont plus en capacité de produire des textes juridiques de qualité, ce qui alourdit d'autant la charge de travail du SGG.
Le travail de codification progresse mais, là encore, on peut constater une incompatibilité entre le travail nécessité par une telle démarche et le rythme de publication des codes : en effet, lorsqu'est finalisée la partie législative d'un code, on constate que la majorité de ses articles ont fait l'objet d'une modification au cours des dix-huit derniers mois.
Je partage l'avis d'Alain Richard, il y a eu un énorme travail de codification depuis dix ans.
Le SGG ne dispose plus des moyens nécessaires pour garantir la qualité des textes, législatifs ou réglementaires, du fait de la carence des services juridiques des ministères. Pour notre commission, la défaillance concerne surtout les textes organiques relatifs à l'outre-mer. Il faut prévoir un texte spécifique pour chaque collectivité d'outre-mer et on constate également des difficultés d'application des textes généraux dans ces territoires.
Il convient de rappeler que l'essentiel des crédits du programme est consacré au secrétariat général de la défense nationale qui relève de la compétence de la commission des affaires étrangères et de la défense. La création de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information est une bonne chose : la France accumulait un retard en matière de protection informatique. Une attaque informatique peut mettre à mal l'organisation même de l'État.
Je ne comprends pas la critique de notre rapporteur selon laquelle les marchés à bons de commandes ne s'accompagnent pas d'une mise en concurrence. Dans le cadre de ces marchés publics, des appels d'offres sont organisés, il n'a donc pas de problème de régularité juridique.
Je suis très frappé par l'augmentation des dépenses de communication. Certes, la tentation est grande de toujours vouloir communiquer. Toutes nos collectivités territoriales, quelles que soient la sensibilité politique de leurs élus, organisent des campagnes de communication.
Les dépenses de communication du service d'information du Gouvernement sont multipliées par quatre entre 2007 et 2012 alors que, dans le même temps, est prônée la rigueur budgétaire ! Il y a une disproportion. Les ministères, les organismes publics et les entreprises publiques devraient s'interroger : en quoi les dépenses engagées permettent-elles une communication efficace ? Il faut faire preuve de réalisme.
Les procédures de communication nécessitent toujours l'application du code des marchés publics. La Cour des comptes dénonce toutefois l'absence d'une réelle mise en concurrence en la matière. Or, ce doit être la règle pour tous.
S'agissant de l'application des lois, je suis toujours choqué d'apprendre que certains ministères communiquent sur des lois qui ne sont pas encore votées et promulguées. Il en est de même pour certains préfets présentant aux élus de leur arrondissement les dispositions de lois encore en discussion au Parlement.
Je partage l'avis de Gaëtan Gorce : l'évaluation de l'application des lois s'avère insuffisante. Il y a aussi une insuffisance dans l'évaluation ex post des campagnes d'information et celle-ci ne doit pas se réduire à une simple évaluation budgétaire.
J'approuve aussi les propos d'Alain Richard, nous constatons une dérive institutionnelle en matière de coordination interministérielle du travail gouvernemental entre les cabinets du Premier ministre et de la Présidence de la République. Il y a aussi un alourdissement de la charge de travail du SGG, du fait de la multiplication des questions prioritaires de constitutionnalité, dont le suivi relève de sa compétence.
En réponse à Jean-Jacques Hyest, le secrétariat général de la défense nationale est une structure très importante, qui représente 40 % des crédits du programme en raison du pilotage de l'Agence nationale de sécurité des systèmes d'information.
Sur la question des marchés publics, il faut distinguer, d'une part, les prestations de communication qui font l'objet de marchés à bons de commandes, qui ne sont pas critiquables quant à leur légalité et, d'autre part, les prestations de conseil en communication avec « coaching » qui se caractérisent souvent par des irrégularités.
Je vous propose de donner un avis défavorable aux crédits du programme.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».
Puis la commission examine le rapport pour avis de M. Jean-Patrick Courtois sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme « Administration territoriale » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État »).
Le programme « Administration territoriale » a une double vocation : d'une part, il contient l'ensemble des crédits alloués par l'État au fonctionnement de ses services déconcentrés ; d'autre part, il retrace les moyens consacrés à la production de titres sécurisés (aujourd'hui le passeport et le cartes grises et, demain, la carte d'identité, le permis de conduire et les titres de séjour des étrangers).
Le projet de loi de finances pour 2012 n'épargne pas ce programme : les crédits qui lui sont attribués (environ 1,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement) connaissent une augmentation très inférieure au taux prévisionnel d'inflation, ce qui correspond à une baisse des crédits en valeur réelle.
Sur les services déconcentrés, rappelons que, depuis le lancement de la révision générale des politiques publiques en 2007, le fonctionnement des préfectures de département et de région a été profondément remanié. Une nouvelle architecture « resserrée » a été mise en place dans les services préfectoraux afin de réduire le nombre de directions, de favoriser la « modularité » (c'est-à-dire d'adapter la structure de l'administration territoriale aux spécificités des territoires) et de renforcer le caractère interministériel des directions. Deuxièmement, la prééminence du préfet de région face aux préfets de département a été affirmée, faisant de la région le niveau de droit commun pour le pilotage des politiques de l'État dans les territoires (notamment depuis un décret de décembre 2010, selon lequel le préfet de région a autorité sur les préfets de département, est doté d'un « droit d'évocation » qui lui permet de prendre les décisions en lieu et place des préfets de département dans certaines matières, et est responsable de la répartition des crédits entre les départements). Comme on le voit, ses prérogatives sont particulièrement larges et éminentes. Pour ma part, je soutiens sans réserve cette montée en puissance du préfet de région, qui permet à l'action de l'État d'être plus efficace et mieux adaptée aux réalités territoriales ; j'estime toutefois que, au vu de l'importance et de l'éminence de leurs missions, les préfets de région ne devraient pas être simultanément préfets du département chef-lieu : ils ne disposent, en effet, pas d'un temps suffisant pour leur permettre de connaître physiquement le territoire dans lequel leurs décisions vont s'appliquer.
Troisièmement, afin de faire des économies sur les moyens de fonctionnement des préfectures et des sous-préfectures, le ministère de l'intérieur a souhaité développer les mutualisations interministérielles. Celles-ci ont déjà porté leurs fruits en matière immobilière (une économie de près de 10 millions d'euros a été réalisée sur les loyers), sur les fonctions « support » et sur les ressources humaines. Dans ce cadre, rappelons qu'après le drame de Bourges, un bilan sur la sécurité de tous les locaux des préfectures accueillant du public a été conduit par le ministère de l'intérieur.
En ce qui concerne les sous-préfectures, une relative incertitude demeure : nous ne disposons toujours pas du calendrier de mise en place de la « Maison de l'État » de Boulogne-Billancourt et nous n'avons pas de bilan précis sur le remplacement des sous-préfets par des conseillers d'administration.
Enfin, sur le contrôle de légalité, je constate que le taux d'actes prioritaires contrôlés est en diminution depuis 2008 : il est ainsi passé de 94 % à 90 %, ce qui peut être le signe que le nombre de postes consacrés au contrôle de légalité est insuffisant.
J'en viens maintenant à la question des titres sécurisés. En la matière, l'actualité est marquée par une décision récente du Conseil d'État, qui a considéré que la conservation de six empreintes « surnuméraires » (soit le prélèvement de huit empreintes, alors que le droit communautaire ne nous impose que d'en prélever deux) était disproportionnée par rapport à la finalité d'authentification des personnes et qui a censuré, sur ce point, les dispositions réglementaires relatives aux passeports biométriques. Cette décision devra, bien entendu, être prise en compte par le gouvernement non seulement pour les passeports biométriques, mais aussi pour les titres sécurisés dont la création est annoncée en 2012-2013, à savoir : la carte nationale d'identité électronique, les titres de séjour biométriques pour les étrangers et le permis à points sécurisé. D'après le ministère, ces projets sont en bonne voie et devraient aboutir, au plus tard, au début de l'année 2013.
