La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
Monsieur le président, je souhaite faire une rectification au sujet d’un vote.
Lors du scrutin public n° 181 sur les amendements identiques n° 1 rectifié quater, 126 rectifié bis et 135 rectifié déposés à l’article 9 du projet de loi relatif à la bioéthique, M. Jean-Pierre Raffarin a été déclaré comme ayant voté contre, alors qu’il souhaitait voter pour.
Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
M. le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l’article 99 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, le bilan 2007-2010 de l’expérimentation de la décentralisation des crédits consacrés à l’entretien et à la restauration des monuments historiques.
Il a été transmis à la commission de la culture, de l’éducation et de la communication.
Acte est donné du dépôt de ce document. Il sera disponible au bureau de la distribution.
(Texte de la commission)
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la bioéthique (projet n° 304, texte de la commission n° 389, rapports n° 388 et 381).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 13.
Titre IV
INTERRUPTION DE GROSSESSE PRATIQUÉE POUR MOTIF MÉDICAL
(Non modifié)
Le deuxième alinéa de l’article L. 2213-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « trois personnes qui sont un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique, » sont remplacés par les mots : « quatre personnes qui sont un médecin qualifié en gynécologie-obstétrique, membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal, un praticien spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte, » ;
2° Au début de la seconde phrase, les mots : « Les deux médecins précités » sont remplacés par les mots : « Le médecin qualifié en gynécologie-obstétrique et celui spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte ».
L’article 13 prévoit de renforcer la composition de l’équipe pluridisciplinaire chargée de délivrer les attestations autorisant une interruption médicale de grossesse lorsque celle-ci met en péril la santé de la mère.
L’amendement n° 21 vise à intégrer un psychiatre dans cette équipe. En effet, l’accompagnement mental des femmes demandant une interruption médicale de grossesse pour des raisons de santé est souvent négligé, selon un rapport de la DREES, la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la santé, publié en 2009.
Depuis la loi du 4 juillet 2001 relative à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception, l’entretien psychologique préalable à une interruption volontaire de grossesse n’est plus obligatoire pour les femmes majeures. Cependant, 48 % des établissements du secteur public continuent de le leur proposer systématiquement.
Les professionnels effectuant ces entretiens sont le plus souvent des conseillers conjugaux et des psychologues. Plus d’un établissement sur trois déclare que les entretiens sont menés par de tels professionnels. En revanche, les médecins ne sont que 2 % à y participer. Il s’agit alors pour l’essentiel de gynécologues-obstétriciens. Or je ne suis pas sûr que les médecins qualifiés en gynécologie-obstétrique, en échographie du fœtus, en pédiatrie ou en génétique médicale soient les plus aptes, s’agissant de cas difficiles bien sûr, à comprendre les problématiques psychologiques et à les expliquer aux personnes fragilisées.
La généralisation de la présence de psychiatres au sein des équipes de prise en charge me paraît donc nécessaire. La présence de ces professionnels doit être encouragée. Le suivi des conséquences éventuelles pour les patientes d’un avortement, qui affecte aussi bien le physique que le mental, ne peut s’envisager sans ou contre les psychiatres.
L'amendement n° 21, présenté par M. Cazeau, Mme Le Texier, MM. Godefroy et Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon et Le Menn, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Desessard et Mirassou, Mmes Blandin, Blondin, Bourzai et Lepage, MM. C. Gautier, Collombat, Guérini, Madec, Marc, Massion, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Alinéa 2
1° Remplacer les mots :
quatre personnes
par les mots :
cinq personnes
2° Compléter cet alinéa par les mots :
un psychiatre,
La parole est à M. Bernard Cazeau.
Cet amendement vise à porter de quatre à cinq le nombre de membres de l’équipe pluridisciplinaire chargée de délivrer l’attestation autorisant une interruption médicale de grossesse en cas de problème de santé de la mère, et ce afin d’y adjoindre un psychiatre.
Parmi les quatre membres de l’équipe figure déjà un psychologue. Y ajouter systématiquement un psychiatre ne serait pas opportun, d’autant que, si la mère a un problème médical d’ordre psychiatrique, le médecin spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte sera, dans la plupart des cas, un psychiatre.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement émet le même avis que M. le rapporteur.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 64 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Bockel et Detcheverry, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 2
Remplacer les mots :
un praticien spécialiste
par les mots :
un médecin qualifié dans le traitement
II. - Alinéa 3
Remplacer les mots :
celui spécialiste
par les mots :
le médecin qualifié dans le traitement
La parole est à M. Gilbert Barbier.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi de faire un peu de sémantique.
L’article 13 prévoit que l’équipe pluridisciplinaire comprendra un « praticien spécialiste de l’affection dont la femme est atteinte ».
Il serait à mon avis plus intéressant de prévoir, à la place d’un « praticien spécialiste », un « médecin qualifié dans le traitement de l’affection dont la femme est atteinte ». En effet, la notion de « spécialité » en médecine est très précise et n’est pas couverte par la rédaction actuelle du texte.
La commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement ; elle souhaite cependant connaître l’avis du Gouvernement.
Si un médecin est spécialiste d’une affection quelconque, il est forcément qualifié pour assurer à la femme le soin dont elle a besoin.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Je note que, par le biais de la sémantique, l’amendement de Gibert Barbier rejoint le mien. C’est subtil, mais c’est le cas.
Dès lors, permettez-moi de relever que, alors que la commission s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement de M. Barbier, elle a émis un avis défavorable sur le mien. Toutefois, rassurez-vous, je ne vais pas en faire toute une histoire !
Sourires
Sourires
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.
L'article 13 est adopté.
Le troisième alinéa de l’article L. 2213-1 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : « Hors urgence médicale, la femme se voit proposer un délai de réflexion d’au moins une semaine avant de décider d’interrompre ou de poursuivre sa grossesse. »
L'amendement n° 22, présenté par MM. Godefroy et Cazeau, Mme Le Texier, M. Michel, Mmes Cerisier-ben Guiga, Alquier, Printz et Schillinger, MM. Kerdraon et Le Menn, Mmes Demontès et Jarraud-Vergnolle, MM. Desessard et Mirassou, Mmes Blandin, Blondin, Bourzai et Lepage, MM. C. Gautier, Collombat, Guérini, Madec, Marc, Massion, Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, interrogeons-nous sur le sens de cette phrase figurant à l’article 13 : « Hors urgence médicale, la femme se voit proposer un délai de réflexion d’au moins une semaine avant de décider d’interrompre ou de poursuivre sa grossesse. »
Cette disposition n’a aucun effet contraignant, le délai de réflexion n’étant que « proposé ». Il s’agit là, selon nous, d’un manque de respect vis-à-vis d’une femme bouleversée à l’annonce d’une nouvelle particulièrement grave. Pensez-vous que cette femme va prendre une décision le jour même, voire le lendemain ? Le choix qu’elle devra faire, en concertation, dans la majorité des cas, avec l’autre membre de son couple, sera réfléchi. Surtout, il sera effectué dans la douleur.
Le législateur n’a pas à prévoir de tels mécanismes. Ces réflexions doivent relever de la sphère privée, car elles sont profondément intimes. Se voir offrir un délai de réflexion à un moment d’une exceptionnelle gravité nous semble totalement inapproprié.
Outre le fait que ce délai de réflexion n’a pas de caractère contraignant et que son existence est fortement critiquable, la formulation même de l’article est équivoque, ce qui est contraire aux exigences de clarté et d’intelligibilité de la loi. En effet, le texte prévoit « un délai de réflexion d’au moins une semaine ». Cela signifie-t-il que ce délai pourra être plus long ? Quel est l’intérêt de proposer un délai plus long sachant que ce temps de réflexion n’est pas obligatoire ?
Mes chers collègues, nous vous proposons par conséquent de supprimer cet article, qui ne nous semble ni approprié ni clair.
Le délai mis en place dans le texte a paru nécessaire à la commission. D’ailleurs, dans les faits, il est bien souvent supérieur à une semaine. En outre, les cas d’urgence sont prévus dans l’article.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement.
Le délai de réflexion est non pas imposé, mais proposé. Un tel délai me paraît raisonnable dans la mesure où une décision prise à chaud et sous le coup de l’émotion peut ne pas correspondre au choix qui aurait été fait à l’issue d’un temps de réflexion.
Monsieur le président, je pensais naïvement que la révision des lois relatives à la bioéthique était destinée à adapter la législation aux nouvelles techniques médicales et aux nouvelles attentes de la société. Or, je constate que l’on profite de ce projet de loi relatif à la bioéthique pour manifester encore son opposition à la légalisation de l’avortement, votée voilà de nombreuses années.
Cet article est absolument scandaleux ! Il fait peser sur la femme susceptible d’avorter – et ce n’est jamais de gaieté de cœur qu’une telle décision est envisagée – une pression supplémentaire. « Encore un moment, monsieur le bourreau », puisque cette femme va tuer un être vivant ! Telle est là la signification de cet article, qui est absolument ignoble. En toute sincérité, je m’étonne que M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État ne s’opposent pas à ce texte !
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 22.
Si je suis tout à fait d’accord avec les propos tenus par Mme la secrétaire d’État, je considère cependant inutile de faire figurer dans la loi une telle disposition.
Le délai de réflexion existe naturellement, et il ne revêt aucune obligation légale. Il va de soi ; or, la loi n’est pas faite pour écrire quelque chose qui va de soi. À partir du moment où la personne va devoir prendre une décision, pourquoi écrire dans la loi qu’il s’agit d’ « un délai de réflexion d’au moins une semaine » ? Il s’agit tout simplement du délai minimal que la personne concernée voudra bien s’accorder, et il convient de lui laisser un libre choix à cet égard.
À ce propos, je souhaite revenir sur le débat d’hier soir, mon inquiétude étant alors sous-jacente à ce qui nous est dit ici. Il a été indiqué hier soir – et vous vous souvenez que j’avais fait diverses observations à cet égard – que, pendant le délai de réflexion, le médecin – et je conteste toujours que ce soit le médecin qui ait à le faire – devra fournir une liste d’associations. On voit bien que ce délai minimum doit pouvoir servir de temps d’intervention aux associations, lesquelles risquent d’influer sur la décision de la personne concernée. Le délai que nous créons aujourd’hui n’a donc à mon sens pas lieu d’être.
Mme Nora Berra, secrétaire d'État. Il est d’usage que le délai de réflexion soit proposé à la femme. Il paraît en effet normal, lorsque l’on est amené à prendre une décision d’une telle importance, de pouvoir réfléchir avant qu’il ne soit trop tard. J’insiste sur le fait que le délai de réflexion est proposé et non pas imposé. Dans le cas où la femme prend sa décision avant la fin du délai de réflexion, sa volonté est respectée. Cette disposition de l’article 13 bis ne lui est en rien opposable.
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Nous sommes au cœur d’une discussion que nous avons déjà abordée hier soir.
Il nous semble absolument nécessaire que la femme conserve une totale liberté dans ce domaine. Or, nous considérons comme une pression supplémentaire le délai de réflexion, semble-t-il imposé, …
Peut-être, mais nous voyons bien dans cette discussion qu’il y aura en fait une tentative pour entraver la liberté de la femme !
Cet article est à la fois inutile et dangereux.
Il est inutile parce que, très souvent – et les praticiens le savent –, les femmes veulent, avant de prendre leur décision, pouvoir en parler avec la personne avec qui elles vivent, que ce soit leur mari ou leur concubin.
Il est par ailleurs dangereux si la femme est à la limite du délai légal – cela arrive très souvent chez les jeunes – et qu’elle a impérativement, à deux ou trois jours près, l’obligation de décider. (
Monsieur le rapporteur, le texte de la commission stipule : « Hors urgence médicale » ! Compte tenu du fait qu’il peut s’agir non pas d’une urgence médicale, mais d’une urgence de date, cette précision relative au délai de réflexion me semble inutile.
Je souhaite simplement rappeler au docteur Bernard Cazeau que, s’il existe une date limite concernant l’IVG, tel n’est pas le cas pour l’IMG.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 105, présenté par M. Fischer, Mmes David et Pasquet, M. Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… - Après le troisième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La femme enceinte dispose, dès l’annonce du risque mentionné à l’alinéa précédent, de la possibilité de renoncer par écrit au délai d’une semaine qui lui est proposé. »
La parole est à M. Guy Fischer.
L’article 13 bis résulte de l’adoption d’un amendement à l’Assemblée nationale tendant, « après l’annonce d’un risque avéré d’affection particulièrement grave affectant le fœtus, [à] donner à la femme enceinte un délai de réflexion de deux semaines afin qu’elle puisse », selon l’expression du député Paul Jeanneteau, « faire un choix éclairé ».
Cet article, mes chers collègues, a déjà une histoire. L’amendement qui lui a servi de support a en effet été modifié à l’Assemblée nationale, puisque ce délai était initialement obligatoire, comme s’il fallait imposer aux femmes enceintes un moment particulier pour réfléchir aux suites qu’elles entendaient donner à leur grossesse.
Vous ne manquerez pas de nous rétorquer que, d’une part, le texte a là encore été modifié par notre commission et que, d’autre part, les délais de réflexion ne sont pas rares dans le domaine médical, particulièrement lorsque les choix sont irréversibles. Soit !
Mais la commission des affaires sociales, pour reprendre les termes employés dans le rapport de M. Alain Milon, a « apporté un peu de souplesse en prévoyant que le délai de réflexion proposé à la femme pour décider ou non d’interrompre sa grossesse soit d’au moins une semaine. »
Notre amendement entend apporter davantage de souplesse encore en permettant aux femmes qui le souhaiteraient de renoncer à ce délai de réflexion. Il ne faut en effet pas perdre de vue que le parcours du diagnostic prénatal tel que visé à l’article 9 de ce projet de loi est composé de plusieurs étapes : les femmes, les couples découvrent tout d’abord le risque d’anomalie ou de maladie ; cette dernière se précise ensuite, et, en cas de risque avéré, de nouveaux examens de biologie médicale à visée diagnostique peuvent être proposés, pour déboucher au final sur une consultation médicale avec un membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal.
Durant ces différentes étapes, les femmes enceintes ont tout loisir de s’interroger, avec leur partenaire, sur le sort qu’elles entendent réserver à leur grossesse. Pour certaines d’entre elles, le délai prévu par cet article 13 bis peut être le bienvenu. Pour d’autres, ce délai est inutile, voire inopportun. Voilà pourquoi cet article n’a à notre avis pas lieu d’être.
Le texte dispose clairement que le médecin propose – et non impose – un délai d’au moins une semaine à la femme enceinte. Dans ces conditions, cette dernière peut y renoncer quand elle veut. Elle n’a pas besoin pour cela de faire un écrit, ce qui serait une obligation supplémentaire entraînant des difficultés encore plus grandes. La commission émet donc un avis défavorable.
Il n’y a aucune raison pour que la femme enceinte renonce par écrit à un délai qui ne lui est pas imposé et qui, par conséquent, n’est pas obligatoire. Comme M. le rapporteur, j’émets donc un avis défavorable.
Mais pourquoi le médecin proposerait-il un délai ? Il suffit qu’il dise à la patiente qu’elle a tout le temps pour réfléchir et pour prendre sa décision. Il n’y a pas d’intérêt évident à écrire dans la loi que le médecin propose un délai. Si le médecin propose ce dernier en expliquant que ce délai entre dans le cadre de la loi, il interfère dans le libre-arbitre de la personne. Il suffit simplement de dire que la femme enceinte dispose de tout son temps pour prendre la décision de poursuivre ou non la grossesse tout en instaurant, en revanche, un délai médical.
Je ne comprends vraiment pas quel intérêt il y aurait à instaurer un délai, sauf à occulter les raisons profondes de cette décision, et c’est ce que j’ai tenté d’expliquer auparavant.
Je ne sais guère pourquoi nous nous empoignons au sujet de cet article qui, de mon point de vue, n’a pas lieu d’être. Il m’est arrivé il n’y a pas si longtemps, lorsque tous les sénateurs médecins étaient vent debout contre l’idée d’une distribution des contraceptifs par les sages-femmes, de critiquer les médecins. Toutefois, pour avoir fréquenté de près, de par mon activité professionnelle, le milieu médical, je sais que si les femmes sont confrontées à un praticien qui ne les incite pas à prendre le temps de la réflexion, elles doivent en premier lieu changer de médecin !
Voilà pourquoi cet article ne me paraît pas utile. Il est bien évident qu’un médecin, lorsqu’il va expliquer à une femme enceinte ce qui lui arrive, va inciter cette dernière à prendre du temps pour réfléchir, pour parler avec d’autres personnes, pour consulter un généticien, avant de revenir le voir. Je ne souscris pas intégralement aux propos de mon collègue M. Jean-Pierre Michel. Je ne vois toutefois pas pourquoi il est nécessaire d’inscrire ce délai dans la loi, sauf à considérer inconsciemment que, quelquefois, ces femmes sont un peu demeurées et qu’il faut fixer un cadre !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je partage l’avis de nos collègues qui viennent de s’exprimer. La formulation de cet article pose un problème, ce qui montre bien, si vous me permettez l’expression, il y a quelque chose de « louche ».
