La commission procède à l'examen des amendements au texte n° 39 (2010-2011) de la commission sur la proposition de loi n° 223 (2009-2010), adoptée par l'Assemblée nationale, relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d'administration et de surveillance et à l'égalité professionnelle.
Examen des amendements du rapporteur
Je propose encore trois amendements au texte que nous avons adopté, l'un visant à porter à six mois le délai pour les nominations provisoires dans les conseils d'administration, l'autre, de coordination, pour les conseils de surveillance, le troisième, enfin, visant à clarifier le point de départ du décompte des trois exercices pour le franchissement du seuil déclenchant l'application de l'obligation de mixité.
La commission adopte les trois amendements du rapporteur.
Examen des amendements
L'amendement n° 10 rectifié bis vise à ramener de cinq à trois le nombre des mandats d'administrateurs détenus par une même personne dans un conseil d'administration de société anonyme. J'estime que le lien avec le texte est insuffisant : en quoi le non cumul des mandats empêchera-t-il de ne voir que des hommes élus aux conseils ?
Nous avons entendu privilégier un rattrapage progressif de la place des femmes, sans création de postes supplémentaires. Sans compter que limiter à trois mois le délai de mise en conformité en cas de cumul, ainsi que le prévoit l'amendement, entraînerait de profonds bouleversements. Réintroduire, enfin, la sanction de nullité des délibérations fragiliserait considérablement l'entreprise : rappelez-vous que nous étions tous d'accord sur le caractère disproportionné de cette sanction.
Les règles relatives au cumul des mandats sont complexes. Toute modification appelle une réflexion approfondie et ne saurait être introduite par simple voie d'amendement.
Je souscris aux propos du rapporteur. Si je m'étais abstenu de présenter une série d'amendements relatifs aux règles de cumul dans les sociétés commerciales, c'est bien parce que nous étions convenus qu'il s'agissait là d'un chantier différent, qui appelle un débat spécifique.
Nous avions également eu un long débat lors de l'affaire Proglio. Le non cumul n'est peut-être pas la méthode idéale - pas plus que ne l'est celle des quotas... - mais nous n'en connaissons pas d'autre.
Nous avons réglé la question soulevée lors de la nomination d'Henri Proglio avec le texte d'Yvon Collin...
Différemment. Les membres du groupe socialiste se retrouvent donc sur les propositions de Mme Garriaud-Maylam dans cet amendement.
Y compris sur l'invalidation des décisions ? C'est exorbitant ! D'autant que nous avons prévu des sanctions adaptées en cas de non respect de la parité.
Sans compter que cela peut-être considéré comme inconstitutionnel : l'invalidation des décisions est réservée aux cas les plus graves. Pour les autres - si, par exemple, un administrateur a dépassé l'âge limite... - la délibération n'est pas considérée comme nulle.
J'ajoute que le mécanisme de constatation de la nullité est indirect : il permet seulement de saisir le juge qui peut déclarer l'invalidité s'il estime que le non respect de la réglementation a eu une incidence sur la décision.
Sur cette question de la sanction, nous pourrions, pour ce qui concerne nos amendements, procéder à quelques rectifications. Laissez-nous juste un peu de temps. Nous sommes face à un passif : si l'on veut remonter la pente en matière de féminisation, peut-être faut-il contraindre à ce que s'ouvrent quelques opportunités. Limiter à trois le nombre de mandats libérera des places et nous irons ainsi plus vite vers une représentation équilibrée : la première partie de l'amendement, madame Des Esgaulx, nous semble donc pleinement dans le sujet.
Rien n'empêcherait, encore une fois, de voir désigner des hommes aux places vacantes.
La proposition de loi vise non seulement la création de postes mais le renouvellement des mandats. Le problème va par conséquent se poser à chaque renouvellement. C'est donc aller déjà très loin que de prévoir une sanction de nullité des nominations comme nous le faisons, qui risque de paralyser le conseil, jusqu'à le mettre dans l'incapacité d'élire son président.
Quant au non cumul, vous savez que j'y suis moi-même favorable. Nos auditions ont mis au jour un consensus sur la limite : un mandat exécutif et deux mandats d'administrateurs. Il faudra y venir, mais dans un texte propre. Décider tout à trac que l'on passe de cinq à trois ne serait pas digne du sérieux de notre commission. Comment traiterait-on des cas de scission, de fusion, de cumul au sein d'un groupe...
Quid des sociétés de Sicav ? Et des sociétés de titrisation... (MM. Yung et Frimat s'amusent)
Ne faut-il pas laisser vivre le débat, qui doit servir à convaincre... ? Ne venons-nous pas d'en vivre un bel exemple ces trois dernières semaines... ?
Pour ce qui est de ce texte, j'ai le sentiment d'avoir largement tenu compte de la proposition de loi de Mme Bricq.
Nous partions des seules sociétés cotées, je me suis rapprochée du périmètre que retenait Mme Bricq. Même chose pour les sanctions financières : j'ai retenu une forme de non rémunération telle que la proposait Mme Bricq. Je suis beaucoup allée vers vous...
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°10 rectifié bis, ainsi qu'à l'amendement identique n°18 rectifié ter.
L'amendement n° 25 vise la même limitation du cumul pour les sociétés dont le siège social n'est pas en France...
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°25, ainsi qu'aux amendements de conséquence n°s 26 et 27.
L'amendement n° 28 est superflu, puisque cette question a été réglée par la proposition de loi de M. Collin, et encore une fois hors de propos, puisque le cumul ne relève pas de ce texte. Défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 28.