Il me semble que les moyens accordés au programme « Administration territoriale » pour 2012 lui permettront d'exercer au mieux l'ensemble de ses missions et que, dans un contexte de crise économique et budgétaire, ce programme constitue la démonstration que, grâce à des réformes ambitieuses, il est possible de faire plus pour les usagers avec moins de moyens. Je vous propose, en conséquence, de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Administration territoriale ».
Le rapporteur nous dit que les nouveaux titres sécurisés seront mis en place au plus tard en 2013. Où en sont, pour la carte d'identité électronique, les travaux sur l'indemnisation des communes ?
Des négociations entre l'Association de maires de France et le ministère de l'intérieur sont en cours.
Espérons qu'elles seront plus équitables que celles qui avaient eu lieu sur les passeports biométriques....
Les directions des départements et celles des régions sont dotées de compétences connexes, mais qui ne se recoupent pas. Comment articulent-elles leurs travaux ? Avez-vous des remontées du terrain sur d'éventuels problèmes en la matière ?
Des problèmes marginaux ont été rencontrés en 2010, c'est-à-dire lors de la première année de mise en place des nouvelles directions ; depuis lors, aucun dysfonctionnement n'est plus signalé.
La réforme de l'administration territoriale a très fortement réduit la capacité d'intervention de l'État, ce qui doit être noté et dénoncé. Ce constat est particulièrement vrai dans les petits départements comme le mien, où l'État devrait, dans un souci d'égalité, compenser la faiblesse des collectivités territoriales en ingénierie et en moyens humains.
Mon propos n'est certainement pas valable pour toutes les régions mais, bien que la RGPP repose sur une logique de coordination au profit de l'échelon régional, des problèmes se posent pour la conduite des politiques transversales : par exemple, les rectorats continuent d'échapper à la coordination. Il me semble que le gouvernement s'est arrêté au milieu du chemin et les agents (notamment ceux des directions départementales des territoires) sont démotivés.
Il me semble bon de rappeler que les regroupements de directions, évoqués par le rapporteur, ont été dictés par la RGPP. Cette réforme a principalement des conséquences sur les zones les plus fragiles et marque un désengagement de la puissance publique : elle renforce ainsi les inégalités devant l'accès aux services publics.
Des efforts restent à faire pour que nos concitoyens se repèrent dans la nouvelle organisation des préfectures. Naguère, il existait des directions dont on comprenait spontanément les compétences grâce à leur dénomination. Aujourd'hui, seul le préfet s'y retrouve ; les agents commencent à peine à s'y repérer et les usagers sont perdus.
Par ailleurs, je m'associe aux remarques de M. Gaëtan Gorce et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons atteint un niveau dans les suppressions de postes qui fait ressembler certains services, et notamment ceux en charge des étrangers, à une cour des miracles.
Pour les raisons évoquées par l'ensemble des intervenants, notre groupe votera contre l'avis du rapporteur.
Tous savent que, selon l'endroit où l'on se trouve, les effectifs des préfectures sont très variables : les départements les plus compliqués sont parfois les moins bien dotés. Ainsi de la Seine-et-Marne, où nous avons connu une forte diminution des effectifs alors même que la population a doublé en une génération. On pourrait ajouter, de même, que les départements comptant le plus grand nombre d'étrangers manquent cruellement de moyens, ce qui génère des files d'attente de plusieurs heures dans les préfectures. Il est impérieusement nécessaire de mieux répartir les moyens.
L'une des raisons de ce constat précède la décentralisation : les départements avaient embauché des personnes qui ont ensuite été mises à disposition de préfectures ; en Saône-et-Loire, cela pouvait représenter 40 % des effectifs. Ces agents ont, ensuite, été intégrés aux préfectures et ont « gonflé » les postes de ces dernières, ce qui a créé des inégalités : il s'agit donc du poids de l'histoire.
La commission adopte un avis défavorable sur les crédits du programme « Administration territoriale » inscrits au projet de loi de finances pour 2012.
La commission examine le rapport pour avis de M. André Reichardt sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat »).
Cet avis sur les crédits des juridictions financières fait partie des nouveaux rapports de la commission sur le projet de loi de finances pour 2012. Il s'agit d'un petit budget en termes de crédits, marqué par une continuité et une stabilité au regard des crédits votés en 2011. Le montant des crédits du programme « Cour des comptes et juridictions financières » s'élève à 214.576.468 euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances. Un amendement du Gouvernement en seconde délibération à l'Assemblée nationale a diminué ce montant à 213.826.468 euros.
Après avoir rencontré les représentants de la Cour des comptes, des présidents de chambres régionales des comptes et des syndicats de magistrats des juridictions financières, j'ai constaté que le montant de ces crédits permet aux juridictions de remplir les missions qui leur sont confiées. Leur avis est donc globalement favorable. Cette adéquation entre les contours de l'enveloppe budgétaire et les missions de la Cour et des chambres régionales des comptes s'explique notamment par la maîtrise qu'elles ont sur une partie de leur programme de travail.
Je vous rappellerai rapidement pour débuter que les juridictions financières assument trois catégories de mission. Elles sont tout d'abord chargées du contrôle des comptes des comptables publics des collectivités locales, de l'État et de leurs établissements publics, ainsi que des comptables de fait. Ces juridictions contrôlent ensuite la gestion des organismes publics et parapublics. Cette mission présente un caractère non juridictionnel. Enfin, la Cour des comptes est constitutionnellement chargée d'une mission d'assistance au Parlement et au Gouvernement. Cette mission a été renforcée par la révision constitutionnelle de 2008. Parmi ces missions, le contrôle de la gestion publique occupe la place la plus importante en termes d'activité et de crédits consommés.
Le budget des juridictions financières présente la spécificité d'être essentiellement constitué de dépenses de personnel, puisque 87 % des crédits du programme leur sont consacrés. La stabilité du budget est également révélée par le niveau d'emplois. 1.840 ETPT sont prévus pour le budget 2012, autant qu'en 2011. Parmi ces agents, 40 % sont des agents de catégorie A+ : magistrats, rapporteurs ainsi que certains agents administratifs et contractuels.
Concernant la mesure de la performance, l'ensemble des acteurs rencontrés a souligné la nécessité de ne pas avoir uniquement des indicateurs de quantité, mais également de prendre en compte une dimension qualitative.
Au-delà du constat d'absence de difficultés, ce budget est marqué par son caractère transitoire. En effet, la réforme des juridictions financières pourrait connaître une étape décisive avec l'adoption mercredi 16 novembre du projet de loi relatif à la répartition des contentieux en lecture définitive à l'Assemblée nationale. Chacun de nous a encore en mémoire les multiples péripéties qu'a connues ce texte lors de son examen devant chacune des assemblées.
D'un point de vue budgétaire, la possibilité de regrouper des chambres régionales des comptes prévue par ce projet de loi annonce des perspectives nouvelles mais incertaines. Logiquement, les crédits de cette année n'incluent pas ces probables évolutions.
S'agissant d'un budget stable et qui répond aux demandes des acteurs du programme, je vous proposerai un avis favorable sur l'adoption de ces crédits.
Avons-nous une idée précise du nombre d'appels dont font l'objet les décisions de chambres régionales des comptes ?
L'argument en faveur de la réforme qui est tiré des économies réalisées n'est pas recevable. Au soutien de la réforme qu'il a défendue, le Premier président de la Cour des comptes faisait au contraire valoir qu'elle s'effectuerait à effectif constant, ce qui permettrait de redéployer les magistrats sur d'autres missions. D'ailleurs, en fait d'économies, les frais de déplacements devraient augmenter lorsqu'il n'y aura par exemple plus qu'une seule chambre régionale des comptes de Dreux à Brive-la-Gaillarde -à moins que les magistrats ne se déplacent plus...
