La commission a procédé à des auditions publiques sur les « class actions ».
Introduisant la séance d'auditions, M. Jean-Jacques Hyest, président, a rappelé qu'il existait, depuis plusieurs années, une réflexion soutenue sur l'opportunité d'introduire une procédure de « class action » en droit français. Il a précisé que ce mécanisme, pratiqué par de nombreux Etats, tant en Amérique du nord qu'en Europe, selon des modalités variées, donnait la possibilité à un plaignant d'intenter une action en justice devant une juridiction, au nom d'une catégorie de victimes ayant subi un dommage similaire, pour obtenir réparation du préjudice subi par cette catégorie. Il a souligné que l'intérêt pour cette question avait été renouvelé par les propos du président de la République, lors de ses voeux aux forces vives de la Nation en janvier 2005.
a indiqué que l'organisation de cette matinée d'auditions, alors même qu'aucun texte n'avait été déposé devant le Parlement, avait pour but de faire le point sur la question de la façon la plus large possible, rappelant que, le 16 décembre 2005, le groupe de travail commun aux ministères de la justice et des finances, avait remis son rapport au Garde des sceaux ainsi qu'au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Il a observé que la question posée était d'abord celle de l'utilité d'un mécanisme d'action collective en droit français mais que, d'un point de vue plus juridique, elle était de savoir si les principes constitutionnels ou la procédure civile française autorisaient l'introduction d'un tel mécanisme. Il a indiqué qu'il avait paru nécessaire que les coprésidents du groupe de travail puissent présenter les conditions dans lesquelles celui-ci avait mené sa réflexion et les recommandations auxquelles il était parvenu et que puissent être entendus des représentants des consommateurs, des représentants du monde de l'entreprise ainsi que des praticiens du droit.
La commission a tout d'abord entendu MM. Marc Guillaume, directeur des affaires civiles et du Sceau au ministère de la justice, et Guillaume Cerutti, directeur général de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, co-présidents du groupe de travail interministériel sur l'action de groupe.
directeur général de la direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, co-président du groupe de travail, a indiqué que la création du groupe de travail sur l'action de groupe répondait à la demande faite par le Président de la République lors de ses voeux aux forces vives de la nation, en janvier 2005, que le Gouvernement étudie les moyens permettant à des groupes de consommateurs ou à leurs associations d'intenter des actions collectives contre les pratiques abusives observées sur certains marchés. Il a précisé que ce groupe de travail, installé le 15 mars 2005, avait réuni 17 personnalités représentant les consommateurs, les entreprises ainsi que les praticiens du droit. Il a souligné qu'il avait remis son rapport le 16 décembre 2005, au terme d'un travail de six mois et de l'audition de 30 personnes.
Il a estimé légitime le débat ouvert sur l'introduction d'une action de groupe en droit français, soulignant qu'il s'agissait d'une demande ancienne et forte des associations de consommateurs et qu'un sondage effectué en 2005 pour le compte du CREDOC et de la DGCCRF avait montré l'attente des consommateurs pour une meilleure protection économique à mesure que s'accentuait la libéralisation des marchés. Il a relevé qu'il s'agissait d'un débat européen, mentionnant que même des Etats, comme le Royaume-Uni, dotés d'une forte tradition libérale ainsi que d'autorités de régulation en matière de consommation avaient renforcé leur législation protectrice à l'égard des consommateurs et introduit une action de groupe.
a souligné que le droit français comportait d'ores et déjà quatre dispositifs autorisant les 18 associations de consommateurs agréées à intenter des recours dans l'intérêt collectif de consommateurs : l'action civile, instituée en 1973, l'action en cessation d'agissements illicites, l'intervention en justice ainsi que l'action en représentation conjointe, introduite en 1992. Il a indiqué que cette dernière action, qui peut être intentée tant devant le juge judiciaire que le juge administratif, permettait à une association de consommateurs agréées d'agir en réparation du préjudice individuel subi par plusieurs consommateurs personnes physiques, à la condition qu'elle agisse en vertu d'un mandat répondant à des conditions de fond et de forme particulières l'autorisant à accomplir en leur nom tous les actes de la procédure.
Il a relevé que l'action en représentation conjointe n'avait jusqu'à aujourd'hui été exercée qu'à cinq reprises, l'appel aux victimes pour obtenir un mandat ne pouvant intervenir que dans des conditions très restrictives, la gestion des mandats constituant une charge très lourde pour les associations et celles-ci pouvant voir leur responsabilité engagée dans le cadre de l'action qu'elles menaient pour le compte de leurs mandants.
a indiqué que le groupe de travail avait proposé quatre pistes pour améliorer l'action en représentation conjointe, la première étant l'élargissement des modes de sollicitation des mandats à d'autres moyens que la presse écrite, soulignant que la possibilité que des appels puissent être effectués par voie télévisée ou radiophonique avait été critiquée par les professionnels. Il a exposé qu'avait également été envisagés, d'une part, l'allègement de la procédure de gestion des mandats et, d'autre part, la possibilité d'exercer de façon concomitante une action dans l'intérêt collectif des consommateurs et une action en représentation conjointe. Il a enfin précisé que le groupe de travail avait proposé que les associations souscrivent une assurance les garantissant contre les actions en responsabilité que pourrait susciter leur action, reconnaissant néanmoins que le coût d'une telle assurance pourrait être très dissuasif.
Il a relevé que les associations de consommateurs n'étaient pas partisanes d'une quelconque amélioration de cette procédure, privilégiant la création d'une procédure d'action de groupe nouvelle. Il a souligné qu'au contraire les représentants des professionnels souhaitaient renforcer le règlement extrajudiciaire des litiges en favorisant la médiation, relevant cependant que la France n'avait pas une tradition très marquée en ce domaine.
a souligné que le groupe de travail n'était pas parvenu à des conclusions unanimes et que le dépôt de son rapport avait ouvert une période de concertation devant s'achever à la fin du mois de février 2006. Il a indiqué que le groupe avait envisagé la création d'une action inspirée des droits américains et québécois ou d'une action en déclaration de responsabilité pour préjudice de masse, cette dernière procédure ayant, par le passé, été suggérée par le professeur Calais-Auloy.