Article premier
L'amendement n° 29 entend revenir sur le seuil de cinq cents salariés. Le ramener à deux cent cinquante salariés toucherait de trop petites entreprises. Défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 29.
L'amendement n° 20 part d'une bonne intention. Il s'agit d'éviter que les holdings financières non cotées échappent à l'obligation de mixité. Mais encore une fois, rendre facultatif le seuil de cinq cents salariés conduirait à inclure les PME. Défavorable.
Mon amendement vise ces holdings dont seule la tête a la forme d'une société anonyme, celle de la société par actions simplifiée étant retenue de préférence pour toute la cascade des suivantes... Avec les seuils retenus, elles échappent aux dispositions prévues par ce texte...
Le nombre de sociétés visées par le texte, nous l'avons vérifié avec Bercy, est de 2007. Si l'on s'en tenait aux sociétés cotées, il ne serait que de 701. Inclure les holdings non cotées conduirait à toucher à des sociétés patrimoniales, des PME.
Je suis prêt à l'assumer : je pense que les dispositions de ce texte devraient s'appliquer aux grosses PME.
Il sera temps de les étendre dans quelques années, au vu de la pratique. Le comportement des 2 000 entreprises visées aura un effet d'exemple.
Cinquante millions de chiffre d'affaires, c'est tout de même de la grosse PME...Pour arriver à cinquante millions en total de bilan, il faut déjà un certain nombre de participations. Il y a donc vraiment de grosses PME en France : voilà de quoi nous rassurer...
Il y a des entreprises de 25 000 salariés qui ne sont pas cotées en bourse.
J'ai été conseil juridique pour les petites entreprises. Il faut éviter de frapper les petites holdings qui sont des arrangements patrimoniaux familiaux. Entre la gouvernance des PME et celle des grandes entreprises, il y a un monde. Et puis, le respect de la parité dans les PME n'est pas si complexe que cela, c'est une simple question de choix au sein de la famille... Avec ce texte, nous visons la gouvernance des entreprises, le « top management » (Mme Borvo Cohen-Seat Cohen Seat s'exclame). Rien ne nous interdit cependant d'en étendre le périmètre à terme.
Nous comprenons la nécessité de protéger les vraies PME, mais il nous semble que vos cotes sont très larges...
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 20.
L'amendement n° 30 réintroduit la nullité des délibérations, exceptionnelle en droit des sociétés et constitutionnellement douteuse en l'espèce. Défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 30.
L'amendement n° 3 introduit une précision utile pour les administrateurs personnes morales. Favorable.
L'amendement n° 31 propose qu'aucune rémunération ne soit versée si le conseil d'administration ne respecte pas l'obligation prévue par le texte, ce qui poserait problème pour la rémunération des missions exceptionnelles et des administrateurs liés par un contrat de travail. Nous préférons que la non-rémunération reste une sanction temporaire liée au respect de la mixité.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 31.
Article 2
Article 2 bis B
La proposition de loi déposée à l'Assemblée nationale prévoyait la faculté pour tout intéressé de faire désigner en justice un mandataire pour convoquer une assemblée générale en cas de carence dans les nominations. J'ai proposé une procédure plus simple permettant à tout actionnaire d'intervenir en justice pour que soient proposées des nominations conformes à la mixité. On peut cependant craindre une instrumentalisation de cette procédure par des actionnaires poursuivant d'autres fins, alors que l'intention première était de prendre en compte le rôle des actionnaires. Le Gouvernement, par son amendement n° 43, demande la suppression de cet article. Je propose de nous en remettre à la sagesse du Sénat...
La commission émet un avis de sagesse sur l'amendement n°43.
Article 2 bis
Article 3
Pour l'entrée en vigueur de l'obligation de mixité prévue dans ce texte, la commission avait d'abord retenu la date du 1er janvier, en début d'exercice, charge aux assemblées de se mettre en règle au cours de leurs précédentes réunions. Mais je reconnais que l'amendement n°5 respecte mieux le rythme des sociétés. J'y suis favorable sous réserve d'une rectification : on ne peut faire dépendre l'entrée en vigueur de la loi de la tenue d'un nombre important d'assemblées générales. L'appréciation de l'objectif de 40 % pourrait prendre effet à l'issue de l'assemblée générale suivant l'entrée en vigueur de la loi. Je proposerai donc de compléter ainsi le premier alinéa : « La conformité de la composition des conseils d'administration et conseils de surveillance des sociétés concernées est appréciée à l'issue de la première assemblée générale ordinaire qui suit cette date. »
Et pourquoi pas lors de l'assemblée générale précédant l'entrée en vigueur ?
On risquerait de revenir sur des décisions prises précédemment en matière de délai.
Le délai de six ans avant l'entrée en vigueur laisse largement le temps de la réflexion.
Le mandat d'un administrateur est de six ans maximum, mais la moyenne est de quatre ans. Le délai de six ans n'est donc pas si long.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 5, sous réserve de sa rectification. Elle émet un avis défavorable à l'amendement de coordination n° 37 rectifié, et un avis favorable à l'amendement de coordination° 6, sous réserve de sa rectification.
Article 4
L'amendement n°39 rectifié vise les conseils d'administration des entreprises publiques et prévoit notamment d'anticiper sur l'objectif intermédiaire de 20 %, au besoin en mettant fin au mandat avant terme. Toutes les entreprises publiques, qui relèvent de la loi de 1983, sont concernées par l'objectif intermédiaire. Il n'y a pas de raison de prévoir un régime spécifique aux entreprises publiques pour l'objectif intermédiaire de 20 % de même que pour l'objectif final de 40 %, il faut respecter le rythme normal de renouvellement des conseils, comme pour les sociétés privées. Défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 39 rectifié, ainsi qu'aux amendements n°s 12, 13 rectifié bis, 38 et 40.