Je resterai prudent sur ce dossier dont j'ai eu à connaître dans différentes enceintes. Malgré tout, que ce soit dans la version défendue par M. Philippe Séguin ou dans celle de M. Didier Migaud, l'objet du regroupement géographique des CRC est, associé au relèvement du seuil de l'apurement administratif des comptes, de libérer du temps pour l'évaluation des politiques publiques. C'est un objectif d'intérêt général, pour autant qu'on ne fasse pas à cette occasion d'économie de personnel.
Pour répondre à M. Collombat, même si je n'ai pas de chiffres précis à vous communiquer puisqu'ils ne sont pas précisés dans le projet annuel de performance, je vous assure que le nombre d'appels est très faible.
En effet, ce nombre est très peu important, même si l'appel auprès de la Cour des comptes peut être très utile dans certains cas. Je garde le souvenir d'une gestion de fait prononcée par la CRC d'Ile-de-France, que la Cour avait ensuite infirmée en appel.
Je tiens à préciser que nous ne suivrons pas les conclusions du rapporteur.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Cour des comptes et autres juridictions financières » de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat ».
La commission examine le rapport pour avis de M. Antoine Lefèvre sur le projet de loi de finances pour 2012 (Programme « Développement des entreprises et de l'emploi » de la mission « Economie »).
Le suivi des crédits de ce programme, qui fait l'objet de ce nouvel avis budgétaire, relève pleinement des missions de notre commission. A cet égard, je fais observer que nous avons veillé à faire respecter les prérogatives de notre commission vis-à-vis de la commission des finances dans le cadre de la proposition de loi de simplification du droit.
Ce programme regroupe l'ensemble des dispositifs, tant législatifs ou réglementaires que fiscaux, de soutien aux entreprises françaises, quels que soient leur taille et leur secteur d'activité, que ce soit sur le territoire national ou pour favoriser leur expansion internationale. Il comporte aussi les crédits destinés à préserver l'intérêt des consommateurs, qu'il s'agisse de garantir la protection de leur santé et de leur sécurité ou de veiller à une mise en oeuvre loyale des règles du commerce et de la concurrence.
J'ai concentré mes travaux sur les domaines de compétences de notre commission en matière d'amélioration et de simplification de l'environnement juridique des entreprises, de protection et de sécurité des consommateurs, de régulation des marchés et de mise en oeuvre du droit de la concurrence. En raison du bref délai qui m'était imposé, je n'ai pas disposé du temps nécessaire pour pouvoir examiner de façon aussi approfondie que je l'aurais souhaité l'emploi des crédits inscrits dans ce programme, qui s'élèvent à plus d'un milliard d'euros. Je m'emploierai l'année prochaine à approfondir ces questions.
Tel qu'il a été déposé à l'Assemblée nationale, le projet de loi de finances pour 2012 prévoit une diminution des autorisations d'engagement de 7,56 % et des crédits de paiement de 7,33 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2011. Tel qu'il a été voté par l'Assemblée nationale, le projet de loi de finances pour 2012 comporte une réduction plus drastique encore de 9,11 % en autorisations d'engagement et 8,87 % en crédits de paiement.
Le programme « Développement des entreprises et de l'emploi » est ainsi très fortement mis à contribution par l'effort de redressement budgétaire, bien plus que la norme budgétaire générale, alors que les actions qu'il porte sont indispensables au fonctionnement de notre économie en période de grave crise. Or, ce programme avait déjà subi une réduction importante de ses crédits dans la loi de finances pour 2011. On peut donc légitimement s'interroger sur la capacité des administrations en charge de ce programme à accomplir les missions qui leur sont dévolues.
La mission « Economie » comporte quatre programmes, parmi lesquels le programme « Développement des entreprises et de l'emploi » subit la réduction la plus drastique de ces crédits, réduction encore accentuée après le vote à l'Assemblée nationale. Le programme comporte des crédits aussi variés que ceux correspondant aux interventions financières en faveur des PME (OSEO et FISAC), au développement des entreprises industrielles, à Ubifrance et à l'Agence française pour les investissements internationaux, à trois autorités administratives indépendantes, aux services de la DGCCRF et au fonctionnement de la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, dont la présence au sein du programme ne me semble pas pertinente.
Concernant les objectifs du programme, je m'en tiendrai à quelques observations.
En matière d'amélioration de l'environnement juridique des entreprises, les Assises de la simplification ont permis d'élaborer 80 mesures, dont une partie a été reprise dans la proposition de loi de notre collègue député Jean-Luc Warsmann. Si l'on peut approuver le principe de la simplification, on ne peut se satisfaire de la méthode retenue consistant à faire voter chaque année une loi « fourre-tout ».
Fortement contesté par les milieux de l'artisanat, le régime de l'auto-entrepreneur a fait l'objet de différents aménagements imposant de nouvelles obligations : la nécessité d'attester des qualifications requises pour exercer une activité artisanale, l'obligation de déclarer un chiffre d'affaires même lorsqu'il est nul et la réduction du délai au terme duquel on ne peut plus prétendre au bénéfice de ce régime en cas d'absence de chiffre d'affaires. De plus, le succès de l'auto-entrepreneur ne doit pas conduire à éluder la question de la pérennité, au sein de formes plus classiques d'entreprises, des activités économiques que ce régime a permis de développer.
En matière de création d'entreprises, le guichet unique des formalités est opérationnel depuis 2010.
Concernant l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, qui repose sur le principe de la séparation du patrimoine personnel et du patrimoine professionnel, il est pleinement opérationnel depuis le début de l'année 2011, malgré certains textes d'application encore en attente. Malgré une forte campagne d'information, ce nouveau statut connaît des débuts modestes, puisque seuls 4.908 entrepreneurs individuels à responsabilité limitée sont recensés au 30 octobre 2011.
Par ailleurs, en matière de protection et de sécurité des consommateurs, je tiens à insister sur le caractère indispensable du travail des agents de la DGCCRF dont les effectifs sont cette année encore en réduction importante.
Je rappelle également la réforme de l'Institut national de la consommation, auquel ont été adjointes la Commission de la sécurité des consommateurs, la Commission des clauses abusives et la nouvelle Commission de la médiation de la consommation.
La réorganisation de l'administration territoriale de l'Etat a un impact important sur les missions de protection des consommateurs exercées au niveau déconcentré. Si la mutualisation des effectifs est certes positive, il existe un risque de dilution de ces missions particulières exercées jusque-là par les services déconcentrés de la DGCCRF. J'indique cependant qu'il est trop tôt pour porter un jugement définitif sur les conséquences de cette réorganisation pour le consommateur.
Malgré ces réserves et les incertitudes pesant sur les capacités d'action de la DGCCRF, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption de ces crédits.
Monsieur le rapporteur, vous soulignez à juste titre la nécessité d'approfondir vos réflexions. Je souhaite encourager tous les rapporteurs budgétaires à faire des auditions toute l'année et à mener des travaux de fond de manière continue.
L'évocation de la DGCCFR nous rappelle la nécessité de faire aboutir la proposition de loi sur la contrefaçon. C'est particulièrement urgent car de nombreux secteurs d'activité sont touchés par cette plaie pour notre économie.
Concernant l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, que les chambres de métiers ont réclamé à grands cris, nous l'avons voté malgré des doutes sur sa cohérence juridique. Nous avons autant de doutes sur la pertinence du régime de l'auto-entrepreneur.
Je suggère au rapporteur de retenir chaque année un thème d'étude transversal, qui pourrait être par exemple l'urbanisme commercial et le petit commerce. Nous constatons dans nos communes les carences de l'intervention du FISAC, alors que les surfaces commerciales périurbaines se développent et que les petits commerces ferment.
