La réunion

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La commission entend tout d'abord M. Henri Bardet, candidat proposé par le Président du Sénat comme membre de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

La séance est ouverte.

Nous allons procéder à l'audition de M. Henri Bardet, dont la nomination par le président du Sénat est envisagée pour exercer les fonctions de membre de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

À l'issue de cette audition, nous procéderons au vote à bulletin secret, comme le prévoit l'article 19 bis de notre règlement.

Conformément à l'article 19 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, notre commission devra se prononcer à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés sur cette nomination.

Je vous rappelle enfin qu'en application de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, les délégations de vote sont autorisées. Je tenais à vous apporter ces précisions en début de séance.

Je voudrais, avant de donner la parole à M. Henri Bardet, avocat à la Cour, dire quelques mots pour le présenter. Vous me pardonnerez d'être succinct. Vous pourrez développer les différentes étapes de votre vie professionnelle. Avant de devenir avocat fiscaliste, M. Bardet a été inspecteur des impôts.

Il est devenu membre du corps de l'inspection, puis attaché à la direction financière de la Société générale de 1968 à 1974. Il a ensuite été conseil juridique dans un cabinet lyonnais à partir de septembre 1975 jusqu'en 1992, avant de devenir avocat au bureau Francis Lefebvre.

Il a exercé, entre 2004 et 2014, les fonctions d'avocat fiscaliste à titre indépendant et est depuis lors avocat honoraire. Il a participé à des fonctions d'enseignement et est l'auteur de plusieurs publications.

M. Bardet a été pressenti par le président du Sénat pour exercer la fonction de membre de la HATVP en raison même de ses activités professionnelles. Compte tenu du nombre d'instances de la HATVP portant sur des questions patrimoniales, il a paru intéressant au président du Sénat de rechercher un membre de la HATVP ayant toutes les compétences requises pour porter des appréciations pertinentes sur les questions patrimoniales et autres questions fiscales qui peuvent être soulevées par la HATVP.

Maître Bardet, je vous donne la parole, en vous proposant de nous apporter un certain nombre d'indications. Il faut également laisser un peu de temps à mes collègues et à moi-même pour, le cas échéant, vous poser quelques questions.

Debut de section - Permalien
Henri Bardet, candidat proposé par le Président du Sénat comme membre de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique

Merci, monsieur le président. C'est un très grand honneur pour moi d'être là aujourd'hui. Je n'aurais jamais imaginé que je pourrais un jour être susceptible de devenir membre de la HATVP.

Je ne suis pas du sérail : je ne suis ni un ancien fonctionnaire ni un ancien universitaire. J'ai donc été très surpris lorsque M. Gérard Larcher m'a proposé d'exercer cette fonction. Peut-être l'a-t-il fait parce que je suis un praticien et un homme de terrain. Je le remercie vivement de sa confiance.

Ne connaissant que très peu la HATVP - bien que j'aie été amené, en 2014, à intervenir sur un dossier et à préparer les réponses à destination de la HATVP - je me suis plongé dans la lecture de la loi du 11 octobre 2013, la charte de déontologie de la HATVP, et le premier rapport rédigé par la HATVP début 2016.

Selon cette charte, les membres de la HATVP exercent leurs fonctions avec intégrité, probité, dans le respect des principes de transparence, d'impartialité et d'indépendance. À moi d'essayer de vous convaincre que je satisfais donc à ces conditions.

Je vais avoir soixante-douze ans le 1er juillet prochain. Je suis d'origine franc-comtoise, plus exactement jurassienne, mais aussi un peu bourguignon, ayant passé toute ma jeunesse en Bourgogne. J'ai grandi dans un milieu classique. Mon père était receveur de l'enregistrement, ce qui explique pourquoi je me suis intéressé à la fiscalité.

J'ai fait des études secondaires classiques - latines, grec, baccalauréat philosophie. Par ailleurs, pour ce qui est des études supérieures, j'ai une formation pluridisciplinaire : juridique - maîtrise de droit -, fiscale - École nationale des impôts -, comptable - diplôme d'études supérieures comptables -, financière - Institut d'administration des entreprises de Paris.

J'ai commencé comme inspecteur des impôts et, en 1968, j'ai eu l'occasion de présenter le concours d'inspection générale à la Société générale. Je me suis retrouvé durant deux ans membre de l'inspection, avant de passer à la direction financière de la Société générale. C'est là que j'ai appris à travailler : on y menait des opérations financières variées - augmentations de capital, introduction en bourse, financements de projets. On traitait de droit, de fiscalité, et l'on touchait à pratiquement toutes les disciplines. C'est là que j'ai redécouvert l'intérêt de la fiscalité.

Quitte à m'occuper de fiscalité, j'ai décidé d'aller en cabinet. J'ai un peu tâtonné : un an à l'Épargne de France, neuf mois à Lyon, au cabinet Ratheaux. Finalement, je suis entré chez Francis Lefebvre le 1er juin 1976. J'y ai passé vingt-neuf ans. Puis, souhaitant travailler seul, je me suis installé en 2004, et j'ai arrêté mon activité le 31 décembre 2014. Je suis maintenant avocat honoraire.

Je suis entré chez Francis Lefebvre comme chef de service adjoint. Suite au décès de mon supérieur, je me suis retrouvé chef de service six mois après, à trente-deux ans, avec la responsabilité d'une équipe et d'un portefeuille.

On est très spécialisé chez Francis Lefebvre - impôts directs, TVA, etc. Je n'étais au départ chargé que des impôts directs, principalement des impôts sur les sociétés, des impôts sur le revenu et de la fiscalité des entreprises pour le compte de sociétés importantes.

J'ai progressivement glissé vers la fiscalité patrimoniale. C'est en fait la création de l'IGF, en 1982, qui a été l'élément déclencheur de cette évolution. À l'époque, tout le monde considérait que l'IGF - devenu aujourd'hui l'ISF - n'avait aucun avenir. Très peu de mes collègues se sont investis dans cet impôt. Je m'y suis impliqué, et mes interlocuteurs, auparavant directeurs financiers, sont devenus les actionnaires dirigeants.

Quand j'étais chez Francis Lefebvre, je traitais de fiscalité d'entreprise et de fiscalité patrimoniale. Les dix dernières années, je m'occupais essentiellement de fiscalité patrimoniale.

Je suis spécialiste de l'ISF - pacte Dutreil, démembrement, successions. Le fait d'avoir beaucoup travaillé dans la banque m'a aidé en matière d'évaluation d'actions non cotées.

J'ai pratiquement touché à tous les domaines de l'activité économique, même si je me suis occupé de moins de secteurs durant les dix dernières années de mon activité professionnelle. Vous allez très certainement m'interroger sur les conflits d'intérêts. En tout état de cause, si je devais me trouver dans une telle position, je me déporterai. En cas de doute, j'en ferai part au président de la HATVP.

J'ai également exercé des fonctions de responsabilité au sein du cabinet Francis Lefebvre en siégeant au conseil de surveillance, puis au directoire, avant de revenir au conseil de surveillance. J'ai aussi eu le temps de faire publier un ouvrage sur les holdings, ainsi que quelques autres articles.

Parallèlement, j'ai exercé les fonctions de président de l'Institut des avocats conseillers fiscaux (IACF), qui regroupe aujourd'hui 1 500 fiscalistes. Il a pour objet de promouvoir l'activité d'avocat-conseil fiscal, défendre les intérêts de la profession, contribuer à la réflexion fiscale en réagissant aux nouveaux projets de textes et assurer la formation fiscale en organisant des conférences. J'ai été président de cet organisme durant trois ans.

Pendant cette période, j'ai organisé des colloques pouvant réunir trois cents à quatre cents personnes. J'y invitais des chefs de service de l'administration centrale, des membres du Conseil d'État : 15 % à 20 % des participants représentaient l'administration. Aujourd'hui, je suis président d'honneur de l'IACF.

À titre indicatif, l'IACF a publié un manifeste relatif au rôle de l'avocat dans le domaine de la lutte contre la fraude fiscale.

Le rôle d'avocat fiscaliste est de conseiller, mais également d'assister ses clients lors des contrôles fiscaux. J'ai toujours eu avec l'administration fiscale des rapports de courtoisie et de respect mutuels. J'ai même été invité, en tant qu'avocat, par le chef du service juridique de la DGI à une réunion de l'OCDE où étaient présentes toutes les administrations fiscales.

J'ai également été entendu à plusieurs reprises par le Conseil d'État, notamment sur la fiscalité des sociétés de personnes, qui est l'un de mes sujets favoris, ainsi que par l'inspection des finances à propos des modalités du contrôle fiscal.

Comment vois-je mon rôle au sein de la HATVP ? Il faut être compétent : je crois que je le suis. Il faut aussi de la probité et de l'intégrité. Je n'aurais pas été directeur chez Francis Lefebvre ni président de l'IACF si je n'avais pas un peu de probité et d'intégrité.

Je suis très indépendant par tempérament, je n'appartiens à aucun parti politique ni à aucune association, en dehors de l'IACF et à l'association des avocats honoraires. Je ne milite nulle part. J'ai toujours conservé une très grande liberté par rapport à mes clients. Je suis en fait un praticien et essentiellement un homme de terrain.

Si vous décidez de me nommer à la HATVP, j'examinerai les dossiers de façon positive, sans suspicion, avec compréhension et largeur de vue. J'ai toujours eu une vision très pragmatique des choses ainsi qu'un esprit consensuel.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Merci de cette présentation.

La parole est aux commissaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Vous êtes, monsieur Bardet, quelqu'un d'honorablement connu. Vous n'ignorez pas que l'institution dans laquelle vous allez vous retrouver a été créée pour contribuer puissamment à la suspicion qui pèse sur la représentation nationale. Qu'est-ce que cela vous inspire ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Monsieur Bardet, en tant qu'usager de la HATVP - et non client - j'ai pu constater que cette institution tenait ses renseignements de l'administration fiscale qui, à l'occasion, ne se prive d'ailleurs pas d'effectuer les contrôles qu'elle souhaite, saisie par la HATVP, ce qui est quelque peu bizarre par rapport à ce que prévoit la loi. En cas de suite à donner, c'est le procureur qui décide.