L'amendement n° 7 vise les entreprises relevant du périmètre de l'Agence des participations de l'État et porte obligation pour l'Etat de désigner alternativement un homme et une femme dans les conseils, en respectant une limite d'âge de 75 ans. Seraient ainsi concernées Areva, Dexia, GDF-Suez, France Telecom, la SNCF, la RATP... qui dans leur majorité relèvent déjà de la loi de 1983 qui est modifiée par le texte : on ne peut prévoir deux dispositifs différents pour une même entreprise. Défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7, ainsi qu'aux amendements n° 14 rectifié bis et 41.
Articles additionnels après l'article 4
L'amendement n°8 vise à étendre l'obligation de mixité aux mutuelles, conformément à une recommandation de la délégation aux droits des femmes. Mais les mutuelles n'entrent pas dans la catégorie des entreprises économiques à proprement parler et donc ne relèvent pas de ce texte. Leurs adhérents élisent les membres des conseils selon des modalités particulières. L'amendement ne paraît donc pas applicable en l'état.
Ce n'est pas parce que les membres de la direction sont élus que la parité ne doit pas être recherchée.
Ce sont souvent des listes présentées par les organisations syndicales.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°8, ainsi qu'à l'amendement n°15 rectifié bis.
Article 5 (supprimé)
L'amendement n° 9, ainsi que les suivants, propose de rétablir l'article 5, relatif aux établissements publics administratifs de l'État, supprimé de la proposition de loi initiale par la commission des lois en raison de son caractère inapplicable du fait de l'hétérogénéité des statuts de ces établissements et des règles de composition de leurs conseils. Quant à l'amendement n° 2, notre commission est réservée sur les rapports : ils doivent être utiles, et pour cela être lus...
La délégation aux droits des femmes est cependant attachée à la mixité dans les établissements publics de l'État : nous pourrions envisager de prévoir un rapport, mais dans une version allégée, sans énumérer tous les établissements publics visés - d'autant que la liste qui nous est ici proposée n'est pas à jour... Ce rapport pourrait retracer les efforts accomplis ou envisagés par l'État pour se rapprocher de l'objectif de 40 %. Mon avis sera favorable sous réserve de cette rectification.
Je suis résolument contre l'adoption de cet amendement, comme des suivants, qui méconnaissent la réalité des conseils d'administration des établissements publics. Quand on a un seul délégué du conseil régional dans un conseil, on ne peut pas imposer un sexe. C'est un équilibre délicat, avec les partenaires sociaux, qui préside à l'organisation de ces conseils. Enfin, comment récapituler l'ensemble ?
N'est-ce pas à la délégation au droit des femmes, plutôt qu'à l'État, d'établir ce bilan ?
Vous commencez par dire que c'est impossible, puis vous demandez à la délégation de le faire...
Pour les conseils d'administration des universités, il est clair que l'exigence est radicalement impossible à satisfaire.
Et que dire de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre ?
Je partage le sentiment du doyen Gélard. Tout cela n'est pas sérieux. En revanche, je puis me rallier à la position de compromis du rapporteur.
Les universités comptent une multitude de collèges, avec une multitude de personnalités nommées en raison de leurs fonctions.
Les membres élus des étudiants, des enseignants et des personnels... Toutes les conditions relatives à leur composition sont définies dans la loi : il faudrait donc la modifier... La remarque vaut aussi, par exemple, pour l'Agence nationale de sécurité sanitaire, dont l'organisation relève du code de la santé publique.
La commission émet un avis favorable aux amendements identiques n°s 2 et 17 rectifié bis, sous réserve de leur rectification. Elle demande le retrait de l'amendement n°9. Elle émet un avis défavorable aux amendements n°s 16 rectifié bis et 42.
Article 6
Je suis défavorable à l'amendement n° 1, de M. Masson, qui vise à réintégrer parmi les documents obligatoires remis aux actionnaires lors de l'assemblée générale le rapport de situation comparée des conditions générales d'emploi et de formation des hommes et des femmes dans l'entreprise. Cette question relève d'abord de la responsabilité de la direction de l'entreprise. J'ajoute que l'article 31 de la loi sur les retraites, désormais votée, prévoit une pénalité de 1 % de la masse salariale pour les entreprises ne réalisant pas ce rapport : les dispositions ici prévues sont donc inutiles.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°1.
Article additionnel après l'article 7
Défavorable à l'amendement n° 11, qui prévoit un rapport au Parlement sur l'application de la loi : la composition des conseils est une information publique que chacun peut vérifier.
Examen des amendements de Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, rapporteur
La commission adopte les avis suivants :
Puis, la commission examine la proposition de loi constitutionnelle n° 603 rectifié (2009-2010), présentée par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, visant à garantir l'indépendance du Président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique.
Les transformations opérées par Mme Borvo Cohen-Seat et son groupe rendent la proposition de loi recevable : la motion d'irrecevabilité peut donc être retirée. Reste que ma position demeure la même quant au fond : le texte soulève des difficultés telles qu'elles ne permettent pas à la commission d'établir un texte.
Nous n'avons modifié notre texte que pour lever la motion d'irrecevabilité et permettre ainsi la discussion en séance. Reste que je regrette la position de la commission.
La discussion générale intervient au Sénat avant la motion : vous auriez pu voir débattre de votre texte en séance en vous épargnant sa modification...