Sourires sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
L’article 13 bis dispose que « la femme enceinte se voit proposer un délai de réflexion ». À qui s’adresse donc l’injonction ? Au médecin, dont on sous-entend qu’il serait susceptible de ne pas le faire ? Vous prétendez que la femme demeure libre d’accepter ou non le délai. Il s’agit donc en fait d’une obligation cachée, la rédaction signifiant en fait que « la femme enceinte doit observer un délai de réflexion ».
Soit cette formule ambiguë est parfaitement inutile – la loi a en effet pour finalité non pas de délivrer de petites indications mais d’énoncer des règles –, soit elle vise à asséner un coup de semonce aux médecins afin qu’ils imposent le délai de réflexion, ce qu’ils ne font pas forcément en pratique ; dans ce dernier cas, il faudrait plutôt écrire que « la femme doit se voir proposer ». Ne faisons donc pas preuve d’hypocrisie, et supprimons cet article !
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 13 bis est adopté.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi d’abord de vous faire part de quelques éléments chiffrés.
On compte environ 50 000 enfants nés d’une insémination avec donneur depuis le début de cette pratique, en 1976. En moyenne, chaque année, 1 200 enfants naissent selon cette méthode, et on compte 750 donneurs, avec une part un peu plus importante d’hommes que de femmes.
La commission des affaires sociales a rétabli l’intitulé du titre V, supprimé par l’Assemblée nationale, dans une rédaction qui n’est pas exactement celle du projet initial du Gouvernement. Elle a fait le choix de passer, en matière de don de gamètes, à un système de responsabilité éthique qui, je le souligne, n’entraîne en aucun cas un régime de responsabilité juridique.
Notre texte permet à l’enfant devenu majeur d’obtenir à sa demande la levée de l’anonymat du ou des donneurs de gamètes sans que ceux-ci puissent s’y opposer.
Selon nous, une telle solution est la plus claire et la plus responsable.
L’égalité sera totale entre ceux qui pourront obtenir la levée de l’anonymat et les autres. La levée de l’anonymat sera un droit pour les enfants nés du don ; les donneurs comme les parents en auront été informés dès l’origine. En effet, ce système ne fonctionnera que si tous les donneurs sont informés au moment du don de la possibilité pour les enfants qui en naîtront de demander à connaître leur identité.
Il s’agit donc de mettre en place une information systématique pour les futurs donneurs. La commission propose que cette information entre en vigueur à partir du 1er janvier 2013 et que la levée de l’anonymat prenne effet lorsque les enfants nés à partir du 1er janvier 2014 atteindront leur majorité, à condition qu’ils le souhaitent, c'est-à-dire en 2032.
Ce système est plus simple et, me semble-t-il, plus sain que celui que le Gouvernement envisageait initialement.
En effet, l’obligation d’obtenir le consentement du donneur dix-huit ans ou plus après son don imposait de le retrouver, au prix de procédures lourdes et contraignantes, pour que la commission chargée d’instruire la demande de levée d’anonymat puisse accéder à l’ensemble des données publiques permettant de retrouver le donneur. En pratique, cela aurait abouti, si le donneur était d'accord pour la levée de l’anonymat, à l’organisation d’une rencontre, ce qui ne me semble pas nécessairement souhaitable.
Mieux vaut que la levée de l’anonymat soit prévue dès l’origine et que la recherche du donneur n’incombe pas à l’État. Je pense que la possibilité de levée de l’anonymat et la communication du nom du donneur et des caractéristiques qu’il aura indiquées lors du don, par exemple son âge ou sa profession, suffiront dans la majorité des cas.
Certes, un tel système change le rapport au don. Certains craignent que la levée de l’anonymat ne fasse diminuer le nombre de dons, au moment où des couples vont déjà chercher des gamètes à l’étranger, par exemple en Espagne. Mais le cas du Royaume-Uni est éloquent. La levée de l’anonymat y a été rendue obligatoire, et le nombre de donneurs n’a pas chuté ; c’est leur profil qui a changé : il s’agit de personnes plus âgées, plus responsables, assumant pleinement le don qu’elles effectuent.
En effet – et c’est là le fond de l’affaire –, compte tenu de l’évolution du droit et des mœurs, on ne peut plus prétendre que le gamète est un simple produit thérapeutique destiné à pallier la stérilité d’un couple. L’accès aux origines est reconnu par les conventions internationales et il ne constitue pas une volonté de « biologiser » la filiation.
Pour les cas auxquels je pense, qui resteront minoritaires, l’essentiel est plutôt le fait de savoir que l’on est non pas un produit de la science, mais bien issu de personnes humaines.
Les parents resteront libres de décider s’ils disent ou non la vérité à leurs enfants.
De ce point de vue, le travail des centres d’études et de conservation des œufs et du sperme, les CECOS, a beaucoup évolué. Ils accompagnent les familles pour les aider à assumer la vérité de la technique de conception.
Contrairement à ce que l’on a pu entendre, la levée de l’anonymat en Suède ne s’est pas traduite par une augmentation du secret. Les parents suédois disent davantage à leurs enfants la vérité sur leurs origines que les Français, comme le montre l’étude publiée par les chercheurs suédois le 5 janvier dernier.
Ainsi, avec le système proposé, les donneurs donneront en toute connaissance de cause, et les enfants devenus majeurs auront le droit de savoir.
Enfin, les centres qui pratiquent l’insémination avec tiers donneur craignent que la levée de l’anonymat n’entraîne une mise en cause future de la responsabilité, car ce sont eux qui choisissent d’apparier donneurs et couples receveurs.
À mes yeux, il y a effectivement un problème dans la détermination des critères de choix du donneur par les médecins. Le sujet est trop sensible pour être laissé à l’initiative de chaque équipe. Il faut désormais un référentiel clair, afin d’éviter tout arbitraire et toute irruption du « donneur à la carte », comme aux États-Unis. C’est l’objet de l’article 18 ter adopté par la commission.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga et M. Jean-Pierre Michel applaudissent.
Nous allons examiner l’amendement n° 151, qui tend à une nouvelle rédaction de la division titre V.
Je demande la réserve de cet amendement jusqu’à la fin de la discussion des articles du titre V, monsieur le président !
L'amendement n° 113 rectifié ter, présenté par M. Revet, Mme Des Esgaulx, M. Bécot, Mme Bruguière et MM. Bailly et Lardeux, est ainsi libellé :
Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Tout citoyen majeur qui ne dispose pas d'informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tous documents lui permettant d’obtenir réponses à ses interrogations.
La parole est à M. Charles Revet.
Cet amendement va, me semble-t-il, dans le sens de ce que M. le rapporteur vient d’indiquer.
Sourires au banc des commissions
Certes, je suis conscient que le présent projet de loi, dans ses différents articles, a une portée beaucoup plus large que l’aspect sur lequel je veux intervenir.
Mais nous connaissons tous des personnes nées sous X et abandonnées à la naissance qui souhaitent connaître leurs origines ; à l’avenir, compte tenu des progrès de la science, le phénomène pourrait encore s’accentuer.
Deux raisons au moins justifient à mes yeux que ces personnes puissent avoir accès à leurs origines.
Premièrement, d’un point de vue médical, il est plus facile de traiter une personne dont on connaît les éventuels antécédents familiaux.
Deuxièmement, pour sa construction psychologique, l’enfant doit pouvoir connaître ses origines. Dans mon canton, j’ai reçu deux personnes abandonnées à la naissance qui voulaient à tout prix connaître l’identité de leurs parents. Cela ne signifie pas qu’elles aient ensuite porté un jugement sur la décision prise par ces derniers ; au contraire, elles ont essayé de la comprendre. Mais une telle démarche était nécessaire à leur construction.
À cet égard, j’ai le sentiment que le présent projet de loi ne prend pas suffisamment en compte l’enfant à naître, alors que cela devrait être la priorité. L’enfant a besoin pour se construire – et ce sera déterminant tout au long de sa vie – de connaître sa situation d’origine.
Certes, la science, à condition de faire preuve de prudence, permet des avancées, notamment en matière de soins ; notre collègue Marie-Thérèse Hermange a par exemple évoqué le sang de cordon.
Mais il est, me semble-t-il, de notre responsabilité et de celle des parents, quel que soit le mode de conception de l’enfant, de permettre à celui-ci d’accéder à ses origines.
Tel est l’objet de cet amendement.
Mon cher collègue, la rédaction de cet amendement a semblé beaucoup trop large à la commission, car une telle disposition remettrait profondément en cause l’accès aux données personnelles concernant les donneurs et le droit applicable aux archives.
Nous avons opté pour une ouverture à la fois large, complète, totale et encadrée qui permette le plus de transparence possible, mais seulement pour l’avenir, sans remettre en cause les contrats passés. De notre point de vue, il ne serait pas équilibré d’aller au-delà.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.
Je crois que M. le rapporteur pour avis souhaite également indiquer la position de la commission des lois sur cet amendement.
La commission des lois n’a pas été saisie de l’amendement de notre collègue Charles Revet, mais je souhaite apporter deux précisions.
D’une part, le droit en vigueur permet d’ores et déjà l’accès de l’intéressé, sous certaines conditions, à des informations sur ses origines.
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s’exclame.
D’autre part, prévoir une obligation à caractère général d’accès aux origines sans en préciser les modalités, les exceptions éventuelles et les débiteurs serait, selon nous, une réelle source d’insécurité juridique.
Aussi, j’émets à titre personnel un avis défavorable sur cet amendement.
La question de la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes est une question délicate.
Dans sa rédaction initiale, le projet du Gouvernement comportait un dispositif combinant l’accès à des données non identifiantes et la possibilité d’un accès à l’identité du donneur. Il s’agissait d’assurer l’équilibre entre les intérêts de toutes les parties, en l’occurrence l’enfant issu d’un don de gamètes, le donneur de gamètes et les parents.
Cette disposition autorisait l’enfant à accéder à sa majorité à l’identité du donneur de gamète à l’origine de sa conception sous réserve du consentement de ce dernier. À son appui étaient invoqués le souci d’offrir une réponse aux personnes que l’impossibilité d’accéder à une partie de leur histoire expose à une souffrance durable – en effet, il y a des difficultés d’ordre psychologique, des recherches menées par un certain nombre de sociologues ou de psychologues soulignant les conséquences néfastes à long terme d’une conception radicale du principe de l’anonymat –, la reconnaissance d’un droit à l’accès à ses origines par la Cour européenne des droits de l’homme et le fait que plusieurs pays européens aient adapté leur législation en ce sens.
Toutefois, la commission spéciale de l’Assemblée nationale a supprimé ces dispositions, pour trois raisons essentielles.
D’abord, de telles mesures accordaient un poids excessif au biologique par rapport à l’éducatif et à l’affectif.
Ensuite, elles risquaient d’inciter les couples à garder le secret du mode de conception à l’inverse de l’objectif recherché.
Enfin, elles étaient susceptibles de provoquer une chute des dons de gamètes. À cet égard, le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, sur le don d’ovocytes a souligné que la levée de l’anonymat risquait d’accentuer la pénurie actuelle d’ovocytes.
L’Assemblée nationale n’a pas rétabli ces dispositions. La commission des affaires sociales du Sénat a réintroduit un dispositif combinant l’accès à des données non identifiantes pour les enfants majeurs issus d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur et la possibilité d’un accès à l’identité du donneur pour les enfants majeurs issus d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur nés après le 1er janvier 2014.
Ce dispositif, différent de celui qui figurait dans le projet de loi initial, ne prévoit pas le consentement du donneur de gamètes et ne s’applique qu’aux enfants nés après le 1er janvier 2014.
Le Gouvernement a reconnu le poids des arguments avancés par la commission spéciale de l’Assemblée nationale et a estimé que les inconvénients de la levée de l’anonymat l’emportaient. Aucun dispositif de levée d’anonymat ne se révèle complètement satisfaisant.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est plutôt favorable à cet amendement.
Nous sommes encore dans la discussion générale, semble-t-il, puisque Mme la secrétaire d'État, loin de donner son avis sur l’amendement de M. Revet, a parlé d’autre chose…
Je tiens à remercier M. le rapporteur de son propos initial. J’ai bien compris que la commission des affaires sociales faisait un pas en avant – certes trop limité à mon avis – par rapport au vote de nos collègues députés.
Je voterai l’amendement n° 113 rectifié ter de mon collègue Charles Revet, l’objet de ce texte ne se limitant pas au don de gamètes dans le cadre de la procréation médicalement assistée ; il englobe en effet tous les hommes et toutes les femmes qui, pour une raison ou pour une autre, ne connaissent pas leurs origines et souhaitent lever le voile sur elles. Comme je l’ai dit dans la discussion générale, depuis plus de trente ans que je suis parlementaire, j’ai eu l’occasion de recevoir un nombre important de personnes adoptées, nées sous X – pour l’instant, je n’ai pas encore eu affaire à des personnes issues d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur… – qui n’ont de cesse de vouloir connaître leurs origines !
Elles veulent savoir d’où elles viennent, non pas pour aller perturber celui qui leur a donné la vie, mais tout simplement pour savoir. L’homme doit en effet savoir.
Hier, dans le débat, il a été question du droit de ne pas savoir. Je me suis exprimé contre un tel propos, qui me semble absolument inouï : l’homme a le droit de savoir, de tout savoir, même si cela doit gêner.
Le grand argument contre cet amendement est que son adoption pourrait éventuellement faire chuter le nombre de dons de gamètes. Pour ma part, cela ne me gênerait absolument pas !
Pourquoi s’angoisser à ce sujet ?
S’il y avait beaucoup moins de naissances par procréation médicalement assistée avec tiers donneur, je serais le premier à dire mille fois bravo ! D’autres solutions existent pour les personnes qui désirent avoir un enfant : je pense ainsi à l’adoption. Certes, les conditions de l’adoption, notamment internationale, doivent être simplifiées. Dans le monde, des millions d’enfants – nous l’avons encore vu dernièrement à la télévision – à Haïti ou ailleurs sont sans famille, sans parents, isolés. Les familles qui souhaitent les adopter ne manquent pas, mais les procédures mettent des années à aboutir et coûtent cher. Pourquoi ne pas faciliter la solution de l’adoption ?
L’amendement de Charles Revet va d’abord dans le sens de l’homme. Pour une fois, ce n’est pas la science qui est mise en avant.
Quoi qu’il en soit, je remercie M. le rapporteur. Je pense qu’il parviendra à faire accepter par le Sénat les amendements de la commission, qui témoignent évidemment de beaucoup plus d’esprit d’ouverture que le texte de l’Assemblée nationale. J’espère que le Gouvernement les acceptera.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Je suis tout à fait d’accord avec M. le rapporteur : cet amendement est trop large.
J’en ai cosigné le texte par amitié, cher Charles Revet, mais surtout parce qu’il me semblait important que nous ayons un tel débat : il s’agit donc pour moi plutôt d’un amendement d’appel. Charles Revet souhaitera peut-être le maintenir, c’est sa responsabilité.
Cet amendement est très intéressant. M. le rapporteur de la commission des lois a affirmé tout à l’heure que les conditions actuelles d’accès aux origines étaient bonnes. Je ne suis pas d’accord. Selon moi, rien ne va, et il nous faudra nous intéresser davantage à cette question ! Nous recevons de nombreuses personnes dans les permanences des mairies. Il ressort de leurs témoignages que les conditions d’accès aux origines ne sont pas correctes. C’est donc pour pouvoir le dire haut et fort dans cet hémicycle que j’ai cosigné l’amendement de M. Revet.
Madame la secrétaire d'État, vous avez dû faire un lapsus lorsque vous avez émis un avis favorable sur cet amendement. Si j’ai bien compris vos arguments, vous ne pouvez qu’émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 113 rectifié ter.
Pour ma part, si Charles Revet devait maintenir son amendement, je m’abstiendrais de le voter.Il ne m’en voudra certainement pas dans la mesure où mon intention initiale en cosignant ce texte était d’ouvrir le débat sur un sujet dont il est rarement question dans cet hémicycle.
Je me suis rendue au siège du Conseil national d’accès aux origines personnelles, le CNAOP, avec une personne qui souhaitait connaître ses origines. J’ai suivi pas à pas sa démarche. Cette personne a d’ailleurs été très bien reçue par les conseils généraux et les DDASS.
Cependant, au niveau national, la structure ne fonctionne pas et les réponses font défaut.
Je suis fière de pouvoir dénoncer aujourd'hui, devant vous, cet état de fait grâce à l’amendement de Charles Revet. Vous connaissez ma position sur le sujet. J’ai été claire dans la discussion générale, et j’y reviendrai encore tout à l’heure. Mais je pose dès à présent la question : comment imposer à un être humain le secret sur ses origines ?
Vous parlez tous d’enfants, mais excusez-moi de vous rappeler que ces enfants deviendront un jour des adultes, comme vous, comme moi ! Leur imposer un tel secret sur leurs origines constitue, selon moi, une violation pure et simple de leurs libertés. Au nom de quoi en serait-il ainsi ? Il n’y a pas de sous-hommes ni de sous-femmes ! Accepter une telle violation des droits sur ces enfants est extrêmement choquant.
Je le redis : j’ai cosigné l’amendement n° 113 rectifié ter pour engager cette discussion dans l’hémicycle. Je remercie donc Charles Revet de son initiative, même si je reconnais, comme l’a souligné à juste titre M. le rapporteur, que le champ d’application de la disposition serait un peu trop large.
