Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission procède à la nomination de deux rapporteurs.
Pour rapporter le projet de loi prorogeant l'état d'urgence, le nom de Michel Mercier, notre rapporteur spécial pour le suivi de l'état d'urgence, s'impose.
M. Michel Mercier est nommé rapporteur sur le projet de loi de prorogation de l'état d'urgence.
est nommé rapporteur sur le projet de loi constitutionnelle n° 3381 (A.N., XIVème lég.) de protection de la Nation (sous réserve de son adoption par l'Assemblée nationale et de sa transmission).
MM. Philippe Bas, François Bonhomme, Alain Fouché, François Zocchetto, Alain Richard, Jean-Claude Leroy et Mme Éliane Assassi sont désignés en qualité de membres titulaires et M. Pierre-Yves Collombat, Mmes Jacky Deromedi et Sophie Joissains, MM. Louis Nègre, Jean-Jacques Filleul et Roger Madec et Mme Catherine Troendlé en qualité de membres suppléants.
La commission procède à l'examen des amendements sur son texte n° 338 (2015-2016) sur la proposition de loi n° 284 (2015-2016) présentée par M. Jean-Pierre Sueur visant à permettre l'application aux élus locaux des dispositions relatives au droit individuel à la formation.
Article additionnel avant l'article 1er
L'amendement n° 1 rectifié supprime la ponction de 1 % opérée sur l'indemnité des élus locaux afin de financer leur droit individuel à la formation. Il est contraire au dispositif retenu. Retrait ou avis défavorable.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 1 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
Article 1er
La commission demande le retrait de l'amendement n° 2 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
La commission donne les avis suivants :
Présidence de M. Jean-Pierre Sueur, vice-président -
La commission procède à l'examen des amendements sur la proposition de loi constitutionnelle n° 258 (2015-2016) présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues visant à inscrire les principes fondamentaux de la loi du 9 décembre 1905 à l'article 1er de la Constitution.
Article unique
La semaine dernière, nous sommes convenus, au terme de l'examen de cette proposition de loi constitutionnelle, qu'il ne convenait pas de légiférer. Les principes de la loi de 1905, notamment celui selon lequel nul culte ne peut être salarié ou subventionné, sont entrés dans les moeurs et ont donné lieu à de nombreux assouplissements législatifs. Dès 1906, la possibilité a été donnée aux communes de construire des lieux de culte pour les céder ensuite aux associations cultuelles sous la forme de baux emphytéotiques ; en 1924, le régime concordataire d'Alsace-Moselle a été consolidé ; des adaptations ont été aménagées dans les collectivités d'outre-mer et des dispositions fiscales prises pour l'ensemble du territoire. Une constitutionnalisation de la loi du 9 décembre 1905 aurait pour conséquence de faire tomber toutes ces législations particulières.
Est-ce à dire que certaines formes d'expression religieuse ne posent pas problème dans leurs relations avec la loi ? Nullement : les revendications communautaristes qui font prévaloir la religion sur les règles communes ont une très forte portée subversive.
Ne rouvrons pas le débat sur la postérité de la loi de 1905, mais traitons le problème de l'heure, celui du communautarisme. Énoncer que « nul individu, nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s'exonérer du respect de la règle commune » donne aux responsables de collectivités territoriales, d'établissements publics et d'entreprises les moyens d'opposer, de manière solennelle, la règle commune à toute revendication communautariste. Pour autant, elle n'empêche pas les employeurs de prévoir des assouplissements de cette règle au sein de leur établissement, mais elle interdit de considérer les revendications communautaristes comme des droits qui s'imposent à l'employeur ou à la collectivité.
La présidente de la RATP m'a récemment fait part du besoin d'une référence à opposer à ces revendications. Certes, le Conseil constitutionnel a eu de nombreuses occasions de rappeler l'égalité devant la loi de tous les citoyens, en application de l'article 1er de la Constitution et de la Déclaration des droits de l'homme. Mais la phrase que je propose d'inscrire à l'article 1er de la Constitution donnerait plus de force que la jurisprudence à l'exigence républicaine de respect de la règle commune - loi, réglementation ou règlement intérieur d'un établissement public ou d'une entreprise.
Votre amendement démontre l'intérêt et la pertinence du débat introduit par la proposition de loi constitutionnelle. Les motivations de l'amendement, détaillées dans l'objet, sont claires : préciser les conséquences du principe de laïcité. On répondra que ces conséquences ont déjà été dites ; mais peut-être ne l'ont-elles pas été assez. Notre commission est unanime pour dire que ce principe doit être acquis. Est-il utile de le réaffirmer, dans les termes proposés ? Dans les circonstances présentes, je pense, à titre personnel, qu'une réaffirmation, en termes purs, des conséquences de ce principe dans la Constitution peut être acceptée : en réalité, celle-ci répète en matière de laïcité ce que dit la Déclaration des droits de l'homme.
Face aux nombreuses dérives communautaristes parfois cautionnées par des élus ou des responsables, c'est le moment ou jamais de réaffirmer le principe de laïcité. Dans l'amendement, après « s'exonérer », il faudrait cependant ajouter « ou être exonéré », car ces revendications sont souvent validées par ceux qui entrent dans le jeu du communautarisme, en violation des règles de la laïcité. La précision n'est pas inutile.
La semaine dernière, nous avons tous rappelé que le respect de la laïcité devait demeurer au coeur de nos préoccupations, au regard des récents évènements et de la montée du communautarisme. Toutefois, nous étions réservés quant à la pertinence d'une révision constitutionnelle ; la même observation vaut pour cet amendement. Ne modifions pas la Constitution à la va-vite.
La rédaction de l'amendement pose aussi problème. L'origine et la religion ouvrent un champ très large, qui pourrait aussi inclure les opinions ; même flou dans le verbe « se prévaloir », qui suggère une action devant les tribunaux ; enfin, on peut aussi s'interroger sur la portée juridique de la notion de « règle commune ».
La loi de 1905 se suffit à elle-même. Modifiée onze fois, sa formulation actuelle répond à l'ensemble des situations que notre société rencontre, à condition d'être appliquée pleinement et totalement. La loi, toute la loi et rien que la loi : la République a les outils pour rester laïque et lutter contre tous les communautarismes et les intégrismes.
Je parlerai en tant qu'historienne des religions. Un bref rappel de l'histoire de la loi de 1905 n'est pas inutile. Le mot de laïcité en est absent. À l'époque, la France était divisée en deux par l'action du président du Conseil d'alors, le petit père Combes.
