Jean-Jacques Hyest a été nommé rapporteur du projet de loi constitutionnelle n° 3253 (AN, XIIIe lég.) relatif à l'équilibre des finances publiques, sous réserve de son adoption et de sa transmission par l'Assemblée nationale.
Je vous indique que nous entendrons les ministres sur ce texte le 24 mai à 16 h 30 au cours d'une audition commune avec la commission des finances et de la commission des affaires sociales, saisie pour avis.
M. Jean-René Lecerf a été nommé rapporteur du projet de loi n° 438 (2010-2011) sur la participation des citoyens au fonctionnement de la justice pénale et le jugement des mineurs.
La commission examine ensuite le rapport de M. René Garrec sur la proposition de loi n° 355 (2010-2011), présentée par M. Yvon Collin et les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, tendant à renforcer les moyens de contrôle et d'information des groupes politiques de l'Assemblée nationale et du Sénat.
J'observe que, en pratique, l'on prend quelque liberté, dans la fixation de l'ordre du jour, avec l'article 42 de la Constitution, qui dispose que « la discussion en séance, en première lecture, d'un projet ou d'une proposition de loi ne peut intervenir, devant la première assemblée saisie, qu'à l'expiration d'un délai de six semaines après son dépôt »...
Si les auteurs de cette proposition de loi posent une question légitime, ils n'ont pas choisi, à mon sens, le bon vecteur. Je m'en suis ouvert à M. Collin, lui faisant valoir que cette question était bien plutôt du ressort du président du Sénat en concertation avec les présidents de groupe et de commission : il serait préférable de remettre sur le métier la réflexion déjà engagée par le groupe de travail conduit par MM. Hyest et Frimat en vue de proposer des améliorations à notre règlement.
Sur quoi repose cette proposition de loi ? Sur l'idée que les groupes politiques doivent fonctionner comme des commissions. Par quoi elle est inconstitutionnelle. Notre règlement reconnaît déjà des droits spécifiques aux groupes politiques, auxquels une séance mensuelle est réservée dans l'ordre du jour. Mais les auteurs de ce texte veulent aller plus loin, en leur reconnaissant en matière de contrôle des prérogatives qui appartiennent aux commissions et à elles seules. Ils posent également la question des moyens financiers des groupes. Je rappelle, en tant que questeur, que ces moyens ont déjà augmenté de 30 %. Peut-être faut-il aller au-delà ?
L'article premier de cette proposition de loi est sans portée normative ; son article 2 reconnaît aux groupes politiques un droit d'accès à toutes informations nécessaires, ainsi que le droit de se faire assister par tout organisme, de se voir transmettre tout document, de procéder à toute audition, selon une procédure calquée sur celle des commissions d'enquête ; son article 3 leur permet de saisir une vingtaine d'autorités administratives, depuis l'Autorité de la concurrence jusqu'au Contrôleur des lieux privatifs de liberté, en passant par l'Autorité de sûreté nucléaire.
C'est confondre, en matière de contrôle, les prérogatives des groupes avec celles des commissions, au risque d'une triple inconstitutionnalité. Au regard de l'article 51-1 de la Constitution, tout d'abord, qui renvoie au règlement des assemblées et non à la loi le soin de déterminer les droits des groupes politiques. A celui de son article 20, ensuite, qui veut que le Gouvernement « dispose de l'administration », en vertu du principe de séparation des pouvoirs. Au reste, les parlementaires disposent déjà, en matière de contrôle, de la faculté d'interroger le Gouvernement par voie de questions écrites et orales.
Avec le succès que nous leur connaissons. Et j'emploie le terme de « succès » au sens du Grand siècle : l'issue, le résultat ...
Quant aux rapports au Parlement visés à l'article 2, ils sont disponibles au bureau de la distribution.
Inconstitutionnalité, enfin, au regard de l'article 24 de la Constitution, qui confie au Parlement la mission de contrôler l'action du Gouvernement et d'évaluer les politiques publiques. C'est-à-dire à ses commissions, permanentes ou d'enquête, ses missions d'information et ses délégations. La jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, encore confirmée par la décision du 25 juin 2009, reconnaît strictement le rôle d'information des commissions pour l'exercice des pouvoirs de contrôle en vue d'informer leur assemblée, ce qui justifie leurs prérogatives en matière d'auditions par exemple. Quant aux commissions d'enquête, leur durée est limitée, leur objet circonscrit et leurs travaux publics. Tel n'est pas le cas de ceux des groupes politiques, qui ne rendent pas compte de leurs travaux à l'assemblée et dont le rôle d'information se limite donc à leurs membres.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de soulever, sur ce texte, l'exception d'irrecevabilité.
Hommage soit néanmoins rendu à ses auteurs, qui soulèvent une question pertinente.
Comment faire pour que les groupes politiques prennent toute leur part aux travaux du Sénat ? Vous me donnerez acte, monsieur Sueur, que le reconnaître n'est pas fleurer l'Ancien régime.
Pour moi, le bon vecteur est celui de la Conférence des présidents. S'il est utile de formuler des propositions complémentaires de modification de notre règlement, qu'un groupe de travail, qui fera suite à celui dont eurent la charge MM. Hyest et Frimat, remette l'ouvrage sur le métier.
Au demeurant, j'ai la conviction que les membres du groupe RDSE, qui compte de fins constitutionnalistes, savent fort bien que ce texte contrevient à notre loi fondamentale : ils ne souhaitent pas autre chose que porter la question en séance.
C'est un abus de langage que de parler de séparation des pouvoirs dans le régime qui est désormais le nôtre : l'exécutif exerce les trois quarts du pouvoir législatif, il fixe notre ordre du jour, il dispose de tous les moyens pour faire voter ce qui lui convient, il peut dissoudre le Parlement, et j'en passe ! Aux États-Unis, la chambre peut forcer le gouvernement à des accommodements. Voyez ce qui s'est passé avec le budget 2011. On n'en est pas là en France.
Vous renvoyez la solution au règlement ? Mais il ne peut pas tout autoriser ; la saisine, notamment, d'autorités administratives indépendantes, comme prévu à l'article 3 de cette proposition. Je comprends que l'on trouve contestables les dispositions relatives aux auditions, mais pourquoi priver les groupes de la capacité de saisir des instances susceptibles d'éclairer leur réflexion ? Pour les y autoriser, il y faut un support législatif, et vous le savez bien : la fin de non-recevoir que vous opposez à ce texte est toute de circonstance.
Les fonctionnaires de l'État sont à la disposition du Gouvernement. Un groupe politique ne peut pas leur demander de venir s'expliquer devant lui : ce serait contraire au principe de séparation des pouvoirs qui, considérât-on que le pouvoir législatif est réduit à peu de chose, n'en reste pas moins inscrit dans la Constitution. Il s'agit ici de s'en tenir au strict cadre constitutionnel.
Les autorités administratives indépendantes sont-elles à la disposition du Gouvernement ?
Elles sont des démembrements de l'exécutif. Je préfèrerais qu'elles ne soient pas indépendantes, mais c'est un autre débat.
La commission adopte l'exception d'irrecevabilité proposée par le rapporteur.
Puis la commission examine les amendements au texte n° 395 (2010-2011) qu'elle a établi pour le projet de loi n° 344 (2009-2010) relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.
Adoption des amendements du rapporteur
Mon premier amendement vise à prévoir que la requête en injonction de payer, lorsqu'elle relève de la compétence du tribunal de grande instance, peut être présentée par le requérant ou par son mandataire. Il assure donc une unité de la procédure en matière d'injonction de payer.
L'amendement du rapporteur est adopté.
Article 14
L'assemblée générale du Conseil national des barreaux tenue les 8 et 9 avril derniers s'est déclarée favorable à la publication de barèmes indicatifs à condition qu'ils soient révisés régulièrement. Mon amendement vise à introduire cette révision au minimum tous les deux ans.
L'amendement est adopté.
Motions
Examen des amendements extérieurs
Avis défavorable à l'amendement n° 19, qui vise à supprimer l'article 1er, relatif à la réforme des juridictions de proximité, ainsi qu'au n° 36, qui supprime la participation des juges de proximité aux formations civiles du tribunal de grande instance, en qualité d'assesseurs.
Je me souviens des débats qui ont présidé à la création des juges de proximité. On est loin aujourd'hui de l'emphase d'alors, quand leur création nous était présentée comme une véritable révolution copernicienne ! Quant à nous, nous n'avons cessé de dire, avec Jean-Pierre Michel, qu'il vaudrait mieux, plutôt que de créer ces tribunaux de proximité, renforcer les tribunaux d'instance et de grande instance. L'Histoire nous donne raison.
L'enthousiasme dont vous faites état n'a jamais été partagé par la commission des lois.
Nous estimions que les juges de proximité pouvaient être utiles comme assistants dans les tribunaux d'instance. Je vous renvoie aux conclusions de notre mission d'information sur les métiers de la justice. Lorsqu'ensuite le Président de la République a annoncé sa volonté de créer des tribunaux de proximité, j'ai exprimé mes réserves.
L'amendement n° 28 est satisfait par l'article premier, qui prévoit que les juges de proximité demeurent minoritaires dans les juridictions collégiales, tant en matière civile qu'en matière pénale.
La commission convient de demander le retrait de l'amendement n° 28.
L'amendement n° 16 rectifié bis vise à maintenir les compétences des juges de proximité pour statuer sur les contentieux civils d'une valeur n'excédant pas 4.000 euros, sans remettre en cause la suppression de la juridiction de proximité. Ce peut être le moyen de décharger les juges d'instance de litiges mineurs. Sagesse.