Applaudissements sur certaines travées de l ’ UMP. – Mmes Raymonde Le Texier, Monique Cerisier-ben Guiga et M. Jean-Pierre Michel applaudissent également.
Je tiens à préciser que les éléments de réponse que j’ai fournis concernaient l’amendement de M. Barbier, et non l’amendement n° 113 rectifié ter de M. Revet, auquel le Gouvernement est défavorable.
Je comprends parfaitement la passion que met Mme Des Esgaulx dans ses propos.
Madame la sénatrice, je n’ai jamais affirmé que tout allait bien et que le système était idéal. J’ai simplement dit que, dans certaines situations, des procédures existaient et fonctionnaient correctement. Je tenais simplement à apporter cette précision.
Certes, il n’y a pas de système idéal.
Je relis le texte de l’amendement de notre collègue Charles Revet : « Tout citoyen majeur qui ne dispose pas d’informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tous documents lui permettant d’obtenir réponses à ses interrogations. »
Je le dis clairement : l’adoption d’un tel amendement aurait des conséquences incalculables, tant sur le droit des archives que sur celui d’accès aux données personnelles des donneurs. Il vaudrait donc mieux retirer cet amendement et adopter le texte proposé par la commission.
J’ai bien entendu toutes les interventions, notamment celle de M. le rapporteur.
Madame le secrétaire d'État, je regrette que l’on tienne si peu compte de l’enfant en général, mais surtout en particulier dans le cas présent. C’est en effet l’adulte que cet enfant deviendra qui aura à supporter toutes les conséquences des décisions prises par le législateur. Je déplore honnêtement que nous ne soyons pas partis de l’enfant, et que ce dernier n’ait pas été mis au centre de nos réflexions et de nos décisions. Pourtant, c’est lui qui compte puisque c’est lui qui aura en tant qu’adulte, demain, à supporter le poids de nos choix.
Monsieur le rapporteur, j’ai bien pris note de vos remarques. Pour en tenir compte, je rectifie mon amendement afin de le rédiger ainsi : « Tout citoyen majeur né après l’application des dispositions de la présente loi qui ne dispose pas d’informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tous documents lui permettant d’obtenir réponses à ses interrogations. » De la sorte, le texte prévoit la possibilité pour chacun, qu’il s’agisse d’un enfant né sous X ou d’un don de gamètes, d’obtenir une réponse sur ses origines tout en satisfaisant au besoin d’information des donneurs.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 113 rectifié quater, présenté par M. Revet, Mme Des Esgaulx, M. Bécot, Mme Bruguière et MM. Bailly et Lardeux, ainsi libellé :
Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Tout citoyen majeur né après l'application des dispositions de la présente loi qui ne dispose pas d'informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tous documents lui permettant d'obtenir réponses à ses interrogations.
La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur cet amendement 113 rectifié quater.
Je suis d’accord avec la rédaction proposée par M. Revet, à la réserve près qu’il ne prévoit pas de procédures. Or il faut des procédures.
La question posée est juste : tout être humain a le droit de connaître ses origines. Qu’on le veuille ou non, cette problématique correspond à une évolution de la société. Si nous ne voulons pas de nouveau tomber dans l’hypocrisie, il nous faut l’accepter.
Il fut un temps où les secrets de famille étaient bien gardés et où les parents adoptifs veillaient à ne pas dire aux enfants d’où ils venaient, y compris, d’ailleurs, en cas de gestation « intrafamiliale » pour autrui – on y recourait dans certains milieux.
Il fut un temps où l’enfant n’avait pas de droits. Mais, peu à peu, les choses ont évolué. Une conception différente et progressiste de l’enfant, non comme objet des familles, mais comme être en devenir, s’est imposée, et les enfants se sont vu accorder des droits qui ont été reconnus au niveau international.
Le fait de connaître ses origines fait partie des droits de l’enfant. Cela signifie que les secrets de famille n’ont plus lieu d’être, d’autant que ceux-ci viennent un jour ou l’autre frapper à la porte.
Aujourd'hui, la plupart des parents adoptifs sont convaincus, je crois, de la nécessité pour leur enfant de savoir qu’il a été adopté. Il doit en être de même pour les couples qui recourent à des techniques d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur.
Faire un enfant avec les gamètes d’une autre personne, ce n’est pas la même chose que faire un enfant avec ses propres gamètes. Il est temps de l’admettre !
Encore une fois, c’est le secret de famille qui fait que l’on se cache derrière son petit doigt pour taire à l’enfant un acte, comme l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, qui n’est pas mineur. Ce n’est quand même pas mineur d’avoir un enfant grâce aux gamètes de quelqu’un d’autre !
Le recours à de telles techniques ne me pose aucun problème, mais il n’empêche qu’on ne peut dissimuler à un enfant qu’il est né grâce à un don de gamètes, pas plus qu’on ne peut le laisser ignorer qu’il a été adopté !
Cela se pratiquait beaucoup, il n’y a pas si longtemps ! Il conviendrait donc que nous nous interrogions sur les raisons de cette évolution.
Quoi qu’il en soit, j’estime qu’il y aurait vraiment une contradiction totale à reconnaître des droits à l’enfant et à lui refuser l’accès à ses origines, même si la procédure reste compliquée à mettre en place.
Ne l’oublions pas, ces enfants, ou ces adultes, se répartissent en deux catégories : ceux qui ne veulent pas savoir et ceux qui veulent savoir. Pour ces derniers, c’est une quête qui naît d’un désir irrépressible.
Nous avons donc le devoir de faire en sorte qu’ils puissent obtenir une réponse.
Puisque tous ne veulent pas savoir, nous n’avons donc pas à créer une obligation. En revanche, je ne vois pas de quel droit nous interdirions l’accès à leurs origines à ceux qui veulent savoir.
Se pose enfin le problème de la procédure à respecter. De ce point de vue, les amendements qui vont nous être présentés méritent d’être examinés avec soin.
Or, vous le savez, mes chers collègues, dans le cas de l’adoption, cette procédure existe déjà : les enfants adoptés peuvent connaître leurs origines ; en revanche, ils ne peuvent établir un rapport avec leur génitrice – puisque c’est de cela qu’il s’agit la plupart du temps – qu’avec son consentement et il n’est pas possible d’imposer à celle-ci une rencontre.
Je le répète, sur le fond, j’approuve votre amendement, monsieur Revet.
Avec l’examen de l’amendement n° 113 rectifié quater, il me semble que nous anticipons le débat sur l’article 14.
À titre personnel, j’indique que je ne voterai pas cet amendement.
Notre collègue Revet a évoqué avec beaucoup d’éloquence l’abandon d’enfant, l’accouchement sous X, l’adoption. Je ne nie pas la réalité et la gravité de ces problèmes, mais leur traitement n’entre pas dans le cadre d’une loi relative à la bioéthique. De plus, je doute qu’ils puissent être résolus par un amendement adopté au cours de la discussion de ce projet de loi.
Par ailleurs, je souhaite répondre très amicalement à mon collègue Jean-Pierre Michel, qui s’est félicité de la perspective d’une baisse des dons de gamètes, car l’adoption mériterait, selon lui, d’être encouragée. Or il ne s’agit pas de la même chose : l’adoption permet d’élever un enfant, le don de gamètes donne à la femme la possibilité de porter un enfant. On ne peut donc pas opposer ces deux notions.
Je suis personnellement très favorable à l’adoption et j’estime qu’elle devrait être facilitée en France, mais je ne peux pas souscrire à l’argument selon lequel le développement de l’adoption devrait permettre la disparition progressive du don de gamètes, et donc la possibilité, pour les femmes, de porter un enfant.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur Revet, l’examen de votre amendement nous oblige en effet à anticiper le débat sur l’article 14. Ainsi, ce qui aura été dit n’aura plus à l’être.
Sourires.
Je crois qu’une grande confusion s’est établie lorsque l’on a considéré que le don de gamètes équivalait à un don d’organes. Le premier permet de donner la vie ; le second, qui doit notamment être gratuit et anonyme, permet de sauver une vie. Ils ne doivent donc pas être confondus.
Par ailleurs, les donneurs de gamètes savent ce qu’ils font, du moins en principe. Il me semble même que les centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains, les CECOS, s’assurent de leur santé mentale. Les couples qui décident d’avoir recours à ce don savent, eux aussi, ce qu’ils font et ils sont informés des difficultés qui peuvent survenir dans leur vie de famille et dans la vie de leur futur enfant. Le seul qui n’ait rien à dire, c’est l’enfant à naître : il subit !
Pour l’enfant, une fois né, la situation est difficile. En effet, même s’il se sent bien dans sa famille, il peut ressentir le besoin de savoir d’où il vient.
Mon cher collègue, vous comparez l’accouchement sous X ou l’abandon d’enfant à l’anonymat du don de gamètes. Or ces situations diffèrent profondément. Dans certains cas, vous le savez, il est strictement impossible de lever l’anonymat des parents biologiques de l’enfant adopté, pour la simple raison que l’on ne connaît pas la mère. Même en France, des femmes accouchent sous X et refusent absolument de donner leur identité. Certes, il est maintenant possible d’accéder à certains éléments identificatoires, comme la couleur des cheveux, la taille, la situation sociale – on sait parfois que la mère était étudiante ou serveuse dans un café –, mais quand on ne connaît pas le nom, il est impossible d’aller plus loin.
À l’inverse, quelqu’un connaît parfaitement le nom du donneur de gamètes. Dans ces conditions, chaque fois qu’un enfant voudra connaître le nom de son père, ou plutôt de son géniteur, il le pourra, même si ce géniteur a fait ce don de façon anonyme. Personnellement, je suis favorable à la levée de l’anonymat, parce que le donneur devra donner son accord pour que le don puisse intervenir.
Si votre amendement était adopté en l’état, il en résulterait une « rupture de contrat » à l’égard des donneurs de gamètes qu’il est impossible d’accepter dans la mesure où quelqu’un connaît parfaitement leur identité.
Ce sujet est extrêmement délicat et nous en avons longuement débattu au sein de la commission des affaires sociales.
Vous avez raison, monsieur Revet, l’enfant n’a pas demandé à naître d’une façon plutôt qu’une autre. Je suis donc favorable à ce que cet enfant puisse obtenir des informations sur ses origines, mais à condition que celles-ci soient non identifiantes. Pour moi, le père est celui qui élève l’enfant et non celui qui a donné ses gamètes.
Exclamations sur plusieurs travées.
Mes chers collègues, tous les avis sont respectables dans cet hémicycle, d’autant que ces questions touchent à des convictions très personnelles. Je m’abstiens de critiquer vos prises de position, alors permettez-moi d’exprimer sincèrement mon opinion. Je dis d’ailleurs ce que je pense avec calme et sérénité.
J’estime qu’un enfant n’a qu’un père et qu’il est extrêmement dangereux d’autoriser l’accès à des données nominatives sans même que le présent projet de loi impose de recueillir le consentement du donneur. À ce propos, j’ai apprécié que Mme la présidente de la commission se reprenne et emploie le terme « géniteur » au lieu de celui de « père ». En effet, pour moi, un géniteur n’est pas un père. Un enfant n’a qu’un père et qu’une mère.
Je reconnais que nous risquons de nous heurter à une difficulté réelle en cas de problème médical. Dans ces circonstances, l’enfant devra pouvoir accéder à des données non identifiantes afin de vérifier si ce problème est héréditaire.
En disant cela, je sais que j’anticipe sur le débat qui aura lieu dans le cadre de l’article 14, mais, puisque nous sommes partis dans une quasi-discussion générale et que je n’avais pas pris la parole lors de la véritable discussion générale afin de laisser s’exprimer certains de mes collègues, je profite de cette explication de vote pour faire connaître ma position.
En l’état actuel du texte, je suis opposée à la levée totale de l’anonymat. J’estime en effet que l’enfant n’a qu’un père et qu’une mère. En revanche, une levée partielle en cas de problème médical pourrait être envisagée. J’écarte cependant cette possibilité dans l’immédiat, car nous n’avons pas eu suffisamment de temps pour rédiger des sous-amendements visant à encadrer un tel dispositif. Nous aurons peut-être cette faculté en deuxième lecture, madame la secrétaire d’État.
Mes chers collègues, je vous informe que M. Revet a rectifié son amendement, avec l’accord de la commission, afin de lui apporter une plus grande précision juridique.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 113 rectifié quinquies, présenté par M. Revet, Mme Des Esgaulx, M. Bécot, Mme Bruguière et MM. Bailly et Lardeux, et qui est ainsi libellé :
Avant l’article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Tout citoyen majeur né après la date de publication de la présente loi qui ne dispose pas d’informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tout document lui permettant d’obtenir réponse à ses interrogations.
Je vous indique dès à présent que j'ai été saisi par le Gouvernement d'une demande de scrutin public sur cet amendement. Il se peut donc que les responsables désignés par les groupes politiques aient à se livrer à quelques maniements de plaquettes – j’utilise le terme à dessein ! –, ce qui risque de prendre un certain temps.
M. Alain Milon, rapporteur. C’est hier que nous avons parlé des plaquettes !
Sourires.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote sur l’amendement n° 113 rectifié quinquies.
J’approuve pleinement la démarche philosophique engagée par M. Revet. Elle devrait d’ailleurs irriguer toute la législation française relative au droit à la connaissance de ses origines.
Reste que cet amendement recouvre un champ d’application beaucoup trop large. Il n’encadre pas non plus suffisamment les modes d’accès à l’identité des parents biologiques.
Par ailleurs, la présente discussion nous conduit à prendre position sur la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes avant même l’examen de l’article 14, ce qui me pose problème.
Tout a été dit contre l’amendement de M. Revet. J’interviens cependant pour indiquer que quelques erreurs se sont glissées dans les propos de certains de nos collègues.
Tout d’abord, le texte du projet de loi, tel qu’il a été adopté par la commission des affaires sociales, précise bien que le donneur, au moment du don, doit donner son accord. Dans le cas contraire, il ne pourra pas devenir donneur. L’anonymat sera donc levé de fait.
Ensuite, je tiens à ajouter que l’adoption de cet amendement, qui tend à insérer un article additionnel au sein du titre V relatif au don de gamètes, aboutirait à lever l’anonymat du donneur dans tous les cas où l’enfant est privé d’information sur ses origines, ce qui nous obligerait à développer une réflexion beaucoup plus approfondie sur de nombreux sujets dépourvus de tout lien avec le projet de loi.
Voilà pourquoi la commission maintient son avis défavorable.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
Comme l’ont fait remarquer certains intervenants, nous avons entamé un débat qui aurait dû commencer avec l’article 14.
Mettre aux voix maintenant l’amendement n° 113 rectifié quinquies reviendrait donc à nous prononcer en partie sur cet article. C’est pourquoi je demande que le vote soit réservé jusqu’après l’article 14. Je pense que M. Revet sera d’accord...
M. Charles Revet acquiesce.
Aux termes du règlement, c’est au Gouvernement qu’il appartient de se prononcer, madame la présidente de la commission.
Quel est donc l’avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Le Gouvernement y est favorable, à moins que M. Revet ne retire son amendement.
Monsieur Revet, l’amendement n° 113 rectifié quinquies est-il maintenu ?
Le Sénat va accéder à votre demande, monsieur Cazeau.
Mes chers collègues, nous allons donc interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante-cinq.
Le second alinéa de l’article L. 1211-5 du code de la santé publique est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« Seuls les médecins du donneur et du receveur peuvent avoir accès, en cas de nécessité thérapeutique, aux informations permettant l’identification de ceux-ci.
« Le principe d’anonymat du don ne fait pas obstacle à l’accès, s’il le demande, de l’enfant majeur issu d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur à des données non identifiantes relatives à tout tiers dont les gamètes ont permis sa conception, dans les conditions prévues au chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie.
« En outre, à sa demande, l’enfant majeur issu d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur et né après le 1er janvier 2014 accède à l’identité de tout tiers dont les gamètes ont permis sa conception, dans les conditions prévues au chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie. »
Comme Mme la présidente de la commission l’a fait observer, nous avons largement entamé le débat sur cet article.
Je voudrais rappeler un point d’histoire, déjà mentionné par M. le rapporteur.
L’insémination avec tiers donneur a été mise en place en 1976 par les médecins, et ce sans aucun cadre législatif. De là, on a créé des associations, à savoir les CECOS.
En 1994, le législateur a été obligé de créer un artifice juridique pour encadrer cet artifice médical. Il a donc décidé, par analogie avec la pratique du don en France, que le don de gamètes serait anonyme et gratuit.
Or, Mme la présidente de la commission l’a souligné et nous l’avons dit hier en abordant la question de la journée de réflexion que le Gouvernement veut instituer, il existe une différence entre un don de rein, par exemple, qui est destiné à « réparer la vie » et un don de gamètes, qui est destiné à « donner la vie ».
Aujourd’hui, les premiers enfants conçus grâce à cette technique ont une trentaine d’années. Certains d’entre eux se présentent aux CECOS afin de connaître leurs origines, mais on leur répond qu’on ne peut pas leur délivrer cette information. Un directeur de CECOS que nous avons auditionné nous a même dit : « Je suis dans la toute-puissance » – ce sont ses termes –, « puisque je possède le secret ».