Vous avez dit que vous ne saviez pas comment fonctionne la HATVP. Dans ce contexte, quel plus apporterez-vous ? Comment voyez-vous votre rôle ? Sans vouloir paraître trop agressif, à quoi allez-vous servir ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Merci de cette question très directe, monsieur Collombat. Celle de M. Portelli ne l'était pas moins.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

J'ai compris que vous aviez accompagné un usager devant la HATVP. Je mesure l'intérêt que peut avoir votre profil pour la HATVP, mais j'aimerais connaître votre sentiment sur le rôle de celle-ci et son intérêt pour la vie publique en France.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Ma question tourne autour du même thème.

Maître, votre parcours est remarquable, mais j'ai noté que vous avez eu finalement peu à faire avec le monde politique. Est-ce le cas ? Vous savez que celui-ci est en proie aux suspicions, d'où la loi sur la transparence.

Ma question rejoint donc celle de mes collègues : comment allez-vous approcher vos futures fonctions, compte tenu de ce climat de suspicion et de votre parcours ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Il me semble avoir constaté qu'une grande partie de l'activité de la HATVP consiste à rechercher si l'évaluation des biens figurant dans la déclaration de patrimoine est exacte ou crédible.

Je crois qu'il existe sur ce point un certain flou concernant les pouvoirs de la HATVP. En effet, pour apprécier si l'évaluation des biens est exacte ou crédible, celle-ci a systématiquement recours à l'administration fiscale, à qui elle demande de lui fournir des éléments d'appréciation, en particulier sur la valeur des immeubles, grâce à la banque de données dont dispose ladite administration fiscale.

Connaissant votre parcours, je suis très séduit par le fait que votre expérience d'avocat porte sur l'évaluation des biens. Vous pourrez donner des conseils extrêmement précis à la HATVP en la matière, en particulier au sujet des biens mobiliers.

Par ailleurs, ne pensez-vous pas qu'il y a quelque chose à faire, par l'intermédiaire du règlement de la HATVP ou du législateur, pour que la HATVP ne soit pas systématiquement influencée par l'administration fiscale ? La HATVP ne dispose pas, à l'heure actuelle, de possibilités lui permettant de vérifier l'évaluation des biens, faute de techniciens et d'experts. Les choses ne sont donc pas claires sur ce point. L'arrivée d'un spécialiste et d'un praticien tel que vous me paraît personnellement extrêmement intéressante. Structurellement, institutionnellement, n'y a-t-il pas là quelque chose à changer ou à préciser dans la HATVP ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

La HATVP, que nous n'aimons pas forcément beaucoup ici, soyons clairs, est installée durablement dans notre paysage politique. Il faut donc faire en sorte que cela fonctionne bien.

Votre carrière a été essentiellement consacrée au conseil : vous avez été conseiller juridique, vous avez travaillé chez Francis Lefebvre, vous avez été avocat. Ne pensez-vous pas qu'il faudrait que la HATVP, qui a les pouvoirs que la loi lui donne plus ceux qu'elle s'arroge, développe une fonction de conseil avant de mettre en oeuvre des sanctions ?

La plupart des parlementaires n'ont qu'une envie, c'est d'être dans une situation correcte vis-à-vis de la HATVP. J'ai moi aussi dû remplir des papiers qui assomment tout le monde. J'ai dit au président de la HATVP, qui est passé par Lyon à un certain moment, de tout prendre et d'en faire ce qu'il voulait. Cela s'est d'ailleurs très bien passé, mais j'aimerais connaître votre sentiment sur le rôle de conseil que la HATVP pourrait jouer vis-à-vis de ceux qu'elle a pour mission de maintenir dans le droit chemin.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Vous pouvez constater que l'ensemble des collègues qui se sont exprimés ne vous invitent pas à porter une appréciation sur le bien-fondé de la loi - ce qui n'est pas du ressort des membres de la HATVP - ni une appréciation d'ordre politique sur les exigences de la transparence de la vie publique, mais plutôt de nous dire comment vous concevez votre rôle en matière d'application de la loi qui, pour les membres de la HATVP, est une donnée indépassable, même s'il n'est pas inintéressant que la HATVP, qui présente un rapport annuel, puisse proposer des évolutions législatives et que les membres du collège puisse prendre parfois un peu de recul.

Il serait très important que vous puissiez nous montrer ce qu'un fiscaliste, spécialiste du patrimoine, peut apporter techniquement au travail de la HATVP pour fonder celui-ci sur une expérience précise de l'évaluation des patrimoines.

Je retiens ce que vient de dire Michel Mercier sur le rôle de conseil. Il semble à beaucoup d'entre nous qu'il serait très important que la relation entre la HATVP et les parlementaires, que l'on peut présumer être de bonne foi, soit assez souple, fondée sur le dialogue, et permette de mettre à jour et de régler des difficultés éventuelles sans avoir à prendre de mesures coercitives.

Vous pouvez à présent réagir et répondre aux questions qui vous ont été posées.

Debut de section - Permalien
Henri Bardet, candidat proposé par le Président du Sénat comme membre de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique

Vous avez dit qu'il existait une certaine suspicion à l'égard des hommes politiques. Je partage cette analyse. Je suis avocat de formation : quand un avocat se charge d'un dossier, c'est sans a priori. Il est vrai que la suspicion existe et qu'il faut la combattre.

Si j'ai bien compris, beaucoup des dossiers que traite la HATVP sont de nature fiscale. En matière fiscale, les choses sont rarement simples, toutes blanches ou toutes noires. Tout est question d'interprétation. Moi-même, il m'est arrivé de me tromper dans ma déclaration d'impôts. Les choses sont excessivement complexes. Peut-on bénéficier, en matière d'ISF, de l'abattement de 30 % pour sa résidence principale si on la détient à travers une société civile ? On peut avoir une hésitation, sans pour autant devoir être jugé et condamné.

Beaucoup de points devraient donc être éclaircis et ne méritent pas sanction. Pour qu'il y ait sanction, il faut qu'il y ait une intention délibérée de se soustraire à l'impôt.

À quoi pourrais-je servir à la HATVP ? Je pourrais lui apporter ma pratique sur les questions patrimoniales ou d'évaluation des sociétés non cotées. Je sais évaluer une société aussi bien que les membres de l'administration fiscale. En matière d'évaluation, il faut être excessivement modeste. J'ai vu le prix de sociétés multiplié par trois en six mois pour différentes raisons tout à fait justifiées. Personne ne détient la vérité en matière d'évaluation, qu'il s'agisse d'actions ou de biens immobiliers. Il n'y a pas de règle. Il existe une définition du juge de l'impôt : il s'agit du prix qui sera obtenu entre l'offre et la demande dans un marché raisonnable. Cela veut tout dire et ne rien dire. Ce que je peux apporter à la HATVP, c'est la pratique, sans suspicion au départ.

On a toujours tendance à considérer que l'administration a raison et que ses avis n'ont pas à être discutés. Pendant quarante ans, mon activité a consisté, lors des contrôles fiscaux, à convaincre l'administration qu'elle se trompait parfois. Si j'ai le même sentiment au sein de la HATVP, je le dirai et je le ferai valoir.

Par ailleurs, je n'ai jamais fréquenté le monde politique : c'est ainsi.

Quant au conseil, j'ai lu dans le rapport que la HATVP essayait de développer son activité en matière de conflits d'intérêts : je trouve cela très bien. J'y suis tout à fait favorable.

Enfin, d'après les textes, les rapports entre la HATVP et l'administration fiscale me paraissent un peu ambigus. Cela ne me semble ni clair ni précis. Je ne pense pas que ce soit à la loi de les définir - encore que - mais il faut peut-être freiner la tendance de la HATVP en la matière.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Maître Bardet, il me reste à vous remercier de votre présentation et des réponses que vous nous avez apportées.

La réunion, suspendue à 9 h 03, est reprise à 9 h 38

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous allons procéder à l'audition de M. Henri Bardet, dont la nomination par le Président du Sénat est envisagée pour exercer les fonctions de membre de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique.

À l'issue de cette audition, nous procéderons au vote qui se déroulera à bulletins secrets comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement. Pour cette nomination, les règles de majorité diffèrent de celles retenues pour les nominations au titre de l'article 13 de la Constitution : notre commission devra se prononcer, à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés, sur cette nomination.

Je rappelle que M. Bardet a été choisi par le président du Sénat en raison de ses compétences et de son expérience de fiscaliste. Il a semblé important que la Haute autorité se dote de personnalités expérimentées dans ce domaine compte tenu du fait que ce sont précisément les différences d'appréciation, concernant l'évaluation du patrimoine, entre l'administration fiscale et les personnes dont le patrimoine est évalué, qui peuvent rendre difficile dans l'application de la loi.

Je vous rappelle enfin qu'en application de l'ordonnance n° 58-1066 du 7 novembre 1958 portant loi organique autorisant exceptionnellement les parlementaires à déléguer leur droit de vote, les délégations de vote sont autorisées.

Mme Cécile Cukierman et M. Mathieu Darnaud sont désignés scrutateurs.

Il est procédé au vote et au dépouillement.

Voici les résultats du scrutin :

Votants : 42

Blancs ou nuls : 11

Suffrages exprimés : 31

Pour : 28

Contre : 3

La majorité des trois cinquièmes étant de 19 voix, les conditions prévues par l'article 19 de la loi du 11 octobre 2013 sont réunies pour permettre la nomination.