Si nous n'avons pas d'objection sur le fond, pourquoi ne pas émettre un avis favorable ?
La commission émet un avis favorable aux amendements n°s 16 rectifié bis, 27 et 35.
Article 2
L'amendement n° 17 rectifié, de même que les n°s 32 et 49, sont satisfaits par l'adoption de mon amendement n° 1. Retrait.
La commission convient de demander le retrait des amendements n°s 17 rectifié, 32 et 49. Elle émet un avis défavorable aux amendements n°s 30 rectifié et 48.
L'amendement n° 18 rectifié, comme le n° 50, vise à permettre aux huissiers de justice d'apposer la formule exécutoire sur l'ordonnance d'injonction de payer lorsque celle-ci ne fait pas l'objet d'une opposition. Une telle mesure serait sans incidence sur le fonctionnement des juridictions, puisqu'elle ne fait pas intervenir le juge, mais le greffier. J'ajoute que l'huissier ne pourrait apposer la formule exécutoire que sur la copie, et non sur l'original, dont il n'est pas destinataire et qui est conservé au greffe. Défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 18 rectifié ainsi qu'au n° 50.
Article additionnel après l'article 4
L'amendement n° 33 modifie la procédure de saisies sur rémunérations, en déléguant la mission de notification, d'encaissement et de répartition aux huissiers de justice. Cela pourrait réduire les délais, mais la mise en oeuvre d'une telle mesure exige une analyse approfondie. Je vous propose de solliciter l'avis du gouvernement.
La commission convient de demander l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 33.
Article 8
La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 37.
Article 9
La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 38.
Article 10
La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 39.
Article 11
L'article 40 vise la procédure relative aux biens de famille, qui n'est, de fait, plus utilisée, la valeur maximale retenue étant inférieure à la limite de compétence du TGI. C'est un contentieux peu nombreux, qui ne désorganisera pas les tribunaux d'instance si on l'y maintient. Je suis favorable à l'amendement de suppression n° 40, et défavorable, par conséquent, à l'amendement n° 55 du gouvernement, qui retient une autre option. En tout état de cause, ce contentieux est appelé à s'éteindre.
Article 12
La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 41.
Article 13 (supprimé)
L'amendement n° 58 revient sur la position de la commission, en rétablissant l'exemption de comparution personnelle des époux devant le juge dans le cadre de la procédure de divorce par consentement mutuel. Avis défavorable.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 58.
Défavorable à l'amendement n° 22, qui vise à supprimer la publication d'un barème d'honoraires indicatif pour les procédures de divorce.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 22.
Article 15
L'amendement n° 57 vise à limiter la dispense de médiation au cas où les parties présentent conjointement une demande d'homologation de convention pour le partage de l'autorité parentale. Je vous propose de lui donner un avis défavorable : la commission avait admis un cas supplémentaire de dispense, celui où l'un des parents ne s'oppose pas à la demande de l'autre.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 57.
Article additionnel après l'article 15
L'amendement n° 29 rectifié, auquel l'Institut du droit local a donné son aval, adapte la procédure de faillite civile en vigueur dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle au statut de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée. Je n'y vois pas d'inconvénient.
La procédure de faillite civile est spécifique en Alsace-Moselle. Je me souviens avoir travaillé sur la question à l'occasion d'une mission d'information, afin de préparer une transposition, qui a donné la procédure de rétablissement personnel.
Les spécificités du droit local avaient valu quelques délocalisations de domicile : l'Alsace a gagné quelques habitants soucieux de profiter de l'opportunité...
Le problème de la faillite civile, c'est qu'elle ne prend pas en compte l'intention. Un fraudeur, une personne de mauvaise foi, peut organiser son insolvabilité et se mettre en faillite pour repartir de zéro. C'est pourquoi la procédure de rétablissement personnel, qui existe également en Alsace-Moselle, introduit le critère de la bonne foi.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 29 rectifié.
Article 15 bis
L'amendement n° 3, comme le n° 4 à l'article suivant, vise à supprimer l'article 15 bis, les auteurs estimant que la pratique du Gouvernement consistant à déposer des amendements sur son propre texte lors de l'examen en commission est préjudiciable au débat. On peut les suivre sur le principe, mais il se trouve qu'il s'agissait ici de permettre la dévolution du nom de famille en cas de déclaration de naissance tardive, mesure qui se justifie pleinement. Avis défavorable, par conséquent, à l'amendement.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 3.
Article 15 ter
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
Article additionnel après l'article 15 ter
Par l'amendement n° 56, le gouvernement vient certes à nouveau modifier son texte, mais pour régler le problème du lieu de mariage pour les futurs mariés n'habitant plus la commune de leurs parents. J'y suis favorable.
Cet amendement est sans rapport avec un texte que l'on est encore une fois en train de transformer en voiture-balai (Mme Borvo Cohen-Seat approuve).
Que n'avez-vous pris, monsieur Mézard, l'initiative de déposer une proposition de loi sur ce sujet...
Je ne doute pas, monsieur le président, que nous pourrons déposer, à l'avenir, beaucoup de propositions de loi.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 56.
L'amendement n° 59 du Gouvernement vise à préciser que le juge d'instance est compétent pour établir, en matière de filiation, l'acte de notoriété faisant foi de possession d'état. C'est une précision utile à un texte modifié récemment.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 59.
Article 15 quater
La commission émet un avis défavorable à l'amendement de suppression n° 5.
Article 16
L'article 706-88 du code de procédure pénale définit les modalités de garde à vue applicables en matière de terrorisme et de criminalité organisée. Le projet de loi relatif à la garde à vue maintient le régime dérogatoire dans cette matière. L'intervention de l'avocat ne pourra dans ce cadre être reportée au-delà de 72 heures. Le texte de la commission s'inscrit dans cette logique, s'agissant de la garde à vue en matière de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre. L'avis est donc défavorable à l'amendement n° 15.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 15.
Article 20
Article 21
Dans cet article, nous avons veillé à limiter les conditions d'extension de la procédure de comparution sur reconnaissable préalable de culpabilité (CRPC) : les violences aux personnes les plus graves, comme les violences conjugales ou les agressions sexuelles aggravées, seront exclues du champ de cette procédure et donneront lieu systématiquement à une audience du tribunal correctionnel. Il n'est en revanche pas aberrant de permettre au parquet ou au juge d'instruction d'avoir recours à cette procédure pour certaines infractions à la législation sur les stupéfiants par exemple. Je suis donc défavorable aux amendements de suppression n°s 7, 25 et 43.
Cet article permet au pouvoir réglementaire d'avoir recours au mécanisme de forfaitisation pour les amendes de cinquième classe. Historiquement, la forfaitisation était limitée aux contraventions des quatre premières classes, car les contraventions de cinquième classe étaient punies de peines d'emprisonnement, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. Je suis donc défavorable à l'amendement n° 44 et à l'amendement n° 8.
Article 22 bis
Cet article a été inséré il y a quinze jours par notre commission sur proposition du Gouvernement et il vise à étendre la possibilité pour la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, de recourir à la transaction pénale en matière d'infractions au code de la consommation et au code de commerce. Notre commission a approuvé cette disposition qui doit contribuer à accroître l'efficacité de la DGCCRF : je suis donc défavorable aux amendements de suppression.
Article 22 ter
Cet article clarifie les règles applicables en matière de responsabilité entre le vendeur et l'acquéreur d'un véhicule d'occasion qui n'a pas encore procédé au changement du certificat d'immatriculation. Avis défavorable à l'amendement n° 10.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 10.
Article 22 quater
Article additionnel après l'article 24 bis
L'amendement n° 54 prévoit que le refus d'inscription d'un expert sur une liste de cour d'appel ou sur la liste nationale doit être motivé, conformément à la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 54.
Article additionnel avant l'article 25 (supprimé)
Nous en arrivons à l'amendement n° 51 : le sujet est sensible ! Il s'agit de la multipostulation. La commission avait rejeté un premier amendement du Gouvernement sur cette question il y a deux semaines. Mais le Gouvernement revient avec cet amendement qui renverrait au pouvoir règlementaire le soin de prévoir les modalités de multipostulation.
Est-il vraiment judicieux de renvoyer au pouvoir réglementaire une réforme globale des règles de postulation ? Faut-il revenir sur un texte promulgué il y a quinze jours ?
Si nous adoptions cet amendement, nous mettrions le feu dans tous les barreaux de France !
Le sujet est délicat et il mérite une concertation préalable. Une étude d'impact est nécessaire avant de légiférer. Il faut savoir quelles seront les conséquences de la suppression de la postulation sur les barreaux et sur la vie locale. Si l'on supprime la postulation, on va remettre en question l'existence d'un certain nombre de barreaux et de tribunaux, d'où une aggravation probable de la désertification en matière de services publics.
Je ne suis pas favorable au maintien de la postulation telle qu'elle existe aujourd'hui.
Mais certains barreaux de province connaissent de véritables problèmes, car la postulation, au-delà du tarif -qui est très limité puisqu'il n'a pas été réévalué depuis 1973- apporte un flux de dossiers qui permet à certains petits cabinets de continuer à traiter des contentieux, comme le contentieux des assurances. Une étude d'impact est donc nécessaire avant toute décision. Nous devons éviter de réduire la qualité juridique et judicaire dans un certain nombre de départements.
La multipostulation en Île-de-France était justifiée puisque le barreau de Paris a été divisé. Les avocats de Paris peuvent aller à Bobigny, et l'inverse est également vrai. Mais cela ne concerne que la petite couronne : les avocats de Melun ne bénéficient pas de cette faculté.