Il a exposé que l'action inspirée du droit américain et du droit canadien pourrait comporter deux phases, la première étant relative à la recevabilité de l'action afin que soit examinée sa validité ainsi que le sérieux des moyens présentés, précisant qu'au terme de cet examen le juge déciderait, le cas échéant, d'autoriser son exercice. Il a souligné que la principale question soulevée était celle de la constitution du groupe qui pouvait comporter soit les victimes ayant expressément consenti à être parties à l'instance (système d'opt in), soit des victimes non individualisées, à l'exception de celles ayant manifesté de manière expresse leur volonté de ne pas être membres d'un tel groupe (système d'opt out).
Il a mis en exergue le fait que l'opt out pouvait être considéré comme contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, lequel avait jugé, dans sa décision n° 89-257 du 25 juillet 1989, que l'action des syndicats de salariés en lieu et place de ceux-ci ne pouvait intervenir, afin que la liberté personnelle d'agir en justice soit garantie, que si l'exercice de cette action avait été porté personnellement à leur connaissance. En tout état de cause, il a relevé que le système d'opt out était plus adapté à une action de groupe ouverte aux individus qu'à une action réservée aux seules associations de consommateurs.
Il a ensuite indiqué que la seconde phase de la procédure serait constituée par le jugement statuant sur la responsabilité et déterminant le montant de la réparation des préjudices subis. Il a précisé que le groupe de travail avait étudié la possibilité de déterminer des sous-catégories au sein du groupe, aux fins d'assurer l'indemnisation des parties, ainsi que la possibilité de désigner un tiers chargé de répartir les sommes versées à titre de réparation.
S'agissant de l'action en déclaration de responsabilité pour préjudice de masse, M. Marc Guillaume a indiqué que cette procédure comporterait également deux phases. Il a indiqué que cette procédure donnerait lieu, tout d'abord, à une décision sur la responsabilité, immédiatement suivie d'un sursis à statuer pour permettre aux victimes d'intervenir à l'instance. Il a ajouté que, dans un deuxième temps, le juge statuerait sur l'octroi des dommages et intérêts à chacune des parties concernées. Il a précisé que ce type de procédure apparaissait plus conforme à la tradition procédurale française, évoquant le fait que la majorité des membres du groupe de travail avait souhaité qu'elle soit réservée aux seules associations de consommateurs agréées.
Il a rappelé que le groupe de travail n'avait pas réussi à trouver un accord sur le champ d'application de ces deux procédures, la question étant de savoir s'il convenait de l'ouvrir à tout type de contentieux ou de la limiter au droit de la consommation ou aux préjudices économiques des consommateurs.
Il a indiqué que le groupe avait estimé que la compétence juridictionnelle pour connaître d'une action de groupe devrait être donnée aux tribunaux de grande instance, un ou plusieurs d'entre eux pouvant être spécialisés dans l'examen de ce type de contentieux. Il a ajouté que le groupe avait souhaité que le nouveau dispositif destiné à faciliter l'action en justice des consommateurs soit réservé aux juridictions civiles, l'indemnisation du préjudice étant l'essence de la fonction du juge civil.
a estimé que la décision du Conseil constitutionnel du 25 juillet 1989 rendait effectivement difficile l'insertion d'un système d'opt out en droit français. Il s'est interrogé sur les conséquence d'une restriction du champ de l'action de groupe, soulignant les difficultés qu'un tel choix pourrait présenter.
a rappelé que la demande du président de la République s'était limitée à la protection des consommateurs, mais que la question du domaine de l'action s'était posée au groupe de travail, des associations ayant fait observer que limiter ces nouvelles procédures aux seules dispositions du code de la consommation aurait pour effet d'exclure, par exemple, les litiges relatifs aux services financiers. Il a jugé qu'une autre solution, plus large, proposée par le groupe de travail consistait à limiter le champ d'application de la procédure aux préjudices économiques des consommateurs, ce qui aurait pour effet d'exclure les dommages corporels ainsi que les risques sanitaires et environnementaux. Il a indiqué qu'une troisième possibilité envisagée par le groupe consistait à ouvrir largement le recours à tout type de dommages, tout en soulignant que plusieurs dispositifs juridiques permettaient déjà d'engager la responsabilité de l'auteur d'un dommage.
a demandé s'il convenait de réserver la qualité pour agir dans le cadre d'une action de groupe aux associations de consommateurs, voire aux associations de consommateurs agréées ou, à l'inverse, s'il était préférable d'ouvrir l'action à toute personne physique ou morale victime d'un préjudice.
a indiqué qu'aucune solution unanime n'avait été dégagée par le groupe de travail. Il a précisé que certains participants avaient souhaité que cette action soit ouverte à tout demandeur, mais que la majorité du groupe de travail avait considéré que l'action devait être réservée aux associations de consommateurs agréées, ce qui avait pour avantage de prévenir l'introduction concomitante de plusieurs instances, insistant sur le fait que le nombre réduit de ces associations permettrait de mieux gérer l'action de groupe. Il a ajouté que, dans les pays dans lesquels une action collective avait été introduite, les instances se terminaient le plus souvent par des transactions, cette constatation ayant conduit les membres du groupe à privilégier le système d'opt in dans la mesure où il est plus facile de transiger avec un groupe dont les membres sont connus. Il a souligné que ces questions devraient être tranchées à l'issue de la concertation en cours.
a insisté sur les règles déontologiques applicables à la profession d'avocat en France, soulignant que le système était différent aux Etats-Unis, où les cabinets d'avocats avançaient eux-mêmes les frais de la procédure avant de voir leurs honoraires prélevés sur une partie importante des sommes versées aux victimes à titre de réparation.
a souligné que, lorsqu'il présidait l'Institut national de la consommation, l'une des priorités d'action était déjà la mise en place d'une action de groupe, seule à même de pallier certaines insuffisances de la protection des consommateurs. Il a estimé qu'il n'existait aucune contradiction entre une économie libérale et la protection des consommateurs.