La commission a donc donné un avis favorable à la nomination de M. Henri Bardet aux fonctions de membre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

François Pillet est nommé rapporteur sur la proposition de loi organique n° 3770 (A.N. XIVème lég.), relative à la compétence du Défenseur des droits pour la protection des lanceurs d'alerte.

Catherine Troendlé, MM. Christophe-André Frassa, Philippe Dallier, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Jean-Pierre Sueur, Yves Rome et Jean-Pierre Bosino sont désignés en qualité de membres titulaires et MM. Pierre Camani, Patrick Chaize, Mme Dominique Gillot, M. Hervé Maurey, Mme Colette Mélot, MM. Jean-Claude Requier et Bruno Sido sont désignés en qualité de membres suppléants.

Puis la commission examine les amendements sur son texte n° 634 (2015-2016) pour la proposition de loi n° 568 (2015-2016), modifiée par l'Assemblée nationale, portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes et sur son texte n° 635 (2015-2016) pour la proposition de loi organique n° 567 (2015-2016), modifiée par l'Assemblée nationale, relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes (rapporteur : M. Jacques Mézard).

PROPOSITION DE LOI

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

Article 11

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Il s'agit ici de trouver une solution acceptable pour les deux assemblées. L'Assemblée nationale nous a indiqué que certaines autorités administratives indépendantes (AAI) avaient besoin de spécialistes et que la mise en oeuvre de règles d'incompatibilités leur ferait perdre le bénéfice des compétences de ces spécialistes. Nous souhaitons que les membres des AAI, une fois nommés, ne puissent accepter de nouvelles fonctions dans des entreprises qu'ils sont amenés à contrôler dans le cadre de l'AAI dont ils sont membres.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Ce raisonnement est bizarre. Si on interdit à une personne de devenir membre d'un conseil d'administration par exemple, c'est pour éviter la confusion des genres. Or s'il a déjà des fonctions dans une entreprise, les chances de confusion sont les mêmes. Je trouve que cet assouplissement est trop important.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je préférai notre rédaction initiale, mais elle ne passera pas. Cette rédaction permet d'éviter que de grandes entreprises, voyant une personne nommée au sein d'une AAI, la récupère pour lui confier des responsabilités en leur sein. Cela s'est déjà produit.

L'amendement n° 56 est adopté.

Il s'agit ici de préciser l'incompatibilité professionnelle. Au Sénat, nous estimons qu'il est nécessaire d'imposer aux présidents d'AAI d'exercer leurs missions à temps plein. Les députés considèrent que cela pourrait décourager des vocations et contribuer à la création de nouveaux emplois publics. Nous proposons donc que l'incompatibilité professionnelle ne vaille que lorsque la loi prévoit que la fonction de président doit s'exercer à temps plein. Parallèlement, il est prévu que pour certaines AAI, où la charge de travail ne nécessite pas une présence permanente du président, ce temps plein ne soit pas imposé. Dans ce cas, les règles d'incompatibilité professionnelle ne s'appliqueraient pas.

Nous essayons malgré tout de tenir notre cap, tout en essayant de trouver une solution de compromis avec l'Assemblée nationale.

Les amendements n° 57 et 28 sont adoptés.

Article 47

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement vise à supprimer la procédure de nomination de l'article 13 de la Constitution pour la nomination des présidents de l'Agence française de lutte contre le dopage et de la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (HADOPI). La suppression de cette procédure répond à un problème de constitutionnalité. Il s'agit également d'une question sur laquelle nous essayons de trouver un compromis avec nos collègues députés.

L'amendement n° 74 est adopté.

EXAMEN DES AUTRES AMENDEMENTS DE SÉANCE

Article 7

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amendement n° 21 permet au collège, dans les mêmes conditions qu'à la suite d'un manquement grave, de mettre fin au mandat d'un membre s'il est en situation d'incapacité définitive d'exercer son mandat. Cette précision peut s'avérer utile mais je proposerai une modification pour améliorer son insertion dans le texte.

La commission émet un avis favorable sous réserve de rectification de l'amendement n° 21.

Article additionnel avant l'article 26

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cet amendement concerne le statut de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH), qui n'est aujourd'hui pas une AAI, mais qui veut absolument le devenir, même si elle ne correspond pas aux critères. Notre collègue Alain Richard propose de ne pas retenir la CNCDH comme AAI mais de conforter encore plus son indépendance, bien que celle-ci soit déjà inscrite dans la loi. J'observe qu'il n'est toutefois pas proposé d'étendre à ses membres les obligations de dépôt des déclarations d'intérêts et de patrimoine, ce qui a pourtant été fait pour d'autres organismes.

Je propose un avis de sagesse, mais je précise qu'il y a une contrariété entre la volonté de devenir une AAI et le refus d'un certain nombre des membres de cette commission de se soumettre aux déclarations d'intérêts et de patrimoine. Ce refus a conduit à l'intervention du Gouvernement auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, afin de retirer la commission de la liste des institutions dont les membres sont soumis à ces obligations de déclarations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Les membres de cette commission sont en général des donneurs de leçon, il serait bien que cette attitude soit soulignée en séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Tout d'abord, le travail de cette commission est utile. Nous recevons de sa part, sur de nombreux textes, des documents très argumentés. Il n'y a cependant pas de nécessité à ce que cette commission devienne une AAI, l'essentiel est qu'elle fasse son travail. Et je ne suis pas opposé à ce que ses membres soient soumis aux obligations de déclaration d'intérêts et de patrimoine. Je suis enfin favorable au renforcement de l'indépendance de cette commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Toutes ces discussions montrent que l'existence des AAI est une affaire de pouvoir, symbolique ou réel. On peut s'interroger sur le foisonnement d'institutions qui s'agitent pour conserver ou conquérir leurs pouvoirs.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Je suis favorable à la proposition de M. Sueur consistant à soumettre les membres de la CNCDH à l'obligation de déclaration d'intérêts et de patrimoine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Comme je l'ai dit, la CNCDH n'est pas une AAI et fait un lobbying considérable pour le devenir, car cela lui donnerait plus de notoriété au niveau international. Cet amendement est redondant avec les dispositions déjà prévues par la loi. Mais si cela peut faire plaisir à la CNCDH, je ne m'y opposerai pas...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Après consultation de mes collègues, je vous indique que nous souhaitons rectifier l'amendement, afin de soumettre les membres de la CNCDH aux obligations de déclaration d'intérêts et de patrimoine.

La commission émet un avis de sagesse sur l'amendement n° 23 rectifié.

Article additionnel après l'article 26

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je vous propose de déclarer cet amendement irrecevable au titre de l'article 48, alinéas 5 et 6 de notre règlement.

En effet, il vise à conférer à l'Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) compétence en matière de contrôles diligentés lors de manifestations sportives donnant lieu à la remise d'un prix en argent ou en nature. Des manifestations sportives vont bientôt se produire. L'article 26 de la proposition de loi, comme le texte dans son ensemble, n'est relatif qu'à l'organisation et la composition de l'AFLD. Aussi cet amendement n'a-t-il pas de lien avec les dispositions restant en discussion.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Le rapporteur, à juste titre, est plus sévère que le président de groupe... Je constate que l'amendement n° 4 est dans la même situation et que vous proposez également de le déclarer irrecevable pour le même motif.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Exactement, Monsieur le Président. Je signale que c'est le secrétaire d'État chargé des sports qui représentera le Gouvernement demain. Ce n'est peut-être pas étranger au dépôt de ces deux amendements.

La commission déclare irrecevables les amendements n° 3 et 4.

Article 27

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Je demande le retrait de l'amendement n° 37, au profit de l'amendement de la commission.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 37.

Article additionnel après l'article 27

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amendement n° 34 du Gouvernement procède aux coordinations qui seraient rendues nécessaires par l'ajout de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution à la liste des AAI. Par cohérence avec notre position, je propose que nous émettions un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 34.

Article 27 bis

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amendement n° 38 opère une coordination nécessaire et précise que le président de l'Autorité de régulation de la distribution de la presse serait nommé par le Président de la République parmi les membres du collège, évitant ainsi de remettre en cause l'équilibre actuel de sa composition par l'ajout d'un membre supplémentaire. Cela ne contredit pas la volonté de la commission de faire relever cette désignation du chef de l'État et de la soumettre à la procédure de l'article 13 de la Constitution. J'émets donc un avis favorable.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 38.

Article 28

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je crois que vous émettez, Monsieur le rapporteur, un avis défavorable à l'amendement n° 39 car il est contraire à la position de la commission qui souhaite que le mandat des présidents ne soit pas renouvelable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 39.

Article 37

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amendement n° 46 propose de rétablir l'élection du président de la CNIL par le collège et d'ainsi s'opposer au contrôle par le Parlement de cette nomination dans le cadre de la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution. Soumettre cette désignation à audition publique et avis préalable des commissions permanentes compétentes suppose que cette nomination soit effectuée par le chef de l'État. L'importance de la CNIL justifie l'application de l'article 13 et donc le contrôle du Parlement. Je suis donc défavorable à cet amendement du Gouvernement qui se fait le porte-voix de la présidente de la CNIL en avançant que l'élection par les membres du collège est un gage d'indépendance, notamment au niveau européen et international. Cela montre le poids de certains présidents d'AAI à l'égard du Gouvernement. Je ferai remarquer que le Défenseur des droits, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, le président de la HATVP ou encore le président du CSA sont, parmi tant d'autres exemples, nommés par le Président de la République après avoir été entendus par les commissions des deux assemblées, sans que leur indépendance n'ait été remise en cause, même en apparence. Pourquoi en serait-il différent pour la CNIL ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je trouve notre rapporteur très convaincant. Les collèges de ces AAI prennent des décisions sur la proposition de leur président. On ne voit pas pourquoi il faudrait remettre en cause le consensus qui règne dans ces instances en mettant en place de véritables campagnes électorales pour la désignation du président.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 46.