La commission décide de ne pas établir de texte et émet un avis défavorable à l'adoption de la proposition de loi.
M. Doerr et 346 pétitionnaires demandent que le gouvernement définisse l'ensemble des mesures justes et efficaces pour assurer la pérennité du système de retraite par répartition. L'examen du projet de loi sur les retraites s'étant achevé hier, je propose que nous renvoyions cette pétition à la commission des affaires sociales.
Il en est ainsi décidé.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, je vous propose, sachant que notre collègue Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, nommée à la commission des finances, nous quittera bientôt, de nommer M. François Pillet dans ses fonctions de corapporteur du groupe de travail sur la justice pénale des mineurs, dont les travaux seront centrés sur l'évaluation des centres éducatifs fermés et des établissements pénitentiaires pour mineurs. Vous savez que M. Pillet est actuellement à Bruxelles, en compagnie de M. Mézard, pour participer à une réunion du Parlement européen sur la question du droit des contrats, de la plus haute importance, puisque de la position de Bruxelles dépendra la prévalence de notre droit continental ou du droit anglo-saxon en matière d'obligations : bien des équilibres juridiques pourraient s'en trouver bouleversés.
Il en est ainsi décidé.
Deux autres réunions ont eu lieu au Parlement européen, l'une sur l'espace Schengen, à laquelle nous ont représentés M. Courtois et Mme Escoffier, l'autre sur le droit électoral et l'initiative citoyenne, à laquelle ont participé, en notre nom, Mme Escoffier et M. Vial.
Réunion des 4 et 5 octobre sur l'espace Schengen.
Les 4 et 5 octobre dernier, nous nous sommes rendus, avec Mme Escoffier, à Bruxelles, à l'invitation de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen, dite « commission LIBE », pour une réunion sur l'espace Schengen, consacrée au contrôle démocratique de l'espace de liberté, de sécurité et de justice. Le but était de discuter ensemble des moyens d'évaluer et de mieux contrôler l'action d'Europol, d'Eurojust et de Frontex, et de réfléchir au droit de regard des parlementaires nationaux et européens sur l'espace de Schengen.
Outre les membres de la commission LIBE, des représentants de vingt-sept parlements nationaux issus de dix-huit Etats-membres étaient présents à cette réunion. Les débats ont été riches et de qualité. Rappelons que le traité de Lisbonne, entré en vigueur le 1er décembre 2009, a aboli la structuration en trois piliers de la législation de l'Union européenne : désormais, tout ce qui concerne la coopération policière et judiciaire pénale relève, sauf exception, du droit commun de l'Union européenne - pouvoirs accrus de la Commission, contrôle de la Cour de Justice et pouvoir de codécision du Parlement européen - alors que ces matières relevaient auparavant du troisième pilier, intergouvernemental. Du fait de dispositions transitoires, les attributions de la Cour de Justice et de la Commission n'entreront toutefois en vigueur que le 1er décembre 2014.
Les pouvoirs de la Commission et de la Cour demeurent inchangés en matière de politiques des visas, de l'asile, de l'immigration et de la libre circulation des personnes, qui figuraient déjà dans le premier pilier depuis le traité d'Amsterdam.
Outre ce pouvoir de codécision dont dispose désormais le Parlement européen, le traité de Lisbonne, en plaçant l'idée de citoyenneté européenne au coeur du projet européen, a renforcé le droit de regard des parlementaires européens et nationaux sur les politiques ayant trait à l'espace de liberté, de justice et de sécurité : d'une part, les parlements nationaux se sont vu reconnaître la possibilité de faire respecter le principe de subsidiarité, le cas échéant en saisissant la Cour de Justice, d'autre part, le Parlement européen et les parlements nationaux doivent désormais être associés au contrôle d'Europol et d'Eurojust.
Je rappelle que s'agissant des politiques mises en oeuvre en matière de liberté, de justice et de sécurité, la coopération entre Etats-membres s'est traduite notamment par la création d'agences chargées d'organiser la coordination entre les services compétents : Europol en matière de coopération policière, Eurojust en matière de coopération judiciaire pénale, l'Agence des droits fondamentaux pour ce qui concerne les droits fondamentaux et la lutte contre les discriminations, Frontex dans le domaine du contrôle des frontières extérieures de l'Union, et, tout récemment, le Bureau européen d'appui en matière d'asile.
C'est sur le droit de regard des parlementaires européens et nationaux sur l'action de ces agences qu'ont porté l'essentiel des débats lors de cette réunion début octobre. En effet, le traité de Lisbonne a institué un contrôle parlementaire sur Eurojust et Europol - revendication portée depuis longtemps par le Sénat pour cette dernière, comme en témoigne l'adoption, sur mon rapport, en 2007, d'une résolution européenne en ce sens.
A l'heure actuelle, la Commission européenne ne prévoit pas de proposition législative visant à permettre ce contrôle parlementaire avant 2013, ce qui suscite l'irritation du Parlement européen, qui réclame pour sa part une proposition pour la mi-2011. De son côté, la Commission européenne considère que les agences n'assurent qu'un rôle de coopération opérationnelle et que le contrôle du Parlement européen doit avant tout porter sur l'élaboration du programme politique de l'Union en matière de justice, de liberté et de sécurité. La Commission considère en outre que s'agissant de matières mettant en jeu des aspects essentiels de la souveraineté des Etats- membres, le contrôle démocratique doit être décentralisé à leur niveau. L'ensemble des participants à la réunion a toutefois exprimé le souhait que ce contrôle parlementaire soit mis en place au plus vite, invitant la Commission européenne à accélérer son calendrier de travail.