Je partage le constat du rapporteur sur le bilan mitigé de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, qui ne m'étonne qu'à moitié. En effet, la montée en puissance de l'auto-entrepreneur entrave le développement correct des activités artisanales. Avec l'auto-entrepreneur, il n'y a pas besoin de séparer activité professionnelle et activité personnelle. L'auto-entrepreneur a permis en pratique de légaliser du travail au noir. Avec l'augmentation de la TVA sur les travaux du bâtiment, il est nécessaire de revoir le régime fiscal de l'auto-entrepreneur car l'écart avec les obligations de l'artisan classique va s'accroître.
Jean-Jacques Hyest a évoqué la proposition de loi sur la contrefaçon. Ayant évoqué la question avec ses auteurs, je vous indique que j'envisage de reprendre ses dispositions pour les intégrer dans la proposition de loi de simplification du droit.
Notre rapporteur a indiqué qu'il approfondirait ses travaux l'année prochaine, mais pour cette année, compte tenu de la baisse importante des crédits, nous ne pouvons voter ce budget.
Lorsqu'une entreprise est liquidée et que l'on veut trouver des financements pour sa reprise par ses anciens cadres, je constate qu'OSEO oppose un refus. Et dans le même temps, les systèmes de pré-retraite disparaissent... Concernant le FISAC, j'entends bien sûr des protestations dans mon département, mais il oeuvre tout de même pour le développement commercial.
Concernant l'auto-entrepreneur, qui présente des effets tout à fait pervers, on dit aux artisans qu'ils doivent assumer des charges et des obligations de formation, alors que d'autres n'y sont pas assujettis... Avec la hausse de la TVA, cela va s'aggraver, nous allons voir un nouveau transfert d'activité vers l'auto-entrepreneur.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Développement des entreprises et de l'emploi » de la mission « Economie ».
La commission examine le rapport pour avis de Mme Nicole Bonnefoy sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme « Egalité entre les hommes et les femmes » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».
Pour la première fois cette année, nous nous saisissons pour avis sur les crédits du programme n° 137 : « égalité entre les hommes et les femmes » de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances ».
En effet, près des trois quarts des crédits de ce programme sont consacrés à la promotion des droits, à la prévention et à la lutte contre les violences sexistes - sujet auquel notre commission est particulièrement attachée et qui relève pleinement de notre compétence. Je vous rappelle nos travaux sur les lois de 2006 et de 2010 relatives aux violences conjugales.
Toutefois, l'examen des crédits de ce programme nous permettra également de dresser un état des lieux de l'ensemble des actions conduites par les pouvoirs publics en matière d'égalité entre les hommes et les femmes. Le champ du programme n°137 inclut en effet le soutien à diverses politiques publiques - représentation des femmes au sein des conseils d'administration des entreprises, promotion de la parité dans la vie politique, mixité dans les filières de formation, etc.
A cet égard, au regard de l'enjeu majeur que constitue pour notre société l'amélioration des droits des femmes dans l'ensemble de ces domaines, les crédits consacrés au soutien de ces politiques publiques - 20,1 millions d'euros en 2012 - paraissent nettement insuffisants.
Je vous propose de retracer rapidement les grands équilibres de ce « petit » budget, avant de vous proposer un premier bilan de la loi du 9 juillet 2010 sur les violences conjugales.
Fondé sur le constat d'une persistance des inégalités entre les hommes et les femmes dans les différentes sphères de la vie politique, économique et sociale, le programme n°137 vise essentiellement, par la mobilisation de crédits d'intervention, à promouvoir un ensemble d'actions concourant à la résorption de ces inégalités.
En 2012, la maquette budgétaire est modifiée afin de mieux rendre compte des actions conduites. Elle inclut :
- d'une part, un ensemble d'actions tendant à diminuer les inégalités hommes - femmes dans l'ensemble des sphères de la société. Cette action est dotée de près de 5 millions d'euros (un quart des crédits du programme), qui permettront de financer notamment 650 prix de la vocation scientifique et technique des jeunes filles, 133 nouveaux contrats finançant des formations qualifiantes et/ou des aménagements de poste de travail, les actions des 56 bureaux d'accompagnement individualisé vers l'emploi intégrés aux CIDFF, etc. 280 000 euros seront par ailleurs consacrés à l'égalité entre les femmes et les hommes dans la vie politique et sociale ;
- d'autre part, une action consacrée spécifiquement aux violences faites aux femmes. Cette action sera dotée en 2012 d'un peu moins de 15 millions d'euros (72% des crédits du programme), qui permettront de distribuer des subventions à des associations intervenant sur les violences aux femmes, l'éducation à la sexualité et l'accès au droit des femmes issues de l'immigration.
J'attire votre attention sur le fait que les crédits alloués aux associations ne sont pas tous distribués par le programme n°137 : les programmes n°101 : « accès au droit et à la justice » et n°177 : « prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables », qui finance notamment des accueils de jour pour les femmes victimes de violence, y contribuent également.
Vous le voyez, il s'agit là d'un programme modeste par les montants de ses crédits mais ambitieux par les objectifs nombreux qu'il poursuit. A cet égard, je m'étonne que les indicateurs retenus par les documents budgétaires soient aussi parcellaires.
J'en viens maintenant à un point d'inquiétude majeur : les crédits distribués par le programme n°137 diminueront de 5% l'an prochain, passant de 21,16 millions d'euros à 20,10 millions d'euros. Comme ce programme est presque intégralement constitué de crédits d'intervention, ce sont autant de crédits qui ne seront pas versés aux associations.
Cette diminution est préoccupante à un double titre :
- tout d'abord, elle risque de déstabiliser des associations qui font pourtant un travail remarquable sur le terrain ;
- d'autre part, nous traversons actuellement une crise économique majeure, et, comme nous le savons, les femmes sont toujours les premières affectées par les difficultés du marché de l'emploi (prédominance du travail à temps partiel et du travail précaire, écarts de salaires moyens de 27%, etc.) et sont les plus concernées par les « petites retraites ».
Or les subventions accordées aux différents intervenants en matière d'emploi diminueront de 250 000 euros en 2012, soit de 7,22% par rapport à l'an passé.
S'agissant de la prévention et de la lutte contre les violences faites aux femmes, le financement des principales associations fait l'objet d'une planification triennale dans le cadre de contrats d'objectifs et de moyens, mais les montants alloués sont à peine suffisants pour permettre à ces associations d'équilibrer leurs comptes.
Au total, je m'associe donc pleinement aux remarques formulées par notre collègue Éric Bocquet, rapporteur spécial des crédits de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances » pour la commission des finances du Sénat, qui relève dans son rapport spécial « que la « maîtrise des dépenses publiques » vantée par le Gouvernement passe en réalité par des économies de « bout de chandelle » qui ne manqueront pas de créer des difficultés majeures pour les associations alors même qu'il s'agit d'acteurs de terrain indispensables pour relayer la politique en faveur des femmes ».
J'en viens maintenant au bilan de l'action menée par le Gouvernement en matière de lutte contre les violences conjugales. J'évoquerai quatre sujets : les progrès réalisés pour améliorer le taux de plainte des victimes ; la trop lente mise en oeuvre des outils créés par la loi du 9 juillet 2010 ; la formation des professionnels ; enfin, la question de l'hébergement d'urgence des femmes victimes de violences.
Tout d'abord, de quoi parle-t-on lorsque l'on parle des violences conjugales ? En 2009, celles-ci ont représenté 232 morts et un peu plus de 56 000 faits de violence non mortelle sur conjoint(e) ou ex-conjoint(e). Le nombre de condamnations inscrites au casier judiciaire ne cesse d'augmenter : 17 358 condamnations en 2010 (dont 93 crimes), soit une progression de 8,3% des condamnations en trois ans. Néanmoins, ces chiffres paraissent bien en-deçà des violences conjugales réellement subies : plus de 80% des victimes de violences conjugales ne se déplacent pas à la police ou à la gendarmerie. Une amélioration du taux de plainte constitue donc un préalable indispensable à une prise en charge de la victime.