Combes s'était attaqué à l'enseignement congréganiste. En 1905, parler de laïcité, c'était s'opposer à la religion majoritaire, le catholicisme, et ainsi diviser la France. En revanche, en 1946, le gouvernement tripartite, qui comprenait des communistes et des catholiques, s'est entendu pour introduire le mot « laïque » dans la Constitution de la IVe République - repris ensuite dans la Constitution de 1958.
Dans une décision du 21 février 2013, le Conseil constitutionnel s'est opposé à la suppression du concordat demandée par une association alsacienne laïcarde.
À l'heure où la France se trouve à nouveau divisée, attention à ne pas stigmatiser l'islam. Le communautarisme, dans les banlieues, prend des apparences laïques recouvrant une opposition aux institutions, ce qui est bien plus grave. Ces dernières années, la laïcité est devenue un élément de division. Arrêtons-nous à une laïcité ouverte, inclusive, respectueuse de la liberté de culte. Les textes existants sont clairs et suffisants pour ceux qui veulent promouvoir le vivre-ensemble. J'en appelle à une laïcité conviviale et généreuse.
Les motifs de l'amendement sont louables, mais l'enfer est pavé de bonnes intentions. Quelle est la règle commune à laquelle il fait référence ? S'il s'agit des divers textes législatifs et réglementaires, l'amendement est inutile ; dans le cas contraire, qui édicte cette règle commune ? Par nature, elle varie en fonction du temps et du lieu, et ne saurait pour cette raison être inscrite dans la Constitution. En voulant apaiser, votre amendement ouvre un champ d'interprétation, de conflit et de contentieux.
Le fait est rare, je souscris entièrement aux propos d'Esther Benbassa sur la nature de la laïcité. Le principal défi n'est pas le concordat ou les dispositions dérogatoires outre-mer, mais bien la poussée communautariste et ceux qui l'instrumentalisent, dans l'anticléricalisme à gauche, dans l'islamophobie à droite.
Dans la laïcité actuelle, les musulmans sont moins égaux que les autres, puisqu'ils n'avaient pas de lieux de culte en 1905. Le communautarisme, ce n'est pas l'organisation des cultes, mais la volonté d'imposer des prescriptions religieuses hors de la sphère individuelle et de les faire prévaloir sur les lois de la République. La laïcité est posée par l'article 1er de notre Constitution, alors qu'elle ne figure pas dans la loi de 1905. Si la proposition de loi constitutionnelle se borne à rappeler l'article 1er de la loi de 1905, très bien. Mais si elle fait référence à l'article 2, nous sommes déjà dans les modalités.
La loi de 1905 a été un acte fondateur, et le 9 décembre devrait être commémoré, mais ce n'est pas l'alpha et l'oméga de la laïcité. La loi est par nature évolutive, et Philippe Bas aurait pu citer le financement de la construction de la grande mosquée de Paris. Geler un principe constitutionnel en le mettant sous cloche est le meilleur moyen de le tuer.
Si la proposition de loi doit être modifiée - et je n'en suis pas convaincu -, elle doit l'être dans le sens que suggère Philippe Bas. Le pouvoir constituant pourrait ainsi rappeler au Conseil constitutionnel à quel point il s'oppose aux dérives communautaristes. Ce n'est pas indispensable, mais cela peut être utile.
Je vais assister, à Roubaix, à une cérémonie en hommage à André Diligent. Deux constats : il y a plus de gens qui parlent de laïcité que de gens qui la pratiquent au quotidien ; et la foultitude de lois, la kyrielle d'arrêts du Conseil d'État et de décisions du Conseil constitutionnel montrent à quel point l'architecture de la laïcité est difficile. Jaurès préconisait d'apaiser la question religieuse pour poser la question sociale. La jurisprudence du Conseil d'État s'est merveilleusement acquittée de la nécessaire différenciation à opérer à l'égard de l'Alsace-Moselle.
Je vais finir par regretter la Constitution d'avant 2008, où la possibilité d'une révision constitutionnelle par initiative parlementaire était strictement encadrée, et non laissée à l'encan ! Vous le savez, je suis un binational : moitié centriste, moitié socialiste...
Loin de me renier, je le redis avec force : ne modifions pas la Constitution à la légère. La dernière chose que m'a confiée Jean-Jacques Hyest avant de rejoindre le Conseil constitutionnel est la suivante : la Constitution n'est pas un texte qui interdit. Laissez les juges faire leur travail !
L'enfer est décidément pavé de bonnes intentions. Je comprends celles de Philippe Bas, mais son amendement recèle des possibilités dangereuses. Personne ne saurait revendiquer que des menus halal soient servis dans les cantines de sa commune ; mais rien n'empêche les communes de le faire.
En Alsace-Moselle, le Vendredi Saint est un jour férié institué par le code du travail local. À l'origine, comme les protestants sont particulièrement attachés au Vendredi Saint, la disposition s'appliquait aux communes où se trouvait un temple, avant d'être généralisée. Si l'amendement de Philippe Bas est voté, alors les commerces locaux pourront le faire valoir pour demander l'autorisation d'ouvrir le Vendredi Saint ! Attention aux conséquences d'une réflexion trop hâtive. Recherchons l'apaisement plutôt que de ressusciter de vieux débats.
Je m'associe aux appels à la prudence. Notre groupe, après une réflexion de plusieurs mois, est parvenu à la conclusion qu'il convenait de ne pas réviser la Constitution.
D'abord, le Conseil constitutionnel n'a rencontré aucune difficulté pour interpréter l'article 1er de la Constitution, comme le montre notamment la décision du 19 novembre 2004. Ensuite, la loi de 1905 est elle aussi particulièrement claire, et il n'y a pas lieu de modifier son articulation avec cet article 1er. Enfin, la formulation de l'amendement laisse penser, a contrario, qu'il existe des cas où l'on peut s'exonérer du respect de la règle commune. La formulation positive est préférable, qui affirme que la République « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens » et « respecte toutes les croyances ».
C'est pourquoi nous voterons contre l'amendement.
Je vois mal l'objectif poursuivi par la proposition de loi constitutionnelle et son apport, mais je vois clairement les dégâts qu'elle pourrait entraîner pour le concordat d'Alsace-Lorraine.
La semaine dernière, les sénateurs RDSE n'étant pas là pour nous fournir une explication de texte, nous nous sommes interrogés sur de possibles arrière-pensées visant la lutte contre le communautarisme ; de ce point de vue, l'amendement de Philippe Bas a l'avantage d'être très clair. Mais est-il nécessaire d'inscrire dans la Constitution ce que le Conseil constitutionnel a déjà rappelé dans ses décisions ? Il ne faut toucher à la Constitution qu'avec une main tremblante, or les révisions sont à la mode en ce moment, sans qu'on en subodore toujours les incidences...