J'en viens aux débats consacrés à Frontex, l'Agence européenne créée en 2004 pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des Etats-membres de l'Union européenne, opérationnelle depuis 2005. Elle est notamment chargée de coordonner la coopération des États-membres en matière de gestion des frontières extérieures, de les assister pour la formation des garde-frontières nationaux et de leur fournir l'appui nécessaire pour organiser des opérations de retour conjointes. La Commission européenne a récemment proposé d'apporter certaines modifications au règlement portant création de cette agence, afin de lui permettre notamment d'acquérir des équipements, de disposer d'une équipe de garde-frontières et de mieux définir les modalités de sa coopération avec les autres agences et organes de l'Union ainsi qu'avec les pays tiers.
Nous avons entendu M. Ikka Laitinen, directeur exécutif de Frontex, qui a souligné que la situation aux frontières extérieures de l'Union, n'étant pas statique, nécessitait une adaptation permanente des moyens mobilisés. Entre 2009 et 2010, le nombre de migrants a diminué de 20%, mais on constate une concentration et une redéfinition des routes utilisées par les réseaux de migrants, la pression se déplaçant de la frontière maritime à la frontière terrestre, principalement à l'est de l'Europe. M. Laikinnen a appelé à un approfondissement de la coopération entre Etats-membres, par une coordination de l'ensemble des services concernés - douanes, services sociaux, etc... - la mise en oeuvre de traitements de données à caractère personnel centralisés et un accroissement des moyens propres alloués à l'Agence. Dans l'ensemble, il a appelé à la définition d'un équilibre entre le respect des droits des voyageurs de bonne foi et la lutte contre les réseaux de migrants illégaux et ceux liés à la criminalité organisée.
Le rapporteur de la commission LIBE en charge de la révision du mandat de Frontex, M. Busuttil, a pour sa part invité à s'interroger sur l'avenir de l'Agence : doit-elle demeurer une simple agence de coordination, sans capacités d'action propres, ou devenir au contraire un organe de protection des frontières intégré, disposant de compétences et de moyens propres ?
M. Hunko, un membre du Bundestag appartenant au parti Die Linke, a quant à lui recentré le débat sur la question des droits de l'homme, critiquant violemment les opérations menées en mer par Frontex en dehors des eaux nationales et a souhaité que cette agence ne devienne pas une « super autorité de refoulement ». Après avoir relevé que le budget de Frontex avait été multiplié par près de dix en l'espace de quelques années, passant de 6 millions d'euros en 2005 à 88 millions en 2009, il s'est prononcé en faveur d'un contrôle parlementaire accru sur les opérations menées par cette agence.
Ces prises de position ont bien évidemment suscité de nombreuses réactions, parmi lesquelles je mentionnerai l'appel de plusieurs parlementaires nationaux en faveur d'une meilleure définition de la politique d'immigration et d'intégration de l'Union. Il a également été souligné qu'il n'appartenait pas à Frontex de lutter contre la criminalité organisée - tâche qui relève de la compétence d'Europol.
Sur cette dernière agence, nous avons entendu M. Wainwright, son directeur, qui la qualifie de « bras de protection de l'Union européenne ». Je rappelle qu'Europol est chargée de faciliter les échanges de renseignements entre autorités policières des Etats-membres en matière de lutte contre les formes les plus graves de criminalité et de terrorisme. Elle dispose de 650 experts et coordonne environ 14 000 opérations transfrontalières chaque année.
M. Wainwright s'est réjoui de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, qui permettra d'accroître le contrôle parlementaire et, de ce fait, la légitimité de l'action menée par Europol, le cas échéant en concertation avec d'autres agences telles que Frontex.
Les débats qui ont suivi se sont principalement concentrés sur la question du contrôle parlementaire d'Europol : la majorité des intervenants se sont ainsi prononcés en faveur d'une présentation rapide, par la Commission européenne, d'une proposition législative permettant de mettre en oeuvre ce contrôle avant la fin de la période transitoire fixée au 1er décembre 2014. Plusieurs parlementaires ont par ailleurs estimé souhaitable qu'Europol et Eurojust soient soumises aux mêmes procédures de contrôle, dans un souci de lisibilité de l'action de l'Union européenne, et tout particulièrement du Parlement européen.
La question de la création d'un parquet européen a également été évoquée. Je rappelle à ce sujet que le traité de Lisbonne a ouvert la possibilité de créer un parquet européen, qui serait compétent pour rechercher, poursuivre et renvoyer en jugement les auteurs d'infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne, ainsi que de certains crimes particulièrement graves présentant une dimension transnationale -terrorisme, traite des êtres humains, trafic de drogue, etc. En attendant, Eurojust, qui n'est actuellement dotée que de pouvoirs de coordination, s'est vu reconnaître la possibilité par le traité de Lisbonne de proposer le déclenchement des poursuites, qui ne dépend à l'heure actuelle que des seules autorités nationales.
La création d'un parquet européen n'est pour l'instant qu'une simple faculté de l'Union : il paraît nécessaire, au préalable, de renforcer les compétences d'Europol ainsi que les modalités de sa coopération avec Eurojust.
Ces réunions, qui ont été réclamées à Stockholm, rassemblent les parlementaires nationaux et européens. Elles vont devenir régulières. Tous les participants sont enthousiastes.