Ces personnes n’acceptent pas que quelqu’un détienne le secret et qu’elles n’en aient pas connaissance.
Moi qui connais mon père et ma mère, ceux qui m’ont élevée, moi qui connais aussi mon origine biologique, je trouve qu’il y aurait quelque impudence à accepter un principe de négation, même partielle, de cette origine. Il y a donc quelque chose d’inabouti dans la traduction que la société a faite de ce qui fut, à l’origine, un artifice médical. Il y a là comme une mutilation, un mensonge.
Comme M. le rapporteur l’a souligné, 700 à 1 000 enfants naissent chaque année par insémination avec tiers donneur. Or on semble aujourd’hui résumer l’ensemble du débat sur la fécondation in vitro à la problématique de l’anonymat, alors que cette question ne concerne que l’une des techniques de l’assistance médicale à la procréation.
Mes chers collègues, j’ai longtemps hésité. À un moment, j’ai même pensé « botter en touche ». Mais je crois finalement qu’il est nécessaire que cette privation, cruellement ressentie dans un certain nombre de cas, perde son caractère définitif. C’est pourquoi j’ai opté pour la levée de l’anonymat, conformément d’ailleurs à ce que prévoit la Convention internationale des droits de l’enfant.
À ce titre, l’amendement de notre collègue Charles Revet peut être perçu comme très général. En fait, c’est une autre façon de réécrire l’un des articles de cette convention. Je vous remercie donc, madame la présidente de la commission, d’avoir fait en sorte que le vote vienne clore le débat sur l’article 14, qui porte sur les modalités de la levée de l’anonymat. Je considère que la commission des affaires sociales a bien travaillé.
Applaudissements sur quelques travées de l ’ UMP. – M. Jean-Pierre Michel et Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudissent également.
Le groupe socialiste a laissé la liberté de vote à ses membres sur le sujet qui nous occupe. Je défendrai donc, au nom de la minorité d’entre nous, l’article 14 dans le texte de la commission.
C’est aux dizaines de milliers de donneurs de vie bénévoles, gommés par l'anonymat, c'est aux 50 000 Arthur, Justine, Paul et Carole, nés grâce à ces dons, c’est aux parents qui ont accompli le parcours du combattant de l'assistance médicale à la procréation que je dédie mon plaidoyer pour la levée de l'anonymat des « donateurs » de gamètes.
La réflexion menée par le groupe de travail de Terra Nova sur l’accès à la parenté, animé par Geneviève Delaisi de Parseval et Valérie Depadt-Sebag et auquel j'ai pu participer, m'a renforcée dans la conviction que nul ne doit être privé d'informations qui le concernent au premier chef, dans la mesure où celles-ci existent. « De quel droit – écrit Arthur Kermalvezen, auteur du livre Né de spermatozoïde inconnu ... – les médecins sont-ils les seuls à détenir des informations qui nous importent pour notre devenir, à nous, enfants issus de leurs expériences ? ».
La loi fait de l'origine des enfants nés par assistance médicale à la procréation le monopole des médecins. Or le droit des malades à accéder à leur dossier est reconnu par la loi de mars 2002 ; l'article 10 de la Convention d'Oviedo va dans le même sens.
Dites-moi, que répondra Arthur, né de spermatozoïde inconnu, lorsque le médecin lui demandera s'il y a des antécédents cardiaques dans sa famille paternelle ? Que répondra Caroline quand on lui demandera s’il y a eu un nombre important de cancers du sein dans sa famille maternelle ? Ils ne pourront rien répondre.
La confusion établie entre le don du sang et le don de gamètes est à l'origine de cette règle de l'anonymat établie à l'aube de l'assistance médicale à la procréation par le CECOS. À l’époque, on n’avait pas perçu que les gamètes étaient des « dons de parenté » et non des cellules comme les autres.
Il est temps de mettre fin au déni sur lequel est fondée la loi française relative à la bioéthique. D'ailleurs, la psychanalyste Geneviève Delaisi de Parseval signale, avec une certaine malice, le fait que, dans cette loi, est permis « ce qui imite au plus près la nature, et ce qui peut rester secret d'autre part ». Autrement dit, cette loi reste marquée par la morale du « ni vu ni connu », qui assure traditionnellement la paix des familles.
Rendons justice aux enfants. Rendons aussi leur dignité à ceux qu'Irène Théry nomme des « donneurs d'engendrement ».
Derrière l'application du principe de l'anonymat du don à l’assistance médicale à la procréation par tiers donneur se cache en réalité la crainte de voir vaciller une histoire basée sur le secret du mode de conception, qui serait le garant du bien-être des parents et le socle de l'élaboration de la famille. On s’imagine que ce secret favorisera la construction de la famille. Le donneur est pensé comme possible rival : c'est la peur du « rival génétique ». Le don est effacé dans l'histoire de l'enfant par crainte d'une fragilisation des parents dans leur rôle de parent. L’anonymat du donneur, c’est la prééminence donnée au droit des parents sur le droit des enfants.
L'engagement parental prime évidemment sur le lien biologique, mais celui-ci existe sans pour autant mettre en péril la filiation. En effet, fondée ou non sur l'hérédité, la filiation est essentiellement juridique et sociale.
Je suis persuadée qu'en refusant aux enfants nés du don de gamètes le secret de leur conception, on induit un effet inverse de celui escompté. On pense affirmer la supériorité du lien social sur le lien génétique, mais, en négligeant totalement ce dernier, on lui donne une place centrale, on le mythifie et on laisse s'élaborer « une fiction de procréation conjugale ».
Le secret fonctionne comme une réponse à la peur ou à la culpabilité plus ou moins consciente des parents. À voir les dégâts provoqués de génération en génération par les secrets de famille bien cachés dans les placards verrouillés, je crois que, dans l'intérêt de l’enfant et de la famille, toute parole sur l’origine est préférable au silence.
Les enfants nés de l’assistance médicale à la procréation ne sont pas à la recherche d'autres parents. Certains d'entre eux veulent seulement pouvoir mettre un visage sur un fantôme et cesser de voir en tout passant, en tout professeur, celui qui pourrait avoir été à l'origine biologique de leur existence.
La satisfaction de cette volonté des jeunes nés de procréation médicalement assistée avec donneur rejoint la volonté de reconnaître la dignité du donneur ou de la donneuse, qui n'est ni un « étalon » ni une « poule pondeuse », mais un être responsable grâce à qui les médecins vont pouvoir offrir un soin palliatif à un couple stérile. Le donneur et la donneuse doivent pouvoir être reconnus comme des donateurs à qui, le jour venu, un jeune adulte et ses parents pourront dire « Merci ! ».
Voilà pourquoi je voterai l'article 14, tel qu’il a été rédigé par la commission.
Au regard des évolutions de la société, cet article est certainement l’un des plus importants du projet de loi.
J’indique d’emblée que je vais exprimer une position très personnelle.
La filiation n’a pas un fondement exclusivement biologique ; elle n’est pas non plus un lien exclusivement affectif et éducatif, contrairement à ce que pense Mme Debré. Elle est un peu les deux à la fois.
Nous parlons de l’enfant et des parents, mais il y a aussi le donneur. Si nous voulons le respecter, ne l’oublions pas !
De plus en plus de gens veulent connaître leurs origines. Ce sont sans doute les enfants nés sous X qui ont initié cette démarche. D’ailleurs les parents l’admettent. Rien n’est pire en effet pour un enfant – ne parlons pas d’un adolescent ou d’un adulte – que d’ignorer ses origines alors qu’une partie de la famille est au courant.
En cet instant, la solution qui me paraît la meilleure est celle du Gouvernement, du moins la position qu’avait adoptée Mme Bachelot – je ne connais pas celle de M. Bertrand –, ...
... car elle ouvre de nombreuses possibilités : elle permet de disposer de données identifiantes, ce qui peut satisfaire ceux qui ne veulent pas connaître le donneur en personne ; elle permet également à ceux qui souhaiteraient véritablement connaître le donneur d’obtenir son identité, avec l’accord préalable de celui-ci.
Nous allons être pris en étau entre ceux qui sont entièrement pour et ceux qui s’opposent fermement à la levée de l’anonymat. S’il s’agit de voter pour l’une de ces deux positions antagonistes, j’indique dès maintenant que je m’abstiendrai. En revanche, s’il s’agit de se prononcer sur la position du Gouvernement, ce sera autre chose.
Le projet de loi traite pour l'essentiel de tout ce qui touche à la génétique, à la recherche sur l'embryon, aux cellules souches embryonnaires et à l'assistance médicale à la procréation. N'étant moi-même ni biologiste ni scientifique, j'ai laissé mes collègues plus compétents que moi intervenir dans ces domaines très spécifiques.
La recherche a permis des avancées très importantes dans de nombreux domaines ayant trait à la vie humaine. Il nous faut bien entendu favoriser le travail des scientifiques visant à soigner, à guérir ou à soulager les personnes confrontées à des problèmes de santé. Il en est de même pour tout ce qui touche à la conception de la vie. Si nous pouvons comprendre que des hommes souhaitent toujours avancer dès lors qu'ils pensent faire progresser la science, il nous appartient de déterminer les limites au-delà desquelles on ne peut aller, dans le respect de la vie et de la dignité de tout être humain.
Dans le même esprit, nous pouvons comprendre la détresse des couples qui souhaitent avoir des enfants, mais qui sont confrontés à l'infertilité. Il est légitime et compréhensible qu'ils espèrent de la science qu'elle puisse les aider à résoudre leurs difficultés à transmettre la vie. Là encore, si tout doit être fait pour aider les couples qui sont dans la souffrance, cette démarche doit s'inscrire dans le respect de la vie et de la dignité de tout être humain, et donc de l'enfant. Nous ne devons jamais oublier que c'est à l'enfant à naître que nous devons d'abord penser, car c'est lui qui portera toute sa vie les décisions que nous prendrons.
Je comprends bien que l'objet de ce projet de loi n'est pas l'enfant et les droits de l'enfant. Reste que lorsque l'on traite de diagnostic génétique, de dons de sperme, d'ovocytes, de gamètes, d'embryons, sauf à penser que l'on peut instrumentaliser la vie humaine, c’est bien d'un enfant potentiellement à naître qu’il s’agit. Le texte de loi a sans doute une portée beaucoup plus large que ce qui a trait à la procréation, mais je regrette, je le répète, que, en préambule du texte, nous n’ayons pas fait référence au droit de l'enfant.
Nous connaissons probablement tous ici des femmes et des hommes qui ignorent leur origine, qu’il s’agisse d'enfants nés sous X, d'enfants abandonnés par leurs parents génétiques pour des raisons diverses. Presque systématiquement, les jeunes ou adultes confrontés à ces situations n'ont de cesse de retrouver leurs parents biologiques. Qui pourrait s'en offusquer ? Mais qu'en sera-t-il avec les nouvelles méthodes de procréation qui se développent ou qui existeront demain avec les progrès de la science ? Il me semble légitime qu'un enfant devenu majeur puisse avoir accès, s'il le souhaite, à tout document lui permettant de connaître ses origines familiales.
L'enfant, pour se construire, a besoin d'avoir connaissance de ses origines. Même si, né dans un milieu familial, il pourra dans sa petite enfance penser qu'il est issu, comme les autres enfants, du papa et de la maman avec lesquels il vit, tôt ou tard il apprendra, peut-être de ceux-ci ou par allusion, les difficultés auxquelles ses parents ont été confrontés pour le concevoir, et il aura alors des interrogations.
Avons-nous le droit de décider de lui donner le droit de naître grâce à des manipulations génétiques sans lui donner, par la même loi, le droit de savoir qui sont ses vrais parents ?
J’ajoute que la connaissance de ses origines génétiques peut lui être indispensable pour permettre à la médecine de déterminer les causes d’une maladie à laquelle il peut être confronté et en faciliter le traitement.
En évoquant ici le droit de l’enfant, je n’entends pas étendre celui-ci à l’ensemble des droits auxquels, durant toute sa vie, il peut espérer prétendre. Probablement, madame la secrétaire d'État, y a-t-il des domaines sur lesquels nous devrons revenir. Je pense, par exemple, à la procédure d’adoption, dont chacun ici connaît la lourdeur, et qui, si elle était simplifiée et facilitée, permettrait de répondre à l’attente de nombreux couples et donnerait à des enfants, en attente de placement, un milieu familial qui contribuerait à leur épanouissement.
Je ne souhaite évoquer ici que ce qui est directement lié au texte sur lequel nous travaillons aujourd’hui.
Le développement de la science permet d’espérer les meilleures choses et peut faire craindre les pires. Si la majorité des chercheurs ont conscience des enjeux qui résultent de leurs travaux, d’autres, pour des raisons moins nobles, peuvent faire de leurs découvertes une utilisation qui peut conduire aux pires situations. C’est à nous, par nos décisions, de déterminer jusqu’à quel point il est raisonnable d’accepter les manipulations génétiques, en ayant à l’esprit en permanence qu’il s’agit de la vie humaine et que, à partir de là, tout ne peut pas être autorisé.
L’article 14 ainsi que tous ceux qui concernent la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes suscitent bien des débats, y compris au sein même des groupes, et le nôtre n’échappe pas à cette réalité.
Si, majoritairement, les membres du groupe CRC-SPG voteront en faveur de cet article, nous considérons que sa rédaction actuelle est moins satisfaisante que celle qui était initialement proposée. En effet, le fait d’être donneur revient à considérer que, informé de la législation, celui-ci accepte que l’enfant issu de son don puisse, un jour, demander à prendre connaissance de certaines informations non identifiantes ou identifiantes. La rédaction initiale prévoyait, quant à elle, que les donneurs pouvaient, sur la base du volontariat, autoriser la levée de l’anonymat.
En dehors de cet aspect rédactionnel, nous souscrivons à l’essentiel de cet article : la levée de l’anonymat. Il me semble toutefois qu’il faut aborder cette question en deux temps : la question du don, puis celle de la démarche qui consiste à savoir qui est son géniteur.
Celles et ceux qui sont opposés à la levée de l’anonymat affirment qu’une telle mesure aurait pour effet de réduire de manière considérable le nombre de donneurs. Nous n’en sommes pas convaincus, et les exemples européens prouvent que non. Au Royaume-Uni, où a été adoptée une disposition similaire à celle dont nous discutons, six ans après l’adoption de la loi, la HFEA, the human fertilisation and embryology Authority, prouve clairement, chiffres à l’appui, que les dons n’ont pas chuté en Grande-Bretagne, comme ils n’ont pas chuté en Suède. On a certes constaté une légère décroissance dans un premier temps, mais ensuite les chiffres ont remonté.
Peut-être subira-t-on une légère baisse, mais tout porte à croire que l’application de cette disposition, pour peu qu’elle soit expliquée, n’emportera aucune conséquence.
Se pose ensuite pour nous la question de la démarche elle-même. Pour certains, cette démarche de recherche est similaire à celle que peuvent engager des enfants adoptés. Pour d’autres, au contraire, le fait de ne pas avoir été porté, de ne pas être issu d’un « abandon » est une chose radicalement différente que d’être né grâce à un don de gamètes.
Au final, il nous est profondément difficile de statuer sur l’une ou l’autre de ces impressions, sans doute parce que nous ne sommes nous-mêmes pas issus d’un tel don, ou que nous l’ignorons, comme dans 60 % des cas. Il est d’autant plus complexe de légiférer sur cette question qu’elle relève de l’intime.
Il n’a donc pas semblé opportun à notre groupe, afin de ne pas priver celles et ceux qui voudraient engager de telles démarches, de rejeter cet article. Il y a d’ailleurs fort à parier que le nombre d’enfants initiant cette démarche soit infime, car la plupart d’entre eux, et c’est tant mieux, nourrissent avant tout un lien de parenté fondé sur l’éducation plus que sur la biologie.
Mais dès lors que le donneur, par son geste altruiste, autorise la levée de l’anonymat, la loi doit permettre à cette minorité de personnes de satisfaire un appétit de reconstruction de leur propre histoire. Notons d’ailleurs qu’en Suède, où la législation le permet depuis vingt-cinq ans, un seul enfant a engagé une telle démarche.
Pour toutes ces raisons, et malgré les réserves émises par certains membres de notre groupe concernant la rédaction de l’article 14, et il importe de tenir compte des réflexions de chacun, nous voterons en faveur de cet article.
Je souhaite évoquer brièvement deux points.
Oui, il y a des secrets de famille ! Ils sont d’ailleurs lourds à porter et donc plus ou moins bien assumés. Reste que la responsabilité de s’engager dans la voie du secret appartient aux familles elles-mêmes.
Là, c’est différent : si nous ne levions pas l’anonymat, c’est la société qui déciderait de créer un secret de famille. Voilà qui serait incroyable ! Que le législateur prenne une aussi grande responsabilité que d’embarquer les familles dans cette galère, j’ai du mal à l’admettre.
Par ailleurs, je m’interroge sur le don lui-même ? Pourquoi vouloir absolument que les dons ne diminuent pas ? Pourquoi affirmer qu’il s’agit d’une nécessité, d’une obligation ? Ce faisant, on consacre, là encore, de petits égoïsmes.