Dans mon département du Nord, il y avait sept tribunaux de grande instance : la brutalité extrême de la réforme de la carte judiciaire n'en a laissé que six. Le problème de la postulation se pose aujourd'hui avec autant d'acuité qu'avant la réforme.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 51.
Article 25 bis
Nous avons ajouté cet article utile sur proposition du Gouvernement. Avis défavorable à l'amendement n° 12
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 12.
Article 25 ter
Article 25 quater
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 14 rectifié.
Article 26
La commission émet un avis favorable à l'amendement de coordination n° 53.
Article 27
La commission émet un avis favorable à l'amendement de coordination n° 52.
Présidence de M. Yves Détraigne, vice-président -
Puis la commission examine le rapport, en deuxième lecture, de M. Jean-Jacques Hyest et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 254 rectifié (2010-2011), modifiée par l'Assemblée nationale, de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.
Nous allons examiner en deuxième lecture la proposition de loi de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, présentée par nos collègues Philippe Marini et Yann Gaillard. L'objet de ce texte est de modifier le régime des ventes volontaires, pour le mettre en conformité avec la directive « services » du 12 décembre 2006 qui devait être transposée en droit interne avant le 28 décembre 2009. Il convient donc de supprimer tout agrément préalable à l'exercice de cette activité et toute prescription relative à la forme juridique des sociétés de ventes.
Le Sénat avait travaillé sur ce texte dès le printemps 2009 et l'avait voté en première lecture le 28 octobre 2009. La progression a été lente, puisque l'Assemblée nationale ne l'a voté que le 25 janvier 2011...
Il devient aujourd'hui urgent d'adopter cette réforme pour assurer le respect des textes européens, mais aussi pour donner aux opérateurs français du secteur des ventes aux enchères des conditions d'activité plus compétitives.
L'Assemblée nationale a très largement souscrit aux orientations retenues par le Sénat en première lecture pour donner davantage d'outils aux opérateurs, tout en renforçant la protection du consommateur.
A l'issue de la première lecture, 15 articles ont été adoptés conformes par l'Assemblée nationale, mais il reste 36 articles en discussion.
Les deux assemblées sont tombées d'accord sur une définition plus ouverte des ventes aux enchères, sur un régime de déclaration d'activité et sur la possibilité, pour les opérateurs de ventes volontaires, de réaliser des ventes de gré à gré. Elles sont également d'accord pour l'assouplissement des conditions de remise en vente d'un bien dans le cadre d'une « folle » enchère, sur les procédés de recours à l'après-vente, ou « after sale », et sur les modalités de mise en oeuvre de la garantie de prix.
Il y a également eu accord entre nos deux assemblées sur une autorité de régulation aux missions renforcées. L'Assemblée nationale a confié au Conseil des ventes volontaires l'élaboration d'un code de déontologie. Je vous proposerai de substituer à cette dénomination celle de « recueil des obligations déontologiques ». Il faudra préciser que ce recueil sera rendu public et que les propositions de modifications législatives ou règlementaires présentées par le Conseil des ventes volontaires ne pourront porter que sur l'activité des ventes volontaires.
Quelques dispositions tirent les enseignements de « l'affaire Drouot ». Reprenant une recommandation du rapport sur Drouot remis au garde des Sceaux en avril 2010, les députés ont voulu obliger les opérateurs de ventes volontaires à prendre toutes dispositions propres à assurer la sécurité des ventes qui leur sont confiées. Ces opérateurs devront donc assurer la sécurité des ventes lorsqu'ils recourent à d'autres prestataires de services pour les organiser et les réaliser. En outre, ces prestataires ne pourront ni acheter pour leur propre compte les biens proposés lors des ventes, ni vendre des biens leur appartenant par l'intermédiaire des opérateurs auxquels ils prêtent leurs services. Il s'agit donc de mettre fin à une longue dérive pratiquée par certains de ceux que l'on appelait, à Drouot, « les cols rouges ». Je n'en dis pas plus puisqu'une instruction judiciaire est en cours.
Les deux assemblées sont tombées d'accord sur les garanties financières que doivent offrir les opérateurs, sur le régime de responsabilité des opérateurs et des experts et sur l'actualisation du statut des professions réglementées du secteur des ventes aux enchères.
L'Assemblée nationale a validé les grandes lignes de la réforme du statut des courtiers de marchandises assermentés, adoptée par le Sénat en première lecture. Dans le cadre de ce nouveau statut, les courtiers de marchandises assermentés n'auraient plus le monopole des ventes volontaires de marchandises en gros et ne seraient plus officiers publics. Ils seraient toutefois assermentés, dans leur spécialité, auprès d'une cour d'appel.
Les commissaires-priseurs judiciaires pourront exercer leur profession en qualité de salarié, comme le font les autres professions judiciaires réglementées.
A l'article 3, l'Assemblée nationale a étendu à tout type de biens, neufs ou d'occasion, qu'ils aient ou non été produits par le vendeur, l'obligation de mentionner la qualité de ce dernier lorsqu'il s'agit d'un commerçant ou d'un artisan. Une telle obligation entraînerait une stigmatisation injustifiée de certaines catégories de vendeurs, qui pourraient alors se tourner vers des opérateurs étrangers plutôt que vers des maisons de ventes établies en France. L'Assemblée nationale poursuit le même objectif que nous, mais sa rédaction est malheureuse. Il faut donc en revenir à l'esprit du texte voté par le Sénat en première lecture, en précisant que les documents et publicités annonçant la vente ne doivent mentionner la qualité du vendeur que lorsque celui-ci est un commerçant ou un artisan, qui met en vente des biens neufs issus de sa production.
Nous en arrivons maintenant à l'activité de ventes volontaires des huissiers de justice. Les huissiers exercent une profession d'officier public et ministériel et les ventes, dans le cadre de leur étude, doivent représenter une part « accessoire » de leur activité. Certains d'entre eux participent néanmoins activement au marché des ventes volontaires. Alors que ces ventes ne doivent représenter qu'une activité accessoire, des huissiers avouent en faire une activité très importante. A ce moment il y a une réelle distorsion de concurrence par rapport aux commissaires-priseurs, qui doivent constituer une société pour pratiquer cette activité tandis que les huissiers le font dans le cadre de leur office. Certes, il n'est pas possible de pratiquer cette activité dans la même commune qu'un commissaire-priseur judiciaire, mais il est très facile de s'installer dans une ville voisine et d'échapper à cette règle.
C'est pourquoi nous avions prévu en première lecture que cette activité ne pouvait dépasser 20 % du chiffre d'affaires annuel de l'office d'un huissier de justice, mais l'Assemblée nationale l'a supprimé. Nous devrons poursuivre la discussion pour mieux préciser la notion d' « accessoire ». Les parquets généraux qui devraient contrôler cette activité ne le font pas. Sur les 3 232 huissiers en France, cette dérive ne concerne que quelques dizaines de personnes. Il n'en reste pas moins que 450 à 500 huissiers de justice effectuent beaucoup de ventes, alors qu'il n'y a que 401 commissaires-priseurs judiciaires dans notre pays. Je vous proposerai donc de préciser que les huissiers peuvent exercer l'activité de ventes volontaires à titre accessoire et « occasionnel », afin de parvenir à la définition d'un plafond raisonnable, les 20 % que nous avions votés en première lecture étant peut-être un plafond trop bas. Si les huissiers souhaitent se lancer à titre principal dans les ventes volontaires, ils ne doivent plus être considérés comme des huissiers. Cette question est d'autant plus importante que la Commission de Bruxelles porte un regard aiguisé sur les professions relevant du statut d'officier public : plus elle constatera un mélange entre ces professions et des activités commerciales, plus elle nous fera des difficultés. J'ai prévenu les représentants des huissiers et ils vont sans doute se livrer à un lobbying important auprès de vous.
Nous en arrivons aux activités des sociétés de ventes au sein desquelles exercent des commissaires-priseurs judiciaires L'égalité de traitement entre les différents opérateurs de ventes volontaires justifierait que les sociétés dans lesquelles interviennent des commissaires-priseurs judiciaires puissent avoir le même champ d'activité que les autres sociétés de ventes. Cependant, les commissaires-priseurs judiciaires sont des officiers publics et ministériels.
Ainsi, en ce qui les concerne, deux personnes morales effectuent des activités distinctes : ventes judiciaires dans le cadre d'un office et ventes volontaires dans le cadre d'une société, mais elles sont rattachées à la même personne physique.
Afin d'assurer une égalité de traitement entre les opérateurs, le Sénat a permis aux sociétés de ventes constituées par des commissaires-priseurs judiciaires, qui ne seront plus limitées à un objet civil, d'exercer des activités de transport de meubles, de presse, d'édition et de diffusion de catalogues, pour les besoins des ventes qu'elles sont chargées d'organiser.
Il convient de conforter cette égalité de traitement, en ouvrant un peu plus les possibilités d'activité des sociétés de ventes volontaires dans lesquelles interviennent des commissaires-priseurs judiciaires.
J'en arrive aux courtiers de marchandises assermentés : ils sont 200 en France et leur statut a évolué. Je les ai reçus et j'ai constaté qu'ils étaient très spécialisés. Ainsi, il n'existe qu'un spécialiste de le vente en gros de riz en France et il est le courtier de marchandises assermenté pour cette denrée. Bien sûr, il est installé en Camargue et on fait appel à lui pour les certificats de cours et les estimations dans toute l'Europe. Compte tenu de cette spécialisation, il faut limiter l'activité de ces courtiers à la vente de marchandise en gros et je ne comprends pas pourquoi on a voulu ouvrir leur activité à la vente au détail.
