La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur les règles applicables aux exportations et aux importations de bois et de produits fabriqués en bois, en particulier en matières phytosanitaires.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il a été transmis à la commission des affaires économiques et à la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
L’ordre du jour appelle la désignation des membres de la mission d’information sur l’inventaire et le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles, créée sur l’initiative du groupe écologiste en application du droit de tirage prévu par l’article 6 bis du règlement.
En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, et de l’article 110 de notre règlement, la liste des candidats établie par les groupes a été publiée.
Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
L’ordre du jour appelle la désignation des membres du groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi Égalité et citoyenneté.
La liste des candidats établie par les groupes a été publiée.
Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.
Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 22 juin 2016, que, en application de l’article 61-1 de la Constitution, le Conseil d’État lui avait adressé une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (suppression de la clause de compétence générale des départements ; 2016 565 QPC).
Le texte de cette décision de renvoi est disponible à la direction de la séance.
Acte est donné de cette communication.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après le tollé provoqué par l’interdiction de manifester à Paris, demain, annoncée ce matin par la préfecture de police, le Gouvernement a enfin entendu raison. Un accord a été trouvé en fin de matinée entre les organisations syndicales et le ministre de l’intérieur, pour permettre à une manifestation de se dérouler dans un périmètre défini.
Nous nous félicitons de cet accord et nous saluons la responsabilité dont a fait preuve l’intersyndicale, face à la fuite en avant autoritaire observée ce matin.
Cela étant, la question de fond demeure : peut-on poursuivre dans ces conditions la discussion du projet de loi Travail ? Dans la population, le rejet de ce texte est massif. Il atteint même 80 % parmi les jeunes.
Malgré une vaste campagne de dénigrement, la mobilisation elle-même bénéficie d’un soutien nettement majoritaire. Il faut rappeler que ce projet de loi n’a pas été discuté sérieusement avant sa présentation en conseil des ministres et qu’il n’a pas obtenu de majorité à l’Assemblée nationale, le 49.3 ayant conclu ce premier épisode.
Le débat en cours au Sénat est hors sol. Derrière le simulacre d’opposition, un accord profond se fait jour entre la majorité gouvernementale et la majorité sénatoriale quant à « la philosophie même du texte » – je reprends l’expression du rapporteur Jean-Baptiste Lemoyne.
Or cet accord a pour toile de fond le rejet massif qu’expriment nos concitoyens. La crise qu’a fait éclater ce matin l’interdiction de manifester prouve bien qu’il est grand temps de suspendre ce débat parlementaire, pour permettre l’ouverture de réelles négociations avec l’ensemble des organisations syndicales. C’est là le seul moyen d’examiner toutes les propositions formulées. Il semble que le Gouvernement n’a pas encore répondu à certaines d’entre elles…
Mon intervention s’adresse au Sénat, bien sûr, mais aussi au Gouvernement : aujourd’hui, la raison devrait l’emporter. Madame la ministre, demandez à M. Valls de suspendre immédiatement ce débat !
Acte vous est donné de votre rappel au règlement, ma chère collègue.
La parole est à Mme la ministre.
Madame Assassi, je vous laisse l’entière responsabilité des termes que vous venez d’employer. Permettez-moi de ne pas m’inscrire à mon tour dans un registre que j’estime inutilement polémique.
Pour ma part, je ne m’exprimerai que sur le fond.
Les débordements et les violences constatés ces derniers mois, …
… lors des différentes manifestations qui se sont déroulées dans le pays, se sont révélés nombreux. À chaque fois, le Gouvernement a mobilisé pleinement les forces de l’ordre, dans des conditions souvent très difficiles, précisément afin de garantir la liberté de manifestation de nos concitoyens.
Toutefois, il faut le rappeler, ce droit va nécessairement de pair avec l’impérieuse nécessité de garantir la sécurité des personnes et des biens, a fortiori dans un contexte dominé par la menace terroriste.
Dès lors que les conditions de cet impératif n’étaient pas réunies, dès lors que les organisateurs n’avaient pas accepté les propositions qui leur étaient soumises, le préfet de police de Paris a indiqué que, en l’état, il n’était pas possible d’autoriser un nouveau mouvement.
Soyez-en certaine : en tant que ministre chargée du dialogue social, je suis profondément attachée à la liberté syndicale, au droit de grève et à la liberté de manifester.
Ce sont là des conquêtes essentielles de notre histoire sociale. Je ne pouvais donc pas accueillir avec enthousiasme la perspective d’une interdiction, même si chacun peut comprendre que nous faisons face à un motif incontournable – j’y insiste – de sécurité.
En conséquence, nous pouvons tous nous réjouir de l’issue trouvée à la faveur d’un dialogue direct avec les organisations syndicales concernées. La réunion qui s’est tenue place Beauvau, ce matin, au cours de laquelle le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, a reçu les représentants syndicaux, a permis d’aboutir à un compromis honorable, sur la base d’un parcours de substitution proposé par le Gouvernement.
Ainsi, le respect de la liberté de manifester est parfaitement garanti, et le cheminement proposé est plus propice à une sécurisation adaptée.
Vous le savez, au cours des dernières semaines, j’ai moi-même reçu au ministère du travail l’ensemble des représentants syndicaux. Nos discussions ont été animées d’une véritable volonté d’échange. Dans tous les cas, le dialogue a été franc, loyal et constructif.
À l’instar de l’accord conclu aujourd’hui, cette démarche confirme, loin des caricatures, l’attachement du Gouvernement à une expression démocratique féconde.
Cela étant, n’oublions jamais que la démocratie suppose également le respect de l’ordre et de la sécurité pour tous. Le Gouvernement a veillé au rappel de ces principes. J’espère que chacun assumera ses responsabilités et que les manifestations, annoncées pour demain et pour le 28 juin prochain, se dérouleront dans le calme, de manière maîtrisée et conforme à nos valeurs républicaines.
Enfin, j’invite la Haute Assemblée à poursuivre le débat !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Madame la présidente, au titre du scrutin public n° 331, Mme Chantal Jouanno a été comptabilisée comme votant contre, alors qu’elle souhaitait voter pour.
Ma chère collègue, acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (projet n° 610, texte de la commission n° 662, rapport n° 661).
TITRE III
Sécuriser les parcours et construire les bases d’un nouveau modèle social à l’ère du numérique
Chapitre Ier
Mise en place du compte personnel d’activité
Dans la suite de la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein du chapitre Ier du titre III, l’examen de l’article 23.
I. – Le chapitre Ier du titre III du livre Ier de la cinquième partie du code du travail est ainsi modifié :
1° L’intitulé de la section 3 est ainsi rédigé : « Accompagnement des jeunes vers l’autonomie par l’emploi » ;
2° La division et l’intitulé des sous-sections 1 et 2 de la même section 3 sont supprimés ;
3° (Supprimé)
4° L’article L. 5131-4 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5131 -4. – L’accompagnement mentionné à l’article L. 5131-3 peut prendre la forme d’un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi conclu avec l’État et mis en œuvre par les organismes mentionnés aux articles L. 5314-1 à L. 5314-4 du code du travail, élaboré avec le jeune et adapté à ses besoins identifiés lors d’un diagnostic. Le contrat d’engagements est signé préalablement à l’entrée dans le parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi. » ;
5° L’article L. 5131-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5131 -5. – Afin de favoriser son insertion professionnelle, le jeune qui s’engage dans un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi peut bénéficier d’une allocation versée par l’État et modulable en fonction de la situation de l’intéressé.
« Cette allocation est incessible et insaisissable.
« Elle peut être suspendue ou supprimée en cas de non-respect par son bénéficiaire des engagements du contrat. » ;
6° (Supprimé)
7° L’article L. 5131-7 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5131 -7. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent chapitre, en particulier :
« 1° Les modalités du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi, ainsi que la nature des engagements de chaque partie au contrat ;
« 2° Les modalités de fixation de la durée et de renouvellement du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie ;
« 3° Les modalités d’orientation vers les différentes modalités du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi, ainsi que leurs caractéristiques respectives ;
« 4° Les modalités d’attribution, de modulation, de suppression et de versement de l’allocation prévue à l’article L. 5131-5. » ;
8° L’article L. 5131-8 est abrogé.
I bis. – Au deuxième alinéa de l’article L. 5134-54 du même code, les mots : « titulaires du contrat d’insertion dans la vie sociale » sont remplacés par les mots : « ayant conclu un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi ».
I ter. – Au 2° du I de l’article 244 quater G du code général des impôts, après le mot : « décret », sont insérés les mots : « en Conseil d’État ».
II. – Le présent article est applicable à compter du 1er janvier 2017. Les contrats d’insertion dans la vie sociale conclus antérieurement continuent à produire leurs effets dans les conditions applicables avant cette date, jusqu’à leur terme.
L'amendement n° 973, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Remplacer les mots :
Accompagnement des jeunes vers l’autonomie
par les mots :
Droit à l’accompagnement des jeunes vers l’emploi et l’autonomie
II. – Alinéa 4
Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :
3° À l’article L. 5131-3, après le mot : « accompagnement », sont insérés les mots : « vers l’emploi et l’autonomie » et les mots : «, ayant pour but l’accès à la vie professionnelle » sont supprimés ;
III. – Alinéas 6, 8, 14, 16 et 19
Remplacer les mots :
vers l’autonomie par l’emploi
par les mots :
vers l’emploi et l’autonomie
La parole est à Mme la ministre.
Le présent amendement tend à réinscrire dans ce projet de loi l’objectif d’un accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, que la commission a remplacé par un objectif d’accompagnement vers l’autonomie par l’emploi.
L’accès à l’autonomie est une notion plus large que le simple accès à l’emploi. On le constate concrètement avec le développement de la garantie jeunes : l’établissement du dossier permettant de bénéficier de ce dispositif soulève la question de l’accès au logement et, plus largement, appelle notre attention sur tous les freins périphériques entravant l’accès à l’emploi.
Ces différents facteurs doivent être pris en compte concomitamment. C’est là un enjeu essentiel. La maîtrise des codes d’un entretien d’embauche, l’obtention du permis de conduire sont autant d’étapes dans le parcours conduisant les jeunes vers la vie active.
Dès lors, l’efficience des dispositifs qui leur sont offerts ne peut être évaluée en mesurant le seul accès à l’emploi : ce facteur dépend en partie du contexte du marché du travail, des diverses étapes franchies et des compétences sociales et professionnelles acquises qui les rapprochent du marché du travail.
À cet égard, dans la garantie jeunes, les six semaines de coaching collectif que deux conseillers des missions locales consacrent à des groupes de quinze jeunes sont tout particulièrement intéressantes. Elles permettent de prendre en compte chacune des situations individuelles et d’œuvrer à une meilleure orientation professionnelle. Il s’agit là d’un temps précieux.
Aussi, je souhaite que la notion d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie soit de nouveau inscrite dans le présent texte.
Ce point à la fois rédactionnel et philosophique ne change en rien le dispositif élaboré.
Aussi, la commission s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Madame la ministre, vous l’avez souligné : au travers de son article 23, ce projet de loi réaffirme le droit à l’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans qui éprouvent des difficultés et se trouvent confrontés à un risque d’exclusion professionnelle. Ce droit peut être mis en œuvre dans le cadre d’un parcours contractualisé conclu avec l’État.
Reprenant un amendement présenté par nos soins, la commission a inscrit dans le présent texte le principe selon lequel ce travail serait confié aux missions locales.
Créées en 1982, ces structures exercent une mission de service public de proximité. Le but ici est essentiel : accompagner les jeunes dans leur parcours d’insertion professionnelle et sociale.
Chacun reconnaît le rôle joué par les missions locales dans le déploiement de nombreux dispositifs comme les emplois d’avenir ou le droit à l’accompagnement renforcé. Ainsi, en affirmant que la mise en œuvre de ce parcours d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie est assurée par les missions locales, nous garantissons l’application effective et cohérente de ce droit sur le territoire national tout entier.
À l’heure où un grand nombre de collectivités manifestent la volonté de poursuivre leur engagement via des contrats pluriannuels signés avec la mission locale intervenant sur leur territoire, il est cohérent de reconnaître cette exclusivité au réseau des missions locales.
À ce titre, je fais miens les propos de notre collègue député Jean-Patrick Gille, président de l’union des missions locales : sur l’ensemble du territoire, la mission locale offre une égalité d’accès à un réseau à des jeunes qui, justement, sont privés de réseaux.
De plus, l’expérimentation de la garantie jeunes est d’ores et déjà confiée aux missions locales. Faut-il prévoir des dérogations au principe d’exclusivité, au motif que l’une des 450 missions locales existantes éprouverait des difficultés à intervenir ? Ne vaut-il pas mieux tout mettre en œuvre pour renforcer ces structures, au nom du principe d’égalité qu’elles défendent ?
Madame la ministre, je sais toute l’attention que vous accordez aux besoins exprimés par le réseau des missions locales, et qui verra sa traduction dans le prochain projet de loi de finances.
Bien entendu, nous voterons cet amendement !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Hier, à une heure tardive, j’ai exposé l’analyse que les élus du groupe CRC font du présent article.
Bien sûr, je ne retranche rien à mes propos. Toutefois, mes collègues et moi-même jugeons tout à fait positives les dispositions du présent amendement.
Au reste, contrairement à ce qu’a déclaré M. le rapporteur, il ne s’agit pas d’un simple amendement rédactionnel. La terminologie ici proposée traduit une autre conception, voire une philosophie différente. Nous sommes donc bien face à une question de fond !
Mme Stéphanie Riocreux acquiesce.
L’objectif d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie est plus large que le but énoncé par la commission, et nous soutenons donc tout à fait cet amendement.
Hier soir, j’ai moi aussi pris la parole pour exposer notre opposition philosophique à ces dispositions, qui, je le souligne à mon tour, ne sauraient se limiter à une correction rédactionnelle.
Si elle est ouverte sans condition, la garantie jeunes conduira à une forme d’assistanat.
Elle se résumera à une allocation versée systématiquement.
Or un tel choix reviendrait à dévoyer le rôle des missions locales. Ces dernières sont avant tout chargées de l’accompagnement vers l’emploi. Elles doivent donner aux jeunes tous les moyens possibles pour entrer sur le marché du travail.
En distinguant, parmi les jeunes, d’une part, ceux qui peuvent et doivent être insérés dans l’emploi, et, de l’autre, ceux dont une allocation garantira l’autonomie, on aboutira à un résultat foncièrement opposé à notre conception de la garantie jeunes.
Je le répète : de même que les missions locales, ce dispositif a pour but premier l’insertion dans l’emploi !
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
Pour ma part, je préside une mission locale, et je suis de surcroît un groupe de garantie jeunes.
Je l’ai déjà dit : je suis intimement persuadé du caractère bénéfique de ce dispositif. Néanmoins, des améliorations sont encore nécessaires, notamment en matière d’accompagnement.
Mme la ministre le concède.
Madame la ministre, vous avez insisté avec raison sur l’importance du travail collectif. S’y ajoute, bien entendu, l’enjeu de la démarche vers l’entreprise.
Si je formule ce rappel, c’est pour que tout le monde saisisse bien la portée de la garantie jeunes : ce dispositif est assez innovant, en ce sens que les jeunes eux-mêmes sont appelés à rechercher les stages d’immersion répartis tout au long de leur parcours.
Il s’agit là d’une formidable chance ! Mais si cette démarche n’est pas accompagnée, si elle ne permet pas cette expérience de l’autonomie, au-delà des 460 euros mensuels alloués, on ne pourra pas aboutir au résultat que nous attendons tous, à savoir que ces jeunes, à l’origine très éloignés du monde du travail, trouvent enfin un emploi.
Aussi, gardons-nous de toute confusion en parlant de « généralisation » : tous les jeunes désireux de trouver un emploi ne sont pas appelés à bénéficier de ce dispositif. Ce dernier est, au contraire, réservé à ceux qui sont le plus loin du marché du travail, à ceux que l’on nomme familièrement les « décrocheurs ». Tel est le public ciblé.
Mes chers collègues, nous ne nous battons pas sur les chiffres : Mme la ministre les a déjà cités. L’enjeu est désormais de pouvoir évaluer précisément la garantie jeunes. C’est la raison pour laquelle la commission, suivant ses rapporteurs, a prévu de lui consacrer un bilan d’étape en 2017, avant sa généralisation.
Nous restons convaincus qu’il s’agit là d’un bon dispositif, à condition que l’encadrement soit au rendez-vous et que les missions locales soient à même de cibler les populations réellement visées.
Je tiens à réagir aux propos de Mme Canayer. Je serai brève, car M. Vanlerenberghe leur a déjà opposé un démenti.
Il suffit de lire l’objet de cet amendement pour constater que le parcours d’accompagnement proposé est assorti de droits et de devoirs. Cette précision est clairement apportée !
De surcroît, lundi dernier, l’INSEE a publié une étude consacrée aux jeunes de 18 à 24 ans et à leur réussite, selon qu’ils sont, ou non, aidés par leurs parents. Les conclusions de cette enquête sont extrêmement intéressantes. Elles valent pour l’ensemble de l’article 23, notamment pour la garantie jeunes.
Le public visé par l’ensemble de ces dispositifs est précisément formé de ceux qui ne bénéficient pas d’un soutien familial : en la matière, une profonde inégalité frappe de nombreux jeunes dès leur majorité. Tel est le constat dressé par cette enquête.
Dès lors, monsieur le rapporteur, cette disposition est peut-être philosophique, mais elle est surtout éminemment politique.
Aussi, je vous félicite d’avoir émis un avis de sagesse. Vous avez compris l’importance de cet amendement.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, rapporteur de la commission des affaires sociales. Ah ! Un bon point pour M. Forissier !
Souriressur les travées du groupe Les Républicains.
L’enjeu est bien le suivant : tourner vers l’activité ces jeunes qui n’ont rien, que la vie a souvent mal servis et que leur famille elle-même n’aide pas.
A contrario, beaucoup de parents aident leurs enfants, en particulier ceux qui jouissent d’une certaine aisance financière. Cette situation entraîne de grandes inégalités ! J’insiste sur cette réalité, qui me paraît essentielle. Nous devons collectivement réussir à surmonter ce handicap, qui est à la fois social et économique.
M. Michel Bouvard applaudit.
Bien sûr, dans l’absolu, chaque homme, chaque femme a droit à l’autonomie, chaque homme, chaque femme a droit à un travail. Toutefois, en l’occurrence, nous débattons non des droits de l’homme mais du code du travail, en vertu duquel seul un emploi permet d’acquérir l’autonomie ! Si l’on réfute ce postulat, on peut renoncer à élaborer tout code du travail… Voilà pourquoi je souscris pleinement aux propos de Mme Canayer.
À la suite de l’avis de sagesse émis par M. Forissier, je demande aux uns et aux autres de bien réfléchir à leur vote : les jeunes doivent acquérir l’autonomie par l’emploi, dans le cadre du code du travail !
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’insiste sur le fait que ce dispositif innovant permet d’atteindre des publics qui, auparavant, demeuraient à l’écart : en tout, 80 % des jeunes concernés ne sont en situation ni d’emploi, ni d’études, ni de formation.
En outre, 22 % de ces publics sont issus des quartiers ciblés par la politique de la ville. Dans ces secteurs, le taux de chômage des jeunes dépasse les 40 %. Cet indicateur s’établit même à 70 % dans le quartier de la Castellane, à Marseille.
Au surplus, avant d’obtenir la garantie jeunes, quelque 18 % des bénéficiaires n’étaient pas connus des missions locales. Ils ont été dirigés vers ce dispositif par l’aide sociale à l’enfance ou encore par la protection judiciaire de la jeunesse.
Dès lors, pourquoi parlons-nous de généralisation ? La garantie jeunes n’est pas une simple allocation. Elle relève de la solidarité, non de l’assistanat. Elle assure un accompagnement : si les jeunes rompent le contrat qu’ils ont conclu avec la mission locale, ils perdent le bénéfice de leurs prestations.
Parallèlement, le premier pas vers l’accès à l’emploi consiste à acquérir des compétences en matière d’autonomie.
L’apprentissage des codes et des moyens d’effectuer une recherche de stage sont des fondements de l’autonomie. Cette dernière est, quant à elle, un pas essentiel pour aller vers l’emploi. Tel est le sens des six semaines de coaching que j’ai évoquées en présentant cet amendement. Cet encadrement ne relève en rien du loisir ou de l’occupationnel !
En généralisant ce dispositif, nous dirons à tout jeune Français privé d’emploi, ne suivant ni une formation ni des études, subissant de surcroît une situation de précarité, qu’il a droit, où qu’il se trouve, à la garantie jeunes.
Aujourd’hui, seuls 80 % des missions locales proposent ce dispositif. D’ici au 1er janvier 2017, l’ensemble du territoire français doit être couvert !
Je tenais à insister sur ce point capital : l’accès à l’autonomie est un pas vers l’emploi. Surtout, la garantie jeunes ne se résume pas à une simple allocation !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. Jean Desessard. Mes chers collègues, nous allons bien sûr voter en faveur de cet amendement. Je précise néanmoins que les écologistes sont favorables à un RSA sans condition d’âge. Ainsi, à partir de dix-huit ans, tous les jeunes pourraient bénéficier d’un revenu.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
La mission d’information relative à la pauvreté et à l’exclusion l’a clairement constaté : parmi les habitants les plus défavorisés de notre pays, les jeunes sont extrêmement nombreux. Et, comme par hasard, ce sont ceux qui n’ont pas droit au RSA !
Plutôt que d’élaborer des systèmes compliqués assortis de diverses conditions, mieux vaudrait partir du principe suivant : dès lors que l’on a dix-huit ans, l’on est majeur et l’on bénéficie des mêmes droits que tout citoyen.
M. René-Paul Savary. Je tiens à réagir aux propos de M. Desessard : pour l’heure, le revenu de solidarité active, comme l’ensemble de notre modèle social, est financé à crédit.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
On ne parvient déjà pas à respecter les engagements souscrits, et l’on donne de nouveaux cadeaux aux jeunes en laissant peser leur coût sur le dos des suivants ! Il ne faut pas occulter cette réalité.
Madame la ministre, le système d’accompagnement que vous nous présentez me paraît intéressant. Néanmoins, comme pour le RSA, il faut se poser la question de la sortie du dispositif : c’est là tout le problème.
Pourquoi sommes-nous face à un blocage au sujet du RSA ? Cette prestation devait inciter à la reprise d’emploi… Le résultat obtenu est contestable ! Elle devait permettre de réduire la part de personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Sur ce front, l’efficacité n’est pas non plus redoutable au regard du coût supporté…
À présent, le Gouvernement nous propose un nouvel outil. Il est très intéressant sur le plan philosophique. Toutefois, rendra-t-il service aux jeunes, dès lors que l’on ignore comment ils sortiront du dispositif ? Voilà ce qui nous interpelle.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Par souci d’équilibre, je tiens à dire tout le bien que nous pensons de ce dispositif.
Non, il ne s’agit pas d’assistanat. Non, il ne s’agit pas d’un doublon du RSA. Non, il ne s’agit d’argent perdu ou gaspillé, distribué sans contrepartie.
M. Vanlerenberghe, Mme Bricq et Mme la ministre l’ont déjà expliqué de manière très claire et très complète : chaque fois qu’un jeune de ce pays éprouvant de graves difficultés recevra un appui, sera aidé, guidé, conduit à prendre des initiatives pour se former, pour contacter des entreprises, son propre sort s’améliorera : une voie vers l’emploi et vers l’intégration s’ouvrira pour lui. L’action sociale s’en trouvera renforcée. Et, dans le même temps, la société tout entière s’enrichira.
L’argent consacré aujourd’hui à la garantie jeunes, qui – j’y insiste – n’a rien d’une allocation, est un excellent investissement pour notre pays !
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.
Mes chers collègues, gardons bien à l’esprit que ce dispositif se fonde sur une démarche volontaire de la part des jeunes et que, parallèlement, ces derniers doivent être soutenus pour tracer des perspectives d’avenir, alors qu’ils traversent une existence particulièrement difficile. Le système proposé par Mme la ministre n’a donc rien à voir avec l’assistanat.
Par ailleurs, souvenons-nous que les citoyens de la République française ne sont pas assistés par principe : ils sont des ayants droit, en tant que membres de la communauté nationale. C’est précisément en tant qu’ayants droit, et non en tant qu’assistés, qu’ils bénéficient des aides sociales.
À cet égard, la rédaction proposée par le Gouvernement a toute son importance. Elle est même fondamentale : elle responsabilise tout le monde, notamment les jeunes qui font face à une situation difficile.
Permettez-moi d’insister sur un fait trop souvent méconnu : statistiquement, la pauvreté est héréditaire. On pourrait s’imaginer que celles et ceux qui sont pauvres le sont du fait du contexte économique difficile que nous traversons, mais la réalité n’est malheureusement pas celle-là : ceux qui ont des parents ou des grands-parents pauvres ont plus de chances de l’être à leur tour.
Cet amendement vise à responsabiliser les jeunes, tout en faisant en sorte que la collectivité publique leur apporte l’aide dont ils ont besoin pour s’en sortir et pour pouvoir ensuite trouver un emploi.
Vous nous rétorquez que les jeunes ne trouveront pas un emploi du jour au lendemain pour autant. C’est une évidence ! Toutefois, il dépend des politiques publiques et de notre volonté à tous, quelles que soient nos orientations politiques, de faire en sorte qu’il y ait le maximum d’emplois. C’est vrai pour les jeunes, mais cela l’est tout autant pour d’autres ; c’est une évidence absolue.
De grâce, ayons ce souci, primordial, me semble-t-il, dans la République qui est la nôtre, d’aider les jeunes ! Nous le savons, leur génération se trouve aujourd’hui dans une situation inédite, puisque, pour la première fois, ils risquent de vivre moins bien que les générations d’hier et d’avant-hier. C’est la première fois dans l’histoire de notre pays que nous connaissons cette situation, et c’est pourquoi nous devons nous montrer particulièrement attentifs.