Avoir un enfant à tout prix, moi, je dis non !
Avoir un enfant, oui, mais en assumant cette situation, c’est-à-dire avec une prise de conscience en amont et une responsabilité des dons, car j’insiste de nouveau sur le fait qu’il s’agit de transmettre une hérédité.
Ces enfants – et je rebondis sur ce qu’a dit M. Fischer il y a quelques instants –, la plupart du temps, sont à la recherche non pas d’une famille – ils en ont une –, mais de leur histoire. Comment peut-on les en priver ?
Tels sont les quelques éléments que je livre à votre réflexion et sur lesquels je reviendrai en explication de vote.
Permettez-moi à mon tour de vous livrer quelques éléments de réflexion.
Nous entrons, les uns et les autres, beaucoup trop souvent et trop rapidement dans le registre émotionnel. Les médecins, dont je suis, savent qu’il faut de la distanciation. D’ailleurs, à ce sujet, rassurez-vous, le médecin tout-puissant est en voie de complète disparition. Tous ceux qui travaillent dans ce domaine sont engagés au service de l’autre. Je pense notamment à ces médecins anonymes pour lesquels on charge un peu facilement la barque.
Je ne reviendrai pas sur la désorganisation du don, la perturbation du couple, la place trop grande donnée à la génétique. Je rappellerai simplement que la fécondation est une fonction biologique. Cet élément peut aussi aider à la réflexion.
On parle de l’approche sociale. Beaucoup de comportements doivent en effet être modifiés, ajustés, notamment dans le mode d’annonce de la fécondation, dans l’accompagnement, avec des informations que je souhaiterais non identifiantes. D’ailleurs, les secrets, que nombre d’entre nous ont évoqués, sont multiples et divers. Même s’ils sont douloureux, ils sont aussi quasi constitutifs des familles et pas seulement sur le plan de la filiation.
En termes de raisonnement, ce débat – on peut le déplorer, mais cela a aussi son originalité – est très français. Même si j’apprécie les travaux qui peuvent être menés dans les think tanks par certains sociologues, le prêt-à-penser n’est pas ma tasse de thé.
J’en viens aux acteurs.
Il y a les personnes en souffrance sur leur origine dont la demande est tout à fait justifiée. On peut déplorer l’hypermédiatisation de certaines affaires, mais elle est quelquefois utile pour se faire entendre. Il faut reconnaître que ces demandeurs, comme la forme de leurs demandes, peuvent être divers, multiples, qu’ils doivent être écoutés, entendus.
Si l’on veut avancer, ne pas demeurer dans le statu quo et l’immobilisme, il est important, surtout pour l’avenir, que l’on parvienne à définir un statut du donneur. On nous dit, bien sûr, qu’il n’y a pas d’affiliation, mais lever l’anonymat pose fondamentalement le problème de l’identité du donneur ; cela entraîne une modification du don, même si la notion de geste gratuit, généreux persiste.
Cela veut dire aussi introduire de nouveaux partenaires, qui sont plus ou moins prêts. Dans le couple, il y a l’homme, pour qui la stérilité n’est pas toujours facile à assumer. Mais il y a aussi les enfants du donneur : y a-t-on pensé ? C'est pourquoi la levée totale de l’anonymat me semble dangereuse, en tout cas pour l’instant. Peut-être que les réflexions de la génération à venir permettront d’engager une évolution vers un partenariat accepté, réfléchi et non pas imposé comme une intrusion venant bouleverser la vie des familles.
Dans ce débat, il est peu question du don d’ovocytes alors que l’on parle beaucoup de gamètes, sous-entendu mâles. Ne voyez dans ce propos aucune démagogie, mais cela est peut-être révélateur de la place de la femme dans la société. Il serait pourtant intéressant de réfléchir sur la levée de l’anonymat pour les dons d’ovocytes et les conséquences que cela entraînerait pour les donneuses.
Ce débat s’inscrit aussi dans un cadre juridique. Le droit à la connaissance a été reconnu à l’enfant, mais le droit pose aussi des limites et des règles. À cet égard, j’aimerais que la part importante des juristes s’affirme.
Les droits de l’enfant, auxquels je suis favorable, peuvent être en opposition avec les droits de la parentalité, ce qui risque d’entraîner des conflits juridiques. Dans cet ensemble, n’oublions pas non plus les droits des couples d’accueil. Le droit de l’un ne va pas sans celui de l’autre.
Ce qui justifie mon vote, c’est l’intérêt et le bien de l’être humain, auquel chacun de nous ici est attaché, mais cet intérêt doit prévaloir dans sa globalité, et non pas seulement en fonction du donneur ou du cas particulier.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 48 rectifié est présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet et Bockel, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.
L'amendement n° 74 rectifié ter est présenté par MM. Godefroy et Mirassou, Mme Printz, MM. Kerdraon et Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, M. C. Gautier, Mme Tasca, MM. Lagauche, Botrel, Yung et Frimat, Mme Campion, MM. Madec et Courteau, Mme Schillinger, MM. Sueur, Guillaume, Mazuir, Hervé, Berthou, Marc et Chastan, Mmes Klès et Laurent-Perrigot et MM. Badinter, Carrère, Todeschini et Rebsamen.
L'amendement n° 116 rectifié est présenté par MM. Lefèvre, Lecerf, Guerry et Couderc, Mmes G. Gautier et Henneron, MM. J. Gautier, Buffet et Beaumont et Mmes Bruguière, Sittler et Debré.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Gilbert Barbier, pour présenter l'amendement n° 48 rectifié.
La longueur de notre débat permet aux positions des uns et des autres de se préciser. Celle de M. Revet, même si je ne voterai pas son amendement en raison de l’étendue de son champ d’application, montre bien que nous poursuivons tous un même objectif : l’intérêt de l’enfant. De ce point de vue, qu’apporterait la levée de l’anonymat du don ? Plusieurs d’entre nous ont déjà évoqué un certain nombre de conséquences.
Tout d’abord, cette mesure risquerait de faire baisser le nombre de donneurs, ce qui poserait problème. Je veux bien que l’on cite les exemples de la Grande-Bretagne ou de la Suède, mais je ne suis pas persuadé que l’on puisse en tirer des conséquences pour la France : l’absence de baisse des dons dans ces pays ne signifie pas qu’il en ira de même dans le nôtre.
Ensuite, nous savons que cette situation concerne environ cinq cents cas par an. Actuellement, deux tiers des parents cachent à leur enfant que sa conception s’est faite par un tiers donneur. Dans les deux cents cas restants, les parents informent leur enfant de la réalité de sa conception : pour la moitié d’entre eux, cela ne soulève pas de difficulté à l’âge adulte. Nous légiférons donc pour quelques dizaines de cas.
Certains voudraient sophistiquer le système en prévoyant une identification partielle, une connaissance non identifiante, qui n’est pas facile à mettre en place.
Dans un projet de loi relatif à la bioéthique, nous devrions, me semble-t-il, être soit pour soit contre l’anonymat du don de gamètes. Les situations intermédiaires me paraissent extrêmement difficiles : je pense notamment à la proposition de Mme Cros de distinguer deux types de donneurs, les uns qui accepteront de dévoiler leur identité et les autres qui voudront maintenir l’anonymat. Cette distinction mettra l’enfant dans une situation tout à fait intolérable. Soit on lui répondra qu’il ne peut avoir accès à l’identité de son donneur, car ce dernier a souhaité l’anonymat total, soit il se verra communiquer l’information.
Lors de la discussion générale, j’ai longuement évoqué les problèmes compliqués qui pouvaient découler de la levée de l’anonymat : les conséquences pour la famille du donneur apprenant l’existence d’un autre enfant, les risques de conflits et de traumatismes psychologiques, et, Jean-Louis Lorrain vient de l’évoquer, la possibilité de voir diminuer le nombre de donneurs et, surtout, de donneuses.
C'est la raison pour laquelle mon amendement de suppression me paraît empreint d’une certaine sagesse.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 74 rectifié ter.
Cet amendement reflète uniquement la position de ses signataires.
Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, je suis opposé à la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes, car elle me semble à la fois discutable sur le plan éthique et contre-productive sur le plan pratique.
Comme un certain nombre de mes collègues, je refuse de m’en remettre à la « vérité des gènes » et à la dictature des origines et du déterminisme génétique. Les gamètes ne sont porteurs que d’un capital génétique, pas d’une histoire familiale. Les expériences conduites en génétique, notamment avec le clonage animal, montrent bien à quel point la part du génétique dans l’évolution physiologique n’est que relative.
À cet égard, la levée de l’anonymat alimente une dangereuse confusion entre parentalité et origine biologique et remet en cause la primauté symbolique du caractère social et affectif de la filiation. J’en suis persuadé, ce n’est pas la biologie qui détermine les origines ; l’identité est narrative, pas biologique. Je crains fort que la levée de l’anonymat ne fasse que brouiller la lisibilité de la filiation.
Il ne faut non plus oublier qu’aucun enfant conçu « naturellement » n’est jamais assuré de connaître la vérité exacte de sa conception : son père est-il le véritable père biologique ? A-t-il été un enfant désiré ? Il existe une part d’irréductible du mystère des origines qu’il nous faut accepter, en considérant que ces origines, avant d’être l’histoire des enfants, sont celles des parents.
À cet égard, je crains que la levée de l’anonymat ne fasse que fragiliser la position des parents receveurs, qui seront plus enclins à garder le secret sur les conditions de conception de leur enfant. Alors même que, avec le système actuel, moins d’un quart des enfants sont informés de leur mode de conception, il est à craindre que, avec la levée de l’anonymat, les parents n’informeront plus leur enfant de son mode de conception. Distinguer deux catégories de donneurs ne risque pas d’arranger les choses, comme l’a souligné Gilbert Barbier.
On l’a constaté en Suède, premier pays à avoir levé l’anonymat en 1984, non seulement les parents n’informent plus leur enfant de son mode de conception, mais, pis, se détournent des centres d’AMP du pays pour se tourner vers des banques de sperme leur garantissant l’anonymat du donneur. En levant l’anonymat, la France risque de pousser les couples confrontés à la stérilité à partir à l’étranger, en favorisant ce qu’on appelle le « tourisme procréatif ». Le principe de l’anonymat est certes imparfait, mais il nous préserve d’un certain nombre de dérives et de conduites « inéthiques » que l’on peut observer en dehors de l’Hexagone avec, par exemple, la sélection de donneurs spécifiques par les parents.
Plus que le droit à connaître ses origines, c’est avant tout le droit à connaître la vérité sur son mode de conception qui devrait prévaloir.
Je crois également que la levée de l’anonymat fragiliserait la position du donneur, qui n’est pas un parent et qui n’a donc pas sa place dans la famille. Il faut rendre aux donneurs la place qui est la leur : des personnes sensibles aux difficultés rencontrées par d’autres couples et qui ont choisi de les aider en faisant un don, désinvesti de tout projet parental. Le don de spermatozoïdes ou d’ovocytes n’est pas un don d’enfant.
Il ne faut pas négliger non plus le risque sérieux de voir diminuer non seulement le nombre de dons, mais également le nombre des couples souhaitant bénéficier d’une AMP avec tiers donneur. Ces risques sont réels et vérifiés en pratique dans plusieurs pays d’Europe. Selon un sondage effectué pas l’Agence de la biomédecine, 50 % des donneurs de sperme ne donneraient pas si l’anonymat n’était pas garanti, tandis que, selon une enquête réalisée par la Fédération nationale des CECOS, 25 % des couples renonceraient à une procréation par don de sperme.
Se poser des questions sur ses origines est parfaitement normal, que l’on soit conçu par don ou naturellement. Je ne sous-estime pas la souffrance exprimée par certains de ces enfants du don, mais j’éprouve de sérieux doutes devant le « remède » et le bénéfice psychologique pour un enfant ainsi conçu de connaître ses origines, voire de se laisser offrir cette possibilité, car cela introduit pour lui une décision difficile à prendre et à assumer. Il pourrait au contraire s’en trouver déstabilisé et en souffrir bien plus que du fait de la méconnaissance de son donneur.
Voilà pourquoi je propose la suppression de l’article 14.
MM. Charles Gautier et Richard Yung applaudissent.
La parole est à Mme Isabelle Debré, pour présenter l'amendement n° 116 rectifié.
J’ai donné tout à l’heure mon opinion sur la levée totale de l’anonymat du donneur. Je dois dire que nos débats, qui portent sur des questions relevant de convictions très personnelles, sont passionnants.
Monsieur Cazeau, lorsque j’ai dit que, pour moi, l’enfant ne peut avoir qu’un père, cela ne signifie pas qu’il ne peut pas avoir aussi un géniteur. Si j’estime qu’il n’est pas souhaitable que l’enfant connaisse l’identité du donneur, en revanche, il serait peut-être intéressant qu’il puisse accéder à des données non identifiantes, dans certains cas précis.
Aujourd'hui, je défends, au nom de M. Lefèvre et de plusieurs de nos collègues, cet amendement de suppression, mais je souhaiterais que, dans le cadre de la navette, la possibilité que je viens d’évoquer puisse être étudiée, en essayant de minimiser les risques.
Enfin, je tiens à dire que, au sein du groupe de l’UMP, comme dans les autres groupes politiques, nous ne sommes pas tous du même avis sur cette question ; c’est aussi ce qui fait la richesse de nos débats.
Je me contenterai de rappeler que les positions qui viennent d’être défendues sont contraires au texte de la commission. J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements de suppression.
La commission des lois est favorable à la suppression du dispositif visant à prévoir la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes. En revanche, je l’indique dès à présent, elle est défavorable à l'amendement n° 152.
Le droit à la connaissance des origines est souvent évoqué, mais je tiens à souligner l’ambiguïté de ce droit. En effet, les traités internationaux parlent plutôt du « droit de connaître ses parents » ou de la nécessité pour les autorités de « conserver les informations qu’elles détiennent sur les origines de l’enfant, notamment celles relatives à l’identité de sa mère et de son père ». C’est moins une origine biologique qu’une origine « filiative » qui est visée, c’est-à-dire l’inscription dans une histoire familiale et non génétique.
Par ailleurs, le Comité consultatif national d’éthique, le CCNE, recommande de « respecter l’anonymat des donneurs et receveurs, quels que soient les changements à apporter à la règle de droit. La rupture de l’anonymat comporte probablement plus d’éléments perturbants que la rupture du secret ; ici encore, les gamètes ne sont pas des parents ». Lors de son audition, M. Patrick Gaudray, membre du CCNE, a évoqué le risque « de biologiser la famille », un argument qui me semble pertinent.
J’ai déjà évoqué tout à l’heure la position du Gouvernement, qui est favorable à ces trois amendements de suppression. Il a entendu les arguments de la commission spéciale, notamment le risque, en cas de levée de l’anonymat, que les couples soient incités à conserver le secret de la conception.
Je comprends qu’un enfant désire connaître ses origines et accéder à l’identité du donneur. Cette attente est très légitime, et je suis plutôt favorable à ce que la vérité soit dite à l’enfant sur sa conception. Mais si la levée de l’anonymat doit inciter les couples à taire le mode de conception de l’enfant, alors il est préférable d’y renoncer.
Ma position a évolué sur cette question. Au début, je faisais le parallèle avec le cas d’un enfant adopté. En matière d’adoption, vous le savez mes chers collègues, le droit a évolué. Celle-ci a longtemps été soumise au secret, avant que nous nous rendions compte que ce n’était pas une bonne chose. Depuis plusieurs années, on recommande vivement aux parents de dire la vérité à leurs enfants, ces derniers pouvant entreprendre, à partir de l’âge de dix-huit ans, les démarches nécessaires auprès de la DDASS.
Je me demandais donc si la démarche du don de gamètes n’était pas, au fond, assimilable à celle de l’adoption. Après avoir entendu les différents arguments, je dois dire que j’ai changé d’avis : c'est la raison pour laquelle j’ai cosigné l’amendement qui a été présenté par Jean-Pierre Godefroy.
Veillons à ne pas survaloriser l’importance des origines biologiques. Tout comme je ne crois pas que la nationalité soit transmise par le sang, je ne pense pas que l’essence de l’être soit génétique, notre personnalité profonde étant bien davantage constituée par notre histoire familiale, notamment les traditions orales. Si nous encouragions ainsi les personnes à rechercher leurs origines biologiques, nous les conduirions finalement sur une mauvaise voie, qui n’est pas celle de leur véritable origine.
Mme Debré envisageait, pour sa part, un système intermédiaire, qui permettrait à l’enfant d’accéder à des données non identifiantes de son géniteur. Nous devons réfléchir très sérieusement à cette proposition. Je me demande toutefois si elle ne risque pas de faire plus de mal que de bien. Il s’agirait ainsi de communiquer à l’enfant certaines informations, sur la région d’origine ou la formation professionnelle du donneur de gamètes, voire des données plus discutables encore, qui porteraient sur la nationalité ou l’origine ethnique de ce dernier, sans que l’enfant puisse connaître précisément l’identité de son père biologique. Cela me paraît un peu dangereux.
C’est pour cela que nous devons réfléchir à cette question au cours de la navette !
M. Richard Yung. Enfin, je pense à la situation du donneur qui, vingt ans après son don, alors qu’il a créé sa propre famille, verrait quelqu’un se présenter à sa porte et lui dire : « Bonjour papa, c’est moi » !