Il a relevé que si l'une des principales critiques adressées par les dirigeants d'entreprises à l'existence d'une action de groupe tenait au dommage qu'elle était susceptible de causer à l'image et au crédit des entreprises françaises, la publicité à laquelle recouraient abondamment ces entreprises pouvait également être une source de dommage pour les consommateurs. Il a ajouté que les sanctions qui, en droit français, pouvaient déjà être prononcées contre les auteurs d'actions mal fondées permettraient d'assurer une sorte d'autocontrôle dans l'exercice des actions de groupe. Il a jugé que l'absence d'unanimité entre les membres du groupe de travail ne devait pas conduire à refuser d'introduire une action collective en droit français.
a rappelé que le gouvernement avait indiqué vouloir prendre en considération à la fois les exigences de protection des consommateurs, la nécessaire compétitivité des entreprises françaises, ainsi que la nécessité de respecter les principes du droit français. Il a estimé qu'une action, quelle qu'elle soit, intentée à l'égard d'une entreprise préjudiciait inévitablement à l'image de celle-ci.
a souligné qu'il convenait de prendre en considération les risques de « forum shopping », certaines personnes n'hésitant pas à intenter des actions dans d'autres Etats dans lesquels la législation leur était plus favorable. Il a indiqué que, pour cette raison, il était nécessaire d'être attentif aux législations sur les actions de groupe mises en place dans d'autres Etats européens, comme au Royaume-Uni et au Portugal. Il a ajouté qu'il fallait que le gouvernement français soit vigilant face aux sollicitations qui pourraient émaner des autorités communautaires en la matière.
s'est interrogé sur l'évolution de la question des actions de groupe au niveau communautaire.
a indiqué que deux initiatives étaient en cours au niveau européen. Il a relevé que la Commission européenne examinait actuellement le régime de la réparation civile des dommages résultant de pratiques anticoncurrentielles et qu'un projet de livre vert envisageait de renforcer les actions permettant d'assurer la réparation des dommages. Il a ajouté que le gouvernement autrichien, qui assurait actuellement la présidence de l'Union européenne, avait décidé d'organiser dans le courant du mois de février une réunion de travail avec les autorités judiciaires et chargées de la consommation dans les Etats membres afin de faire le point sur les pratiques nationales existantes.
a insisté sur le fait que, de plus en plus souvent, la question de la protection des consommateurs avait un caractère transfrontalier, ce qui impliquait la compétence de l'Union européenne, constatant que les institutions communautaires ne faisaient qu'entamer leurs travaux sur cette question.
a reconnu que les mesures de protection des consommateurs relevant du droit communautaire n'étaient pas aussi perfectionnées que celles applicables en matière anticoncurrentielle, précisant que l'obligation pour les Etats membres de se doter d'une instance nationale de protection des consommateurs résultait seulement d'un règlement communautaire adopté en 2004. Il a estimé que cette question impliquerait des débats approfondis sur les différents systèmes en vigueur dans les Etats membres, M. Robert Badinter soulignant les risques de « forum shopping » tant qu'une harmonisation au niveau européen ne serait pas intervenue.
s'est interrogé sur l'existence réelle d'un « forum shopping », jugeant que les actions en responsabilité ne pouvaient être intentées que devant les tribunaux dans le ressort desquels le produit ou service à l'origine du dommage avait été vendu. Il a relevé que les opposants à l'introduction d'une action de groupe en droit français mettaient en avant les effets insupportables qu'elle pourrait induire sur l'économie mais que, selon lui, le dynamisme de l'économie des pays dans lesquels une telle action existait, à commencer par les Etats-Unis, ne semblait pas véritablement mise à mal.
a souligné l'importance du phénomène judiciaire aux Etats-Unis, indiquant que la législation sur les class actions y avait été modifiée à deux reprises pour limiter les abus constatés.
a indiqué que le groupe de travail n'avait pas abordé précisément les questions relatives au droit international privé. Il a souligné que les systèmes juridiques à travers le monde pouvaient retenir une multiplicité de critères de rattachement, évoquant le fait que les juridictions américaines s'étaient par exemple reconnues compétentes pour connaître d'actions en responsabilité intentées contre des entreprises françaises en se fondant sur l'influence que leurs décisions avaient eues sur l'évolution du cours de leurs actions aux Etats-Unis.
Puis la commission a entendu, au cours d'une table ronde, MM. Christian Huard, secrétaire général de l'Association de défense, d'éducation et d'information du consommateur (ADEIC) et président de l'Association ConsoFrance, Jean-Marc Bilquez, vice-président, et Etienne Defrance, juriste, de l'Association Force ouvrière consommateurs (AFOC), Mme Reine-Claude Mader, présidente de l'Association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV), M. Daniel Tournez, secrétaire général de l'Association pour l'information et la défense des consommateurs salariés CGT (INDECOSA-CGT), M. Yves Sirot, président de l'Organisation générale des consommateurs (ORGECO), M. Alain Bazot, président, et Mme Gaëlle Patetta, directrice juridique de l'Association UFC-Que Choisir, et Mme Marianick Lambert, responsable du service juridique de l'Union féminine civique et sociale (UFCS).
secrétaire général de l'Association de défense, d'éducation et d'information du consommateur (ADEIC), président de l'association ConsoFrance, a jugé nécessaire d'introduire l'action de groupe pour améliorer la réparation des préjudices économiques causés aux consommateurs qui, contrairement à celle des préjudices causés en matière sanitaire, n'était pas convenablement assurée. Il a estimé que l'introduction de cette procédure dans le système juridique français permettrait d'offrir un traitement adapté à un contentieux de masse, pour lequel aucune réponse judiciaire satisfaisante n'était actuellement proposée, expliquant que le faible montant des sommes en jeu -souvent quelques dizaines d'euros- dissuadait la plupart des consommateurs d'introduire une action en justice.
Il a jugé prudent d'ouvrir dans un premier temps la saisine des tribunaux dans le cadre d'une action collective à un groupe de consommateurs composés d'environ 200 à 300 personnes pour des litiges d'une valeur inférieure à 1.000 euros, n'excluant pas par la suite que la procédure puisse être mise en oeuvre par des associations de consommateurs agréées, après autorisation donnée par le Conseil national de la consommation. Il a estimé qu'un bilan de cette première réforme pourrait être fait après deux ou trois ans pour savoir s'il convenait de l'étendre à d'autres litiges.
a souscrit aux propos de M. Christian Huard, après avoir indiqué que son association n'avait pas participé au groupe de travail sur les « class actions ». Il a indiqué que l'AFOC privilégiait traditionnellement la résolution amiable des conflits entre les consommateurs et les entreprises, mais que cette démarche se révélait de plus en plus difficile dans le contexte actuel.
a acquiescé aux propositions relatives au champ d'application de l'action de groupe faites par M. Christian Huard, estimant primordial de défendre les consommateurs ayant subi un préjudice qui pouvait se révéler lourd de conséquences sans pour autant représenter un enjeu financier important. Les moyens d'agir mis à la disposition des consommateurs dans de tels litiges sont inexistants a-t-il expliqué, ce qui n'incite pas les entreprises à adopter un comportement vertueux à leur égard. Il a jugé que les difficultés, réelles, soulevées par le « forum shopping » ne devaient pas freiner la réflexion sur l'action de groupe.
