La réunion

Source

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

MM. Cointat, Desplan, Alfonsi, et Mohamed Soilihi qui ont été membres de cette commission l'année dernière ont parfaitement assumé leur mandat, je propose donc de les reconduire pour un an.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Avez-vous d'autres candidats à proposer ? La règle au Sénat est que les groupes politiques soient équitablement représentés dans ce type de structure. En reconduisant les mêmes, comme le font en même temps les autres commissions, on s'assure que ce soit le cas.

La commission désigne MM. Christian Cointat, Félix Desplan, comme candidats titulaires, et MM. Nicolas Alfonsi et Thani Mohamed Soilihi, comme candidats suppléants, proposés à la nomination du Sénat pour siéger au sein de la Commission nationale d'évaluation des politiques de l'État outre-mer.

La commission procède tout d'abord à l'examen des amendements sur le texte n° 125 (2012-2013) de la commission sur la proposition de loi n° 72 (2012-2013) relative aux juridictions de proximité.

Article unique

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

L'amendement n° 4 que j'ai déposé est purement rédactionnel.

L'amendement n° 4 est adopté.

Article additionnel après l'article unique

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amendement n° 1 que j'ai déposé supprime les pôles de l'instruction et la collégialité de l'instruction prévue en l'ét at, dont le fonctionnement ne semble pas devoir donner satisfaction, et vise à obtenir sur ces points des explications de la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Vous avez modifié en partie votre amendement, mais pour des raisons de calendrier mon avis ne peut être favorable. Sa discussion permettra d'interroger le gouvernement.

La commission émet un avis de retrait de l'amendement n° 1.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L'amendement n° 2 vise à simplifier le fonctionnement des tribunaux pour enfants, en remédiant à l'incompatibilité résultant de la décision n°2011-147 QPC du Conseil constitutionnel par les seules dispositions de l'article L. 252-1 du code de l'organisation judiciaire : cela évitera que soient nommés des juges situés parfois à plus d'une heure et demie de trajet de la cour.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Je partage votre préoccupation : la justice des mineurs doit recevoir toute notre attention. Toutefois, le dispositif que vous proposez ne garantit pas que le juge ainsi appelé sera formé à la justice des mineurs. Pour les mêmes raisons de forme et de calendrier, mon avis ne peut être favorable, quoique je souhaite que le gouvernement s'explique à ce sujet.

La commission émet un avis de retrait de l'amendement n° 2.

La commission émet un avis de retrait de l'amendement n° 3 de coordination.

Examen de l'amendement du rapporteur

Examen des amendements extérieurs

La commission examine le rapport pour avis de M. Bernard Saugey, sur le projet de loi de finances pour 2013, mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

Je constate que le changement de gouvernement n'a pas amélioré la qualité des réponses aux questionnaires budgétaires. Le 10 octobre dernier, date limite fixée par la LOLF, plus de soixante-dix de nos questions étaient toujours sans réponse, et il en reste encore quatorze à ce jour. De ce fait, notre commission ne dispose pas de toutes les informations dont elle aurait besoin, ce qui est contraire à l'esprit de la LOLF ! Il est temps que les administrations d'État fassent preuve de plus de diligence et de rigueur dans leur réponse aux questionnaires parlementaires.

La répartition des concours budgétaires de l'État en faveur des collectivités territoriales manque toujours de lisibilité. Aux prélèvements sur recettes et aux dégrèvements s'ajoutent les concours soumis aux règles d'évolution de l'enveloppe normée et ceux qui ne le sont pas. La mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne représente qu'une part modeste de l'effort financier total de l'État en faveur des collectivités territoriales. Votre commission a donc choisi d'élargir cet avis à l'ensemble des concours budgétaires ainsi qu'au compte d'avances aux collectivités territoriales.

La mission « Relations avec les collectivités territoriales » représente 2,62 milliards d'euros en autorisations d'engagement pour 2013, et 2,61 milliards d'euros de crédits de paiement. Elle est désormais placée sous la double tutelle du ministère de l'intérieur et de celui de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, alors qu'elle était auparavant placée uniquement sous celle du ministère de l'intérieur. Elle regroupe les dotations allouées aux collectivités locales et réparties autour de quatre programmes, en visant à une répartition organique des crédits, entre niveaux de collectivités. L'objectif est de compenser les charges transférées aux collectivités territoriales dans le cadre des lois de décentralisation et de soutenir l'effort d'investissement public local.

Le programme 119 représente 814,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement, en baisse de 0,12 %, et 781,5 millions d'euros en crédits de paiement, en hausse de 0,1 %, répartis entre deux actions. L'action « soutien aux projets des communes et groupements de communes » regroupe les crédits de la dotation d'équipement des territoires ruraux, la dotation pour les régisseurs de police municipale, la dotation forfaitaire pour la délivrance des titres sécurisés, ainsi que la dotation de développement urbain (DDU), soit 684,3 millions d'euros d'autorisations d'engagement et 651,3 millions d'euros de crédits de paiement. L'action « dotation générale de décentralisation » comprend la dotation générale de décentralisation allouée aux communes et à leurs groupements afin d'assurer la compensation financière des charges qui leur sont transférées, soit 130,2 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Le programme 120 « concours financiers aux départements » est doté de 493,2 millions d'euros, en hausse de 0,4 %, et il comporte deux actions. D'une part, l'action « aide à l'équipement des départements » regroupe les 224,4 millions d'euros dédiés, comme l'année précédente, à la dotation globale d'équipement (DGE), et, d'autre part, l'action « dotation générale de décentralisation » regroupe les 268,8 millions d'euros de cette dotation, en hausse de 0,8 %.

Le programme 121 « concours financiers aux régions » est doté de 905,5 millions d'euros, soit une hausse de 1,2 %, et ne contient qu'une seule action, qui regroupe les crédits relatifs à la dotation générale de décentralisation des régions.

Le programme 122, enfin, « concours spécifiques et administration », est doté de 408 millions d'euros et regroupe l'ensemble des concours financiers spécifiques gérés par le ministère de l'intérieur qui sont attribués aux collectivités territoriales ainsi que les crédits de la direction générale des collectivités locales (DGCL).

On constate donc que la dotation globale de décentralisation regroupe à elle seule 58% des crédits de la mission, dont les deux tiers sont constitués de crédits de fonctionnement. Les crédits d'investissement sont essentiellement constitués de la DETR, de la DGE des départements et de la DDU.

Les crédits de cette mission ne représentent que 40 % des crédits budgétaires et 4 % seulement des concours financiers de l'État aux collectivités locales. L'État ne dispose d'aucune marge de manoeuvre pour 70 % des crédits de cette mission, puisque les critères d'attribution et de répartition sont définis par la loi.

La majorité des crédits de la mission sont en baisse, si l'on met à part la ligne budgétaire « subventions pour travaux divers d'intérêt local » de l'action n°1 du programme 122, qui est abondée à hauteur de 19 millions d'euros, ainsi que les crédits dédiés au fonctionnement général de la direction générale des collectivités locales. Les crédits de la mission spécifiquement consacrés aux collectivités locales augmentent de 1,1 % en autorisations d'engagement et 1,25 % en crédits de paiement. La stabilisation relative des crédits est liée aux dispositions de l'article 30 de la loi de finances pour 2012 qui pérennise la reconduction en valeur des différentes dotations budgétaires aux collectivités locales.

Les transferts financiers de l'État en faveur des collectivités territoriales regroupent en réalité plusieurs composantes : les prélèvements sur recettes de l'État en constituent 56 %, auxquels s'ajoutent les dégrèvements, le compte d'avances aux collectivités territoriales et la fiscalité transférée. Dans le PLF 2013, les prélèvements sur recettes de l'État s'élèvent à 55,7 milliards : c'est 93 % des 60 milliards d'euros de concours financiers de l'État, mais 56 % des transferts financiers totaux. Ils sont répartis en 18 dotations principales, elles-mêmes parfois distribuées en plusieurs composantes. Deux dotations concentrent 85 % de ces prélèvements sur recettes (PSR) : la DGD (41,5 milliards d'euros, soit 75% du total des PSR, et 41% des transferts financiers globaux) qui augmente, à périmètre constant, de 119 millions d'euros, soit 0,3 %, et le FCTVA, dont les crédits s'élèvent à 5,63 milliards d'euros, soit 10 % des PSR. Les dégrèvements, les compensations d'exonérations et les dotations de compensation d'allocations compensatrices représentent 13 % des transferts financiers de l'État aux collectivités territoriales (12,85 milliards d'euros).

Depuis 1996, le compte d'avances aux collectivités territoriales, qui devrait logiquement être déficitaire, présente un excédent, qui s'élèvera en 2013 à 737,4 millions d'euros, en hausse de 13,45 %. C'est paradoxal. J'appelle donc l'État, de nouveau, à apprécier les modalités d'évaluation des frais induits par le recouvrement des impôts locaux afin de rééquilibrer le compte d'avance aux collectivités territoriales.

Les collectivités territoriales doivent également participer à l'effort de redressement des finances publiques. Leurs dépenses se sont élevées en 2010 à 212,6 milliards d'euros, hors dépenses de transferts entre communes, en légère baisse, soit 11 % du PIB. Les règles budgétaires protègent les collectivités territoriales d'un déséquilibre budgétaire excessif, et les transferts de l'État à leur profit s'élèvent à près de 100 milliards d'euros : l'État leur a consacré chaque année une augmentation de moyens supérieure à celle réservée à ses propres dépenses. C'est pourquoi le précédent gouvernement avait estimé que le dynamisme de la dépense locale comme l'impact de son financement sur les comptes publics imposent une maîtrise de cette dépense. L'article 12 du projet de loi de programmation des finances publiques prévoit la stabilisation puis la diminution en 2014 et 2015 de l'enveloppe des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales. Cette stabilisation est inscrite dans le présent projet de loi, et l'enveloppe baissera ensuite de 750 millions d'euros pour 2014 et pour 2015, soit 1,5 % de diminution en tout.