Sourires sur certaines travées. – Protestations sur d’autres.
M. Richard Yung. Quelle sera la réaction du donneur ? Est-ce qu’il dira : « J’ai été ravi de vous rencontrer, au revoir… » ?
Nouveaux sourires
Et que fera-t-il si cette dernière rencontre des problèmes graves, qu’elle est sans emploi, qu’elle a des problèmes médicaux ? Le donneur pourra-t-il lui tourner le dos sous prétexte qu’il ne l’a pas connue pendant les dix-huit premières années de sa vie ?
Telles sont les raisons pour lesquelles je soutiens l’amendement de suppression présenté par Jean-Pierre Godefroy.
Je ne voterai pas ces amendements de suppression.
Je voudrais tout d’abord faire observer à notre collègue François-Noël Buffet que les conclusions du Comité consultatif national d’éthique ne se réduisent pas, selon moi, à l’aspect qu’il a évoqué. Ses membres ont réfléchi pendant une quinzaine de séances avant d’élaborer un texte qui me semble relativement équilibré.
Je voudrais ensuite mettre l’accent sur nos propres contradictions. La procréation médicalement assistée est indéniablement fondée sur des critères biologiques, et nous avons nous-mêmes voté un certain nombre d’articles qui vont dans ce sens.
Je précise d’ailleurs que la sélection est opérée par le directeur du CECOS lui-même, qui va décider d’apparier le donneur au receveur en fonction d’un certain nombre de critères, notamment raciaux.
Au nom de quoi faudrait-il subitement effacer ces données ? Cela me semble contraire à l’intérêt de l’enfant, dont la filiation est autant biologique que sociale, environnementale ou affective.
On essaie de construire un édifice reposant sur trois pieds alors qu’un enfant est le fruit de l’union de deux personnes.
Je fais partie de la liste des signataires de l’amendement n° 74 rectifié ter.
En France, aux termes du code civil et du code de la santé publique, le don de gamètes est anonyme, au même titre que le don de tout élément ou produit du corps humain. Les dérogations à ce principe ne se justifient que pour des nécessités thérapeutiques.
Ainsi, les enfants nés grâce à un don de sperme ou d’ovocytes ignorent leurs origines génétiques.
Dans certains pays européens comme les Pays-Bas, la Suède ou la Suisse, les enfants nés grâce à l’assistance médicale à la procréation ont la possibilité de connaître l’identité du donneur. L’argument avancé pour justifier cela est l’intérêt prioritaire de l’enfant à connaître ses origines génétiques afin qu’il puisse reconstituer un bout manquant de son histoire.
Pour ma part, je pense que cet intérêt doit être relativisé, car cet enfant risque de fonder de faux espoirs quant à ce tiers donneur. Par ailleurs, il ne faudrait pas qu’il oublie que ses origines sont surtout à rechercher dans sa propre histoire. Le donneur lui a donné ses gamètes, mais pas son histoire.
C’est le père et la mère, et non cette tierce personne, qui ont eu envie d’avoir un enfant, lequel se construit par rapport à ses parents, à l’amour et à l’éducation qu’ils lui ont donnés, et non par rapport à ses gènes.
Ce sont ses premiers pas, ses premières émotions, ses premières expressions, ses premières erreurs, ses premières amours qui constituent son histoire, pas les spermatozoïdes dont il est issu.
Les raisons médicales, en revanche, me semblent recevables. C’est pourquoi je souhaiterais, pour ma part, que l’on puisse dissocier ces deux éléments, par exemple en constituant un dossier de traçabilité génétique qui permette de répondre aux problèmes médicaux qui pourraient se poser.
En revanche, lever l’anonymat d’un don de gamètes ne ferait qu’ajouter de la confusion à une situation qui est déjà difficilement vécue par certains enfants.
Les temps sont marqués par une obligation absolue de transparence. Halte à ce faux modernisme ! Halte à ce terrorisme de la transparence ! Les conséquences d’une levée systématique de certains secrets, y compris dans ce domaine, sont potentiellement plus graves que les avantages qu’on peut en attendre.
Par ailleurs, cette levée du secret n’encouragera pas les donneurs potentiels de gamètes, déjà trop peu nombreux. Ils ne considèrent pas ces enfants comme les leurs et auront peur, comme l’a remarquablement dit Richard Yung, de les voir leur demander des comptes des années après.
L’anonymat est, avec la gratuité, l’un des principes essentiels de la bioéthique, et je pense qu’il serait extrêmement dangereux de céder sur cette position.
Afin de ne pas rendre plus complexe une situation qui l’est déjà, l’anonymat des donneurs de gamètes ne doit pas, à mon sens, être levé. C’est pourquoi j’ai cosigné cet amendement.
MM. Christian Cointat, Jean-Pierre Godefroy et Richard Yung applaudissent.
Ce débat passionnant, car passionné, est d’autant plus intéressant qu’il dépasse très largement les clivages politiques. Il touche véritablement à l’essence même de notre conception de la vie.
Je voterai ces amendements de suppression, sans toutefois m’en satisfaire pleinement.
Je me retrouve dans les propos de notre collègue Charles Gautier, comme dans ceux d’Isabelle Debré : c’est un problème d’histoire, et non d’identité. Il faut faire la différence entre les deux.
Je trouve naturel qu’un enfant conçu à la suite d’un don de gamètes veuille connaître son histoire. Mais cela ne veut pas forcément dire qu’il ait besoin de connaître l’identité de son géniteur. S’il a besoin de connaître les antécédents médicaux de celui-ci, ainsi que d’autres informations, il n’a pas besoin de savoir qu’il s’appelle M. Dupont ou M. Martin.
Ces informations ne lui apporteraient rien, sauf à risquer, comme l’a très justement souligné Richard Yung, de le voir s’immiscer dans la vie d’une famille déjà constituée.
Protestations sur diverses travées.
Il est donc préférable de garder l’anonymat.
En revanche, la navette pourrait être l’occasion, non pas de lever l’anonymat du donneur, mais de lever l’anonymat du profil médical, social ou autre de ce dernier afin que l’enfant puisse reconstituer son histoire, et non pas son état civil, ce qui n’est absolument pas la même chose.
Nous devons être conscients des dangers d’une trop grande transparence. Qui nous dit que, demain, ce ne sera pas le donneur qui souhaitera savoir ce qu’est devenu l’enfant qui a pu naître de son don ?
Et que ce ne sera pas lui qui débarquera dans une famille en s’exclamant : « C’est moi le papa ! ».
Il me semble, dès lors, préférable de ne pas lever l’anonymat, mais de poursuivre la réflexion afin que l’on puisse véritablement communiquer à l’enfant qui le souhaite le profil médical, social, et personnel complet de son géniteur, à l’exclusion de son état civil.
Le groupe socialiste est largement favorable au maintien de l’anonymat, mais, à titre personnel, et après une longue réflexion, j’ai soutenu la levée de l’anonymat sur les dons de gamètes, et je voudrais m’en expliquer en quelques mots.
Bien sûr, comme chacun d’entre nous, je suis attachée aux deux principes qui fondent notre législation en matière de bioéthique, à savoir la non-marchandisation du corps et l’anonymat des dons.
Je fais également pleinement la distinction entre origine biologique et filiation. La transmission d’un patrimoine génétique ne vaut en rien certificat de parent.
Enfin, j’entends aussi certaines des leçons tirées des pays qui ont déjà levé l’anonymat, telle la baisse du nombre des dons pendant une période transitoire ou encore, par exemple, la relance du secret dans les familles qui y ont eu recours.
Néanmoins, pourquoi défendre la levée de l’anonymat ?
Il ne s’agit pas d’une obsession de la transparence, ni uniquement de celle de la primauté du droit de l’enfant. En réalité, il s’agit bel et bien du droit des individus à disposer de leur histoire, quelle qu’elle soit, car personne ne peut décider pour autrui de ce qui constitue ou non son histoire.
Si je fais la distinction dans la mosaïque des situations particulières où la quête des origines est à vif entre l’adoption, l’accouchement sous X ou la procréation avec un tiers, mon expérience professionnelle comme ma réflexion m’amènent à penser que ces dernières ont, malgré tout, quelque chose en commun : le besoin de connaître d’où l’on vient, de qui l’on vient.
Bien sûr, ce besoin est intrinsèquement subjectif. Il prend des formes et des intensités très différentes. Mais, exprimé ou retenu, il a un impact sur chaque individu.
Dès lors qu’il est clair pour tous – donneur, parents, enfant – que le don ne fait pas le parent, ni même un début de commencement de parent, pourquoi, dès lors, empêcher l’accès à l’identité du donneur ?
Quel non-dit, quelle pensée informulée, quelle crainte, à la vérité, vient encore justifier l’anonymat ? Quel est ce péril si terrifiant qui transforme le don, par nature humaniste et louable, en une chose à taire, à dissimuler, à masquer ?
Que les défenseurs de l’anonymat se rassurent : en levant l’anonymat sur les dons de gamètes, nous n’ouvrirons pas la boîte de Pandore, parce qu’il n’y en a pas.
Les donneurs ne risquent pas de voir sonner à leur porte, dix-huit ans après avoir fait un don, une colonie de jeunes gens en quête d’un père, car ce n’est pas de cela qu’il s’agit ! La plupart de ces jeunes gens veulent tout simplement avoir accès à cette pièce du puzzle, à cette infime part d’eux-mêmes, sans doute secondaire, mais lancinante.
À cet égard, j’évoquerai le cas d’une jeune femme née à la suite d’un don. À chaque fois qu’elle croisait, dans la rue, un homme à la quarantaine passée, blond aux yeux bleus, elle ne pouvait s’empêcher de se demander si c’était celui qui lui avait transmis sa blondeur et ses yeux bleus.
Cette pensée n’était en rien une épée Damoclès au-dessus d’elle ; il ne s’agissait que d’un questionnement récurrent.
Qu’on le regrette ou non, nous sommes aujourd’hui obligés de reconnaître que l’individu est un tout, un tout composé d’une part d’affectif, de social et de biologique.
Concernant les questions de la parentalité et de la filiation, la société évolue plus vite et plus en profondeur que nous ne lui en donnons crédit. La levée de l’anonymat sur les dons de gamètes, loin d’être une révolution qui fera s’effondrer le modèle familial, sera, en réalité, une aide à l’apaisement de ces situations, précisément en les banalisant, en les normalisant.
Voilà pourquoi je ne voterai pas les trois amendements de suppression, dont l’un est soutenu par la majorité du groupe socialiste.
Comme nombre d’entre vous, j’ai beaucoup douté. J’ai entendu les arguments avancés de part et d’autre, notamment ceux de notre collègue Richard Yung, et je dois dire qu’ils m’ont tous véritablement ébranlé.
Quand on doute, il faut revenir aux fondamentaux, c'est-à-dire aux conventions internationales, notamment la Convention internationale des droits de l’enfant.
On ne peut rappeler la Convention d’Oviedo et affirmer, dans le même temps, que l’accès aux origines est un droit non pas absolu, mais à géométrie variable, en fonction de données extérieures à l’enfant. Ce n’est pas le choix de l’enfant. Soit l’enfant a le droit absolu de connaître ses origines, soit il ne l’a pas. Mais, en aucun cas, il ne saurait être question d’ouvrir un droit à géométrie variable.
J’ai bien entendu tout ce qui a été dit sur le secret de famille. En général, un secret est fait pour protéger. Mais, dans cette affaire, qui veut-on protéger ? L’enfant ? La famille ? Ou, au fond, le géniteur ?
Pour ma part, je ne suis pas du tout convaincu que l’enfant soit ici au cœur des préoccupations.
Je crains que ce ne soit autre chose !
Je partage le point de vue, développé par certains de nos collègues, selon lequel la parentalité comporte incontestablement deux dimensions : une dimension biologique et une dimension sociale. Toutefois, on ne saurait poser le problème en termes d’accès à la traçabilité.
J’ai été gêné d’entendre de tels propos. Cela revient à considérer que l’enfant n’est, en quelque sorte, je suis désolé de le dire, qu’un bien de consommation.
Or, quelle que soit notre appartenance politique, nous sommes un certain nombre ici à penser que le gamète n’est pas un bien de consommation courant. Le don de gamètes n’est pas un don comme les autres.
Pour ma part, je suis très clairement pour la levée de l’anonymat. C’est la raison pour laquelle je ne voterai pas ces amendements de suppression.
Mon explication de vote sera brève.
Les sénatrices et sénateur Verts ayant cosigné l’amendement n° 74 rectifié ter, dont l’objet est de maintenir l’anonymat du don de gamètes tel qu’il existe aujourd'hui, je fais miens les arguments avancés par mes collègues Jean-Pierre Godefroy, Richard Yung et Charles Gautier. C’est pourquoi nous voterons ces trois amendements identiques.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour explication de vote.
Je suis frappée de constater l’absence, dans notre débat, de référence aux études réalisées par les psychologues, les psychanalystes et les anthropologues français et étrangers, alors que ceux-ci ont réalisé des enquêtes, ainsi que des suivis de familles et d’enfants, depuis maintenant trente ans.
La position défendue par notre commission rejoint les conclusions auxquelles ils sont généralement parvenus. Cela explique le fait que onze pays occidentaux aient levé l’anonymat des donneurs de gamètes.
En outre, je note également que l’on a, en France, beaucoup trop tendance – et pas seulement sur ce sujet ! – à aborder ces questions abstraitement sur la base d’oppositions idéologiques : le génétique contre le social, par exemple. Mais le débat d’aujourd'hui ne se pose pas du tout en ces termes.
Dans le cadre de la procréation naturelle, le développement social et la personnalité de l’enfant se construisent sur l’héritage génétique.
Ainsi, la famille Bach a un don pour la musique, un don qui a été cultivé sur plusieurs générations. Pour prendre un exemple plus récent, Jean-Marie Périer a le talent musical d’un père qu’il ne connaît pas. Or, dès qu’il découvre que son père est Henri Salvador, il cesse définitivement le piano sur lequel il jouait des pièces de jazz, au motif que le père qu’il aime est François Périer et qu’il ne veut pas entendre parler de son père biologique.
Tous les cas de figure sont possibles. Ainsi, Éric Fottorino, qui découvre tardivement son père génétique, car il lui avait été interdit d’être son père social en raison de son judaïsme, a l’émotion de découvrir que celui-ci a les jambes aussi grêles que les siennes.
Il n’existe donc pas d’opposition entre le génétique et le social : l’un se construit sur l’autre quand les circonstances le permettent.
Pour l’enfant né d’une assistance médicale à la procréation, la primauté de l’affection et de l’éducation familiale efface le plus souvent la recherche de l’origine génétique.
Toutefois, les cliniciens connaissent bien, au quotidien, les difficultés rencontrées par les adolescents issus d’une assistance médicale à la procréation, qui peinent à se structurer, surtout les garçons, car ils n’ont aucun modèle familial masculin qui leur ressemble. Ainsi, ils ont toutes les peines du monde à faire coïncider leur tempérament, ce qui est de l’ordre du génétique, avec ce qui a forgé leur histoire familiale et leur éducation. Pourquoi nier ces réalités ?
Pour ma part, j’estime que la rédaction proposée par la commission répond à ces besoins, des besoins souvent minoritaires, parce que, je le répète, l’éducatif et l’affectif dominent très nettement le biologique. Toutefois, ne négligeons pas le besoin de certaines personnes nées de l’AMP de connaître leur origine biologique. En effet, ce sont, bien évidemment, non pas des parents qu’elles recherchent, mais tout simplement des réponses aux questions existentielles qu’elles se posent.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Je voterai bien évidemment contre ces trois amendements identiques, et ce pour trois raisons.
Tout d’abord, je tiens à rappeler que la connaissance des origines ne doit pas effrayer. En tout cas, elle n’entraîne pas une filiation juridique, comme certains veulent le faire croire. En réalité, arrêtons de fantasmer sur ce point, car cette question ne pose pas de problème juridique.
Ensuite, imposer à un être humain un secret sur ses origines est, à mes yeux, une violation pure et simple de ses libertés. Je suis d’ailleurs assez étonnée de la position de certains collègues, car je pensais que le Sénat – et c’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai souhaité siéger dans cette enceinte ! – était vraiment très attaché au respect des libertés, individuelles notamment.
Enfin, il importe de responsabiliser les dons, notamment les dons de gamètes dans la mesure où il s’agit d’un acte d’hérédité.
De mon point de vue, le don doit être, en la matière, assumé. On ne peut nier le fait que les personnes nées de dons de gamètes sont multiples, plurielles. Respectons l’héritage de leur histoire et, surtout, ne les privons pas de cette possibilité de connaître leur origine.
D’ailleurs, faisons attention aux mots qui sont employés. Je le dis très clairement, je n’ai pas beaucoup aimé que l’on utilise le terme de « traçabilité ».
Je tiens à féliciter la commission des affaires sociales d’avoir pris une position courageuse. À cet égard, je dois dire que j’ai souvent ressenti, au cours du débat, une différence d’appréciation entre les femmes et les hommes, ce qui m’interpelle.
Or, vous le savez tous, les uns et les autres, je ne suis pas une féministe.