Il a estimé que les intérêts des entreprises, des salariés et des consommateurs étaient étroitement liés et convergeaient vers un même objectif : la mise sur le marché de produits de qualité. Il a insisté sur la nécessité de s'engager dans une démarche prudente, souhaitant que, seules, les associations de consommateurs agréées puissent agir dans le cadre de cette procédure.
Après avoir rappelé qu'il existait actuellement de nombreux dispositifs de protection des consommateurs, Mme Reine-Claude Mader, présidente de l'Association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV), a souligné que le système juridique français comportait une lacune, dans la mesure où il n'existait pas de procédure adaptée pour réparer les dommages économiques causés aux consommateurs. Elle a expliqué qu'il était dissuasif pour les justiciables d'agir en justice pour des préjudices d'un enjeu financier très faible, bien que plusieurs millions de personnes puissent être concernées. Elle a mis en avant la nécessité de rechercher un outil juridique adapté pour sanctionner le comportement répréhensible des entreprises à l'égard des consommateurs qui portait également atteinte à la concurrence et au marché.
Elle a estimé préférable de réserver aux seules associations de consommateurs agréées le soin d'introduire des actions de groupe, tout en admettant qu'un tel dispositif risquait de limiter son utilisation à un faible nombre d'acteurs. Elle a jugé nécessaire de mettre en place une procédure efficace et, au besoin, de faire évoluer le dispositif par la suite.
Abordant la question des conditions de constitution du groupe représenté dans le cadre de l'action collective, Mme Reine-Claude Mader a marqué sa préférence pour le système de l'opt in, qui suppose le regroupement de plusieurs consommateurs par une démarche volontaire, estimant que l'ouverture de la procédure à un trop grand nombre de plaideurs risquait de soulever des difficultés. Elle a souligné que, de ce fait, le jugement statuant sur la recevabilité de l'action devrait faire l'objet d'une large publicité afin que l'ensemble des consommateurs concernés puisse se joindre au groupe.
Elle a jugé opportun d'instituer un fonds destiné à avancer les sommes nécessaires à l'introduction des actions de groupe, faisant valoir que les moyens financiers des associations étaient limités et qu'il convenait d'éviter la mainmise de quelques grands cabinets d'avocats spécialisés en ce domaine. Elle s'est demandé si les modalités actuelles de rémunération des avocats français ne devraient pas évoluer à la faveur de l'introduction de telles actions.
a fait valoir que l'introduction des actions de groupe semblait nécessaire pour répondre aux attentes des consommateurs et des associations de consommateurs. Il a souhaité une démarche prudente et progressive, limitée dans un premier temps au domaine de la consommation pour être éventuellement élargie à d'autres domaines, comme les activités bancaires. Il a estimé que le champ de l'action devrait se limiter aux litiges de faible valeur. Il a indiqué que les inconvénients de l'action de groupe ne pouvaient être ignorés, après avoir expliqué que la publicité du jugement pouvait être de nature à fragiliser les sociétés mises en cause. Il a évoqué les risques pour leurs salariés, susceptibles d'être licenciés. Il a estimé que les dérives pouvant accompagner la mise en oeuvre de class actions seraient alors un frein à la relance de la consommation, les salariés étant également des consommateurs.
a évoqué deux modalités possibles de réparation, soit une indemnisation individuelle correspondant à la réparation intégrale du préjudice subi par chaque consommateur, soit l'indemnisation globale -qui avait sa préférence- destinée à améliorer les services rendus à la collectivité. Dans cette dernière hypothèse, il a expliqué par exemple qu'il pourrait être demandé aux opérateurs de téléphonie mobile condamnés d'améliorer leurs réseaux. Il a jugé nécessaire de recueillir, sur ce type d'action collective, l'avis du Conseil national de la consommation ou d'un collège de consommateurs. Il a jugé qu'il convenait de revoir un certain nombre de procédures, estimant qu'une véritable procédure inquisitoire pourrait être instituée dans le cadre des litiges de consommation.
a constaté qu'aucun dispositif ne permettait à l'heure actuelle, en France, de lutter contre l'influence de certains « lobbys » ou « cartels » de professionnels. Il a souligné que les condamnations récemment prononcés à l'encontre d'opérateurs de téléphonie mobile n'avaient pas profité directement aux consommateurs.
Il s'est déclaré partagé sur l'introduction de l'action de groupe, craignant que ce nouveau dispositif s'éloigne de la finalité souhaitée et, in fine, transpose dans notre droit les dérives et les excès constatés aux Etats-Unis. Il a évoqué le risque que des entreprises puissent être mises en difficulté par ce type d'action et soient conduites à licencier leurs salariés. Une telle évolution ne lui a pas semblé souhaitable et il s'est demandé si une adaptation des dispositifs existants ne serait pas préférable à l'introduction d'une procédure nouvelle.
Il a souhaité que la réparation des dommages identifiés causés aux consommateurs soit effective et assortie de sanctions pénales dans le cadre d'une procédure unifiée. Une adaptation de l'action en représentation conjointe comportant deux dimensions -la réparation et la sanction- lui est apparue comme la meilleure solution. Cependant, il s'est déclaré ouvert à un nouveau dispositif qui permettrait d'atteindre le double objectif d'indemnisation des victimes et de condamnation des auteurs des dommages.
a fait observer que l'action en représentation conjointe avait rencontré peu de succès.
a estimé qu'une adaptation du droit en vigueur était plus adaptée pour répondre aux attentes des consommateurs et permettre son utilisation plus fréquente.
a appelé de ses voeux une réforme ambitieuse, protectrice des seuls intérêts des consommateurs. Il a jugé essentiel de remédier à l'absence d'efficacité du droit en ce domaine en instaurant une procédure nouvelle permettant de garantir un accès effectif des consommateurs au juge. Il a estimé qu'il n'y avait pas lieu de chercher à concilier les intérêts des consommateurs et ceux des entreprises.
a considéré que le système de l'opt out, dans la mesure où il impliquait que les consommateurs victimes de l'agissement d'un même professionnel fassent automatiquement partie du groupe à l'origine de l'action en justice, était le plus à même de donner toute son efficacité à la procédure. Il a mis en avant certaines difficultés soulevées par le système de l'opt in, expliquant par exemple que ce dispositif risquait d'exclure des consommateurs français établis hors de France qui n'auraient pas connaissance de la publicité du jugement de recevabilité ou de déclaration pour préjudice de masse.