L'association étroite des collectivités territoriales s'accompagne d'un effort en faveur de la péréquation, horizontale comme verticale. Au sein de la DGF, une progression de la péréquation de 238 millions d'euros au moins est prévue : 208 millions au profit du bloc communal, 20 millions pour les départements et 10 millions au profit des régions, grâce au renforcement des dispositifs en place.

Il y a urgence à trouver une solution adaptée aux difficultés d'emprunt que connaissent les collectivités territoriales. La crise a mis au jour les risques pris par les collectivités qui ont eu recours à certains produits structurés, et doivent faire face aux difficultés financières liées à ces emprunts. Les travaux de la Cour des comptes et de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale ont mis en lumière l'importance des difficultés des collectivités ayant eu recours à ces expédients financiers. Il s'agit d'emprunts souscrits avant 2009, qui reposent sur des indices sous-jacents très volatils et dont le taux d'intérêt n'est donc pas connu à l'avance. Plusieurs dispositifs ont été mis en place afin d'aider les collectivités territoriales à surmonter ces difficultés : signature d'une charte de bonne conduite entre les banques et les collectivités, mise en place d'une cellule interministérielle de suivi des emprunts du secteur local ou encore amélioration de la transparence de la gestion de la dette.

Les difficultés de financement des collectivités territoriales sont bien réelles, surtout pour les communes de plus de cinquante mille habitants. En 2011, les grandes banques du secteur local n'ont répondu qu'à 30% de la totalité du volume demandé par ces collectivités. Elles doivent ainsi cumuler plusieurs prêts afin de couvrir leurs besoins de financement. Les règles émises par le comité dit de Bâle 3 rendent moins favorable le contexte d'offre de crédit bancaire, car elles visent à renforcer la solidité des banques par le relèvement progressif, entre 2013 et 2019, de leurs fonds propres en quantité et en qualité : le ratio minimum passera de 2% à 7%, avec la mise en oeuvre de ratios de levier. Cette situation est grave car, si elle perdure, elle entraînera le retard ou l'abandon de nombreux projets d'investissement, ce qui pourrait avoir des conséquences dramatiques pour l'ensemble de l'économie française.

Le poids des normes reste très fort. C'est un problème ancien, puisqu'en 1991 déjà, le Conseil d'État dénonçait dans son rapport public la surproduction normative et ses conséquences néfastes en matière de sécurité juridique, ajoutant même que « quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu'une oreille distraite ». Pourtant, la logorrhée législative et réglementaire qui s'adresse aux collectivités locales n'a pas vraiment diminué : l'association des maires de France estime à quatre cent mille le nombre de normes applicables à l'ensemble des collectivités locales. Au nombre s'ajoute l'instabilité : M. Doligé a calculé que 80% des articles législatifs et 55% des articles réglementaires du Code général des collectivités territoriales avaient été modifiés au cours des dix dernières années. Encore ce code ne constitue-t-il pas la totalité de règles auxquelles les collectivités sont soumises. Le groupe de travail présidé par M. Lambert avait préconisé la création d'une commission consultative d'évaluation des normes. Cela a été fait le 26 septembre 2008, et cette commission a fait évoluer les méthodes de travail de l'administration, notamment en imposant la réalisation systématique d'études d'impact afin de responsabiliser les producteurs de normes. Mais cela n'a pas suffi pour aboutir à une rationalisation de notre droit.

Je ne vais donc pas voter pour les crédits de cette mission, je ne vais pas non plus voter contre, car cela bloquerait le processus et serait préjudiciable aux communes. Je m'en remets donc à la sagesse de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ce budget ne couvre qu'une partie des dotations de l'État aux collectivités locales, mais vous avez saisi l'occasion pour dresser un panorama complet de l'ensemble du sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

J'en ai assez d'entendre parler de l'effort fiscal de l'État en faveur des collectivités locales, quand il s'agit pour l'essentiel d'un reversement aux collectivités territoriales du produit d'impôts qu'on leur a ôtés, comme par exemple la taxe locale, qui a permis de faire la TVA et qu'on prétend restituer par le FCTVA, ou d'une compensation des charges qu'on leur a transférées. Cette terminologie relève de l'escroquerie intellectuelle ! Pourquoi ne pas parler, plutôt, de transferts des collectivités territoriales en faveur de l'État ? Il n'y a plus un projet de l'État auquel les collectivités locales n'apportent pas leur concours : ainsi la prévention et la lutte contre les inondations sont-elles largement financées par celles-ci - sous commandement de l'État, bien sûr !

Les crédits de la mission sont-ils globalement stables ou en baisse ?

Qu'en est-il, dans la péréquation, des fameux coefficients logarithmiques, qui visent à gruger les territoires ruraux de ce qui leur est dû ?

Chaque collectivité locale va réduire ses dépenses, mais surtout ses dépenses d'investissement. Le secteur du BTP va donc massivement détruire des emplois, et nous préparons là une catastrophe, avec un aveuglement qui me consterne.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Ce budget est bien conforme à la logique de réduction des déficits à marche forcée qui est celle du Gouvernement, et ne nous surprend donc pas. Mais il fait peser sur les collectivités locales, qui ne sont guère responsables que de 10 % du déficit public, un poids disproportionné. Les mesures préconisées sont très lourdes : gel en 2013, baisse ensuite. La conséquence sera un effondrement des investissements, puisque les dépenses de fonctionnement sont contraintes, en particulier par les transferts de compétences, qui sont mal compensés de surcroît, ce qui aboutit à un déficit de plus en plus préoccupant dans les départements. La péréquation horizontale entre départements telle qu'elle est faite aboutit à ce qu'un département comme la Drôme contribue plus que les Hauts de Seine : les bénéficiaires des minima sociaux ne sont pris en compte qu'à hauteur de 10% dans les critères de pondération. L'accès au prêt des collectivités locales pose en effet des problèmes, et rien ne vient pour le moment du côté de l'Agence de financement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La situation des départements est particulièrement difficile : le produit de la taxe d'habitation s'effondre, et les charges augmentent. Il faut pourtant qu'ils puissent continuer à investir. Le Président de la République a annoncé hier une enveloppe supplémentaire de 250 millions pour faire face aux dépenses supplémentaires - évaluées à 600 millions - occasionnées par la réforme des rythmes scolaires. S'agit-il d'une enveloppe supplémentaire ou de redéploiements de crédits ? Et dans le premier cas, figure-t-elle dans le budget 2013 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Nous allons certes voter ce budget. Mais je regrette l'absence de tentative de mesurer l'impact des décisions qu'il comporte. En particulier, la baisse des investissements des collectivités locales va se traduire par la perte de dizaines de milliers d'emplois dans le BTP.

Je suis prêt à exprimer de la solidarité envers les responsables des communes concernées par des emprunts toxiques. Mais cela fait quelque temps déjà que le sujet est étudié, et aucune solution n'émerge. L'idée semble naître d'un système de péréquation qui permettrait de mutualiser la charge entre les communes. Sans vouloir faire de la morale, cette idée est bien singulière. Il y a eu des manquements à la fois de la part des collectivités et de celle de l'État, qui a laissé passer les délibérations approuvant ces emprunts. Espérons que le débat permettra de tuer dans l'oeuf cette idée.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je suis favorable aux mécanismes de péréquation, à condition qu'ils soient justes. Par exemple, il est inadmissible qu'un département comme le Rhône paie davantage qu'un département qui, comme les Alpes Maritimes, touche cent millions d'euros de plus en droits de mutation, ou qu'il paie six millions d'euros au titre de la CVAE quand les Hauts de Seine ne paient qu'un million six cent mille ! Les rapporteurs devraient donc s'appuyer sur les articles 68 et 69 de la loi de finances pour tâcher d'obtenir davantage de justice dans ces dispositifs, dont la charge ne doit pas être répartie entre les départements au jugé !

En ce qui concerne les emprunts dits toxiques, j'en ai moi-même souscrit, et en renégociant chaque année, j'ai obtenu que le taux ne dépasse jamais 5,1 %.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Tous les emprunts toxiques sont des emprunts structurés, mais tous les emprunts structurés ne sont pas toxiques ! Certains sont très profitables au contraire, puisqu'ils offrent des taux d'intérêt plus bas que les conditions de marché. Tous les souscripteurs de ces crédits n'ont donc pas été piégés.

En revanche, je tiens à dénoncer la perversité des critères dits de Bâle 3, qui définissent le ratio entre fonds propres et capacité de prêt en considérant qu'une ligne de trésorerie est intégralement décaissée au premier jour. Les banques sont donc incitées à prêter des sommes fixes plutôt qu'à ouvrir des lignes de trésorerie.

Sur la péréquation, j'apprécie les propos de M. Mercier, et je regrette que, par le passé, on n'ait pas choisi de faire la péréquation sur le stock, comme nous l'avions demandé. Mais il y a des iniquités flagrantes qui ne nécessitent pas de dispositifs complexes pour être réduites. Les écarts de DGF, par exemple : celle-ci a été calculée à une époque où la réalité était différente. Ou l'application comme critère pour la péréquation du potentiel fiscal, calculé comme si la taxe professionnelle existait encore. Le montant de la péréquation globale sur la part de CVAE des départements est de 50 millions d'euros pour toute la France. Des écarts d'une amplitude de plus de quarante euros par habitant seraient corrigés par des montants atteignant, au maximum, deux euros par habitant ? On se targue de grands mots, mais on reste loin de la justice.

La question des rythmes scolaires, enfin, est importante, et je partage tous les propos tenus par M. Favier. Mais il faut avoir conscience de l'impact de leur modification sur l'organisation du transport scolaire par les départements qui, avec un taux moyen de prise en charge de 90 %, coûte environ dix euros par élève et par jour - qu'il faudrait bien compenser financièrement. Le Président de la République a dit que la réforme pourrait ne pas s'appliquer partout en 2012, mais il suffit qu'une seule école l'applique pour qu'il soit nécessaire de réorganiser les circuits ! Il serait bon d'intégrer la prise en compte de ces réalités dans la réflexion du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

En guise de réponse, une proposition : que les intervenants siègent à la commission des finances ! Trêve de plaisanterie, leurs réflexions, qui sont de bon sens et que je partage très largement, dépassent le cadre de ce rapport.