Le nombre de femmes étant très inférieur dans cette enceinte, …
… je suis sans illusion sur l’issue du vote. Mais je tiens à renouveler mes félicitations à l’endroit de la commission, qui a su transcender un certain nombre de positions. D’ailleurs, ce débat a permis de mettre au jour des contradictions, qui m’embarrassent, par rapport à ce qui a été voté précédemment.
J’espère que la navette parlementaire permettra d’améliorer les choses, car certains, par leurs propos, ont soulevé des questions dont ils ne mesurent pas l’importance, ...
Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. … même si le vote a eu lieu par scrutin public.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit.
Nous nous sommes exprimés très clairement sur cet article 14.
La majorité de notre groupe votera contre les trois amendements identiques de suppression de l’article 14, mais mes collègues Éliane Assassi et Brigitte Gonthier-Maurin voteront pour.
C’est donc la majorité de notre groupe qui est favorable à la levée de l’anonymat des donneurs de gamètes.
Je ferai une observation de forme.
Selon Mme Marie-Thérèse Hermange, je n’ai cité que partiellement la position du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé.
Je connais trop la perversité de la technique qui consiste à extraire un élément de discours ou d’intervention pour le replacer dans un contexte totalement différent afin d’en tirer les avantages que cela peut apporter. Cette façon de faire est perverse et abominable, et je tiens à affirmer que je ne l’ai pas utilisée.
Le propos que j’ai tenu était fondé sur l’avis n° 90 Accès aux origines, anonymat et secret de la filiation du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé, et plus précisément sur le paragraphe qui figure à la page 24 et qui porte sur le sujet que nous évoquons.
J’ajoute que ce point de vue fait partie des recommandations figurant à la fin de cet avis et a été soutenu par M. Patrick Gaudray lors de l’audition que j’ai organisée. J’ai tout lieu de penser que, par éthique à l’égard du Comité dont il est membre, ce dernier a tenu à respecter cette position.
Au début de la matinée, j’ai expliqué les raisons pour lesquelles la commission des affaires sociales avait adopté son texte. Permettez-moi de revenir sur quelques points.
Tout d’abord, Mme la présidente de la commission des affaires sociales et moi-même sommes satisfaits. Nous souhaitions un débat le plus ouvert possible et de haute tenue. Ce fut le cas, et je vous en remercie.
Tout à l’heure, Marie-Thérèse Hermange a évoqué l’historique, qui est important dans cette affaire. Le don de gamètes a débuté en 1976, sans encadrement législatif. L’exemple suivi alors a été celui qui prévalait pour le don du sang, à savoir l’anonymat et la gratuité, ce que le législateur a maintenu en 1994 pour les gamètes comme pour le reste.
En 1976, la société française n’était pas celle d’aujourd’hui. Si l’anonymat a été mis en place, c’était pour respecter le secret familial, qui, à l’époque – ce n’est plus le cas maintenant, heureusement ! –, était la honte de la stérilité.
Aujourd’hui, je le dis clairement, il n’y a plus aucune raison d’avoir honte de quoi que ce soit, en particulier de la stérilité. La société ayant évolué, il me semble possible d’admettre la levée de l’anonymat.
Certains d’entre vous ont pensé qu’on allait favoriser le secret de famille et décourager les parents de dire à l’enfant la réalité de sa conception. Mais, si l’on en juge par les dernières études qui ont été menées en Suède, il n’y a pas de variation notable dans le maintien du secret dans la famille ; les chiffres sont sensiblement restés les mêmes. Par conséquent, le secret n’est pas plus en danger qu’avant.
J’en viens à une remarque que nous nous étions faite, Mme la présidente de la commission des affaires sociales et moi-même, et qui a été reprise par quelques-uns de nos collègues.
Il est vrai que les hommes s’identifient systématiquement aux donneurs. Mais, messieurs, vous n’êtes pas les seuls ! Les enfants qui iront frapper à la porte de leur donneur pourront tout aussi bien dire : « Bonjour maman ! ». Laissez-leur au moins cette chance !
Sourires
Des termes employés m’ont fortement déplu : ce sont ceux de « terrorisme de la transparence ». Il y aurait, par la même occasion, un « terrorisme de la génétique ». Ce qui prévaut dans cette affaire, ce n’est nullement un terrorisme de la transparence ; c’est plutôt la volonté de la vérité. Ce n’est pas la même chose et on ne peut nier qu’elle est nécessaire à l’équilibre de tous les acteurs.
Quant à la génétique, elle ne forme pas totalement la personnalité.
Mais l’environnement joue pour beaucoup aussi. Par conséquent, je ne suis pas d’accord non plus avec les termes de « terrorisme génétique ».
M. Gilbert Barbier a conclu son intéressante intervention en disant que nous allions modifier la levée de l’anonymat pour une centaine de gamins, c’est-à-dire, pour lui, un petit nombre de personnes. Mais je vous signale qu’au cours du débat nous aborderons la question de l’autorisation de transfert d’embryons post mortem, laquelle ne vise qu’un cas par an !
Quoi qu’il en soit, tous les cas sont intéressants et méritent d’être débattus au sein de cet hémicycle !
Je reviens également sur le propos de notre collègue Dominique de Legge. Effectivement, il est important de respecter les conventions que la France a signées. En l’occurrence, il s’agit de la Convention relative aux droits de l’enfant. Je suis complètement d’accord. Sinon, pourquoi les avoir signées ?
Enfin, j’en viens à l’intervention de M. Cointat. Selon lui, voter la suppression de l’article permettrait de réfléchir sur le sujet à l’occasion de la navette. Non, car on en reviendrait alors au texte de l’Assemblée nationale et, le vote étant alors conforme, l’article ne ferait pas l’objet de la navette !
M. Alain Milon, rapporteur. Remarquez, la séance s’achèverait plus vite et M. le président serait content !
Sourires
Par conséquent, si la suppression était votée, l’article ne serait pas réexaminé au cours de la navette.
M. le président. Je vous rassure, la séance sera suspendue à treize heures !
Nouveaux sourires.
Par la qualité de nos débats de ce matin, nous avons assuré la tenue d’un débat de qualité demain…
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Avant que vous ne vous prononciez sur les amendements identiques, je tiens à saluer la richesse du débat qui a eu lieu.
La position de chacun est tout à fait respectable et honorable. Une chose est sûre, il n’existe aucun dispositif idéal, aucune vérité en la matière, car ce n’est pas une science exacte. C’est bien pourquoi le sujet est si délicat à traiter.
Personnellement, j’ai beaucoup apprécié la qualité des échanges et je vous remercie de la hauteur de vues qui a été la vôtre.
Je terminerai en rappelant la position du Gouvernement. Il est favorable au maintien de l’anonymat des donneurs de gamètes et donc favorable aux amendements identiques présentés par Gilbert Barbier, Jean-Pierre Godefroy et Isabelle Debré.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 48 rectifié, 74 rectifié ter et 116 rectifié.
J'ai été saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du Gouvernement et, l'autre, du groupe socialiste.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 182 :
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l’article 14 est supprimé.
L'amendement n° 152, présenté par Mmes Cros et Gourault, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« En outre, à sa demande et sous réserve du consentement exprès du ou des intéressés, l’enfant majeur issu d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur accède à l’identité de tout tiers dont les gamètes ont permis sa conception, dans les conditions prévues au chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie. »
Cet amendement n’a plus d’objet.
La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.
L’amendement n° 113 rectifié quinquies avait réservé jusqu’à cet instant. Cependant, afin de tenir compte du vote qui vient d’intervenir, monsieur le président, il convient d’en différer de nouveau l’examen. Aussi, je demande la réserve de cet amendement jusqu’après l’examen de l’article 18.
I. – Le chapitre IV du titre IV du livre II de la première partie du même code est ainsi modifié :
1° L’article L. 1244–2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2013, le donneur est informé, avant le recueil du consentement prévu au premier alinéa, de la possibilité, pour tout enfant conçu à partir des gamètes d’un tiers donneur, de demander, à sa majorité, d’accéder à certaines données non identifiantes relatives au donneur, et à son identité, dans les conditions prévues aux articles L. 2143–1 et suivants. » ;
2° Au dernier alinéa de l’article L. 1244–7, les mots : « du principe d’anonymat et du principe de gratuité » sont remplacés par les mots : « du principe de gratuité et du principe d’anonymat, ainsi que, conformément au dernier alinéa de l’article L. 1244–2, de la possibilité, pour tout enfant conçu à partir des gamètes d’un tiers donneur, d’accéder à certaines informations à sa majorité ».
II. – Le chapitre Ier du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du même code est ainsi modifié :
1° À l’article L. 2141–5, il est ajouté un troisième alinéa ainsi rédigé :
« À compter du 1er janvier 2013, préalablement au consentement prévu aux deux alinéas précédents, les membres du couple, ou son membre survivant, sont informés de la possibilité, pour tout enfant né de l’accueil d’un embryon, de demander, à sa majorité, d’accéder à certaines données non identifiantes relatives aux personnes dont les gamètes ont permis sa conception, et à leur identité, dans les conditions prévues aux articles L. 2143–1 et suivants. » ;
2° La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 2141–6 est complétée par les mots : « et des conditions dans lesquelles celui-ci peut demander, à sa majorité, d’accéder à certaines données non identifiantes relatives aux personnes dont les gamètes ont permis sa conception, et à leur identité » ;
3° Le septième alinéa de l’article L. 2141–10 est complété par les mots : « et, le cas échéant, à la possibilité pour tout enfant conçu à partir des gamètes d’un tiers donneur d’accéder à certaines informations à sa majorité ».
La parole est à M. le rapporteur, pour faire le point sur les amendements de suppression, qui sont coordonnés à ceux qui viennent d’être adoptés.
Le sort de l’article 14 détermine celui des articles 15, 16, 17 et 18.
La commission émettra bien évidemment un avis défavorable sur tous les amendements de suppression de ces articles. Mais j’ai bien l’impression que cela ne sert plus à grand-chose !
Notre débat s’est déroulé jusqu’à présent dans la plus grande sérénité. En tant que président de séance, je ne peux m’opposer à la présentation d’amendements, mais je me dois de vous interroger, mes chers collègues, sur le déroulement de nos débats.
Dans la mesure où le Sénat s’est exprimé par scrutin public et qu’il existe une coordination de fait entre les articles 14, 15, 16, 17 et 18, considérez-vous que le vote que vous venez d’émettre et qui a pour conséquence de supprimer l’article14 emporte, dans sa logique, la suppression des articles 15, 16, 17 et 18 ?
Vous n’êtes pas obligés de me faire grief de cette procédure improvisée !
Sourires.
Monsieur le président, considérant que les amendements que j’avais déposés sur les articles 15, 16, 17 et 18 étaient défendus, je n’avais pas l’intention de m’exprimer de nouveau. Par conséquent, je souscris à la proposition que vous venez de formuler.
Estimant l’article 14 capital, notre groupe n’avait pas déposé d’amendements sur les articles 15, 16, 17 et 18.
Sourires sur les travées de l ’ UMP.
Toutefois, nous partageons votre analyse, monsieur le président, et souscrivons à l’idée selon laquelle il n’y a pas lieu de discuter de ces articles.
Nous allons donc procéder ainsi.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 49 rectifié est présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet et Bockel, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.
L'amendement n° 81 rectifié ter est présenté par MM. Godefroy et Mirassou, Mme Printz, MM. Kerdraon et Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, M. C. Gautier, Mme Tasca, MM. Lagauche, Botrel, Yung et Frimat, Mme Campion, MM. Madec et Courteau, Mme Schillinger, MM. Sueur, Guillaume, Mazuir, Hervé, Berthou, Marc et Chastan, Mmes Klès et Laurent-Perrigot et MM. Badinter, Carrère, Todeschini et Rebsamen.
L'amendement n° 117 rectifié est présenté par MM. Lefèvre, Lecerf, Guerry et Couderc, Mmes G. Gautier et Henneron, MM. J. Gautier, Buffet et Beaumont et Mmes Bruguière, Sittler et Debré.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 49 rectifié, 81 rectifié ter et 117 rectifié.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, l’article 15 est supprimé.
L'amendement n° 153, présenté par Mmes Cros et Gourault, est ainsi libellé :
I.- Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le donneur est informé, avant le recueil du consentement prévu au premier alinéa, de la possibilité, pour tout enfant conçu à partir des gamètes d’un tiers donneur, de demander, à sa majorité, d’accéder à certaines données non identifiantes relatives au donneur et, sous réserve du consentement exprès de celui-ci, à son identité, dans les conditions prévues aux articles L. 2143-1 et suivants. »
II.- Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Préalablement au consentement prévu aux deux alinéas précédents, les membres du couple, ou son membre survivant, sont informés de la possibilité, pour tout enfant né de l’accueil d’un embryon, de demander, à sa majorité, d’accéder à certaines données non identifiantes relatives aux personnes dont les gamètes ont permis sa conception et, sous réserve du consentement exprès de celles-ci, à leur identité, dans les conditions prévues aux articles L. 2143-1 et suivants. »
III.- Alinéa 8
Remplacer les mots :
, et à leur identité
par les mots :
et, sous réserve du consentement exprès de celles-ci, à leur identité
Cet amendement n’a plus d’objet.
Le titre IV du livre Ier de la deuxième partie du même code est complété par un chapitre III intitulé : « Accès à des données non identifiantes et à l’identité du donneur de gamètes » et comprenant les articles L. 2143–1 à L. 2143–10 ainsi rédigés :
« Art. L. 2143–1. – Pour l’application du présent chapitre, les notions de tiers donneur, de donneur ou de donneuse de gamètes s’entendent de toute personne, autre que les parents de l’enfant, dont les gamètes ont permis la conception de celui-ci dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation.
« Art. L. 2143–2. – Tout enfant conçu à partir des gamètes d’un tiers donneur peut, à sa majorité, accéder à des données non identifiantes relatives au donneur.
« Tout enfant conçu à partir des gamètes d’un tiers donneur et né après le 1er janvier 2014 peut également, à sa majorité, accéder, s’il le demande, à l’identité du donneur.
« Art. L. 2143–3. – Au moment du don de gamètes, le médecin recueille l’identité du donneur ainsi que, sauf lorsqu’il apparaît de façon manifeste qu’elles permettraient son identification, des informations dont la liste est fixée par arrêté. Ces informations portent sur :
« 1° L’âge du donneur ;
« 2° Son état de santé ;
« 3° Ses caractéristiques physiques ;
« 4° Sa situation familiale et sa catégorie socioprofessionnelle ;
« 5° Sa nationalité ;
« 6° Les motivations de son don.
« Le donneur a la faculté de s’opposer au recueil des informations mentionnées aux 4°, 5° et 6°.
« Art. L. 2143–4. – Les données mentionnées à l’article L. 2143–3 sont conservées par les organismes et établissements mentionnés au troisième alinéa de l’article L. 2142–1 dans des conditions garantissant strictement leur confidentialité.
« Art. L. 2143–5. – L’enfant qui, à sa majorité, souhaite accéder aux données non identifiantes relatives au donneur recueillies au moment du don de gamètes ou à l’identité du donneur s’adresse à la commission mentionnée à l’article L. 2143–6.
« En cas de demande d’accès aux données non identifiantes, la commission fait droit à cette demande après avoir vérifié que les données communiquées respectent le principe d’anonymat mentionné à l’article L. 1211–5.
« En cas de demande d’accès à l’identité du donneur, la commission y fait droit.
« Art. L. 2143–6. – Une commission d’accès aux données non identifiantes et à l’identité du donneur de gamètes est placée auprès du ministre chargé de la santé. Elle est composée, sans qu’aucune catégorie puisse représenter plus du tiers de ses membres :
« 1° D’un magistrat de l’ordre judiciaire et d’un membre de la juridiction administrative ;
« 2° De représentants des ministères concernés ;
« 3° De personnalités qualifiées dans le domaine de l’assistance médicale à la procréation ainsi que dans le domaine des sciences humaines et sociales ;
« 4° De représentants d’associations familiales.
« Art. L. 2143–7. – I. – La commission mentionnée à l’article L. 2143–6 se prononce :
« 1° Sur les demandes d’accès à des données non identifiantes ;
« 2° Sur les demandes d’accès à l’identité du donneur de gamètes ;
« 3° À la demande d’un médecin, sur le caractère non identifiant de certaines données.
« II. – Sont assurés sous l’autorité de la commission :
« 1° Les demandes de communication des données mentionnées à l’article L. 2143–3 auprès des structures mentionnées au troisième alinéa de l’article L. 2142–1 ;
« 2° La communication des données mentionnées au 1° aux demandeurs ;
« 3° L’accompagnement des demandeurs.
« Art. L. 2143–8. – Les organismes et établissements conservant des données mentionnées à l’article L. 2143–3 sont tenus de les communiquer à la commission sur sa demande.
« Art. L. 2143–9. – Lorsque, pour l’exercice de sa mission, la commission demande la consultation de documents d’archives publiques, les délais prévus à l’article L. 213–2 du code du patrimoine ne lui sont pas opposables.
« Art. L. 2143–10. – Les modalités d’application du présent chapitre sont déterminées par décret en Conseil d’État, et notamment :
« 1° La durée de la conservation des données mentionnées à l’article L. 2143–3 ;
« 2° Les obligations auxquelles sont tenus les organismes et établissements conservant de telles données lorsqu’ils cessent leur activité ;
« 3° La composition de la commission prévue à l’article L. 2143-6.
