Déposé le 28 mai 2021 par : Mmes Estrosi Sassone, Joseph, Demas, MM. Bascher, Daubresse, Anglars, Mmes Procaccia, Puissat, MM. Cardoux, Daniel Laurent, Mme Marie Mercier, MM. Panunzi, Belin, Burgoa, Mme Micouleau, MM. Chatillon, Lefèvre, Mmes Belrhiti, Deromedi, Imbert, MM. Chaize, Dallier, Longuet, Mmes Bonfanti-Dossat, Canayer, Garriaud-Maylam, Bellurot, Di Folco, MM. Rapin, Bonnus, Bacci, Mme Chauvin, MM. Bernard Fournier, Chevrollier, Babary, Mme Dumont, M. Bouloux, Mmes Lassarade, Raimond-Pavero, MM. Bouchet, Boré, Mme Malet, MM. Charon, de Legge, Savary, Genet, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Rojouan, Klinger, Piednoir, Brisson, Mouiller.
Supprimer cet article.
L’article 15 ter vise à imposer à l’acheteur public, pour la rénovation et la construction de bâtiments, le recours à 25 % de produits biosourcés. L’amendement introduisant cet article, qui aurait dû être irrecevable en raison de sa nature réglementaire soulignée par la rapporteure à l’Assemblée nationale, a été adopté par les députés contre l’avis du Gouvernement.
Or, il soulève trois types de problèmes majeurs.
Premier problème, il introduit entre les matériaux une distinction qui n’a pas lieu d’être. Alors que le Gouvernement et la majorité ont longuement expliqué que la réécriture par ordonnance du Livre Ier de la construction visait à promouvoir des objectifs de résultat plutôt que de moyen, il est paradoxal que la RE2020 et des mesures comme cet article 15 ter rétablissent une obligation de moyen – en l’occurrence l’obligation de recourir au bois.
On note que cette mesure a été adoptée sur l’idée exprimée que la « filière biosourcée aurait besoin d’un coup de pouce ». Mais toutes les filières matériaux ont besoin d’un « coup de pouce », notamment celles qui doivent faire face à une contraction de la construction, aux investissements de décarbonation que nous souhaitons tous, et à des coûts croissants notamment sous l’impact de la suppression du GNR et de la mise en place d’une REP bâtiment d’une ampleur sans précédent dans le paysage des REP. Ce serait avoir la vue bien courte que de penser que cette pléthore de mutations n’aura pas d’incidence économique sur les matériaux traditionnels et les centaines de milliers d’emplois directs et indirects qu’ils font vivre dans les territoires.
Les industries de ces matériaux sont d’ailleurs opposées à cette mesure injuste qui, quelle que soient leurs performances environnementales, vise à les priver administrativement d’une partie du marché, et il ne fait aucun doute si le texte est attaqué, qu’elles soulèveront entre autres les atteintes qu’il porte à la concurrence et à l’égalité devant les marchés publics.
Deuxième problème, cet article repose sur le mythe des vertus de la construction en bois au profit de la décarbonation. Or, la prétendue neutralité carbone des produits du bois peuvent être remis en cause alors que ces derniers sont carbo-émetteurs à la fin de leur cycle de vie. La construction bois serait vertueuse sur le plan carbone, ce qui peut être contrasté puisqu’il faut prélever 20 m3 de bois pour produire 1m3 de bois d’œuvre, tandis que les 19m3 restant vont à très brève échéance à des usages fortement émetteurs (papeterie, chauffage etc.). L’idée selon laquelle intensifier l’exploitation de la forêt française serait le meilleur moyen de lutter contre la présence de gaz à effets de serre dans l’atmosphère est également à contraster : des études démontrent que l’optimisation du stockage carbone dans les forêts passe justement par une limitation des prélèvements (INRA-IGN 2017, Ademe 2018, FERN 2020) à l’instar de ce qui se fait dans d’autres pays d’Europe.
On observe enfin que les émissions indirectes qui sont associées aux prélèvements de bois dans les forêts ne sont jamais comptabilisées : pour 1 m3de bois destiné à la construction et stockant du carbone pendant 50 ans, il faut prélever sur la forêt 20 m3de bois dont la durée de vie n’est comprise qu’entre 1 et 3 ans, puisque les usages en sont : papier, bois énergie, etc. L’augmentation forte de la production de bois de structure (la SNBC prévoit un facteur 8 entre 2015 et 2050) va automatiquement entraîner une augmentation très forte de la quantité de bois-énergie disponible avec comme conséquence directe, une augmentation massive des émissions de carbone, et ceci à très court terme. Ce dernier point rejoint ce que dénonce la communauté scientifique – comme l’attestent le courriers adressé par 700 scientifiques au Parlement Européen en 2018, et celui signé par 500 scientifiques à destination de Joe Biden et Ursula Von der Leyen en 2021.
Troisième problème enfin, si cet article 15 ter était maintenu : les évidentes difficultés de mise en œuvre dont le Gouvernement lui-même est conscient. La filière bois est bien sûr prête à prendre tous les engagements de pouvoir répondre à la hausse de la demande, mais la vérité est qu’il est absolument certain qu’une telle mesure sera, au moins à court terme, inflationniste sur le coût des bâtiments et s’accompagnera d’importations massives de produits du bois.
Pour toutes ces raisons, le présent amendement propose de supprimer cet article.
NB:La présente rectification porte sur la liste des signataires.
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