Passons enfin à la composition du Conseil des ventes. On a eu l'idée absurde de ne nommer au sein de cette autorité que des professionnels à la retraite. Or, toutes les organisations de ce type comprennent des professionnels en activité. Ainsi, des banquiers siègent au sein de l'AMF. En revanche, il faut bien sûr prévoir des règles très strictes de déport, lorsque le Conseil des ventes délibère sur la situation individuelle d'un opérateur de ventes volontaires, afin d'éviter qu'un professionnel en activité ne prenne part à une décision concernant l'un de ses concurrents.
L'indication systématique, dans la publicité, de la qualité de commerçant ou d'artisan du vendeur, pour tout type de bien, ne présente pas d'intérêt déterminant et parait même discriminatoire. Cette indication n'est pertinente et justifiée que pour les biens neufs, lorsqu'ils sont directement mis en vente par le commerçant ou l'artisan qui les a produits, d'où l'amendement n° 1.
L'amendement n° 1 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 4
Nous en arrivons à l'amendement n° 2. Comme je vous l'ai dit dans ma présentation générale, il faut insérer le mot « occasionnel » pour éviter que les huissiers ne développent, au sein de leur office, une activité de ventes volontaires trop importante par rapport à leurs missions d'officiers publics et ministériels.
L'amendement n° 2 est adopté.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 19
L'amendement n° 3 précise les missions du Conseil des ventes volontaires. Il est en effet préférable de confier à cet organisme l'élaboration d'un recueil des obligations déontologiques des opérateurs des ventes volontaires, plutôt qu'un code de déontologie. Ce recueil serait rendu public.
L'amendement n° 3 est adopté.
L'article 19 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 23
L'amendement n° 5 prévoit, pour les professionnels en exercice siégeant au Conseil des ventes volontaires, une règle de déport stricte lorsque ce dernier examine la situation individuelle d'un opérateur de ventes volontaires.
L'amendement n° 5 est adopté.
L'article 23 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 36 bis
L'amendement n° 6 clarifie l'intervention des différents officiers ministériels dans le cadre des ventes après liquidation judiciaire, en fonction du type de vente : les ventes seraient effectuées par les commissaires-priseurs judiciaires ou, accessoirement, par les notaires et les huissiers, quand il s'agit de ventes au détail. Elles seraient effectuées par les courtiers, dans leur spécialité, quand il s'agit de ventes en gros.
L'amendement n° 6 est adopté.
L'article 36 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 42
L'amendement n° 7 permet d'étendre les activités des sociétés de ventes volontaires dans lesquelles interviennent des commissaires-priseurs judiciaires à des activités complémentaires, dont les activités de transport de meubles, de presse, d'édition et de diffusion de catalogue.
L'amendement n° 7 est adopté.
L'article 42 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 45
L'amendement n° 8 permet de recourir aux courtiers assermentés de marchandises en gros pour des expertises judiciaires ou amiables de marchandise en gros, comme le prévoit aujourd'hui le décret du 29 avril 1964.
L'amendement n° 8 est adopté.
J'ai découvert que le code de commerce faisait référence à la « justice consulaire ». Je préfère que l'on se réfère au tribunal de commerce. D'où mon amendement n° 9.
L'amendement n° 9 est adopté.
L'amendement n° 10 prévoit l'intervention des courtiers de marchandises assermentés dans les ventes aux enchères judiciaires de biens meubles au détail, à défaut de commissaires-priseurs judicaires.
L'amendement n° 10 est adopté.
L'article 45 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 46
L'amendement n° 11 propose le retour au texte du Sénat en première lecture pour limiter à la vente de marchandises en gros l'habilitation des courtiers assermentés à diriger des ventes volontaires aux enchères publiques.
L'amendement n° 11 est adopté.
L'article 46 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 47
L'amendement n° 12 est de cohérence.
L'amendement n° 12 est adopté.
L'article 47 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La commission examine ensuite le rapport de M. Jean-Jacques Hyest sur la proposition de loi n° 607 (2009-2010), présentée par M. Serge Lagauche et plusieurs de ses collègues, tendant à réprimer la contestation de l'existence du génocide arménien.
Notre commission est invitée à examiner la proposition de loi tendant à réprimer la contestation de l'existence du génocide arménien de notre collègue Serge Lagauche et trente de ses collègues socialistes.
Reprenant à l'identique les termes d'une proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale en octobre 2006, ce texte vise à punir d'un an d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende les personnes qui contestent publiquement l'existence du génocide arménien de 1915. Il tend ainsi à compléter la loi du 29 janvier 2001 relative à la reconnaissance du génocide arménien de 1915, qui dispose que « la France reconnaît publiquement le génocide arménien de 1915 », en intégrant dans notre droit un dispositif comparable à celui prévu à l'article 9 de la loi Gayssot du 13 juillet 1990, qui sanctionne pénalement la contestation de l'existence de la Shoah.
Lors d'un colloque tenu en juillet 2002, Pierre Truche considérait qu'il y avait plusieurs façons de répondre aux victimes des drames de l'Histoire : reconnaître solennellement l'existence des crimes commis - ce fut chose faite pour le génocide arménien avec l'adoption de la loi du 29 janvier 2001 ; traduire les responsables en justice, même tardivement - ce qui paraît en l'espèce aujourd'hui impossible, plus de 90 ans après les faits ; punir, au moyen de sanctions pénales, ceux qui nient les souffrances endurées par les victimes et tel est l'objet de la présente proposition de loi. Cette dernière appelle, néanmoins, des réserves : en tant que législateur, nous devons nous interroger sur notre légitimité à intervenir dans le cours de la recherche historique.
De plus, le recours à la voie pénale suscite de nombreuses difficultés, à rebours de l'objectif poursuivi.
Avant d'évoquer ces difficultés, je souhaiterais rappeler quelques éléments sur le génocide arménien de 1915 ainsi que sur la façon dont notre pays l'a reconnu.
Le déroulement des faits ayant conduit au génocide de 1915 est largement connu : dans le contexte de la Première Guerre mondiale et de l'affrontement russo-turc dans le Caucase, les dirigeants jeunes-turcs de l'Empire ottoman décident, à partir d'avril 1915, de déporter l'ensemble de la population arménienne d'Anatolie et de Cilicie vers les déserts de Syrie et d'Iraq. Au total, environ les deux tiers de la population arménienne de l'Empire ottoman auraient péri dans ces circonstances, soit entre 800 000 et 1 250 000 personnes selon les évaluations faites par les historiens. Ces massacres sont parfois présentés comme le premier génocide du XXe siècle.
Toutefois, il convient de rappeler que ce n'est qu'à l'issue de la Seconde Guerre mondiale que les notions de crime contre l'humanité et de génocide sont officiellement reconnues comme des concepts juridiques : le crime contre l'humanité est ainsi défini pour la première fois par le Statut du tribunal militaire international de Nuremberg. La notion de génocide fait quant à elle l'objet d'une reconnaissance officielle avec l'adoption, en décembre 1948, de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
Les dispositions du code pénal français s'inspirent très largement des définitions retenues par les textes internationaux. Pour l'essentiel, les éléments matériels constituant le crime de génocide ou les autres crimes contre l'humanité correspondent à des infractions réprimées par ailleurs par le code pénal. Ces crimes prennent la qualification de génocide ou de crime contre l'humanité en présence d'un élément moral spécifique : l'exécution d'une entreprise criminelle de grande envergure guidée par des motifs idéologiques et caractérisée par l'existence d'un plan concerté tendant à la destruction totale ou partielle d'un groupe national, ethnique, racial ou religieux, ou d'un groupe déterminé à partir de tout autre critère arbitraire.
En l'état actuel de la recherche historique et scientifique, la qualification de génocide paraît pouvoir être appliquée rétroactivement aux massacres commis contre les populations arméniennes en 1915 : la simultanéité dans les meurtres, le caractère identique des méthodes employées, l'« inutilité », sur un plan stratégique, des déportations mettent en évidence une planification visant à homogénéiser la population anatolienne plutôt qu'à éliminer une « cinquième colonne ».
Néanmoins, aucune organisation internationale ni aucune juridiction internationale ou française ne se sont jamais prononcées sur les responsabilités et la qualification des massacres ainsi perpétrés, et c'est là l'une des sources des difficultés sur lesquelles je reviendrai dans un instant.
Suivant l'exemple donné par une quinzaine de parlements étrangers, par le Parlement européen et par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, entre autres, la France a officiellement reconnu l'existence du génocide arménien par la loi du 29 janvier 2001. Je rappelle que le Parlement européen et d'autres parlements peuvent avoir recours à des résolutions pour prendre position sur des faits importants sans avoir à légiférer.
Un mot sur la question de la contestation de l'existence du génocide arménien devant les tribunaux. En l'état, seule la négation de la Shoah est susceptible de donner lieu à des poursuites pénales, sur le fondement de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, introduit par la « loi Gayssot ». Ainsi, la jurisprudence a considéré que ces faits pouvaient donner lieu à une action au civil, sur le fondement de la responsabilité de droit commun édictée par l'article 1382 du code civil.
C'est sur ce fondement qu'un historien a été condamné en 1995 par le tribunal de grande instance de Paris à un franc de dommages et intérêts. Dans son jugement, le tribunal a énoncé que l'historien « avait manqué à ses devoirs d'objectivité et de prudence, en s'exprimant sans nuance sur un sujet aussi sensible ; que ses propos, susceptibles de raviver injustement la douleur de la communauté arménienne, [étaient] fautifs et [justifiaient] une indemnisation ».