Article 38

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amendement n° 20 rectifié vise à augmenter de neuf à douze le nombre de membres de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), ce qui correspond à une demande de cette dernière pour faire face au surcroît d'activité, certes ponctuel mais régulier, car tous les membres de la CNCCFP rapportent des dossiers. Cet amendement permettrait, d'autre part, d'après l'amendement, le respect de la parité.

Avant d'envisager la modification de la composition de la CNCCFP, il y aurait lieu de s'interroger sur l'activité et les missions de cette instance, notamment sur le droit applicable au contrôle des comptes de campagne. C'est une commission très utile mais l'application des textes, dont nous sommes d'ailleurs à l'origine, pose problème. Je ne suis donc pas favorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il me paraît justifié d'augmenter le nombre de membres de la CNCCFP. Notre collègue Alain Richard, auteur d'un amendement vertueux, presque stoïcien, propose que les trois membres supplémentaires ne bénéficient d'aucune rémunération, ni même de quelconques défraiements, cela afin de ne pas tomber sous le coup de l'article 40...

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Ce n'est pas la peine d'augmenter le nombre de membres du collège de la CNCCFP, car tout comme pour la HATVP, ce ne sont pas eux qui font le travail, mais leurs collaborateurs.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 20 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amendement n° 47 propose de maintenir l'élection du président de la CNCCFP par le collège et d'ainsi s'opposer au contrôle par le Parlement de cette nomination dans le cadre de la procédure prévue au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution. En effet, soumettre cette désignation à audition publique et avis préalable des commissions permanentes compétentes suppose que cette nomination soit effectuée par le chef de l'État. Le Président de la CNCCFP est en place depuis très longtemps...

Pour les mêmes raisons que l'amendement précédent du Gouvernement, j'émets un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 47.

Article 46

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amendement n° 35 supprime la publicité des déclarations d'intérêts et de situation patrimoniale des membres de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Je rappelle que cette publicité est appelée de ses voeux par le président de la Haute Autorité qui considère, pour m'en être entretenu avec lui, que cette règle traduit le devoir d'exemplarité qui incombe aux membres de la Haute Autorité. Cette exigence ne semble pas être partagée par tous les membres de la Haute Autorité qui ont réussi à convaincre le Gouvernement de défendre leur frilosité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le Gouvernement met en avant une contrariété à la Constitution. Comme le Gouvernement le souligne lui-même, une décision du 21 janvier 2016 du Conseil constitutionnel admet de telles mesures de publicité, par dérogation au principe dégagé par la jurisprudence constitutionnelle selon lequel les détenteurs de fonctions non électives ne doivent pas voir leurs déclarations rendues publiques. Le Conseil constitutionnel se fonde sur le caractère spécifique d'un secteur pour justifier une mesure aussi exceptionnelle. Nous maintenons notre position. Ce serait un mauvais signe de suivre le Gouvernement, il semble indéniable que la HATVP est dans une situation hors du commun par rapport aux autres instances.

En effet, elle est la seule à contrôler elle-même ses déclarations d'intérêts et de situation patrimoniale. Elle exerce son contrôle sur les membres du Gouvernement et ceux du Parlement qui, comme le juge constitutionnel l'a rappelé en 2013, concourt à l'exercice de la souveraineté nationale. Il faut que tout le monde soit cohérent. J'émets donc un avis très défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 35.

Article 1er (Annexe)

La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 30, 5, 9 et 10.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Les amendements n° 1, 7 et 17, qui sont identiques, font l'objet d'un avis défavorable. Il s'agit encore de la question de l'indépendance de la CNCDH et de son éventuel statut d'AAI.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Je pense qu'on aurait pu aller plus loin s'agissant du statut de l'institution qui traite des droits de l'Homme. Je défendrai donc cet amendement en séance et suis satisfait de l'avis de sagesse du rapporteur sur l'autre amendement à ce sujet.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 1, 7 et 17.

La commission émet ensuite un avis défavorable aux amendements n° 11 et 12.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous passons ensuite à l'examen des quatre amendements sur la proposition de loi organique. Il s'agit de deux amendements du rapporteur et de deux amendements du Gouvernement.

La commission adopte les amendements n° 3 et 4 émet un avis défavorable aux amendements n° 1 et 2.

EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR

EXAMEN DES AUTRES AMENDEMENTS DE SÉANCE

La commission examine les amendements sur la proposition de loi n° 461 (2015-2016), adoptée par l'Assemblée nationale, portant réforme de la prescription en matière pénale (rapporteur : M. François-Noël Buffet).

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Nous avons à examiner les amendements n°1, 3, 2 et 4. Compte tenu de l'adoption, par notre commission, d'une motion de renvoi en commission, je suppose que vous émettez un avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements n° 1, 3, 2 et 4.

La commission donne les avis suivants :

La commission examine le rapport de M. André Reichardt et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 790 (2013-2014), présentée par M. Thani Mohamed Soilihi, de simplification, de clarification et d'actualisation du code de commerce .

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Déposée il y a près de deux ans, cette proposition de loi de notre collègue Thani Mohamed Soilihi est le prolongement des travaux qu'il a menés comme rapporteur de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises. En ma qualité de rapporteur de la loi de simplification du 20 décembre 2014 et de la loi de ratification de l'ordonnance du 10 septembre 2015, je constate comme notre collègue que le processus de simplification du droit des entreprises est un chantier permanent, afin de rendre plus simple et prévisible l'environnement juridique des entreprises et de supprimer ou d'alléger leurs démarches administratives.

Les soixante articles de la proposition de loi modifient le code de commerce, principalement son livre II relatif aux sociétés commerciales, ainsi que le code civil dans sa partie relative aux sociétés. Cette proposition de loi a un caractère bien circonscrit, contrairement aux lois de simplification souvent hétéroclites. Les auditions ont montré qu'elle reçoit une large approbation de la part des organisations patronales et de celles représentant les entreprises et les professionnels qui les accompagnent.

Le texte comporte des dispositions relatives au fonds de commerce, à la simplification du droit des sociétés - c'est le coeur du texte - à l'Autorité de la concurrence, déjà satisfaites par la loi du 6 août 2015, et aux commissaires aux comptes ainsi que des dispositions diverses, dont la principale a été partiellement reprise par la loi du 20 décembre 2014, à savoir la suppression de l'enregistrement des actes statutaires des sociétés commerciales.

J'ai déposé soixante amendements avec quatre axes : la suppression des dispositions déjà satisfaites par d'autres textes, notamment la loi dite « Macron », eu égard au fait que cette proposition de loi a été déposée il y a près de deux ans ; la suppression de dispositions dont l'utilité n'est pas avérée au regard de l'objectif de simplification ; l'amélioration des nombreuses mesures pertinentes ; l'ajout de nouvelles simplifications.

Nous n'avons pas à ce jour d'informations quant à l'inscription de ce texte à l'ordre du jour de notre assemblée et il est fort probable qu'il n'y ait pas de date avant 2017. Néanmoins, le Sénat examinera prochainement le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dit « Sapin 2 », qui comporte des dispositions qui convergent avec le texte que nous examinons ce matin. Le travail que nous réalisons aujourd'hui devrait trouver une belle occasion de s'accomplir dans le projet de loi « Sapin 2 ». Nous pourrions en effet y intégrer certaines dispositions, voire la totalité de cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Je remercie le rapporteur pour son travail de mise à jour de ma proposition de loi. Lors des auditions que j'avais menées comme rapporteur de précédentes lois de simplification, plusieurs suggestions de simplification m'ont été soumises, mais elles ne trouvaient pas leur place dans les textes que nous examinions. J'ai donc réalisé ce travail en répertoriant les mesures de simplification demandées par la pratique.

Cette proposition de loi est donc un produit de la commission des lois et je regrette un peu son parcours chaotique, puisqu'elle a été déposée il y a deux ans et qu'elle pourrait être désossée par son intégration partielle ou totale dans le projet de loi « Sapin 2 » au lieu d'être inscrite à l'ordre du jour.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Dans ce domaine très technique qu'est la simplification du droit des entreprises, la qualité des propositions de notre collègue Thani Mohamed Soilihi n'étonnera pas ceux qui ont eu la chance de travailler avec lui. C'est une initiative législative que la commission des lois peut s'approprier, puisqu'elle apporte des réponses qui sont attendues depuis longtemps par le monde des entreprises et des praticiens du droit. Il serait particulièrement dommage que tout ce travail n'aboutisse pas. Certains points ont déjà été repris par la loi « Macron », d'autres seront abordés dans le projet de loi « Sapin 2 ». J'invite notre commission à trouver la bonne solution pour que ce travail ne se perde pas dans les méandres de la procédure parlementaire.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1er

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-1 vise à supprimer une formalité lourde, peu utile et souvent omise en pratique lors des cessions de fonds de commerce.

L'amendement COM-1 est adopté.

Article 2

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-2 vise à supprimer l'article 2, satisfait par la loi du 7 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques.

L'amendement COM-2 est adopté.

Article 3

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-3 vise à supprimer l'article 3, satisfait par la même loi.

L'amendement COM-3 est adopté.

Article 4

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-4 vise à supprimer l'article 4, satisfait par la même loi.

L'amendement COM-4 est adopté.

Article 5

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-5 tend à supprimer la solidarité entre le loueur et le locataire pour le paiement des dettes fiscales contractées au titre des impôts directs établis à raison de l'exploitation du fonds au-delà des six premiers mois du contrat de location-gérance. Il est en effet difficile de développer la location-gérance du fait de cette solidarité.

L'amendement COM-5 est adopté.

Section 1

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-6 modifie l'intitulé d'une division afin que son contenu corresponde à la partie du code civil qu'elle modifie.

L'amendement COM-6 est adopté.

Article 6

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-7 procède à une clarification rédactionnelle.

L'amendement COM-7 est adopté.