Monsieur Collombat, mon avis budgétaire vise le seul effort financier, qui diffère de l'effort fiscal. L'an prochain, le concours de l'État aux collectivités territoriales représentera environ 100 milliards. En revanche, et je le précise également, il diminuera de 1,5 milliard en 2014 et en 2015.

Monsieur Favier, j'ai parlé d'une égalité des dotations pour 2013 ; ensuite, cela diminuera. Les départements sont les plus touchés ? Cela ne date pas d'aujourd'hui ! Ils font face à des charges sociales de plus en plus lourdes, le RSA et j'en passe ; leurs recettes sont globalement insuffisantes pour équilibrer leurs budgets.

L'Agence de financement ? Effectivement, il y a de quoi s'étonner qu'elle n'existe pas encore. Le Gouvernement avait annoncé sa création pour le dernier trimestre 2012, au plus tard le 1er janvier 2013. Le problème est le suivant : l'État ne souhaite pas en être le garant. En revanche, les collectivités territoriales peuvent lever des fonds obligataires : 44 d'entres elles ont récemment levé 600 millions d'euros.

Les rythmes scolaires ? La déclaration du Président de la République hier constitue une base de travail. Cette réforme n'est pas, à ma connaissance, intégrée au budget.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

Monsieur Delebarre, il faudrait effectivement évaluer l'impact des décisions sur les collectivités territoriales et leurs investissements et, donc, l'économie française. M. Moscovici a évoqué la mise en place d'un mécanisme spécifique d'aide pour les collectivités territoriales les plus en difficulté qui reposerait sur un principe de solidarité le 8 novembre dernier à Dijon. Il n'a pas prononcé le mot de péréquation. Si l'on ne peut pas en dire davantage sur ce sujet, il ne s'agit pas, en tout état de cause, d'un bruit mais d'une déclaration ministérielle.

Monsieur Mercier, j'approuve...

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Saugey

Le dire ! On tient compte seulement du flux, et pas du stock. L'Isère, à une moindre échelle, connaît une situation comparable à celle du Rhône. Cela impose de revoir les critères, qui ne satisfont personne...

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés aux relations avec les collectivités territoriales par le projet de loi de finances pour 2013.

Puis la commission examine le rapport pour avis de Mme Jacqueline Gourault sur le projet de loi de finances pour 2013, mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », programme « Fonction publique ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'année 2012 a été marquée par deux faits majeurs : l'adoption d'un quinzième plan de titularisation des contractuels dans la fonction publique à la suite de la loi du 12 mars 2012, la fin de la règle du non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite en vigueur après cinq ans d'application.

Le principe, posé par l'article 6 du projet de loi de programmation des finances publiques, est dorénavant une stabilisation globale des effectifs de l'État et de ses opérateurs durant la période 2012-2017 à la hauteur des emplois autorisés par la loi de finances pour 2012. Point important : le périmètre du plafond d'emplois s'élargit, en 2013, aux autorités indépendantes. Pour les administrations de l'État, il s'établit à 1 915 313 ETPT en 2013. Dans une situation budgétaire dont tout le monde connaît la difficulté, ce nouveau principe suppose, pour renforcer les secteurs prioritaires définis par le Président de la République, un effort accru des autres ministères. Durant cinq ans, 65 000 postes seront créés dans l'enseignement, la sécurité et la justice. Dans le détail, 10 011 postes pour l'enseignement, dont 8 781 à l'éducation nationale, 1 000 dans les universités et 230 pour l'enseignement agricole ; 480 emplois pour la police et la gendarmerie et le même volume pour la justice. En contrepartie, les autres ministères devront réduire leurs effectifs de 2,5% par an. Après cinq années de RGPP, recèlent-ils encore des gisements d'emplois ? Certains sont déjà à la peine... Il faudra évaluer les efforts à l'aune des missions. Ce travail sera facilité par la décision qu'a prise le Gouvernement de lier réforme de l'Etat et acte III de la décentralisation. D'ailleurs, la ministre y a beaucoup insisté lors de son audition : il faut préférer au terme « d'acte III » celui de réforme de l'action publique, qui englobe État et collectivités territoriales.

Stabilité des effectifs, mais aussi stabilité des crédits du programme 148 grâce auxquels la DGAFP finance des actions de formation et des actions sociales interministérielles. Pour être précise, les autorisations d'engagement régressent de 4,37% par rapport à 2012, les crédits de paiement de 3,64%.

En matière de formation, je citerai le bilan encourageant des 27 classes préparatoires intégrées existantes, un dispositif conforté par les résultats des élèves, l'essaimage des classes et des procédures améliorées d'accompagnement et d'aide aux inscrits. Ensuite, un sujet qui passionne notre président, le rétablissement du classement de sortie de l'ENA. Depuis le décret du 4 mai 2012, une commission de suivi, composée de cinq personnalités qualifiées nommées par arrêté du Premier ministre, veille à l'égalité de traitement des élèves par les employeurs. Ceux-ci, après avoir obligatoirement reçu les candidats ayant manifesté un intérêt pour un ou plusieurs des postes proposés, formulent un simple avis, qui est soit favorable soit réservé. Enfin, les élèves exercent leur choix entre les postes offerts, et non plus par corps ou ministère d'affectation.

Les crédits consacrés à l'action sociale interministérielle, malgré une baisse de 6,67% en autorisations d'engagement et de 5,51% en crédits de paiement, devraient suffire au regard de leur sous-consommation habituelle. Celle-ci, avancent les syndicats, s'explique par le manque de publicité sur ces actions. Cela dit, la hausse de 4,21% en autorisations d'engagement et de 5,81% en crédits de paiement l'an dernier résultait principalement de la budgétisation de la prestation rénovée de l'aide ménagère à domicile. Suspendue depuis 2009, cette prestation devrait être réintroduite au cours du 1er semestre 2013.

Les aides que gère la DGAFP complètent l'action sociale de chaque ministère. Parfois, à la marge, vu les montants que certains y consacrent ; je pense surtout à ceux qui sont près des finances...

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Ces aides recouvrent des prestations individuelles - les chèques-vacances, l'allocation pour la garde d'enfant, l'aide au logement -, des prestations collectives - la réservation de places en crèche et de logements sociaux, la mise aux normes sanitaires de restaurants inter-administratifs jusqu'en 2014 vraisemblablement - ; et, enfin, des allocations pour la diversité afin d'aider des candidats de condition modeste à préparer les concours de la fonction publique de catégories A et B, y compris au sein des classes préparatoires intégrées.

Je propose un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Faisons les comptes : les ministères de l'éducation nationale, de la justice et de la sécurité, qui représentent environ 1,45 million d'ETPT, verront leurs effectifs renforcés de 65 000 postes tandis que les autres, qui totalisent seulement 450 000 ETPT, en perdront autant. A-t-on une idée des réductions prévues par ministère non prioritaire ? On parle beaucoup des sous-préfectures, des directions départementales des territoires... Les petites communes ont besoin de leur assistance technique pour l'instruction des permis et de leurs aides pour la voirie. La rationalisation ne doit pas de se faire à leurs dépens.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

Quel sera le taux de non remplacement dans les ministères non prioritaires ? Chez moi, dans mon département, on parle de 4 fonctionnaires sur 5. Est-ce exact ? Si cela est vrai, ceux qui dénonçaient hier la règle du 1 sur 2 doivent le dire clairement.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Sans surprise, le groupe CRC aura des difficultés à approuver les crédits de cette mission. Celle-ci souffre, d'abord, de l'héritage de la précédente mandature : la volonté de mettre à mal la fonction publique par la RGPP. Peut-on continuer de réduire le nombre d'agents sans dégrader la qualité du service public ? L'accueil du public dans les préfectures est, chaque jour, plus compliqué ; les petites communes doivent se tourner de plus en plus vers les enseignes privées, faute d'avoir les ressources en interne et de pouvoir s'appuyer sur les services de l'État. Bref, nous disons non à ce principe selon lequel on pourrait partager mieux avec peu.

Debut de section - PermalienPhoto de Gaëtan Gorce

Les orateurs de l'opposition feraient bien de tirer les conséquences d'une situation dont ils sont grandement responsables. Comment nous reprocher de diminuer l'emploi public quand nous devons trouver 60 milliards d'économies à cause des politiques qu'ils ont conduites ? Il ne faut pas oublier le passé, sinon on ne voit pas plus loin que le bout de ses chaussures...

Pour le reste, la politique de dialogue et de concertation qu'a adoptée le Gouvernement ne ressemble en rien à la RGPP : il n'y aura pas application mécanique d'une règle. Je souhaite des méthodes innovantes !

Au regard du bilan que l'opposition nous laisse, le silence, du moins la modération, auraient été bienvenus.

Debut de section - PermalienPhoto de Christophe Béchu

M. Gorce aurait dû m'écouter attentivement : mon intervention n'était nullement une mise en cause. Je demandais simplement le taux de réduction par ministère. Faut-il voir dans sa réaction très vive le signe que nos concitoyens sont en train de découvrir le décalage entre les promesses et la réalité ? Vous dénonciez hier la nécessité de réaliser des économies, la règle aveugle de la RGPP ; vous définissez aujourd'hui une règle sans même avoir consulté les ministères pour appliquer une promesse de campagne. Au-delà des mots et de l'habileté rhétorique, que M. Gorce a grande, il faudra bien, tôt ou tard, dire à nos concitoyens que l'État n'a pas les moyens de raser gratis.