Jacques Bigot a rappelé qu'au nom de la lutte contre le communautarisme, on risquait de remettre en cause des situations qui ne posent pas problème - et pas seulement le Vendredi Saint ! La semaine dernière, nous avons rejeté cette proposition de loi, préférant maintenir ce qui fonctionne et contribuer à une laïcité apaisée. Je suis par conséquent réservé sur l'amendement, qui risque d'engendrer de nouvelles difficultés. Soyons prudents !
Nous n'avons que deux possibilités claires et acceptables. La première est celle que nous proposons : rappeler la loi de 1905, qui explicite la notion de laïcité à une époque pas aussi apaisée que certains le prétendent. Esther Benbassa a évoqué les divisions suscitées par le père Combes, mais il avait face à lui une Église qui refusait la République - je vous renvoie au Syllabus et au Quanta Cura de Pie IX !
La loi Carle - que j'ai votée car elle apportait des améliorations pratiques - consacre néanmoins l'égalité de traitement entre l'enseignement public et l'enseignement privé ; ce n'était pas dans la Constitution, mais devient un principe fondamental de la République...
La seconde position consiste à considérer que le moment n'est pas venu de réviser la Constitution et que la laïcité se suffit à elle-même ; que l'on va aggraver la situation alors que la jurisprudence a jusqu'à présent su régler les problèmes. De là à réécrire entièrement notre proposition de loi... Notre président estime qu'il faut traiter le problème de l'heure, mais la Constitution n'est pas un panneau d'affichage ! Votez la proposition de loi ou ne la votez pas, mais ne la transformez pas par un amendement à la rédaction discutable.
Esther Benbassa a eu raison de convoquer l'Histoire sur un sujet complexe, d'une actualité permanente. Il y a un consensus autour de la nécessité de ne retoucher la Constitution qu'en cas d'extrême nécessité. En l'espèce, la jurisprudence s'accommode très bien des textes actuels. Il est donc inutile de raviver ce débat, qui plus est en contradiction avec la position prise par notre commission la semaine dernière sur cette proposition de loi. Pourquoi lui substituer une autre formulation ? Le contenu de la laïcité est mis en forme par les décisions des tribunaux, les initiatives des élus et les demandes de nos concitoyens. Ils attendent de nous qu'on apaise le débat.
Le sujet est sensible. À la suite des polémiques sur les crèches dans les mairies, l'Association des maires de France a cru bon de publier un bulletin explicitant la notion de laïcité. Nombre de maires de mon département s'en sont indignés ; quatre d'entre eux, pourtant guère militants, refusent depuis de payer leur cotisation à l'AMF. Nous avons ouvert un faux débat, qui n'existe pas dans la société !
Souffrez, monsieur le ministre, que je m'exprime. Sur la forme, je n'ai pas l'habitude d'être une « mère porteuse législative ». Sur le fond, je suis sensible à l'amendement de Philippe Bas, qui adresse un message au communautarismes, mais il ne correspond pas à notre texte initial, d'où des appréciations diverses au sein de notre groupe.
Les propos entendus ce matin sont très révélateurs de l'évolution de la société française - au-delà du respect de toutes les opinions, y compris la défense des intérêts locaux. La laïcité n'accepte pas de demi-mesure : il n'y a ni laïcité inclusive, ni laïcité accommodante. Soit on applique la loi de la République, soit ce sont des dérives communautaristes ; voyez le débat autour de l'Observatoire de la laïcité ! Ce point figurait dans les propositions du candidat Hollande. Ne prévoir qu'une obligation de moyens et non de résultat, voilà qui est original...
L'article 1er de la loi de 1905 a vocation à entrer dans la Constitution, pour cristalliser la liberté de conscience, la liberté d'exercer un culte et la séparation des Églises et de l'État. Ce serait plus opportun que d'y inscrire la déchéance de nationalité ! J'approuve M. Vandierendonck : ne touchons pas trop à la Constitution - mais que les premiers d'entre nous commencent par le faire !
Tout recul de la laïcité serait un recul de la République. N'engageons pas notre République dans une frilosité, conjugaison de pudeur, de pruderie et de pudibonderie. Il est des valeurs sur lesquelles on ne saurait transiger sans y renoncer.
Autant inscrire l'article 1er de la loi de 1905 dans la Constitution ne m'aurait pas gênée, autant j'estime qu'il ne faut pas la modifier pour la déchéance de nationalité ou l'état d'urgence. Je m'abstiendrai sur toute proposition de révision constitutionnelle.
L'amendement de M. Bas a suscité pas moins de quatorze interventions....
Je suis très sensible à ce succès d'estime, ainsi qu'à vos fortes convictions. Saisis de cette proposition de loi, nous l'avons rejetée après délibération. Pour répondre aux questions réelles et sérieuses soulevées, qui reflètent l'état de la société, et en l'absence de solutions concrètes à ces phénomènes qui tiennent une place croissance dans la vie quotidienne, j'avais proposé une nouvelle formulation, qui peut être améliorée.
Néanmoins je reste ferme sur certains points. On ne peut traiter ce sujet sans un minimum de consensus. Ce n'est pas en nous divisant artificiellement que nous ferons progresser les choses. Le texte fondateur de notre société ne doit pas être trop fréquemment révisé : il n'est pas contingent. Il comporte des règles fondamentales, à commencer par ses articles 1er et 2. Il comporte aussi des règles d'organisation des pouvoirs publics, que l'on peut faire évoluer. Nous ne pouvons réviser la Constitution sans cause réelle et sérieuse, ni dans l'improvisation. Nous aurons à en reparler...
S'il y a un problème de vivre-ensemble, qui se retrouve dans les rapports entre individus et institutions et qui menace la cohésion de la société, c'est bien le communautarisme. La subversion - mot affreux ! - est à l'oeuvre contre les principes républicains. Donnons-lui un coup d'arrêt, par un acte politique républicain fort, faisant l'objet d'un consensus large, et répondons aux exigences de l'heure qui sont loin d'être secondaires. Mon amendement créerait du contentieux ? C'est parce qu'il y a du contentieux qu'il est nécessaire et utile !
Je me borne à constater que le sujet n'est pas mûr. Je ne regrette pas d'avoir provoqué le débat ; je vous avais promis, la semaine dernière, de rechercher une solution pour progresser. J'estimais que cet amendement tenait la route, je ne désespère pas de vous convaincre. Il s'agit de fixer une référence claire pour les employeurs, les maires, les services de police, sans avoir à attendre des années de contentieux - comme dans l'affaire Baby Loup - pour savoir quelles règles appliquer.