Tel est le sens de cet amendement, que je vous invite à adopter, mes chers collègues, pour des raisons politiques, mais aussi humanistes.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Le président Larcher a recommandé aux candidats à la primaire de prendre le social en considération !
Je mets aux voix l'amendement n° 973.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.) –
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.
L'amendement n° 1035, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 6
1° Première phrase
Supprimer les mots :
et mis en œuvre par les organismes mentionnés aux articles L. 5314-1 à L. 5314-4 du code du travail
2° Après la première phrase
insérer deux phrases ainsi rédigées :
Ce parcours est mis en œuvre par les organismes mentionnés à l’article L. 5314-1. Toutefois, par dérogation, un autre organisme peut être désigné par le représentant de l'État dans le département, lorsque cela est justifié par les besoins de la politique d'insertion sociale et professionnelle des jeunes.
La parole est à M. Michel Forissier, rapporteur.
Au travers de cet amendement, la commission souhaite apporter une précision nécessaire.
Lors de nos débats en commission, nous avons unanimement décidé qu’il reviendrait aux missions locales de porter ce dispositif.
Cet amendement vise à préciser que les missions locales sont appelées à mettre en œuvre le parcours contractualisé, mais que, si nécessaire, un autre organisme peut être désigné. Dans les cas où cela sera justifié par les besoins de politique d’insertion sociale et professionnelle des jeunes, ou dans des cas exceptionnels où il n’y aurait pas de couverture suffisante du territoire, cet organisme désigné sera le représentant de l’État dans le département.
Permettez-moi de souligner que nous considérons ce dispositif avec bienveillance. Si je ne souhaite pas l’inscrire dès aujourd'hui dans le marbre de la loi et préfère à ce stade un décret, c’est tout simplement pour le parfaire et l’affiner.
Madame la ministre, je serai très clair avec vous. Nos collègues du groupe CRC nous ont fait part, hier, des difficultés financières de mise en œuvre de ce dispositif. Or le coût à supporter par les missions locales se répercute sur les collectivités territoriales, comme j’ai pu l’observer dans mon territoire, où la mission locale a demandé un financement pour mettre en place ce dispositif de manière correcte, ce qui n’est pas normal.
Le Gouvernement devrait s’appliquer la fameuse règle d’or budgétaire. Le financement de tous les dispositifs qui sont mis en place sur son initiative devrait être clarifié au préalable, car il y a des besoins de financement pour rendre le dispositif efficace.
Le dispositif du parcours contractualisé nécessitera des locaux et des personnels dédiés, donc des recrutements. Il concerne aujourd'hui 40 000 jeunes et pourrait en concerner 60 000 supplémentaires. Vos objectifs sont, en effet, de l’ordre de 150 000 jeunes.
Nous souscrivons à votre ambition, mais, de grâce, si vous voulez que ce dispositif soit efficace, veillez à l’aspect financier des choses. Compte tenu de l’état des finances des collectivités locales, j’attire votre attention le problème qui va se poser.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement présenté par M. le rapporteur. En effet, la disposition qu’il vise à introduire permettra de mettre en œuvre la garantie jeunes lorsqu’un territoire n’est pas couvert par une mission locale.
Permettez-moi de saluer tous les professionnels qui travaillent dans les missions locales et de vous apporter des éléments très concrets sur la question du budget de ces missions.
Mme Cohen a indiqué hier soir que le budget alloué par l’État aux missions locales avait baissé de 60 millions d’euros. C’est faux.
M. Michel Bouvard s’exclame.
Que faire, vu que l’État augmente les financements et que l’on demande aux missions locales de prescrire des contrats d’avenir dans le cadre de la garantie jeunes ? La question du modèle économique des missions locales pose des difficultés depuis de nombreuses années. Dès que les crédits du Fonds social européen, le FSE, se font attendre, ou qu’une collectivité locale se désengage, une fragilité s’en ressent sur le terrain.
À la demande des syndicats représentant le personnel des missions locales, j’ai donc diligenté une mission de l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, sur le modèle économique des missions locales. Je lui ai demandé de me transmettre ses conclusions d’ici au mois de septembre prochain, pour que nous puissions prendre ensemble des mesures visant à consolider le budget des missions locales lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2017.
Nous disposerons donc d’une analyse très transparente, avec des focus sur certains bassins d’emplois dont les missions locales sont dans une situation plus inquiétante, comme à la Réunion ou à Marseille. Au moins, nous pourrons savoir en toute transparence qui diminue les crédits des missions locales.
Le Gouvernement a effectivement donné des missions supplémentaires aux missions locales avec la garantie jeunes. Ces dernières se voient allouer en moyenne 1 600 euros par jeune pris en charge, mais l’impact n’est pas le même, par exemple en termes de locaux, à Paris et dans une ville moyenne.
Toutes ces questions sont posées de façon très claire. L’objectif du Gouvernement est que, à partir du 1er janvier 2017, tout jeune qui n’est pas en situation de formation, d’emploi ou de poursuite d’études supérieures et qui se trouve dans une situation de précarité puisse demander à entrer dans la garantie jeunes.
Il ne s’agit donc pas des 700 000 jeunes dits « NEET », ni scolarisés, ni en emploi, ni en formation, puisque tous ne sont pas en situation de précarité et que tous ne sont pas volontaires et motivés. La garantie jeunes est, je le répète, un contrat donnant-donnant entre la mission locale et le jeune. C’est un dispositif d’accompagnement particulièrement intensif qui s’adresse à des jeunes volontaires et motivés.
Quoi qu’il en soit, j’émets un avis favorable sur cet amendement.
Madame la ministre, pour que la transparence soit complète, permettez-moi, à mon tour, de me livrer à ce petit exercice de justification.
Les argumentaires qui sont développés par le groupe CRC sont bien sûr contestables pour qui n’est pas d’accord avec nous, mais nous essayons toujours de varier nos sources, afin de ne pas être taxés d’être partisans. Les chiffres que j’ai cités hier ont été repris de notre collègue député Jean-Patrick Gille, qui n’a pas la même sensibilité politique que nous et qui exerce des responsabilités importantes au niveau des missions locales. Il serait donc étonnant qu’ils soient faux !
Par ailleurs, madame la ministre, la proposition que vous faites est certes intéressante, dans la mesure où elle permettrait à des jeunes qui sont particulièrement en difficulté de remettre le pied à l’étrier, si je puis m’exprimer ainsi, mais le problème de la précarité qui sévit au sein de la jeunesse n’est pas réglé pour autant.
Comme je l’ai souligné hier, si votre proposition est très ambitieuse, les moyens qui lui sont alloués ne sont pas au rendez-vous. Il faut donc raison garder ! En tout cas, nous resterons vigilants jusqu’au bout, pour voir cela tient la route.
Je voudrais revenir sur la question de la qualité de l’accompagnement, en réponse à Mme Bricq, qui avait l’air de dire que je ne jaugeais pas la qualité.
Pour avoir pris part à de nombreux ateliers dans la mission locale que je préside, j’ai pu observer que de nombreux jeunes y trouvent un accès à la citoyenneté. Nous en sommes d’accord, la qualité de l’accompagnement est ce qui permet de tirer les jeunes vers le haut, même les plus décrocheurs, et de les faire accéder à l’emploi.
Toutefois, nous constatons aujourd'hui que le potentiel de jeunes est très supérieur au nombre de jeunes accompagnés. Dans ma mission locale, nous accompagnons quelque 500 jeunes, alors que le potentiel non pas simplement de jeunes décrocheurs, mais de volontaires est de 2 000 jeunes.
Quand bien même disposerions-nous de 1 600 euros par jeune, nous n’aurions jamais les moyens d’offrir à ces 2 000 jeunes la même qualité d’accompagnement qu’aux 500 jeunes que nous aidons aujourd'hui. Cet accompagnement demande des moyens humains et des locaux. Or les financements des missions locales baissent.
Nous venons d’avoir notre dialogue de gestion, et c’est donc seulement au mois de juin que nous connaissons les financements pour les actions de la mission locale. Or nous perdons au moins 2, 5 % de nos ressources hors FSE.
Dans un contexte de baisse des financements de l’État et de déséquilibre de notre modèle économique, nous n’avons pas les moyens d’accompagner l’ensemble des jeunes qui peuvent bénéficier de la garantie jeunes à la hauteur de ce que nous proposons aujourd'hui. Même avec une augmentation du FSE, ce qui entraînerait d’autres contraintes administratives et de gestion des fonds pesant sur le fonctionnement des missions locales, nous n’en aurions pas les moyens.
Madame la ministre, j’ai l’impression que vous faites de la politique sur le dos des collectivités locales.
Vos ambitions sont grandes, et on peut les partager, car, dans nos territoires, nous sommes confrontés à cette population en difficulté, plus spécialement d’ailleurs dans les communes et intercommunalités que dans les départements, car ce public est relativement séparé du point de vue de la prise en charge. Toutefois, encore faut-il donner aux collectivités locales les moyens d’assumer leurs responsabilités. C’est un véritable problème.
D’un côté, vous baissez la DGF et dénoncez encore les charges de fonctionnement des collectivités locales. De l’autre, vous leur demandez de répondre aux ambitions de l’État. Pardonnez-moi l’expression, qui n’est pas adaptée, mais il s’agit là d’un comportement schizophrénique ! Même si l’on partage votre volonté et vos ambitions, nous n’avons pas les moyens de les réaliser.
Par ailleurs, comme vous l’avez dit, ne faut-il pas territorialiser le financement, puisque le coût de la vie est différent en province et à Paris ? C’est un point important pour le jeune, s’il veut s’en sortir.
Certains pays le font, parmi lesquels le Royaume-Uni, qui, comme nous l’avons appris hier dans le cadre de la commission d’enquête sur le chômage, amorce la territorialisation des aides et des accompagnements.
Il semble important de réfléchir à un dispositif permettant de prendre en compte le pouvoir d’achat de la personne qui reçoit des aides pouvant être différentes d’une collectivité à l’autre. Je ne cherche pas à faire de polémique, mais vous n’obtiendrez pas de résultat si nous n’avons pas les moyens de prendre en charge les jeunes sur le terrain.
Enfin, j’évoquerai le FSE. Vous le savez, madame la ministre, il y a deux ans de décalage ; il faut donc le préfinancer.
Les départements peuvent certes être des autorités organisatrices de second rang pour le compte des communes ou des associations, mais des questions de préfinancement se posent, là aussi.
Après les éclaircissements de ma collègue Laurence Cohen, je voudrais répéter que nous ne sommes pas favorables à cet amendement présenté par notre rapporteur.
Madame la ministre, nous nous étonnons que vous donniez un avis favorable sur cet amendement, dont je rappelle que l’objet est de permettre à d’autres organismes que les missions locales de mettre en œuvre ces parcours contractualisés pour nos jeunes.
Cela nous semble d’autant plus inquiétant que vous avez diligenté une mission d’analyse du modèle économique des missions locales auprès de l’IGAS. Vous contestez les chiffres de M. Jean-Patrick Gille, qui est tout de même président de l’Union nationale des missions locales et qui se dit très inquiet de la baisse de son budget. Et alors même que la mission d’analyse que vous avez diligentée est en cours, vous donnez un avis favorable à un amendement du rapporteur, donc de la droite, qui vise à élargir à d’autres organismes que les missions locales la possibilité de mettre en œuvre cette garantie jeunes…
Cet avis favorable nous inquiète donc beaucoup, et nous ne voterons pas en faveur de cet amendement.
Pour que les choses soient très claires, je répète que le budget de l’État en direction des missions locales a augmenté. Si les financements n’ont pas été suffisants par rapport aux charges nouvelles des missions locales, c’est dû au désengagement de certains partenaires et à des situations complexes dans les territoires.
L’ambition que je porte n’est pas la mienne, ni celle de l’État ; c’est une ambition pour notre pays et pour nos jeunes. La garantie jeunes est un dispositif qui va chercher ceux qui en ont le plus besoin.
En contractualisant avec ces jeunes, ce dispositif permet de les rapprocher de l’entreprise, de les mettre en situation professionnelle ou de les renvoyer vers l’apprentissage. Voilà une réponse intelligente, qui ne consiste pas à demander aux jeunes d’entrer dans une boîte, mais qui s’efforce de s’adapter au profil de chacun de ces jeunes, en ne les lâchant pas tant qu’une solution n’a pas été trouvée.
J’ai en effet diligenté l’IGAS pour une mission d’analyse du modèle économique des missions locales, notamment en ce qui concerne les coûts réels de fonctionnement. Je crois que cela répond à votre question sur les locaux, madame Canayer : quel est le coût réel des mesures nationales au regard des budgets qui leur sont consacrés ?
Une telle transparence permettra de déterminer si les missions locales ont la capacité d’assurer leur mission de service public et de faire face aux échéances qui arrivent. Nous disposerons de toutes ces informations lors du prochain débat budgétaire.
Je le répète, cet amendement vise à préciser que ce sont les missions locales qui doivent mettre en œuvre la garantie jeunes, mais que, par dérogation, un autre organisme peut être désigné par le représentant de l’État dans le département.
Comme vous le savez, la vie associative est parfois difficile, et il arrive que des associations mettent la clef sous la porte. J’ai émis un avis favorable sur cet amendement, parce qu’il peut arriver qu’il n’y ait pas ou plus de mission locale sur un territoire, et parce que je refuse que les jeunes de ces territoires ne puissent pas entrer dans la garantie jeunes pour cette raison.
C’est donc de façon tout à fait responsable que j’ai donné cet avis.
Il y a quelques minutes, j’ai voté l’amendement n° 973 du Gouvernement, parce que l’article 23 prévoit que seul le jeune engagé dans un parcours contractualisé vers l’autonomie par l’emploi peut bénéficier d’une allocation. J’ai d’ailleurs compris que celle allocation pouvait être suspendue ou supprimée si le jeune ne se maintenait pas dans l’emploi.
Je suis toutefois conscient des difficultés des missions locales, qui demandent chaque année une augmentation des dotations des communes ou des communautés de communes, parce que celle de l’État diminue.
Je voterai donc en faveur de cet amendement.
L'amendement est adopté.
Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 320 est présenté par Mmes D. Gillot et Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet, MM. Lozach, Botrel, Magner et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 893 rectifié est présenté par MM. Collombat, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard, Requier et Vall.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. – Alinéa 11
Rétablir le 6° dans la rédaction suivante :
6° L'article L. 5131-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5131-6. -La garantie jeunes est une modalité spécifique du parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie.
« Elle est mise en œuvre par les organismes mentionnés à l'article L. 5314-1. Toutefois, par dérogation, un autre organisme peut être désigné par le représentant de l'État dans le département, lorsque cela est justifié par les besoins de la politique d'insertion sociale et professionnelle des jeunes.
« Elle comporte un accompagnement intensif du jeune, ainsi qu'une allocation dégressive en fonction de ses ressources d'activité. Cette allocation est incessible et insaisissable. Elle peut être suspendue ou supprimée en cas de non-respect par son bénéficiaire des engagements du contrat.
« La garantie jeunes est un droit ouvert aux jeunes de seize à vingt-cinq ans qui vivent hors du foyer de leurs parents ou au sein de ce foyer sans recevoir de soutien financier de leurs parents, qui ne sont pas étudiants, ne suivent pas une formation et n'occupent pas un emploi et dont le niveau de ressources ne dépasse pas un montant fixé par décret, dès lors qu'ils s'engagent à respecter les engagements conclus dans le cadre de leur parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie. » ;
II. – Alinéa 17
Remplacer la référence :
à l'article L. 5131-5
par les références :
aux articles L. 5131-5 et L. 5131-6
La parole est à Mme Dominique Gillot, pour présenter l’amendement n° 320.
Au-delà de la précision rédactionnelle sur le niveau, la mise en œuvre et les objectifs, cet amendement vise à rétablir la généralisation de la garantie jeunes, telle qu’elle issue des travaux de l’Assemblée nationale et supprimée par la commission des affaires sociales du Sénat.
Au regard de la situation générale dans notre pays, la situation des jeunes est objectivement plus difficile. Pourtant, ils ne sont pas résignés, ils ont foi en l’avenir et aspirent à en faire la preuve, qu’ils soient en situation d’emploi, de formation, de poursuite d’études supérieures ou dans aucun de ces trois derniers cas.
Les organisations de jeunesse l’ont démontré en investissant le débat sur cette loi qui, au départ, ne leur était pas destinée, et en portant dans l’espace public leurs difficultés, leurs besoins pour construire leur vie. Notre société doit être inclusive et réellement prendre en compte sa jeunesse dans l’ensemble de ses politiques publiques : l’instauration de la clause d’impact jeunesse, qui oblige à analyser l’effet de chaque loi sur cette partie essentielle de la population, est un signal fort du Gouvernement.
Toutefois, il reste du chemin à faire pour accompagner la jeunesse dans la conquête de son autonomie : le taux de chômage des 18-25 ans est bien plus qu’inquiétant.
La garantie jeunes, c’est un dispositif d’accompagnement vers l’emploi assorti d’une aide financière, filet de sécurité pour ceux qui n’ont pas encore trouvé leur premier travail, qui n’ont pas le soutien de leur famille et qui sont volontaires pour ce partenariat bienveillant et efficient.
La garantie jeunes, c’est 250 millions d’euros dans notre budget 2016, à savoir 461 euros par mois pour chaque bénéficiaire. Comme cela a été expliqué précédemment, cette somme est assortie d’obligations et d’un suivi. Est-ce trop pour permettre à ces jeunes de vivre à peu près dignement ? Est-ce de l’assistanat, comme on a pu l’entendre sur certaines travées ?
La garantie jeunes portée par le Gouvernement dans ce projet de loi s’inscrit dans la dynamique européenne, et elle est à ce titre éligible aux 10 milliards d’euros du Fonds social européen pour la période 2014-2020. Pour les comptables convaincus dans cet hémicycle – ils s’expriment assez souvent –, le rapport d’Eurofound estime le coût du chômage des jeunes à 153 milliards d’euros pour l’Union européenne, soit sept fois plus que la mise en place de la garantie jeunes dans toute l’Union européenne.
La généralisation de la garantie jeunes n’est pas une charge. C’est un investissement !
La commission des affaires sociales du Sénat a estimé que l’expérimentation en cours dans les départements était suffisante.
Mes chers collègues, je vous propose de faire preuve d’une plus grande détermination pour l’avenir de notre jeunesse en votant cet amendement qui réintroduira la garantie jeunes au niveau de la loi, ce qui est tout de même plus sûr qu’une expérimentation, même très large.
La parole est à M. Guillaume Arnell, pour présenter l'amendement n° 893 rectifié.
Cet amendement est identique à celui qui vient d’être défendu, mais je le défendrai malgré tout, car il n’est pas inutile de faire valoir ses propres arguments.
L’article 23 vise notamment à généraliser la garantie jeunes mise en place en octobre 2013 pour aider les jeunes dans la recherche d’emploi et de formation, tout en leur apportant un soutien financier. Madame la ministre, comme vous l’avez dit, c’est un contrat « donnant-donnant ».
La garantie jeunes s’adresse aux 18-25 ans pas ou peu diplômés, qui ne sont ni en cycle d’études, ni en formation et dont les ressources ne dépassent pas le plafond du revenu de solidarité active. Ce sont des jeunes « très désocialisés » et vulnérables sur le marché du travail, confrontés à un risque de marginalisation sociale.
Au 31 décembre dernier, quelque 46 000 jeunes avaient bénéficié de cette mesure. Aujourd’hui, ce sont quatre-vingt-onze départements qui sont couverts par le dispositif.
La généralisation et l’inscription de ce dispositif dans la loi sont donc de bonnes choses. C’est pourquoi le groupe RDSE propose de rétablir la généralisation de la garantie jeunes, supprimée par la commission des affaires sociales du Sénat.
Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.
Les deux amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 437 est présenté par Mme Archimbaud, M. Desessard, Mmes Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
L'amendement n° 971 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 11
Rétablir le 6° dans la rédaction suivante :
6° L’article L. 5131-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 5131 -6. – La garantie jeunes est une modalité spécifique du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie.
« Elle est mise en œuvre par les organismes mentionnés à l’article L. 5314-1. Toutefois, par dérogation, un autre organisme peut être désigné par le représentant de l’État dans le département, lorsque cela est justifié par les besoins de la politique d’insertion sociale et professionnelle des jeunes.
« Elle comporte un accompagnement intensif du jeune, ainsi qu’une allocation dégressive en fonction de ses ressources d’activité, dont le montant et les modalités de versement sont définis par décret. Cette allocation est incessible et insaisissable. Elle peut être suspendue ou supprimée en cas de non-respect par son bénéficiaire des engagements du contrat.
« La garantie jeunes est un droit ouvert aux jeunes de seize à vingt-cinq ans qui vivent hors du foyer de leurs parents ou au sein de ce foyer sans recevoir de soutien financier de leurs parents, qui ne sont pas étudiants, ne suivent pas une formation et n’occupent pas un emploi et dont le niveau de ressources ne dépasse pas un montant fixé par décret, dès lors qu’ils s’engagent à respecter les engagements conclus dans le cadre de leur parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie. » ;
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l'amendement n° 437.
Cet amendement a été rédigé par ma collègue Aline Archimbaud, chef de file de notre groupe sur ce sujet.
Le dispositif de la garantie jeunes a déjà été expérimenté. Il était très étendu dans la rédaction issue de l’Assemblée nationale, et il nous semble préjudiciable de le supprimer.
Cela été dit précédemment, mais il est utile de le rappeler, car les chiffres ont leur importance, quelque 15 %, soit environ 2 millions de jeunes de 15 à 29 ans – un sur six, c’est énorme –, ne sont ni en situation d’études ni en formation active ni en situation d’emploi.
Il est indispensable de pérenniser cette garantie jeunes qui leur rend estime d’eux-mêmes, occupation, autonomie et qui crée le lien social dont ils ont besoin pour sortir de l’isolement, devenir membres de la société à part entière, chercher un avenir.
Ce dispositif n’est absolument pas de l’assistanat, bien au contraire. La garantie jeunes est un contrat donnant-donnant pendant un an. En contrepartie d’une aide financière du montant du RSA, le jeune s’engage à suivre rigoureusement la démarche organisée par une mission locale. Ce contrat repose sur la notion de confiance et de responsabilité. Il s’agit de réapprendre à vivre dans un collectif et à devenir autonome, capable d’initiative.
L’aide financière est strictement conditionnée au respect d’engagements exigeants. Au début, un accompagnement collectif intensif de six semaines nécessite que le jeune se rende chaque jour de la semaine et toute la journée à diverses activités.
C’est un accompagnement global dans le champ de la vie sociale en général, et bien sûr de la formation et de la recherche d’une activité économique. Nous le savons, les chances sont minces de s’insérer durablement dans le marché du travail lorsque l’on est sorti du système scolaire très jeune et a fortiori sans diplôme.
Nous pensons que la garantie jeunes est une chance pour tous ces jeunes qui ne se sont pas trouvés en situation de réussite et qui n’ont pas trouvé à l’école ce qu’ils y cherchaient. Nous proposons donc de la réinscrire dans le texte, tel qu’il était rédigé avant le travail de la commission.
Dans le sens de ce qui vient d’être dit par les différents orateurs, cet amendement vise à rétablir le droit universel à la garantie jeunes. Il faut que notre droit soit lisible et que tout jeune répondant aux différents critères puisse être en capacité de demander la garantie jeunes.
Mon premier objectif est que, au 1er janvier 2017, la totalité des missions locales soit prête à accueillir ces jeunes. Mon second objectif est que, lors des débats sur le projet loi de finances pour 2017, nous puissions assurer le financement d’au moins 150 000 jeunes sur l’année 2017, sachant que, aujourd’hui, quelque 65 000 jeunes en ont bénéficié.
Concernant l’évaluation, il ne s’agit pas de déterminer s’il faut ou non généraliser le dispositif. Je pense que tout le monde ici conviendra que la garantie jeunes permet de rapprocher les jeunes de l’entreprise, en partie grâce aux employés de la mission locale, qui font le lien entre le dedans et le dehors. Elle a également permis de mettre en situation professionnelle beaucoup de jeunes. La question du lien entre l’entreprise et les missions locales est donc centrale.
Nous avons mis en place un comité scientifique pour procéder à une évaluation non pas quantitative, mais qualitative : il assure pendant deux ans le suivi d’une cohorte de jeunes qui ne bénéficient pas de la garantie jeunes, en comparaison avec ceux qui en bénéficient depuis la mise en place de l’expérimentation en 2013. Cette instance va évaluer plusieurs éléments – je peux vous en communiquer la liste exhaustive, si vous le souhaitez –, notamment les pratiques des professionnels par rapport à l’extérieur et aux entreprises, la question de la confiance et le retour à l’emploi de ces jeunes.
Une première étape de ce bilan sera faite en septembre prochain. Toutefois, les salariés des missions locales m’ont d’ores et déjà fait part, à de nombreuses reprises, d’une certaine lourdeur administrative.
Ainsi, le dossier à constituer pour bénéficier de la garantie jeunes demande parfois un accompagnement des jeunes ; c’est la question de l’autonomie évoquée précédemment. C’est pourquoi nous simplifions actuellement les démarches : nous permettons aux jeunes de signer une attestation sur l’honneur, puis nous les aidons à rassembler tous les papiers nécessaires à la constitution du dossier.
Certes, le dispositif est innovant, nous le modifions, nous l’avons expérimenté, mais nous répondons au fil de l’eau à toutes les critiques liées à la lourdeur administrative et aux contraintes.
La garantie jeunes qui sera mise en place au 1er janvier 2017 ne sera pas la même que celle qui a été expérimentée en 2013. Le comité de pilotage permanent évalue le dispositif et apporte les améliorations nécessaires, afin de rapprocher beaucoup plus les jeunes du monde de l’entreprise. C’est nécessaire, car cela leur permet aussi, avec les mises en situation professionnelle, de retrouver confiance en eux.
Mon avis sera le même pour les quatre amendements en discussion commune, car, en réalité, les deux premiers sont très similaires aux deux autres.