Eurojust vise à encourager et améliorer la coordination des enquêtes relatives à la criminalité organisée. L'activité a crû de 700% depuis 2002 ! L'agence est aujourd'hui au milieu du gué. Doit-elle demeurer une instance de pure coordination ? Ou disposer de ses propres enquêteurs, ce qui signifierait une évolution, à terme, vers la création d'un parquet européen ? Le traité de Lisbonne autorise les deux orientations. Les modifications successives intervenues dans la définition des missions d'Eurojust ont accru ses capacités opérationnelles. Le traité de Lisbonne prévoit un contrôle par les parlementaires : l'attente est forte parmi ces derniers mais les modalités de leur intervention ne sont toujours pas définies.
A mon sens cependant, la transformation en autorité de poursuites relève aujourd'hui de l'illusion, car les Etats-membres sont attachés à leur compétence exclusive en matière de justice pénale. Et la création d'un parquet européen exigerait la création de normes communes de droit matériel et de procédure, et la définition d'une politique pénale européenne.
L'espace Schengen a vingt-cinq ans. L'accord signé en juin 1985 avait pour but de créer un territoire sans frontières, assurant la libre circulation des biens et des personnes, dans le respect des règles nationales. Le groupe Schengen-évaluation, depuis 1998, évalue d'une part l'application des règles par les Etats participants, d'autre part la capacité des Etats candidats à rejoindre l'espace créé. Des données sont recueillies dans sept domaines et font l'objet de sept évaluations par sept évaluateurs. Si l'on veut que l'espace Schengen se confonde avec le territoire de l'Union européenne, il faut une confiance réciproque, basée sur l'exploitation d'informations fiables, partagées, au service d'un même objectif, la lutte contre la criminalité et pour la sécurité des frontières. Le SIS, système d'information Schengen, doit ainsi à la fois faciliter la libre circulation et mieux contrôler l'immigration. Quels sont les effets réels des accords ? Où en est la coordination entre Etats et l'harmonisation des législations ? Quels sont les résultats tangibles pour les citoyens européens ? Y ont-ils gagné un mieux-vivre ? J'ai été amenée dans mon intervention à soulever des interrogations sur le financement et la gestion du SIS, sur le projet de création d'une agence de gestion des systèmes d'information qui concilie les prérogatives de la Commission européenne et celles des Etats-membres. J'ai rapporté les débats au Sénat sur le contrôle démocratique des décisions européennes, lequel exige selon nous l'intervention des parlements nationaux et européens. Les travaux de M. Courtois et M. Türk sont venus étayer la résolution sénatoriale en faveur d'une commission de parlementaires chargée du suivi des activités d'Europol.
Il reste un long chemin à parcourir. La charte des droits fondamentaux, désormais intégrée dans la charte de l'Union européenne, place les citoyens au coeur des politiques. Le président de la Commission LIBE, M. Juan Fernando Lopez Aguilar, s'en est réjoui. Devant la résurgence des mouvements populistes et xénophobes, il a appelé de ses voeux une implication constante des parlementaires pour faire en sorte que les citoyens européens « sachent plus et sachent mieux » ce que fait l'Union européenne pour eux. Je me réjouis pour ma part que de telles réunions aient lieu, elles sont un gage de bonne vitalité pour l'Europe de demain.
Schengen a aussi produit Sangatte ! Et les négociations avec la Grande-Bretagne sont demeurées sans suite. Frontex à Malte est bloquée faute de financements. Comme du reste le bureau d'appui aux demandeurs d'asile, inscrit dans une directive qui a été adoptée mais jamais transposée. Où en est-on ? Rencontres et débats sont d'un grand intérêt, mais transposition et application seraient également utiles !
Et qu'est devenu le droit de pétition, intéressant du point de vue de la citoyenneté européenne ? Tant que la souveraineté des Etats ne reculera pas, l'Union européenne ne sera pas communautaire. Comment envisager un tribunal pénal européen sans codification européenne, sans qualification commune des crimes et délits ? Le Parlement européen adopte des résolutions, or celle de 2004 relative aux droits civiques des étrangers résidant en Europe n'a toujours pas été transposée.
Schengen est une bonne chose, fondamentalement positive. Le président de la commission LIBE note que la xénophobie progresse.
Il y a peut-être un problème dans la manière dont est perçu l'accord de Schengen. La création de cet espace devait accroître la liberté - les Roms peuvent circuler en Europe, malgré quelques restrictions qui seront bientôt levées. Mais pourquoi la xénophobie progresse-t-elle ? Et quelle est la réaction des instances européennes ?
Schengen fonctionne bien ; il est dommage que certains pays n'y participent pas. Mais pourquoi ne pousse-t-on pas la logique à son terme et n'opte-t-on pas pour des visas communs ? Aujourd'hui les consulats d'Espagne, de France, de Grèce délivrent chacun des visas selon des critères différents, incitant les demandeurs à un « shopping » avisé. Un bureau commun à tous les membres de Schengen serait source d'économies !
Une Europe sans la libre circulation des personnes ne serait pas possible, même si, chacun en est conscient, l'objectif est surtout de faire circuler les capitaux. Partout on observe une montée de l'extrême-droite, ce qui ne serait pas le cas si le progrès économique et la production de richesses que l'on nous promettait...
On a fait l'Europe pour que les Européens vivent mieux. Et si l'on s'était un peu plus souvenu de cet idéal, nous n'aurions pas ce débat sur la xénophobie. Bruxelles veille avec une jalousie intégriste sur le respect de la concurrence ; pendant ce temps quelques malheureux s'efforcent de construire une Europe des citoyens. Sans articulation entre les deux aspects, on continuera de patiner. Voyez la Hongrie... Et cela me navre car la construction européenne était l'un des derniers grands desseins collectifs. L'Europe des citoyens existe, mais trop de mécanismes l'empêchent de se concrétiser.