A cet égard, il faut admettre que des progrès réels ont été réalisés au cours des années récentes, dans la gendarmerie, la police nationale ou encore dans les parquets. Par ailleurs, plusieurs actions de sensibilisation à destination du grand public ont été menées au cours des années récentes. Il me semble qu'il y a lieu de saluer ces évolutions qui, en offrant à la victime la garantie d'être écoutée et entendue, sont de nature à améliorer le taux de plainte.
J'en viens à la mise en oeuvre de la loi du 9 juillet 2010. Celle-ci a instauré deux mécanismes novateurs de protection de la victime : un nouvel outil juridique - l'ordonnance de protection - , et un instrument technique - l'expérimentation d'un dispositif électronique « anti-rapprochement ». Or la mise en oeuvre de ces nouveaux instruments est trop lente.
S'agissant de l'ordonnance de protection, tout d'abord, les informations collectées par le ministère de la Justice mettent en évidence une application extrêmement hétérogène sur l'ensemble du territoire national des dispositions relatives à l'ordonnance de protection, qui ne peuvent pas s'expliquer uniquement par des différences objectives d' « exposition » des territoires aux violences conjugales. De fortes disparités peuvent être constatées au sein de territoires présentant pourtant des caractéristiques économiques et sociales comparables. Dans 82% des cas, l'ordonnance de protection a été requise par un avocat ; dans 17% des cas, elle l'a été par la victime et dans 1% des cas, elle l'a été par le ministère public. Le délai moyen écoulé entre la saisine du JAF et le délibéré est de 26 jours, ce qui est excessivement long au regard de la situation de danger dans laquelle peut se trouver la victime.
Au vu des réponses fournies par le ministère de la Justice, la pratique des JAF montre que :
- l'ordonnance de protection est utilisée comme un outil complémentaire, voire subsidiaire, aux procédures de droit commun déjà existantes, que ce soit en matière civile ou pénale ;
- par son caractère récent et novateur, l'ordonnance de protection suscite chez les magistrats un certain nombre d'interrogations, tant sur la procédure applicable que sur le fond. En particulier, les JAF ont du mal à s'approprier les notions de « vraisemblance des faits de violence allégués et le danger auquel la victime est exposée » (article 515-10 du code civil), qui sont propres au droit pénal ;
- plusieurs magistrats relèvent par ailleurs que l'efficacité du dispositif repose, au moins en partie, sur l'existence d'un partenariat actif entre les associations d'aide aux victimes, le barreau local et l'ensemble des auxiliaires de justice. Par exemple, certains greffes mettent en contact la victime avec l'association locale pour que cette dernière l'aide à réaliser ses démarches dans les délais les plus brefs. Un « circuit » de prise en charge a ainsi été mis en place au sein du TGI de Bobigny ;
- il apparaît enfin que l'ensemble des acteurs connaît très mal cette nouvelle procédure : seules 27% des juridictions (soit 33 TGI) ont eu connaissance d'actions de formation ou de sensibilisation sur l'ordonnance de protection, ce qui est fortement préoccupant. J'y reviendrai.
S'agissant des retards pris dans la mise en place de dispositifs anti-rapprochement, la loi du 9 juillet 2010 inclut deux séries de dispositions élargissant la possibilité de placer l'auteur des faits sous surveillance électronique et ainsi de mieux protéger la victime.
Tout d'abord, cette loi a abaissé le seuil à partir duquel un auteur de violences conjugales peut être placé sous surveillance électronique mobile (« bracelet électronique »), avant et après la peine.
Elle a par ailleurs prévu la mise en place, à titre expérimental pendant trois ans, d'un dispositif électronique anti-rapprochement permettant d'alerter les autorités en cas de violation des obligations imposées à l'auteur des faits, ou du port par la victime d'un dispositif électronique permettant de signaler à distance que l'auteur se trouve à proximité.
A l'heure actuelle, la mise en oeuvre de ces dispositions connaît de nombreux retards.
En effet, l'application des dispositions facilitant le placement sous bracelet électronique de l'auteur des faits est tributaire de la façon dont, plus largement, ce dispositif est utilisé par l'autorité judiciaire et par l'administration pénitentiaire. Or, à l'heure actuelle, le recours à ce procédé est encore peu répandu, comme nous l'a indiqué la semaine dernière notre collègue Jean-René Lecerf dans son avis sur les crédits alloués par le PLF pour 2012 à l'administration pénitentiaire. S'agissant de la prise en charge des auteurs de violences conjugales, à la date du 18 octobre 2011, seuls quatre placements sous bracelet électronique mobile avaient été décidés. Or la faiblesse du recours à ce procédé risque de compromettre les chances de réussite du dispositif anti-rapprochement dont la loi du 9 juillet 2010 a prévu l'expérimentation.
Ce dispositif, inspiré de l'exemple espagnol, permet d'attribuer à la victime un bracelet électronique qui envoie un signal à un opérateur lorsque l'auteur des violences, lui-même porteur d'un bracelet électronique, se rapproche de celle-ci. Le démarrage de l'expérimentation, qui a pris du retard en raison de difficultés techniques, a été fixé au 1er janvier 2012. Les TGI de Strasbourg, Aix-en-Provence et Amiens ont été désignés comme sites pilotes. Cette expérimentation permettra notamment d'évaluer l'impact psychologique de ce dispositif sur la victime, elle-même astreinte au port d'un bracelet électronique.
Au-delà de ce dispositif, qui devra faire la preuve de son efficacité, mon attention a été alertée sur les résultats plutôt positifs du dispositif « femmes en très grand danger », expérimenté depuis novembre 2009 dans le TGI de Bobigny et, depuis octobre 2010, dans les tribunaux du Bas-Rhin. Ce système se traduit par la remise de téléphones portables préprogrammés aux femmes victimes de violences par un magistrat du parquet, en présence d'une association d'aide aux victimes. D'après les personnes que j'ai entendues, il donne de très bons résultats et rassure les femmes qui en sont dotées. Au vu de ces informations, il me paraît souhaitable qu'une évaluation précise de ce dispositif soit conduite rapidement par le ministère de la Justice et, le cas échéant, que son extension à l'ensemble du territoire national puisse être envisagée.
J'en viens maintenant aux questions de formation des personnels. En dépit de la reconnaissance explicite dans le code pénal de la notion de harcèlement moral au sein du couple depuis la loi du 9 juillet 2010, il semble que de nombreux professionnels de justice et de santé continuent à méconnaître les phénomènes de violence et d'emprise psychologique, qui sous-tendent pourtant quasi-systématiquement les violences conjugales et précèdent bien souvent les violences physiques. Il est tout à fait crucial que les professionnels soient formés à la détection de cette forme particulièrement insidieuse de violence.
Or, en la matière, les progrès paraissent encore largement insuffisants. Certes, des efforts importants ont été accomplis par le ministère de la Justice pour renforcer la sensibilisation des personnels de justice à la thématique des violences conjugales. Il me semble que les JAF, dont certains peinent à s'approprier l'outil juridique que constitue l'ordonnance de protection comme je vous l'ai indiqué, devraient être prioritairement concernés par cette offre de formation.
En revanche, il apparaît que le cursus de formation des personnels de santé n'inclut toujours aucune action de sensibilisation à cette problématique. Cela est d'autant plus regrettable que le législateur a accordé aux médecins le droit de signaler les faits de violences au procureur de la République sans être contraint par le respect du secret médical, notamment lorsque la victime est une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son incapacité physique ou psychique.
La loi du 9 juillet 2010 avait demandé qu'un rapport sur la mise en place d'une formation spécifique en matière de prévention et de prise en charge des violences soit présenté au Parlement avant le 30 juin 2011. A ce jour, ce rapport n'a toujours pas été transmis, en raison, apparemment, de l'inertie des ministères chargés de la santé et de l'enseignement supérieur (ce dernier étant compétent en matière de formation des personnels de l'Éducation nationale). Il me paraît nécessaire d'appeler l'attention du Gouvernement sur ces lacunes.