Si le foyer du terrorisme se trouve dans les conflits du Proche-Orient, l'écho du fanatisme dans certains lieux à l'intérieur même de la société française justifie qu'on traite de la relation entre sentiment religieux, même s'il est dégénéré, et l'application de la règle commune. Je vais retirer mes amendements, qui ne seront donc pas examiné en séance.
L'amendement n° 3 de Jean-Louis Masson peut être retiré sans crainte, puisque nous nous orientons vers la non-adoption de cette proposition de loi. L'amendement tend à sauvegarder le régime particulier d'Alsace-Moselle, mais oublie la Polynésie française, la Guyane, Wallis-et-Futuna, Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon, les Terres australes... ainsi que les dérogations à l'interdiction de subventionner les cultes.
Je maintiens mon amendement. Rien n'empêche tel ou tel sénateur d'en déposer sur les Terres australes ou la Polynésie, mon but n'est pas d'empêcher la prise en compte des autres particularismes.
Je suis partisan de la philosophie de M. Mézard, mais il aurait été plus rassembleur s'il avait pris en compte les situations particulières. Il faut être aveugle pour ne pas voir que le terrorisme puise ses racines dans le communautarisme ! Cette disposition mettrait en cause le Vendredi Saint ? Si l'on exonère les trois départements pour les quatre cultes reconnus par le régime concordataire - catholique, protestants, israélite - il n'y a pas de problème. Mais un vide juridique existe pour les autres cultes. De nombreux élus locaux s'y engouffrent pour pratiquer un électoralisme communautariste ; c'est extrêmement dangereux. Je ne propose pas de ne pas appliquer la proposition de loi à l'Alsace-Lorraine, mais de préserver la législation afférente aux quatre cultes reconnus.
Je voterai l'amendement de M. Masson - je l'aurais volontiers co-signé, s'il me l'avait proposé ! - afin de protéger le droit applicable, dans l'hypothèse où la proposition de loi serait adoptée. Le concordat - qui dérive du beau mot de « concorde », que je préfère à « vivre-ensemble » - est une autre façon de vivre la laïcité.
La législation applicable apporte des réponses et met tous les pratiquants à égalité de droits.
Si ce texte est voté, il rendrait inconstitutionnel le droit des cultes alsacien-mosellan. Votons donc cet amendement, même s'il mérite d'être amélioré. Nous vivons en Alsace-Moselle une laïcité apaisée, maintenons-la.
MM. Masson, Grosdidier et Reichardt et Mme Troendlé - par délégation - votent en faveur de l'amendement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.
La commission donne les avis suivants :
La commission examine les amendements sur son texte n° 331 (2015-2016) pour la proposition de loi organique n° 3 (2015-2016) présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues visant à supprimer les missions temporaires confiées par le Gouvernement aux parlementaires.
Article 1er
Il est anormal qu'un parlementaire dont la mission est prolongée soit remplacé par son suppléant. Ce tour de passe-passe est particulièrement choquant, d'autant qu'il est devenu, pour le pouvoir - de droite comme de gauche - une habitude, tous les trois ou quatre ans. Je n'ai rien contre des missions de six mois, mais sans possibilité de prolongation : cela empêchera le remplacement par le suppléant.
Cet amendement est incompatible avec la proposition de loi organique la commission a votée la semaine dernière.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
Je défends notre amendement n° 2. Oui au maintien du système des parlementaires en mission, mais non au remplacement au Parlement sans élection. Le principe de parlementaires en mission est sain, dans un régime qui sépare strictement le législatif de l'exécutif. Le parlementaire peut ainsi participer à l'élaboration d'un texte ou élargir son champ. Un parlementaire en mission plus de six mois se trouverait dans une situation analogue à celle d'un ministre redevenant parlementaire.
Intitulé de la proposition de loi organique
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
La commission donne les avis suivants :
La commission examine les amendements sur son texte n° 333 (2015-2016) pour la proposition de loi n° 225 (2015-2016) présentée par Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Jean-Léonce Dupont et Jacques Mézard portant statut général des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes et sur son texte n° 334 (2015-2016) pour la proposition de loi organique n° 226 (2015-2016) présentée par Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Jean-Léonce Dupont et Jacques Mézard relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DU RAPPORTEUR
Article 4
L'amendement de coordination n° 17 est adopté.
Article 10
L'amendement rédactionnel n° 18 est adopté.
Article 11
L'amendement rédactionnel n° 19 est adopté.
Article 25
Le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE) ne doit pas être considéré comme une autorité administrative indépendante (AAI) - il est consultatif, comme son nom l'indique. Mais pour répondre aux inquiétudes de son président et de ses membres, nous proposons d'inscrire dans la loi que « le comité exerce sa mission en toute indépendance », afin de consacrer explicitement son indépendance sans ouvrir la brèche dans le statut des AAI.
L'amendement n° 20 est adopté.
Article 30
Article 31
L'amendement de coordination n° 22 est adopté.
Article 36
L'amendement de coordination n° 23 est adopté.
Article 38
Article 42
L'amendement rédactionnel n° 25 est adopté.
Article 49
L'amendement de coordination et de précision n° 26 est adopté.
EXAMEN DES AMENDEMENTS DE SÉANCE
Article 1er
L'amendement n° 12 propose de reclasser dans la liste des AAI des autorités ayant des garanties d'indépendance, comme l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), la Commission nationale du débat public (CNDP), la commission des participations et des transferts ou la Commission des sondages.
Je soutiens cet amendement. Le Sénat a adopté une proposition de loi que j'avais déposée avec M. Portelli, qui renforce considérablement la composition et les compétences de la Commission des sondages, et dont j'espère qu'elle prospérera. Ce vote conforte l'amendement de notre collègue.
Allons ! Même chose pour la Commission des participations et des transferts, qui nous a précisé qu'elle n'émettait que des propositions. L'État fait ce qu'il veut ! J'en déduis qu'elle ne prend aucune décision.
Je remercie M. Richard pour son approche constructive. Je connais son attachement à la Commission consultative du secret de la défense nationale, qu'il a lui-même créée. D'accord pour la classer parmi les AAI, sous réserve d'en modifier l'appellation pour supprimer « consultative ».
Défavorable, en revanche, pour l'ACPR, qui est adossée à la Banque de France et dont le président nous avait dit ne pas se considérer comme AAI ; son nouveau président nous a écrit la même chose, sur papier à en-tête de la Banque de France. Ne soyons pas plus royalistes que le roi !