Il a jugé nécessaire de prévenir les conflits d'intérêts. Il a en particulier estimé qu'il convenait d'éviter les effets d'aubaine pour les grands cabinets d'avocats et de veiller au respect des grands principes déontologiques de la profession d'avocat, souhaitant que les modalités de rémunération de ces professionnels soient maintenues dans le respect de la tradition du droit français. Il a également insisté pour que les actions collectives profitent avant tout aux consommateurs et non aux associations qui les représentent.
Enfin, il a mis l'accent sur le respect des droits des parties en insistant sur le rôle fondamental qui devrait être accordé au juge. Il a souligné que la réflexion devait s'attacher à élaborer un mécanisme à l'abri des excès constatés aux Etats-Unis et compatibles avec les principes constitutionnels français. Sur ce point, il a indiqué que le projet de réforme établi par son organisation, proche des modèles portugais ou québécois, éviterait les excès nord-américains.
a déclaré que nul ne voulait instaurer une procédure comparable à la class action américaine, totalement étrangère à la culture française. Elle a ainsi relevé que les juridictions civiles françaises, à la différence de leurs homologues américaines, n'avaient pas la possibilité d'obtenir la production forcée des preuves (« procédure de discovery ») ou de prononcer des dommages punitifs.
Elle a jugé irrecevable l'argument selon lequel l'engagement d'une action collective pourrait, en portant atteinte à son image, causer un préjudice irréparable à une entreprise.
Au contraire, elle a estimé nécessaire d'instituer une telle procédure en raison de la hausse des contentieux de masse liés à la multiplication des contrats d'adhésion et de l'inadaptation du système juridique français à ce type de contentieux.
Elle a souligné que, conçue pour ne s'appliquer qu'à des actions menées pour des groupes comprenant quelques dizaines de personnes, l'action en représentation conjointe n'avait pratiquement pas été utilisée compte tenu de ses nombreux inconvénients : responsabilité encourue par l'association de consommateurs exerçant l'action ; lourdeur du travail de gestion des mandats ; impossibilité d'organiser correctement un procès impliquant des milliers de parties. A titre d'exemple, elle a relevé que le tribunal de grande instance de Paris avait éprouvé les plus grandes difficultés pour assurer le bon déroulement d'un procès relatif au « time share » et impliquant 2.000 parties civiles et 800 personnes présentes à l'audience. Elle a déclaré qu'il serait intéressant de connaître le coût de ce procès.
Elle a relevé que, souvent, les consommateurs préféraient emprunter la voie pénale, dans la mesure où l'instruction était prise en charge par la collectivité.
Saluant la qualité de la réflexion menée par le groupe de travail, Mme Marianick Lambert a exposé que l'objectif devant être assigné à une éventuelle procédure d'action collective était d'assurer l'efficacité de la réparation des préjudices individuels à un coût raisonnable.
Elle a jugé possible d'introduire rapidement une telle procédure, sans bouleverser le droit français, observant qu'en Allemagne, une loi d'août 2005 relative aux litiges financiers avait ouvert la possibilité de prononcer des jugements-types, ce qui se pratiquait déjà devant la juridiction administrative en France.
Elle a estimé qu'il conviendrait de permettre à un groupe de consommateurs d'obtenir du tribunal de grande instance un jugement établissant la responsabilité d'une entreprise puis, après avoir assuré la publicité de ce jugement, d'ouvrir à tous les consommateurs lésés la possibilité d'obtenir réparation de leur préjudice. Elle a ajouté qu'une telle procédure pourrait dans un premier temps être introduite à titre expérimental, avant d'être généralisée.
a fait observer à M. Alain Bazot que, selon une interprétation largement partagée de la décision du Conseil constitutionnel du 25 juillet 1989, la Constitution interdisait l'institution, en droit français, d'une procédure d'opt out.
a répondu que tous les universitaires ne partageaient pas cette analyse et que les propos tenus par le Premier président de la Cour de cassation, M. Guy Canivet, lors d'un colloque récemment organisé par UFC-Que Choisir, laissaient ouverte la voie de l'opt out. Il a estimé que le législateur ne devait pas s'autocensurer sur la foi d'interprétations peu évidentes d'une décision du Conseil constitutionnel, ajoutant que l'accès à la justice constituait un principe garanti tant par la Constitution que par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Il a jugé irrecevable l'argument, souvent utilisé, selon lequel une procédure d'action collective porterait atteinte aux droits de la défense au motif que l'entreprise incriminée ne pourrait répondre aux arguments de parties qu'elle ne connaîtrait pas. En effet, a-t-il fait observer, l'essence même d'une action de groupe est de réunir des consommateurs victimes d'un même préjudice et ayant un intérêt commun, à telle enseigne que le plaignant qui estimerait que ses intérêts ne seraient pas pris en compte pourrait se retirer de la procédure collective pour agir seul en justice.
a salué le rôle des associations dans la défense des intérêts des consommateurs comme dans la réflexion sur les évolutions souhaitables du droit. Il a souhaité savoir si, dans la perspective de l'institution d'une action collective, elles entendaient obtenir le droit exclusif de saisir les juridictions et envisageaient de permettre à plusieurs associations d'engager des procédures distinctes pour un même dossier. Enfin, il s'est demandé s'il était envisageable que les condamnations à des dommages et intérêts au bénéfice des particuliers ayant subi un préjudice puissent être cumulées avec celles destinées à réparer le préjudice collectif subi par les consommateurs.
a déclaré qu'aucune association ne pouvait prétendre représenter à elle seule l'ensemble des intérêts des consommateurs. Il a rappelé qu'il existait 18 associations de consommateurs agréées ayant pour caractéristique commune d'être indépendantes des entreprises, et donc à l'abri de tout conflit d'intérêt.
Il a estimé qu'il convenait de réserver aux associations de consommateurs agréées, chargées de défendre l'intérêt général, la possibilité d'engager une action collective, dans un but de réparation des préjudices individuels et non pas de punition de l'entreprise mise en cause. Il a souhaité rendre impossibles les actions concurrentes en confiant au collège des consommateurs et usagers du Conseil national de la consommation le soin de désigner la ou les associations chargées de conduire la procédure.
a souligné qu'en pratique, seules quatre ou cinq associations agréées exerçaient des recours en justice. Elle a jugé peu probable que les autres associations se décident à engager des procédures dans l'hypothèse où une possibilité d'action collective serait instituée. Elle a fait valoir que les associations ayant décidé d'agir en justice avaient jusqu'à présent su faire preuve de discernement, soulignant, en particulier, que l'association Consommation, logement et cadre de vie gagnait plus de 99 % des contentieux dans lesquels elle était impliquée.