Les moins jeunes aussi, qui mesurent mieux le progrès accompli ! Mais quel dommage que les choses n'avancent pas avec la Grande-Bretagne...
J'ai voté contre le traité de Lisbonne, non que je sois hostile à la libre circulation des personnes, mais parce que les dysfonctionnements, pour ne pas dire plus, étaient inévitables. L'Europe réussit parfaitement la libre circulation des capitaux - et participe aux errements mondiaux en matière financière. Je souhaiterais qu'au moins la libre circulation des personnes n'induise pas de nouvelles formes d'exploitation. Or les règles en matière sociale ne sont pas transposées, pas appliquées, alors que les directives économiques sont prises en compte avec la plus grande célérité. Que l'on ne nous fasse pas miroiter une citoyenneté européenne, quand n'est entreprise aucune harmonisation en matière sociale, fiscale, pénale. Ceux qui possèdent les capitaux savent les faire circuler pour exploiter au mieux cette absence d'harmonisation !
Schengen n'est pas encore une réalité, c'est évident. Encore trois Etats n'en font pas partie, deux le pourraient, Roumanie et Bulgarie, mais les évaluations ne sont pas achevées. Les choses suivent leur cours, mais il faut du temps pour venir à bout des réticences de certains. Les Polonais se demandent, par exemple, quels bénéfices ils ont à attendre d'un processus qui comporte en revanche de nombreuses contraintes. Quant à l'harmonisation, chaque Etat est attaché à sa législation nationale.
Il semble que l'on ait progressé sur la délivrance des visas de court séjour. Sur la coopération judiciaire, nous avons tout de même déjà des normes communes, en ce qui concerne notamment la traite des êtres humains ou la pédopornographie. Enfin, le président de la commission LIBE a surtout voulu éveiller l'attention des parlementaires sur la montée des xénophobies, il n'a pas proposé de solutions.
Frontex est efficace pour la coordination. L'étape suivante touche la souveraineté des Etats et sur cette question les clivages sont nettement apparus.
Trois directives ont été adoptées sur le droit d'asile, aucune date de transposition dans notre législation nationale n'est avancée...
Mais il faut que tous les pays transposent, sinon à quoi bon ? L'application serait bloquée.
La coopération judiciaire fonctionne, aussi bien sur la criminalité transfrontalière et les trafics en tous genres, que sur les infractions atteignant les intérêts de l'Union, fraudes à la TVA, etc. Le dispositif européen n'est pas négligeable. Mais chaque pays tient à ses incriminations et il n'y a pas d'échelle commune des peines.
Réunion du 30 septembre 2010 sur la procédure électorale et l'initiative citoyenne européenne.
Pour vous rendre compte de la réunion de la commission des affaires constitutionnelles du Parlement européen sur la réforme électorale, Mme Escoffier et moi-même évoquerons d'abord la réforme de la procédure électorale européenne, ensuite l'initiative citoyenne.
L'élection européenne reste régie par l'acte du 20 septembre 1976. M. Andrew Duff, président de la commission des affaires constitutionnelles, a présenté les propositions qui pourraient être adoptées, si le Parlement européen, le Conseil et tous les Etats-membres les soutenaient.
Le Parlement européen comprend 736 représentants ainsi que 18 députés observateurs depuis le 1er décembre 2009. Un pays ne peut avoir moins de six représentants, ni plus de 96. Malte détient aujourd'hui cinq sièges, elle en recevra un de plus ; l'Allemagne en a aujourd'hui 99, elle en rendra trois. Le mode de scrutin a été précisé dans le traité d'Amsterdam. Le scrutin est universel et direct, libre et secret. Le mandat est de cinq ans. La désignation a lieu au scrutin proportionnel de liste ou par vote unique transférable, dans le cadre de circonscriptions régionales ou nationale. La position récemment adoptée par le Sénat a été contrebalancée par la proposition de circonscriptions régionales dans les Etats de plus de 20 millions d'habitants.
Aujourd'hui, dix-sept pays appliquent le scrutin de liste proportionnel, huit le scrutin de liste semi-préférentiel, deux le vote unique transférable. Sept pays ont plus de 20 millions d'habitants. Seule l'Autriche accorde le droit de vote à 16 ans, dans les autres pays, la règle est 18 ans. L'âge minimum d'éligibilité est compris entre 18 et 25 ans selon les Etats.
Le souci de la commission des affaires constitutionnelles, avec cette réforme, a été de renforcer le soutien populaire aux institutions européennes - à chaque élection, la participation se dégrade un peu plus... Et de renforcer la légitimité du Parlement européen par rapport aux autres institutions européennes. L'absence de réforme électorale dans le traité de Lisbonne a été une déception, a dit le rapporteur de la commission. Mais rien n'empêche une réforme présentée par le Parlement européen ! Celle qui nous a été présentée inclut une réforme des privilèges et immunités, une amélioration du sort des ressortissants communautaires résidant dans d'autres pays de l'Union européenne -en facilitant leur participation aux élections européennes et locales dans leur pays de résidence-, une révision de la répartition des sièges, avec une règle mathématique claire qui évite les marchandages avant chaque échéance électorale, et, enfin, la création d'une circonscription paneuropéenne, afin d'élire 25 membres en dehors des listes nationales. Le but de cette dernière proposition est de donner une dimension internationale et communautaire à l'élection. Pour Andrew Duff, le rapporteur de la proposition, on pourrait même imaginer que le président de la commission soit désigné sur ce quota.
Compte tenu de leur impact sur les traités, une conférence intergouvernementale serait le moyen d'aborder l'ensemble de ces sujets. Pour ses instigateurs, une telle réforme vise à combler un déficit démocratique.