De même, la CNDP ne peut être une AAI, pour les raisons exposées dans le rapport. La Commission des participations et des transferts n'a jamais, jusqu'à ce jour, été qualifiée d'AAI, pas plus que la Commission des sondages. Certaines autorités, indépendantes ou non, nous font remonter leurs demandes. Nous ne proposons nullement de supprimer ces organismes, nous disons seulement qu'elles ne sont pas des AAI.
Cela a le temps d'évoluer. L'ACPR a un vrai pouvoir de décision ; la position de son président me semble motivée par des raisons d'intendance...
L'avis du rapporteur est favorable au II, sous réserve de rectification, et défavorable au reste. Nous voterons par division en séance.
La commission émet un avis favorable au II de l'amendement n° 12, sous réserve de rectification, et un avis défavorable aux I, III, IV et V.
L'amendement n° 1 de la commission de la culture préconise que l'Autorité de régulation de la distribution de la presse (ARDP) conserve son statut d'AAI. Je propose un avis de sagesse pour débattre en séance publique.
La commission émet un avis de sagesse sur l'amendement n° 1.
Avis défavorable à l'amendement n° 5 rectifié : si nous disons oui au Médiateur national de l'énergie, la liste des AAI va prospérer !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 5 rectifié.
La commission émet un avis de sagesse sur l'amendement n° 2.
Article 7
Notre amendement n° 10 améliore la rédaction sur le constat de manquement et prévoit le cas d'un manquement du président. Le constat d'incompatibilité ne résulte pas d'un vote mais d'une observation, qui revient au président.
Avis favorable, avec une suggestion de rectification, pour ne pas limiter les obligations dont la violation peut donner lieu à cette procédure car le seul renvoi aux articles 10 et 13 empêcherait le collège de statuer sur des manquements liés aux règles particulières à chaque autorité.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 10, sous réserve de rectification.
Article 11
La pensée du rapporteur est parfois empreinte de radicalité ! Les incompatibilités électives imposées aux membres d'une AAI sont plus strictes que celles imposées aux parlementaires ! Tenons-nous en à celles-ci : non aux fonctions exécutives, oui aux fonctions délibératives.
Je salue cette sage position. M. Richard n'a jamais été un adepte du non-cumul.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 16.
Selon les praticiens, le volume d'activité de certaines AAI ne justifie pas que le président soit à temps plein. L'amendement n° 11 renvoie à un décret en Conseil d'État le soin de déterminer lesquelles, car cela ne relève pas du niveau législatif.
Avis défavorable. Cet amendement supprime la règle prévoyant que le président d'une AAI ou d'une API ne puisse exercer parallèlement une autre activité professionnelle ou un autre emploi public. La présidence d'une telle autorité est suffisamment prenante pour qu'en droit ou en pratique, cette règle soit déjà appliquée. La question peut subsister pour une ou deux, comme la Commission d'accès aux documents administratifs (CADA) - mais ses prérogatives vont être renforcées par le projet de loi pour une République numérique. Si une autorité exerce des prérogatives suffisamment importantes pour être qualifiée d'AAI, son président ne peut être à temps partiel !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.
Article 15
L'amendement n° 9 rectifié reprend la proposition n° 8 du rapport de la commission d'enquête. Si certaines AAI bénéficient des services, notamment fiscaux, de l'État, ceux-ci les utilisent en retour et selon leurs finalités propres pour mener des investigations tous azimuts. Les éléments collectés à cette occasion font fâcheusement douter de l'indépendance de l'AAI....
C'est délicat, car mon avis en tant que rapporteur est différent de ma position en tant que cosignataire de l'amendement...
En raison de sa formulation générale, cet amendement pourrait faire l'objet de difficultés d'interprétation. S'il est bon que le débat ait lieu - notamment en ce qui concerne la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATPV) - cette règle pourrait faire obstacle à la transmission d'informations et s'articulerait difficilement avec l'article 40 du code de procédure pénale. La proposition de la commission d'enquête est un objectif que le législateur doit garder à l'esprit, mais je ne suis pas sûr qu'elle se prête à une disposition générale. Retrait ?
La commission d'enquête avait accepté cette proposition. Où est le problème ? En théorie, ces autorités dites indépendantes devraient avoir leur propre personnel et leurs propres moyens d'investigation - la HATVP le revendique - mais souvent, elles sont contraintes d'utiliser les ressources des administrations. Ces dernières se prévalent alors du travail réalisé par l'AAI et poursuivent leurs propres finalités. Curieuse conception de l'indépendance !
Le Sénat se prononcera. L'article 40 du code de procédure pénale dispose que tout agent public qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit est tenu d'en donner avis sans délai au procureur de la République. Cette règle prévaudrait probablement, mais l'amendement pose un problème de droit, car il faut pouvoir transmettre les informations au juge.
En réalité, derrière le caractère général de l'amendement, la cible est précise : la HATVP ne peut analyser les déclarations de patrimoine sans l'assistance des fonctionnaires des impôts. Ainsi, des personnes soumises au contrôle de la Haute Autorité se voient demander, plus ou moins longtemps après, une vérification de leur situation fiscale. C'est très contrariant, évidemment, mais nous ne pouvons voter un amendement interdisant à l'administration de s'intéresser à la situation fiscale des personnes contrôlées par la HATVP ; ce serait du self service !
Comment homogénéiser le droit avec les règles régissant l'exercice du droit de communication de l'administration fiscale ? Il faudrait mettre en concordance le livre des procédures fiscales.
L'administration fiscale a le droit de réaliser tous les contrôles qu'elle souhaite. Mais il est bizarre de les justifier en invoquant une déclaration à la HATVP, d'autant plus lorsque les vérifications et éventuels redressements portent sur un patrimoine qui n'a pas à être déclaré à la HATVP - comme dans le cas d'un mariage sous le régime de la séparation. Et ce qui l'est davantage, c'est que cela ne vous semble pas curieux ! Soit cette autorité est une autorité indépendante, soit elle ne l'est pas. Dans ce cas, autant la supprimer et la remplacer par les services fiscaux : ce serait plus simple et économique.
M. Collombat veut appliquer le principe de précaution ! J'avais suggéré, lors du débat sur le projet de loi relatif à la déontologie des fonctionnaires, que l'on évalue la loi de 2013, afin d'apprécier les éventuels excès, avant de déposer, le cas échéant, une proposition de loi pour les corriger.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 9 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
Article additionnel après l'article 15
L'amendement n° 8 rectifié encadre la procédure en matière de délais, de motivations et de recours.
L'intention est excellente mais étendre certaines règles de procédures à toutes les AAI créerait des problèmes techniques, pour l'Autorité de sûreté nucléaire par exemple. Concentrer le contentieux des AAI et API au profit du Conseil d'État n'est pas opportun puisque le contrôle de certaines relève du juge judiciaire.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 8 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
Article 22
L'amendement n° 7 rectifié organise le suivi systématique des activités des hautes autorités, conformément à la proposition n° 11 de la commission d'enquête.