Des voies de recours existent donc bien à l'encontre des personnes qui contestent l'existence du génocide arménien.
Il convient en outre de relever que l'apologie du génocide arménien peut être réprimée au pénal sur le fondement de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.
J'en viens maintenant aux trois difficultés majeures que me paraît soulever cette proposition de loi.
Tout d'abord, ce texte s'inscrit dans le cadre du débat sur la légitimité des « lois mémorielles », notion utilisée pour désigner sept lois, adoptées au cours des vingt dernières années, par lesquelles le législateur a, au nom du devoir de mémoire, porté une appréciation sur des périodes ou des acteurs de l'histoire, comme la loi du 21 mai 2001 sur la reconnaissance de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité ou la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation en faveur des Français rapatriés.
J'ai entendu, avec plaisir, M. Pierre Nora dans le cadre de la préparation de ce rapport. Ce dernier a attiré mon attention sur les dangers de ce qu'il a désigné comme un « vertige parlementaire ». S'il nous appartient sans conteste de prendre des positions politiques, de rendre des hommages, d'organiser des commémorations et ainsi de contribuer à l'unité nationale et à la perpétuation d'une mémoire républicaine, il ne revient en revanche pas au Parlement, selon lui, de qualifier juridiquement le passé, au risque de brider la recherche et d'entraver le travail des historiens. Or, s'agissant des massacres commis en 1915, un travail important reste incontestablement à accomplir, sur la compréhension des causes du génocide, la détermination des auteurs ou encore le rôle joué par d'autres minorités dans la perpétuation de ces derniers par exemple.
Sans doute la révision constitutionnelle de juillet 2008, en réintroduisant expressément la possibilité de voter des résolutions, permettra à l'avenir au Parlement d'assurer sa fonction tribunicienne, sans pour autant avoir recours à la loi dont le rôle premier est d'édicter des normes ayant vocation à être invoquées devant les tribunaux.
En tout état de cause, je partage pleinement les conclusions du rapport du président Accoyer de 2008 sur les lois mémorielles, qui a préconisé de renoncer désormais à la loi pour porter une appréciation sur l'histoire ou la qualifier.
Il ne me paraît pas non plus possible d'ignorer les conséquences diplomatiques inopportunes que serait susceptible d'entraîner l'adoption de cette proposition de loi. Rappelons à quel point la reconnaissance par la France du génocide arménien par la loi du 29 janvier 2001 a sérieusement affecté les relations franco-turques : cette loi a en effet donné le sentiment que la France estimait que la Turquie et l'Arménie n'étaient pas capables de surmonter par elles-mêmes leur passé douloureux. L'adoption par l'Assemblée nationale d'une proposition de loi identique à celle que nous examinons aujourd'hui en octobre 2006 a d'ailleurs conduit à la suspension de la coopération militaire entre la France et la Turquie.
Force est de constater que la question du génocide arménien est encore largement taboue en Turquie, même si un début d'évolution semble se manifester au sein de la société civile et du monde universitaire : à cet égard, l'adoption de la présente proposition de loi ne pourrait que contrarier ce mouvement, à rebours de l'objectif poursuivi.
Celle-ci ne contribuerait pas non plus à encourager le timide réchauffement des relations entre la Turquie et l'Arménie, engagé depuis l'été 2008. Le 10 octobre 2009, ces deux États ont signé à Zurich deux protocoles sur l'établissement de relations diplomatiques et le développement de relations bilatérales, en présence notamment du ministre français des affaires étrangères. L'adoption de la présente proposition de loi ne pourrait ainsi que nuire aux efforts réalisés par la France pour soutenir ce processus.
J'en viens au coeur du dispositif de la proposition de loi. Au-delà du débat sur l'opportunité de son adoption, il me semble que celle-ci présente un risque de contrariété à plusieurs principes constitutionnels.
Tout d'abord : un risque de contrariété au principe de la légalité des délits et des peines. Bien qu'elle s'en inspire, la proposition de loi diffère sensiblement de la « loi Gayssot » sur la pénalisation de la négation de la Shoah. En effet, le dispositif « Gayssot » est adossé à des faits précis, reconnus par une convention internationale ou par une juridiction nationale ou internationale au terme de débats contradictoires.
Dans un arrêt du 7 mai 2010, la Cour de cassation a estimé que la question de la contrariété de la loi Gayssot aux principes constitutionnels de la légalité des délits et des peines et de la liberté d'opinion et d'expression « ne présentait pas un caractère sérieux dans la mesure où l'incrimination critiquée se réfère à des textes régulièrement introduits en droit interne, définissant de façon claire et précise l'infraction [...] dont la répression, dès lors, ne porte pas atteinte aux principes constitutionnels de liberté d'expression et d'opinion ».
La situation est très différente s'agissant du génocide arménien de 1915, perpétré antérieurement à l'adoption de la convention du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide et dont les auteurs n'ont jamais été jugés, ni par une juridiction internationale, ni par une juridiction française.
Sur un plan strictement juridique, il n'existe pas de définition précise, attestée par un texte de droit international ou par des décisions de justice revêtues de l'autorité de la chose jugée, des actes constituant ce génocide et des personnes responsables de son déclenchement, ce qui conduit à s'interroger sur le périmètre exact de la notion de « contestation de l'existence du génocide arménien de 1915 » retenue par la proposition de loi.
En outre, le terme « contestation », dont le champ est plus large que celui de « négation », soulève un problème : la « contestation » peut en effet porter sur l'ampleur, les méthodes, les lieux, le champ temporel du génocide, sans forcément nier son existence même.
Au total, le champ de l'infraction créée par la proposition de loi me paraît présenter un risque sérieux de contrariété au principe de la légalité des délits et des peines.
Je vous rappelle que le Conseil constitutionnel considère que ce principe est respecté dès lors que l'infraction est définie « dans des conditions qui permettent au juge, auquel le principe de légalité impose d'interpréter strictement la loi pénale, de se prononcer sans que son appréciation puisse encourir la critique d'arbitraire ».
La création d'une infraction pénale paraît, en outre, contraire au principe de liberté d'opinion et d'expression, protégé par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ainsi que par l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme. Sans doute cette liberté n'est-elle pas absolue et admet-elle des restrictions, destinées à protéger des droits et libertés également reconnus par la loi, comme le respect de la vie privée, le maintien de l'ordre public ou l'interdiction des discriminations. Encore faut-il que ces restrictions soient proportionnées au regard des objectifs poursuivis.
Si la « loi Gayssot » paraît compatible avec le principe de liberté d'opinion et d'expression, c'est parce qu'elle tend à prévenir la résurgence d'un discours antisémite. C'est ce qu'a considéré la Cour européenne des droits de l'homme dans une décision Garaudy du 24 juin 2003 : « la négation ou la révision de faits historiques de ce type remettent en cause les valeurs qui fondent la lutte contre le racisme et l'antisémitisme et sont de nature à troubler gravement l'ordre public ».
Tel est également l'objectif qui a guidé le législateur communautaire lors de l'élaboration de la décision-cadre du 28 novembre 2008 relative à la lutte contre certaines formes et manifestations de racisme et de xénophobie au moyen du droit pénal. Son article 1er dispose que « chaque État-membre prend les mesures nécessaires pour faire en sorte que [...] soient punissables l'apologie, la négation ou la banalisation grossière publiques des crimes de génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre, tels que définis aux articles 6, 7 et 8 du Statut de la Cour pénale internationale, visant un groupe de personnes ou un membre d'un tel groupe défini par référence à la race, la couleur, la religion, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique lorsque le comportement est exercé d'une manière qui risque d'inciter à la violence ou à la haine à l'égard d'un groupe de personnes ou d'un membre d'un tel groupe » : sa finalité n'est donc pas de protéger la mémoire mais de lutter contre la discrimination. Le Parlement sera prochainement saisi d'un projet de transposition.
En l'espèce, une restriction à la liberté d'expression ne paraît pas justifiée car aucun discours haineux ou discriminatoire ne vise aujourd'hui nos compatriotes d'origine arménienne. Contrairement à ce qui s'est passé pour la Shoah, d'ailleurs, aucun pays n'a rendu la négation du génocide arménien passible de poursuites pénales.
Il fallait être précis sur ce sujet sensible. De grands experts m'ont fait part de leurs inquiétudes à propos d'une proposition de loi qui pourrait faire l'objet d'une censure du Conseil constitutionnel pour les motifs que je vous ai donnés. Je vous propose d'adopter une exception d'irrecevabilité.
Il n'est pas facile d'aborder un tel sujet, même s'il y a véritablement eu génocide - cela ne souffre aucune ambiguïté. La Turquie, comme chaque pays, serait bien inspirée de réfléchir à son histoire. Mais comment la France réagirait-elle si elle était placée dans la même situation ? On qualifie parfois de génocides des événements survenus à l'échelle de territoires plus petits qu'un département. Cela m'incite à la prudence : la Turquie a quelque raison de se comporter comme elle le fait.
J'ai apprécié le rapport sur l'audition de Pierre Nora. Il nous revient d'édicter des normes pour le présent et en imaginant le futur. L'histoire peut nous aider, mais nous ne sommes pas des historiens - ceux-ci ont d'ailleurs beaucoup de travail à faire. Je ne suis donc pas enclin à statuer sur de tels textes, d'autant qu'en commençant à les accepter, nous créerions des distorsions importantes, au détriment de groupes moins nombreux ou qui n'ont pas su se faire entendre. Ne pouvant accepter ces disparités de traitement, je voterai l'exception d'irrecevabilité.