Elle a déclaré que la création d'une procédure d'action collective ne devait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre aux associations de se procurer des ressources supplémentaires.
Enfin, elle s'est opposée à la mise en place d'un dispositif de régulation ayant pour effet de priver une association de consommateurs agréée de sa liberté d'agir en justice.
a confirmé que peu d'associations décidaient d'agir en justice. Elle a jugé peu probable que leur nombre augmente en cas de création d'une procédure d'action collective, à moins que cette procédure ne permette d'obtenir réparation non seulement des préjudices individuels, mais aussi du préjudice collectif causé par une entreprise. Elle a rappelé que son association était favorable à la réparation des seuls préjudices individuels. Enfin, au nom du principe de l'accès à la justice, elle a estimé que les possibilités de saisine du juge pour engager une action collective devaient être ouvertes à toute personne ayant un intérêt à agir, qu'il s'agisse de consommateurs ou de groupes de consommateurs, d'associations agréées ou d'associations créées à cette fin exclusive.
a déclaré qu'un dispositif confiant au collège des consommateurs et usagers du Conseil national de la consommation le soin de désigner la ou les associations chargées de conduire une action collective ne devait pas brider les initiatives des associations, mais pourrait leur donner les moyens de mieux lutter contre les grandes entreprises, tout en revalorisant le rôle du Conseil national de la consommation.
Au cours d'une deuxième table ronde, la commission a entendu M. Hubert Perreau, membre de la commission « droit de l'entreprise », et Mme Joëlle Simon, directrice des affaires juridiques, du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) ; MM. Jean Courtière, président de la commission juridique, et Jérôme Frantz, membre de la commission juridique, en charge du dossier des « class actions », et Mme Anne Outin-Adam, directrice des développements juridiques, de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP).
a rappelé que si depuis une vingtaine d'années les projets s'étaient succédé, les gouvernements toutes tendances politiques confondues, avaient, à ce jour, renoncé à mettre en place une action de groupe. Elle a estimé qu'il convenait de rectifier plusieurs idées fausses concernant cette procédure. En premier lieu, a-t-elle relevé, contrairement à ce qui est parfois avancé, les consommateurs bénéficient, aux termes de la législation française actuelle, d'une protection très complète, tant au regard de la prévention que de la répression des dommages subis. Elle a estimé, à cet égard, que le montant moyen en jeu dans les litiges portés devant le juge d'instance -entre 150 et 1.000 euros- démontrait qu'il n'existait pas de réticence à saisir la justice de contentieux concernant des sommes modiques. Elle a considéré, en second lieu, que la mise en oeuvre de l'action en représentation conjointe ne présentait pas la lourdeur qu'on lui reprochait parfois et que la raison principale de son échec était la crainte des associations de voir leur responsabilité engagée.
a jugé ensuite que le système d'opt out remettait en cause les droits de la défense et ne paraissait conforme ni à la Constitution, ni à la Convention européenne des droits de l'homme. Il lui est apparu faux de prétendre que la « class action » n'avait pas d'impact économique, rappelant que plusieurs entreprises américaines avaient fait faillite et que les conséquences financières de ce dispositif étaient évaluées à 1,5 point du PIB dans ce pays et pourrait représenter, s'il était mis en oeuvre en France, 163 milliards d'euros en France.
L'expérience, a ajouté Mme Joëlle Simon, a montré que l'action collective n'avait pas favorisé un meilleur accès du consommateur à la justice, dans la mesure où le bénéfice en avait été confisqué par les associations de consommateurs ou par les avocats. Elle a relevé que ces procédures avaient souvent été instrumentalisées, aux Etats-Unis, par des entreprises concurrentes de celles mises en cause. Elle a estimé que ces actions ne comportaient du reste ni la simplicité, ni la rapidité que leurs défenseurs leur prêtaient. Par ailleurs, a-t-elle précisé, l'examen de la recevabilité de l'action de groupe, qui ne constitue pourtant que la première étape du dispositif, pouvait décider aux yeux du public de la responsabilité de l'entreprise. Elle a indiqué que si plusieurs pays européens avaient mis en place des systèmes de recours collectifs, ces derniers, sauf au Portugal, prévoyaient toujours un engagement individuel des parties. Elle a rappelé qu'en tout état de cause, une étude sur l'impact économique de ce mécanisme, ainsi d'ailleurs que sur ses conséquences pour le fonctionnement des tribunaux, restait indispensable. Elle a conclu en relevant que l'Etat ne devait pas se décharger sur les acteurs privés de ses propres responsabilités au regard du respect des droits du consommateur.
a souhaité donner le point de vue du chef d'entreprise confronté aux difficultés pratiques que pourrait susciter la mise en oeuvre d'une action de groupe. Citant l'exemple de sa propre entreprise de sous-traitance dans le secteur de l'automobile, il a indiqué que beaucoup de PME n'avaient de liens qu'avec leur donneur d'ordre sans être en rapport direct avec des consommateurs. Il a estimé qu'il leur était, en conséquence, impossible d'évaluer la réalité du préjudice éventuel et, dès lors, si l'entreprise mise en cause devait se retourner contre ses sous-traitants, ces derniers se trouveraient complètement démunis.
Il s'est par ailleurs interrogé sur l'intérêt d'une action de groupe dès lors que les associations de consommateurs agréées exerçaient déjà un rôle très efficace d'intérêt général. Il a reconnu l'utilité d'actions spécifiques destinées à faire cesser le dommage, restant circonspect sur la nécessité d'actions spécifiques destinées à le réparer.
a observé, sur la base de ce témoignage, que les effets de l'action de groupe pouvaient beaucoup différer selon les acteurs concernés.
a regretté que la position prise par le président de la République en faveur de la possibilité donnée aux groupes de consommateurs et aux associations d'intenter des actions collectives n'ait été précédée d'aucun débat démocratique. Il a estimé que le groupe de travail n'avait discuté que des modalités de mise en oeuvre de ce mécanisme, sans débattre de son opportunité. Il a jugé indispensable la réalisation préalable d'une étude d'impact.