Rappeler la nécessité de discuter du suivi des recommandations faites par les missions de contrôle est opportun, mais contraindre le Parlement à organiser des débats en séance publique ne me paraît pas conforme à notre Constitution : avis défavorable à défaut d'un retrait.
La commission demande le retrait de l'amendement n° 7 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.
Article additionnel après l'article 23
L'auteur de l'amendement n° 6 juge contraires à la Constitution les règles fixées en 1988 relatives aux obligations déclaratives des parlementaires. Or le Conseil constitutionnel les a validées dans sa décision du 9 octobre 2013, et le lien avec l'objet du texte n'est pas évident...
La commission demande le retrait de l'amendement n° 6 et, à défaut, y sera défavorable.
Article 25
La commission émet un avis de sagesse sur l'amendement n° 3.
Les amendements identiques nos 4 rectifié et 15 rectifié bis portent sur le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), nous en avons déjà parlé. Avis défavorable.
Je partage la position des auteurs de ces amendements : en matière d'éthique, l'indépendance totale est souhaitable.
Le CCNE n'est pas une autorité administrative indépendante, ses membres le reconnaissent eux-mêmes. Mais il fallait, notamment vis-à-vis de ses homologues étrangers, réaffirmer son indépendance ; d'où l'amendement n° 20 du rapporteur adopté tout à l'heure, qui précise que le Comité « exerce sa mission en toute indépendance ». Son autorité tient à la force consensuelle de ses recommandations.
La commission demande le retrait des amendements identiques nos 4 et 15 rectifié bis, et, à défaut, y sera défavorable.
Article 33
Avis défavorable à l'amendement n° 13 rectifié. Les règles de parité, introduites par l'ordonnance du 31 juillet 2015, ne sont pas incompatibles avec celles encadrant le renouvellement partiel du collège de l'Autorité des marchés financiers - pas plus qu'avec celles relatives au collège de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, de la HATVP, du Conseil supérieur de l'audiovisuel ou de l'Agence française de lutte contre le dopage. Le treizième alinéa de l'article L. 621-2 du code monétaire et financier applicable au collège de l'AMF prend déjà en compte la diversité des autorités de nomination pour arriver à l'objectif de parité.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 13 rectifié.
L'amendement n° 14 rectifié, qui maintient une dyarchie au sein de l'AMF, illustre le poids du lobbying de certains exécutifs d'AAI. Son secrétaire général, nommé après agrément du ministre de l'économie, ayant autorité sur les services, on se demande quels sont les pouvoirs réels de son président ! Avis très défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 14 rectifié.
EXAMEN DES AMENDEMENTS À LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
Je proposerai d'ici à la séance publique une rectification pour prendre en compte la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 2, sous réserve de sa rectification.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
Si la commission en est d'accord, je déposerai en outre des amendements de coordination en son nom afin de tirer les conséquences des votes qui seront intervenus à l'article 1er de la proposition de loi sur la liste des AAI.
Nous vous donnons mandat.
Le sort des amendements du rapporteur examinés par la commission pour la proposition de loi est retracé dans le tableau suivant :
La commission donne les avis suivants :
PROPOSITION DE LOI
PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
La commission entend une communication de M. Michel Mercier sur le suivi de l'état d'urgence.
Nous serons saisis, sans doute en fin de matinée, à l'issue du Conseil des ministres, du texte du gouvernement relatif à la prorogation de l'état d'urgence, que nous examinerons ce soir en commission et le mardi 9 février en séance publique. Il est toutefois de bonne méthode de commencer à y réfléchir dès à présent, à partir des nombreuses auditions et des riches travaux menés par le comité de suivi de l'état d'urgence, dont le rapporteur spécial est Michel Mercier.
Le comité de suivi a en effet beaucoup travaillé, et je remercie ses membres de leur implication. Nous avons utilisé les informations transmises par le ministère de l'intérieur et, dans une moindre mesure, par le ministère de la justice, dont les services nous ont quotidiennement alimentés en statistiques. Nous avons complété ces éléments quantitatifs par de nombreuses auditions : d'autorités administratives responsables de la mise en oeuvre de l'état d'urgence - le directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'intérieur, le préfet de police de Paris, le préfet de Seine-Saint-Denis, les directeurs des services de police et du renseignement intérieur -, mais aussi d'acteurs qui en contestent l'application : avocats, associations de défense des droits de l'homme, etc. L'audition de la Quadrature du Net, association spécialisée dans la défense des libertés publiques sur Internet, a bien montré combien le champ de l'action publique s'était déplacé : le temps où l'on pouvait voir les pilotes de la machine administrative est révolu ; désormais, des machines nous en séparent ! C'est une novation profonde de nos sociétés.
Les mesures prises sur le fondement de l'état d'urgence, bien plus nombreuses que pendant la guerre d'Algérie, qu'en 1985 ou en 2005, et applicables sur tout le territoire, outre-mer compris, ont permis au juge administratif d'établir une jurisprudence nouvelle. Première catégorie : les assignations à résidence, très attentatoires aux libertés individuelles, le plus souvent prononcées dans la commune de résidence de la personne visée. Sur les 392 décisions d'assignation signées par le ministre de l'intérieur, seul compétent, 307 ont été prises entre le 15 et le 30 novembre 2015, 70 en décembre et une quinzaine en janvier 2016. Quant aux 27 assignations à résidence prononcées en marge de la COP 21, elles ont concerné des personnes susceptibles de se livrer à des actes violents, comme à l'occasion des précédentes conférences climat à l'étranger, et non les militants écologistes en tant que tels. Sur les 392 assignations, 339 demeurent en vigueur.
Deuxième catégorie de mesure prise sur le fondement de l'état d'urgence : les perquisitions administratives qui, pouvant être effectuées de jour comme de nuit, bien qu'en présence d'un officier de police judiciaire, sont une atteinte grave au principe d'inviolabilité du domicile la nuit gravé dans notre tradition juridique depuis la Constitution du 22 frimaire an VIII. Depuis le 14 novembre 2015, 3 299 perquisitions ont été effectuées, dont les trois quarts avant le 8 décembre. Bien que l'effet de surprise se soit depuis dissipé, le ministre de l'intérieur nous a indiqué hier que des perquisitions plus ciblées continuent. Ces mesures ont donné lieu à 338 gardes à vue et à la saisie d'armes de toutes catégories. Sur 2 827 perquisitions, 563 ont donné lieu à des suites judiciaires : 209 pour infraction à la législation sur la détention d'armes, 199 pour infraction à la législation sur les stupéfiants, 155 pour d'autres infractions ; seules cinq enquêtes ont été confiées au parquet antiterroriste de Paris.