J'apprécie la démarche globale consistant à lier modernisation de l'État et décentralisation. Car ce qui compte, en définitive, pour nos concitoyens, c'est le service rendu, qu'il soit rendu par l'État ou les collectivités territoriales. Une utilisation accrue d'internet pourra faire l'objet d'un consensus républicain. Je le répète : j'ai peut-être posé ma question avec gourmandise pour en tirer profit dans les réunions locales mais je n'ai mis personne en cause.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Je me garderai de parler du passé pour évoquer le présent et l'avenir. Devant Mmes Lebranchu et Escoffier, que nous avons entendues la semaine dernière, j'ai rappelé, dans le cadre de l'avis budgétaire sur le programme 134, les manques d'effectifs que j'ai relevés dans les DDPP et les DDCSPP à la suite de la RéATE. En 2013, on peut craindre une difficulté à assurer la sécurité alimentaire dans la restauration collective, un domaine qui était du ressort des anciennes DSV. Un nouveau texte sur la consommation est annoncé pour 2013 : attention de ne pas alourdir les missions de ces directions dont les personnels sont déjà insuffisants.

Debut de section - PermalienPhoto de René Garrec

Inutile d'épiloguer sur ce sujet, mais que M. Gorce éprouve la nécessité de nous recadrer est franchement gênant.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

L'effort demandé aux ministères non prioritaires est une réduction de 2,5% par an.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Chaque ministère se voit fixer un plafond d'emplois. A charge pour lui de répartir les postes par mission, entre l'administration centrale et le terrain selon les priorités. Le contrôle de légalité est sanctuarisé. De même que l'ATESAT - l'assistance technique de l'Etat pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire -, le Président de la République s'y est engagé hier au Congrès des maires. La réforme portant globalement sur l'action publique, il est évident que nous assisterons à des glissements de compétences. Dans le cadre du contrat de confiance, c'est le terme qu'a utilisé M. Hollande, les emplois correspondant aux missions transférées devront passer de l'État aux collectivités territoriales. Nous devrons être vigilants, comme nous l'avons été par le passé. Prenons le transfert de la compétence sur les passeports, cela paraît anecdotique mais il a obligé les communes à embaucher. Ce sujet m'embarrasse d'autant moins que j'ai toujours dénoncé l'aspect mathématique et un peu aveugle de la règle du 1 sur 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Laissez-moi finir... Les réductions devront être adaptées aux missions, c'est mon souhait. D'ailleurs, le Gouvernement applique déjà cette méthode puisqu'il donne priorité à l'éducation, la sécurité et la justice. Le contexte économique oblige à faire des choix. Faisons en sorte qu'ils soient les meilleurs possibles pour le service public.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés au programme « Fonction publique » par le projet de loi de finances pour 2013.

Puis, la commission examine le rapport pour avis de Mme Catherine Tasca, sur les crédits affectés à la justice judiciaire et l'accès au droit du projet de loi de finances pour 2013, mission « Justice », programmes « justice judiciaire », « accès au droit et à la justice », « conduite et pilotage de la politique de la justice » et « conseil supérieur de la magistrature ».

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Les réformes adoptées sous la précédente législature, qui ont fortement affecté les juridictions, pèsent lourdement sur ce budget. En même temps, la garde des sceaux porte un autre projet pour la justice. Signe tangible de ce changement, la priorité donnée à cette mission se traduit par une hausse de ses crédits de 4,3 % en 2013. Je salue cet effort significatif en période de difficultés budgétaires. Je le salue d'autant plus que, contrairement à l'an passé, les services judiciaires profitent autant de l'augmentation que l'administration pénitentiaire : leurs crédits progresseront de 3 %.

La priorité donnée à la justice se décline aussi en créations de postes : 150 pour les magistrats, 17 pour les greffiers en chef, 85 pour les greffiers. Le total, si l'on tient compte des 110 emplois de catégorie C supprimés, est de 142 ETPT. L'accent est légitimement mis sur deux juridictions en grande difficulté : l'instance, avec 50 postes de magistrats et 25 de greffiers, et l'application des peines, qui bénéficie de 70 postes de magistrats et de 12 de greffiers. Les 20 postes restants de magistrats se partagent pour moitié entre l'instruction, où la collégialité est désormais de mise, et les tribunaux pour enfants, qui doivent être présidés par un juge autre que celui qui a renvoyé le mineur devant la juridiction.

Les magistrats bénéficieront de la dernière tranche de la revalorisation indemnitaire prévue dans le cadre de la programmation budgétaire triennale. Les greffiers, eux, devront attendre 2015. Compte tenu de leur dévouement et de l'absence de revalorisation de leur grille indiciaire depuis plusieurs années, le Gouvernement, me semble-t-il, devrait s'engager à une revalorisation au moins partielle dès 2014.

En dépit des efforts du Gouvernement, deux points appellent notre vigilance. D'abord, la dotation pour les frais de justice en hausse de 15 % par rapport à l'an passé. Si la Chancellerie s'engage à apurer par cette augmentation les retards de paiement considérables des juridictions, la dépense reste dynamique. Les recommandations de la Cour des comptes sont à mettre en oeuvre sans tarder. Ensuite, l'aide juridictionnelle. Sur ce front, les nouvelles semblent plutôt bonnes puisque la dépense a baissé en 2012. Cela tient à une surévaluation de la réforme de la garde à vue mais aussi, ce qui est plus grave, à un défaut de disponibilité des avocats. À l'inverse, le produit de la contribution pour l'aide juridique semble moins important que prévu. Cette contribution, dont le Sénat avait voté la suppression l'an dernier, restreint-elle l'accès à la justice ? Les premiers chiffres disponibles le confirment : en 2011, les affaires civiles ont diminué de 7,3 %. La baisse est plus forte pour les contentieux de faible montant : le nombre de demandes d'injonctions de payer a baissé de 13 % entre les premiers semestres 2011 et 2012. La garde des sceaux a pris la sage décision de supprimer cette contribution dans le budget pour 2014. Les travaux de notre mission d'information arriveront à point nommé.

Trois réformes récentes méritaient un examen attentif, à commencer par la nouvelle organisation budgétaire des cours d'appel. Si elle n'a pas fait beaucoup de bruit, certains y voient une réforme rampante des cours d'appel ; je l'ai constaté à Dijon et à Montpellier où je me suis rendue. De la création d'un corps de fonctionnaires des greffes dans les années 1960 à l'attribution aux présidents de cours d'appel de la qualité d'ordonnateur secondaire en 2005, l'indépendance juridictionnelle allait jusqu'à présent de pair avec l'autonomie budgétaire. Puis, l'on a élevé, pour faciliter la mutualisation de certaines ressources, 14 cours d'appel au statut de budget opérationnel de programme interrégional et limité 23 autres cours d'appel au statut « d'unité opérationnelle ». Concrètement, c'était placer les secondes sous la tutelle des premières. Comment comprendre que Toulouse préside aux destinées budgétaires de Montpellier ? En tout cas, à Montpellier, on ne le comprend pas... La carte des BOP interrégionaux, parce qu'elle est calquée sur celle des plateformes interrégionales et, partant, de l'administration pénitentiaire, ne présente aucune cohérence avec l'activité juridictionnelle : Nîmes relève ainsi de Toulouse, Poitiers de Bordeaux, Orléans et Reims de Dijon. La ministre, dès son arrivée, a pris des mesures conservatoires pour garantir aux juridictions une marge d'autonomie budgétaire. En toute hypothèse, il faudra revenir sur ce dossier dans le cadre d'une véritable réforme des cours d'appel.

À considérer les exemples de Toulouse et de Dijon, la réforme des citoyens assesseurs est peu concluante : une procédure de sélection des candidats lourde et complexe, la charge importante que représente l'accueil des citoyens assesseurs dans les juridictions, l'allongement des délais d'audience - parfois le double ! - au détriment des justiciables, une procédure inadaptée au tribunal d'application des peines qui demande des compétences techniques particulières et, enfin, son coût d'au moins 35 millions en année pleine si elle était généralisée. Certes, l'expérience est très enrichissante pour les 534 citoyens assesseurs qui ont siégé au premier semestre 2012, mais ce bénéfice personnel vaut-il les inconvénients soulignés ? Surtout, la participation des citoyens, parce qu'elle est trop brève, ne peut pas être capitalisée. Réfléchissons à une autre façon d'associer les citoyens à la justice.

Enfin, la réforme de la scolarité des greffiers. L'ENG doit faire face à une augmentation très notable de son plan de charge qui correspond aux importants recrutements décidés les années passées. Les métiers du greffe évoluent : les directeurs s'apparentent de plus en plus à des gestionnaires soumis à une logique de performance, les greffiers, doivent s'adapter à la mutation des outils et développer des compétences d'encadrement intermédiaire. En outre, il faut tenir compte de l'élévation significative de leur niveau : recrutés à BAC +2, ils ont la plupart du temps BAC+4 ou +5. La réforme articule plus finement formation initiale à l'ENG, formation continue obligatoire dans les cinq ans après l'école et formation continue facultative. La question-clé est celle des stages, en particulier du dernier. Ce stage de pré-affectation dans le poste choisi par le stagiaire, d'une durée de six mois, représente un tiers de la scolarité à l'école. Le risque est de voir les stagiaires utilisés comme titulaires sans encadrement approprié. Pour s'en prémunir, plusieurs pistes sont envisageables : réduire la durée du stage ou supprimer la faculté d'instrumenter à l'égal des titulaires que le Conseil d'État a reconnue aux stagiaires.

Ce budget va dans le bon sens, un plan triennal consolide l'augmentation des crédits de la justice. Je propose de lui donner un avis favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je ferai bientôt des propositions pour associer notre commission aux travaux sur la réforme des cours d'appel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Merci à Mme Tasca pour son excellent rapport. La grande question est : où va-t-on ? Que souhaite Mme Taubira ? Tout l'ouvrage est à remettre sur le métier ! Personne ne comprend plus rien à la répartition du contentieux entre le tribunal d'instance et celui de grande instance. Prenons le droit familial : le premier s'occupe de la tutelle des mineurs, le deuxième de l'autorité parentale ! Il faut certainement les fusionner en un tribunal de première instance. Même chose pour la procédure pénale : M. Lecerf et moi-même avons esquissé des pistes d'adaptation dans un récent rapport, des pistes qui diffèrent des méthodes abruptes dont on avait le secret durant le précédent quinquennat. La garde des sceaux nous dira sa position en répondant aux amendements de M. Mézard en fin de semaine. Idem pour la justice des mineurs.