Estimant fondée la liberté de parole du Président de la République, M. Jean-Jacques Hyest, président, a précisé qu'il n'existait pas à ce jour de projets ou propositions de loi concernant les actions collectives et que les auditions organisées à l'initiative de la commission des lois avaient précisément pour but de contribuer au débat démocratique.
a estimé que l'intérêt général des consommateurs ne se réduisait pas à la somme des intérêts particuliers. Il s'est interrogé sur les réticences à utiliser davantage les instruments actuels de notre législation. L'action collective, a-t-il poursuivi, introduirait pour les entreprises un risque majeur contre lequel elles ne pourraient se couvrir dans la mesure où, en l'absence de risque connu, modélisable et prévisible, elles ne pourraient bénéficier d'une assurance. Ainsi, a-t-il expliqué, si une entreprise devait engager une transaction sans pour autant que sa responsabilité soit reconnue, elle devrait puiser dans ses ressources propres aux dépens de son équilibre financier et de son développement. Il a craint que l'action de groupe ne constitue un instrument de chantage au détriment des entreprises dont l'image de marque constitue un capital essentiel. Il a indiqué que l'activité de l'entreprise était tournée vers ses propres clients et non les consommateurs qui constituaient un groupe insaisissable.
précisant que la CCIP avait adopté une position commune avec le MEDEF, a pour sa part évoqué les réticences que pouvait inspirer l'action « hybride » en déclaration de responsabilité pour préjudice de masse, envisagée par le groupe de travail. Elle a souligné, en premier lieu, que dans le contexte français, la publicité donnée au jugement déclaratoire pourrait porter une atteinte irréversible à l'image de l'entreprise. En second lieu, le mécanisme envisagé ne serait, selon elle, compatible qu'en apparence avec le système juridique français compte tenu de sa proximité avec le mécanisme de l'opt out, soulignant que le jugement déclaratoire serait prononcé à la suite d'une action intentée par des associations de consommateurs agréées représentant un groupe de victimes non identifiées à ce stade de la procédure.
Par ailleurs, elle a insisté sur les retombées économiques d'un tel dispositif sur les entreprises et plus particulièrement les petites et moyennes entreprises, en observant que la judiciarisation croissante de la vie économique présentait un coût qui se répercuterait nécessairement sur le consommateur.
a souligné que les procédures envisagées par le groupe de travail soulevaient toutes deux des objections relatées dans son rapport. Constatant que l'action en représentation conjointe n'était pas utilisée, il a souhaité savoir ce qui pourrait contribuer à son amélioration.
a souhaité que les instruments existants en droit français puissent être effectivement utilisés plutôt que d'ajouter de nouveaux dispositifs.
a indiqué que les problèmes soulevés par les règles actuelles en matière de recherche de mandats pouvaient trouver des réponses satisfaisantes sans qu'il soit nécessaire d'introduire un nouveau système d'action collective. Quant aux difficultés d'obtenir des preuves détenues par la partie adverse, elle a observé que le nouveau code de procédure civile prévoyait d'ores et déjà la possibilité d'obtenir, à condition de la demander, la production forcée de certaines pièces. Constatant que les associations de consommateurs agréées hésitaient parfois à s'engager dans de telles actions de peur de voir leur responsabilité engagée, elle a mentionné par ailleurs les difficultés rencontrées par les greffes pour faire face à des actions plurales.
a conclu en estimant que si elle devait se concrétiser, l'action collective constituerait un mode de régulation privée de la vie économique et que, dès lors, le système de régulation publique déjà très lourd auquel les entreprises étaient soumises devrait sans doute être revu à la baisse, sous peine de voir la France se transformer en un désert économique.
La commission a ensuite entendu MM. Jean-Guy Lévy, membre du Conseil National des Barreaux (CNB), Claude Lazarus, membre du Conseil de l'Ordre du Barreau de Paris, et Franck Natali, président de la Conférence des Bâtonniers.
a indiqué que le CNB avait mis en place, il y a deux ans, une commission de réflexion sur les actions judiciaires collectives. Il a fait savoir que l'assemblée générale du CNB s'était prononcée à l'unanimité en faveur de l'introduction d'actions collectives le 6 janvier 2005 et qu'elle avait adopté une motion soutenant un champ d'application élargi pour ces actions, ainsi que le principe de la compétence du tribunal de grande instance.
Précisant que l'assemblée générale du 19 janvier 2006 avait fait le point sur l'évolution du dossier, à la suite du dépôt du rapport du groupe de travail interministériel, il a indiqué qu'elle se prononcerait sur ce dernier les 24 et 25 février prochains.
Constatant le déséquilibre entre justiciables qui résulterait d'une procédure d'action collective ouverte aux seules associations de consommateurs agréées, M. Jean-Guy Lévy a insisté sur le fait qu'une telle action ne devrait pas être limitée aux litiges de consommation ou au seul droit de la consommation.
Relevant qu'une réelle action collective impliquait un système d'opt out, il a cependant estimé qu'il fallait dans un premier temps faire le choix d'un système d'opt in, plus conforme aux pratiques juridiques françaises.
Constatant la nécessité d'une publicité au début de l'action, il a souligné la pertinence d'une procédure en deux temps avec un jugement sur la recevabilité de l'action, puis un autre sur le fond du dossier.
Rappelant que les dommages et intérêts punitifs existaient aux Etats-Unis, mais non au Québec, il s'est déclaré défavorable à leur instauration en France.
a insisté sur l'intérêt que présenterait l'institution d'un fonds public destiné, à l'instar de celui créé au Québec, à financer les recours collectifs, ajoutant qu'il pourrait être créé sans coût budgétaire important.
S'agissant des moyens de publicité mis à la disposition des avocats dans de tels litiges, il a estimé que l'organisation de cette publicité par une décision judiciaire était la solution la plus pertinente.
Concernant les modalités de rémunération des avocats, il a constaté que trois positions pouvaient être défendues au regard de la prohibition actuelle du pacte de quota litis : la levée de l'interdiction, le maintien de la prohibition ou une prohibition de principe assortie d'une exception dans le cadre d'une action collective. Il a estimé que l'absence d'association des parties au financement de l'action serait sans doute une source de difficultés.
Rejoignant les propos de M. Jean-Guy Lévy, M. Claude Lazarus, membre du Conseil de l'Ordre du Barreau de Paris, a rappelé que la profession d'avocat était régie par des principes essentiels garantissant leur indépendance et le service de leur client. Il a estimé que, dans le contexte d'une action collective réservée aux seules associations de consommateurs agréés, un avocat saisi par son client d'un mandat pour agir en son nom devrait, de fait, obtenir l'autorisation d'agir dans le cadre d'une action de groupe. Il a jugé que cette situation ferait de ces associations des procureurs privés jugeant de l'opportunité des poursuites à mener.