D'autres mesures ont été prises sur le fondement de la loi de 1955 : la remise d'armes, l'interdiction de manifester sur la voie publique ou encore l'interdiction de circuler autour de sites sensibles - la préfète du Nord-Pas-de-Calais a ainsi interdit la rocade portuaire de Calais à la présence de piétons. Quant à la possibilité de bloquer les sites Internet et réseaux faisant l'apologie du terrorisme, introduite par la loi du 20 novembre 2015, aucune mesure n'a été prise sur son fondement, le Gouvernement préférant utiliser l'article 6-1 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, qui autorise l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) à demander aux fournisseurs d'accès le retrait des contenus en cause. Preuve que nous n'étions pas totalement dépourvus de moyens juridiques...
Un mot sur le rôle du juge administratif - que j'ai toujours considéré comme un défenseur des libertés au même titre que le juge judiciaire. Depuis l'arrêt Heyriès du Conseil d'État du 28 juin 1918, sa jurisprudence a évolué vers un contrôle désormais plein et entier des mesures prises lors de circonstances exceptionnelles. Sous le régime de l'état d'urgence, l'administration républicaine peut certes agir de façon dérogatoire au droit commun, mais elle est désormais soumise à un véritable contrôle du juge, qui définit le cadre dans lequel elle doit inscrire son action. Peu de recours ont été intentés au fond. Le Conseil d'État a principalement statué en référé, et en particulier en référé-liberté.
La recevabilité d'un recours en référé-liberté est soumise à une double condition : l'urgence et l'atteinte grave à une liberté fondamentale. Le Conseil d'État a jugé qu'en restreignant la liberté d'aller et venir, l'assignation à résidence remplissait ces deux conditions, et a posé le principe d'un droit à l'audience de la personne assignée à résidence. Sans doute devrions-nous réfléchir à inscrire explicitement ce droit dans la loi.
Second apport majeur de la jurisprudence du Conseil d'État : la plénitude de son contrôle sur les mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence. Le juge vérifie en effet la nécessité de la mesure prise et sa proportionnalité à l'objectif recherché. La semaine dernière, le propriétaire d'un restaurant a pu se rendre devant les juges du Palais-Royal - tel le Huron de Jean Rivero - pour se défendre ; les éléments fondant la décision de fermeture de son établissement ayant été jugés insuffisants, celle-ci a été annulée. D'aucuns regretteront que le contrôle ne s'exerce qu'a posteriori. C'est exact, mais il demeure que le juge fixe des règles que l'administration sera tenue de respecter. C'est ce qui fonde la différence - considérable - entre le régime républicain et le régime d'exception.
La Ligue des droits de l'homme avait également saisi le Conseil d'État dans l'espoir qu'il enjoindrait au président de la République de mettre fin à l'état d'urgence. Il est d'abord remarquable que le Conseil d'État ait jugé le recours recevable.
Exact, l'acte de gouvernement est en voie de disparition dans notre droit public. Le Conseil d'État, analysant si les conditions de recours à l'état d'urgence étaient encore réunies, a estimé que la France faisait toujours face à un péril imminent, caractérisé par la commission d'autres attentats en France et dans d'autres pays depuis le 13 novembre et au regard des informations à la disposition des services de police et de renseignement. Les progrès du contrôle juridictionnel enregistrés ces deux derniers mois sont indéniables. L'on peut regretter l'absence de pouvoirs plus large du juge administratif, mais le Conseil d'État agit en cela comme le Conseil constitutionnel, qui refuse de se reconnaître un pouvoir d'appréciation de même nature que celui du Parlement.
À l'heure où je m'exprime, le Conseil des ministres a sans doute examiné le projet de loi prorogeant l'état d'urgence, qui nous sera transmis incessamment. Mais la situation a un peu changé : le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, qui jugeait dans une interview récente que l'utilité pratique de l'état d'urgence s'amenuisait - j'ai pour ma part toujours refusé de m'exprimer sur nos travaux, estimant parfois utile de savoir se taire... - est devenu garde des sceaux. Nous devrons réfléchir aux dispositions de la loi de 1955 qu'il conviendrait de conserver ; toutes ne le méritent peut-être pas.
Le Conseil d'État, en garantissant le droit à l'audience des personnes assignées à résidence et en faisant usage de la plénitude de son pouvoir de contrôle, a fait preuve d'une grande subtilité. Il s'est aussi refusé à reconnaître qu'un lien direct dût unir la situation à laquelle une mesure entend remédier et la menace terroriste - raisonnement qui a conduit à l'annulation de la fête des Lumières à Lyon. Le ministre de l'intérieur a manqué, lui, à sa subtilité coutumière en disant : imaginez qu'un attentat soit perpétré alors que vous venez de voter la fin de l'état d'urgence ! Cela peut aussi arriver le lendemain de la décision de le proroger : ce serait à lui alors de rendre des comptes !
Nous sommes dans une nasse. Nous ne sortirons de l'état d'urgence que lorsque nous aurons rendu efficaces nos procédures de droit commun. C'est l'objet de la proposition de loi de Philippe Bas que nous avons votée hier, et qui arme le juge judiciaire de moyens d'action modernes. Il faut préparer activement la sortie de l'état d'urgence.
Merci pour ce bilan et cette analyse des conditions qui pourraient justifier la prolongation de l'état d'urgence.
Il est aisé de démontrer que la France fait toujours face à un péril imminent. Sa persistance sera le centre de gravité du débat que nous aurons avec le Gouvernement, car une chose est de déclarer l'état d'urgence, une autre est d'en sortir...
Nous y parviendrons lorsque nous aurons rendu plus efficaces nos dispositifs de droit commun, avez-vous dit. Il ne s'agit pas de les durcir, de restreindre les libertés. Mais nous sommes sur le fil du rasoir. J'ai souvent dit que je préférais l'état d'urgence à des dispositions législatives nouvelles parce qu'il permet un contrôle parlementaire et que les mesures mises en oeuvre ne sont que temporaires.
Le terrorisme brouille la distinction entre police administrative et police judiciaire. La création en 1986 du délit d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, puis en 2014 du délit d'entreprise individuelle terroriste, ont confié au procureur des moyens d'action préventive, effaçant la distinction entre prévention et répression. À cet égard, la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste, dont je suis l'auteur, réaffirme le rôle du parquet et précise les responsabilités nouvelles du juge judiciaire.