Je terminerai en évoquant la question de l'hébergement d'urgence. La perspective de ne pas disposer d'un logement sûr pour elle et ses enfants constitue très souvent un frein dissuadant la victime de solliciter la protection de la Justice. Pour cette raison, notre droit permet d'évincer le conjoint violent du domicile conjugal, dans un cadre civil (loi de 2004 sur le divorce), dans un cadre pénal ou désormais également dans le cadre de l'ordonnance de protection. Depuis une circulaire du 19 avril 2006, les parquets sont invités à requérir l'éviction de l'auteur des violences du domicile ou de la résidence du couple, quel que soit le stade de la procédure. Cette possibilité est de plus en plus utilisée par les magistrats, puisqu'en 2006, la mesure n'était prononcée que dans 10% des cas alors qu'en 2010, elle l'a été dans près de 20% des cas.
Ce dispositif ne permet toutefois pas de faire l'économie de la mise en place d'un dispositif d'hébergement d'urgence à destination des victimes. A ce sujet, les documents budgétaires sont particulièrement laconiques. Apparemment le Gouvernement ne dispose pas d'évaluations étayées et récentes du nombre de places d'hébergement d'urgence ouvertes aux femmes victimes de violences. Cela m'apparaît d'autant plus regrettable que, lors de leur audition, les associations que j'ai rencontrées ont dénoncé le manque de places d'hébergement dans des structures d'hébergement spécialisé - l'hébergement généraliste ne permettant pas d'offrir à la victime un accompagnement social, administratif et juridique adapté. Elles estiment notamment à 6 000 - contre 3 000 à l'heure actuelle - le nombre de places d'hébergement spécialisé nécessaire.
Il me paraît nécessaire d'insister pour qu'un effort très sensible soit porté sur cette question, les dispositions relatives à l'éviction du domicile du conjoint violent ne permettant pas à elles seules de garantir en toutes circonstances la sécurité de la victime.
En conclusion, sans nier la réalité d'un certain nombre de progrès accomplis au cours des années récentes pour promouvoir des dispositifs permettant de résorber les inégalités hommes - femmes et mieux prendre en compte les violences subies par les femmes, j'observe que les moyens budgétaires mobilisés sont nettement insuffisants au regard des besoins constatés. En outre, les diminutions de crédits prévues par le présent projet de loi de finances risquent de déstabiliser des associations menant pourtant sur le terrain des actions essentielles en ces matières. Enfin, certains ministères tardent à s'impliquer dans la mise en oeuvre de la loi du 9 juillet 2010. Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose de donner un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme n°137 : « égalité entre les hommes et les femmes » au sein de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances ».
Je tiens tout d'abord à remercier notre rapporteur pour son travail, dont je partage largement les conclusions. Je voudrais rappeler que nous n'avons eu de cesse de réclamer une administration en charge du droit des femmes, que ce soit un ministère ou un secrétariat d'Etat, parce que, année après année, nous constatons que ni l'égalité, ni la parité ne progressent réellement.
Le fait que nous ne disposions pas d'une administration avec le poids politique et le budget qui en découle pose problème. On voit bien que le budget est dérisoire. Malgré un fort investissement des associations et de certaines personnalités, le budget est toujours aussi faible alors que nous avons adopté en 2010 une loi sur les violences faites aux femmes. Cette loi n'est pas parfaite et il a été difficile de l'inscrire à l'ordre du jour, mais elle a été votée. Or les associations voient leurs subventions diminuer progressivement, alors même que le besoin de faire appel à elles augmente ! Ainsi, la mise en oeuvre des dispositifs prévus par la loi de juillet 2010 - l'ordonnance de protection, le bracelet électronique, la formation des personnels, etc. - est impossible à cause d'un budget en diminution. Je serai donc très sévère. Quant à la parité, elle recule !
Ce rapport nous a permis de faire un état des lieux de la mise en oeuvre de la loi sur les violences faites aux femmes. Lorsqu'elle est appliquée, et notamment lorsque l'ordonnance de protection est prononcée, cela fonctionne. Pourquoi la loi est-elle néanmoins globalement inefficace ?
Il y a d'abord des raisons culturelles et sociales. Ce qui se dit dans le secret des cabinets d'avocats n'arrive parfois jamais jusqu'au greffe des tribunaux. Certaines femmes se confient, mais refusent de porter plainte.
Par ailleurs, les outils de la nouvelle loi sont insuffisamment utilisés, en raison d'une réelle méconnaissance du nouvel outil que constitue l'ordonnance de protection. Il est donc nécessaire de mettre à jour la formation des avocats et des magistrats en ce domaine.
Sur l'hébergement, je voudrais mettre un bémol : il y a surement une différence entre la situation des territoires ruraux, où il ne me semble pas y avoir de problème d'hébergement, et la situation des grandes villes. En tout état de cause, je répète que c'est surtout en amont qu'il faut agir, sur le plan culturel, pour inciter les femmes à porter plainte.
En Maine-et-Loire, nous avons aussi des femmes qui ont besoin d'un hébergement d'urgence ! Je souhaite par ailleurs que notre commission des lois puisse travailler spécifiquement sur la parité : la situation est préoccupante. Enfin, il convient d'être conscient que les violences conjugales existent dans tous les milieux !
Je voudrais témoigner de l'intérêt d'un dispositif : le fait que des travailleurs sociaux puissent être présents dans les lieux où les femmes portent plainte, ce qui leur permet de ne pas avoir à re-raconter leur histoire. La présence de travailleurs sociaux dans les locaux de gendarmerie ou de police nationale offre un accueil humain aux victimes. J'aimerais que notre rapporteur puisse nous renseigner ultérieurement sur ce sujet.
Je remercie notre rapporteur d'avoir évoqué l'ensemble de ces sujets. En matière d'égalité hommes - femmes, nous assistons à une régression que nous ne pouvons pas accepter, la situation actuelle étant déjà très insatisfaisante. Nous suivrons donc l'avis de notre rapporteur. Par ailleurs, nous aurons bientôt à examiner un projet de loi sur la fonction publique. Notre collègue députée Françoise Guegot a déposé un rapport atterrant sur la parité dans la fonction publique. Le projet de loi se contente, dans ce domaine, de prévoir un rapport de plus. Il me semble pourtant que nous avons largement fait le tour de la question.
Quels sont les moyens mobilisés en matière de sensibilisation à la question des représentations de la femme, et à l'étude de l'ensemble des structures qui contribuent à façonner l'opinion publique dans ce domaine ?
Concernant les ordonnances de protection, il me semble que les Algériennes ne peuvent en bénéficier car elles restent sous l'empire de la loi algérienne.
Par ailleurs, la question de l'hébergement d'urgence n'est pas suffisante : il faut aussi des structures pour accompagner ces femmes sur une plus longue durée. N'oublions pas les enfants ainsi que les auteurs de violences qui doivent, eux-aussi, être pris en charge. Enfin, je voudrais faire un « clin d'oeil » : lorsque l'on parle de « garçon manqué », cela n'a pas la même connotation péjorative que « fille manquée » !
Je répète que la racine du problème est sociale et culturelle. A propos des Algériennes, je pense que sur le sol français, c'est la loi française qui s'applique.
Lorsque l'on parle d'égalité entre les hommes et les femmes, il ne doit pas s'agir que d'égalité salariale. Il faut aussi prendre en compte l'ascension sociale. A l'université, il n'y a que 10 % de femmes professeurs alors qu'elles sont 90 % à enseigner à l'école primaire.