Sur le budget lui-même, il n'est pas raisonnable de revaloriser le traitement des magistrats et non celui des greffiers. Les 35 millions d'euros budgétés pour les citoyens assesseurs s'imputent-ils sur les frais de justice ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Il s'agit du coût global de l'opération, incluant la contribution des magistrats et des fonctionnaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Une part de cette somme est donc bien constituée de frais de justice. Soyons clairs : les frais de justice ne doivent pas entraver la liberté des juges. Or l'insuffisance de crédits a de lourdes conséquences : par exemple, on réalise moins d'expertises... L'application de la LOLF à la justice mériterait donc des aménagements. Si mon groupe votera ce budget qui a été sanctuarisé, nous poserons plusieurs questions à la garde des sceaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Le gouvernement actuel poursuit l'action du précédent ; l'augmentation du budget de la justice de 4 % est exactement identique à celle de l'an dernier et je m'en félicite. Je ne partage pas l'activisme de Jean-Pierre Michel : vouloir tout faire, c'est la plus sûre façon de ne rien faire ! Les deux dernières promotions de l'école nationale de la magistrature (ENM) n'ont jamais été aussi nombreuses et j'espère que nous continuerons dans cette voie. Les ministres se succèdent mais l'État demeure.

Les greffes d'aujourd'hui ne sont plus ceux d'hier, d'où mon souhait de raccourcir leur formation. Le Conseil d'État a admis que les stagiaires pouvaient déjà instrumenter ; étant titulaires d'un ou deux masters, ils ont moins besoin d'être formés en droit qu'en informatique.

La réduction du nombre de gardes à vue confirme le bien fondé de la réforme intervenue en la matière. Je ne peux laisser dire que cette diminution est due à la réforme de la carte judiciaire car les gardés à vues sont davantage dans les gendarmeries que dans les tribunaux ! Comme Jean-Pierre Michel, je suis favorable à la fusion des juridictions des tribunaux d'instance et de grande instance.

Nous admettons tous que l'instauration des citoyens assesseurs est une très bonne réforme, même si elle nécessite sans doute de prendre davantage de temps. Tel procureur y était hostile au départ, mais favorable à l'arrivée !

Retenir l'avis des premiers présidents dans la réforme des cours d'appel était une façon pour moi de respecter l'indépendance de la justice car, à la différence des procureurs généraux, ils ne sont pas nommés par le ministre. Si l'on souhaite désormais moins respecter cette indépendance, il faudra prendre ses responsabilités. Madame le rapporteur évoque les cours de Montpellier ou de Toulouse mais elle aurait pu citer Agen...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Ou Bourges, Monsieur Michel ! La commission des lois du Sénat pourrait être un lieu de consensus sur un sujet aussi essentiel.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Je partage les conclusions de cet excellent rapport. L'évolution de l'aide juridictionnelle et des frais de justice constatée ces dernières années a effectivement joué un rôle dissuasif, situation d'autant plus inacceptable qu'elle touche nos concitoyens les plus en difficulté. Je ne peux donc que louer l'effort budgétaire réalisé.

Nous avons procédé à une réforme de la garde à vue, imposée notamment par la Cour européenne des droits de l'homme, sans que les moyens suivent, d'où la désaffection des avocats pour assister les personnes gardées à vue.

Si les cours d'appels de l'hexagone ont au moins la chance de bénéficier de l'autonomie budgétaire, il s'agit dans mon département d'une chambre détachée de la cour d'appel de Saint-Denis. Ce système a été mis en place l'année même où la chambre détachée de la Guyane était supprimée car son manque d'autonomie financière, mais aussi administrative, l'empêchait de fonctionner. La personne qui doit décider de la politique pénale à Mamoudzou se trouve à 1 500 kilomètres et ne dispose d'aucune connaissance du terrain !

Nous nous félicitons de l'effort budgétaire réalisé et nous souhaitons sa poursuite dans les années à venir.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Nous nous félicitons de l'évolution budgétaire proposée en regrettant toutefois qu'elle implique des contreparties dans d'autres politiques de l'État, pourtant toutes aussi prioritaires.

Par rapport aux magistrats, les greffiers ont le sentiment d'être traités de façon discriminante. Il nous faut leur apporter des réponses à la fois en termes de revalorisation financière mais aussi quant à la place de ce métier dans l'ensemble de l'appareil judicaire.

Si la question de la réforme de la carte judicaire n'est pas liée à celle de la garde à vue, l'éloignement des juridictions peut en revanche engendrer des coûts et rendre plus difficile l'accès à la justice. Les réformes à venir devront prendre en compte ces considérations, de même que les questions d'efficacité. Elles devront aussi envisager la justice comme un service public tourné vers les citoyens. Ces observations sont valables pour les deux autres rapports sur la mission.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Jean-Pierre Michel a raison : si tout n'est pas à refaire, beaucoup est à revoir dans l'organisation de la justice, depuis fort longtemps et en raison de réformes récentes qui ont perturbé le fonctionnement des juridictions.

Où va Madame Taubira ? Arrivée en pleine préparation du budget, elle n'avait pas la possibilité de résoudre immédiatement toutes les questions. Cependant, elle est très déterminée à conduire, après les consultations qu'elle engage de façon systématique, un certain nombre de réformes de fond auxquelles le Sénat sera très attentif.

Les frais de justice représentent 9 des 35 millions d'euros de dépenses liés à la généralisation éventuelle des citoyens assesseurs. De manière générale, la dotation budgétaire pour les frais augmente de 15 %, soit 60 millions en 2013. Est-ce que cela suffira ? La Chancellerie estime que c'est le cas.

L'augmentation de cette année, dont M. Mercier souhaite qu'elle se poursuive, n'est pas identique à celle de l'année précédente, qui avait surtout bénéficié à l'administration pénitentiaire. Le présent budget exprime une volonté de rééquilibrage.

Je vois bien que mes propos sur la garde à vue vous ont choqués...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Non, moins il y a de gardes à vue, mieux c'est !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Le lien entre la disponibilité des avocats et la réforme de la carte judicaire vient d'être très bien expliqué par Madame Cukierman.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Ce ne sont pas les tribunaux qui se déplacent, ce sont les avocats !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Certains avocats ont dû déménager après la fermeture des tribunaux ; leur pratique professionnelle en a été compliquée.

La réforme des cours d'appel a donné lieu à un désaccord entre les procureurs généraux et les premiers présidents et, pour des raisons qui m'échappent, ces derniers l'ont emporté. Toutefois, même parmi eux, cette réforme est aujourd'hui sujette à des interrogations et à des critiques ; c'est l'un des grands dossiers que nous aurons à traiter.

M. Mohamed Soilihi a rappelé les effets dissuasifs de la contribution pour l'aide juridictionnelle, dont la garde des sceaux nous a indiqué qu'elle disparaîtrait l'an prochain.

L'autonomie budgétaire des cours d'appel étant partie intégrante de leur indépendance, la pratique des chambres détachées à grande distance pose donc aussi problème en termes d'autonomie de la justice.

Madame Cukierman, mon rapport revient largement sur le problème des greffiers. J'ai indiqué à la garde des sceaux que la mesure indemnitaire en faveur des seuls magistrats était vécue comme un très mauvais signal, presque un élément de lutte des classes, à l'intérieur des juridictions pour lesquelles les greffiers donnent énormément et depuis des années. Dans le débat qui vient, nous ferons valoir qu'une réponse doit être apportée dès 2014 : il n'est pas pensable de leur dire qu'ils devront attendre 2015 !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

J'habite un petit village, situé à 50 kilomètres du TGI qui n'a pas bougé et à 20 kilomètres de celui du département voisin. Si vous voulez faciliter les choses, il faut créer des barreaux de cours. Vous résoudrez ainsi une grande partie du problème des déplacements des avocats.

J'ai choisi la position des premiers présidents -nommés pas le CSM- plutôt que celle des procureurs généraux -qui étaient nommés par moi -, de façon à mieux respecter l'indépendance de la justice. Je sais très bien que cela pose des problèmes de perte d'autonomie. Cette décision a été prise à un moment où étaient envisagées des plateformes plaçant dans la même position magistrats et non magistrats.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Contre-feu au projet de plates-formes interrégionales, la proposition des premiers présidents n'avait pas été suffisamment réfléchie. De toute façon, la réforme de la procédure de nomination devrait supprimer l'argument qui vous avait guidé dans ce choix.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

J'ai toujours suivi l'avis du CSM et vous le savez bien !

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits affectés à la justice judiciaire et à l'accès du droit au sein de la mission « Justice ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mme Jacqueline Gourault devant s'absenter pour des raisons de santé, elle m'a proposé la candidature de M. Yves Détraigne en qualité de rapporteur suppléant sur la proposition de loi de simplification des normes applicables aux collectivités locales dont la poursuite de l'examen en séance publique est prévue le mercredi 12 décembre.

Il en est ainsi décidé.

Puisque je dois accompagner le président du Sénat en Tunisie la semaine prochaine en qualité de président du groupe d'amitié avec ce pays, les réunions de la commission seront présidées par Jean-Pierre Michel.

Puis, la commission examine le rapport pour avis de M. Jean-René Lecerf sur le projet de loi de finances pour 2013 (mission « Justice », programme « Administration pénitentiaire »).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Le budget de l'administration pénitentiaire marque des inflexions plutôt qu'une rupture évidente par rapport aux budgets précédents. Il connait une augmentation de 6% des crédits de paiement et des moyens de fonctionnement mieux ajustés aux dépenses constatées.