Article 7

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-8 procède à une précision rédactionnelle.

L'amendement COM-8 est adopté.

Article 8

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-9 apporte une précision.

L'amendement COM-9 est adopté.

Article 9

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-10 apporte une précision rédactionnelle et vise à allonger de trois mois à un an le délai de mise en oeuvre de la procédure de régularisation de la prorogation de la société.

L'amendement COM-10 est adopté.

Division additionnelle avant l'article 10

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-11 crée une section, par cohérence avec l'amendement COM-6.

L'amendement COM-11 est adopté.

Article 10

Article additionnel après l'article 10

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-12 vise à permettre la dématérialisation des formalités de cession de parts de société civile auprès du registre du commerce et des sociétés, à l'instar de ce qui a été fait pour les sociétés à responsabilité limitée en 2014.

L'amendement COM-12 est adopté.

Article 11

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-13 vise à supprimer l'article 11, particulièrement critiqué lors des auditions, donnant la faculté aux sociétés de déposer au registre du commerce et des sociétés la liste des personnes seules habilitées à les représenter dans leurs relations avec des tiers. Or une telle liste court le risque de ne jamais être à jour, ce qui est source de confusion et non de sécurité juridique.

L'amendement COM-13 est adopté.

Article 12

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-14 vise à supprimer l'article 12, qui été repris par la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises, ensuite modifiée par la loi « Macron ».

L'amendement COM-14 est adopté.

Article 14

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-15 clarifie les conditions de remplacement de droit d'un gérant de société à responsabilité limitée, en cas de vacance pour quelque cause que ce soit ou en cas de placement en tutelle ou curatelle.

L'amendement COM-15 est adopté.

Article 16

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Dans le prolongement de l'intention de la proposition de loi, l'amendement COM-16 vise à clarifier les conditions dans lesquelles une société quelconque qui se transforme en société par actions doit désigner un commissaire à la transformation, pour corriger l'incohérence actuelle du code de commerce sur ce point et surmonter la jurisprudence qu'elle a fait naître.

L'amendement COM-16 est adopté.

Article 17

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-17 vise à garantir, notamment vis-à-vis des tiers, la validité juridique des délibérations et décisions auxquelles a pris part un mandataire social réputé démissionnaire d'office. La démission d'office est également prévue en cas de dépassement de la limite d'âge, ainsi que la nullité de la nomination en cas de nomination au-delà de la limite d'âge : ces deux cas de figure existants seraient également pris en compte, outre la démission d'office en cas de placement en tutelle ou curatelle.

L'amendement COM-17 est adopté.

Article 18

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-18 apporte une précision et une clarification.

L'amendement COM-18 est adopté.

Article additionnel après l'article 18

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-19 vise à permettre la prise de décision au sein du conseil d'administration selon une procédure de consultation écrite, sauf pour l'établissement des comptes annuels et du rapport de gestion et sauf disposition contraire des statuts.

L'amendement COM-19 est adopté.

Article 19

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-20 assure une coordination.

L'amendement COM-20 est adopté.

Article 21

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-21 apporte une précision rédactionnelle.

L'amendement COM-21 est adopté.

Article 22

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-22 est un amendement de cohérence avec celui présenté à l'article 16.

L'amendement COM-22 est adopté.

Article additionnel après l'article 22

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-60 vise à donner la possibilité aux sociétés cotées de regrouper dans un document de référence unique l'ensemble des informations qu'elles sont légalement tenues de publier, leur permettant également de remplir en une fois leurs formalités de dépôt au registre du commerce et des sociétés.

L'amendement COM-60 est adopté.

Article 23

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-23 vise à préciser que la dématérialisation des assemblées générales peut concerner, non seulement les assemblées générales ordinaires des sociétés non cotées, mais aussi les assemblées générales extraordinaires. Il précise également que la dématérialisation peut être prévue par les statuts, plutôt que laissée à l'appréciation de l'autorité chargée de convoquer l'assemblée.

L'amendement COM-23 est adopté.

Article 24

Article 25

Article 26

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-26 vise, d'une part, à ajuster le texte de la proposition de loi, celle-ci prévoyant la nullité relative de l'assemblée, alors qu'il y a lieu de s'en tenir à la nullité relative des délibérations elles-mêmes. D'autre part, il rétablit la nullité de l'assemblée générale ordinaire en l'absence de présentation par les commissaires aux comptes de leur rapport, destinée à informer les actionnaires, laquelle a été supprimée par erreur.

L'amendement COM-26 est adopté.

Article 27

Article additionnel après l'article 29

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-28 vise à supprimer la sanction de suspension des droits de vote attachés à des actions émises en violation des règles applicables en matière d'augmentation de capital, compte tenu de la grave insécurité juridique qu'elle fait peser sur les délibérations adoptées ultérieurement avec ces droits de vote irréguliers et donc sur les tiers. Tout vote est alors réputé nul.

L'amendement COM-28 est adopté.

Article 30

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-29 est de nature rédactionnelle et de précision.

L'amendement COM-29 est adopté.

Article 31

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-30 vise à assouplir les modalités de calcul du plafond de 10 % du capital fixé pour le nombre des actions pouvant être attribuées gratuitement par une société à ses salariés. Par ailleurs il apporte des précisions concernant les périodes pendant lesquelles la cession d'actions attribuées gratuitement est interdite, aussi appelées « fenêtres négatives », de façon coordonnée avec les modifications apportées aux « fenêtres négatives » concernant les « stock-options » à l'article 30.

L'amendement COM-30 est adopté.

Article 32

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-31 tend à conserver la sanction de nullité relative des opérations de réduction de capital réalisées par le conseil d'administration par délégation de l'assemblée générale, en cas de défaut de publication du procès-verbal de ces opérations. En effet, outre que l'injonction de faire prévue par la proposition de loi en substitution de cette nullité est déjà possible en l'état du droit, il est nécessaire de conserver un niveau de sanction plus élevé, afin d'éviter tout risque d'omission délibérée par le conseil de la formalité de publicité de l'opération.

L'amendement COM-31 est adopté.

Article 33

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-32 apporte une clarification rédactionnelle.

L'amendement COM-32 est adopté.

Article additionnel après l'article 33

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-33 apporte une clarification rédactionnelle.

L'amendement COM-33 est adopté.

Article 36

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-34 vise à supprimer l'obligation de déposer au registre du commerce et des sociétés une déclaration de conformité pour les fusions et scissions concernant les sociétés par actions simplifiées, une telle obligation n'étant pas exigée par le droit européen.

L'amendement COM-34 est adopté.

Article 37

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-35 supprime une disposition redondante.

L'amendement COM-35 est adopté.

Article 38

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-36 propose de supprimer l'article 38, un amendement à l'article 40 de la proposition de loi prévoyant la possibilité pour les associés de modifier les statuts à la majorité, et non à l'unanimité, pour y intégrer une clause d'exclusion, ce qui à mon sens règle le problème.

L'amendement COM-36 est adopté.

Article 40

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-37 est de cohérence avec celui présenté à l'article 38.

L'amendement COM-37 est adopté.

Article 41

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-38 apporte une précision concernant le régime des actions de préférence.

L'amendement COM-38 est adopté.

Article additionnel après l'article 42

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-39 vise à étendre aux sociétés soeurs, c'est-à-dire détenues par une même société mère, le régime simplifié des fusions de sociétés, lorsqu'elles sont détenues, selon le cas, en totalité ou à 90 % par la société mère.

L'amendement COM-39 est adopté.

Article 43

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-40 vise à supprimer l'article 43, ses dispositions ayant été reprises à l'article 23 de la loi du 20 décembre 2014.

L'amendement COM-40 est adopté.

Article 44

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-41 vise à recentrer la simplification procédurale prévue par la proposition de loi sur le seul apport partiel d'actif d'une société à une autre société qu'elle détient en totalité.

L'amendement COM-41 est adopté.

Article 45

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-42 vise à supprimer l'article 45, ses dispositions ayant été reprises par la loi « Macron ».

L'amendement COM-42 est adopté.

Article 46

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-43 vise à supprimer l'article 46 pour la même raison.

L'amendement COM-43 est adopté.

Article 47

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-44 vise à supprimer l'article 47 pour la même raison.

L'amendement COM-44 est adopté.

Article 48

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-45 vise à supprimer l'article 48 pour la même raison.

L'amendement COM-45 est adopté.

Article 49

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-46 vise à supprimer l'article 49 pour la même raison.

L'amendement COM-46 est adopté.

Article additionnel avant l'article 50

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-47 apporte une clarification concernant les sociétés de commissariat aux comptes.

L'amendement COM-47 est adopté.

Article 50

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-48 supprime une disposition concernant uniquement l'exercice de la profession de commissaire aux comptes et ne relevant pas de la simplification.

L'amendement COM-48 est adopté.

Article 51

Article 52

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-50 supprime un article largement satisfait par l'ordonnance du 17 mars 2016 relative au commissariat aux comptes.

L'amendement COM-50 est adopté.

Article 53

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-51 vise à limiter la possibilité d'échanges d'informations utiles à l'exercice des missions, constituant une levée partielle du secret professionnel, aux seuls membres de la profession de commissaire aux comptes.

L'amendement COM-51 est adopté.

Article additionnel après l'article 53

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-52 supprime la formalité de désignation d'un commissaire aux comptes suppléant, fonction dont je me suis toujours demandé à quoi elle servait.

L'amendement COM-52 est adopté.

Article 54

Article 55

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-54 vise à supprimer une disposition dont le caractère normatif paraît incertain.

L'amendement COM-54 est adopté.

Article 57

Article 59

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-56 supprime l'article 59, partiellement repris à l'article 24 de la loi du 20 décembre 2014.

L'amendement COM-56 est adopté.