Je suis favorable à l'idée d'un secrétariat d'Etat consacré spécifiquement à ces questions. Par ailleurs, la réussite passe effectivement par les associations mais elles manquent de crédits : « faire mieux avec moins » n'est pas toujours possible. La loi de juillet 2010 donne de bons outils, encore faut-il que les acteurs se les approprient. Il faut inciter les victimes à déposer plainte et développer les formations, notamment en matière de violences psychologiques. Pour l'hébergement, les associations évoquent un besoin de 6.000 places, alors que seules 3.000 sont disponibles aujourd'hui. Concernant la question de M. Gaëtan Gorce, 280.000 euros sont prévus pour des actions de sensibilisation, notamment auprès des élus, soit moins de la moitié des crédits ouverts en 2011. J'ai l'intention de continuer à travailler sur toutes ces questions tout au long de l'année en menant des auditions et en faisant des propositions.
La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission.
Puis la commission examine le rapport pour avis de M. Yves Détraigne sur le projet de loi de finances pour 2012 (programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat »).
Je souhaite rendre hommage au travail accompli par le précédent rapporteur pour avis sur les crédits de la justice administrative, M. Simon Sutour.
Avec 344,9 millions d'euros en autorisation d'engagement (AE) et 349,4 millions d'euros en crédits de paiement (CP), le budget des juridictions administratives est préservé et continue de bénéficier des efforts engagés les années précédentes. Pour la première année depuis cinq ans, ce budget enregistre une baisse limitée des AE (-0,99 %). Toutefois, les CP progressent de 3,23 % : l'effort budgétaire consenti les années précédentes continue de produire ses fruits, en diminuant progressivement, s'agissant de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) et des investissements immobiliers du Conseil d'État et des juridictions administratives, après les créations des tribunaux administratifs de Montreuil et Nîmes - aucune création nouvelle n'est envisagée.
Les créations d'emplois prévues dans le projet de budget triennal 2011-2013 se poursuivent avec la création de 90 ETPT de magistrats en trois ans. Les 50 recrutements prévus pour la CNDA ont été anticipés, ce que notre président développera sans doute dans son rapport pour avis sur les crédits de l'asile.
La justice administrative bénéficie de conditions budgétaires plus favorables que les juridictions judiciaires. En effet, un arbitrage interministériel du Premier ministre du 25 mai 2005, reconduit depuis, a conclu que les programmes « Conseil d'État et autres juridictions administratives » et « Cour des comptes et autres juridictions financières » bénéficieraient de modalités budgétaires particulières et ne seraient pas affectés par les mises en réserve de crédits. Le Conseil d'État est donc exonéré de mise en réserve de crédits en début de gestion, contrairement aux juridictions judiciaires.
Les frais de justice administrative sont d'un faible montant : 11 millions d'euros au total contre plus de 400 millions pour la justice judicaire. Il s'agit à 90 % de frais postaux. On constate qu'en dépit de l'importance du contentieux des étrangers dans le contentieux administratif, les dépenses de traduction et d'interprétariat devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel ne sont que de 440 000 euros.
Si la nature écrite de la procédure peut expliquer, pour les contentieux ordinaires, qu'il ne soit pas fait recours à un interprète, l'explication ne vaut pas pour certains contentieux de l'urgence, dont ceux, par exemple, des reconduites à la frontière ou des référés libertés, où les explications orales de l'intéressé peuvent être nécessaires. Il semble qu'en ces matières, pour une large part, le demandeur ne participe pas aux débats, l'avocat s'exprimant à sa place.
Une réflexion pourrait utilement être conduite pour examiner la nécessité ou non de prévoir un plus ample recours à l'interprétariat devant le juge administratif, notamment dans le contentieux des étrangers, et en évaluer l'impact éventuel.
On constate une progression continue du contentieux, due à certains contentieux particuliers
Comme l'a rappelé le vice-président du CE, M. Jean-Marc Sauvé : « l'augmentation du contentieux est une constante de la juridiction administrative depuis ses origines. Mais elle a pris, au cours des dernières décennies, une ampleur considérable : 20 000 requêtes avaient été enregistrées en 1970 ; plus de 172 000 l'ont été en 2009. Depuis une quarantaine d'années, le contentieux administratif augmente en moyenne de 6 % par an et il double presque tous les dix ans ».
Cette inflation constante du contentieux administratif a justifié les importants efforts budgétaires engagés pour créer de nouvelles juridictions et augmenter les effectifs de magistrats et de personnels. Ces efforts ont payé et permettent aujourd'hui à la justice administrative de présenter des délais de traitement acceptables.
En appel, alors que le contentieux est passé en 10 ans, de 16 000 affaires à 27 000, le délai prévisible de jugement est passé de près de 3 ans à 1 an. En première instance, alors que le contentieux est passé en 10 ans, de 113 000 affaires à 175 000, le délai prévisible de jugement est passé d'un an et 8 mois à 11 mois.
En revanche, pour les affaires dites « ordinaires », c'est-à-dire hors référés et ordonnances, le délai moyen constaté de jugement en 2010 est revenu au niveau de 2007, à 2 ans 2 mois et 15 jours. Ce mauvais résultat manifeste la difficulté que rencontrent les tribunaux administratifs, de plus en plus sollicités par des contentieux courts qui se multiplient, à traiter les affaires ordinaires.
Sur les dix dernières, les contentieux les plus inflationnistes, en volume et en pourcentage de progression, sont le contentieux des étrangers qui représente ¼ du contentieux en première instance et ½ en appel (+ 671 % en appel et + 128% en première instance) et celui de la police, dont le permis de conduire, qui représente 4 % du contentieux d'appel et 10 % du contentieux de première instance (+ 200 % en appel et + 195 % en première instance).
L'alourdissement programmé du contentieux administratif suscite une certaine inquiétude.
Les causes anciennes de l'inflation du contentieux continuent de produire leurs effets, qu'il s'agisse des modifications récentes intervenues dans le contentieux des étrangers, du logement avec l'instauration du droit au logement opposable, du revenu de solidarité active, de la commande publique ou encore l'impact de la question prioritaire de constitutionnalité ...
Certaines réformes vont atteindre un nouveau palier : au 1er janvier 2012, le recours devant le juge administratif prévu dans la loi DALO sera ouvert à toutes les personnes reconnues prioritaires par les commissions de médiation. Cet impact n'a pas encore été évalué.
La loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration a reporté l'intervention du juge des libertés et de la détention d'un délai de quarante-huit heures après le début de la rétention à un délai de cinq jours. En pratique, l'intervention du juge des libertés et de la détention et celle du juge administratif se trouvent donc inversées, ce qui aura deux conséquences :
- le juge administratif sera saisi plus fréquemment qu'actuellement ;
- il sera saisi de questions plus nombreuses qu'aujourd'hui (le principe même de l'éloignement de l'étranger ; le cas échéant, l'absence de délai de retour volontaire qui lui est laissé ; le choix du pays de sa destination ; le bien fondé de son placement en rétention ; l'infliction d'une interdiction de retour...).
Or, l'impact contentieux de cette mesure n'a fait l'objet d'aucune évaluation dans l'étude d'impact. Il faudra suivre cette question avec attention.
Les réponses apportées à l'augmentation programmée du contentieux seront-elles suffisantes.
Jusqu'à présent la réponse apportée à l'inflation du contentieux a mobilisé trois leviers : budgétaire avec la création de juridictions et l'augmentation des effectifs), humain et organisationnel avec l'élévation de la productivité des magistrats et la valorisation indemnitaire, et, enfin, procédural avec la simplification des procédures et le développement des modes alternatifs de règlement des litiges.
Or, deux de ces leviers semblent aujourd'hui bloqués : le levier budgétaire, en raison du contexte financier général ; le levier humain et organisationnel, parce qu'on a atteint un seuil dans l'intensification du travail. Aujourd'hui, les conseillers d'un tribunal administratif traitent en moyenne 268 dossiers par an contre 219 en 2000.
Il ne reste plus que le levier procédural. Cependant, cette piste n'est elle-même pas sans présenter quelques risques. En effet, la procédure garantit le droit. Si tout allègement ou simplification ne préjudicie pas forcément aux droits du justiciable, c'est toujours à cette aune qu'il convient de l'évaluer, avant même de considérer l'économie qu'il permettrait de réaliser.