Devons-nous proroger l'état d'urgence avec tous les pouvoirs qu'autorise la loi de 1955 modifiée, ou n'en retenir que certains ? Ce n'est pas parce que les assignations à résidence semblent moins efficaces aujourd'hui qu'elles ne le redeviendront pas demain...
Je remercie Michel Mercier pour son exposé. Certains événements d'envergure vont se dérouler dans un contexte tendu - je pense notamment à l'Euro 2016. Quelle sera la déclinaison de l'état d'urgence sur le territoire ? Certains maires s'inquiètent des menaces qui pèsent sur les manifestations d'ampleur, d'autant que cette problématique risque de s'installer dans le temps. Comment distinguer les événements qui nécessitent une mobilisation particulière des forces de police et de sécurité ?
Je remercie Michel Mercier et les membres du comité de suivi pour leur travail. La question est pragmatique : y a-t-il péril imminent ou non ? Il n'y a pas de réponse incontestable, tout dépend des éléments fournis par le ministère de l'Intérieur. Je suis en désaccord avec le ministre quand il brandit le risque d'un « attentat, demain matin » pour justifier le maintien de l'état d'urgence - on serait amené à le prolonger ad vitam aeternam ! Même chose lorsque le Premier ministre fixe la borne à quand Daech sera définitivement vaincu... L'état d'urgence doit rester exceptionnel. Quant aux mesures législatives, elles doivent donner davantage de moyens à l'autorité judiciaire, comme le préconise le procureur Molins, sans que cela se traduise par une inscription permanente de l'état d'urgence dans la loi. Le jugement doit rester pragmatique et les décisions se prendre en fonction de l'imminence du péril.
Le contrepied politique auquel vous vous livrez est dans la tradition du Sénat. C'est bien joué. Encore faut-il éviter le pas de trop, c'est-à-dire le régime intermédiaire, à la « Canada Dry ». Il est indispensable de réaffirmer notre confiance aux juges. Inscrivons l'indépendance des magistrats dans la Constitution, c'est autrement plus important que la déchéance de nationalité pour les binationaux !
Je rappelle que l'association la Quadrature du Net siège dans le comité juridique de la Ligue des Droits de l'Homme, qui continue à communiquer sur la dérive sécuritaire, sur les dangers qui pèsent sur les libertés fondamentales... La décision de sortir de l'état d'urgence est intrinsèquement liée à la nature du péril qui nous menace. Nous avons entendu François Molins ; si nous avions besoin d'évidences, il nous en a donné.
Je remercie Michel Mercier et nos collègues du comité de suivi. Les auditions ont montré un grand sens des responsabilités de part et d'autre. C'est tout à l'honneur du Sénat. Je ne répondrai pas à la provocation de M. Bonhomme. La Ligue des Droits de l'Homme existe depuis des décennies, elle a été utile à tous les gouvernements en jouant un rôle d'aiguillon. Je suis fière d'avoir participé à la manifestation de samedi dernier pour dire non à la prolongation de l'état d'urgence et à la déchéance de nationalité. La menace terroriste va durer. La force de l'état d'urgence décrété le 13 novembre au soir, était dans l'effet de surprise. Il est passé. En attendant le débat de fond sur la révision constitutionnelle, notre groupe ne votera pas la prolongation de l'état d'urgence.
Je suis convaincu par cette présentation positive du juge administratif. Selon la Constitution, l'autorité judiciaire est gardienne de la liberté individuelle. Les libertés publiques constituent un espace de protection autre. Michel Debré était un fervent admirateur de la conception anglaise des droits de la personne et de l'Habeas Corpus - qui comprend le secret des correspondances, y compris électroniques. Manque, parmi les prérogatives du juge administratif, un contrôle sur les perquisitions, du fait de leur caractère immédiat. Il y aura sans doute des contentieux indirects, mais on aimerait pouvoir confirmer que les 3 200 perquisitions opérées étaient bien justifiées.
Initialement, il me paraissait évident que lorsque nous aurions renforcé les pouvoirs du juge judiciaire, l'état d'urgence ne se justifierait plus. Plus les jours passent, moins j'en suis certain. La menace terroriste, organisée, stimulée de l'extérieur, va durer des années et ses manifestations s'imposeront à nous à des dates que nous ne pourrons prévoir. Je préfère éviter les paroles définitives.
Pourrions-nous faire une proposition concernant le maintien des perquisitions ?
Faut-il maintenir l'état d'urgence sur tout le territoire ? Dans mon petit village, nous disposons d'un bureau qui délivre les passeports. Un individu s'y est présenté, dont les papiers montraient qu'il avait séjourné à plusieurs reprises en Syrie. En tant que maire, j'ai averti qui de droit. Il figure parmi les six djihadistes arrêtés, hier, dans le Rhône et dans la Loire.
La menace est partout, certains s'auto-radicalisent sur Internet. Il faut pourvoir intervenir partout. L'état d'urgence n'empêche pas de faire preuve d'intelligence ! Aucun match de foot n'a été interdit, un seul a été reporté, malgré l'attentat au stade de Saint-Denis. Nous ne pouvons pas arrêter de vivre, ce serait la victoire du terrorisme. Les services de renseignement nous aident à apprécier le risque réel. Théoriquement, il est envisageable de réduire le nombre des mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence ; pratiquement, c'est difficile. La sortie de l'état d'urgence doit se préparer. L'état d'urgence ne nous protège pas des attentats. Nous devons apprendre à vivre avec ce danger en nous donnant les moyens de nous protéger contre le terrorisme.
C'est moins la justification des perquisitions qui pose problème que les conditions dans lesquelles elles se déroulent, eu égard notamment aux enfants et aux familles. L'attention portée aux enfants est insuffisante. Soyons exigeants sur la manière dont les perquisitions se déroulent.
Je suis sensible à cette question. Néanmoins, si les forces de sécurité enfoncent les portes plutôt que de sonner, c'est pour éviter que les terroristes ne sortent leur kalachnikov ou ne déclenchent leur ceinture d'explosifs. Quant aux enfants qui vivent avec des parents qui manient des armes et regardent des sites d'apologie du terrorisme, c'est en amont qu'il faut les protéger ! C'est le rôle des conseils départementaux.
Je rappelle que Gouvernement a débloqué 9,5 millions d'euros pour le fonds dédié aux mineurs étrangers isolés, cher à Jean Arthuis.
Nous pouvons considérer, si vous en êtes d'accord, que ces échanges ont tenu lieu de discussion générale sur le projet de loi prorogeant l'état d'urgence, dont nous délibérerons ce soir.
La réunion est suspendue à 12 h 30
La réunion est reprise à 21 heures