Toutefois, la priorité donnée aux aménagements de peine dans la continuité des orientations de la loi pénitentiaire ne trouve pas de traduction concrète, l'effort de création des emplois de conseillers d'insertion et de probation (CIP) demeurant décevant. Ensuite, le gouvernement a renoncé à porter à 80 000 le nombre de places de détention à l'horizon 2017. Si votre commission s'était interrogée sur cet objectif, la remise en cause du nouveau programme immobilier laisse cependant place à de nombreuses incertitudes sur les rénovations et les constructions à venir. Enfin, l'administration pénitentiaire et l'ensemble des acteurs ont besoin aujourd'hui d'un projet de nature à mobiliser les énergies et les volontés.

Les principes posés par la loi pénitentiaire ont, pour l'essentiel, conservé toute leur actualité. Pourtant, la dynamique des changements engagés avec cette loi s'est ralentie et, parfois, enrayée.

Certains indicateurs de performance ont été redéfinis dans le sens des souhaits exprimés par votre rapporteur l'an dernier. Alors que le nombre de détenus par cellule ne distinguait pas les maisons d'arrêt - où la surpopulation est permanente - des établissements pour peine, un nouvel indicateur porte spécifiquement sur les taux d'occupation des maisons d'arrêt. A contrario, alors que j'avais indiqué l'an passé que la sécurité des établissements devrait s'apprécier à l'aune du nombre d'incidents affectant non seulement les personnels mais aussi les personnes détenues, tel n'est pas le cas et les arguments qui nous sont opposés ne sont pas convaincants.

On peut en outre regretter le manque d'ambition des prévisions retenues pour plusieurs indicateurs. Le taux de personnes détenues supposées bénéficier d'une activité rémunérée n'a ainsi cessé d'être revu à la baisse. Dés lors, quid de l'obligation d'activité posée par la loi ?

Les marges de manoeuvre sont étroites. Le programme « Administration pénitentiaire » représente 41,5 % des crédits de la mission « Justice », soit une dotation en crédits de paiement de 3,2 milliards d'euros. L'évolution des crédits est largement déterminée par les créations d'emplois liées à l'ouverture des nouveaux établissements, ainsi que par les charges contractuelles dues aux partenaires privés pour les établissements en gestion déléguée.

Le plafond d'autorisations d'emplois pour 2013 s'élève à 35 700 ETPT contre 35 511 en 2012. Cette progression correspond à l'extension en année pleine de 74 ETPT décidée en 2012 et à la création de 165 ETPT. M. Henri Masse, directeur d'administration pénitentiaire, nous a indiqué que les crédits avaient été obtenus par la création de 715 emplois sur trois ans, complétés par des redéploiements, soit au total 787 emplois pour assurer l'ouverture des nouveaux établissements et 288 emplois pour accompagner les actions d'insertion et de probation.

L'organigramme des établissements est souvent sous-dimensionné au regard de la surpopulation carcérale et l'effectif réel des surveillants ne correspond pas à celui inscrit dans l'organigramme. Le transfert des missions d'extraction judiciaire s'avère extrêmement complexe et les créations d'emplois liés à l'insertion ou à la prévention de la récidive se limitent à 63. Est-ce à la mesure d'une politique ambitieuse d'aménagement des peines ? D'une façon générale toutefois, la situation des personnels a été améliorée, à l'exception des personnels de direction dont certains quittent cette administration.

Saluons un effort de sincérité du budget, ce qui n'empêche pas une double inquiétude : d'une part, l'enveloppe consacrée à la lutte contre l'indigence est ramenée de 4,8 millions d'euros à 2,8 millions d'euros et, d'autre part, la subvention accordée à l'école nationale d'administration pénitentiaire (ENAP) passe de 27,4 à 25,6 millions d'euros.

Autre aspect du programme, la lutte contre la surpopulation carcérale. Au 1er octobre 2012, le nombre de personnes écrouées détenues s'élevait à 66 704, soit 4 % de plus que l'an dernier. Au 1er septembre 2012, les établissements pénitentiaires disposaient de 57 385 places opérationnelles. Le nombre d'établissements présentant une densité supérieure à 120, 150 et même 200 % a augmenté depuis 2010. Toutefois, les situations étant très disparates selon les catégories d'établissements, le taux d'occupation moyen de 115 % n'est pas un indicateur pertinent. Aussi, convient-il sans doute de ne retenir que le nombre de détenus en surnombre calculé à partir des établissements surpeuplés. Face à cette pression, les réponses ont jusqu'à présent combiné augmentation des capacités de détention et aménagement des peines.

Le programme immobilier a aussi été profondément revu. Si le programme Perben, décidé par la loi d'orientation et de programmation pour la justice (LOPJ) en 2002 prévoyant la création de 13 200 et la fermeture de 2 485 places sera totalement réalisé en 2015, celui qui aurait dû prendre son relais sera profondément révisé. La France, qui devait en 2017 être dotée de 70 400 places, réparties en 62 500 cellules, disposera en fait de 61 303 places pour 52 490 cellules. Les modalités de financement, notamment liées aux partenariats public-privé (PPP), sont également remises en cause. Il est indispensable de revoir la taille de l'architecture des établissements pénitentiaires, tout en étant conscient que le coût de construction d'une cellule est inversement proportionnel à la capacité de la prison.

L'aménagement des peines constituant une alternative efficace et économique à l'accroissement des capacités de détention, les personnes condamnées à une peine inférieure à un an représentaient, au 1er janvier 2012, 36 % de la population sous écrou. La loi pénitentiaire a créé un cadre juridique très favorable à cette solution : désormais, en matière correctionnelle et hors condamnations en récidive légale, une peine d'emprisonnement ne peut être prononcée qu'en dernier recours. Lorsque c'est le cas, la peine doit faire l'objet d'un aménagement si la personnalité et la situation du condamné le permettent. Cependant, hormis le bracelet électronique qui s'est considérablement développé ces dernières années, les autres mesures d'aménagement, telles que la liberté conditionnelle, la semi-liberté ou le placement à l'extérieur, stagnent ou hélas se réduisent. L'objectif affiché de Mme Taubira d'un doublement du nombre des 8 000 placements sous surveillance électronique (PSE) laisse perplexe car cette solution fait trop rarement l'objet d'un accompagnement socio-éducatif. De même qu'une politique pénitentiaire ne se limite pas à l'augmentation du nombre de places, la politique d'aménagement ne saurait consister en une simple multiplication des bracelets. Des effectifs de conseillers d'insertion et de probation (CIP) demeurent insuffisants. Alors que l'étude d'impact annexée à la loi pénitentiaire estimait nécessaire de réduire de 80 à 60 le nombre de dossiers suivis par chaque CIP, ce ratio était de 88,4 au 1er janvier 2011. Enfin, si la lutte contre la récidive passe par le développement des aménagements, elle implique une évaluation de la dangerosité pendant la détention. C'est notamment à l'initiative de votre rapporteur que le champ de cette évaluation a été progressivement élargi, conduisant à multiplier les centres nationaux d'évaluation et à renforcer leur rôle. Au centre de Fresnes, se sont ajoutés ceux de Réau et de Lille Sequedin.

Les conditions de détention font l'objet d'un bilan très contrasté. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, M. Jean-Marie Delarue, observe que l'érosion des moyens de l'administration pénitentiaire entraîne une détérioration des conditions de détention. Les détenus sont amenés à cantiner des produits qui leur étaient auparavant fournis. Le progrès qu'a représenté la fixation à 8 euros par mois de l'accès à la télévision a entraîné des difficultés financières pour nombre d'associations culturelles qui vivaient du bénéfice réalisé grâce à ce service. La mise en cause de la responsabilité de l'Etat en raison des conditions de détention a connu une forte hausse, passant de moins de 50 000 euros pour la période 2007-2009 à 323 000 euros en 2011. Cette même année, 775 agressions physiques touchant 1016 membres du personnel ont été recensées, s'accompagnant d'une augmentation de leur taux de violence. Les agressions contre les détenus - 8 365 - ont crû de 7% et le nombre de suicides reste élevé (123 en 2011). La croissance des suicides chez les personnes bénéficiant d'un aménagement de peine pose la question du caractère insupportable du bracelet électronique pour certains détenus.

L'indispensable renforcement de la sécurité des personnes au sein des établissements renvoie en premier lieu à la question des fouilles. La sécurité des personnes constitue le premier argument avancé par les personnels en faveur de la pratique systématique des fouilles intégrales, en contradiction avec les principes de la loi pénitentiaire. En effet, les principes de nécessité et de proportionnalité ne sauraient être oubliés. Il convient notamment de multiplier les portiques à ondes millimétriques qui existent déjà à Lannemezan ou à Saint-Maur. Les 600 000 euros prévus dans le PLF 2013 permettant de financer 4 portiques : à ce rythme, il faudra sans doute tout le troisième millénaire pour équiper nos établissements... Les projections réalisées de l'extérieur vers la prison constituent un phénomène très préoccupant. Au cours du week-end précédent notre visite du centre pénitentiaire d'Avignon, pas moins de 108 colis introduits de cette façon avaient été retrouvés par les surveillants. Contre le trafic florissant de téléphones portables, l'administration pourrait développer les brouillages et faciliter l'accès aux points Phone.

Autre préoccupation, la lutte contre l'islamisme radical passe par la présence renforcée d'aumôniers musulmans suffisamment formés. Il s'agit de favoriser une pratique religieuse apaisée et l'éviction des imams autoproclamés. Quant à la prise en charge sanitaire des personnes détenues, elle a progressé notamment par la mise en place des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) pour les soins somatiques et des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour les soins psychiatriques.