Article additionnel après l'article 59

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-57 simplifie les formalités que les héritiers actionnaires doivent renouveler auprès de l'administration fiscale chaque année pour bénéficier de l'exonération de 75 % des droits de succession sur la valeur des parts de société transmises, ce qu'on appelle le « pacte Dutreil ».

L'amendement COM-57 est adopté.

Intitulé de la proposition de loi

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

L'amendement COM-58 modifie l'intitulé de la proposition de loi, en remplaçant « code de commerce » par « droit des sociétés ». Je m'en suis enquis auprès de l'auteur de la proposition de loi, qui m'a donné son accord.

L'amendement COM-58 est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je voudrais faire une mise au point sur la discussion du texte relatif à la justice du XXIème siècle. J'ai reçu ce matin par lettre du Premier ministre confirmation du refus du Gouvernement d'inscrire ce texte en deuxième lecture au Sénat alors qu'il a plus que doublé de volume lors de son examen à l'Assemblée nationale, à la fois par des amendements du Gouvernement et de nos collègues députés qui portent sur des sujets importants tels le divorce, le changement d'identité des transsexuels et la suppression de la collégialité de l'instruction.

Il nous paraissait naturel de respecter le bicamérisme en examinant au Sénat ces nouvelles dispositions. Nous ne pourrons le faire que dans le cadre de la commission mixte paritaire, ce que nous déplorons, comme je l'ai fait savoir au Gouvernement. Notre rapporteur Yves Détraigne a pour sa part posé hier une question d'actualité au garde des sceaux qui a répondu sans beaucoup d'égards pour notre assemblée. Le Gouvernement a fait part de son souhait que le calendrier parlementaire de cette réforme, engagée il y a un an, ne soit pas étiré. Je crains que la véritable motivation soit ailleurs. Le Gouvernement ne souhaite pas que le Sénat se prononce sur le fond sur les dispositions ajoutées à l'Assemblée nationale dans la plus parfaite improvisation, certaines ne prenant pas en compte les difficultés qu'elles ne manqueront pas de soulever.

Je vous propose de ne pas répondre de manière stérile mais d'imposer le débat au Gouvernement et à l'Assemblée nationale lors des travaux de la commission mixte paritaire ainsi qu'en nouvelle lecture. Dans cette perspective, nous avons prévu un programme d'auditions le 8 juin prochain pour approfondir ces trois nouveaux thèmes. Elles suivront des auditions relatives aux moyens de la justice menées conjointement avec la commission des finances à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement. Le garde des sceaux, contrairement à sa prédécesseure, a souligné que le fonctionnement de la justice est sa principale préoccupation. Nous devons le prendre au mot et lui faire valoir que nous sommes préoccupés par les moyens humains et en crédits alloués à la justice, tant pour les tribunaux que pour l'administration pénitentiaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous souscrivons entièrement à vos propos, à l'exception de votre commentaire sur l'action de la prédécesseure de M. le garde des sceaux concernant la gestion de son ministère. Elle a aussi beaucoup oeuvré dans ce domaine, dans un contexte difficile, en faisant de nombreux déplacements en juridiction pour rencontrer les personnels et en créant de nombreux postes.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Pour être totalement crédible, il nous reste à créer, à l'image de ce qui s'est fait pour la défense, une programmation pluriannuelle des moyens, en fonctionnement et en investissement. Cette programmation assurerait à la justice la légitimité qui lui revient.

Enfin, la commission entend Mme Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Mes chers collègues, nous accueillons à présent Mme Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, à l'occasion de la publication de son rapport annuel qu'elle va nous présenter.

Debut de section - Permalien
Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Merci Monsieur le Président. Mesdames et Messieurs les sénateurs, je suis ravie de vous présenter cette année le rapport du Contrôle général des lieux de privation de liberté. Il me paraît tout à fait important que des autorités administratives indépendantes, comme la mienne, renforcent leurs liens avec le Parlement et puissent présenter leur rapport non pas seulement au Président de la République et au Président de chacune des assemblées, mais aussi aux commissions permanentes compétentes.

À titre liminaire, je soulignerai que cette année 2015 aura été difficile pour les droits fondamentaux des personnes détenues. Si le contexte que nous connaissons rend nécessaire et compréhensible le renforcement des mesures de sécurité qu'attendent nos concitoyens, celui-ci s'est opéré au détriment de ces droits fondamentaux. Je suis préoccupée, en tant que Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, par le passage au second plan de certains droits fondamentaux qui sont au coeur de notre État de droit.

Je vais vous exposer ce que nous avons constaté, au gré des quelque 150 missions effectuées par les contrôleurs, qui sont quinze jours par mois en mission - je le suis quant à moi une semaine par mois - à la fois dans les prisons, les centres de rétention administrative, les centres éducatifs fermés, les établissements pour mineurs, ainsi que les centres de rétention douanière.

Sur certains points, la situation n'a malheureusement guère évolué par rapport à ce que nous avions constaté en 2014. Les établissements pénitentiaires, avec le fléau de la surpopulation carcérale, sont notre principal sujet de préoccupation. Au 1er avril 2016, 68 361 personnes étaient écrouées pour 58 787 places opérationnelles auxquelles s'ajoutent 1 650 matelas au sol. Pour le pays des droits de l'homme, de telles données sont absolument indignes ! Nous avons un taux de densité carcérale de 137 % en moyenne qui peut atteindre les 200 % en outre-mer et dans les établissements de la région parisienne. Ainsi, à Fresnes ou encore à Fleury-Mérogis, nous enregistrons de 190 % à 200 % de taux d'occupation. Il faut absolument que les pouvoirs publics ne prennent pas seulement conscience de ce problème, comme ils le font déjà, mais se donnent les moyens de le régler. La loi promulguée le 15 août 2014 n'ayant manifestement pas fait baisser la surpopulation carcérale, il faut envisager d'autres solutions. Outre que l'état des prisons est fortement dégradé, cette surpopulation carcérale crée non seulement des conditions de prise en charge indignes pour les personnes détenues, mais induit toute une série d'autres problèmes relatifs aux droits fondamentaux des détenus comme le droit à la vie familiale, puisque le nombre de parloirs est déterminé par rapport à une population théorique. De même, le droit à la santé ne peut être respecté dans ces conditions. S'ajoutent à cela des risques de radicalisation, sur lesquels vous avez d'ailleurs travaillé. J'émets ainsi une alerte rouge sur la situation des prisons.

S'agissant des centres de rétention administrative, nous avons pu constater en 2015 une situation analogue en termes de surpopulation. En outre, le nombre d'enfants s'est accru de manière exponentielle. Dans les hôpitaux psychiatriques, qui demeurent une de nos priorités, on constate une grande disparité de pratiques. J'insisterai cependant sur le point suivant : le recours aux mesures de contention et d'isolement, sur lesquelles je viens de rendre un rapport la semaine dernière, s'est banalisé. Il a fallu attendre le vote de la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé pour que de telles pratiques soient véritablement encadrées. D'ailleurs, si la loi du 26 janvier 2016 me semble tout à fait conforme aux recommandations que nous avions formulées, en raison des obligations qu'elle précisait, je ne peux que souligner devant le législateur que, jusqu'à ce jour, toutes les visites que nous avons faites dans les hôpitaux psychiatriques nous montrent la méconnaissance de cette loi, qui est pourtant d'application immédiate. Toutes ces mesures positives, pourtant votées dans le cadre de cette loi, sont ainsi méconnues dans les établissements, qui sont en attente d'une circulaire d'application.

Nous avons fait plusieurs recommandations en urgence et rendu des avis importants, portant notamment sur les conditions insalubres de la maison d'arrêt de Strasbourg en avril 2015, ainsi qu'un avis au Gouvernement l'alertant du risque de détournement de procédure induit par les déplacements collectifs des personnes placées en rétention à Calais qui ont été dispersées sur tout le territoire alors que ces personnes n'allaient pas être reconduites à la frontière du fait de leur nationalité. J'ai également rendu au mois de juin 2015 un avis sur la radicalisation en milieu carcéral, à la suite de l'organisation d'une expérimentation de regroupement des détenus radicalisés, à laquelle je m'opposais. J'ai également demandé un suivi dans la durée d'une telle mesure. Je rendrai d'ailleurs un rapport début juillet 2016 sur cette question.

Pour conclure, certains dossiers avancent, fort heureusement d'ailleurs, grâce aux recommandations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Mais depuis huit ans que le contrôleur existe, mon prédécesseur, M. Jean-Marie Delarue, et moi-même dénonçons sans relâche l'absence d'évolution de certaines situations. Je pense, par exemple, à la situation des cellules de garde à vue dans les commissariats qui se trouvent dans un état intolérable et à des mesures attentatoires à la dignité, comme le retrait systématique des ceintures pour les hommes, des soutiens-gorge pour les femmes ainsi que des lunettes pour tous. Il faut nécessairement prendre en compte la situation où de telles mesures sont justifiées, mais le faire de manière systématique porte une atteinte grave à la dignité des personnes.