Notre pays s'est honoré en reconnaissant le génocide arménien - mon groupe y avait beaucoup contribué. Il est difficile de nier la réalité de ce génocide. Le législateur peut-il aller au-delà sur ces sujets qui n'intéressent pas que les historiens ? Bien que des sénateurs de mon groupe aient déposé une proposition similaire, je crains que celle-ci soit sujette à caution parce qu'on ne peut se réclamer de la même histoire que dans le cas de la Shoah, où les organisations internationales et les États sont intervenus juridiquement. Il pourrait être curieux de s'ériger en censeurs de Turcs écrivant sur le génocide. Mieux vaut rester dans le cadre de la loi Gayssot, quitte à la faire évoluer en peu.
Il y aura, je le rappelle, transposition de la décision-cadre de 2008. Lorsque j'étais député, j'avais voté la loi Gayssot malgré mes réticences initiales parce que des décisions internationales étaient intervenues. En outre, l'article 24 bis est toujours lié aux discriminations et à l'antisémitisme. Je remercie M. Zocchetto. Tout le monde reconnaît en effet le génocide arménien, mais l'on doit pouvoir encore approfondir la recherche historique.
Nous avions fait tout notre devoir à l'époque en reconnaissant le génocide arménien, et je l'avais accompli d'autant plus volontiers qu'une partie de ma famille est d'origine arménienne. Pour autant, on ne saurait prendre le risque d'une généralisation. De matchs de football en négociations, le réchauffement des relations entre l'Arménie et la Turquie est limité mais réel ; en revanche, il y a peut-être un écart entre l'Arménie et la diaspora arménienne Je vous suivrai sans problème.
Je voudrais apporter un témoignage sur l'état des relations entre la France et la Turquie car j'ai participé il y a une dizaine de jours à une mission avec le président de la commission des affaires européennes et j'ai pu constater que nos relations avec la Turquie sont extrêmement mauvaises. La France, qui est perçue comme l'instigateur et le porte-parole de l'opposition à l'adhésion turque à l'Union européenne, a multiplié les maladresses. Le président de la République a cru bon de faire un geste, la première visite officielle d'un président depuis des décennies, mais, comme il n'y est resté que 300 minutes, cela a été contreproductif et il eût été préférable que cette visite n'eût pas lieu. De même, la Turquie avait marqué une position décalée sur les frappes en Libye, en souhaitant le leadership de l'OTAN ; la France a, pour se couvrir, organisé la veille des frappes une conférence à Paris mais a oublié d'inviter la Turquie, qui est, dans cette région du monde, le pays de l'OTAN le plus important - quand cette organisation a réuni une conférence à Londres, la Turquie n'a pas été oubliée...
Même si on l'exagère parfois, l'amélioration des relations entre la Turquie et l'Arménie est réelle et une commission mixte d'historiens doit être créée.
A chaque rencontre, une fois les portes refermées devant les journalistes, les critiques des responsables turcs ont été frontales, directes, voire sans précédent. Nous avons été très malmenés et cette proposition de loi est systématiquement revenue sur le tapis. Nos relations économiques sont mises à mal. Tout cela s'ajoute aux arguments déjà présentés pour que cette proposition ne soit pas d'actualité.
La proposition du rapporteur tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité à la proposition de loi est adoptée à l'unanimité.
Présidence de M. Jean-Jacques Hyest, président -
La commission examine ensuite le rapport de M. François Pillet et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 354 (2010-2011), présentée par MM. Jacques Mézard, Yvon Collin et les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, visant à renforcer les droits des consommateurs en matière de démarchage téléphonique.
La proposition de loi déposée par MM. Jacques Mézard, Yvon Collin et les membres du groupe du RDSE vise à renforcer les droits des consommateurs en matière de démarchage téléphonique. Peu d'entre vous pourraient dire qu'ils n'ont jamais été agressés ainsi.
Doit-on conserver l'opt-out ou retenir l'opt-in ? Pour répondre à cette question, il convient d'abord de vérifier quelle protection assure la législation en vigueur. Outre l'intervention de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, cette protection résulte de la directive du 24 octobre 1995 transposée le 6 août 2004, qui prévoit le droit de la personne de s'opposer gratuitement au traitement de données la concernant.
Peut-on ériger en principe général le droit d'opposition de la personne à l'utilisation de ces données ? A l'heure actuelle, la personne qui a pris connaissance de son droit, est tenue d'accomplir une action positive pour se protéger. Peut-on être engagé par son silence ? C'est une question de nature juridique... Dans un avis du 18 mai 2010, le Conseil national de la consommation a souhaité une mise en oeuvre simple et rapide, grâce à une compréhension par tous les acteurs car « l'efficacité de la protection des données et de la vie privée est devenue autant une condition du développement de la liberté individuelle qu'un facteur important de la confiance des consommateurs ».
Ce faisant, bouleverserions-nous les principes juridiques ? Non, puisque la proposition de loi a des précédents : l'article L-34-5 du Code des postes et des communications électroniques interdit la prospection directe au moyen d'un automate d'appel, d'un télécopieur ou d'un courrier électronique utilisant, sous quelque forme que ce soit, les coordonnées d'une personne physique qui n'a pas exprimé son consentement préalable à recevoir des prospections directes par ce moyen. C'est bien la technique de l'opt-in.
Tout abonné au service public de téléphone a le droit de figurer gratuitement dans l'annuaire, mais il peut choisir de ne pas y figurer (liste rouge) ou d'interdire l'utilisation de ses données personnelles (liste orange). Cependant, je ne suis pas sûr que tous les membres de la commission le sachent, à plus forte raison, tous nos compatriotes...
Le projet Pacitel du gouvernement revient à admettre la proposition de certains professionnels s'engageant à ne plus démarcher les consommateurs qui s'y sont inscrits. Cette proposition du groupe de travail qu'avait mis en place Hervé Novelli, ne rassemble pas toutes les sociétés de démarchage, de sorte que cette amélioration n'est toujours pas satisfaisante. D'une manière significative, les professionnels du démarchage ont pris en compte les excès constatés en s'engageant à ne plus appeler tôt le matin ou tard le soir (20 h 30 en semaine, 18 heures le samedi).
Les professionnels du démarchage par téléphone emploieraient 260 000 personnes mais je ne sais pas comment ce chiffre est calculé et je ne suis pas sûr que tous les salariés soient en France.
Je vous recommanderai d'accepter la logique de la proposition et d'inverser le principe général en passant de l'opt-out à l'opt-in. Les amendements que je vous soumettrai tout à l'heure respectent, je le crois, l'esprit des dispositions initiales.
Les pratiques des centres d'appel ont provoqué des réactions de nos concitoyens. Nous avons eu des remontées, y compris d'associations de consommateurs. Pacitel ne changera pas grand-chose parce qu'il faudra, pour en profiter, être inscrit sur une liste et répondre à des critères. Ne mettons pas trop d'espoir dans ce projet. Il faut un dispositif législatif.
D'accord sur le principe, je crains que l'article premier, qui oblige la société à recueillir un accord exprès écrit, ne soit bien complexe. Je songe notamment aux données transmises aux banques. Cela ne mérite-t-il pas d'être précisé ?
Cette proposition, dont je partage la philosophie, suscite trois questions. La première résulte du rapprochement du titre, relatif au « démarchage téléphonique » et de l'article 2, visant les « communications électroniques ou téléphoniques » : l'Internet est-il compris dans le champ de la loi ?
Deuxièmement, les sondages, sur lesquels M. Portelli et moi avons travaillé, sont-ils concernés par ce texte ? Nous avons proscrit les gratifications des personnes sondées qui existent aujourd'hui, mais, comme nous apprenons toujours plus sur ce sujet, nous découvrons que neuf personnes sur dix ne répondent pas aux sondages par téléphone : il sera bien difficile aux instituts de réunir les quotas et autres échantillons.
Troisièmement, une nouvelle pratique se développe à l'occasion des élections : il paraît que le phoning est décisif aux États-Unis. L'article 1er, traitant de prospection « notamment commerciale », ne s'applique-t-il pas dans ce cas ?
Si je souscris à l'objectif, je rappelle que les banques et sociétés financières collectent nécessairement des données personnelles, qu'elles sont même parfois tenues de déclarer à Tracfin. Il me semble que les sondages ne relèvent pas de la proposition de loi, non plus que la prospection politique.
La liste orange, dont je découvre l'existence, ne constitue-t-elle pas une meilleure solution ? Mettre le citoyen lambda au courant serait peut-être plus efficace que de légiférer. Nous devons penser aux 260 000 emplois de ce secteur, qui ne sont pas tous à l'étranger. A-t-on mesuré l'impact de la disposition ?
Je me suis interrogé sur la rédaction de l'article 1er, mais les auteurs m'ont expliqué que le titre marquait l'objectif, et que la rédaction pouvait être légèrement différente, ce qui sera l'objet d'un premier amendement, resserrant l'objet sur la fourniture de service téléphonique.
Internet, c'est moins intrusif, aussi les organisations de consommateurs nous ont-elles dit qu'il n'y a guère de difficulté pour Internet : c'est la pollution par le téléphone qui constitue la plus grande nuisance. Les sondages commerciaux réalisés par des sociétés commerciales ne sont pas exclus...
La question des élections est plus délicate car il peut arriver que le phoning soit confié à une entreprise ; à mon sens, il faudrait alors que ce soit compris dans le champ d'application de la loi. L'article L. 34-5 exclut seulement le démarchage électronique. Le paquet électoral, que nous venons de voter, interdit le phoning le jour du vote.