Il a estimé que la compétence pour connaître de l'action du groupe devait être réservée au tribunal de grande instance et qu'il pourrait être intéressant de centraliser ce type de contentieux dans un tribunal spécialisé, doté de moyens informatiques suffisants.
a indiqué que plusieurs solutions, dont la spécialisation de certaines juridictions par ressort de cour d'appel, pourraient être envisagées pour favoriser le traitement de ces contentieux.
s'est déclaré favorable à l'organisation de la publicité par le juge après l'intervention préalable du bâtonnier. Il a ajouté que le bâtonnier devrait également avoir compétence pour résoudre les problèmes de concurrence entre avocats désireux de prendre en charge les intérêts d'un même groupe.
Il a souligné qu'il serait nécessaire de permettre au juge de vérifier si les transactions passées entre parties pour régler les litiges ne lésaient aucune d'entre elles et a considéré que l'interdiction du pacte de quota litis devrait être maintenue.
a indiqué que, dès sa réception, le rapport du groupe de travail avait été adressé aux bâtonniers afin de permettre à la Conférence d'arrêter sa position dans une quinzaine de jours.
A titre personnel, il a souligné l'intérêt que représenterait l'introduction de véritables actions collectives en droit français, en rappelant que les actions en représentation conjointe des associations de consommateurs agréées n'étaient pas satisfaisantes compte tenu de la limitation des modes de sollicitation des mandats.
Rejoignant les propos de ses confrères sur la nécessité d'étendre le champ d'application des actions collectives au-delà du seul droit à la consommation. Il a considéré qu'il ne fallait pas conférer un monopole aux associations de consommateurs pour exercer ce type d'actions. Il a constaté que le système d'opt in répondait mieux que l'opt out aux exigences de la sécurité juridique ainsi qu'au principe selon lequel nul ne peut plaider par procureur.
Relevant l'efficacité du système québécois, il a estimé que le recours à un fonds d'aide collectif pourrait être pertinent, dans la mesure où il serait de nature à démocratiser l'accès au juge.
Observant qu'un décret de juillet 2005 interdisait le démarchage par les avocats, il a souligné que les possibilités de publicité offertes à ces derniers dans le code des actions de groupe devaient être précisées notamment par les instances ordinales.
Il s'est déclaré favorable au maintien de l'interdiction du pacte de quota litis, rappelant que la rémunération des avocats était actuellement constituée d'un honoraire de diligence et d'un honoraire de résultat. Il a estimé que les mesures de discovery américaines étaient contraires à la tradition juridique française, constatant que l'efficacité d'une procédure ne pouvait être considérée indépendamment du système juridique dans lequel elle était destinée à s'insérer.
La commission a enfin entendu M. Bernard Valette, premier vice-président du tribunal de grande instance de Paris.
a indiqué que la première chambre sociale du tribunal de grande instance de Paris, qu'il préside, avait déjà une forte expérience d'actions collectives menées par des syndicats dans le domaine du droit du travail, ou par des associations de consommateurs, en particulier en matière de clauses abusives. Il a jugé ces procédures efficaces.
Il a notamment évoqué le cas d'une affaire actuellement pendante devant sa juridiction, constituée de quatre mille demandeurs ayant choisi le même avocat pour les représenter dans le cadre d'une action en responsabilité. Constatant qu'il ne s'agissait formellement que d'une superposition d'actions individuelles, il a mis en exergue les difficultés matérielles que pouvait engendrer le traitement de ce type de contentieux, tant au niveau informatique que pour la charge de travail des magistrats et greffiers.
Il a indiqué qu'il n'identifiait pas les raisons précises expliquant l'échec de l'action en représentation conjointe, avançant qu'elle n'avait sans doute pas présenté pour les parties intéressées un intérêt suffisant et qu'elle devrait probablement être réformée.
S'agissant des propositions de réformes visant à introduire les actions de groupe en droit français, il a estimé que l'examen de ces recours devrait être confié aux tribunaux de grande instance, ajoutant que l'importance des moyens matériels et humains nécessaires pour leur examen justifierait la spécialisation des tribunaux de grande instance les plus importants sur cette nouvelle procédure.
Il a estimé que la procédure envisagée par le groupe de travail pour l'exercice d'une action de groupe risquait d'être lourde et complexe, en particulier compte tenu de la subdivision du procès en deux phases, un examen de la recevabilité de l'action devant précéder celui du bien-fondé de la demande d'indemnisation. Après avoir indiqué que des voies de recours devraient être prévues à l'encontre du jugement statuant sur la recevabilité de l'action, il a craint que cette procédure ne conduise à allonger considérablement le temps de traitement de ces affaires.
En outre, il n'a pas jugé opportun d'introduire des dommages et intérêts punitifs en droit français.
En réponse à M. Jean-Jacques Hyest, président, qui demandait si le travail du juge ne serait pas trop lourd dans le cadre d'une action en déclaration de responsabilité pour préjudice de masse, M. Bernard Valette a confirmé ces craintes, en insistant sur le temps de traitement de ce type d'affaires.
a estimé délicate l'institution d'un procès en deux phases, considérant que l'examen de la recevabilité de la demande constituait un jugement interlocutoire pouvant être frappé d'appel. Bien que le préjudice subi par chaque demandeur soit souvent mineur dans ce type d'affaires, le préjudice collectif pourrait quant à lui s'avérer important, a-t-il relevé, s'interrogeant sur les règles de publicité applicables dans le cadre d'une action de groupe. Il a enfin signalé qu'après un premier jugement rendu dans le cadre d'une action de groupe, il était probable que des instances distinctes soient ensuite introduites par des personnes qui, tout en présentant les caractéristiques nécessaires pour faire partie de la « class action », n'étaient pas demandeurs au cours du premier procès.
a estimé qu'il serait restrictif de limiter au seul droit de la consommation le champ d'intervention des actions de groupe, considérant que celles-ci pourraient tout autant être intentées dans le domaine de la santé ou de l'environnement.
ayant jugé qu'il serait effectivement difficile de restreindre le champ d'intervention des actions de groupe au seul droit de la consommation, M. Pierre Fauchon a ajouté qu'il serait en outre malaisé de sacraliser le périmètre de cette branche du droit, alors que d'autres domaines du droit protégeaient tout autant les intérêts des consommateurs.