Les solutions envisagées peuvent susciter, pour certaines, des interrogations.
La dispense de conclusions du rapporteur public prévue dans la loi de simplification présente deux particularités : le choix des matières relèvera du pouvoir réglementaire et pourra porter sur d'autres contentieux que ceux de l'urgence ; la dispense est optionnelle et doit être demandée par le rapporteur public lui-même et acceptée par le président de la formation de jugement.
Cette réforme suscite l'opposition des syndicats de magistrats qui craignent qu'elle serve à la gestion des flux contentieux et qu'il y ait une pression exercée sur les rapporteurs publics pour qu'ils demandent la dispense.
Les inquiétudes qui s'expriment, alors que la liste des matières concernées n'est toujours pas connue, sont légitimes. Elles ne s'apaiseront que si la pratique démontre l'intérêt du dispositif et son innocuité. Pour cette raison, cette réforme appelle à un suivi minutieux.
Le vice-président du Conseil d'État a engagé une réflexion sur la création d'une action collective en droit administratif. L'instauration d'une telle action serait de nature à donner au juge comme aux parties un outil procédural adapté au traitement du contentieux proprement sériel, comme le contentieux fiscal, qui pose actuellement à la justice administrative des difficultés spécifiques. Le Gouvernement n'a cependant pas encore pris position sur cette question, qui reste ouverte.
Une piste semble aujourd'hui fermée : l'extension du nombre de contentieux jugés à juge unique.
En principe le juge administratif statue en formation collégiale, après présentation des conclusions du rapporteur public. Toutefois, certains contentieux présentent des caractéristiques qui ont conduit à apporter, pour leur traitement, une exception à ce principe et à prévoir qu'ils soient examinés par un juge unique. Ce transfert de contentieux à un juge unique a constitué un des éléments importants pour permettre aux juridictions de faire face à l'inflation du contentieux.
Cette solution pose aujourd'hui une question : est-il encore possible d'augmenter le nombre des contentieux jugés par un juge unique sans porter une atteinte préjudiciable aux droits des justiciables concernés ?
On constate qu'aujourd'hui, un seuil est sans doute atteint en la matière : 2/3 des affaires jugées devant les tribunaux administratifs le sont par un juge unique, qu'il s'agisse de référés, d'ordonnances de rejet ou de contentieux spécifiques.
En outre, les syndicats dénoncent le fait que les contentieux dits « sociaux » sont soumis à un juge unique (DALO, contentieux des étrangers, contentieux des résidences mobiles...)
Une réflexion est engagée, en coordination avec la réforme sur la dispense de conclusions du rapporteur public, pour revisiter la répartition des contentieux selon quatre catégories : 1) formation collégiale sans dispense de conclusions possible, 2) avec dispense, 3) juge unique sans dispense de conclusion, 4) juge unique avec dispense.
Les propositions qui seront faites dans ce cadre auront-elles pour objet de restreindre la liste des contentieux soumis à juge unique et dispensés de conclusions du rapporteur public ou bien au contraire de l'étendre ? Préserveront-elles les droits des justiciables ou bien priveront-elles certains de la garantie supplémentaire que constitue le rapporteur public ? Ce projet de réforme appelle un suivi attentif et vigilant.
En conclusion, compte tenu des efforts engagés les années précédentes, qui se poursuivent dans ce budget, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la justice administrative, en appelant toutefois à une certaine vigilance pour l'avenir en raison des incertitudes relatives à la progression programmée du contentieux, dont on ne mesure pas encore l'impact.
On évoque parfois un projet de suppression de certaines cours administratives d'appel, qu'en est-il ?
Les délais de jugement ne sont pas satisfaisants, on peut parfois compter six ans entre la première instance et la cassation. Des projets d'intérêt général se trouvent ainsi bloqués à cause d'un simple recours.
J'observe que l'augmentation du contentieux trouve son origine dans la meilleure information de nos citoyens. Une enquête que j'avais conduite dans les années soixante-dix avait montré, qu'à l'époque, les citoyens estimaient qu'il n'était pas de recours possible contre l'administration. Les choses ont bien changé depuis lors, grâce notamment aux associations. Reste le problème des recours abusifs : les tribunaux administratifs devraient davantage utiliser les sanctions à leur disposition pour les décourager.
La mauvaise rédaction de certaines lois en matière d'urbanisme ouvre un espace trop grand à l'interprétation des tribunaux. Monsieur le Président, pourquoi la commission des lois n'organiserait-elle pas un colloque sur les difficultés d'application de ces législations ?
Enfin, certains tribunaux administratifs ne sont-ils pas à la limite de la saturation ?
Ayant rapporté pour votre commission pendant les sept dernières années l'avis budgétaire sur la justice administrative, j'observe que notre rapporteur confirme que le rattachement des juridictions administratives à la mission « Conseil et contrôle de l'Etat » leur a été bénéfique. Les investissements immobiliers se poursuivent notamment en Ile-de-France ainsi que l'effort porté sur la Cour nationale du droit d'asile.
S'agissant des délais de jugement, la procédure de référé a permis une amélioration. J'appelle votre attention sur les dangers qu'il y aurait à privilégier les contentieux jugés par juge unique au nom de l'objectif de réduction des délais. La collégialité est protectrice des droits.
Le groupe socialiste s'abstiendra sur ce budget.
Même le référé pose problème lorsqu'il aboutit à la nomination d'un expert.
Si le groupe socialiste s'abstient sur le budget de la justice administrative alors qu'il a voté contre les crédits des juridictions financières, c'est parce qu'il refuse de souscrire à la réorganisation dont feront l'objet les juridictions financières.
La multiplication des contentieux d'urbanisme retient toute l'attention des élus locaux. Je suis favorable à l'organisation du colloque proposé par notre collègue Gélard.
Notre groupe votera contre ce budget, même s'il n'est pas le plus mauvais, en raison du rejet global du budget proposé par le Gouvernement.
Monsieur Gélard, il y a effectivement des recours abusifs comme celui d'une association du seizième arrondissement qui s'oppose à la construction de logements sociaux sur des terrains appartenant la SNCF.
Un colloque pourrait effectivement être organisé avec le Conseil d'Etat sur le droit de l'urbanisme.
Monsieur le rapporteur, l'égalité d'accès au juge administratif est-elle toujours assurée ? Lorsqu'un maire saisit la juridiction administrative, les frais échoient au contribuable. Lorsqu'une association agit de même alors qu'elle défend elle aussi un intérêt général, elle doit les acquitter elle-même.
Il n'existe pas à ma connaissance de projet de suppression de cours administratives d'appel. Sur la question des délais, il y a un paradoxe. La multiplication des procédures rapides raccourcit les délais mais détourne les magistrats des affaires ordinaires, dont les délais de traitement s'allongent. C'est ce qui explique qu'une réflexion soit engagée sur la dispense de conclusion du rapporteur public et l'extension des cas de recours à un juge unique.
Je partage l'avis de Simon Sutour sur le bénéfice que les juridictions administratives ont tiré de leur rattachement à la mission « Conseil et contrôle de l'Etat ». Peu de budgets profitent de conditions si favorables. Avoir le vice-président du Conseil d'Etat comme responsable de programme aide dans la négociation avec Bercy...
Monsieur le Président, effectivement, la question de l'égalité financière d'accès à la justice se pose, d'autant plus que les membres de l'association paieront, si elle perd, deux fois, en tant qu'adhérents et en tant que contribuables.
L'égalité d'accès à la justice est mise en cause par la contribution pour l'aide juridique à laquelle je m'oppose.
Je rappelle que la commission a adopté un amendement proposant de supprimer cette taxe lors de l'examen des crédits alloués à la justice judiciaire et à l'accès au droit.
La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Conseil d'Etat et autres juridictions administratives » de la mission « Conseil et contrôle de l'Etat ».