La mobilisation est insuffisante en faveur de l'activité des détenus, qui est pourtant l'un des objectifs de la loi pénitentiaire. En 2011, 24 934 personnes détenues ont eu une activité rémunérée, soit un taux de 39%, demeuré stable. Comment mieux faire ? Sans doute par le développement des activités de la régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP), la multiplication des initiatives de l'administration pénitentiaire en complément des activités gérées par le secteur privé, ainsi qu'avec un peu d'imagination. Par exemple, à Douai, les détenus sont formés au tri sélectif des déchets, ce qui bénéficie à la prison et leur assure un emploi à la sortie pendant une durée minimale de six mois. Il conviendrait aussi de donner, comme je l'avais demandé, la priorité aux productions pénitentiaires dans les marchés publics et pour le moins hâter l'implantation de structures d'insertion par l'activité économique, sujet sur lequel les décrets d'application sont toujours en attente. Si la loi pénitentiaire avait prévu de remplacer la rémunération à la pièce par l'instauration d'un taux horaire minimum fixé par décret, cette mesure rencontre de vives réticences car elle risque d'évincer les détenus les plus fragiles.

Les possibilités d'intervention des régions doivent être élargies. Si en 2011, le nombre des détenus ayant bénéficié d'une formation professionnelle - 25 437 - a crû de 6,5 % par rapport à l'année précédente, les budgets consacrés à la formation n'ont cessé de se contracter. La décentralisation des actions de formation, envisagée par la loi pénitentiaire, bute sur la nécessité d'indemniser les partenaires privés délégataires de ces activités. Ce problème ayant conduit les régions Provence-Alpes-Côte-D'azur et Nord-Pas-de-Calais à renoncer à ce transfert, la solution doit passer par une modification des contrats des délégataires.

Je recommande un avis favorable à l'adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice ».

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Puisque nous avons du mal à trouver du travail pour les prisonniers, l'Etat pourrait donner l'exemple. Lorsque j'ai suggéré que le kiosque de souvenirs du Sénat achète de magnifiques calepins réalisés par le centre de détention de Melun, la première réponse qui m'a été faite a été pour mettre en doute leurs qualités. N'y a-t-il pas moyen de titiller nos administrations afin qu'elles pensent en priorité à nos prisonniers ?

Est-il prévu un développement des centres de semi-liberté, dont on sait qu'ils limitent les risques de récidive ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Merci pour ce rapport fait par l'un des meilleurs connaisseurs de la situation. Je voterai ces crédits avec une réserve : que la loi pénitentiaire soit appliquée. Cela implique que les courtes peines soient aménagées. Il ne s'agit pas ici de bracelets électroniques mais de disposer de moyens pour assurer les contrôles, ainsi que d'agir en faveur des associations et de l'environnement socio-éducatif des personnes condamnées. Autre exigence : l'absence de fouille qui suppose que le ministère s'équipe en portiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Félix Desplan

En Guadeloupe, la maison d'arrêt de Basse-Terre, ancien couvent pour lequel on parle de rénovation depuis des années, est vraiment « une honte pour la République ». Quant au centre pénitentiaire de Baie-Mahault, quoique plus récent, il rencontre des problèmes d'espace et permet des évasions. Tout en étant un peu déçu, je comprends que la ministre n'ait pas pu agir dès son arrivée. Mais nous devrons être très vigilants l'an prochain sur la rénovation des prisons qui en ont besoin. Sous cette réserve, je voterai les crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Merci au rapporteur dont j'ai, comme à chaque fois, apprécié la clarté sur ce sujet. Je voterai les crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Pour combler l'important besoin de rattrapage du budget de la justice, il nous faut inciter le gouvernement à renouveler son effort d'année en année. Il est clair que sans programme pluriannuel, nous ne comblerons pas les retards accumulés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je suis intégralement d'accord avec les propos de M. Michel. Madame Lipietz, un simple effort d'imagination pourrait inciter l'ensemble des collectivités publiques à acheter les productions des détenus. La RIEP a produit des armoires ou des tables remarquables qui pourraient être acquises par des écoles. Pourquoi ne le font-elles pas ? Pourquoi se limiter à la fourniture des chaussures et des uniformes du personnel pénitentiaire ? C'est une des raisons de mon souhait d'instaurer une préférence en faveur de ces productions. Certes, le service de l'emploi pénitentiaire étant dépourvue de personnalité morale, l'Etat peut sans difficulté s'acheter à lui-même mais il n'y a pas que l'Etat. Je pense bien sûr aux collectivités locales. En matière de semi-liberté, des projets existent à Chambéry, à Bourg-en-Bresse, à Bois-d'Arcy, à Nanterre, à Orléans, à Rennes, à Riom et à Beauvais. Il faudra que cette intention se traduise par un effort concret et que les centres soient plus près de l'emploi, c'est à dire des agglomérations.

En Guadeloupe, les projets en cours ne sont pas annulés, mais différés : il s'agit des extensions de 180 places à Basse-Terre et de 150 à 250 places à Baie-Mahault.

Les services pénitentiaires ont fourni des efforts financiers depuis très longtemps, tous les moyens nouveaux étant mobilisés sur un seul objectif : la construction de nouvelles prisons et l'embauche du personnel de surveillance indispensable à leur fonctionnement. Il est temps d'arrêter la construction de nouvelles prisons. Nous avons atteint un ratio de 100 places de prison pour 100 000 habitants, ce qui nous situe dans une honnête moyenne européenne. La Grande Bretagne en a beaucoup plus, les Etats-Unis davantage encore - cela confine à la folie ! - l'Allemagne et les pays nordiques en ont moins qu'en France. Nous devons mettre l'accent sur les alternatives, sur l'innovation et il faut y mettre les moyens, en finançant les associations, en embauchant des conseillers d'insertion et de probation. Les problèmes budgétaires sont tels aujourd'hui que si nous n'arrêtons pas de construire des places de prison, nous ne pourrons fournir aucun autre effort. J'approuve, à titre personnel, au contraire du rapporteur à l'Assemblée nationale, ce retour à la logique de la loi pénitentiaire.

Debut de section - Permalien
Esther Benbassa et

M. Jean-Pierre Michel. - Bravo !

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits.

Enfin, la commission examine le rapport pour avis de M. Nicolas Alfonsi sur le projet de loi de finances pour 2013, mission « Justice », programme « protection judiciaire de la jeunesse ».

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Comme chaque année, l'examen des crédits du programme n°182 nous offre l'occasion de dresser un bilan de l'action des pouvoirs publics en matière de justice des mineurs.

Ce budget 2013 est un budget de rupture : les crédits et les postes augmentent. De 2008 à 2011, les crédits de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) avaient diminué de façon continue : - 6% sur l'ensemble de cette période. La légère hausse de 2012 était uniquement destinée à financer la transformation de 20 foyers classiques en centres éducatifs fermés (CEF). Sur la période 2008-2012, la PJJ a perdu 556 emplois.

La PJJ a réussi à faire face à ces diminutions en recentrant son activité sur le pénal : depuis 2008, elle a progressivement cessé d'intervenir dans le domaine de la protection de l'enfance en danger (sauf en matière d'investigations), tout en restructurant ses services et en fermant des unités qui étaient trop petites ou inadaptées. Elle a créé neuf directions interrégionales, correspondant aux circonscriptions de l'administration pénitentiaire, et 54 directions territoriales.

En 2013, l'étau se desserre un peu : les crédits augmenteront de 1,09% en autorisations d'engagement et de 2,41% en crédits de paiement, ce qui nous amène aux alentours de 800 millions d'euros. Par ailleurs, le plafond d'emplois augmente de 205 ETP (équivalents temps plein), ce qui se traduira par la création effective de 75 emplois. L'ensemble des acteurs de la justice des mineurs s'en félicitent.

Ce budget marque aussi une rupture dans les priorités. Nous en avons déjà parlé : entre 2002 et 2012, l'accent a été mis sur la prise en charge des mineurs délinquants les plus difficiles, avec la mise en place des CEF et l'intervention d'éducateurs en prison, notamment dans les établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM). Ce type de prise en charge est positif, comme l'ont souligné l'année dernière nos collègues Jean-Claude Peyronnet et François Pillet, mais coûteux. Notre commission s'était inquiétée des conséquences de l'accroissement de ces dispositifs au détriment des autres modes de prise en charge - les foyers classiques et le milieu ouvert en particulier.

Ce projet de budget propose un rééquilibrage.

Il ne remet pas en cause les CEF, ni l'intervention des éducateurs en prison. Quatre nouveaux CEF seront ouverts en 2013, après trois ouvertures cette année (ce qui porte à sept sur vingt le nombre de foyers transformés en CEF dans le cadre du projet lancé par le précédent Gouvernement). Mais un gel des nouvelles transformations a été annoncé, dans l'attente d'une évaluation du dispositif et de la nécessité de trouver un moyen de ne pas développer les CEF au détriment des autres solutions de placement.

Il met par ailleurs l'accent sur les services de milieu ouvert, en proposant d'affecter 178 emplois à cette fonction dans les territoires les plus sollicités, à la suite de l'effort entamé l'année dernière par le précédent Gouvernement. Le but est de ramener les délais de prise en charge de 13 jours à 5 jours rapidement, comme l'obligera à partir de janvier 2014 la loi sur l'exécution des peines du 27 mars 2012.

Enfin, il agit en faveur des familles d'accueil, dont l'indemnité passera de 31 à 36 euros par jour. Ce mode de prise en charge est adapté à certains mineurs délinquants et permet de stabiliser leur situation. Le but du Gouvernement est d'augmenter le nombre de familles d'accueil de 350 en 2012 à 450 l'année prochaine. C'est très positif.

J'en viens au secteur associatif habilité, partenaire ancien et reconnu pour la PJJ. Environ un tiers de son budget, soit 240 millions d'euros, lui est attribué. Les associations proposent une diversité de modes de prise en charge. Certaines d'entre elles sont habilitées à la fois par l'État, au titre de l'ordonnance de 1945, et par les conseils généraux au titre de la protection de l'enfance en danger.

Elles ont parfois joué un rôle moteur dans la mise en place de solutions éducatives nouvelles : la mesure de réparation pénale, les centres éducatifs renforcés (CER), les CEF, que le secteur associatif a été le premier à développer.