« Les dispositions relatives aux conditions dans lesquelles sont traitées les données mentionnées à l’article L. 2143–3 sont prises après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 50 rectifié est présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet et Bockel, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.
L'amendement n° 82 rectifié ter est présenté par MM. Godefroy et Mirassou, Mme Printz, MM. Kerdraon et Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, M. C. Gautier, Mme Tasca, MM. Lagauche, Botrel, Yung et Frimat, Mme Campion, MM. Madec et Courteau, Mme Schillinger, MM. Sueur, Guillaume, Mazuir, Hervé, Berthou, Marc et Chastan, Mmes Klès et Laurent-Perrigot et MM. Badinter, Carrère, Todeschini et Rebsamen.
L'amendement n° 118 rectifié est présenté par MM. Lefèvre, Lecerf, Guerry et Couderc, Mmes G. Gautier et Henneron, MM. J. Gautier, Buffet et Beaumont et Mmes Sittler, Bruguière et Debré.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 50 rectifié, 82 rectifié ter et 118 rectifié.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, l'article 16 est supprimé.
L'amendement n° 154, présenté par Mmes Cros et Gourault, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Il peut également, à sa majorité, accéder à l’identité du donneur, sous réserve du consentement exprès de celui-ci.
II. - Alinéa 16
Compléter cet alinéa par les mots :
si ce dernier, après avoir été informé de la demande, consent expressément et par écrit à cet accès
III. - Après l'alinéa 27
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 1° bis La mise en œuvre des moyens nécessaires pour retrouver les donneurs de gamètes afin de solliciter leur consentement et le recueil de ce consentement ;
IV. - Après l'alinéa 30
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 2143–8–1. – Sous réserve des dispositions de l’article 6 de la loi n° 51–711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques, les administrations ou services de l’État et des collectivités publiques, les organismes de sécurité sociale et les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales sont tenus de réunir et de communiquer à la commission sur sa demande les renseignements dont ils disposent permettant de déterminer l’adresse du donneur de gamètes.
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 45 rectifié, présenté par Mmes Dini, Létard et Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 29
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« 4° La tenue d'un registre répertoriant les donneurs de gamètes ayant effectué un don avant le 1er janvier 2013, qui acceptent la levée de l'anonymat, au cas où un enfant issu du don et devenu majeur le demande.
« Dans des conditions définies par voie réglementaire, la commission reçoit et examine les demandes de levée d'anonymat des enfants nés avant le 1er janvier 2014. Si le donneur a consenti à la levée de l'anonymat, elle fait droit à la demande et en informe le donneur. »
Cet amendement n’a plus d’objet.
L'amendement n° 164, présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I. - Alinéa 32
Après les mots :
Conseil d'État
insérer les mots :
pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés
II. - Alinéa 36
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement n’a plus d’objet.
Le code civil est ainsi modifié :
1° L’article 16–8 est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Le principe d’anonymat du don ne fait pas obstacle à l’accès de l’enfant majeur issu d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, à sa demande, à des données non identifiantes relatives à tout tiers dont les gamètes ont permis sa conception, dans les conditions prévues au chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique.
« Il ne peut être dérogé à ce principe d’anonymat qu’à la suite d’une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, au bénéfice et à la demande de l’enfant majeur, né après le 1er janvier 2014, qui en est issu dans les conditions prévues au chapitre III du titre IV du livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique. » ;
2° Au dernier alinéa de l’article 311–19, après les mots : « à l’encontre du donneur », sont insérés les mots : « à raison du don ».
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 51 rectifié est présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet et Bockel, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.
L'amendement n° 83 rectifié ter est présenté par MM. Godefroy et Mirassou, Mme Printz, MM. Kerdraon et Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, M. C. Gautier, Mme Tasca, MM. Lagauche, Botrel, Yung et Frimat, Mme Campion, MM. Madec et Courteau, Mme Schillinger, MM. Sueur, Guillaume, Mazuir, Hervé, Berthou, Marc et Chastan, Mmes Klès et Laurent-Perrigot et MM. Badinter, Carrère, Todeschini et Rebsamen.
L'amendement n° 119 rectifié est présenté par MM. Lefèvre, Lecerf, Guerry et Couderc, Mmes G. Gautier et Henneron, MM. J. Gautier, Buffet et Beaumont et Mmes Sittler, Bruguière et Debré.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 51 rectifié, 83 rectifié ter et 119 rectifié.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, l'article 17 est supprimé.
L'amendement n° 155, présenté par Mmes Cros et Gourault, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
, né après le 1er janvier 2014, qui en est issu
par les mots :
qui en est issu, et sous réserve du consentement exprès du ou des tiers dont les gamètes ont permis la conception de l’enfant,
Cet amendement n’a plus d’objet.
I. – À l’article 511–10 du code pénal, les mots : « Le fait de divulguer une information » sont remplacés par les mots : « Sauf dans les cas où la loi le prévoit, le fait de divulguer une information ».
II. – À l’article L. 1273–3 du code de la santé publique, les mots : « Le fait de divulguer une information » sont remplacés par les mots : « Sauf dans les cas où la loi le prévoit, le fait de divulguer une information ».
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 52 rectifié est présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet et Bockel, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.
L'amendement n° 84 rectifié ter est présenté par MM. Godefroy et Mirassou, Mme Printz, MM. Kerdraon et Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, M. C. Gautier, Mme Tasca, MM. Lagauche, Botrel, Yung et Frimat, Mme Campion, MM. Madec et Courteau, Mme Schillinger, MM. Sueur, Guillaume, Mazuir, Hervé, Berthou, Marc et Chastan, Mmes Klès et Laurent-Perrigot et MM. Badinter, Carrère, Todeschini et Rebsamen.
L'amendement n° 120 rectifié est présenté par MM. Lefèvre, Lecerf, Guerry et Couderc, Mmes G. Gautier et Henneron, MM. J. Gautier, Buffet et Beaumont et Mmes Sittler, Bruguière et Debré.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 52 rectifié, 84 rectifié ter et 120 rectifié.
Les amendements sont adoptés.
Mes chers collègues, nous en revenons à l’amendement n° 113 rectifié quinquies, présenté par M. Revet, Mme Des Esgaulx, M. Bécot, Mme Bruguière et MM. Bailly et Lardeux, et qui avait été précédemment réservé. Pour la clarté du débat, j’en rappelle les termes :
Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Tout citoyen majeur né après la date de publication de la présente loi qui ne dispose pas d'informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tout document lui permettant d'obtenir réponse à ses interrogations.
Quel est l’avis de la commission ?
M. Alain Milon, rapporteur. Si les articles 14, 15, 16, 17 et 18 n’avaient pas été supprimés, la commission aurait émis un avis défavorable sur l’amendement n° 113 rectifié quinquies. Tel n’étant pas le cas, j’y suis désormais, pour ma part, extrêmement favorable !
Sourires.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, par cohérence avec ses positions précédentes.
Mes chers collègues, je vous rappelle que j’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du Gouvernement sur l’amendement n° 113 rectifié quinquies.
La parole est à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, pour explication de vote.
Bien que j’aie eu l’intention, dans un premier temps, de m’abstenir, je voterai cet amendement.
Je le ferai sans illusion, compte tenu des manœuvres qui sont à l’œuvre, notamment par le recours au scrutin public. Il s’agira, comme Alain Milon, d’un vote de réaction contre une telle situation, la portée de cet amendement étant, à mon sens, beaucoup trop large. Je le voterai toutefois avec plaisir, car ce sera pour moi l’occasion de faire entendre de nouveau ma position sur ces questions.
Pour ma part, je m’interroge sur la logique de cet amendement, qu’il convient sans doute de relire.
Certes ! Mais il soulève tout de même un problème.
Sa rédaction est en effet la suivante : « Tout citoyen majeur né après la date de publication de la présente loi qui ne dispose pas d’informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tout document lui permettant d’obtenir réponse à ses interrogations. »
Une telle disposition me paraît en totale contradiction avec les votes qui viennent d’intervenir !
Il est fait référence à la date de publication du présent texte, lequel ne prévoit plus la levée de l’anonymat. Comment une telle mesure pourrait-elle s’articuler avec les autres dispositions adoptées ?
Sourires.
C’est votre avis, ce n’est pas le mien !
Par ailleurs, je souhaite répondre rapidement à Mme Marie-Hélène Des Esgaulx
Brouhaha sur les travées de l ’ UMP.
, qui ne m’écoute pas, mais ce n’est pas grave parce qu’elle a sans doute besoin de convaincre son propre groupe.
Le brouhaha s’amplifie sur les mêmes travées.
M. le président. Mes chers collègues, l’expression de vos opinions personnelles ne doit pas transformer cet hémicycle en salle de meeting !
Sourires.
Madame Des Esgaulx, vous évoquiez tout à l’heure, à propos des votes, des « manœuvres ». Or, dans un régime démocratique, il faut accepter les modes de scrutin. Par ailleurs, s’il y a quelqu’un, dans cet hémicycle, qui a toujours contesté le scrutin public, c’est bien moi ! Malheureusement, il n’a pas été abrogé par la majorité de notre assemblée.
Par conséquent, nous accuser de « manœuvre » à la suite d’un scrutin qui vous est défavorable…
Vous avez adressé votre critique à chacun d’entre nous ! Quoi qu’il en soit, je vous remercie de cette rectification.
Conformément à la logique des votes qui viennent d’intervenir, même si je considère que M. Revet soulève des problèmes autres que ceux auxquels ce projet de loi nous invite à réfléchir – je pense notamment à l’accouchement sous X et à l’adoption –, je voterai contre l’amendement n° 113 rectifié quinquies.
Notre groupe s’abstiendra sur cet amendement. Premièrement, nous n’en avons pas discuté entre nous ; deuxièmement, il est totalement inopérant, car il s’inscrit dans une logique différente de celle qui a été adoptée par la majorité.
Toutefois, à titre personnel, conformément à ce que j’ai dit tout à l’heure, je le voterai, dans le cadre d’un débat particulièrement serein et parfaitement légitime, ces questions étant très complexes.
Pour ma part, je ne me sens pas toujours, sur de tels sujets, assurée, droite dans mes bottes, contrairement à certains, dont les positions semblent en béton et qui s’appuient sur des valeurs que je ne partage absolument pas, comme le secret, la supériorité de la génétique ou l’assimilation des gamètes aux autres organes.
Mes chers collègues, restons modestes dans nos propos et nos prises de positions !
À mes yeux, la question posée par notre collègue est tout à fait importante, parce qu’elle se place du point de vue non pas des adultes, mais du futur adulte.
On pourra toujours dire ce que l’on veut, mais la décision d’avoir un enfant, c'est-à-dire de faire naître ou d’adopter, est celle des deux parents. Elle ne concerne absolument pas le futur adulte qui, un jour, posera des questions sur ses origines.
Nous avons le devoir d’adopter son point de vue, même si ce n’est pas facile, car nous ne savons pas quel sera son désir : certains, en effet, ne veulent absolument rien connaître de leurs origines, alors que d’autres souhaitent apprendre la vérité. Telle est la réalité, et je ne crois pas que vous puissiez me démontrer le contraire !
Ces deux possibilités doivent donc être prises en considération. Si la personne ne veut pas se pencher sur son passé, il n’y a pas de problème ! Mais au nom de quoi peut-on interdire à quelqu’un d’apprendre son histoire ?
Personnellement, je voterai donc cet amendement.
Indépendamment de la question de fond sous-tendue dans cet amendement, c'est-à-dire l’accès ou non aux informations relatives aux origines familiales, je ne voterai pas celui-ci, et ce pour deux raisons.
Premièrement, quoique d’une manière indirecte, il remet explicitement en cause la suppression de l’article 14 du projet de loi, que nous venons de décider. Aussi, je ne veux pas m’associer à une approche que je considère comme incohérente de la part de notre assemblée.
Deuxièmement, les auteurs de cet amendement établissent de fait une différenciation entre ceux qui seront nés postérieurement à la publication de la présente loi et ceux qui seront nés antérieurement. Cela signifie qu’il faudra distinguer entre deux catégories de citoyens : ceux qui auront le droit d’accéder à des informations relatives à leurs origines familiales et ceux qui ne disposeront pas de ce droit. J’estime que ce n’est absolument pas convenable.
M. le rapporteur a raison, si on vote conforme – ce que nous avons fait pour l’article 14 –, on ne pourra pas régler au cours de la navette le problème que j’ai évoqué tout à l’heure. Il faudra donc revenir sur ce sujet dans l’avenir. Je tiens tout de même à préciser que les origines ne se réduisent pas à l’état civil : ce n’est pas parce qu’on a accès à ses origines qu’on est nécessairement informé de l’état civil du géniteur.
À défaut de pouvoir régler, au cours de la navette, cette question qui peut se révéler douloureuse dans certaines circonstances, je souhaite que nous réfléchissions à une nécessaire solution d’ensemble.
Même si j’ai eu l’occasion de prendre position par mon vote, je ne suis pas entré, tout à l’heure, dans le vif du débat. Il n’en demeure pas moins que je ne comprends pas du tout les raisons pour lesquelles est examiné cet amendement alors même que, peut-être au regret de certains, nous avons supprimé l’article 14. Naïvement, je pensais que cet amendement était devenu sans objet.
Cependant, puisque nous devons nous prononcer sur celui-ci, je tiens à dire que je suis totalement défavorable à son adoption, pour des raisons de fond, bien sûr, mais pas uniquement.
J’espère que notre collègue Charles Revet ne m’en voudra pas, mais je me permets de lui dire que la rédaction de son amendement me paraît, sur le plan juridique, très incertaine.
D’abord, que faut-il entendre par « origines familiales » ? Vise-t-on les origines génétiques, l’origine du père, celle de la mère, celle du grand-père, celle des aïeux jusqu’à la cinquième génération ?
Je vois bien quelle est l’intention de notre collègue, mais j’attire l’attention du Sénat sur le caractère totalement flou et indéfinissable de la notion d’origines familiales.
Ensuite, il est question de « tout document ». Sont-ce des documents écrits, des fichiers informatiques ? On ne le sait pas !
Enfin, la formulation « répondre à des interrogations » est, elle aussi, très imprécise.
En conclusion, il serait extrêmement hasardeux de voter cet amendement à la rédaction fort peu « législative », d’autant que, je le répète, il aurait dû, selon moi, devenir sans objet.
Mon cher collègue, si cet amendement n’est pas devenu sans objet à la suite de la suppression de l’article 14, la raison en est tout simplement que son champ est plus large que celui de l’article 14. De fait, les périmètres de l’un et de l’autre étant différents, je ne peux, en tant que président de séance, préjuger la position qu’adoptera le Sénat. Le règlement de notre assemblée m’impose donc de mettre en discussion puis aux voix cet amendement.
Nous verrons bien si la position du Sénat différera de celle qu’il a adoptée tout à l’heure.
Sur le fond, les propos que je viens de tenir ne remettent nullement en cause la cohérence de votre intervention, mon cher collègue. C’est un autre sujet.
Je mets aux voix l'amendement n° 113 rectifié quinquies.
J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
Je rappelle que l'avis de la commission est favorable et que l’avis du Gouvernement est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 183 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Monsieur le président, je souhaite faire une mise au point au sujet d’un vote.
Lors du scrutin public n° 182 sur les amendements tendant à supprimer l’article 14, Mme Procaccia a été déclarée comme ayant voté contre, alors qu’elle souhaitait voter pour.
Acte vous est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
L’article L. 1244–6 du code de la santé publique est complété par trois alinéas ainsi rédigés :
« Conformément à la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, toute personne, autorité publique, service ou organisme, et notamment les centres d’études et de conservation des œufs et du sperme, qui recueille et conserve des données à caractère personnel relatives aux donneurs de gamètes ou d’embryons, aux couples receveurs ou aux personnes issues des techniques d’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur, est soumis au contrôle de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.
« Celle-ci a compétence pour contrôler les conditions dans lesquelles est effectué le recueil des données à caractère personnel à l’occasion des procréations médicalement assistées. La mise en place de tout traitement automatisé concernant ces données est soumise au respect des modalités de déclarations et d’autorisations préalables selon le type de données conservées, conformément aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée. La commission a notamment compétence pour réaliser des contrôles sur place afin de s’assurer de la bonne conservation de ces données, quel qu’en soit le support.
« En cas de non respect de ces dispositions, elle peut mettre en œuvre les mesures prévues aux articles 45 à 52 de la loi n° 78–17 du 6 janvier 1978 précitée. » –
Adopté.
Un arrêté du ministre en charge de la santé, pris sur proposition de l’Agence de la biomédecine, définit les règles de bonnes pratiques applicables à l’assistance médicale à la procréation avec tiers donneur. –
Adopté.
L'amendement n° 151, présenté par Mmes Cros et Gourault, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l'intitulé de cette division :
ACCÈS À DES DONNÉES NON IDENTIFIANTES ET À L’IDENTITÉ DU DONNEUR DE GAMÈTES
Compte tenu du débat, cet amendement a été retiré par Mme Cros.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.