Parce que je considérais que ces avis n'étaient pas suffisamment suivis, j'ai établi un moyen de suivre dans le temps l'exécution des recommandations faites par le Contrôle général depuis sa création en 2008. Il n'est pas admissible que certaines recommandations tombent dans l'oubli tant elles touchent à la quintessence des droits fondamentaux. Certes, certaines recommandations que nous formulons peuvent très bien ne pas susciter l'approbation du Gouvernement ou du Parlement. Mais certaines choses tangibles démontrent un renoncement aux droits fondamentaux et ne peuvent pas, à mon sens, être tolérées dans une démocratie. Je vous remercie.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Merci Madame la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté. Je vais à présent donner la parole aux collègues qui le souhaiteront.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Merci Madame la Contrôleure pour votre éclairage. Vous êtes-vous penchée sur le cas de Mayotte qui est hors norme à tous points de vue ? La situation de la maison d'arrêt de Majicavo et du centre de rétention administrative de Pamandzi s'est en effet améliorée, mais la situation globale de Mayotte donne encore matière à d'autres préconisations.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Je souhaitais, Madame la Contrôleure, vous rendre hommage publiquement pour les déclarations que vous aviez faites il y a quelques mois sur les demandeurs d'asile qui se trouvaient dans des centres de rétention. Je l'avais constaté moi-même et j'avais alors posé une question au Gouvernement en ce sens, mais mes moyens d'être écoutée par celui-ci sont moindres que les vôtres ! Lors de ma visite du centre de rétention administrative de Vincennes, j'avais constaté ce que vous aviez dénoncé. Je souhaitais revenir sur la question des fouilles intégrales sur laquelle le Parlement s'est prononcé en votant la loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale qui me paraît constituer une atteinte aux droits fondamentaux. De nombreux avocats nous sollicitent d'ailleurs sur cette question sur laquelle j'aurais souhaité recueillir votre avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je souhaitais également rendre hommage à votre action et aborder deux points. Le premier concerne la surpopulation carcérale, qui est un combat mené par le Sénat depuis de nombreuses années et qui n'a toujours pas trouvé de solution, auquel s'ajoute l'encellulement individuel sur lequel les progrès sont tout de même très faibles, et le second les hôpitaux psychiatriques. Je souhaiterais faire le lien entre ces deux points. La présence de personnes connaissant des problèmes psychiatriques dans les prisons est un scandale. Leur place n'est pas en prison et leur présence nuit à l'ensemble des autres détenus et au personnel pénitentiaire. En effet, cette présence suscite des tensions extrêmement fortes et renforce les difficultés qui sont déjà liées à la surpopulation carcérale. Même si je crains que la réponse soit négative, avez-vous déjà constaté des progrès quant à l'approche de ces cas psychiatriques dans les prisons ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je me joins bien entendu à l'ensemble de mes collègues pour saluer les actions que vous menez. Je vous poserai une question d'actualité. Dans la nuit de lundi à mardi, le centre pénitentiaire de Saran, dans le Loiret, a dû être évacué en partie, ce qui a causé de très grands problèmes. Il s'est avéré que cette prison a été construite sur un site inondable. Je voulais solliciter auprès de vous une enquête.

Debut de section - Permalien
Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Je suis bien évidemment au courant de cette situation et j'ai suivi cet événement. Il se trouve que nous étions à Saran il y a quelques semaines et que cet établissement pénitentiaire, dont personne n'a indiqué qu'il avait été construit en zone inondable, nous a paru présenter une architecture intéressante. J'ai été moi-même très surprise par cette inondation et l'évacuation d'une partie de la population pénale dont j'imagine la difficulté. Ce n'est cependant pas au Contrôleur général de conduire une enquête sur ce point, mais à l'administration pénitentiaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous suivrez certainement cette enquête avec vigilance.

Debut de section - Permalien
Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Absolument, Monsieur le Président.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Je vous remercie, Madame la Contrôleure, pour la concision de votre rapport. Malgré leur netteté, les observations que vous faites apparaissent répétitives et les choses ne bougent pas. Que vous dit le Gouvernement ? Pourquoi cette situation perdure-t-elle ? Est-ce pour des motifs financiers, imputables au contexte de rigueur budgétaire que nous connaissons ? Sentez-vous également certains freins, dans l'administration pénitentiaire ou centrale, pour mettre en oeuvre les mesures que vous proposez ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Rien ne nous empêche de vous redire notre considération pour votre indépendance qui transparaît dans votre propos. Vous avez décrit une situation qui n'est, à l'évidence, absolument pas supportable. Vous avez d'ailleurs employé un ton et des expressions comme « alerte rouge », « recommandation en urgence », « interpellation du Gouvernement », ou indiqué qu'il n'était pas admissible que certaines recommandations tombent dans l'oubli. Auriez-vous l'amabilité de nous préciser deux ou trois de ces recommandations qui sont justement tombées dans l'oubli ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Comme mes collègues, je vous félicite pour votre rapport que je trouve, pour ma part, dans la lignée de ceux de M. Delarue qui a toujours insisté sur les manques de notre système pénitentiaire et, plus largement, des lieux privatifs de liberté. La surpopulation carcérale est en effet un vrai problème qui doit être considéré dans sa globalité. On peut en effet faire baisser la surpopulation carcérale de deux manières, soit en condamnant moins, soit en offrant davantage de places. Lorsqu'on regarde la situation carcérale de notre pays par rapport aux pays voisins comparables, nous avons plutôt moins de places de prison. Parmi ces places, certaines peuvent également être qualifiées d'indignes même si de nombreux efforts ont été déployés pour fermer les établissements les moins respectueux de la dignité des détenus et construire de nouveaux établissements. Il reste encore beaucoup à faire. Nous avons certes de très grands centres, mais lorsqu'on commence à faire dormir les détenus sur des matelas au sol, comme j'ai pu moi-même le constater, il est très difficile d'envisager la réinsertion des personnes placées dans une telle situation.

Il faut aussi que nos concitoyens aient conscience des conséquences d'une sévérité accrue des juges. Or, point n'est besoin de la réclamer, puisque les magistrats français sont beaucoup plus sévères que leurs homologues européens. Nous savons également que près de 85 000 personnes condamnées ne voient pas leurs peines appliquées faute de place, puisque le nombre de prisonniers excède de près de dix mille le nombre de places dans les prisons. Il faudra que la Nation tout entière prenne position sur ce sujet de société très mal compris par nos concitoyens.

Sur la question des fouilles, qu'on fasse les fouilles dans les conditions prévues par la loi relative à la lutte contre la criminalité organisée ou au moyen d'appareils spécifiques qui « dénudent » les personnes, comme aux États-Unis, la différence entre ces deux systèmes me paraît peu probante. Vos recommandations sont toujours bienvenues ! Lorsqu'on est en responsabilité et qu'on voit apparaître le rapport du Contrôleur général, on se demande quelles réponses on va devoir apporter à des questions qui sont justes. Il faut continuer à poser ces questions.

On devrait dire très clairement à ce Gouvernement, pour le temps qui lui reste, qu'on ne peut abandonner l'objectif de construire de nouvelles places de prison. Mais leur localisation pose problème. Certains élus veulent des prisons, car elles apportent de la population et de la dotation globale de fonctionnement. D'autres élus n'en veulent pas ou souhaiteraient construire des prisons où l'on ne peut aller, mais dans lesquelles les familles devraient cependant être en mesure de se rendre. Il faudrait organiser une grande concertation nationale sur la question de la localisation des nouveaux établissements. Les dix mille places qui manquent et les vingt-cinq mille qu'il faudrait reconstruire, pour assurer la dignité de l'accueil des détenus, ne résoudraient pas tous les problèmes, car il faut également s'assurer de la possibilité de l'acheminement des familles. À cet égard, on constate une grande inégalité de traitement : certaines prisons disposent de parloirs où les familles peuvent passer plusieurs jours tandis que d'autres établissements n'ont aucune infrastructure de cette nature. L'inégalité de traitement est aussi très grande dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Merci mon cher collègue. Madame la Contrôleure, je vous laisse la parole pour répondre aux questions de mes collègues.

Debut de section - Permalien
Adeline Hazan, Contrôleure générale des lieux de privation de liberté

Je répondrai à M. Thani Mohamed Soilihi que nous suivons bien évidemment le dossier de Mayotte avec une grande vigilance. Une première mission avait été conduite au centre de rétention administrative de Mayotte en 2009-2010 et nous prévoyons d'en organiser une nouvelle dans un avenir très proche. La situation est en effet préoccupante et nous avons décidé d'en mesurer l'ampleur in situ très prochainement.

Sur la question adressée par Mme Esther Benbassa, je n'avais pas eu l'occasion d'en parler et je suis ravie que vous l'ayez abordée. En effet, le rétablissement des fouilles systématiques me paraît entraîner un recul extrêmement important des droits fondamentaux en raison d'un contexte sécuritaire qui les relègue loin derrière les exigences de sécurité. Parce que la France a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne des droits de l'homme pour son système de fouilles systématiques, la loi de novembre 2009 avait pris des mesures qui me paraissaient tout à fait équilibrées. En effet, cette loi avait interdit le principe des fouilles intégrales systématiques tout en les autorisant du moment que sont réunis des motifs spécifiques, comme le risque qu'un détenu fasse entrer des produits ou objets illicites. Ce dispositif me paraît tout à fait pertinent. Cependant, comme je le souligne dans le rapport annuel 2015, le problème réside dans sa mauvaise application.

Les contrôles que nous conduisons régulièrement nous montrent que cette loi n'était pas respectée et que les fouilles systématiques étaient poursuivies. J'ai alors alerté les pouvoirs publics en demandant une évaluation de la loi pénitentiaire et en demandant que le garde des sceaux rappelle aux directions interrégionales des services pénitentiaires que ces fouilles ne peuvent être systématiques. Cette tendance n'a pas vraiment été suivie, puisque le Gouvernement a, bien au contraire, fait passer un amendement dans la loi qui, à mon sens, rétablit le caractère systématique des fouilles. Le garde des sceaux nous assure de la conformité de cette disposition avec la jurisprudence de la convention européenne des droits de l'homme, car des critères précis sont définis. En effet, lorsque dans un établissement, il y aura des raisons de soupçonner l'introduction d'objets ou de substances interdits, alors des fouilles pourront être globalement conduites. Je défie quiconque de nous présenter un établissement qui ne présente pas ce risque. On pourra ainsi le faire tous les jours et de manière aléatoire. Cette disposition me paraît extrêmement grave et j'ai écrit aux présidents des commissions des lois des deux assemblées, ainsi qu'à tous les membres de la commission mixte paritaire, avant leur examen des dispositions finales du texte pour les alerter du grand danger de cet amendement gouvernemental. Je n'ai manifestement pas été entendue puisque cet amendement est largement passé, toutes familles politiques confondues.