L'État habilite et contrôle les associations. Mais il s'investit trop peu dans la formation des personnels. Un effort devrait être accompli, pour permettre aux agents du secteur associatif habilité d'avoir accès aux formations proposées par l'Ecole nationale de la protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ).

Cette année encore, le secteur associatif habilité est mis à contribution. Les crédits qui lui sont réservés diminuent de façon continue depuis 2008. C'est en partie la conséquence du recentrage de la PJJ sur le pénal, mais pas seulement. Comme dans le secteur public, une pression à la baisse est exercée sur les coûts de fonctionnement des associations. Celles-ci s'inquiètent notamment de la nouvelle « mesure judiciaire d'investigation éducative », qui leur fait perdre des postes et risque de diminuer la qualité des investigations.

En outre, la PJJ a tendance à faire exécuter de plus en plus « en interne », par ses propres services, des mesures qu'elle faisait exécuter auparavant par les associations, comme les investigations ou réparations pénales par exemple.

Enfin, la décision d'imputer le financement du « service citoyen » en établissement public d'insertion de la défense (EPIDe) créé par la loi Ciotti, soit deux millions d'euros, sur les crédits du secteur associatif, est inopportune.

Il me paraît légitime que les associations prennent leur part dans les efforts de maîtrise des dépenses publiques, mais le Gouvernement devrait veiller à ne pas déstabiliser certaines associations qui sont déjà fragiles. Sa décision de réserver 10 millions d'euros pour résorber les arriérés de paiement de l'État à l'égard des associations est bonne, mais elle ne sera pas suffisante pour résorber totalement les arriérés de paiement - qui atteignent près de 40 millions d'euros en 2012. Les mesures budgétaires ne devraient pas avoir pour effet de diminuer la qualité de la prise en charge. J'attirerai l'attention de Mme le garde des Sceaux sur ce point en séance publique.

Les juridictions pour mineurs font face à de nombreuses évolutions.

L'activité pénale des juges des enfants est en plein bouleversement. Les parquets jouent un rôle de plus en plus important chaque année : près de 58% des mineurs délinquants font l'objet d'une mesure alternative aux poursuites en 2011, contre 41% en 2004. Les procédures rapides de convocation et de jugement sont de plus en plus utilisées.

Les juges des enfants seront obligés d'appliquer la loi tirant les conséquences de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) du 8 juillet 2011 à partir du 1er janvier 2013 : il sera alors interdit à un juge des enfants qui a instruit une affaire de présider le tribunal pour enfants chargé de juger cette même affaire. La mise en oeuvre de cette décision soulève de nombreuses difficultés, particulièrement dans les 34 juridictions où il n'y a qu'un seul juge des enfants. La mutualisation entre juges d'une même cour d'appel va poser des problèmes et engendrer des coûts supplémentaires. Je me félicite que le projet de budget créée dix nouveaux postes de juges des enfants, mais cela ne suffira pas. Un fonctionnement en binômes pourrait être mis en place, la Chancellerie y réfléchit dans le cadre d'un groupe de travail. Il faudra évaluer rapidement cette situation et, si nécessaire, modifier la loi rédigée en décembre 2011, dans le respect des principes de l'ordonnance de 1945 et de la décision du Conseil constitutionnel.

Le tribunal correctionnel pour mineurs juge depuis le 1er janvier 2012 des récidivistes de plus de 16 ans ayant commis des infractions punies d'au moins trois ans d'emprisonnement. A ma connaissance, il y a très peu d'audiences. L'état de récidive légale est très restrictif. Entre janvier et mai 2012, moins de 200 personnes ont été jugées par cette juridiction, à comparer avec les 33 000 qui sont jugées chaque année par les tribunaux pour enfants. Il faudra se poser la question de l'utilité de cette juridiction.

Les juges des enfants ont une double casquette : ils sont compétents en matière pénale mais aussi dans le domaine de la protection de l'enfance en danger, qui constitue leur activité principale. Pour ce type de suivi, les juges des enfants n'ont désormais plus en face d'eux que les conseils généraux, puisque la PJJ n'exerce plus aucune compétence au civil. Or nous n'avons aucun moyen de savoir comment les décisions des juges des enfants sont exécutées par les conseils généraux. L'État se retranche derrière la libre administration des collectivités territoriales, ce qui n'est pas acceptable, car il doit pouvoir savoir si des décisions judiciaires sont exécutées ou pas. Je l'avais dit l'an dernier : l'État ne peut pas se désintéresser de l'exécution des décisions civiles des juges des enfants et doit mettre en place un outil de suivi.

Il faudra que nous nous penchions sur les conséquences du désengagement de la PJJ de la protection de l'enfance en danger. Pour les magistrats, cette coupure est trop brutale : certains mineurs délinquants sont aussi des mineurs en danger et il faudrait pouvoir assurer une continuité de la prise en charge, qui fait souvent défaut.

Depuis son recentrage sur le pénal, la PJJ a renforcé ses partenariats avec les conseils généraux, preuve qu'elle ne peut pas se désintéresser de la protection de l'enfance. Le décret de juillet 2008 lui assigne pour mission la conception des normes et des cadres d'organisation de la justice des mineurs. La PJJ participe ainsi aux cellules de recueil des informations préoccupantes (CRIP) et aux observatoires départementaux de la protection de l'enfance. Elle mène également une politique d'audit de concert avec les conseils généraux et a formé une partie de leurs personnels dans ce domaine l'an dernier. En revanche, les relations entre la PJJ et les conseils généraux sont loin d'être apaisées sur la question des mineurs étrangers isolés.

Je me suis rendu à Douai le mois dernier. Dans ce territoire où se concentrent de nombreuses difficultés, les initiatives de partenariats ciblés sont très intéressantes. La PJJ a conclu un partenariat avec la brigade de prévention de la délinquance juvénile de la gendarmerie nationale pour mettre en place conjointement des mesures de réparation pénale ou des libertés surveillées. Les gendarmes interviennent auprès des jeunes sur des thématiques ciblées : atteintes aux biens ou aux personnes, trafic de stupéfiants, infractions au code de la route. 309 jeunes ont été suivis en 2011. Les sessions permettent de nouer un dialogue avec le jeune et de lui rappeler quelques règles élémentaires. Autre partenariat intéressant : la conclusion d'une convention avec le centre médico-psychologique de Douai sur les infractions sexuelles. Deux groupes de parole ont été mis en place et offrent de bons résultats, d'après les premiers retours d'expériences. Une autre initiative ciblée sur l'alcoolisme était à l'étude le jour de ma visite. Ce type d'initiative mérite d'être évalué, développé et, le cas échéant, diffusé sur l'ensemble des territoires pertinents.

L'année dernière, je m'étais montré indulgent, car la PJJ faisait de gros efforts pour limiter l'impact des baisses de crédits sur la qualité du travail des éducateurs. Cette année, point besoin d'indulgence, car c'est un budget très positif, même si je ne manquerai pas d'appeler l'attention du Gouvernement sur la situation des associations et des juges pour enfants.

Je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la PJJ.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Pour ma part, je suivrai le rapporteur dans sa proposition d'adoption des crédits.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Lipietz

Les familles d'accueil de la PJJ, à la différence de celles de l'aide sociale à l'enfance (ASE), ne bénéficient d'aucun statut, d'aucune protection sociale. Où en est le projet de les doter d'un statut leur confèrant notamment des droits à la sécurité sociale et à la retraite ?

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Merci, Monsieur le rapporteur, de votre constance, comparable à celle de M. Lecerf. Elle est très utile à la commission. Je m'interroge sur la formation des éducateurs de la PJJ. La population des mineurs change. Même s'ils restent mineurs, ils sont bien différents de leurs aînés des décennies passées. Leur formation en tient-elle compte ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ayant rencontré des jeunes en situation très difficile, je puis témoigner que l'action des éducateurs est irremplaçable. Le lien avec le monde du travail aussi. J'ai constaté, parmi ces jeunes ayant commis des actes de délinquance, que ceux qui sont intégrés dans une structure de travail, chez un artisan ou dans une PME, se réinsèrent dans la société, en lien avec le suivi exercé par la PJJ et l'action des associations, qui contribuent à redonner à ces jeunes une fierté d'eux-mêmes.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Madame Lipietz, les familles d'accueil n'ont pas de statut à l'heure actuelle, mais il est à l'étude à la Chancellerie. J'ai évoqué la hausse de l'indemnité journalière et du nombre de familles accueillant des jeunes suivis par la PJJ, ce qui leur permet souvent de se reconstruire dans d'excellentes conditions. Dans la crise actuelle, certaines familles peuvent aussi en tirer un complément de revenus, de l'ordre de 900 euros par mois.

Quant à la formation, les éducateurs font des stages à l'ENPJJ. Le personnel des conseils généraux peut aussi y participer. Mais le nombre d'heures diminue pour des raisons financières. C'est lors des stages qu'ils peuvent acquérir de nouvelles méthodes éducatives. Il faut poursuivre les actions engagées dans ce domaine.

Il y a des jeunes au parcours étonnant, pris en charge au pénal et qui connaissent une rupture avec la prise en charge au civil, puisqu'il n'y a pas toujours de continuité entre l'action de la PJJ et celle des conseils généraux. J'ai évoqué le problème du suivi de l'exécution des décisions de justice par les conseils généraux. Il s'agit pourtant d'une compétence régalienne de l'Etat. L'hétérogénéité est grande, selon la gestion de chaque exécutif local.

Il y a, Monsieur le Président, une diversité de structures d'accueil et de solutions pour les jeunes, d'où l'importance de l'action des associations. A chaque adolescent, après les erreurs qu'il a commises au départ, correspond une décision particulière, une mesure à prendre, par les éducateurs et les associations, pour le remettre sur le chemin, que celui-ci passe par l'atelier d'un artisan, une structure associative ou un autre mode de placement.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme n° 182 : « protection judiciaire de la jeunesse » de la mission « Justice ».