J’aimerais que l’on ne se trompe pas de débat. Or tous les arguments que je viens d’entendre, y compris les vôtres, madame la ministre, me confortent dans ma position. Il nous faut peut-être encore lever un malentendu : nous ne sommes pas défavorables à la garantie jeunes. « La droite », comme dit Mme David d’un air quelque peu méprisant – mais j’ai l’habitude ! –, …
… la droite, donc, n’est pas du tout antisociale et ne s’intéresse pas aux jeunes que de loin. Bien au contraire, dans nos territoires, de nombreux élus sont impliqués dans les missions locales et dans les différents dispositifs.
Toutefois, alors que vous attendez, comme vous l’avez expliqué dans votre argumentation, les résultats d’évaluation de l’IGAS, vous nous demandez de graver ce dispositif dans le marbre de la loi. Pardonnez-moi, mais ce n’est pas ma manière de travailler ; ce n’est pas justement celle de la droite ! C’est peut-être ainsi que procède la gauche, mais, pour notre part, nous préférons avoir les résultats avant de nous engager.
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
En fait, nous ne voulons pas, en quelque sorte, vous donner un chèque en blanc, madame la ministre. La gauche, y compris le groupe CRC, y est peut-être prête.
Vous nous avez déjà vus signer des chèques en blanc ? Ce n’est pas notre habitude !
M. Michel Forissier, rapporteur. Néanmoins, pour ce qui nous concerne, vous vous en doutez bien, chers collègues, il n’en est pas question ! Nous voulons avoir les résultats des expérimentations et nous souhaitons connaître les coûts induits pour les collectivités locales.
Marques d’approbation sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Aujourd'hui, vous l’avez très bien dit, vous faites un effort considérable : dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, vous allez doubler les crédits, en les faisant passer d’un peu moins de 300 millions d’euros à 600 millions d’euros. Nous avons pris en compte cet élément dans l’excellent rapport de quelque 700 pages que j’ai commis avec mes deux collègues rapporteurs. Je vous invite d’ailleurs à lire le volet important que nous avons consacré à cette question, car tout y est expliqué.
Là est le vrai débat. Aujourd'hui, il n’y a pas d’urgence, même pas d’urgence électorale – ce dispositif n’a pas un impact que je qualifierai de « grand public ». La raison veut que l’on dispose des résultats de l’évaluation avant de graver ce dispositif dans le marbre de la loi. Après, ce sera beaucoup plus compliqué. Et, s’ils sont bons, pourquoi ne pas aller plus loin ?
Madame la ministre, je pense que vous n’avez pas bien compris la question que je vous ai posée précédemment sur le financement des missions locales. Concernant les crédits européens, notre visibilité s’arrête à la fin de l’année 2016.
Il serait donc souhaitable d’avoir plus de visibilité en la matière.
Les collectivités, je puis le dire pour en gérer une, se sont toujours substituées au désengagement de l’État, quel qu’il soit. Néanmoins, à un moment donné, elles n’y arrivent plus. Aujourd'hui, nous avons besoin d’avoir les bilans ; nous voulons connaître la réalité, avant de nous engager d’une manière définitive dans la loi.
C’est pour cette raison que j’émets un avis résolument défavorable sur ces quatre amendements.
Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements identiques n° 320 et 893 rectifié ?
Je soutiens les amendements de mes collègues socialistes et du Gouvernement, qui visent à rétablir la garantie jeunes. On est là au cœur d’un débat qui n’a pas suffisamment eu lieu depuis le début de l’examen de ce projet de loi.
Certes, il y a l’organisation du marché de l’emploi. Mais, aujourd'hui, le problème majeur, c’est que les jeunes n’ont plus accès au travail, et ils y ont encore moins accès lorsqu’ils ont décroché : ils s’éloignent du marché du travail, parce qu’ils sont sans formation ou sont confrontés, eux ou leur famille, à d’extrêmes difficultés. Il ne s’agit donc pas là d’un point mineur. La garantie jeunes universelle témoigne aussi de la nature de cette loi ; elle montre l’intention.
Bien sûr, il s’agit ici et là de faire évoluer des dispositifs, mais il est aussi question de faire un pas vers une nouvelle conquête sociale. D’ailleurs, je regrette que cela n’ait pas été suffisamment souligné, notamment sur les travées de gauche. Pourtant, celle-ci applaudit en général les conquêtes sociales ! Surtout, il ne faut pas relativiser. Il ne faut pas faire comme s’il s’agissait d’un élément parmi d’autres, car cette garantie est fondamentale pour les jeunes, et ce pour deux raisons.
Premièrement, il y a un véritable accompagnement individualisé des jeunes. C’est pour eux, on le sait, la seule façon d’obtenir un emploi. Il ne s’agit pas de laisser des jeunes dans l’assistanat, comme certains le disent, pendant quelques années. C’est le cas parfois avec les contrats divers et variés expérimentés depuis quarante ans. Non, il est ici question de les sécuriser réellement dans l’emploi : quand un emploi est proposé, des jeunes peuvent y répondre.
Aujourd'hui, il n’y a pas assez de propositions d’emplois. Toutefois, dans certains secteurs, des emplois ne sont pas pourvus, car les jeunes n’ont pas la formation adéquate.
Deuxièmement, la garantie jeunes est assortie d’une rémunération. On a sous-estimé le fait que des jeunes complètement largués ou abandonnés puissent suivre un parcours vers l’emploi. C’est relativement difficile et exigeant, parce qu’il faut se structurer : il faut se rendre aux rendez-vous, avoir des horaires, et tout cela sans cette autonomie financière qui donne le respect de soi-même et donne envie d’aller de l’avant.
Cette question s’ordonne autour de deux axes.
Le premier concerne la généralisation de la garantie jeunes. Nous en sommes tous d’accord, ce dispositif est plutôt bon et fonctionne bien, même si l’on voit que des marges d’amélioration sont encore possibles, notamment en ce qui concerne les contraintes administratives imposées à la fois par les financements européens et parfois l’« administrativisation » du dispositif.
La généralisation sera possible, même si l’on en reste au stade de l’expérimentation. On peut continuer à étendre ce dispositif à certains territoires. Cependant, avant de le graver dans le marbre de la loi, il importe, comme l’a souligné à juste titre notre rapporteur, de disposer des évaluations et d’avoir les conclusions des études scientifiques, en vue de corriger les imperfections qui sont apparues après les premières pratiques.
Le second axe a trait à l’universalisation. Pour ma part, je pense que celle-ci risque aujourd'hui d’altérer ou d’édulcorer très largement la qualité de l’accompagnement mis en œuvre auprès des jeunes, d’autant que les missions locales ont déjà été fortement déstabilisées. En effet, la mise en œuvre d’un tel dispositif exige une nouvelle forme d’organisation et de fonctionnement et implique une nouvelle dynamique. C’est une source de déstabilisation, car cela suppose une réorganisation, pour donner une impulsion et du dynamisme dans les missions locales.
L’universalisation risque de déstabiliser encore plus le modèle des missions locales, qui ne sont pas stabilisées d’un point de vue financier, comme cela a été relevé. Celles qui ont déjà commencé à mettre en œuvre ce dispositif sont simplement en train de le « digérer », si je puis dire, et n’ont pas la capacité de l’étendre sur leur territoire aux autres jeunes qui seront en droit d’y recourir et d’en bénéficier, si l’on s’en tient à votre proposition.
Ces deux raisons me conduisent aujourd'hui à préférer le maintien de l’expérimentation, en attendant les évaluations et une stabilisation du dispositif, avant une éventuelle extension.
Tout le monde reconnaît, me semble-t-il, qu’il est urgent de répondre au besoin de trouver un travail pour les jeunes.
Le travail, c’est l’engagement citoyen, c’est l’épanouissement citoyen. Le travail, c’est redonner l’espoir, dégager l’horizon. Monsieur le rapporteur, vous nous dites qu’il n’y a pas urgence, que l’on peut encore attendre. Mais, au risque de vous contrarier ou de vous contredire, trouver un emploi, c’est avoir une autonomie financière et, donc, la liberté !
Les jeunes ont soif de liberté. Ils ne veulent pas de l’assistanat ; ils veulent être libres pour pouvoir s’engager dans la vie et fonder une famille. Bref, ils veulent pouvoir être des citoyens ordinaires, avec les mêmes droits que ceux, plus âgés, qui ont un travail.
Cette question n’est pas nouvelle. Voilà six ou sept ans, j’avais demandé à M. Fillon, à l'Assemblée nationale, si nous allions faire quelque chose, ensemble, pour faire en sorte que les jeunes n’aient pas pour seul horizon le chômage ou, au mieux, le statut de travailleur pauvre. Ce n’est pas un horizon ! Ce n’est pas ce qui redonne espoir.
La garantie jeunes donnera de l’espoir non seulement aux jeunes, mais aussi à leurs familles, à leur père, à leur mère, et même, fait plus important encore, à leurs grands-parents : c’est un échec fondamental pour eux que de voir un jeune sans emploi, malgré sa formation.
Madame la ministre, je voterai votre amendement des deux mains. Faites un effort, monsieur le rapporteur ! Vous ne pouvez pas dire que l’on peut attendre. Depuis hier, chaque fois que nous proposons un progrès social, vous nous dites qu’il n’y a pas urgence et qu’il faut attendre. Eh bien, les jeunes vous répondent : monsieur le rapporteur, il y a urgence !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le rapporteur, je ne veux pas que vous nous fassiez, à nous qui sommes favorables à la généralisation de la garantie jeunes, un procès en incompétence.
M. le rapporteur s’exclame.
Vous avez parlé d’expérimentation, mais celle-ci a été lancée en 2013, au second semestre. Lorsque nous voterons les dépenses du projet de budget en décembre prochain, ce dispositif aura donc trois ans d’existence, ce qui correspond à une durée importante. Actuellement, quelque 65 000 jeunes en bénéficient déjà. Dans ces conditions, au regard tant de la durée de cette expérimentation que du nombre de bénéficiaires, nous pourrons interroger Mme la ministre. D’ailleurs, je la remercie de s’être battue pour obtenir un bon arbitrage de Bercy.
Le potentiel estimé s’élève à 150 000 jeunes, mais tous ne vont pas demander la garantie jeunes. Madame Canayer, il ne s’agit pas d’un revenu d’assistance. C’est une démarche volontaire. Nous voulons acter dans la loi – aujourd'hui au Sénat, si possible ou, en tout cas, au mois de juillet – la généralisation de la garantie jeunes.
Madame Canayer, vous êtes élue d’une très belle ville, Le Havre, …
… qui retrouve son dynamisme, car elle a su revitaliser son port. Toutefois, vous le savez, votre ville compte encore beaucoup de pauvres. C’est eux que nous devons aider au travers de la garantie jeunes, et vous en êtes d’accord.
Si vous nous faites ce procès d’intention, alors je serais tentée de vous en intenter un autre : vous voulez passer le cap de 2017, pour ne pas généraliser cette mesure.
Mme Nicole Bricq. Si vous pouvez le faire en 2017, après les élections, alors vous pouvez tout aussi bien le faire maintenant !
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.
Je tiens à apporter une précision.
Le retour à l’emploi des moins de vingt-six ans passe d’abord par un plus grand nombre de créations d’emplois.
Concernant la généralisation du dispositif, soyez attentif, monsieur le rapporteur, et ne faites pas dire au groupe CRC ce qu’il ne dit pas : nous ne signons aucun chèque en blanc à quiconque.
La généralisation de ce dispositif pose effectivement un véritable problème, car l’expérimentation en cours n’a pas encore été évaluée. Dans notre pays, on a tendance à ne pas évaluer les dispositifs que l’on met en place, ce qui est vraiment très ennuyeux.
Par ailleurs, on risque un empilement de dispositifs et, partant, une illisibilité de l’offre, mais, surtout, comme je l’ai déjà souligné, une surcharge de travail pour les missions locales.
Comme les chiffres de notre collègue député ne semblent pas justes, j’en citerai d’autres. Dans un rapport récent, la Cour des comptes a chiffré le coût total de la garantie jeunes à 360 millions d’euros au minimum pour 100 000 jeunes. Cela montre bien l’effort qui doit être fourni et soutenu au long cours par l’État. Or je ne suis pas persuadée de la pérennisation des financements.
En outre, toutes les organisations de jeunesse, sauf la FAGE, la Fédération des associations générales étudiantes, sont contre la généralisation de cette garantie, car celle-ci ne correspond pas à la demande de la génération la plus diplômée.
Aujourd'hui, les jeunes ont pour exigences d’avoir une formation de qualité, de voir leurs diplômes reconnus et d’avoir un emploi. Dans ce contexte, généraliser ce dispositif ne répond pas aux enjeux des jeunes et de notre pays.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.
Je ne reviendrai pas sur la pertinence et l’intérêt du dispositif, car je crois les avoir démontrés précédemment.
Parmi la dizaine de dispositifs proposés par les missions locales, la garantie jeunes est certainement celui qui me semble correspondre le mieux aux besoins des jeunes les plus éloignés de l’emploi, dont tout le monde a parlé ici.
Sans revenir sur l’intérêt que nous manifestons pour la généralisation du dispositif, je rappelle que l’expérimentation, initialement prévue jusqu’au 31 décembre 2015, a été prolongée par le Gouvernement lui-même jusqu’au 31 décembre 2017.
Tout ce que nous demandons, c’est que le Gouvernement applique tout simplement ses propres règles et ne précipite pas le mouvement. On sait pourquoi il a agi ainsi. Pour tenir une promesse devant la montée de la fronde des jeunes lors des dernières manifestations ! On a cru que la bonne réponse était la garantie jeunes, et, apparemment, cela fonctionne.
Néanmoins, pour ma part, je reste sur ma position, qui m’apparaît légitime et scientifique : il faut pouvoir mesurer l’efficacité de la garantie, en termes tant d’utilisation de l’argent public que de retour ou, tout au moins, de solution vers l’emploi, au sortir du dispositif. Là est l’essentiel, et vous l’avez d’ailleurs, me semble-t-il, relevé tout à l'heure, madame la ministre.
C’est à l’aune de ces critères que l’on pourra mesurer la véritable efficacité de ce dispositif. Croyez-moi, on a trop souvent négligé cet aspect des choses, et je m’en suis souvent inquiété auprès de la mission locale.
Notre groupe a déposé un amendement identique à celui du Gouvernement. La généralisation de la garantie jeunes, vers un RSA pour tous les jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, sans conditions, va dans la bonne voie. C’est un pas vers le revenu universel, je le dis en présence du rapporteur de la mission commune d’information sur ce sujet, une autre mesure que nous proposons. Il s’agit donc non pas d’une expérimentation, mais d’une extension d’un revenu, en faveur de tous les jeunes.
Certains parlent d’assistanat. Toutefois, chers collègues, je voudrais que vous m’expliquiez ce que vous entendez par là. Si je comprends bien, les uns travailleraient beaucoup, tandis que les autres ne feraient rien, n’auraient pas envie de travailler et attendraient d’être aidés, en vivant aux crochets de la société…
On ne rencontre pas les mêmes jeunes dans nos circonscriptions ! Moi, je rencontre des jeunes qui ont envie de travailler. Vous dites vouloir faire quelque chose pour ces jeunes. Dès que l’un d’entre eux vient vous voir, vous lui trouvez donc un travail ?… Cela signifie-il que vous êtes aujourd'hui capables de donner un travail à tous les jeunes qui se présentent dans vos permanences ? Là, franchement, je suis prêt à les rencontrer pour voir comment vous faites.
Les jeunes que je rencontre, moi, ont des difficultés à trouver un emploi. Aujourd'hui, la société n’est pas capable de leur offrir un emploi. Il ne s’agit donc pas d’assistanat ; il est simplement question ici de solidarité de la société à l’égard des jeunes qui n’ont pas les moyens de trouver un emploi et qui ne peuvent pas s’insérer.
Préférez-vous que les jeunes soient à la charge de leurs parents, même si ceux-ci sont pauvres et vivent déjà dans une situation difficile ? Préférez-vous qu’ils deviennent des marginaux vivant dans la rue ?
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
Que signifie la notion d’« assistanat » quand on n’est pas capable de fournir du travail aux jeunes ? Ne parlez plus d’assistanat, mais parlez plutôt d’une solidarité nécessaire de la société à l’égard des jeunes, car elle n’est pas capable de leur fournir un emploi !
À propos d’une demande budgétaire, le Premier ministre François Fillon avait répondu, dans un mouvement d’exaspération : « Monsieur, je suis à la tête d’un État en faillite ».
Je veux simplement indiquer que cette vérité est toujours d’actualité, avec un budget largement déficitaire. La dépense que vous nous proposez aujourd'hui en faveur des jeunes, madame la ministre, devra précisément être payée par eux. C’est en effet l’endettement de l’État qui pèse sur leurs épaules. Avant même qu’ils n’aient commencé à travailler, cher Jean Desessard, ils auront la certitude de devoir s’acquitter de cette facture, qu’ils auront sinon à rembourser, du moins à honorer au titre des frais financiers.
Dans ce contexte, il faut se demander quelle est la meilleure façon de dépenser l’argent public pour favoriser l’emploi.
Rapporteur spécial pour l’enseignement scolaire, je puis vous dire, après un rapide calcul, que le RSA généralisé sur la base de 6 000 euros par an…
… représente en gros la moitié de la dépense que l’éducation nationale consent chaque année pour chaque élève du primaire. Or nous savons que l’école primaire est insuffisamment dotée en France, ce qui explique le décrochage prématuré des jeunes enfants, qui ne parviennent pas à maîtriser la lecture, l’écriture et le calcul, et prépare leur échec.
Madame la ministre, les moyens de l’État ne sont pas illimités. Nous sommes dans une phase expérimentale, et je ne suis même pas certain de la pertinence de l’extension de cette expérimentation.
Toutefois, puisque votre gouvernement a proposé de la prolonger, comme l’a rappelé à juste raison Jean-Marie Vanlerenberghe, faisons-le et, surtout, comparons le coût et le rendement de tous les investissements que l’on peut faire pour les jeunes, depuis l’école primaire jusqu’aux revenus de complément, pour voir ce qui rapporte.
Concernant la garantie jeunes, on parle de 6 000 euros par an, mais c’est le double de ce que dépense l’État en moyenne pour un apprenti. Dans ces conditions, ne vaut-il pas mieux soutenir l’apprentissage ? C’est la moitié de ce que l’éducation nationale dépense en moyenne pour les élèves du primaire et c’est le tiers de ce qui est dépensé pour le secondaire.
Madame la ministre, je propose que nous adoptions l’amendement de la commission, afin de savoir quelle mesure est la plus susceptible de donner des chances de succès aux jeunes.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudit également.
Si la version soutenue par M. Desessard était adoptée, cela signifierait que l’on donnerait la garantie jeunes à tout le monde. Pourtant, j’avais compris que cette mesure devait être uniquement fondée sur l’insertion, en lien avec la mission locale, pour conduire le jeune vers l’emploi.
M. Daniel Chasseing. C’est un point absolument capital. Si l’on donne un revenu aux jeunes, ce sera catastrophique.
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. Daniel Chasseing. À entendre certains, nous ne connaîtrions pas les jeunes, nous ne les rencontrerions pas dans nos circonscriptions ! Mais bien sûr que si !
Exclamations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Pour ma part, j’étais favorable à cette expérimentation et je suis favorable à la philosophie qui sous-tend la garantie jeunes pour amener les jeunes en grande difficulté vers l’emploi, mais je suis défavorable à l’universalisation de cette mesure, comme le propose M. Desessard.
Pour ce qui me concerne, je ne suis pas hostile par principe à l’extension de la garantie jeunes ; c’est même plutôt une bonne idée. Toutefois, j’ai besoin de comprendre un nombre de choses avant de voter ; je veux voir si l’expérimentation est satisfaisante.
Tout d’abord, je constate – le projet de loi de règlement arrivera en discussion dans quelques jours – que 132 millions d’euros avaient été inscrits dans la loi de finances initiale de 2015, alors que l’on n’aura dépensé que 94 millions d’euros.
Par conséquent, soit on fait de la cavalerie, soit il y a eu moins de demandes que prévu. Dans ce dernier cas, avec un écart de cette importance, il convient de s’interroger.
Et comment allons-nous financer la garantie jeunes ? Aujourd'hui, le dispositif – cela fait d’ailleurs partie des expérimentations – fonctionne, y compris, comme vous le savez, avec les missions locales, avec des systèmes d’avance ; c’est l’État qui supporte les avances et le risque financier. Néanmoins, à partir du 1er janvier 2017, l’initiative européenne en faveur de l’emploi des jeunes cessera. Or une partie des financements est apportée dans le cadre de l’initiative pour l’emploi des jeunes, l’IEJ.
On s’apprête donc à étendre ce dispositif alors même qu’une partie des ressources européennes mobilisées pour l’expérimentation va disparaître. Aussi, j’aimerais savoir de quelle manière on envisage de financer l’extension de ce dispositif.
M. Yves Daudigny. Permettez-moi de verser deux éléments à notre débat, qui est un beau débat, d’ailleurs.
Mme Nicole Bricq acquiesce.
Je rappelle que, pour bénéficier du dispositif, un jeune doit remplir quatre conditions : vivre hors du foyer de ses parents ou au sein de celui-ci sans recevoir de soutien financier de leur part ; ne pas être étudiant, occuper un emploi ou suivre une formation ; avoir un niveau de ressources inférieur à un niveau fixé par décret ; s’engager à respecter les engagements réciproques inclus. Ce n’est donc pas le revenu universel qui est en discussion dans l’hémicycle en cet instant.
Par ailleurs, vous avez raison, monsieur le rapporteur, de nous inviter à consulter votre volumineux rapport. On peut y lire notamment la position de la Cour des comptes, dont personne ne peut soupçonner ici la complaisance à l’égard de dispositifs sociaux : « La Cour des comptes indique que ce dispositif pourrait ″devenir un dispositif de droit commun pertinent, en mesure de répondre aux besoins des jeunes en difficulté d’insertion″. »
MM. Éric Jeansannetas et Christian Manable applaudissent.
Il me semble que nos débats et le sujet sur lequel ils portent sont suffisamment importants pour que l’on ne donne pas dans la caricature. L’un des orateurs précédents s’est demandé si nous rencontrions les jeunes. Bien sûr que nous les rencontrons, comme nous tous !
La question qui nous occupe est, d’une certaine manière, une question de solidarité intergénérationnelle. En effet, alors que jamais les jeunes n’ont été autant en difficulté qu’aujourd’hui, nous savons pertinemment que nous ne trouverons pas du jour au lendemain un emploi pour chacun d’eux, vu qu’on est beaucoup plus exigeant aujourd’hui qu’hier sur les niveaux de diplôme qu’ils doivent atteindre. Il y a là, mes chers collègues, une injustice terrible, qu’aucun d’entre nous n’a connue !
Si donc la question est bien entendu financière, comme toujours, il s’agit avant tout d’une question de droit humanitaire vis-à-vis d’une génération qui risque, demain, d’être en désespérance, parce qu’un quart des jeunes de moins de 25 ans sont au chômage.
Même si la question que Jean Desessard a posée il y a quelques instants, et que d’autres aussi ont soulevée, n’est pas l’objet du débat de cet après-midi, elle me conduit à ouvrir une parenthèse. À dix-huit ans, on obtient le droit politique, pas le droit social : on a le droit de voter, mais pas celui d’être aidé. Il y a là un problème de fond, sur lequel nous devrons nous pencher le moment venu. De ce constat découle le débat sur le revenu de base minimal, qui est, certes, un autre débat.
À cet instant, il s’agit, je le répète, de solidarité intergénérationnelle. N’oublions pas que les jeunes en état de désespérance sont parfois sensibles aux discours de ceux qui disent tout et n’importe quoi et qui peuvent les pousser à des comportements extrêmes ; aussi bien, il ne faut pas considérer seulement les aspects sociaux de la question, mais aussi ses aspects sociétaux.
J’ajoute que le dispositif prévoit un acte volontaire, ce qui est important.
Adopter maintenant l’amendement que la commission a repoussé est une nécessité. Certains disent : il est urgent d’attendre. Non, mes chers collègues : dans la situation actuelle, il est urgent d’agir pour notre jeunesse !
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain. – M. Patrick Abate applaudit également.
Ce sujet est, en effet, extrêmement important.
Moi non plus je ne suis pas hostile à un accompagnement des jeunes dépourvus de ressources. Simplement, on s’est mis d’accord pour qu’une expérimentation soit menée, et elle l’est depuis 2013. Dès lors, il me paraît important que, avant d’envisager la généralisation du dispositif, la représentation nationale dispose de données complètes sur les résultats de cette expérimentation. Il serait insensé de prendre une décision sans être en mesure d’analyser la situation !
De toute évidence, on cherche des solutions à court terme, alors que, comme Gérard Longuet l’a fort justement fait observer, d’autres solutions sont possibles. Ainsi, dans mon département, le Finistère, quatre cents places sont disponibles au sein du CFA du bâtiment, un secteur qui se redresse et où l’on risque d’être à court de main-d’œuvre, et trois cents autres au sein du CFA polyvalent, notamment dans le domaine de l’alimentaire. Or ces filières offrent aux jeunes la possibilité d’accéder à des situations professionnelles durables.
M. Gérard Longuet opine.
Hier soir, à la chambre de métiers et de l’artisanat, où je participais à la remise des prix de maître d’apprentissage, l’intérêt de la formation en alternance et de l’apprentissage pour l’insertion professionnelle des jeunes a été bien souligné. §Par ailleurs, samedi dernier, j’ai lu dans mon quotidien préféré que, alors que cinquante emplois sont à pourvoir dans le secteur du Cap Sizun, l’animatrice économique n’a reçu aucun CV !
Devant cette réalité, mes chers collègues, nous devons nous interroger sur l’adéquation entre les offres des employeurs et les candidatures qui peuvent leur être proposées. Faute d’une telle réflexion, des employeurs sont hors d’état de faire tourner leur entreprise, tandis que, hélas, des jeunes et des moins jeunes se trouvent gravement démunis, faute d’emploi.