Sur la question posée par M. le sénateur Anziani qui concerne la surpopulation carcérale, les hôpitaux psychiatriques et le nombre de cas psychiatriques dans les prisons, j'adhère totalement au constat qui a été dressé. Il y a en effet énormément, et de plus en plus, de personnes détenues qui ont des problèmes psychiatriques. Il n'y a pas eu d'étude épidémiologique au sens strict conduite depuis une dizaine d'années, mais d'un point de vue empirique, on peut dire que 70 % des détenus présentent, au sens large, des troubles et environ 20 à 25 % des troubles graves, comme la psychose ou la schizophrénie. Des progrès ont certes été enregistrés, du fait de la création des services médico-psychologiques régionaux (SMPR) et des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) où les personnes détenues présentant des troubles peuvent être mieux soignées à l'intérieur de la prison. Ces progrès me paraissent tout à fait insuffisants. Il faut ainsi renforcer les moyens à l'intérieur des établissements et se poser la question de savoir ce qu'un certain nombre de personnes font en prison, alors que le motif de leur incarcération est consécutif à des troubles psychiatriques. Un certain effet pervers peut d'ailleurs être constaté, dans le fait que certains magistrats incarcèrent des personnes notamment parce qu'elles pourront ainsi être soignées en prison. Or, la prison ne peut être considérée, en premier lieu, comme un lieu de soins.

S'agissant de l'interrogation de M. le sénateur Détraigne, le Gouvernement répond aux points que nous soulevons en termes de moyens. Je pense notamment à la question de l'aspect indigne, et souvent totalement insalubre, des cellules de garde à vue, qui relève à l'évidence d'une question de moyens. Les conditions de travail des personnels, aussi bien dans les prisons que dans les commissariats, sont aussi indignes. Il s'agit de problèmes budgétaires, mais beaucoup de recommandations que nous faisons n'impliquent pas de moyens budgétaires supplémentaires. Dans ces cas-là, nos recommandations ne sont pas suivies d'effets, soit en raison d'une inertie administrative, soit en raison d'un manque de volonté politique. Il faut par exemple que les pouvoirs publics s'interrogent sur l'intérêt des très courtes peines en prison, qui induisent bien souvent une perte d'emploi et un abandon de logement. Ne serait-il pas plus intéressant de procéder autrement pour l'exécution de ce type de peines ?

Cependant, j'ajouterai une touche d'optimisme. Certaines de nos propositions réitérées sont suivies d'effets, lorsque nous contrôlons les établissements. En effet, lors des réunions de restitution, nous constatons que les établissements modifient leurs pratiques. Certaines initiatives se sont ainsi avérées particulièrement intéressantes. Nous dénoncions la situation des femmes enceintes qui étaient incarcérées. La loi du 15 août 2014 nous a donné raison en rendant, en principe, exceptionnelle leur incarcération. La loi du 26 janvier 2016 sur la contention et l'isolement est, en grande partie à mon sens, une réponse aux constats et aux préconisations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il s'agit d'un travail de longue haleine, mais heureusement, certaines de nos recommandations finissent par être suivies d'effets.

Sur la question posée par M. le sénateur Pillet, il y a dans la volonté de construire de nouvelles prisons à la fois une nécessité et une logique d'inflation carcérale qui ne me semble pas bonne. Je pense qu'annoncer, comme cela a été fait récemment, la construction de 20 000 places en établissement pénitentiaire d'ici à 2020 ne constitue pas une démarche pertinente. Lorsque Mme Christiane Taubira avait évoqué, en 2014, 6 000 places nouvelles, un tel chiffre me paraissait nécessaire et suffisant. Culturellement, plus il y a de place, plus il y a d'incarcération. Ce n'est nullement une mise en cause du travail des magistrats, mais un constat étayé par des statistiques qui démontrent que la construction de nouveaux espaces carcéraux induit systématiquement une augmentation du nombre de détenus. Il faut ainsi que les pouvoirs publics aient le courage de réfléchir à la régulation de la population carcérale. Une telle démarche est déjà opérée dans les ressorts administratifs des tribunaux et des prisons. Ainsi, lorsque les places disponibles en cellule ne permettent plus de juguler la surpopulation carcérale, les magistrats et les directeurs de prison se réunissent parfois pour éviter que ne soient mis en oeuvre des moyens de fortune, comme les matelas au sol dont parlait M. le sénateur Michel Mercier, en modifiant à la marge l'exécution d'une peine ou en aménageant la peine d'un détenu, huit jours avant sa sortie. Tout le monde n'est pas d'accord avec cette proposition, mais je sais que M. Jean-Jacques Urvoas, alors président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, l'avait défendue. Je pense qu'on y viendra et qu'il n'y aura pas d'autre solution. Autant que cette démarche se fasse dans l'intelligence collective ! D'ailleurs les pouvoirs publics l'acceptent à l'échelle locale, mais ne veulent pas l'officialiser. Il faut du courage politique même si de telles positions peuvent s'avérer clivantes aux yeux de l'opinion.

S'agissant des questions et des réflexions formulées par M. le sénateur Mercier, la question de la localisation des établissements pénitentiaires est en effet délicate. Maintenant, l'ensemble des intervenants, qu'ils soient personnels pénitentiaires, parlementaires, sociologues ainsi que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, ont la certitude que la construction de très gros établissements éloignés de centres urbains n'est pas une bonne solution. Une telle démarche s'avère très déshumanisante comme le soulignent à la fois les surveillants et les détenus lors de nos missions. L'internement dans des lieux, certes modernes, mais isolés implique une perte de relations humaines. Puisque ces établissements sont situés très loin des villes, ils sont très difficiles d'accès et posent de réels problèmes en termes de maintien de liens familiaux. En l'absence de transports en commun, comment les familles peuvent-elles s'y rendre ? Il est ainsi impossible pour les familles de se rendre depuis Dijon au centre de détention de Villenauxe-la-Grande qui est distant d'une trentaine de kilomètres. Il leur faut alors prendre un taxi. On éprouve également de réelles difficultés à recruter des médecins et des enseignants. Un lieu reculé peut ainsi induire toute une série de problèmes en cascade.

S'il n'y a pas une prise de conscience que le budget de la justice doit être sérieusement renforcé, voire doublé, les pouvoirs publics n'arriveront pas à régler les problèmes que nous venons d'exposer. Le budget de la justice a été sacralisé par rapport à d'autres budgets depuis 2012. Il a certes augmenté, mais pas dans des proportions suffisantes par rapport aux enjeux et aux besoins. Bien que tous les gouvernements aient souligné le caractère prioritaire de la justice, aucun n'a encore pris les mesures budgétaires traduisant cette priorité que l'on doit afficher si l'on veut que notre justice et notre administration pénitentiaire fonctionne dans des conditions respectueuses des libertés des uns et des autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Madame la Contrôleure générale, merci de vos réponses très précises. La commission des lois est parfaitement consciente que la situation actuelle du service public de la justice est devenue critique. Elle a d'ailleurs décidé de s'engager dans un travail commun avec la commission des lois de l'Assemblée nationale qui va dans le sens des déclarations du garde des sceaux. En effet, celui-ci a compris que la priorité pour la justice n'était pas de légiférer, mais bien remettre à niveau les moyens. Bien sûr, compte tenu de la situation générale des finances publiques, cette remise à niveau passe très certainement par des réformes très importantes tant pour ce qui concerne les lieux de privation de liberté que les tribunaux, car une partie du chemin de cette remise à niveau doit venir d'un effort de notre appareil judiciaire lui-même. Sans ce dernier, il serait utopique d'espérer y parvenir. Je me rendrai demain, avec les rapporteurs pour avis concernés, à une visite d'un tribunal de grande instance et d'un établissement pénitentiaire important de la région parisienne avec le président de la commission des lois, M. Dominique Raimbourg, pour illustrer les difficultés que notre commission a depuis longtemps diagnostiquées.

En outre, nous aurons, la semaine prochaine, à l'occasion de l'examen du projet de loi de règlement pour 2015, une série d'auditions communes avec la commission des finances du Sénat pour examiner les difficultés particulières du service public de la justice, lesquelles ont été aggravées, depuis longtemps déjà, par des législations qui ajoutent de nouvelles missions à la charge de ce service public sans que n'aient été au préalable mesurés les moyens nécessaires à leur mise en oeuvre. Si bien qu'on se retrouve aujourd'hui, comme tout récemment, avec des dispositions législatives qui visent à balayer un certain nombre de dispositions antérieures, comme la collégialité de l'instruction ou le système en vigueur en matière de divorce, dont le retrait n'est pas justifié par un examen de fond, mais par les difficultés rencontrées dans la mobilisation nécessaire à leur bonne application.

Il est ainsi nécessaire que la justice se réforme pour pouvoir faire le meilleur usage possible de moyens limités tout en les augmentant, mais il est également nécessaire que nous, législateurs, en accord avec le Gouvernement, puissions limiter les initiatives législatives que nous n'avons pas les moyens de mettre en oeuvre. C'est une question tout à fait complexe et je suis convaincu qu'elle va mobiliser l'attention de notre commission des lois au cours des six mois à venir, de sorte que nous puissions espérer avoir une position très claire sur les mesures à prendre. En effet, il ne suffit pas de réclamer une hausse des moyens pour l'obtenir ni pour qu'elle règle miraculeusement les problèmes de fond auxquels nous sommes confrontés. En tout cas, je vous remercie au nom de la commission des lois d'avoir soulevé, dans votre intervention, cette problématique qui nous paraît essentielle. Il ne s'agit pas seulement de faire du quantitatif, mais aussi du qualitatif, et vous l'avez bien relevé dans votre rapport. Madame la Contrôleure, nous vous remercions de cette audition qui a été à la fois concise et approfondie.

La réunion est levée à 12 h 08