Nous avons appliqué le droit commun des campagnes électorales : le phoning est interdit à partir du vendredi à minuit.
On parle de protection du consommateur, mais le chef d'entreprise est aussi une personne physique : le texte interdirait-il de les démarcher ?
Pourquoi le contrat entre la société et un abonné profiterait-il à un tiers ? La solution que je propose permet d'exclure l'utilisation des données personnelles à des fins commerciales si l'abonné n'y a pas consenti.
Ne serait-il pas utile de limiter le dispositif à la prospection commerciale ? Je crains aussi que la combinaison des amendements n° 1 rectifié et 3 rende bien difficiles les sondages par téléphone : il faut faire attention à maintenir un équilibre.
J'ai déjà présenté l'amendement n° COM-1 rectifié, qui respecte l'objectif d'un consentement exprès de l'abonné à l'utilisation des données à caractère personnel à des fins de prospection directe : les contrats nouveaux devront le prévoir. Je précise que la loi emploie déjà à l'article L. 34-5 l'expression « prospection directe » qu'il définit.
Tout à fait d'accord.
L'amendement n° 1 rectifié est adopté et devient l'article 1er.
Article 2
L'amendement de cohérence n° COM-4 est adopté ; en conséquence l'article 2 est supprimé.
L'amendement n° COM-2 réduit les pénalités proposées par la proposition de loi. Je précise qu'elles s'appliqueront pour chaque infraction : 45 000 euros l'appel ; quand il y une centaine d'appels, cela fait beaucoup... En outre une peine de prison est inapplicable à une société.
L'amendement n° COM-2, adopté, devient l'article 3.
L'amendement n° COM-3 traite des contrats en cours. Dans un délai d'une année, l'opérateur recueillera le consentement de l'abonné ; afin d'éviter un blocage, son consentement sera réputé acquis si l'abonné n'a pas répondu dans les deux mois. L'information pourra être assurée sur les factures ou par un jingle, un indicatif au début des appels pour démarchage.
Des messages importants sont parfois mêlés à des publicités : désormais, la préfecture annonce les inondations par un message dont nous devons accuser réception.
A-t-on prévu tous les cas ? Que se passe-t-il quand la personne change d'avis ?
Elle peut toujours revenir sur sa décision, mais il lui faut alors accomplir une démarche.
Parce que la loi prévoit déjà ce droit.
L'amendement n° COM-3, adopté, devient un article additionnel 4.
L'ensemble de la proposition de loi est adopté.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Enfin, la commission examine le rapport de M. François Pillet et le texte qu'elle propose pour la proposition de loi n° 682 (2009-2010), présentée par M. Jean-René Lecerf, relative à la protection de l'identité.
La fraude à l'identité recouvre notamment le vol de documents authentiques, la falsification d'un ou de plusieurs éléments de documents authentiques, la contrefaçon c'est-à-dire la reproduction totale de documents, l'obtention frauduleuse de documents authentiques, ou l'usage frauduleux de documents empruntés ou volés à un tiers.
Les données sur l'usurpation d'identité fournies aux médias par le Credoc n'ont pas été scientifiquement établies. Le chiffre de 210 000 cas a été obtenu en suivant une méthode unanimement critiquée : les enquêteurs ont interrogé 2 000 personnes, la question portant sur dix années -« avez-vous depuis 1999 été victime d'une usurpation d'identité ou d'un usage frauduleux de vos données personnelles ? » - et la réponse a été multipliée par la population française puis divisée par dix années. Le résultat est d'une fiabilité douteuse. Même s'il ne dispose pas encore des outils statistiques nécessaires, l'Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale a, quant à lui, fourni une évaluation plus précise du phénomène à partir de l'état 4001 transmis par les gendarmeries et les commissariats. Cette évaluation fait apparaître, pour 2009, 13 900 faits de fraude documentaire ou d'identité. La direction des affaires criminelles et des grâces indique qu'il y a eu cette année-là 11 627 condamnations pour de tels faits.
Au plan humain et personnel, il en résulte pour les victimes des situations parfois dramatiques ; les conséquences sont graves aussi pour l'État et les opérateurs économiques. Jusqu'à présent, les réponses apportées ont été parcellaires. M. Lecerf, dans le rapport de la mission d'information sur les titres d'identité de 2005, soulignait que la fraude documentaire profite des défaillances de la chaîne de l'identité. Toutes les garanties de sécurité ne sont pas réunies. Les moyens de détection de la fraude doivent être améliorés. Notre collègue avait préconisé des solutions simples, toutes n'ont pas été mises en oeuvre.
Comment assurer une meilleure sécurité ? Qu'apporte la biométrie ? Comment protéger des données personnelles aussi sensibles que les données biométriques ? Quelle est la fiabilité des nouveaux systèmes ? La biométrie peut avoir trois usages. Elle peut servir à l'identification dans le cadre de recherches criminelles : tel est l'objet des fichiers automatisés des empreintes digitales et génétiques. Elle peut être utilisée pour contrôler l'accès à certains lieux, réservés aux personnes dont les empreintes ou le visage ont été reconnus. Enfin, elle permet de s'assurer que l'identité de celui qu'on contrôle est bien celle qu'il allègue.
Aucun des projets de loi rédigés sur le sujet par les gouvernements successifs n'ont finalement été présentés au Parlement. En particulier, le projet d'identité nationale électronique sécurisée (Ines) n'a pas abouti. Il fusionnait les procédures de délivrance et de gestion de la carte d'identité et du passeport ; un fichier central d'identité était créé. Il n'y a jamais eu de suite.
Le passeport biométrique a toutefois été mis en place, conformément à nos engagements internationaux et européens. Cependant, le décret, je le rappelle, fait l'objet de critiques. Il a été contesté devant le Conseil d'État, lequel ne s'est pas encore prononcé.
Il n'y a pas de modèle commun en Europe : la carte d'identité est facultative en Allemagne, elle n'existe pas au Royaume-Uni, elle est obligatoire en Espagne, en Belgique ; la collecte des empreintes est facultative en Allemagne, elle n'existe pas au Royaume-Uni, elle est obligatoire en Espagne, en Italie.
Le sujet engage aussi des enjeux économiques, industriels : la sécurisation des échanges électroniques est un marché ; les collectivités, les administrés paient le coût de ces titres biométriques. Les entreprises françaises, en pointe sur ce domaine, veulent investir le marché français.
Il convient de concilier les libertés individuelles et la sécurité publique. Pour la CNIL, « les données biométriques ne sont pas des données personnelles comme les autres ». Elle n'a pas émis de contre-indication à l'usage des données biométriques mais elle recommande de veiller à une proportionnalité entre les objectifs, les moyens mis en oeuvre, les atteintes possibles aux libertés individuelles.
Mes amendements sont inspirés par le rapport Lecerf de 2005. Le législateur doit encadrer la finalité du fichier pour en éviter le détournement. L'utilisation de la biométrie n'est pas contestée si l'intéressé conserve la maîtrise des données servant à son identification. L'expérience du passeport biométrique n'a pas soulevé de difficultés.
Faut-il un fichier central des identités biométriques ? Pour protéger les identités, il faut une banque de données grâce à laquelle on puisse vérifier les données sur une carte d'identité qui pourrait être falsifiée et détecter les usurpateurs. Le fichier est bien l'élément de lutte le plus efficace.
Quelle finalité assigner à ce fichier ? C'est le coeur du débat. Une base d'empreintes digitales peut être exploitée pour vérifier qu'une seule personne n'a pas deux identités ; mais aussi, pour identifier un criminel d'après les empreintes laissées sur la scène de crime. Obtenir une identité à partir d'une empreinte, grâce à un fichier général, pose cependant un problème de libertés publiques. La proposition de loi tend à créer un fichier consacré à la gestion et la sécurisation des titres et je proposerai par amendement de le limiter à cet objet.
Comment ? Les garanties juridiques, comme le respect de la loi informatique et libertés et l'autorisation d'accès au fichier délivrée par un magistrat, ne sont pas suffisantes. Le rapport Lecerf recommandait des garanties matérielles. Sur le plan informatique, une première solution est celle du lien unidirectionnel. Si le lien est unidirectionnel entre l'identité et la donnée biométrique, on ne peut interroger la base qu'à partir de l'identité. Mais le lien peut à tout moment être rendu bidirectionnel, si le législateur change d'avis. C'est pourquoi nous avons retenu une autre technique, celle du lien faible. Les données concernant une personne ne sont pas stockées dans un casier réservé à elle seule. Si chaque casier comprend 100 000 personnes, l'identification à partir d'une donnée biométrique devient impossible. Une empreinte relevée sur une scène de crime ne désignera pas une personne, mais une liste de 100 000 noms. En revanche, il est possible de confondre un usurpateur en confrontant ses empreintes et celles correspondant à l'identité usurpée.
Non. Il aura un objet unique, sécuriser les identités. Le fichier des empreintes génétiques est surexploité par rapport à la volonté initiale du législateur. Donc, je vous propose d'introduire cette garantie technique à l'article 5. Pour le reste, je vous propose de suivre M. Lecerf.
Il y a six ans, la commission des lois m'a lancé sur le sujet en me confiant une mission que j'ai assurée avec M. Charles Guené, portant sur la fraude documentaire. Nous avions intitulé notre rapport Identité intelligente et respect des libertés. Mais depuis 2005, il ne s'est rien passé. Nous avions accéléré la remise du rapport afin de ne pas être devancés par le projet de loi Ines. La technologie était alors préhistorique et la France était en avance sur les autres pays européens, mais elle a aujourd'hui pris un retard considérable. Les entreprises françaises sont en pointe mais elles ne vendent rien en France, ce qui les pénalise à l'exportation par rapport aux concurrents américains.