La proposition d'abaisser à 16 ans l'âge minimum pour voter a été présentée avec insistance par le rapporteur, il semble qu'une volonté forte se dégage en ce sens au Parlement européen. La liste paneuropéenne vise à mettre un terme à la « nationalisation » du débat européen et à obliger les partis à s'organiser à l'échelle européenne.
L'Europe avance à visage masqué derrière des dispositions techniques. Mais la liste paneuropéenne est plus qu'un ajout comptable !
La commission des affaires constitutionnelles doit voter le 8 novembre prochain la proposition concernant l'initiative citoyenne, pour une mise en oeuvre au cours de 2011. Ce nouveau droit a été introduit par le traité de l'Union européenne : un million de citoyens peuvent inviter la Commission à présenter certaines dispositions législatives, procédure qui contribuera à l'émergence de l'idée européenne. L'initiative doit provenir d'un nombre significatif d'Etats-membres et porter sur une matière qui, à la fois, relève des compétences de la Commission et nécessite un acte juridique. La Commission et le Conseil européen fixeront en dernier ressort les conditions d'application.
Une vaste consultation a été organisée, un Livre vert de novembre 2009 a fait l'objet d'un débat le 30 septembre dernier, l'objectif étant de rendre applicable l'initiative citoyenne dès 2011. La France, dans ces débats, est représentée par M. Alain Lamassoure, rapporteur général. La procédure retenue est la même que celle qui autorise le Parlement ou le Conseil à saisir la Commission d'un sujet européen. Bruxelles est loin des citoyens, les politiques de chacun des 27 pays sont distinctes, il est bon de créer des mécanismes de démocratie participative. Combien d'Etats faut-il retenir : un tiers comme le souhaite le rapporteur général, un quart comme le prône l'Allemagne ?
Pour enregistrer une initiative, il faut réunir 300.000 déclarations de soutien émanant d'au moins trois Etats-membres, vérifiées par les Etats après avoir été recueillies en ligne. L'enregistrement ne vaut pas approbation par la Commission mais ouvre la possibilité de commencer à recueillir les signatures. La recevabilité est prononcée dans le délai de deux mois, si l'initiative porte bien sur une attribution de la Commission et si un acte juridique de l'Union européenne est nécessaire. La France préconise la réunion des deux phases d'enregistrement et de recevabilité afin de ne pas offrir de publicité à une initiative qui ne serait pas légitime. Quant à la protection des données personnelles, le contrôle et l'authentification, par chaque Etat-membre, devra se faire dans le respect des directives de 1995. Dès lors que l'initiative est recevable, le rapporteur préconise que soit organisée une audition publique. L'initiative pourrait être alors acceptée ou déclassée en pétition.
Le rapporteur Andrew Duff la propose avec conviction, mais je ne puis vous répondre, car je n'en ai pas trouvé trace dans des réunions antérieures...
Elle est en contradiction avec l'évolution que nous souhaitons ! Quant à l'initiative populaire, est-elle ouverte aux résidents européens, aux citoyens ?
En 2004, une directive a accordé des droits nouveaux aux résidents étrangers en situation légale, y compris des droits politiques. En Suède, aux Pays-Bas, au Danemark, ils ont le droit de vote. Une harmonisation s'impose.
Aura-t-on un candidat par pays au titre de la circonscription paneuropéenne ?
Non et c'est précisément pourquoi le chiffre de 25 élus a été retenu, pour éviter toute identification entre un parlementaire et un pays. Il faudra voter deux fois : une fois pour les parlementaires nationaux, une autre pour ceux de la liste paneuropéenne.
Cette circonscription couvrant toute l'Europe me paraît en contradiction avec l'orientation fixée aux pays de plus de 20 millions d'habitants : ceux-ci auront des circonscriptions régionales. Je voudrais aussi évoquer les binationaux franco-belges qui, du fait de l'obligation de vote en Belgique, ne peuvent choisir de voter en France pour une liste française lors des élections européennes. Au Luxembourg, en Allemagne, où la double nationalité existe également, le problème du choix de lieu de vote se pose aussi... Il faut l'unanimité, heureusement, pour modifier l'acte de 1976.
Il faut l'unanimité du Conseil et une ratification par les Etats-membres. Si la France est contre, cela ne passera pas.
Méfions-nous des déclarations définitives. On raillait Victor Hugo quand il annonçait, ici même, une Union européenne et même une monnaie commune. On le traitait de poète... Aujourd'hui, nous sommes à mi-chemin entre une Europe des nations et une fédération européenne, dans une situation intermédiaire. Cette liste paneuropéenne, sans référence nationale alors que l'on vote dans un cadre national, ne nous convient pas. Les intentions très européennes de M. Andrew Duff produisent des propositions hybrides et peu convaincantes. Néanmoins soyons conscients que l'idée européenne ne progressera que si elle s'incarne. Tous les Français connaissent le président de la République mais sait-on qui dirige la diplomatie européenne, le Parlement, la Commission ? Quoi qu'il en soit, nos enfants et petits-enfants trouveront peut-être banal ce que nous considérons avec perplexité.
Le mouvement auquel j'appartiens depuis quarante ans prône le fédéralisme.
Ce n'est pas avec des gadgets tels que la circonscription paneuropéenne ou le vote à 16 ans que l'Europe progressera. Cette liste sera prise d'assaut par des candidats issus...
Quant à l'initiative citoyenne, voyez ce qu'a produit en Suisse le référendum populaire, l'interdiction des minarets.