(M. Christian Manable s’exclame.) en rendant le cadre du code du travail beaucoup moins strict et réduire fortement les charges sociales pour être compétitifs au plan international. Il faudra y arriver !
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et sur certaines travées du groupe Les Républicains. – M. Jean Desessard s’exclame.
Plus largement, pour résoudre réellement la question de l’emploi dans notre pays, il nous faudra aller beaucoup plus loin : redonner confiance aux employeurs §
Je tiens à rappeler le motif de notre divergence. Tout ce que j’ai entendu converge plutôt, tant il est vrai que nous sommes tous favorables au dispositif.
M. Michel Forissier, rapporteur. Ma chère collègue, veuillez me laisser poursuivre ; si vous me répondez avant que j’aie terminé, vous me faites un procès d’intention.
Applaudissementssur de nombreuses travées du groupe Les Républicains. – Mme Françoise Gatel et M. Michel Canevet applaudissent également.
On s’est beaucoup référé à la conclusion de la Cour des comptes que j’ai reproduite dans mon rapport, selon laquelle le dispositif dont nous parlons pourrait – au conditionnel – être étendu et même généralisé. §Si j’ai cité cette position, c’est que j’y souscris ; au demeurant, nous y souscrivons tous.
Par ailleurs, il n’est pas question de généraliser le RSA. Il est question d’un dispositif spécifique voulu par le Gouvernement, un dispositif dont je répète qu’il est bon. Qu’on ne prétende donc pas que certains seraient contre : nous sommes tous pour !
Ce qui est en question, c’est l’opportunité de s’en tenir au domaine réglementaire ou de graver le dispositif dans la loi. Tel est le point exact où nous divergeons.
Mme la ministre opine.
Je rappelle qu’un premier décret, paru en octobre 2013, couvrait dix départements. Deux ans plus tard, le dispositif a été prolongé et élargi à soixante-deux départements. Du temps a donc été nécessaire, ce dont je ne fais nullement grief au Gouvernement. Dix-neuf nouveaux départements ont rejoint le dispositif au début de cette année. Il en résulte, madame la ministre, que le dispositif dans sa forme actuelle n’est déployé que depuis six mois.
Le décret en vigueur devant s’appliquer jusqu’à la fin de 2017, je maintiens qu’il n’y a pas urgence à graver le dispositif dans la loi. Ce qui ne signifie pas qu’il n’y a pas urgence à parfaire celui-ci. Or un dispositif de nature réglementaire peut être transformé ou adapté par le Gouvernement d’un trait de plume, alors que, s’il est gravé dans la loi, toute modification devra être examinée par les deux assemblées.
M. Michel Forissier, rapporteur. Mon cher collègue, je n’ai pas dit un mot pendant le débat qui vient d’avoir lieu ; ayez donc à votre tour la courtoisie de ne pas m’interrompre.
MM. Jackie Pierre et Jacques Genest applaudissent.
Notre divergence de vues tient donc simplement au caractère réglementaire ou législatif qui doit s’attacher au dispositif.
Chers collègues de l’opposition sénatoriale, j’ai succédé, dans le cadre d’une alternance démocratique, à un homme politique que vous avez bien connu : Jean Poperen. Celui-ci me disait : monsieur Forissier, pour être bien compris, il faut souvent se répéter. Sans doute parlait-il des gens de gauche…
Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.
Je me répéterai donc : il n’est pas question pour la droite – car j’ai bien le droit de me revendiquer de droite, comme vous de gauche ! – d’adopter une attitude asociale. Nous voulons simplement établir un dispositif gérable au mieux des deniers publics, acceptable et qui fonctionne aussi bien que possible. De ce point de vue, je pense que le décret est la bonne solution ; la loi viendra plus tard, il n’y a pas d’urgence. Je maintiens donc les avis que j’ai émis sur les amendements.
Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC.
M. Alain Néri. Quelqu’un se noie et vous attendez pour lui lancer la bouée !
Protestations sur les mêmes travées.
Monsieur Néri, vous n’avez pas la parole !
La parole est à Mme la ministre, et à elle seule.
Si nous voulons inscrire la garantie jeunes dans la loi, c’est parce que nous voulons affirmer qu’elle est un droit pour tous les jeunes qui sont en situation de précarité, qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, et pour qu’elle soit mise en œuvre sur l’ensemble du territoire.
Les interventions que j’ai entendues ont porté sur les modalités pratiques de la garantie jeunes, mais le projet de loi défendu par le Gouvernement ne traite pas de ces modalités.
En ce qui concerne le bilan de l’expérimentation, je tiens à souligner qu’un reporting est mené. D’ailleurs, un orateur de la majorité sénatoriale a lui-même reconnu que les missions locales pour l’emploi sont chargées d’un travail particulièrement lourd de communication de données.
De fait, depuis trois ans que le dispositif existe, nous disposons de nombreuses données à son sujet.
Un problème récurrent se pose dans notre pays en matière d’évaluation : nous procédons rarement à des suivis de cohortes, …
… par exemple dans le domaine de la délinquance, mais aussi dans de nombreux autres. C’est pourquoi le comité scientifique d’évaluation a été chargé de mener une enquête statistique sur le profil et le devenir des jeunes éligibles à la garantie jeunes ; il s’agit d’analyser ce qu’ils sont devenus après six mois, après douze mois, en comparant leurs parcours avec ceux de jeunes dans une situation identique, mais n’ayant pas bénéficié du dispositif. Comme je l’ai expliqué précédemment, nous disposerons des résultats de ce travail important en septembre ; nous pourrons alors modifier les modalités pratiques du dispositif.
Il y a bien une distinction entre le droit à la garantie jeunes et ses modalités de mise en œuvre !
Monsieur Bouvard, vous m’avez demandé pourquoi le budget réalisé en 2015 a été inférieur à celui prévu dans le projet de loi de finances. C’est une excellente question.
La raison de cet écart est tout simplement que certaines personnes entrent dans le dispositif en cours d’année.
Il faut deux conseillers de mission locale pour quinze jeunes. Après les six semaines d’accompagnement collectif, les jeunes partent en entreprise ou en formation. Un nouveau groupe entre alors dans la garantie jeunes. Tous les jeunes concernés n’entrent donc pas dans le dispositif au 1er janvier de l’année. De là la différence qui a été signalée.
Pour 2016, ce sont bel et bien 300 millions d’euros qui ont été prévus par l’État pour la mise en œuvre de la garantie jeunes.
Mesdames, messieurs les sénateurs du groupe CRC, vous affirmez que seule la FAGE soutient la garantie jeunes. Je regrette, mais cela est faux. Pour avoir mené des concertations avec les organisations de jeunesse, je puis vous assurer que le Mouvement rural de jeunesse chrétienne, le MRJC, qui représente les jeunes en milieu rural, soutient le dispositif, de même que la Jeunesse ouvrière chrétienne, la JOC.
Vous faites valoir aussi que le dispositif ne concerne pas les jeunes diplômés. Précisément ! Notre réussite est d’avoir bien ciblé le public qui avait le plus besoin d’aide, c’est-à-dire les jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation, ceux qui sont sortis du système scolaire !
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.
Non, la garantie jeunes n’est pas destinée aux jeunes diplômés ; d’autres aides sont conçues pour eux.
Je le répète : nous avons ciblé les jeunes sortis du système scolaire. Si nous avons coutume de dire qu’ils en sortent à l’âge de seize ans, nous savons bien que, en pratique, certains en sortent dès quatorze ans ; je connais bien ce problème pour avoir été secrétaire d’État à la politique de la ville. Or nous avons réussi à réduire le nombre des jeunes qui sortent du système scolaire sans aucune formation, puisque de 150 000 il est passé à 110 000, ce qui certes est encore beaucoup trop.
Par ailleurs, je ne vois absolument pas d’opposition entre l’apprentissage et la garantie jeunes. Je puis, pour vous convaincre, avancer des données très concrètes : au bout de deux mois, 60 % des bénéficiaires de la garantie jeunes ont eu une mise en situation professionnelle ; au bout de quatre mois, ils sont 80 % dans ce cas. En vérité, ce dispositif est un pas vers l’apprentissage : un jeune qui souhaite devenir mécanicien est envoyé une semaine dans un garage en vue d’entrer ensuite au CFA. La garantie jeunes est un formidable levier pour orienter vers l’apprentissage, notamment dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, où 5 % à peine des jeunes sont en apprentissage ! Il s’agit d’une forme de sas, dans lequel la relation à l’entreprise, la préparation à l’entreprise et à la formation sont placées au cœur de l’accompagnement.
On m’a très justement interrogée sur l’initiative européenne pour la jeunesse, dans le cadre de laquelle nous avons reçu 60 millions d’euros pour nous aider à mettre en œuvre la garantie jeunes. J’ai rencontré la commissaire Thyssen et nous sommes plusieurs ministres de l’emploi de l’Union européenne à demander la reconduction de ce programme. Je pense que nous serons fixés à ce sujet au moment du projet de loi de finances pour 2017, lorsque nous connaîtrons aussi les conclusions du comité scientifique d’évaluation, non seulement sur le suivi de cohortes, mais aussi sur les enjeux institutionnels et organisationnels de la garantie jeunes, c’est-à-dire sur les contacts avec le monde de l’entreprise et les CFA.
À cet égard, les réactions du monde de l’entreprise sur la garantie jeunes sont excellentes. Je vous assure que l’on travaille beaucoup mieux dans le cadre de ce dispositif.
La question des offres d’emploi non pourvues, soulevée par M. Canevet, est au cœur du sujet. D’ailleurs, dans le cadre du plan « 500 000 formations », nous sommes partis des besoins des employeurs bassin d’emploi par bassin d’emploi. Ce travail fin accompli avec les présidents de région sur les offres d’emploi non pourvues à l’échelle des régions nous permet ensuite de construire avec Pôle emploi et les missions locales pour l’emploi des parcours d’orientation adaptés.
Il y a des jeunes qui n’ont strictement aucune idée de ce qu’ils veulent faire. Quand la mission locale pour l’emploi analyse les besoins du bassin d’emploi, il est possible de les orienter vers des formations ou des mises en situation professionnelles – une semaine dans une crèche ou une usine – pour qu’ils sachent si le métier leur plaît, avant d’enchaîner avec la formation correspondante.
La garantie jeunes repose sur ce principe : l’emploi d’abord ; mais, surtout, les jeunes ne sont pas lâchés tant qu’ils ne tiennent pas quelque chose. Ils sont très entourés, fortement encadrés et intégrés à un collectif, ce qui est le meilleur des accompagnements.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je pourrais vous fournir, grâce au reporting qui est mené, une multitude de chiffres sur les 65 000 jeunes qui ont bénéficié du dispositif. Le comité scientifique d’évaluation mène un travail différent, touchant aux relations institutionnelles et aux relations avec les entreprises, ainsi qu’au suivi de cohortes. Ce travail beaucoup plus fin nécessite de revenir sur l’année qui a précédé la garantie jeunes et de disposer d’un recul suffisant sur le dispositif ; les résultats, je le répète, nous en seront prochainement communiqués.
J’invite le Sénat à adopter l’amendement du Gouvernement, plus complet que les amendements n° 320 et 893 rectifié, qui, d’autre part, font référence à un décret en Conseil d’État, alors qu’un décret simple suffirait pour fixer les modalités pratiques de la garantie jeunes.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain.
Si je comprends bien, madame la ministre, vous sollicitez le retrait des amendements n° 320 et 893 rectifié au profit de l’amendement du Gouvernement ?
Parfaitement, madame la présidente, car l’amendement du Gouvernement est plus précis.
Non, madame la présidente, je le retire au profit de l’amendement du Gouvernement.
Les amendements n° 320 et 893 rectifié sont retirés.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 437 et 971.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 368 :
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 1030, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Après le mot :
impôts,
insérer les mots :
les mots : « de l’accompagnement personnalisé et renforcé » sont remplacés par les mots : « du parcours contractualisé d’accompagnement » et,
La parole est à M. Michel Forissier, rapporteur.
L'amendement est adopté.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'article 23.
Je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidats pour la mission d’information sur l’inventaire et le devenir des matériaux et composants des téléphones mobiles.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, la liste des candidats est ratifiée et je proclame Mme Delphine Bataille, M. Jérôme Bignon, Mmes Annick Billon, Marie-Christine Blandin, M. Jean-Pierre Bosino, Mme Corinne Bouchoux, MM. Patrick Chaize, Roland Courteau, Mme Evelyne Didier, MM. Alain Duran, François Grosdidier, Jean-François Longeot, Didier Mandelli, Patrick Masclet, Pierre Médevielle, Mme Colette Mélot, M. Gérard Miquel, Mme Patricia Morhet-Richaud, MM. Cyril Pellevat, Rémy Pointereau, Mme Catherine Procaccia, MM. Daniel Raoul, Jean-Yves Roux, Mme Nelly Tocqueville, MM. André Trillard et Raymond Vall membres de la mission d’information.
Je rappelle que les groupes ont présenté leurs candidats pour le groupe de travail préfigurant la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi Égalité et citoyenneté.
La présidence n’a reçu aucune opposition.
En conséquence, la liste des candidats est ratifiée et je proclame Mmes Aline Archimbaud, Maryvonne Blondin, Agnès Canayer, M. Jean-Claude Carle, Mmes Françoise Cartron, Hélène Conway-Mouret, MM. Philippe Dallier, René Danesi, Francis Delattre, Mme Catherine Di Folco, M. Daniel Dubois, Mme Dominique Estrosi-Sassone, M. Christian Favier, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Françoise Gatel, M. Loïc Hervé, Mmes Corinne Imbert, Françoise Laborde, M. Jean-Claude Lenoir, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jacques Mézard, Louis Pinton, Hugues Portelli, Mmes Sophie Primas, Christine Prunaud, MM. Alain Richard, Yves Rome, Jean-Pierre Sueur, Henri Tandonnet, René Vandierendonck, Michel Vaspart, Alain Vasselle, Yannick Vaugrenard et Mme Evelyne Yonnet membres du groupe de travail.
Il appartiendra au Sénat de transformer ce groupe de travail en commission spéciale, après la transmission du projet de loi, conformément à l’article 16 de notre règlement.
Nous reprenons la discussion du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.
Pour votre parfaite information, mes chers collègues, je vous annonce que je suspendrai la séance à dix-huit heures trente, puisque la conférence des présidents se réunira. Selon toute vraisemblance, la séance sera reprise à vingt et une heures.
L'amendement n° 697, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 23
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la section 2 du chapitre Ier du titre IV du livre II de la deuxième partie du code du travail, il est inséré une sous-section 5 et son article L. 2241-… ainsi rédigés :
« Sous-section 5 : Prise en compte des qualifications
« Art. L. 2241-… – La qualification est la référence de base dans le cadre des conventions collectives et elle correspond au niveau de diplôme ou certification du demandeur d’emploi. La modulation est définie par conventions collectives de branche. »
La parole est à M. Bernard Vera.
Un rapport de 2014 du Centre d’études et de recherches sur les qualifications souligne que la référence au diplôme dans les conventions collectives, si elle subsiste, est en constante diminution ; en outre, lorsque cette reconnaissance existe, elle est prise en compte de façons très diverses en fonction du type de grille adoptée. Or l’analyse des grilles en vigueur aujourd’hui fait apparaître la modération du rôle du diplôme dans la définition de la qualification.
Le même rapport montre aussi que les branches aménagent leur système de qualification en fonction de leur production de certifications paritaires de branche. Ainsi, de nombreuses conventions contiennent des clauses de principe très générales, lesquelles se bornent à stipuler la reconnaissance des formations professionnelles suivies par les salariés. Il existe très peu de textes faisant référence à la reconnaissance des diplômes acquis.
C’est pourquoi de très nombreux jeunes craignent le déclassement, qu’il soit social ou scolaire ; ils dénoncent l’inadéquation entre l’évolution de la structure des diplômes et celle de la structure des emplois et des niveaux de rémunération, une inadéquation susceptible de conduire à une situation de précarité structurelle grandissante.
Pour lutter efficacement contre le déclassement et la déqualification, qui sont des composantes du dumping social que de nombreux jeunes subissent à l’heure actuelle, nous proposons que la qualification soit la référence de base dans le cadre des conventions collectives et qu’elle corresponde au niveau de diplôme ou certification du demandeur d’emploi.
Cet amendement porte sur la prise en compte des qualifications dans les classifications de branche. Son adoption rigidifierait ces classifications, sans que puisse être reconnue l’expérience acquise au cours de leur carrière par des salariés peu diplômés. Par ailleurs, l’amendement fait référence aux demandeurs d’emploi, alors que les classifications s’appliquent aux salariés de la branche. L’avis de la commission est donc défavorable.
Il est également défavorable, même si je souscris tout à fait à l’objectif des auteurs de l’amendement, qui consiste à lutter contre le déclassement subi par de nombreux jeunes diplômés. C’est aux partenaires sociaux, dans le cadre de leurs accords de branche, de déterminer librement les grilles de classification. Établir un lien entre la qualification et les diplômes relève de leur choix ; la loi n’a pas à le leur imposer.
Par ailleurs, je ne souhaite pas que les employeurs tiennent compte du seul diplôme pour évaluer la qualification d’un salarié. Le projet de loi vise au contraire à renforcer la validation des acquis de l’expérience. On dit souvent que, dans notre pays, le diplôme compte beaucoup ; il est important que l’expérience professionnelle acquise soit également reconnue !
L'amendement n'est pas adopté.
L’article L. 822-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut assurer la gestion d’aides en faveur des jeunes à la recherche de leur premier emploi. » ;
2° La dernière phrase du dernier alinéa est complétée par les mots : « ainsi que les conditions dans lesquelles le présent article bénéficie aux titulaires de la carte d’étudiant des métiers mentionnée à l’article L. 6222-36-1 du code du travail. »
L'amendement n° 1034, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Il peut accorder des aides en faveur des jeunes à la recherche de leur premier emploi et en assurer la gestion. » ;
Il s’agit d’un amendement de cohérence rédactionnelle.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 1026, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 3
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au dixième alinéa, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « septième ».
II. – Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
… – À l'article 1042 B du code général des impôts, le mot : « septième » est remplacé par le mot : « huitième ».
C’est un amendement de coordination.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
L'amendement est adopté.
L'article 23 bis A est adopté.
I. – Le code du service national est ainsi modifié :
1° L’article L. 130-3 est ainsi modifié :
a) Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;
b) À l’avant-dernier alinéa, après le mot : « montant », sont insérés les mots : «, net des contributions mentionnées au II » ;
c) Le dernier alinéa est remplacé par des II et III ainsi rédigés :
« II. – L’allocation et la prime sont soumises aux contributions prévues à l’article L. 136-1 du code de la sécurité sociale et à l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.
« Le versement de ces contributions est assuré par l’établissement public d’insertion de la défense mentionné à l’article L. 3414-1 du code de la défense.
« III. – L’allocation et la prime sont exonérées de l’impôt sur le revenu. » ;
2° L’article L. 130-4 est ainsi modifié :
a) Le I est abrogé ;
b) Au début du premier alinéa du II, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « Le volontaire pour l’insertion » ;
c) Au IV, la référence : « L. 351-12 » est remplacée par la référence : « L. 5424-1 » et la référence : « L. 351-3 » est remplacée par la référence : « L. 5422-1 ».
II. – Au 3° du III de l’article L. 136-2 du code de la sécurité sociale, les références : « a à d et f » sont remplacées par les références : « a, b, d et f ».
III. – Les I et II entrent en vigueur au titre des cotisations dues pour les périodes courant à compter du 1er janvier 2016.
L'amendement n° 1033, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. – Après l’alinéa 1
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° À la dernière phrase du deuxième alinéa de l’article L. 130-2, après les références : « aux 1° et 2° », est insérée la référence : « du I » ;
II. – Après l’alinéa 12
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au III de l’article L. 130-5, après la référence : « au 2° », est insérée la référence : « du I ».
Il s’agit, là encore, d’un amendement de coordination.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
L'amendement est adopté.
L'article 23 bis B est adopté.
I. – La section 1 du chapitre IV du titre II du livre III du code du travail applicable à Mayotte est ainsi modifiée :
1° L’intitulé de la sous-section 1 est complétée par les mots : « des jeunes vers l’emploi et l’autonomie » ;
2° À l’article L. 324-1, après le mot : « accompagnement », sont insérés les mots : « vers l’emploi et l’autonomie » et, à la fin, les mots : «, ayant pour but l’accès à la vie professionnelle » sont supprimés ;
3° La sous-section 2 de la section 1 du chapitre IV du titre II du livre III est supprimée ;
4° Les articles L. 324-2 à L. 324-5 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 324 -2. – L’accompagnement mentionné à l’article L. 324-1 peut prendre la forme d’un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie conclu avec l’État, élaboré avec le jeune et adapté à ses besoins identifiés lors d’un diagnostic.
« Art. L. 324 -3. – Afin de favoriser son insertion professionnelle, le jeune qui s’engage dans un parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie peut bénéficier d’une allocation versée par l’État et modulable en fonction de la situation de l’intéressé.
« Cette allocation est incessible et insaisissable.
« Elle peut être suspendue ou supprimée en cas de non-respect par son bénéficiaire des engagements du contrat.
« Art. L. 324 -4. – La garantie jeunes est une modalité spécifique du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie.
« Elle comporte un accompagnement intensif du jeune, ainsi qu’une allocation dégressive en fonction de ses ressources d’activité, dont le montant et les modalités de versement sont définis par décret. Cette allocation est incessible et insaisissable. Elle peut être suspendue ou supprimée en cas de non-respect par son bénéficiaire des engagements du contrat.
« La garantie jeunes est un droit ouvert aux jeunes de seize à vingt-cinq ans qui vivent hors du foyer de leurs parents ou au sein de ce foyer sans recevoir de soutien financier de leurs parents, qui ne sont pas étudiants, ne suivent pas une formation et n’occupent pas un emploi et dont le niveau de ressources ne dépasse pas un montant fixé par décret, dès lors qu’ils s’engagent à respecter les engagements conclus dans le cadre de leur parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie.
« Art. L. 324 -5. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent chapitre, en particulier :
« 1° Les modalités du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, ainsi que la nature des engagements de chaque partie au contrat ;
« 2° Les modalités de fixation de la durée et de renouvellement du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie ;
« 3° Les modalités d’orientation vers les différentes modalités du parcours contractualisé d’accompagnement vers l’emploi et l’autonomie, ainsi que leurs caractéristiques respectives ;
« 4° Les modalités d’attribution, de modulation, de suppression et de versement de l’allocation prévue à l’article L. 324-3. » ;
5° (Supprimé)
II. – Le présent article est applicable à compter du 1er janvier 2017. Les contrats d’insertion dans la vie sociale conclus avant le 1er janvier 2017 continuent à produire leurs effets dans les conditions applicables avant cette date, jusqu’à leur terme.
L'amendement n° 1029, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
3° L'intitulé de la sous-section 2 est ainsi rédigé :
« Parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie » ;
Il s’agit d’un amendement de clarification rédactionnelle.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
L'amendement est adopté.
L'article 23 bis C est adopté.
Une aide à la recherche du premier emploi, non imposable et exonérée de charges sociales, est accordée pour une durée de quatre mois, sur leur demande, aux jeunes de moins de vingt-huit ans qui ont obtenu, depuis moins de trois mois à la date de leur demande, un diplôme à finalité professionnelle et qui sont à la recherche d’un emploi. Cette aide est réservée aux jeunes qui, ayant obtenu leur diplôme par les voies scolaire et universitaire ou par l’apprentissage, bénéficiaient d’une bourse nationale du second degré ou d’une bourse de l’enseignement supérieur au cours de la dernière année de préparation du diplôme et, sous condition de ressources équivalentes à celles permettant de bénéficier des bourses nationales du second degré ou des bourses de l’enseignement supérieur, aux jeunes qui ont obtenu leur diplôme par l’apprentissage.
Un décret détermine les conditions et les modalités d’attribution de cette aide, ainsi que la liste des diplômes à finalité professionnelle ouvrant droit à l’aide. Le montant maximal des ressources permettant aux jeunes qui ont obtenu leur diplôme par l’apprentissage de bénéficier de l’aide à la recherche du premier emploi et le montant mensuel de l’aide sont fixés par arrêté conjoint des ministres chargés de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et du budget.
L’autorité académique et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires compétents pour accorder l’aide à la recherche du premier emploi peuvent vérifier l’exactitude des informations fournies à l’appui des demandes tendant au bénéfice de l’aide. Outre le reversement de l’aide accordée auquel il donne lieu, le fait d’établir de fausses déclarations ou de fournir de fausses informations pour bénéficier de l’aide à la recherche du premier emploi est puni des peines prévues à l’article 441-6 du code pénal.
L’autorité académique et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires qui assurent la gestion de l’aide à la recherche du premier emploi peuvent en confier l’instruction et le paiement à l’Agence de services et de paiement.
L'amendement n° 1032, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 1, première phrase
Remplacer le mot :
trois
par le mot :
quatre
La parole est à M. Michel Forissier, rapporteur.
Cet amendement a pour objet d’allonger le délai entre l’obtention du diplôme et le dépôt de la demande en faveur du dispositif de l'aide à la recherche du premier emploi, l’ARPE. Il vise à permettre aux étudiants qui sont diplômés avant l’interruption estivale des cours de ne pas être lésés par les délais de traitement nécessairement plus longs en été.
Je profite de l’occasion qui m’est offerte avec cet amendement pour appeler l’attention du Gouvernement sur un point particulier du dispositif de l’ARPE.
Il est prévu que l’ARPE soit ouverte aux étudiants diplômés jusqu’à l’âge de 28 ans. Parallèlement, un étudiant boursier peut être très fréquemment éligible au RSA, une fois l’âge de 25 ans atteint. Or il est ressorti de mes échanges avec l’administration que le RSA et l’ARPE ne sont pas cumulables pour un même demandeur, au motif que ces ressources ne visent pas le même objectif, à savoir une allocation de subsistance pour le RSA, et une aide ponctuelle pour le premier emploi, s’agissant de l’ARPE.
Je suis très favorable à cet amendement, qui vise à donner un mois supplémentaire aux jeunes diplômés pour déposer leur demande pour l’Arpe.
S’agissant de votre remarque sur le cumul entre l’ARPE et le RSA, monsieur le rapporteur, je tiens à préciser que l’ARPE a vocation à aider financièrement des jeunes diplômés d’origine modeste, qui entrent sur le marché du travail en situation d’inactivité. Elle vient donc principalement pallier l’absence de droit à l’indemnisation chômage des jeunes primo-demandeurs d’emploi, en l’absence d’éligibilité au RSA des jeunes de moins de 25 ans.
En revanche, il est très clair que l’ARPE n’a pas vocation à être cumulée avec d’autres dispositifs de soutien à l’insertion professionnelle qui visent un objectif similaire, comme le RSA ou la garantie jeunes. Le décret de mise en œuvre de l’ARPE, actuellement en cours de préparation, explicitera les incompatibilités en matière de cumul des prestations.
Dans les faits, le choix d’un jeune diplômé qui a entre 25 ans et 28 ans résultera d’un arbitrage qui dépendra du montant mensuel de l’ARPE. Le montant de l’aide sera plus élevé que celui du RSA pour les seuls bénéficiaires d’une bourse sur critères sociaux, c’est-à-dire ceux qui ont droit à une bourse d’échelon 5, d’échelon 6 ou d’échelon 7.
En tout cas, la mise en œuvre de l’ARPE s’accompagnera d’une communication très explicite en direction de ses bénéficiaires sur les incompatibilités qui existent en matière de cumul de prestations.
L'amendement est adopté.
L'article 23 bis D est adopté.
(Supprimé)
I. – L’article L. 243-1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rétabli :
« Art. L. 243 -1. – I. – Les personnes handicapées, nécessitant un accompagnement médico-social pour s’insérer durablement dans le marché du travail, en particulier les travailleurs handicapés accueillis dans un établissement ou service d’aide par le travail mentionné au a du 5° du I de l’article L. 312-1 et ayant un projet d’insertion en milieu ordinaire de travail, peuvent bénéficier de l’appui d’un dispositif d’emploi accompagné spécifique, après évaluation par l’équipe pluridisciplinaire mentionnée à l’article L. 146-8 ou au titre du sixième alinéa de l’article L. 146-3 et en complément de la décision de la commission mentionnée à l’article L. 146-9 et, le cas échéant, en lien avec le service public de l’emploi.
« Dans ce cas, cette commission désigne, après accord de l’intéressé ou de ses représentants légaux, un dispositif d’emploi accompagné.
« L’emploi accompagné est un dispositif d’appui pour les personnes en situation de handicap en vue de leur permettre d’accéder et de se maintenir dans l’emploi rémunéré sur le marché du travail. Sa mise en œuvre comprend un soutien et un accompagnement du salarié, ainsi qu’un appui et un accompagnement de l’employeur.
« La personne morale gestionnaire du dispositif d’emploi accompagné spécifique conclut une convention de gestion avec au moins une personne morale gestionnaire d’un établissement ou service mentionné aux 5° ou 7° du I de l’article L. 312-1 du présent code, ainsi qu’avec l’un des organismes désignés aux articles L. 5214-3-1, L. 5312-1 et L. 5314-1 du code du travail. Cette convention précise les apports de chacune des parties.
« Une convention individuelle d’accompagnement, conclue entre la personne morale gestionnaire du dispositif d’emploi accompagné spécifique, la personne accompagnée ou son représentant légal et son employeur, précise notamment les modalités d’accompagnement du travailleur handicapé, notamment sur son lieu de travail, ainsi que les modalités de soutien à l’employeur.
« II. – Un décret définit les modalités d’application du présent article, notamment les conditions dans lesquelles la personne morale gestionnaire du dispositif d’emploi accompagné ou, le cas échéant, la personne morale gestionnaire d’un établissement ou service d’aide par le travail, conclut une convention de financement ou un avenant au contrat mentionné à l’article L. 313-11 avec le directeur de l’agence régionale de santé.
« III. – Le modèle de ces conventions est fixé par arrêté des ministres chargés des affaires sociales et de l’emploi. »
II. – La section 1 du chapitre III du titre Ier du livre II de la cinquième partie du code du travail est complétée par un article L. 5213-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5213 -2 -1. – Les travailleurs handicapés reconnus au titre de l’article L. 5213-2 peuvent bénéficier d’un dispositif d’emploi accompagné qui est un dispositif d’appui pour les personnes en vue de leur permettre d’accéder et de se maintenir dans l’emploi rémunéré sur le marché du travail. Sa mise en œuvre comprend un soutien et un accompagnement du salarié, ainsi qu’un appui et un accompagnement de l’employeur.
« Ce dispositif peut être sollicité tout au long du parcours professionnel par le travailleur handicapé et, lorsque celui-ci est en emploi, par l’employeur.
« Il est mis en œuvre sur décision de la commission mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles en complément d’une décision d’orientation, notamment dans les conditions fixées à l’article L. 243-1 du même code et sur prescription des organismes désignés aux articles L. 5214-3-1, L. 5312-1 et L. 5314-1 du présent code.
« Le dispositif d’emploi accompagné est mobilisé en complémentarité des services, aides et prestations existants.
« Un décret précise les modalités de mise en œuvre du dispositif d’emploi accompagné, de contractualisation notamment entre le salarié, l’employeur et le prestataire chargé du dispositif mentionné au premier alinéa et les financements pouvant être mobilisés dans ce cadre. »
III et IV.– (Supprimés)
L'amendement n° 1050, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – L’article L. 243-1 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rétabli :
« Art. L. 243 -1. – Les personnes handicapées nécessitant un accompagnement médico-social pour s’insérer durablement dans le marché du travail, en particulier les travailleurs handicapés accueillis dans un établissement ou service d’aide par le travail mentionné au a du 5° du I de l’article L. 312-1 du présent code et ayant un projet d’insertion en milieu ordinaire de travail, peuvent bénéficier de l’appui d’un dispositif d’emploi accompagné mentionné à l’article L. 5213-2-1 du code du travail. »
II. – La section 1 du chapitre III du titre Ier du livre II de la cinquième partie du code du travail est complétée par un article L. 5213-2-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 5213 -2 -1. – I. – Les travailleurs handicapés reconnus au titre de l’article L. 5213-2 peuvent bénéficier d’un dispositif d’emploi accompagné comportant un accompagnement médico-social et un soutien à l’insertion professionnelle, en vue de leur permettre d’accéder et de se maintenir dans l’emploi rémunéré sur le marché du travail. Sa mise en œuvre comprend un soutien et un accompagnement du salarié, ainsi que de l’employeur.
« Ce dispositif, mis en œuvre par une personne morale gestionnaire qui respecte les conditions d’un cahier des charges prévu par décret, peut être sollicité tout au long du parcours professionnel par le travailleur handicapé et, lorsque celui-ci est en emploi, par l’employeur.
« Le dispositif d’emploi accompagné est mobilisé en complément des services, aides et prestations existants.
« II. – Le dispositif d’emploi accompagné est mis en œuvre sur décision de la commission mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles en complément d’une décision d’orientation, le cas échéant sur proposition des organismes désignés aux articles L. 5214-3-1, L. 5312-1 et L. 5314-1. Cette commission désigne, après accord de l’intéressé ou de ses représentants légaux, un dispositif d’emploi accompagné.
« Une convention individuelle d’accompagnement conclue entre la personne morale gestionnaire du dispositif d’emploi accompagné, la personne accompagnée ou son représentant légal et son employeur, précise notamment les modalités d’accompagnement et de soutien du travailleur handicapé et de l’employeur, notamment sur le lieu de travail.
« III. – Pour la mise en œuvre du dispositif, la personne morale gestionnaire du dispositif d’emploi accompagné conclut une convention de gestion :
« 1° D’une part, avec l’un des organismes désignés aux articles L. 5214-3-1, L. 5312-1 et L. 5314-1 du présent code ;
« 2° Et, d’autre part, lorsqu’il ne s’agit pas d’un établissement ou service mentionné au 5° ou 7° du I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles, avec au moins une personne morale gestionnaire d’un de ces établissement ou service.
« Cette convention précise les engagements de chacune des parties.
« IV. – Le décret mentionné au I du présent article précise notamment les modalités de mise en œuvre du dispositif d’emploi accompagné, de contractualisation entre le salarié, l’employeur et la personne morale gestionnaire du dispositif, les financements pouvant être mobilisés dans ce cadre, ainsi que les conditions dans lesquelles la personne morale gestionnaire du dispositif d’emploi accompagné ou, le cas échéant, la personne morale gestionnaire d’un établissement ou service conclut avec le directeur de l’agence régionale de santé une convention de financement ou un avenant au contrat mentionné à l’article L. 313-11 du code de l’action sociale et des familles. Le modèle de ces conventions est fixé par arrêté des ministres en charge des affaires sociales et de l’emploi. »
La parole est à Mme la ministre.
La rédaction de l’article 23 ter, qui introduit le dispositif d’emploi accompagné, doit être simplifiée pour que ce dispositif soit plus opérationnel.
C’est pourquoi le présent amendement vise, tout d’abord, à définir le dispositif d’emploi accompagné qui prévoit l’accompagnement et le soutien d’une personne handicapée et de son employeur, en vue de faciliter l’accès au milieu ordinaire de travail et le maintien dans ce milieu. Ce dispositif devra aussi être soumis au respect d’un cahier des charges.
L’amendement a ensuite pour objet de préciser que l’orientation vers ce dispositif d’emploi accompagné intervient sur décision de la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, la CDAPH, et que le dispositif nécessite la conclusion d’une convention individuelle entre la personne morale gestionnaire du dispositif d’emploi accompagné, la personne handicapée et, bien sûr, l’employeur.
Est également précisé que la personne morale gestionnaire du dispositif d’emploi accompagné doit conclure une convention avec les organismes relevant du service public de l’emploi et, lorsqu’elle n’est pas elle-même gestionnaire d’un établissement ou d’un service médico-social pour personnes handicapées, avec un tel service ou établissement.
Enfin, le code de l’action sociale est modifié, de telle sorte que les personnes handicapées nécessitant un accompagnement médico-social pour s’insérer durablement dans le marché du travail, en particulier, les travailleurs handicapés dans les établissements et services d'aide par le travail, les ESAT, ayant un projet d’insertion en milieu ordinaire de travail, puissent bénéficier de l’appui de ce dispositif d’emploi accompagné.
Nous évoquons régulièrement la question du chômage des personnes en situation de handicap, ainsi que les problématiques rencontrées par ces personnes en matière de formation, notamment le fait que ce public est beaucoup moins formé que le reste de la population.
C’est pourquoi nous avons cherché à développer la capacité des CFA, les centres de formations d'apprentis, à mieux communiquer au sujet de certains métiers, en faisant en sorte que ces centres expliquent bien que tous les métiers sont accessibles, et à travailler sur certaines particularités. C’est aussi la raison pour laquelle je considère que certaines opérations, comme les Abilympics, contribuent à révéler les compétences de ce public et à changer le regard des employeurs.
Cela étant, nous devons également améliorer la situation de l’emploi accompagné et du maintien dans l’emploi. De ce point de vue, le présent projet de loi comporte beaucoup d’avancées.
L'amendement est adopté.
En conséquence, l'article 23 ter est ainsi rédigé, et les amendements n° 1027 et 1028 n'ont plus d'objet.
Toutefois, pour la bonne information du Sénat, je rappelle les termes de ces amendements.
L'amendement n° 1027, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après le mot :
travail
insérer les mots :
mentionné au a du 5° du I de l'article L. 312–1
L'amendement n° 1028, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer le mot :
complémentarité
par le mot :
complément
L'amendement n° 673 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 23 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1133-4 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 1133 -4 – Afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des personnes handicapées, les employeurs prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour leur permettre d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée. »
La parole est à Mme Annie David.
Au début de l’année 2015, on dénombrait 452 701 demandeurs d’emploi en situation de handicap, soit une augmentation de presque 10 % en un an !
Le taux de chômage des personnes en situation de handicap est deux fois plus important que celui des personnes valides. L’âge des demandeurs d’emploi handicapés est en augmentation constante : 45 % d’entre eux ont cinquante ans ou plus, soit une hausse de quatorze points en sept ans.
Par ailleurs, la période de chômage est plus longue pour les personnes handicapées que pour les personnes valides : plus de la moitié des demandeurs d’emploi handicapés – 56 % – sont des chômeurs de longue durée, contre 43 % pour l’ensemble de la population.
Pour inverser ces tendances, il faut non seulement accompagner les demandeurs d’emploi en situation de handicap, mais aussi suivre l’évolution des salariés dans l’entreprise et agir pour prévenir les situations de désinsertion professionnelle.
Les entreprises ont une vraie responsabilité sur ces sujets. Cette responsabilité s’exerce, tout d’abord, au nom de la lutte contre les discriminations, car, il faut le rappeler, le handicap représente la troisième cause de discrimination en matière d’emploi selon le Défenseur des droits.
Ensuite, elle s’exerce au nom de l’obligation de sécurité de résultat que les entreprises doivent à leurs salariés : celles-ci doivent adapter les postes aux salariés et prévenir les accidents du travail ou les maladies professionnelles pouvant causer un handicap.
Enfin, la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées invite les entreprises à mettre en place une politique inclusive en faveur des travailleurs handicapés et, pour ce faire, à favoriser le maintien dans l’emploi et l’adaptation des postes de travail.
En conséquence, nous proposons que l’article L. 1133–4 du code du travail rappelle ces obligations en prévoyant que les employeurs prennent les mesures appropriées pour permettre aux personnes en situation de handicap « d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l’exercer ou d’y progresser ou pour qu’une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée ».
L’amendement tend à récrire l’article du code du travail relatif aux mesures prises par les employeurs en faveur des personnes handicapées.
Nous ne pouvons que souscrire à la bonne intention qui anime les auteurs de l’amendement, et à laquelle je ne peux qu’adhérer. Cependant, la rédaction de cet amendement pose deux difficultés importantes.
Premièrement, il tend à réécrire entièrement un article fondamental du code du travail qui dispose que « les mesures prises en faveur des personnes handicapées et visant à favoriser l’égalité de traitement […] ne constituent pas une discrimination ». En supprimant la mention relative à la discrimination, cet amendement tend à fragiliser toute mesure prise par un employeur au nom du principe de l’égalité de traitement, puisqu’il expose ces mesures au risque d’être requalifiées par le juge en mesures discriminatoires. L’amendement n’atteint donc pas son objectif.
Deuxièmement, il alourdirait considérablement les missions des employeurs, alors que ces dernières sont déjà assumées par un service public de l’emploi spécialement conçu pour les personnes handicapées, articulé autour des Cap emploi ainsi que des services d’appui au maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, les SAMETH, et que l’article 43 ter du présent projet de loi prévoit de redéfinir de façon plus cohérente et de simplifier.
C’est donc avec un certain regret que j’émets un avis défavorable sur l’amendement.
Madame la sénatrice, vous faites écho à des articles qui figurent déjà dans le code du travail. Aujourd’hui, tout refus de prendre les mesures évoquées est constitutif d’une discrimination pour un employeur.
Cela étant, la situation des personnes en situation de handicap, dont le taux de chômage atteint près de 18 %, est aujourd’hui indigne.
Dans ce projet de loi, nous avons donc élaboré, en concertation avec Ségolène Neuville et tous les membres du Conseil national consultatif des personnes handicapées, qui nous a beaucoup aidés dans cette mission, un éventail de mesures pour répondre à cette situation.
Certaines concernent les aidants avec, par exemple, la prise en compte de la présence d’une personne handicapée au foyer lors de départ en congé ou l’ajout d’une dérogation à l’interdiction de prendre plus de vingt-quatre jours ouvrables de congés payés en une seule fois quand le salarié a un enfant ou un adulte handicapé au sein de son foyer. D’autres ont trait à la généralisation des missions des organismes de placement ou encore à l’offre d’accompagnement en ESAT.
Par ailleurs, le budget de l’État dans ce domaine a augmenté de 21 % par rapport à 2012. Concrètement, cela signifie davantage d’aides aux postes dans les entreprises adaptées. Chaque mois, à l’occasion d’une réunion en visioconférence avec les préfets de région, je m’informe sur la part que représentent les personnes en situation de handicap dans les contrats aidés. J’estime que c’est important, d’autant plus qu’ils bénéficiaient de très peu de ces contrats aidés. Aujourd’hui, les personnes en situation de handicap forment un public vraiment ciblé, puisque nous avons créé plus de 3 000 aides aux postes supplémentaires depuis 2012.
Même s’il faut continuer à déployer ces efforts en matière d’emploi, le Gouvernement est défavorable à l’amendement en raison de sa rédaction.
J’ai bien entendu les avis émis par M. le rapporteur et par Mme la ministre et je comprends qu’ils soient défavorables à cet amendement pour des raisons rédactionnelles.
Il n’empêche que, d’une façon générale, il est parfois utile de rappeler les enjeux qui se rapportent à des personnes concernées spécifiquement par une problématique, même si je reconnais que la loi prend quelquefois en compte certaines situations particulières.
J’en veux pour preuve les différents textes dans lesquels il est sous-entendu que les personnes handicapées sont concernées par les dispositions qui y figurent, alors que, très souvent, elles ne le sont pas dans les faits ! À mon sens, rédiger de telles dispositions renforce le message que nous défendons.
Si je comprends que cet argument juridique soit avancé, je veux tout de même attirer l’attention sur la démarche sociétale que nous devons engager à l’égard des personnes handicapées en matière d’emploi.
Enfin, je souhaite revenir sur la question des moyens financiers, madame la ministre. Je crois qu’au-delà de l’aspect budgétaire, c’est l’état d’esprit qui importe. Plutôt que de dresser un bilan financier des actions conduites, nous devrions mettre en œuvre des moyens pour développer la culture de l’insertion des personnes en situation de handicap dans l’entreprise.
J’entends également les arguments juridiques opposés à mon amendement et, notamment, les propos de M. le rapporteur au sujet de la suppression, de fait, de la mention relative à la discrimination.
S’il est vrai que nous supprimons cette mention, nous précisons bien que les mesures doivent être prises « afin de garantir le respect du principe d’égalité de traitement à l’égard des personnes handicapées ». Quelque part, cela veut bien dire que ces mesures sont destinées à lutter contre les discriminations.
Nous proposons de modifier cet article du code du travail afin de l’enrichir et d’y faire figurer noir sur blanc les mesures qu’il convient de prendre pour favoriser l’accès des travailleurs handicapés à une véritable égalité de traitement dans l’emploi.
Je regrette, là encore, que nos propres arguments juridiques ne puissent pas être entendus et que personne ne nous ait proposé d’en corriger la teneur. À plusieurs mains, nous aurions peut-être su rédiger un amendement qui aurait à la fois présenté les garanties juridiques nécessaires et donné satisfaction aux différentes associations et aux salariés en situation de handicap qui m’ont sollicité sur le sujet.
En premier lieu, j’observe que l’amendement vise à obliger les employeurs à donner aux salariés handicapés un emploi correspondant en tout point à leur qualification. Je le regrette, madame David, mais il est impossible pour les entreprises, comme pour les collectivités territoriales d’ailleurs, de donner un emploi correspondant parfaitement à un handicap. C’est malheureux, mais c’est ainsi !
En second lieu, je ne suis pas un expert budgétaire sur le sujet, madame la ministre, mais je sais que, en 2014 et en 2015, on a constaté une diminution très importante du nombre de postes dans les entreprises adaptées. §alors qu’il existe beaucoup de demandes de personnes handicapées qui pourraient trouver réponse si on les orientait vers les entreprises adaptées.
Depuis 2012, le Gouvernement a créé 3 000 postes supplémentaires dans les entreprises adaptées. Le budget pour l’année 2016, que j’ai présenté en septembre dernier, prévoit par ailleurs 500 postes en plus dans ces mêmes entreprises.
J’ai également rencontré l’ensemble des représentants des entreprises adaptées. Or, lors de nos échanges, ceux-ci m’ont justement confirmé qu’ils avaient bien obtenu les postes supplémentaires dont je parle. Par conséquent, je ne connais pas la situation des entreprises adaptées auxquelles vous faites référence, monsieur le sénateur, mais je vous confirme les chiffres que j’ai déjà cités.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 702, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 23 ter
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les services de l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail étudient la faisabilité de la création d’une plateforme mettant en relation les employeurs et les parents d’enfants présentant un handicap tel que défini à l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles.
Le Gouvernement remet un rapport au Parlement comprenant un bilan de l’étude de faisabilité réalisée et des propositions visant à garantir une meilleure insertion professionnelle des parents d’enfants en situation de handicap.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Cet amendement est complémentaire du précédent.
Les parents d’enfants malades ou en situation de handicap doivent bénéficier du droit de reprendre une activité professionnelle en lien avec leurs aptitudes, mais adaptée à leurs contraintes.
Ces personnes se voient, en effet, souvent déclassées sur le plan professionnel en raison des besoins particuliers de leur enfant, souvent peu compatibles avec un emploi à plein temps. Elles ont pourtant des qualifications, des expériences et de l’énergie à apporter à notre société !
Avec cet amendement, nous proposons de créer une plateforme – Pôle emploi pourrait servir de support au site internet – grâce à laquelle les employeurs pourraient recruter des parents d’enfants différents, en proposant des emplois qui puissent s’adapter à leur situation, comme des contrats à temps partiel ou du télétravail.
Les employeurs pourraient ainsi bénéficier d’une main-d’œuvre qualifiée et motivée, tandis que les parents pourraient réinvestir leur vie sociale et professionnelle, tout en continuant à répondre aux besoins particuliers de leurs enfants.
Il s’agit de traiter l’un des angles morts de la politique de l’emploi, celle du travail pour des personnes n’étant pas elles-mêmes en situation de handicap, mais concernées indirectement par le handicap.
Si l’article 3 du présent projet de loi prend en compte cette question par l’intermédiaire de congés spécifiques, le groupe CRC pense néanmoins que l’emploi des parents d’un enfant handicapé souffre aujourd’hui d’un manque de considération.
En effet, les dispositifs de temps partiel et de modulation des horaires de travail impliquent d’avoir déjà un emploi. Or un parent chômeur aura un certain nombre de difficultés dans sa recherche. Je pense notamment à la nécessité de trouver des gardes d’enfants adaptées pour se présenter aux rendez-vous de Pôle Emploi ou à celle de justifier sa situation lors d’un entretien d’embauche.
Concrètement, un employeur sera plus intéressé par un postulant n’ayant pas ou ayant peu de contraintes extérieures qu’un postulant dont la situation nécessite de gros aménagements de travail.
L’amendement a pour objet d’étudier la faisabilité d’une plateforme mettant en relation les employeurs et les parents d’enfants présentant un handicap.
Encore une fois, humainement, je comprends parfaitement cet amendement, puisqu’il tend à aborder avec justesse le problème de l’accompagnement dans l’emploi des parents d’enfants handicapés.
Il est néanmoins peu opérant face aux principaux dispositifs existants que sont le droit au répit des parents, aménagé par de nombreux établissements médico-sociaux qui accueillent les enfants handicapés, et surtout le recours à un aidant familial que permet le versement de la prestation de compensation du handicap, la PCH.
Faciliter l’insertion des parents d’enfants handicapés et principalement des mères, qui sont les plus nombreuses à faire le sacrifice de leur emploi, impliquerait plutôt qu’on allège leur implication en finançant, grâce à la revalorisation des plafonds de la PCH, un nombre plus important d’heures d’aide à domicile, mais, vous le savez, nous sommes dans une situation de contrainte financière.
Les entreprises disposent d’un guide sur les aidants, qui a été publié le 6 octobre 2014 par l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises, l’ORSE, et l’Union nationale des associations familiales, l’UNAF, et dont le Gouvernement doit assurer la bonne diffusion.
La commission émet un avis défavorable sur l’amendement, encore une fois avec regret.
Madame la sénatrice, humainement, je comprends tout à fait moi aussi la situation que vous évoquez.
Grâce aux rencontres que nous avons organisées avec Ségolène Neuville, nous savons que la situation des aidants est particulièrement compliquée en matière d’emploi. Ils rencontrent parfois des difficultés à programmer leur emploi du temps au cours de la semaine, ayant besoin de longues pauses dans leur travail.
Nous nous sommes d’ailleurs battus pour que le présent projet de loi comporte des dispositifs d’adaptation en matière de droit à congé pour les aidants de personnes en situation de handicap.
Cela étant, vous proposez d’inscrire dans la loi l’étude de faisabilité d’une plateforme. Personnellement, je suis tout à fait disponible pour organiser une rencontre entre vous et l’ensemble des partenaires, que ce soit Pôle emploi, les associations ou les Cap emploi, qui s’occupent également de l’emploi des personnes en situation de handicap, car elles sont bien souvent accompagnées par leur propre famille. Cette rencontre permettrait de chercher la meilleure réponse au problème que nous rencontrons.
Nous avons par exemple créé l’« emploi store ». Je ne verrais aucune difficulté à ce que l’on développe un outil dédié au handicap au sein de ce service. Toutefois, avant d’introduire ce type de dispositif dans la loi, je souhaiterais que l’on regarde d’abord très concrètement s’il représente la meilleure des réponses.
Je le dis d’autant plus aisément que les parents d’enfants handicapés nous sollicitent eux-mêmes beaucoup sur le sujet. Il faut évidemment trouver une solution, mais je ne suis pas sûre que la seule réponse passe par la faisabilité d’une plateforme.
Je vous demande donc, madame la sénatrice, de bien vouloir retirer votre amendement, et vous répète que nous sommes prêtes, Ségolène Neuville et moi-même, à rencontrer avec vous tout le service public de l’emploi pour élaborer un diagnostic sur les besoins des parents d’enfants handicapés et de tous les aidants, et pour trouver les bonnes réponses.
Non, je vais le retirer, madame la présidente.
Je vous remercie, madame la ministre. Vous l’avez bien compris, notre amendement était un amendement d’appel. Sans doute que les associations que vous mentionnez sont d’ailleurs les mêmes que celles que j’ai rencontrées, je pense notamment à un collectif de mamans d’enfants handicapés. M. le rapporteur et vous-même évoquiez le fait que ce sont le plus souvent des mamans – ce n’est pas une critique mais un constat – qui font le sacrifice de leur emploi, ou qui sont en tout cas dans l’impossibilité de conserver leur emploi, parce qu’elles font le choix d’être auprès de leurs enfants.
Je suis complètement d’accord avec vous : je ne suis pas non plus certaine que notre amendement constitue la seule solution ou la meilleure. En tout cas, c’est celle que nous avions trouvée ensemble et que mon groupe voulait défendre dans l’hémicycle.
S’il est envisageable d’obtenir rapidement l’entretien dont vous parliez, madame la ministre, §et verrons comment il est possible d’avancer sur le sujet.
Je retire l’amendement.
Le sixième alinéa de l’article L. 5132-15-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque des salariés rencontrent des difficultés particulièrement importantes dont l’absence de prise en charge ferait obstacle à leur insertion professionnelle, le contrat de travail peut être prolongé au-delà de la durée maximale prévue, par décisions successives d’un an au plus, dans la limite de soixante mois. » ;
2° Au début de la seconde phrase, les mots : « Cette prolongation peut être accordée » sont remplacés par les mots : « Ces prolongations peuvent être accordées ».
L'amendement n° 968, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le sixième alinéa de l’article L. 5132-15-1 du code du travail est remplacé par trois alinéas ainsi rédigés :
« À titre exceptionnel, ce contrat de travail peut être prolongé par Pôle emploi, au-delà de la durée maximale prévue, après examen de la situation du salarié au regard de l'emploi, de la capacité contributive de l'employeur et des actions d'accompagnement et de formation conduites dans le cadre de la durée initialement prévue du contrat :
« 1° Lorsque des salariés âgés de cinquante ans et plus ou des personnes reconnues travailleurs handicapés rencontrent des difficultés particulières qui font obstacle à leur insertion durable dans l'emploi, quel que soit leur statut juridique.
« 2° Lorsque des salariés rencontrent des difficultés particulièrement importantes dont l’absence de prise en charge ferait obstacle à leur insertion professionnelle, par décisions successives d’un an au plus, dans la limite de soixante mois. »
Il s’agit d’un amendement rédactionnel.
Quel est l’avis de la commission ?
Cet amendement tend à corriger la rédaction de l’article 23 quater, qui élève le plafond de la durée maximale d’embauche d’un salarié dans un atelier ou un chantier d’insertion.
La commission y est favorable.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 96 rectifié bis, présenté par MM. Mouiller, Mandelli, Vial et Morisset, Mme Billon, M. J.P. Fournier, Mmes Morhet-Richaud et Cayeux, MM. de Legge, Houel, Bonhomme, Guerriau et Cambon, Mme Canayer, MM. Bouchet et Trillard, Mme Imbert, MM. Longeot, Masclet, Gilles, Commeinhes et Lefèvre, Mme Deroche, MM. Laménie, Chasseing, Revet, Pellevat, Huré, Charon et César, Mme Keller, MM. Grand et L. Hervé et Mmes Gruny et Deromedi, est ainsi libellé :
Après l’article 23 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – Le 2° de l’article L. 5132-9 du code du travail est ainsi rédigé :
« 2° Dans le secteur marchand, la durée totale des mises à disposition d’un même salarié ne peut excéder 1 607 heures pour une durée de vingt-quatre mois à compter de la première mise à disposition. »
II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de sécurité sociale du I est compensée, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Philippe Mouiller.
Les associations intermédiaires sont des structures clefs pour une réinsertion économique et sociale adaptée, dans la mesure où elles proposent à des personnes éloignées de l’emploi un accompagnement socioprofessionnel fondé sur une expérience professionnelle.
Malheureusement, la rédaction actuelle de l’alinéa 3 de l’article L. 5132–9 du code du travail limite la durée totale des mises à disposition d’un salarié à 480 heures maximum sur une période de deux ans dans le secteur marchand.
Alors que cette contrainte horaire n’existe pas dans les collectivités territoriales, l’expérience montre qu’il faut, en moyenne, 1 600 heures de mise à disposition dans une collectivité et un accompagnement continu pour transformer une mise à disposition en contrat à durée indéterminée.
Lorsque l’on connaît bien le fonctionnement des structures d’insertion, on se rend compte qu’étant donné le public concerné, souvent très éloigné de l’emploi, 480 heures ne sont pas suffisantes pour permettre une bonne intégration des personnes en insertion.
À l’argument de la concurrence déloyale, je rétorque qu’il s’agit, au contraire, d’un investissement important apporté par les entreprises qui s’impliquent dans l’accueil des personnes en insertion. C’est souvent coûteux et nécessite un engagement fort, à l’image de l’accueil de personnes en formation ou en apprentissage. Il s’agit finalement d’un véritable engagement citoyen des entreprises, qui devrait être plutôt soutenu que limité.
Élu du département des Deux-Sèvres, proche d’un territoire expérimental en matière de chômage de longue durée, je peux témoigner du temps qu’il est nécessaire de consacrer aux publics concernés pour permettre leur insertion dans le domaine marchand et pas seulement, pour une fois, dans les collectivités et les structures publiques.
Fort de ce constat, je propose un amendement qui vise à remplacer l’alinéa 3 de l’article L. 5132–9 du code du travail pour l’adapter à la réalité du terrain et ainsi favoriser au mieux l’insertion durable d’un public éloigné de l’emploi dans le secteur marchand.
Les mises à disposition effectuées par les associations intermédiaires ont été encadrées dans le code du travail pour ne pas créer de distorsion de concurrence avec les autres acteurs économiques du territoire, en particulier les entreprises de travail temporaire d’insertion, les ETTI.
Si la loi élargit leur périmètre d’intervention, elles pourraient remettre en question l’implantation et le maintien des ETTI sur notre territoire. Or il me semble primordial de maintenir la richesse et la diversité de l’offre de services que représentent ces structures d’insertion pour nos territoires.
La commission est néanmoins consciente du rôle important que jouent ces associations dans l’insertion de personnes très éloignées de l’emploi. C’est pourquoi elle souhaite recueillir l’avis du Gouvernement.
Dans le prolongement des propos tenus par M. le rapporteur, j’évoquerai le risque de concurrence avec les ETTI, car ce sont ces entreprises, et non les autres acteurs économiques, qui nous font remonter l’information.
J’en profite également pour rappeler que le seuil d’heures à ne pas dépasser ne s’applique pas en cas de mise à disposition auprès d’organismes à but non lucratif ou auprès de particuliers.
Cela étant, monsieur le sénateur, vous avez raison de soutenir les associations intermédiaires, car elles offrent vraiment l’opportunité de mettre ces personnes à disposition d’employeurs diversifiés. C’est évidemment important.
Cependant, j’ai demandé à l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, de réaliser une analyse précise du modèle économique des associations intermédiaires. Elle pourra également évaluer s’il est nécessaire de modifier le plafond d’heures de mises à disposition dans le secteur marchand. Vous allez peut-être m’opposer que je demande souvent des rapports à l’IGAS. Sachez simplement que, lorsque je reçois plus de deux ou trois courriers de parlementaires sur un problème donné, qu’il concerne les missions locales ou les associations intermédiaires, j’ai pour habitude de commander un rapport.
C’est pourquoi, à ce stade, le Gouvernement est défavorable à l’amendement.
J’entends votre proposition, madame la ministre. Mais je voudrais vraiment insister sur le décalage entre la théorie et la réalité de terrain, une situation que je vis au quotidien en tant que président d’un certain nombre de structures.
Quand on vous annonce, au moment où un parcours d’intégration ayant nécessité un travail de fond de plusieurs mois débouche sur un emploi potentiel, que le quota est atteint et qu’il faut en rester là, c’est réellement frustrant ! S’agissant d’insertion, seuls les résultats en termes de sorties des dispositifs comptent, le reste n’étant que discours ou intervention.
Je vais retirer cet amendement, mes chers collègues, mais il faut examiner ce volet, et il faut le faire en partant des territoires, car ceux-ci ne peuvent être modélisés et présentent des différences dans leurs capacités à intégrer les personnes en recherche d’emploi, notamment de longue durée.
Je serai donc ouvert à participer à la réflexion avec l’IGAS
Mme la ministre opine.
, qui permettra certainement, à travers l’expérimentation sur le chômage de longue durée, de disposer d’un relais réel sur le terrain. Je retire l’amendement, mais je vois par votre acquiescement, madame la ministre, que vous avez la volonté de nous associer à cette réflexion.
Mme la ministre opine de nouveau.
L'amendement n° 96 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 177, présenté par M. Bouvard, est ainsi libellé :
Après l’article 23 quater
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 5424-1 du code du travail est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – Les agents titulaires ou non titulaires des collectivités territoriales n’ont pas le droit à l’allocation d’assurance mentionnée au I du présent article en cas de démission d’un poste occupé au sein d’une collectivité territoriale pour occuper un nouvel emploi. »
La parole est à M. Michel Bouvard.
Il s’agit, au travers de cet amendement, de supprimer ce que je considère être une anomalie, à savoir la mise à contribution des collectivités territoriales dans le cadre de l’allocation d’aide au retour à l’emploi, l’ARE.
À l’heure actuelle, lorsque des agents de collectivités territoriales démissionnent et partent, pour des raisons légitimes, exercer une activité dans le secteur privé, si cette activité est interrompue et si le droit à l’allocation d’aide au retour à l’emploi leur est ouvert, les services de Pôle emploi se retournent vers les collectivités territoriales pour demander la prise en charge de cette allocation.
Cette situation, même si elle a un coût, ne pose pas de problème majeur aux très grandes collectivités. Mais pour les toutes petites collectivités, employant un agent ou deux, le fait de devoir financer et l’agent qui est parti – parfois depuis plusieurs années – et celui qu’il a fallu engager pour le remplacer crée une surcharge budgétaire évidemment insupportable.
Cet amendement tend donc à corriger cette anomalie, les partenaires sociaux ou le ministère ayant bien évidemment la charge de trouver une solution pour assurer le financement, dans un cadre mutualisé, de l’allocation d’aide au retour à l’emploi qui ne serait plus supportée par les collectivités territoriales.
Cet amendement d’appel vise à attirer l’attention du Gouvernement sur les difficultés rencontrées par les petites collectivités, lorsque celles-ci se trouvent à devoir prendre en charge l’indemnisation de chômage d’anciens agents ayant volontairement quitté leur poste pour occuper un nouvel emploi.
Nous sommes nombreux à être confrontés à de telles situations dans nos départements. De ce fait, et parce qu’il est impossible d’adopter cet amendement en l’état, il sera intéressant d’entendre l’avis du Gouvernement.
L’avis est défavorable, mais votre amendement, monsieur Bouvard, m’a donné l’occasion de saisir Annick Girardin, ministre de la fonction publique, sur le sujet.
Votre proposition contrevient au principe de la neutralisation d’une démission, selon lequel une personne ayant démissionné peut bénéficier de l’allocation chômage dès lors qu’elle a retravaillé au moins 91 jours après sa démission.
Elle crée également une inégalité de traitement entre les demandeurs d’emploi, selon que leur ancien employeur est affilié au régime d’assurance chômage ou qu’il assure lui-même ses agents contre le risque du chômage, comme c’est le cas de certains employeurs publics.
Cela explique l’avis défavorable mais, à nouveau, Annick Girardin a été informée des difficultés, que vous évoquez dans votre intervention, rencontrées par les petites collectivités.
Je n’ai aucune raison de douter de votre bonne volonté, madame la ministre. Mais cela fait plusieurs mois que, selon mes informations, Mme Annick Girardin a été saisie de la question. À un moment, il faut trouver des solutions !
Cet amendement est donc plus qu’un amendement d’appel et tend vraiment à faire évoluer la situation.
Son adoption ne priverait personne, ni ne créerait de rupture d’égalité. Nous considérons simplement que le financement de l’ARE ne doit pas peser sur les collectivités territoriales dès lors que l’agent concerné a volontairement choisi de quitter ses fonctions.
Pour vous montrer l’absurdité dans laquelle nous nous trouvons, je peux citer le cas d’une commune de 108 habitants située dans le massif de la Lauzière.
Cette commune emploie un agent communal. Voilà quelques années, le titulaire du poste a démissionné. Aujourd'hui salarié d’un grand groupe français du secteur du bâtiment et des travaux publics, il exerce son activité professionnelle en Arabie Saoudite.
Pourquoi la commune est-elle amenée à financer une allocation chômage pour cette personne ? L’été est tellement chaud en Arabie Saoudite que le travail, notamment pour des raisons physiques, doit être interrompu. Durant cette période d’interruption obligatoire, l’ancien agent a le droit de recevoir de l’ARE. Pôle emploi se retourne alors vers la commune.
Voilà comment, mes chers collègues, le climat en Arabie Saoudite influe sur la feuille d’imposition locale des 108 habitants de la commune de Bonvillaret !
Cet exemple n’en est qu’un parmi d’autres, les discussions soulevées par cette proposition ayant montré que nous étions plusieurs concernés par de tels cas de figure.
L’adoption de cet amendement permettrait donc d’envoyer un signal fort, la navette nous offrant l’occasion, par la suite, de trouver une solution pour régler la question.
M. Michel Raison. Et comme le climat se réchauffe, bientôt tout le monde sera concerné !
Sourires.
L'amendement n'est pas adopté.
(Non modifié)
I. – L’article L. 3243-2 du code du travail est ainsi modifié :
1° La deuxième phrase du premier alinéa est supprimée ;
2° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Sauf opposition du salarié, l’employeur peut procéder à la remise du bulletin de paie sous forme électronique, dans des conditions de nature à garantir l’intégrité, la disponibilité pendant une durée fixée par décret et la confidentialité des données ainsi que leur accessibilité dans le cadre du service associé au compte mentionné au 2° du II de l’article L. 5151-6. Un décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés détermine les modalités de cette accessibilité afin de préserver la confidentialité des données. »
II. – Le présent article entre en vigueur le 1er janvier 2017.
L'amendement n° 703, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Remplacer les mots :
Sauf opposition
par les mots :
À la demande
La parole est à M. Patrick Abate.
À travers cet amendement, nous entendons faire valoir l’idée selon laquelle l’émission numérique de la fiche de paie doit être opérée à la demande expresse du salarié, et non plus à celle de l’employeur.
L’article 24 tend effectivement à préconiser, sans toutefois en faire une obligation – ce qui est heureux, surtout pour les petites entreprises –, la fin du papier pour l’édition des bulletins de paie, au profit d’une édition numérique.
À notre sens, c’est une fois de plus le point de vue de l’employeur, en tout cas des plus grandes entreprises, qui domine, au nom de la compétitivité. Or, selon le rapport, l’économie s’établirait entre 10 et 42 centimes par feuille de paie.
L’évolution est envisageable… Mais à ce jour, eu égard à la fracture numérique – une réalité encore, touchant les plus faibles de nos concitoyens – et aux incertitudes sur les délais de conservation des données par l’entreprise, dont la fixation est renvoyée à un décret, nous préférons la sécurité, donc la volonté clairement exprimée par le salarié, à une hypothétique recherche de compétitivité.
L’avis est défavorable. Le salarié pouvant refuser la transmission d’un bulletin de paie par voie électronique, il est préférable de s’en tenir à la formulation actuelle, qui permet une généralisation du bulletin dématérialisé plus rapide.
Cette proposition fait suite au rapport de Jean-Christophe Sciberras, étant précisé que nous avons accumulé beaucoup de retard, en la matière, par rapport à d’autres pays européens.
Je ne nie pas la question de la fracture numérique, mais comme l’a expliqué M. le rapporteur, un droit d’opposition a été prévu.
En outre, et surtout, deux garanties fortes ont été mises en place. La première, essentielle, concerne l’intégrité des données ; elle sera opérée dans des conditions examinées par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL. La seconde porte sur la consultation des bulletins, qui pourra notamment se faire via le compte personnel d’activité, le CPA, dont nous avons beaucoup discuté hier. C’est un point qui m’apparaît important, en particulier pour des salariés précaires susceptibles d’enchaîner des contrats nombreux et passés avec des employeurs divers.
Pour ces raisons, l’avis est défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 196 rectifié, présenté par MM. Patient, S. Larcher, Karam et Antiste, n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 24.
L'article 24 est adopté.
I. – L’article L. 2242-8 du code du travail est ainsi modifié :
1° (Supprimé)
2° Il est ajouté un 7° ainsi rédigé :
« 7° L’exercice du droit à la déconnexion des salariés dans l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé. Les règles de communication aux salariés des modalités d’exercice de ce droit définies à l’issue de la négociation, ou à défaut par l’employeur, sont fixées par décret. »
I bis. – (Supprimé)
II. – Le I du présent article entre en vigueur le 1er janvier 2017.
Le droit à la déconnexion constitue un enjeu fondamental pour de nombreux salariés.
« Le développement des technologies de communication rend floue la frontière entre le temps de travail et le temps personnel », ont observé les rapporteurs dans leur rapport. Ils ont indiqué un peu plus loin : « le droit à la déconnexion constitue un aspect du droit au repos quotidien, et […] un salarié ne saurait être tenu de travailler en dehors de son temps de travail ». Le rapport cite également l’avis du Conseil d’État, invitant le législateur à encadrer et définir ce nouveau droit.
Pourtant, mes chers collègues, vous avez supprimé l’intégration des outils permettant l’effectivité du droit à la déconnexion dans le champ de la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail. De même, vous êtes revenus sur l’obligation d’élaboration d’une charte, après avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, dans les entreprises de plus de cinquante salariés, charte censée prévoir, entre autres mesures, la mise en œuvre d’actions de formation et de sensibilisation à l’usage des outils numériques.
Pourtant, l’explosion des phénomènes d’épuisement professionnel, ou de burn-out, est directement liée à l’augmentation du temps de travail et à l’impossibilité de se déconnecter, en particulier dans la population des cadres.
Comme le soulignent de nombreux syndicats, l’usage des technologies de communication implique trop souvent une disponibilité permanente et sans limite des salariés. Or un des fondements du droit du travail est la limitation dans le temps du lien de subordination entre le salarié et l’employeur.
L’Association pour l’emploi des cadres, l’APEC, a réalisé une enquête sur le sujet : les technologies de l’information et de la communication, ou TIC, tendent à augmenter la charge de travail et à dégrader la qualité de vie pour, respectivement, 72 % et 60 % des cadres. En outre, elles n’apparaissent pas comme des facteurs de motivation et de reconnaissance aux yeux de 95 % d’entre eux.
La généralisation de l’usage des TIC, pour raisons professionnelles, en dehors des horaires et des lieux de travail constitue une forme de forfait jours déguisé et engendre un dépassement de la durée légale du travail, ni reconnu ni rémunéré.
C’est pourquoi il est nécessaire de reconnaître le droit à la déconnexion, de l’inscrire dans la loi et de prévoir une négociation obligatoire sur l’utilisation des outils numériques.
Ce sera le sens des amendements que nous proposerons sur cet article.
L'amendement n° 243 rectifié, présenté par MM. Cadic, Canevet, Bockel, Delahaye, Guerriau et Pozzo di Borgo, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Canevet.
Notre volonté, à travers ce projet de loi, est aussi de réduire l’épaisseur du code de travail, ce petit code rouge comptant 3 168 pages. Or je crains que nos travaux n’aboutissent qu’à l’alourdir un peu plus ! Nous devons donc être attentifs sur ce point.
Nous traitons ici de l’article L. 2242-8 du code du travail, lequel précise les sujets devant faire l’objet de la négociation annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail.
J’observe, à la lecture de cet article, que cette négociation annuelle porte, en premier lieu, sur les questions relatives à « l’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle pour les salariés ». Je n’imagine pas que les points concernant l’informatique et les moyens de communication modernes ne soient pas examinés dans ce cadre.
Par conséquent, le code, dans sa rédaction actuelle, donc sans nécessité de l’alourdir, nous permet de traiter la problématique, d’où cet amendement tendant à supprimer l’article 25 du projet de loi.
Je prends le relais de mon collègue rapporteur, en donnant l’avis de la commission sur cet amendement présenté – le hasard fait bien les choses – par des membres de mon groupe.
Le dispositif, à mes yeux, a été considérablement simplifié en commission, même si le sujet mérite d’être abordé dans le cadre de la négociation annuelle sur la qualité de vie au travail.
Je demanderai donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer ; à défaut, l’avis sera défavorable.
L’avis est également défavorable. J’aurai l’occasion, dans quelques instants, de préciser la position du Gouvernement au travers de la présentation de l’amendement n° 966.
Pourquoi sommes-nous opposés à la suppression de l’article 25 ? Vous invoquez la simplification du code du travail, monsieur Canevet, mais cet article 25 revêt une importance particulière, et vous ne vous y êtes pas trompé puisque vous avez repris dans votre argumentaire l’élément dont, précisément, vous ne voulez pas que l’on parle : la préservation, à travers le droit à la déconnexion, de la vie familiale, de la vie tout court !
Pour le groupe socialiste et républicain, cet article est donc essentiel.
Madame la ministre, vous avez reçu – le jour même de votre intronisation, me semble-t-il – le rapport de M. Bruno Mettling, qui fait le point sur toutes les conséquences de la révolution numérique sur le travail. Des publications sortent également sur le sujet.
Il apparaît que, si l’on n’y prend pas garde, les salariés et, plus généralement, tous ceux qui travaillent avec le numérique vont bientôt se trouver connectés jour et nuit. Une telle situation fait voler en éclats le droit du travail dans sa forme actuelle, notamment tout ce qui concerne la durée du travail, y compris le forfait jours.
Certaines grandes entreprises, ayant choisi de respecter le droit au repos, de peur des sanctions judiciaires, ont instauré des dispositifs de blocage. Mais on peut être poussé, y compris sous la pression d’autres salariés connectés en permanence, à communiquer des adresses personnelles, avec, à nouveau, de lourds impacts sur sa vie privée.
La loi a aussi pour fonction de protéger les individus qui seraient en permanence connectés, avec les conséquences que l’on sait sur la santé au travail.
Le maintien de cet article 25 est nécessaire afin de pouvoir évoquer l’ensemble du sujet.
La commission, comme M. Gabouty vient de l’expliquer, a considérablement modifié le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, en supprimant la partie traitant de l’effectivité de ce droit, qui a été affirmé, à la déconnexion. Nous voulons pouvoir en discuter, afin de confronter nos avis sur la question.
Cet amendement de suppression était un appel à la raison, mes chers collègues, car cet article 25, tendant à prévoir un droit à la déconnexion, nous paraît aussi inutile que contre-productif !
En effet, il ne prévoit rien qui n’existe déjà : si un salarié est contraint d’utiliser les moyens numériques en dehors d’un cadre conventionnel ou légal, le droit français lui permet déjà de saisir la justice. Pourquoi en ajouter une couche ?
Ce n’est pas parce que l’on écrit une règle dix fois que celle-ci s’appliquera mieux !
Nous sommes déjà intervenus sur la question au début des débats sur ce projet de loi. Quand on duplique, dans le code du travail, des mesures déjà existantes dans le code pénal, c’est même une troisième couche que l’on rajoute. J’appelle cela du harcèlement !
Qu’un employeur poursuive ses salariés pendant le week-end, continuant de leur écrire, et qu’une personne se trouve en difficultés de ce fait, et toutes les protections peuvent déjà être mises en jeu.
Le sujet, on le sent, est un peu difficile car, en réalité, on se donne bonne conscience en écrivant plusieurs fois la même chose dans les codes, mais ce qui compte, c’est le résultat !
Michel Canevet et moi-même avons décidé de retirer cet amendement. Nous le retirons donc.
L'amendement n° 243 rectifié est retiré.
Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 33 rectifié bis, présenté par Mme Lienemann, M. Cabanel, Mme Ghali et M. Gorce, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Rédiger ainsi ces alinéas :
1° Le 6° est complété par les mots : «, notamment au moyen des outils numériques disponibles dans l’entreprise » ;
2° Il est ajouté un 7° ainsi rédigé :
« 7° Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. À défaut d’accord, l’employeur définit ces modalités et les communique par tout moyen aux salariés. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, ces modalités font l’objet d’une charte élaborée après avis du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail ou, à défaut, des délégués du personnel, qui prévoit notamment la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. »
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
Cet amendement tend à rétablir, au fond, sur un sujet tout à fait essentiel, la rédaction souhaitée par le Gouvernement et retenue par l’Assemblée nationale. Il paraît effectivement très regrettable que le Sénat puisse modifier et affaiblir un dispositif qui, selon nous, constitue l’une des avancées significatives de ce texte, même s’il ne fait que poser une première pierre.
La réalité de la vie dans nos entreprises – nous en avons sans doute parlé tout au long de ces débats –, ce sont aussi des conditions de travail de plus en plus difficiles, une évocation de plus en plus fréquente, par les salariés, indépendamment, d’ailleurs, de leur position hiérarchique, d’une situation de tension et de stress, un management demeurant extrêmement hiérarchique, qui exerce également des pressions très fortes sur les salariés. Dans un tel contexte, on peut voir émerger une tendance à des difficultés psychologiques et mentales croissantes.
Nous devons donc prendre en compte cette évolution, qui, malheureusement, est l’expression d’une économie et d’une culture d’entreprise n’ayant pas véritablement franchi le pas vers des démarches plus concertées, tournées vers la négociation et attentives à la qualité du travail.
C’est tout le débat que nous pourrions avoir, aussi, sur les baisses de cotisations sociales. Nous dépensons beaucoup d’argent pour favoriser ces baisses de cotisations sociales, prêtant beaucoup moins d’attention à tout ce qui pourrait favoriser la productivité et la compétitivité : la formation et la qualification des salariés, la recherche de la qualité, le contexte et le climat dans lesquels travaillent les salariés.
C’est pourquoi nous avons souhaité réintroduire ce droit à la déconnexion.
Selon les études dont nous disposons, un cadre peut être soumis, au bas mot, à 150 sollicitations communicationnelles par jour, soit une interruption toutes les quatre minutes. Cela peut se traduire par des situations difficiles rencontrées durant la nuit et le week-end, et nous disposons de nombreux témoignages, des salariés, mais aussi des entreprises, à cet égard.
Voyez, mes chers collègues, la sonnerie de téléphone que nous entendons montre que même mon président de groupe est soumis à une forte pression… J’espère que ce n’est ni l’Élysée ni Matignon qui l’interrogent sur la manifestation de demain, parce que, là, franchement, ce serait du harcèlement !
Donc, face à cette situation extrêmement difficile, il paraît indispensable de donner une réalité au droit à la déconnexion et je défendrai tout à l’heure un amendement tendant à mettre en place un référent numérique dans l’entreprise.
L'amendement n° 966, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :
1° Le 6° est complété par les mots : «, notamment au moyen des outils numériques disponibles dans l’entreprise ; »
II. – Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 7° Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. À défaut d’accord, l’employeur définit ces modalités et les communique par tout moyen aux salariés. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, ces modalités font l’objet d’une charte, élaborée après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, qui prévoit notamment la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. »
La parole est à Mme la ministre.
Le Gouvernement souhaite bien évidemment revenir au texte dans sa version issue des travaux de l’Assemblée nationale, la commission des affaires sociales du Sénat ayant effectivement beaucoup réduit les mesures relatives au droit à la déconnexion.
Le rapport de Bruno Mettling, qui m’a été remis deux semaines après ma prise de fonction, le 15 septembre dernier, a été mentionné.
L’enjeu est pluriel. Il faut répondre à l’irruption du numérique, avec, on le voit bien, une frontière entre vie privée et vie professionnelle qui n’est pas toujours particulièrement étanche. Se pose aussi la question de la coresponsabilité de l’employeur et du salarié : comment se mettre d’accord, ensemble, à travers la négociation, sur un bon usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication ?
Alors que les dernières études menées, avec l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail, l’ANACT, sur la qualité de vie au travail montrent que la vie professionnelle empiète sur la vie privée pour un quart des salariés, la proportion montant à 38 % chez les cadres, la question de l’usage du numérique doit, me semble-t-il, nous permettre de mettre en œuvre le principe de négociation collective prôné par ce projet de loi.
Je tiens également beaucoup à la charte qui sera élaborée dans les entreprises de plus de cinquante salariés et qui contiendra des mesures de sensibilisation à un usage raisonnable du numérique. C’est là une avancée importante.
Aux États-Unis, on nous a un peu caricaturés : avec ce droit à la déconnexion, toutes nos messageries allaient être bloquées dès dix-sept heures, le vendredi ! Via notre ambassadeur dans ce pays, j’ai fait savoir que de telles pratiques n’avaient cours que dans certaines entreprises allemandes, notamment Volkswagen, et qu’en France, ce droit donnerait lieu, du moins nous le souhaitions, à des négociations dans l’entreprise, permettant une mise en œuvre, par là même, de l’idée de coresponsabilité de l’employeur et du salarié.
D’une manière générale, c’est une bonne chose que la qualité de vie au travail fasse aussi l’objet de négociations. Quand on voit l’ampleur que prennent les phénomènes d’épuisement professionnel, ou burn-out, dans la vie de nos concitoyens, il apparaît essentiel d’avancer sur ces thématiques.
L'amendement n° 321, présenté par M. Rome, Mme Bataille, MM. Cabanel, Courteau, Daunis, Duran, Montaugé et Vaugrenard, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rétablir le 1° dans la rédaction suivante :
1° Le 6° est complété par les mots : «, notamment au moyen des outils numériques disponibles dans l'entreprise » ;
La parole est à M. Roland Courteau.
M. Roland Courteau. Cet amendement rédactionnel tend à apporter une précision pour sensibiliser les partenaires sociaux, dans le cadre de la négociation annuelle, à l’intérêt que peuvent revêtir les outils numériques dans l’exercice du droit d’expression directe et collective des salariés.
M. Yannick Vaugrenard applaudit.
L'amendement n° 704, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 7° Les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, ces modalités font l’objet d’une charte élaborée conjointement avec le comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, qui prévoit notamment la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Mon propos s’inscrit dans la continuité des interventions sur les amendements précédents.
Il est essentiel que, sur toutes les travées de notre Haute Assemblée, nous nous mobilisions sur ce sujet, touchant une grande partie des salariés, notamment les cadres.
Des chiffres récents nous apprennent que 75 % des salariés se connectent pour travailler en dehors de leur temps et de leur lieu de travail et que 50 % des cadres travaillent pendant leurs jours de congés. Aussi est-il de la plus haute importance de préciser les modalités d’élaboration d’une charte d’action, de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques, comme vous venez de l’évoquer, madame la ministre.
Le besoin de rappeler chacun à ses obligations est réel et l’avis, je pense, est partagé. Ainsi Bruno Mettling, ancien directeur des ressources humaines du groupe Orange et auteur d’un rapport intitulé Transformation numérique et vie au travail, auquel vous venez également de faire allusion, expliquait dans une interview accordée au journal Le Monde : « Le numérique est d’abord une opportunité pour penser différemment l’organisation du travail, le fonctionnement de l’entreprise au quotidien. Mais il peut aussi être porteur de risques pour la santé des salariés, qu’il convient d’anticiper. Il ne faut pas que cela serve de prétexte pour mettre à bas le code du travail. »
Effectivement, l’augmentation de la charge de travail et l’intensification du travail conduisent de plus en plus de salariés, et de plus en plus souvent, à utiliser les technologies de l’information et de la communication, les TIC, pour travailler à domicile, dans des lieux tiers ou dans les transports. En général, ce travail n’est ni reconnu ni comptabilisé, les limites horaires imposées par la loi sont, de ce fait, souvent dépassées et la frontière entre vie professionnelle et vie privée est beaucoup plus floue.
Pour toutes ces raisons, nous proposons donc cet amendement, qui tend à rétablir l’alinéa 4 de l’article 25 dans la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale. Le droit à la déconnexion et la question de la charge de travail nous semblent de toute importance !
L'amendement n° 190 rectifié bis, présenté par M. Gorce, Mme Lienemann et MM. Durain, Néri, Masseret et Cabanel, est ainsi libellé :
Alinéa 4
1° Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Dans les entreprises de plus de 100 salariés, un référent est nommé auprès de la direction des ressources humaines ; sa mission est de veiller au respect de ce droit.
2° Seconde phrase
Après le mot :
employeur
insérer les mots :
, ainsi que les modalités de désignation du référent
La parole est à M. Gaëtan Gorce.
Cet amendement s’inscrit aussi dans la lignée de ce qui a été défendu par les précédents orateurs et que j’ai moi-même eu l’occasion d’exposer voilà un instant.
L’idée, ici, est de favoriser l’émergence d’une véritable culture dans l’entreprise sur ces sujets.
Si le dispositif proposé est repris, une négociation aura lieu. Celle-ci pourra être confortée, ainsi que les salariés, à titre individuel, par la présence d’un référent auprès de la direction des ressources humaines, dont la mission sera de favoriser la réflexion, diffuser les bonnes pratiques, encourager chacun dans l’entreprise – y compris les cadres et les dirigeants – à respecter certains principes.
L’esprit serait un peu le même que celui qui a présidé à la mise en place des correspondants « Informatique et libertés » en matière de protection des données : il s’agirait d’identifier une personne qui servirait de repère à l’ensemble des partenaires et aiderait à la formalisation progressive d’une doctrine de l’entreprise dans ces domaines.
Les travaux menés par Thierry Le Fur, notamment, ont montré toute l’opportunité qu’il y aurait à introduire un tel dispositif.
L'amendement n° 323, présenté par Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Le fait de ne pas être connecté à un outil numérique professionnel pendant les temps de repos et de congé ne constitue pas une faute ni un motif de licenciement.
La parole est à Mme Stéphanie Riocreux.
Plusieurs amendements à l’article 25, tel qu’il résulte des travaux de notre commission, tendent à donner un contenu à ce qu’il est convenu d’appeler le droit à la déconnexion.
Un droit ne peut se résumer à une pétition de principe. Pour qu’il existe réellement, il faut l’assortir d’une sanction juridique, qui en indique la traduction concrète.
À cette fin, plusieurs méthodes sont proposées dans les amendements que nous venons d’examiner : la mise en place de régulation de l’utilisation des outils numériques par accord ou par décision de l’employeur, l’écriture d’une charte élaborée après avis des institutions représentatives du personnel, des actions de formation et de sensibilisation des salariés, de l’encadrement et des directions.
Nous soutenons bien évidemment ces propositions, directement issues des recommandations de l’excellent rapport de Bruno Mettling, qui a déjà été mentionné.
Nous sommes néanmoins tout à fait lucides. Il ne s’agit pas d’empêcher que des personnes travaillent en dehors des temps prévus, si elles le souhaitent véritablement et selon un usage raisonnable. En revanche, nous avons le devoir de protéger les personnes contre les abus résultant de sollicitations pendant les heures de repos et les congés, du fait d’appels, de SMS et de mails à toute heure.
Pour beaucoup, les outils numériques peuvent faire éclater le temps de travail, parce qu’ils n’exigent plus la présence physique sur un lieu de travail commun. Dès lors, tout est permis : la durée de travail, fût-ce les treize heures maximales du forfait jours, explose. Ce sont tous les acquis patiemment construits qui volent en éclats en raison d’un effet technologique non maîtrisé par les uns et exploité par les autres.
Il n’existe aucun texte qui oblige les salariés à utiliser des outils numériques personnels pour travailler ou communiquer avec leur employeur. C’est à celui-ci de fournir ces outils. Des règles précises ont d’ores et déjà été fixées par l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 sur le télétravail. C’est la preuve que le droit peut parfaitement intégrer les nouvelles technologies et fixer des règles applicables qui n’entravent pas le développement des entreprises et respectent les travailleurs.
Ne pas être connecté sur des outils numériques professionnels pendant les temps de repos et de congés ne doit pas être une faute ou un motif de licenciement. Il nous paraît important de l’inscrire comme tel dans la loi.
L'amendement n° 322, présenté par Mme Lienemann, M. Cabanel, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 4
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, ces modalités font l’objet d’une charte élaborée après avis du comité d’entreprise et du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ou à défaut des délégués du personnel. Cette charte prévoit notamment la mise en œuvre, en direction des salariés, du personnel de direction et du personnel d’encadrement, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. »
La parole est à Mme Nicole Bricq.
L’immense majorité d’entre nous, comme le Gouvernement, souhaitent faire confiance au dialogue social. C’est par cette voie que nous devons régler ce problème en vue de définir les modalités du droit à déconnexion les plus adaptées à chaque entreprise, dans un cadre qui est déjà prévu, à savoir la négociation annuelle sur la qualité de vie au travail.
Dans le texte initial, en l’absence d’accord, la mise en place de ce droit dans les entreprises de moins de cinquante salariés ne me paraît pas du tout explicite. Dans les entreprises de plus de cinquante salariés, l’élaboration d’une charte de manière unilatérale par l’employeur, rendue possible par le texte, ne répond pas à l’objectif de dialogue social qui est le nôtre.
C’est la raison pour laquelle nous avons simplifié au maximum cet article, qui nous a paru au départ un peu trop littéraire, avec une portée effective assez limitée.
La commission a émis un avis défavorable sur les amendements n° 33 rectifié bis et 966.
L’amendement n° 321 tend à apporter une précision inutile déjà contenue dans l’article 25.
L’amendement n° 704 vise à rétablir la rédaction initiale, mais modifiée avec des modalités légèrement différentes.
Concernant l’amendement n° 190 rectifié bis, la création dans les entreprises de plus de cent salariés d’un référent « droit à la déconnexion » au sein de la direction des ressources humaines, pourquoi pas. Mais laissons les entreprises s’organiser comme elles le souhaitent dans le cadre d’accords d’entreprise et de la négociation annuelle.
Quant à l’amendement n° 323, qui vise à faire du droit à la déconnexion une protection contre le licenciement, le fait de ne pas être connecté pendant les temps de congé ou de repos ne peut de toute façon pas constituer un motif de licenciement.
Enfin, pour ce qui est de l’amendement n° 322, il prévoit la réintroduction de l’obligation, pour les entreprises de plus de cent salariés, d’élaborer une charte après consultation non seulement du comité d’entreprises, mais également du CHSCT. Ce ne sont que des consultations et pas des négociations, il est donc préférable de laisser cela dans le cadre de la négociation annuelle.
Voilà pourquoi la commission a également émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.
Le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 33 rectifié bis au profit de l’amendement n° 966. S’agissant de la demande d’avis du CHSCT, les instances ont été simplifiées dans le cadre de la loi Rebsamen. Le Gouvernement a donc proposé de s’en tenir à l’avis du comité d’entreprise, car nous ne souhaitons pas de doublon avec l’avis du CHSCT. Si vous considérez qu’il vaudrait mieux consulter ce dernier, et donc si vous privilégiez cette voie, je suis prête à rectifier mon amendement.
Le Gouvernement sollicite également le retrait des amendements n° 321 et 704 au profit de l’amendement n° 966, qui est plus complet.
Sur l’amendement n° 190 rectifié bis, je partage bien sûr votre objectif d’augmenter, dans le cadre du droit à la déconnexion, la formation et la prévention. Néanmoins, contrairement au texte issu de la commission, cet amendement ne vise plus les actions de formation ni de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. Toutefois, je ne souhaite pas que nous imposions une règle unique, en l’occurrence un référent numérique dans toutes les entreprises de plus de cent salariés. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement est en revanche favorable à l’amendement n° 323.
Quant à l’amendement n° 322, le Gouvernement en sollicite le retrait au profit de l’amendement n° 966, pour qu’un choix soit effectué entre le CHSCT et le comité d’entreprise.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote sur l’amendement n° 33 rectifié bis.
Je souhaiterais juste apporter une petite précision à l’intention de M. Gorce, car il affirme que la baisse des cotisations est très onéreuse. Ce sont plutôt les entreprises qui dépensent beaucoup d’argent en payant les cotisations !
Il est tout à fait intéressant de favoriser le télétravail, qui permettra d’alléger les déplacements d’un certain nombre de salariés, ce qui va dans le sens du développement durable, et de procurer un certain confort dès lors que les salariés savent travailler de cette façon.
C’est la raison pour laquelle nous devons également soutenir, au sein des territoires, les espaces de coworking destinés à réunir un certain nombre de personnes susceptibles de travailler à travers le numérique.
Je voudrais tout de même vous faire part de mon étonnement. En effet, nous travaillons sur le droit à la déconnexion ; or je souhaiterais que chacun ait droit à la connexion ! §ou reçoivent un débit insuffisant pour permettre cette pratique.
Le Gouvernement, dans sa volonté d’avancer dans le sens du télétravail, devrait aussi tendre vers un effort encore supérieur pour parvenir à une couverture totale du territoire §concernant la fibre, technologie incontournable, certes onéreuse, mais qui est l’élément déterminant pour l’aménagement du territoire et pour le mode de travail que nous évoquons aujourd’hui.
Monsieur Savary, permettez-moi de vous répondre à ce sujet. Dans le cadre de la loi Macron, et à la suite des deux comités interministériels aux ruralités, le Gouvernement a pris des engagements, notamment dans le cadre du plan France très haut débit.
Les travaux sont en cours et de nombreuses collectivités sont en train d’être raccordées.
Par ailleurs, ayant été secrétaire d’État à la politique de la ville, je suis en mesure de vous indiquer que l’État a investi 5 milliards d’euros au titre de l’ANRU, notamment pour rénover des quartiers au titre de la politique de la ville. Dans ce cadre, à côté des maisons de santé que nous souhaitons créer au-delà de la réhabilitation ou de la démolition d’immeubles, nous avons instauré cette possibilité de créer des espaces de coworking.
À cet égard, nous avons un plan sur les dix prochaines années, notamment dans ces quartiers prioritaires au titre de la politique de la ville qui ne sont pas seulement des cités-dortoirs. Nous entendons concevoir des lieux pour améliorer et désenclaver certaines de ces cités.
Au-delà de la question du télétravail pour laquelle un article de loi préconise justement le cadre de la négociation, nous avons eu l’occasion de parler du fractionnement du repos quotidien avec le rapporteur Jean-Baptiste Lemoyne voilà quelques jours. Toutes ces questions sont essentielles. Nous exigeons en effet des partenaires sociaux qu’ils rouvrent une négociation sur la question du télétravail et sur celle du forfait jours, du fractionnement du repos quotidien pour que nous soyons plus en phase avec le monde du travail d’aujourd’hui.
Le droit à la déconnexion, c’est autre chose ; cela suppose de lutter contre l’empiètement de la vie professionnelle sur la vie personnelle et implique une coresponsabilité entre les salariés et les employeurs.
Nous le retirons au profit de l’amendement n° 966, madame la présidente.
L’amendement n° 33 rectifié bis est retiré.
La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote sur l’amendement n° 966.
Madame la ministre, il est inutile de voter un droit à la déconnexion pour les habitants du monde rural. Lorsque vous dites que, dans le cadre de la loi Macron, des dispositions ont été décidées et votées pour assurer la couverture de l’ensemble du territoire national…
Vous pouvez faire de grandes déclarations généreuses, tout en faisant payer aux collectivités le financement de ces infrastructures nécessaires dans le domaine du numérique.
Nous constatons une rupture d’équité et d’égalité entre le monde rural et le monde urbain. En effet, dans le département dont je suis l’élu, on fait payer aux ruraux, à travers les intercommunalités, l’arrivée de la fibre optique, ce dont sont dispensées les villes qui, elles-mêmes, bénéficient par ailleurs de la fibre optique.
Je déplore, j’y insiste, une véritable rupture d’équité et d’égalité sur l’ensemble du territoire national.
M. Alain Vasselle. Le droit à la déconnexion, vous pouvez l’inscrire dans la loi, mais il ne sera pas utilisé par ceux qui vivent en milieu rural.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains. – Oh ! sur les travées du groupe socialiste et républicain.
(M. Roger Karoutchi s’exclame.) Ce que vous n’avez pas pu faire, vous rêvez que nous puissions le réaliser.
Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et républicain. – Exclamations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Je suis émerveillé par l’attente que vous placez dans un pouvoir de gauche. §
Vous venez nous reprocher d’avoir abandonné les territoires ruraux au profit de la ville.
M. Jean-Louis Tourenne. … dans les villes aux opérateurs et vous avez laissé de côté le monde rural,
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe et M. Joseph Castelli applaudissent également.
Vous n’avez rien corrigé ! Vous êtes là depuis quatre ans, mais vous n’avez rien fait !
M. Jean-Louis Tourenne. Je trouve que vous avez quand même quelque illégitimité à venir vous en plaindre.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.
Mon collègue et moi avons réagi au même moment aux mêmes choses, car nous sommes tous les deux présidents ou ex-présidents de départements. C’est bien parce que le précédent gouvernement, sous votre…
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.
C’est parce que le précédent gouvernement a mis en place le déséquilibre entre l’urbain et le rural que les départements sont aujourd’hui chargés, en lien avec l’État et les régions, et grâce aussi à quelques fonds européens que nous parvenons à obtenir, d’établir cet équilibre.
(Eh oui ! sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.) Si une difficulté se pose avec la ruralité, vous êtes les premiers responsables et nous sommes en train de la corriger avec les départements.
Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste et républicain.
Sourires.
Nouveaux sourires.
Les amendements n° 323, 322 et 321 sont retirés.
Monsieur Gorce, l'amendement n° 190 rectifié bis est-il maintenu ?
Je mets aux voix l'amendement n° 966.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 369 :
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 324, présenté par M. Rome, Mme Bataille, MM. Cabanel, Courteau, Daunis, Duran, Montaugé et Vaugrenard, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rétablir le I bis dans la rédaction suivante :
I bis. – L'État autorise la mise en place, au plus tard un an après la promulgation de la présente loi et dans des conditions fixées par décret, d'une expérimentation nationale d'une durée de douze mois portant sur l'articulation du temps de travail et l'usage raisonnable des messageries électroniques par les salariés et les agents publics. Cette expérimentation donne lieu à l'édiction de lignes directrices à destination des entreprises et des administrations publiques.
La parole est à M. Yves Daudigny.
Cet amendement a été initié par Yves Rome et repris par l’ensemble du groupe socialiste et républicain.
Le droit à la déconnexion est une problématique émergente liée à l’usage immodéré des outils numériques. Il est clair que le corps social n’a pas encore trouvé la bonne distance avec ces différents outils et réseaux qui sur-envahissent notre quotidien avec des effets positifs, mais aussi des effets négatifs que l’on commence à mesurer.
Il apparaît nécessaire d’en saisir toutes les dimensions. C’est pourquoi, en complément de l’approche décentralisée d’une négociation dans l’entreprise, la conduite d’une expérimentation nationale apparaît utile pour identifier les bonnes et les mauvaises pratiques.
La dimension opérationnelle de l’expérimentation est assurée par le fait qu’elle donne lieu à l’édiction de lignes directrices à destination des entreprises et des administrations publiques.
Cette expérimentation sera également une base de travail pour le législateur dans ce champ nouveau. Les enjeux sont forts pour les salariés, les travailleurs en général, en matière de santé au travail, de burn-out et de risques psychosociaux. Ils le sont aussi pour l’équilibre familial, ce qui implique que nous ayons cette réflexion afin de prendre les mesures adéquates pour l’ensemble du champ social.
D’où cet amendement.
L'amendement n° 705, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Rétablir le I bis dans la rédaction suivante :
I bis. – L’État autorise la mise en place, au plus tard un an après la promulgation de la présente loi et dans des conditions fixées par décret, d’une expérimentation nationale d’une durée de douze mois portant sur l’articulation du temps de travail et l’usage raisonnable des messageries électroniques professionnelles par les salariés et les agents publics. Cette expérimentation peut donner lieu à l’édiction de lignes directrices à destination des entreprises et des administrations publiques.
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
L’essentiel ayant été dit sur la déconnexion, j’ajouterai juste quelques mots.
Le droit à la déconnexion est un véritable enjeu dont nous devons nous saisir dès aujourd’hui afin de prévenir les risques psychosociaux et les maladies professionnelles de demain.
Nous le réaffirmons, la perméabilité entre la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale, favorisée par l’omniprésence des équipements numériques, n’est pas souhaitable.
Pour citer de nouveau Bruno Mettling, l’utilisation de ces équipements peut conduire à une « surcharge informationnelle et communicationnelle » qui peut se révéler « contre-productive » pour les travailleurs, en plus d’être nocive pour leur santé.
Nous soutenons donc la volonté qu’ont manifestée les députés de mettre en place une expérimentation qui permettra à terme à chacun, employeurs comme employés, de mettre en évidence et de généraliser les bonnes pratiques.
Soyons nous-mêmes, en tant qu’employeurs, à l’avant-garde. N’oublions pas de respecter les temps de vie privée de nos collaborateurs et collaboratrices, et veillons à ne pas entraver leur droit à la déconnexion.
La commission est autant attachée à moderniser le code du travail qu’à le simplifier. C’est pourquoi nous sommes opposés au fait d’ajouter des éléments qui ne sont pas utiles ou directement opérationnels. L’article 26 prévoit une concertation sur le travail à distance. Il paraît logique d’attendre les conclusions de cette concertation avant de lancer une expérimentation.
C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
Je suis favorable à l’idée d’une expérimentation, car nous n’en faisons pas suffisamment dans le champ de l’emploi et du travail. J’entends les critiques de M. le rapporteur à ce sujet. Nous devons effectivement améliorer la rédaction de cet article pour lui assurer une plus grande sécurité juridique. Pour ce faire, l’établissement d’un bilan des bonnes et des mauvaises pratiques pourra vraiment aider les partenaires sociaux dans la mise en œuvre très concrète de ce droit à la déconnexion.
Par conséquent, même si l’amendement n° 324 est perfectible, le Gouvernement émet un avis favorable. J’émets le même avis sur l’amendement n° 705.
La parole est à M. Olivier Cadic, pour explication de vote sur l’amendement n° 324.
Il est terrible d’écouter cette caricature du travail tel qu’il est perçu dans notre pays ! Je pense aux professeurs d’université ou aux professeurs à l’étranger qui donnent parfois des conseils à leurs élèves le week-end ou la nuit. Pourquoi vouloir absolument offrir une protection comme si nos concitoyens étaient déresponsabilisés ?
Il existe des systèmes automatiques, lorsque l’on ne travaille pas, pour informer de sa prochaine connexion tel jour à telle heure. Si l’on veut vraiment procéder à des expérimentations, nous pourrions nous inspirer des systèmes mis au point par certains pays et leur ayant permis d’avoir un taux de chômage deux fois inférieur au nôtre.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 25 est adopté.
I. – Après le premier alinéa de l’article L. 5213-6 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’employeur s’assure que les logiciels installés sur le poste de travail des personnes handicapées et nécessaires à leur exercice professionnel sont accessibles. Il s’assure également que le poste de travail des personnes handicapées est accessible en télétravail ».
II. – Le chapitre II du titre Ier du livre II du code de la consommation est complété par un article L. 212-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 212 -2. – Pour tout nouveau développement de logiciel, les éditeurs de logiciels prévoient leur mise en accessibilité pour les travailleurs handicapés. »
III. – Le présent article est applicable au plus tard dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi. –
Adopté.
I. – Une concertation sur l’évolution des règles encadrant le travail à distance et les conventions individuelles de forfait est engagée, avant le 1er octobre 2016, avec les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel.
II. – (Supprimé)
Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’article que nous examinons à présent prévoit l’engagement d’une concertation avec les partenaires sociaux sur les règles encadrant le travail à distance et les conventions individuelles de forfait.
L’accord national interprofessionnel de 2005 a posé les trois principes fondamentaux du télétravail : son caractère volontaire, la réversibilité et, enfin, l’égalité des droits entre les salariés qui optent pour le télétravail et ceux qui exercent dans l’entreprise. Il a fallu néanmoins attendre la loi du 22 mars 2012 pour qu’ils soient inscrits dans le code du travail.
La France peine à rattraper son retard en matière de télétravail par rapport aux autres pays de l’OCDE. La part de salariés y ayant recours a certes doublé en six ans, passant de 8 % en 2006 à près de 17 % en 2012. Elle reste toutefois inférieure à la plupart des autres pays. Je citerai, pour exemples, la Finlande, qui est au-dessus des 30 %, et les États-Unis à 28 %.
Des blocages, notamment culturels, subsistent et empêchent le plein essor du télétravail en France. Dans le secteur privé, il reste informel ; dans le secteur public, notre retard est encore plus grand.
Je voudrais cependant rappeler quelques-uns des avantages du télétravail.
Les télétravailleurs ont une liberté accrue dans l’organisation de leur journée de travail et évitent aussi le stress et la fatigue liés aux transports. L’employeur, quant à lui, économise les frais de transport de son salarié, mais également la location et l’entretien de son espace de travail.
À grande échelle, le télétravail agit favorablement sur le développement durable en réduisant la pollution. Ce mode de travail pourrait également attirer les travailleurs vers les territoires ruraux. Les espaces de coworking permettent aujourd’hui de pallier l’isolement, légitimement redouté par les salariés.
En résumé, ce mode de travail novateur permet un meilleur équilibre entre vie personnelle et vie professionnelle.
Pour répondre aux questions que soulèvent les nouvelles formes d’organisation du travail, nous devons adapter notre cadre juridique. L’accident de travail survenant au domicile pendant les plages horaires télétravaillées est un sujet, mais il en est d’autres.
La concertation prévue doit également porter sur la charge de travail des salariés en forfait jours, affectée davantage que celle des autres salariés par l’essor des nouvelles technologies. Le dialogue social doit jouer tout son rôle pour faire progresser le cadre légal et conventionnel dans ces domaines. C’est pourquoi je me réjouis du maintien de cet article dans le texte issu des travaux de la commission, même si le dispositif a été allégé.
Quelques semaines après l’adoption en première lecture au Sénat de la loi pour une République numérique, je vous invite, mes chers collègues, à confirmer l’intérêt que nous portons tous à la transformation numérique de notre société et de l’économie.
Mes chers collègues, avant de passer à l’examen des amendements sur cet article, je vous indique que nous suspendrons bien la séance à dix-huit heures trente, mais qu’elle ne sera reprise qu’à vingt et une heures trente, et non pas à vingt et une heures comme nous pouvions l’espérer.
L'amendement n° 326, présenté par Mmes Conway-Mouret et Lepage, MM. Yung, Leconte et Rome, Mme Bataille, MM. Cabanel, Courteau, Daunis, Duran, Montaugé, Vaugrenard, Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Une concertation sur le développement du télétravail et du travail à distance est engagée, avant le 1er octobre 2016, avec les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel, qui, si elles le souhaitent, ouvrent une négociation à ce sujet.
Cette concertation s’appuie sur un large état des lieux faisant apparaître :
1° Le taux de télétravail par branche selon la famille professionnelle et le sexe ;
2° La liste des métiers, par branche professionnelle, potentiellement éligibles au télétravail ;
3° L’utilisation du télétravail en cas d’expatriation.
Cette concertation porte également sur l’évaluation de la charge de travail des salariés en forfait en jours, sur la prise en compte des pratiques liées aux outils numériques permettant de mieux articuler la vie personnelle et la vie professionnelle, ainsi que sur l’opportunité et, le cas échéant, les modalités du fractionnement du repos quotidien ou hebdomadaire de ces salariés.
À l’issue de la concertation, un guide des bonnes pratiques est élaboré et sert de document de référence lors de la négociation d’une convention ou d’un accord d’entreprise.
La parole est à Mme Hélène Conway-Mouret.
L’amendement que je vous propose d’adopter rétablit l’article 26 dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale.
Sans en dresser une liste exhaustive, il pointe un certain nombre d’enjeux qui seront nécessairement les fondements de la concertation : le taux de télétravail par branche selon la famille professionnelle et le sexe ; la liste des métiers, par branche professionnelle, potentiellement éligibles au télétravail ; l’évaluation de la charge de travail des salariés en forfait jours et le fractionnement de leur temps de repos ; et, de façon plus générale, l’articulation de la vie professionnelle et de la vie personnelle dans un contexte de bouleversement profond de l’organisation du travail lié aux nouvelles technologies.
J’ajoute qu’il nous semble bon de nous assurer que la concertation inclut en son champ la question de la mobilité des actifs, ce qui n’était pas le cas dans la rédaction d’origine.
Dans un monde globalisé où il est fréquent que les actifs résident temporairement à l’étranger, le télétravail est un dispositif qui permettrait d’éviter aux conjoints – plus souvent aux conjointes, d’ailleurs – des actifs qui partent travailler à l’étranger d’être forcés à démissionner pour les accompagner.
Au moment du retour en France, la réinsertion professionnelle des salariés ayant poursuivi leur activité en télétravail serait ainsi facilitée.
C’est un système qui mérite d’être étudié de façon approfondie dans le cas spécifique des travailleurs frontaliers, qui sont de plus en plus nombreux à traverser une frontière quotidiennement, avec tout ce que cela implique en matière de temps passé dans les transports et de pouvoir d’achat.
Ces sujets ont toute leur place dans ce projet de loi, qui vise à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs : c’est pourquoi je suis favorable à ce que cette concertation soit inscrite dans la loi et à ce que soient détaillés les enjeux sur lesquels une évolution de notre cadre légal est attendue, à la fois par les employeurs et par les salariés.
La commission est tout à fait favorable à l’objet de cet article, mais elle a souhaité synthétiser le dispositif, ne voyant pas l’intérêt de détailler ce que doivent aborder dans la négociation les partenaires sociaux, c’est-à-dire les employeurs et les organisations syndicales.
Ils sont grands, majeurs, et ils ont une capacité de réflexion. À mon sens, il n’est pas besoin de leur lister le taux de télétravail par branche selon la famille professionnelle et le sexe. Et pourquoi ne pas prévoir l’heure à laquelle ils doivent négocier, tant qu’on y est ?
Il y a trop de longueurs, et la commission a été animée par un souci de simplification et de concision lorsqu’elle a choisi de supprimer cette liste. La formule « et, le cas échéant, les modalités du fractionnement » me semble, en autres choses, tout à fait inutile.
L’avis est défavorable.
L’avis du Gouvernement est favorable.
Pourquoi introduit-on cette concertation ? Dans une première version du texte et dans le cadre des concertations que nous avons ouvertes en mars avec les partenaires sociaux, nous avions intégré certaines mesures autour, par exemple, du forfait jours ou encore du fractionnement du repos quotidien.
Les partenaires sociaux ne souhaitaient pas que l’on mette ces modalités dans la loi, mais nous avons exigé de leur part qu’ils ouvrent une concertation sur l’ensemble de ces champs. Si l’énumération est précise, monsieur le rapporteur, c’est bien parce qu’elle fait écho à certains articles du texte qui n’a même pas été présenté en Conseil d’État il y a plusieurs mois. Je pense par exemple à la question du fractionnement du repos quotidien, à l’évaluation de la charge de travail dans le cadre du forfait jours, à la question du travail à distance.
L’amendement de notre collègue attire l’attention de notre assemblée sur une réalité : le travail, intellectuel en particulier, est parfaitement délocalisé. D’ailleurs, la meilleure preuve, que faisons-nous en séance ? Nous travaillons sur le texte en discussion et, en même temps, nous « télétravaillons » sur les sujets intéressant nos circonscriptions ou de nos départements respectifs.
J’ajoute que les mails se lisent à n’importe quelle heure, selon notre convenance, et que nous sommes nous-mêmes sollicités à tout moment…
… parfois par des supérieurs hiérarchiques, qui exigent avec impatience des réponses, par des collaborateurs inquiets, lesquels cherchent une orientation.
Ma chère collègue, vous évoquez un vrai sujet, mais je ne pense pas qu’il relève d’un article de loi, car celui-ci ne pourra pas traiter de façon exhaustive de l’ensemble des sujets.
Vous faites votre travail et nous faisons le nôtre. Ainsi, quand des universitaires, des chercheurs, des syndicalistes, des patrons s’essaieront à mesurer l’intérêt que porte le Parlement à ces questions et son importance, ils feront référence à votre intervention pour convenir qu’il s’agit d’un sujet majeur.
Mais imaginez un seul instant qu’un conseil de prud’hommes veuille mettre en œuvre votre amendement, dans le cas où il serait voté. C’est parfaitement impossible ; la loi est normative, et votre amendement ne peut pas l’être.
Dans le prolongement de l’intervention tout à fait pertinente de notre collègue Gérard Longuet, je soutiendrai la position de la commission. Ni les entreprises ni les salariés n’ont attendu que nous légiférions dans ce domaine pour que le télétravail se développe.
Je ne suis pas persuadé qu’une analyse comme celle que vous proposez soit de nature à « booster » le télétravail dans l’ensemble des entreprises et dans chacune des branches.
De plus, il est inutile d’aller dans le détail, car cela signifierait que l’on fait procès a priori aux partenaires sociaux de ne pas être capables de faire l’analyse que vous proposez par branche professionnelle et par métier.
Cet amendement est donc superfétatoire. De grâce, n’encombrons pas notre texte de loi de bavardages inutiles !
Protestations sur quelques travées du groupe socialiste et républicain.
Je suis d’accord avec M. le rapporteur, il faut revenir à la synthèse. Avec ce qui est écrit ici, encore une fois, on donne une image restrictive de ce que doit être le télétravail. Il s’agit de relancer la dynamique de l’emploi en donnant envie et il faut donc l’envisager de façon positive.
En l’occurrence, vous avez à peine abordé le sujet que, déjà, vous parlez de liste pour restreindre le champ de la négociation. Je trouve qu’il est dommage de démarrer avec cette approche.
C’est pourquoi je souscris à ce qui a été fait par la commission.
Évidemment, le télétravail est une bonne chose. Ne nous faites pas un mauvais procès en archaïsme ! Il est évident qu’une telle pratique facilite la vie, mais je voudrais quand même vous faire remarquer qu’un premier accord national interprofessionnel est intervenu sur le sujet en 2005 pour protéger ceux qui pratiquaient le télétravail. Plus précisément, l’accord du 19 juillet 2005 a prévu que le salarié devait avoir un lieu à domicile dédié au télétravail et que l’employeur devait lui fournir les outils.
Le texte que nous examinons s’inscrit dans ce cadre : le fait de transcrire dans la loi des mesures protectrices pour ceux qui utilisent le télétravail n’est pas une idée neuve. On le fait depuis plus de dix ans !
Vous pouvez nous dire que ce que nous proposons, c’est du bavardage, …
Mme Nicole Bricq. … mais nous prenons juste la suite de prédécesseurs qui se sont souciés du télétravail.
Mme Patricia Schillinger applaudit.
Je voudrais donner un exemple très concret sur une mesure que j’avais portée dans l’avant-projet de loi, qui n’est pas le texte du Gouvernement aujourd’hui.
Il s’agit de la question du fractionnement du repos quotidien. Aujourd’hui, certains cadres sont au forfait jours : ils souhaitent pouvoir aller chercher leurs enfants à l’école….
… à dix-sept heures ou dix-huit heures ; ils vont s’en occuper jusque vers vingt heures, puis ils vont se remettre sur leur ordinateur de vingt heures à vingt-deux heures ; le lendemain matin, ils retournent travailler à huit heures et demie. Ils n’ont donc pas onze heures de repos consécutif.
Les partenaires sociaux ont refusé de mettre la mesure sur le fractionnement du repos quotidien dans le projet de loi. Nous avons accepté de la retirer à la demande de l’ensemble des organisations syndicales, mais, dans l’amendement proposé, nous exigeons d’elles qu’il y ait une concertation sur ce point.
Voilà pourquoi nous détaillons les choses, sinon ce problème ne sera pas traité. La proposition du Gouvernement était de le faire à la demande du salarié et par accord collectif. Si nous ne précisons pas que, dans la concertation sur le télétravail ou le travail à distance, la question du fractionnement du repos quotidien sera posée, les partenaires sociaux continueront de faire comme si ces situations n’existaient pas. Les salariés seront en dehors des clous, les employeurs également. Il en résultera, pour les employeurs, un sentiment d’insécurité juridique, car ils se demanderont ce qu’on pourra exiger de leur part en cas de recours contentieux ; pour les salariés, ce sera la même chose.
Cette situation concrète montre bien que notre proposition, ce n’est pas juste du bavardage. S’il n’est pas expressément prévu que la concertation doit parler du fractionnement du repos quotidien, rien ne ressortira sur ce point.
C’est pourquoi l’amendement que le Gouvernement soutient est aussi précis.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain. – Mme Hermeline Malherbe applaudit également.
Je ne veux pas vous contredire, madame la ministre, mais, si nous sommes d’accord avec ce qu’il y a dans le texte, nous considérons néanmoins que c’est inutile. La concertation n’est pas une obligation. Vous précisez que la « concertation s’appuie sur un large état des lieux ». C’est donc la définition d’un état des lieux.
En l’occurrence, il n’y a rien d’obligatoire, même si, à la fin, un guide des bonnes pratiques est élaboré. La référence à un état des lieux ne sert à rien dans le texte.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 133 rectifié ter, présenté par MM. Commeinhes et Magras, Mme Hummel, M. Rapin, Mmes Cayeux, Deromedi et Garriaud-Maylam et MM. Houel, Huré, Mayet, Lefèvre, B. Fournier, Husson, Raison, Perrin, Grand, Doligé et Mandelli, est ainsi libellé :
Alinéa 1
Après le mot :
distance
insérer les mots :
, l’adaptation du poste à des impératifs de santé contraignants
La parole est à M. François Commeinhes.
Les maladies chroniques concernent 16 % de la population française. Mal gérée, une maladie chronique augmente l’anxiété du travailleur sur son lieu de travail et conduit à des baisses de performance, ainsi qu’à l’absentéisme. Le télétravail, les services directs aux patients facilitant l’accès aux traitements et la santé connectée offrent une souplesse supplémentaire permettant d’adapter le poste des personnes atteintes de problèmes de santé, et notamment de malades chroniques, à leurs besoins.
Cet amendement vise à prendre en compte cet aspect crucial dans la concertation qui devrait être engagée avant le 1er octobre 2016 sur le développement du télétravail et du travail à distance avec les organisations professionnelles d’employeurs et les organisations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel.
Nous avons conservé l’idée de la concertation, même si nous sommes en léger désaccord avec le Gouvernement sur ses modalités, mais en la recentrant sur le travail à distance et les conventions individuelles de forfait.
Il ne nous semble donc pas opportun d’élargir le dispositif. Je rappelle que le Conseil d’État, dans son avis sur le projet de loi, avait considéré que ce dispositif était dépourvu de tout contenu normatif.
Je le répète et j’y insiste, dans la rédaction que le Gouvernement avait proposée, il y a le fractionnement du repos quotidien, sujet que les partenaires sociaux n’ont pas voulu aborder et que nous leur demandons de traiter. À partir du moment où un problème est évoqué, il faut que nous y apportions des réponses.
J’en viens à l’amendement n° 133 rectifié ter. Je partage tout à fait l’idée que le travail à distance peut être utile, notamment quand le salarié connaît des ennuis de santé. Pour autant, le télétravail n’a pas vocation à remplacer l’obligation pour l’employeur d’aménager de façon pérenne les postes de travail des salariés dont l’état de santé le nécessite.
Votre amendement me pose aussi problème, car, dans la version actuelle du texte, tel qu’il est issu de la commission des affaires sociales, il n’y aurait que cette mention-là dans le développement du télétravail, alors que nous savons que cette notion revêt de multiples facettes. Il est bien trop ciblé, sans les précisions que prévoyait l’amendement précédent, et c’est la raison pour laquelle je vous je invite à le retirer.
Monsieur Commeinhes, l’amendement n° 133 rectifié ter est-il maintenu ?
L’amendement n° 133 rectifié ter est retiré.
L'amendement n° 859, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 1
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Avant le 1er décembre 2017, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la discrimination à l’emploi subie par les travailleurs ne disposant pas d’une connexion Internet filaire ou téléphonique suffisante depuis leur domicile.
La parole est à M. Jean Desessard.
L’amendement n° 859 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 708 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 858 est présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2
Rétablir le II dans la rédaction suivante :
II. – Avant le 1er décembre 2017, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l’adaptation juridique des notions de lieu, de charge et de temps de travail liées à l’utilisation des outils numériques.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour présenter l’amendement n° 708.
Notre amendement est simple. Il consiste à réintroduire une demande de rapport, que la droite a supprimée en commission. Nous connaissons la position de la commission quant aux rapports qu’elle juge superflus, mais il nous semble que le sujet dont il est question ici, à savoir le développement du télétravail et du travail à distance grâce aux nouveaux outils numériques, nécessite un état des lieux pour pointer les évolutions juridiques à entreprendre.
Le rapport de Bruno Mettling, remis en septembre 2015, a mis en évidence les enjeux de la transformation numérique sur le contrat de travail, la qualité de vie au travail et le management. Cette mutation en cours est à la fois une opportunité pour développer de nouveaux modes d’organisation internes à l’entreprise et un possible facteur de tensions.
Le code actuel n’a évidemment pas pu prévoir et anticiper toutes les conséquences de ce développement, et certains aspects en sont forcément absents. Je pense notamment à la notion de lieu de travail, qui est, dans ce cas, assez variable et large, ou bien encore à la notion de charge et de temps de travail.
Notre droit actuel étant nécessairement inadapté de ce point de vue, ce vide juridique risque évidemment d’entraîner des dérives et d’avoir des conséquences négatives, tant pour les salariés que pour les employeurs.
Nous sommes de celles et de ceux qui souhaitent le développement du télétravail – nous sommes positifs, monsieur Cadic ! –, car nous considérons qu’il peut participer à une amélioration des conditions de travail.
Les chiffres sont éloquents à ce titre, avec 37 minutes de temps moyen gagné par jour de télétravail et 45 minutes de sommeil supplémentaire par jour de télétravail. Et comment ne pas évoquer également, ce qui fera plaisir à M. Desessard, les impacts positifs sur l’environnement avec une importante baisse des émissions de CO2 ?
L’impact sur l’articulation entre les vies privée, familiale et professionnelle est également positif. Je pense ici tout particulièrement aux effets du télétravail sur l’égalité entre les femmes et les hommes dans l’entreprise.
Malgré tous ces atouts, nous constatons que ce mode d’organisation reste assez peu développé en France par rapport à d’autres pays européens. Si l’on veut encourager son développement, la loi doit suivre, dans l’intérêt de toutes et tous. À cet égard, un rapport faisant état des évolutions juridiques nécessaires nous paraît être un bon outil.
Tel est le sens de cet amendement.
Cela me fait d’autant plus plaisir, monsieur Watrin, que je défends le même amendement que vous. Pour ne pas reprendre tout l’argumentaire, je me contenterai de dire que nous demandons de rétablir ce rapport afin d’avoir une vision plus précise des conséquences du développement des outils numériques sur les conditions de travail des salariés.
L’avis est favorable. Nous avons eu une discussion sur la simplification juridique, par exemple de la notion de jour, qui peut être calendaire, ouvré ou ouvrable. On voit bien qu’il y a un besoin de clarification.
En l’occurrence, je pense que les notions de lieu, de charge et de temps de travail liées à l’utilisation des outils numériques doivent aussi être adaptées juridiquement et clarifiées, la jurisprudence posant un certain nombre de problèmes sur ces points. §Monsieur le président Milon, c’est effectivement un rapport de plus, mais, comme pour les jours, on ne peut pas rester avec des notions aussi complexes. Il faut faire un effort de simplification.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n° 709, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – Le quatrième alinéa de l'article L. 1222-9 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Le télétravail doit être mentionné sur le registre unique du personnel. »
… – L’article L. 1222-10 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « et le matériel de bureau (siège ergonomique, bureau) » ;
2° Le début du cinquième alinéa est ainsi rédigé : « De suivre régulièrement la charge de travail du salarié, » ;
3° Le sixième alinéa est complété par les mots : « qui ne peuvent être supérieures à son temps de travail » ;
4° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« …° De mettre en place un système de décompte du temps de travail ;
« …° De reconnaître tout accident survenu durant les plages horaires où le salarié est joignable comme accident de travail. Pour les télétravailleurs dont le domicile est éloigné des locaux de l'entreprise où ils sont tenus de se rendre (régulièrement ou occasionnellement), un accord de branche doit définir les modalités de compensation du trajet (en temps et en salaire). »
La parole est à M. Bernard Vera.
Cet amendement vise à apporter quelques protections et garanties aux salariés assujettis au télétravail.
Bien entendu, lorsque ce phénomène en pleine expansion est évoqué, on a tendance à mettre en avant ses aspects positifs, comme cela vient encore d’être le cas dans cet hémicycle : liberté d’organisation, possibilité de profiter de la vie familiale, absence de transport, et bien d’autres éléments.
Cependant, comme l’indique le rapporteur de ce texte à l’Assemblée nationale, M. Christophe Sirugue, « Les nouvelles formes de travail liées aux technologies de l’information et de la communication peuvent fragiliser la distinction entre la vie professionnelle et la vie personnelle. Le travail à distance rend plus difficile la vérification du temps de repos pour le salarié et la préservation des temps de récupération. Le temps et le lieu de travail sont dès lors plus difficiles à identifier et brouillent la frontière entre le domicile et le lieu de travail. »
Le télétravail, qui, bien entendu, peut être utile et nécessaire, mais seulement s’il est strictement encadré, pousse à l’individualisation et à la déréglementation. Selon certaines études, la disparition du lieu de travail et du collectif freine d’ailleurs le développement du travail à distance, en particulier chez les femmes, que l’on imaginait pourtant très attirées par ce type d’activité.
C’est la raison pour laquelle, dans notre amendement, nous abordons plusieurs points clés : l’officialisation du temps de travail, les conditions matérielles, l’estimation de la charge de travail, la comptabilisation du temps de travail et, enfin, point très important, la problématique des accidents du travail.
L’objet de l’article est d’ouvrir une concertation sur le télétravail, et non de commencer à modifier la réglementation en vigueur. L’encadrement prévu dans cet amendement me paraît tout à fait excessif, et je reste modéré, lorsqu’il s’agit « de reconnaître tout accident survenu durant les plages horaires où le salarié est joignable comme accident de travail ». Cette proposition me paraît tout à fait hors sol.
L’avis est défavorable.
C’est également un avis défavorable. Si je souhaite imposer des thèmes à la négociation, je ne veux absolument pas préempter le résultat des discussions. Je ne souhaite imposer aucune direction, juste des sujets : le télétravail, le travail à distance, le fractionnement du repos quotidien.
En tout cas, il était temps qu’une concertation ait lieu, puisque le dernier ANI remontait à 2006, il y a dix ans !
Monsieur Vera, maintenez-vous cet amendement malgré les deux avis défavorables ?
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 26 est adopté.
L'amendement n° 376, présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher, est ainsi libellé :
Après l’article 26
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la première phrase de l’article L. 1222-11 du code du travail, les mots : « ou en cas de force majeure » sont remplacés par les mots : «, en cas de force majeure ou en cas de pic de pollution mentionné à l’article L. 223-1 du code de l’environnement ».
La parole est à M. Jean Desessard.
Une étude publiée mardi 21 juin par l’agence Santé publique France a révélé que, avec au moins 48 000 victimes par an, les polluants atmosphériques constituent une préoccupation de santé publique majeure. Jamais une étude aussi précise n’avait été disponible.
Je vous rappelle également que notre assemblée s’est penchée sur ce problème. Je pense bien sûr au rapport de ma collègue Leila Aïchi sur le coût économique et financier de la pollution de l’air.
Ces deux études parmi tant d’autres soulignent qu’il y a urgence à agir, et le présent texte nous en donne l’occasion. Aussi, nous vous proposons de faciliter le télétravail en cas de pic de pollution.
Cette mesure simple est de nature à limiter significativement le nombre de trajets quotidiens. Les déplacements pendulaires dans les grandes agglomérations, notamment en voiture, sont en effet une source majeure de polluants atmosphériques. Au demeurant, ce moyen réactif et efficace s’insère de manière cohérente dans la lettre de l’article L. 1222–11 du code du travail, puisqu’il vise à garantir la santé des salariés.
Mes chers collègues, l’enjeu de santé publique auquel nous tentons de répondre avec notre proposition dépasse les clivages partisans. Je vous invite donc à voter cet amendement dans l’intérêt de la défense de l’environnement et, surtout, de la santé de nos concitoyens.
Malgré une difficulté de mise en œuvre, cet amendement constitue une approche intéressante, mais je ferai remarquer à ses auteurs que la rédaction actuelle de l’article L. 1222–11 du code du travail n’interdit pas le recours au télétravail en cas de pic de pollution, qui peut être considéré comme une circonstance exceptionnelle.
Il appartient donc au pouvoir réglementaire de définir ces circonstances exceptionnelles. Un décret était prévu. Ainsi, l’amendement serait satisfait si le Gouvernement voulait bien intégrer cet élément dans le décret à venir.
Je sollicite donc le retrait de l’amendement, faute de quoi j’y serai défavorable.
J’invite aussi M. le sénateur Jean Desessard à retirer son amendement, car je m’engage ici, devant le Sénat, à ce que les pics de pollution soient clairement identifiés dans le décret.
Il y a bien évidemment un lien entre le télétravail et le déplacement motorisé des salariés. De nombreux accords mentionnent déjà des circonstances exceptionnelles, comme les pandémies ou les grèves dans les transports collectifs, mais établir aujourd’hui une liste de cas particuliers dans lesquels il est recommandé de développer le télétravail relève plus du niveau réglementaire que du niveau législatif.
Si je comprends bien, madame la ministre, monsieur le rapporteur, vous souhaitez tous deux que je retire mon amendement, Mme la ministre s’engageant à le reprendre dans le décret précisant la liste des circonstances favorisant le recours au télétravail.
L’amendement n° 376 est retiré.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.