Le nombre des usurpations d'identité croît sans cesse. Le gouvernement a estimé que le travail du Credoc n'était pas fiable, mais la méthode des enquêteurs est similaire à celle des instituts de sondage. La question - restrictive - a abouti à 210 000 réponses positives. Le ministère, lui, n'a pas de données sur la question puisqu'il n'y a pas d'incrimination spécifique pour usurpation d'identité ; celle-ci est généralement suivie d'escroquerie - mais toute escroquerie ne commence pas par une telle usurpation.
Il s'agit d'un sport très facile à pratiquer. Je me demande pourquoi certains délinquants persistent à braquer des banques quand il est si simple d'usurper une identité. Une poubelle sur dix contient les éléments suffisants pour s'attribuer l'identité d'un membre du foyer. On y trouvera de quoi demander un document d'état civil, à partir duquel on obtiendra une vraie-fausse carte d'identité. Grâce à celle-ci on ouvrira un compte bancaire, que l'on approvisionnera faiblement. On demandera un prêt ; on l'obtiendra et c'est un autre qui le remboursera. Et tout cela quasiment sans risque ! S'il n'y a pas 210 000 usurpations d'identité aujourd'hui, il y en aura beaucoup plus avant longtemps. L'usurpation d'identité sur Internet est également en croissance continue.
Les conséquences sont sans gravité lorsque l'identité est imaginaire ou appartient à une personne décédée, mais calamiteuses quand il s'agit d'une personne vivante dont l'identité est volée et revendue, peut-être à dix personnes... La victime ne pourra plus quitter le territoire. Elle ne pourra plus se marier, elle est réputée l'être déjà. Elle sera condamnée pour autrui, son nom sera porté au casier judiciaire national. Des individus ont aussi pu travailler dans les aéroports, près des avions, avec une fausse identité. La victime sera privée de chéquier, elle subira une interdiction bancaire. Dans certains cas, tout cela se termine par un suicide.
La réponse la plus judicieuse est la biométrie. M. Guené et moi-même avons rencontré en 2005 des parlementaires américains qui nous ont dit : si vous n'avez pas de passeport biométrique, vous n'entrerez plus aux États-Unis. Les empreintes digitales sont inscrites sur une puce dans la carte d'identité, et l'Imprimerie nationale qui confectionne les passeports pourrait aussi bien fabriquer des cartes d'identité biométriques qui règleraient le problème de l'usurpation d'identité. Le système le plus élémentaire est la biométrie sans base centrale : le douanier, le gendarme, le responsable d'une agence bancaire peut comparer les empreintes de la personne et celles gravées dans le titre d'identité. Cette comparaison autorise une authentification, non une identification, puisque la personne peut avoir d'autres identités.
Mais comme la multiplication des identités est fréquente dans les entreprises terroristes, par exemple, nous voulons aller plus loin : le douanier, le gendarme doivent être certains que la personne est bien celle à qui la carte a été délivrée ; et que cette personne n'est pas enregistrée sous d'autres identités. Alors on peut parler d'identification.
Or pour cela, il faut une base de données. Il revient au législateur d'en définir l'étendue, l'utilisation, l'architecture. Une base à lien faible sert à vérifier l'unicité de l'identité d'une personne. Sera-t-il possible d'identifier des personnes âgées désorientées, des enfants perdus ? En tout cas, l'utilisation dans le cadre des enquêtes criminelles est écartée. L'objectif visé est de mettre un terme aux usurpations d'identité sans méconnaître les libertés publiques. En 2005, l'argument essentiel contre ce type de fichier était qu'il aurait interdit, entre 1940 et 1944, la fabrication de fausses identités. C'était la seule objection.
Le ministère de l'intérieur sera tenté d'aller au-delà. Précisément, bâtir un système à lien faible nous assure que jamais le fichier ne pourra être exploité à d'autres fins que la vérification d'identité.
Le Gouvernement souhaite aussi qu'en option, figure sur la carte d'identité une seconde puce portant la signature électronique de la personne, autorisant l'authentification à distance, ce qui remplacerait le recours à des sociétés commerciales.
Comment, si un rapprochement vous conduit à un tiroir de 100 000 noms, pouvez-vous conclure à l'usurpation ?
Par la confrontation de l'identité alléguée, des empreintes digitales susceptibles d'y correspondre et de celles de l'usurpateur : le croisement des informations conduit éventuellement à une alerte à l'usurpation. La police ne pourra utiliser le fichier que si elle dispose déjà d'autres renseignements, mais non si elle dispose uniquement d'une empreinte. Nous ne voulons pas laisser derrière nous une bombe : c'est pourquoi nous créons un fichier qui ne peut être modifié.
Il faut vivre avec son temps. Nous avions présenté, Mme Escoffier et moi-même, une proposition de loi sur la protection de la vie privée face à l'essor du numérique. Car les petits génies de l'informatique, les hackers, se font fort de voler l'identité des personnes comme de pénétrer dans les ordinateurs centraux de Bercy. Mais notre rapporteur a raison de ne pas nous proposer une solution qui autoriserait tous les recoupements.
Je rends hommage à MM. Pillet et Lecerf qui montrent un extrême respect des libertés. Nous y sommes tous attachés, comme à la sécurité publique.
Vous excluez totalement que dans le cours d'une enquête criminelle, la police sous le contrôle de la justice puisse avoir recours à ce fichier, me semble-t-il.
Elle a accès à d'autres fichiers, pas à celui-là. Elle consulte le fichier des empreintes digitales et génétiques qui comprend des données relatives à ceux qui ont été condamnés ou impliqués dans des affaires criminelles.
La tentation existera et je prends acte de votre position : le seul délit que le fichier servira à détecter est l'usurpation d'identité.
La tentation existe déjà ! Le ministère de l'intérieur n'est pas d'accord avec mon amendement à l'article 5. Mais j'ai souhaité vous le proposer.
La question posée par notre collègue Sueur est la question centrale. C'est à nous, le législateur, de décider et, par exemple, d'ajouter les protections juridiques afin de détecter toute exploitation indue de cet outil. La traçabilité de l'utilisateur du fichier est possible, il suffit de présenter ses empreintes digitales.
Ce que déplore le ministère de l'intérieur, c'est le choix du lien faible, qui interdit tout retour en arrière, tout changement de cap.
La loi du 1er juillet 2010 de lutte contre le surendettement a créé un fichier positif, une centrale de crédit en fait, qui comprendra les noms de 30 à 40 millions de personnes. Cela pose un problème de protection des données. Je suis le délégué de la Cnil au comité qui travaille sur ce futur fichier. Le seul moyen d'identification qui ait été jugé possible est le numéro de sécurité sociale, dont l'usage jusqu'à présent était réservé à la sécurité sociale. Le montage est d'une invraisemblable complexité. Si un titre d'identité sécurisé était mis en service rapidement, cela serait très utile pour la centrale de crédit !
Le numéro de sécurité sociale est le numéro Insee, très facile à recomposer...
Mais il est protégé et ne peut être utilisé dans d'autres domaines que celui de la sécurité sociale.
EXAMEN DES AMENDEMENTS
Si nous inscrivons dans le texte une option de seconde puce, il est bon de veiller à ce que le titulaire de la carte reste maître des données qu'il choisit de transmettre. C'est l'objet de l'amendement n° 6.
L'amendement n° 6 est adopté.
L'amendement n° 8 veille à ce que les administrations et les sociétés commerciales ne puissent refuser une prestation à qui refuse l'identification électronique, que nous créons comme une simple faculté.
L'amendement n° 8 est adopté. L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 5
L'amendement n° 9 vise à renforcer la protection juridique en organisant une traçabilité des consultations du fichier.
L'amendement n° 9 est adopté.
Pour créer le fichier biométrique à lien faible, la technologie existe, il s'agit d'un brevet Sagem. La traçabilité du visage sera bientôt une réalité, il faut donc prévoir les mêmes garanties pour le visage et pour les empreintes digitales. Tel est l'objet de l'amendement n° 7.
L'amendement n° 7 est adopté.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 5
Le contrôle de l'identité doit se faire en circuit fermé, à partir du document lui-même.
L'amendement n° 3 rectifié bis est adopté et devient un article additionnel après l'article 5.
L'amendement n° 4 tend à autoriser les administrations et certains opérateurs économiques à vérifier la validité de la carte d'identité présentée.
L'amendement n° 4 est adopté et devient un article additionnel après l'article 5.
Article 7
L'amendement n° 5 tend à mettre en cohérence les quantums de peines et d'amendes.
Qui, curieusement, ne sont pas très élevés.
L'amendement n° 5 est adopté.
L'article 7 est adopté dans la rédaction des travaux de la commission.
Article additionnel après l'article 7
Avis favorable aux amendements identiques n° 1 de M. Frimat et n° 2 de M. Lecerf. Lorsque la victime d'une usurpation d'identité parvient enfin au terme de son périple judiciaire, après tant d'années, ses documents d'état civil comportent des mentions telles que l'annulation d'un mariage contracté en réalité par l'usurpateur : le motif de la décision -l'usurpation dont elle a été victime- n'est pas mentionné, c'est une lacune. Je demande aux auteurs de rectifier leurs amendements pour remplacer le terme de « circonstance » par celui de « motif ».
D'accord.
Les amendements n°s 1 rectifié et 2 rectifié sont adoptés et deviennent un article additionnel.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :