La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt et une heures trente-cinq.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires traite d’un sujet de la plus grande importance, à de multiples égards.
On observe une attente de plus en plus forte des usagers concernant les services publics, s’agissant en particulier du principe de continuité du service public. Le service public est soumis à une exigence de qualité croissante. Les fonctionnaires, quant à eux, sont des acteurs majeurs de la vie publique, dans la mesure où ils servent l’intérêt général. Enfin, le consentement des contribuables à l’impôt se révèle de plus en plus difficile à obtenir. En plus d’être performants et ambitieux, les services publics d’aujourd’hui et de demain doivent représenter un coût raisonnable pour nos finances publiques.
L’examen et l’adoption de ce projet de loi sont particulièrement attendus, car, au-delà de l’intérêt qu’il présente, il répond à une attente forte. En effet, le rôle de l’État se renouvelle. L’État gendarme a laissé place à l’État providence, qui est lui-même en train de laisser place à l’État stratège, ce que l’on regrette parfois.
Corrélativement, naissent donc des craintes nouvelles pour les usagers, les contribuables, ainsi que les fonctionnaires, craintes auxquelles il est de notre devoir de législateur d’apporter des réponses. Nous ne siégeons pas ici en tant qu’employeurs, même si nombre d’entre nous l’ont été, ou usagers, mais en tant que défenseurs de l’intérêt général sur l’ensemble du territoire.
Ce renouvellement de la conception de l’État questionne, par ricochet, la définition de l’intérêt général. Cette dernière influence la déontologie, les droits et obligations des fonctionnaires.
En effet, si on considère que l’intérêt général transcende les intérêts particuliers, alors la question du conflit d’intérêts n’a pas lieu d’être ou ne se posera jamais. En revanche, si on considère que l’intérêt général est constitué de la somme des intérêts individuels ou bien de l’intérêt majoritaire ou encore de l’intérêt du plus influent, la question du conflit d’intérêts trouve toute sa place et doit requérir la plus grande vigilance.
Interroger la définition de l’intérêt général se révèle pertinent à l’heure où le pouvoir des lobbies, quels qu’ils soient, est de plus en plus grand.
Cette question doit également être resituée dans son contexte.
D’une part, on assiste aujourd'hui à une judiciarisation croissante de notre société. La fonction publique n’est pas épargnée par ce phénomène. Cela entraîne une réflexion sur l’idée de déontologie. Certains faits ont donné naissance à des scandales pouvant expliquer parfois une certaine défiance à l’égard de certains fonctionnaires. Mais ne faisons pas de généralités : la quasi-totalité des fonctionnaires sont des personnes très scrupuleuses, soucieuses de l’intérêt général. Dans le contexte actuel, il devient important de redonner confiance en la fonction publique et de rassurer tous ceux qui la servent.
D’autre part, on constate une place nouvelle de l’argent et du matérialisme. Celle-ci influe sur la définition de l’intérêt général et surtout sur les craintes nouvelles dont peuvent faire l’objet les fonctionnaires.
Quel que soit le fruit de ces réflexions, les écologistes posent l’objectif clair, net et précis d’une fonction publique transparente, où les pratiques professionnelles ne sont pas discutables ! En ce sens, l’objectif du projet de loi dont nous discutons ce soir est très louable.
Nous partageons la volonté du Gouvernement de réaffirmer les valeurs qui guident l’action publique et de clarifier les règles déontologiques. De la même manière, eu égard à notre attachement au service public, nous ne pouvons qu’appeler de nos vœux un service public de grande qualité. Seulement, pour être atteints et devenir effectifs, ces objectifs ne doivent pas seulement être inscrits dans la loi. Tout comme les valeurs, ils doivent être intériorisés par les fonctionnaires. Cette intériorisation, cette appropriation ne peut intervenir par la seule magie de la loi.
La formation joue ici un rôle majeur. Sur ce sujet, Antony Taillefait, professeur de droit public à l’université d’Angers, spécialiste de la déontologie, écrit qu’« un régime des conflits d’intérêts, une action de donneur d’alerte ne peuvent avoir d’effectivité complète que s’ils s’inscrivent dans une transformation de la culture administrative. […] La formation initiale et continue des agents publics est donc déterminante pour assurer l’effectivité des régimes de conflits d’intérêts. Or, dans les administrations, des coupes claires ont été effectuées dans les budgets destinés à la formation. […] Au surplus, le contenu de cette formation, lorsqu’elle subsiste, est trop souvent techniciste alors qu’elle devrait être une formation culturelle. »
Je partage totalement cette position. À titre d’illustration, le présent projet de loi met en place des référents-déontologues. Si je salue l’idée, je déplore que ne soient envisagées ni la question de leur formation ni celle de leurs compétences.
Au-delà de la question de la culture administrative, sur le fond, certains points attirent particulièrement notre attention.
Le devoir de réserve doit selon nous rester uniquement jurisprudentiel et ne doit pas être inscrit dans la loi. Tant que nous vivrons dans une démocratie, tout ira bien, mais si nous devions demain changer de régime, cela serait très dangereux. Voyez ce qui se passe en Turquie !
L’intérim doit à nos yeux être uniquement réservé à la fonction publique hospitalière. Cela nous semble important.
Ensuite, il faut un droit disciplinaire soucieux du principe de sécurité juridique et des droits de la défense, un meilleur suivi des lauréats aux concours de la fonction publique territoriale, ainsi qu’une protection rigoureuse des lanceurs d’alerte.
Pour conclure, madame la ministre, je salue la volonté que traduit ce texte et la ténacité qui a été la vôtre pour l’élaborer dans un contexte difficile, mais j’attire votre attention sur le fait qu’un texte vertueux demeurera une déclaration d’intention si les textes réglementaires qui l’accompagnent ne sont pas rapidement pris, comme en témoigne l’exemple de la loi relative à l’indépendance de l’expertise en matière de santé et d’environnement et à la protection des lanceurs d’alerte, dite « loi Blandin », dont les décrets d’application n’ont été publiés qu’après plus d’un an. Quant à la fameuse commission ad hoc prévue, elle n’existe toujours pas. À cet égard, je compte sur vous, madame la ministre !
M. René Vandierendonck applaudit.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le présent texte étend le champ de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique aux fonctionnaires des directions des trois fonctions publiques, aux responsables des cabinets des conseils régionaux, départementaux ou assimilés, aux directions des établissements publics de coopération intercommunale et des communes de plus de 20 000 habitants, ainsi qu’aux membres des juridictions administratives et financières – selon un régime spécial, noblesse oblige !
Il rappelle aussi, ce qui n’est pas vraiment une révélation, que « le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, réserve, intégrité et probité », qu’il est tenu à l’obligation de neutralité et qu’il « exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité ». Comme on sait, ce qui va sans le dire va mieux en le disant, même si la portée législative de ces principes m’échappe un peu…
Toute bonne loi se devant d’être « équilibrée », à obligations nouvelles, droits nouveaux, d’où diverses dispositions destinées à favoriser le dialogue social, à renforcer la protection fonctionnelle des fonctionnaires et les garanties disciplinaires dont ils peuvent bénéficier, à améliorer la situation des agents contractuels, notamment en matière de prise en compte de l’ancienneté acquise. En outre, l’Assemblée nationale a ajouté plusieurs dispositions répondant aux problèmes spécifiques de diverses catégories de fonctionnaires.
En matière de cumul des activités, le texte n’apporte pas vraiment de clarifications à une doctrine traditionnelle plutôt floue. Le dilemme demeure : le principe – « Le fonctionnaire consacre l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées. Il ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. » –est assorti d’une liste impressionnante de dérogations. L’interrogation est toujours la même : s’agit-il de faire profiter la société des talents des fonctionnaires ou de compenser la faiblesse notoire de leur rémunération ?
Pour ceux qui en douteraient, je donnerai l’exemple des enseignants français – il est dommage que Mme Vallaud-Belkacem soit partie –, qui, selon un récent rapport de l’OCDE, figurent parmi les moins bien payés des pays membres de cette organisation et qui, depuis l’année 2000, ont même vu leur salaire baisser de 11 % en monnaie constante pour les enseignants du primaire et de 10 % pour ceux du collège, ce qui est un record absolu à l’échelle de l’OCDE !
Ces grandes lignes étant rappelées, la grande majorité des membres du groupe RDSE n’a pas vu de raison de s’opposer au vote de ce texte.
Personnellement, et à l’instant « t », j’en vois une majeure : n’ayant pas voté la loi du 11 octobre 2013 et ayant expérimenté la façon dont elle est appliquée, je ne suis pas convaincu que créer 20 000 assujettis de plus à une déclaration d’intérêts et 4 000 de plus à une déclaration de patrimoine soit suffisant pour réconcilier l’opinion publique avec les sommets de l’État.
Pour parodier Houellebecq, je dirai que je ne vois pas l’avantage que tirera le pays de cette extension du domaine du soupçon généralisé et du contrôle politique par un organisme administratif dont le président est nommé par l’Élysée, siège de presque tous les pouvoirs en cette Ve République finissante, et donc de toutes les tentations, comme on a pu le constater.
Sauver les apparences sans toucher au système de pouvoirs qui rend possibles les maux que l’on prétend combattre, détourner les regards de l’opinion publique, créer l’apparence d’un ordre moral : telle a toujours été la fonction des croisades moralisatrices.
Ainsi, d’affaire Woerth en affaire Cahuzac, plutôt que de se préoccuper des moyens d’application effective du code pénal, on s’est focalisé sur le « conflit d’intérêts », notion mi- morale, mi-juridique, plus facile à définir qu’à établir. Il est clair que « conflit d’intérêts », cela vous a quand même une autre allure que le « trafic d’influence » ou la « prise illégale d’intérêts » figurant dans le code pénal…
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Il n’y a pas de fumée sans feu !
Sourires.
Selon la définition donnée par la loi relative à la « transparence », « influencer » ou « paraître influencer » l’exercice d’une fonction, c’est la même chose. L’interférence entre divers intérêts publics – comme si l’intérêt public était divisible ! – est aussi répréhensible que l’interférence entre intérêts publics et intérêts privés. Par parenthèse, c’est une confusion que ne fait pas le rapport Sauvé, intellectuellement plus rigoureux que les textes législatifs qu’il a inspirés.
Constatons aussi que, si le champ d’intervention – en extension et en compréhension – de la toute puissante Haute Autorité pour la transparence de la vie publique et, concurremment, de l’administration fiscale en matière de contrôle des patrimoines ne cesse de s’étendre, les procédures de la Haute Autorité ne sont toujours pas, malgré cela, encadrées et se développent dans les faits sans limite de temps. Quant à ses décisions, on cherche les voies de recours. Plusieurs amendements que j’ai déposés avec des collègues ont précisément pour objet de supprimer ces entorses à l’État de droit.
Mon vote personnel sera déterminé par les progrès que ce texte permettra de faire sur ces questions tout à fait essentielles.
Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe écologiste. – M. René Vandierendonck applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, permettez-moi de commencer mon intervention par une remarque sur le recours à la procédure accélérée pour l’examen de ce texte.
Il est tout de même étonnant qu’une telle procédure soit mise en œuvre pour un projet de loi déposé en juillet 2013 et dont le Gouvernement n’avait jamais demandé l’inscription à l’ordre du jour auparavant. §Aucune urgence ne motive cette nouvelle atteinte au travail parlementaire.
Cela est même totalement incompréhensible si l’on considère qu’il s’agit du premier, et sans doute du dernier texte législatif portant sur la fonction publique que le Gouvernement soumettra au Parlement d’ici à la fin de la mandature.
Le statut des fonctionnaires, qui concerne directement plus de 5 millions d’agents et, plus largement, leurs familles, ainsi que l’ensemble de la population, mérite mieux qu’un débat raccourci et finalement bâclé.
Dans le climat actuel de stigmatisation permanente des fonctionnaires et au moment du trentenaire des lois portant statut général des fonctionnaires, présentées à l’époque par Anicet Le Pors, nous étions en droit d’attendre un tout autre texte.
Nous pouvions espérer un texte confortant la place et le rôle du service public dans notre société et renforçant les garanties statutaires, en commençant par le retrait de toutes les mesures prises par la droite ces dernières années qui ont fragilisé l’édifice statutaire.
Il est d’ailleurs à noter que, le jour où nous entamons l’examen de ce texte, les fonctionnaires se sont mobilisés à l’appel de plusieurs syndicats pour défendre leur pouvoir d’achat. Je tiens à leur exprimer le soutien de notre groupe.
Nous savons que leurs nombreuses préoccupations trouvent peu d’échos dans ce projet de loi. Nous savons aussi que d’importantes négociations ont été menées, madame la ministre, et que vous en menez encore.
Cela dit, la plupart des sujets évoqués ne trouveront une réponse éventuelle que d’ici à quelques mois. En une mandature, peu de choses auront réellement bougé ; on peut le regretter.
Certes, le texte qui nous est présenté aujourd’hui contient de nombreuses dispositions utiles au regard de la lutte contre les conflits d’intérêts, de la déprécarisation d’agents publics au statut incertain, de l’apport de nouvelles garanties dans certaines circonstances et de la promotion du dialogue social.
Cependant, le risque d’installation d’une fonction publique low cost reste présent, en particulier pour les versants territorial et hospitalier. Bon nombre de fonctionnaires ne disposent toujours pas pleinement de leur statut, du fait des fonctions qu’ils occupent dans certains organismes, telles les diverses autorités administratives créées ces dernières années.
Tel qu’il est présenté aujourd’hui, ce texte est devenu un projet de loi relatif à diverses mesures portant sur les droits et obligations des fonctionnaires, plutôt qu’un texte ambitieux fondant ou refondant un engagement politique fort en faveur d’une fonction publique démocratisée, ouverte et dynamique, au service de l’intérêt général.
En effet, il ne s’agit pas ici de modifier la convention collective de la fonction publique.
Le statut est un ensemble de garanties, non pas au seul bénéfice des agents, mais à celui de l’ensemble de notre société, de l’ensemble des citoyens, qui ont ainsi l’assurance de disposer, sur l’ensemble du territoire, de services publics accessibles et de qualité, de nature à répondre à leurs besoins. Ils ont ainsi la garantie du total respect des valeurs de la République dans la mise en œuvre des politiques publiques. Tel est le sens du pacte républicain que nous devons à nos concitoyens.
En ces temps troublés, c’est aussi une garantie pour notre cohésion nationale et un gage d’efficacité au service de tous, comme nous venons de le voir au travers des événements tragiques que nous avons traversés.
Cette disponibilité, cet engagement au service de l’ensemble de nos concitoyens, sans discrimination d’aucune sorte, sont la marque d’une fonction publique que nous devons préserver.
On oublie bien souvent cet aspect du statut, qui est autant un ensemble de garanties en faveur des agents publics que l’assurance, pour les pouvoirs publics, de disposer des agents nécessaires à la mise en œuvre de leurs politiques. Ce statut représente aussi la garantie, pour chaque citoyen, de disposer d’une administration au service de l’intérêt général, respectueuse des principes républicains.
Aussi apprécions-nous les dispositions contenues dans ce texte visant à lutter contre les conflits d’intérêts, qui sont de nouveaux marqueurs au service de cet engagement. Pour s’appliquer, ces nouvelles règles devront en bousculer bien d’autres, non écrites, tenant à des fonctionnements hiérarchiques parfois trop pesants, sans parler de pratiques institutionnalisées qui font trop souvent d’un fonctionnaire l’exécutant d’une administration très hiérarchisée, et trop peu souvent un citoyen fonctionnaire agissant en pleine responsabilité.
Compte tenu de l’ensemble de ces remarques, vous comprendrez, madame la ministre, que nous ayons déposé plusieurs amendements.
Ainsi, pourquoi vouloir ajouter, dès l’article 1er, l’obligation de dignité à celles d’impartialité, d’intégrité et de proximité ? Peut-être l’auteur du texte s’est-il laissé influencer par les turpitudes d’un ancien ministre du budget, mais il faut se méfier des amalgames.
Nous serons particulièrement attentifs à la situation des contractuels. Il convient de lutter contre la précarité qu’ils subissent, en étendant le champ des dispositions de la loi Sauvadet.
Nous rejetterons aussi la remise en cause des restrictions au droit de grève persistant dans notre législation.
Enfin, nous serons vigilants à l’égard des amendements défendus par la majorité sénatoriale, craignant que les sénateurs de droite ne saisissent l’occasion de ce texte pour fragiliser la situation des fonctionnaires.
Pour conclure, nous regrettons que certains de nos amendements portant sur le droit de grève et sur les libertés syndicales aient été jugés irrecevables, au nom des dépenses que leur adoption entraînerait. C’est faire, à notre avis, peu de cas des libertés démocratiques. Aussi notre vote final dépendra-t-il de la teneur de nos débats et des modifications éventuelles qui seront apportées au texte.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le Sénat examine aujourd'hui le seul projet de loi de notre législature pleinement consacré aux quelque 5, 4 millions d’agents qui sont au cœur de notre République, car chargés de l’exécution même du service public, comme l’année 2015 l’a tragiquement rappelé.
Je tiens à remercier le Gouvernement, et vous tout particulièrement, madame la ministre, pour la concertation menée avec les organisations syndicales. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle a duré !
Je salue le travail important de la rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Françoise Descamps-Crosnier, qui a profité du temps de la concertation pour faire évoluer le texte.
Cela m’amène à mettre tout spécialement en lumière le travail de notre rapporteur, M. Vasselle, qui, dans un délai extrêmement resserré, a pris le temps d’écouter, d’organiser des auditions. Ce matin, la commission des lois a examiné 180 amendements… Je le dis à l’adresse de ceux qui s’étonneraient que nos travées soient quelque peu clairsemées : il ne faut pas tomber dans la caricature.
Ce texte a donc pour ambition de lutter contre les représentations fausses qu’encore trop facilement les gens se font de l’engagement des fonctionnaires. Rappelons que six années de gel du point d’indice représentent une économie budgétaire de 7 milliards d'euros.
Le Premier ministre serait peut-être bien avisé de conclure un accord avec l’Association des maires de France pour étaler la diminution des dotations de l’État aux collectivités territoriales sur une durée plus longue.
M. le président de la commission des lois a bien voulu mettre en œuvre une mission sénatoriale de contrôle et d’évaluation de la réforme territoriale, dont les co-rapporteurs sont Mathieu Darnaud et votre serviteur. Je ne l’en remercierai jamais assez. Les fonctionnaires territoriaux que nous rencontrons sur le terrain nous font part de leurs inquiétudes quant au maintien de leur régime indemnitaire dans le cadre de la fusion des régions, par exemple. Je leur rappelle alors que, au Sénat, nous nous sommes battus pied à pied, avec Jean-Jacques Hyest, pour la garantie du maintien des avantages individuels. Néanmoins, les agents se demandent quelles seront les incidences de la création des nouvelles collectivités territoriales. Il est évident qu’il ne suffit pas de leur dire, comme on le fait ici au Sénat, qu’on leur a donné une garantie de carrière, mais pas une garantie d’emploi.
Il s’agit d’être tout à fait concrets et de mettre en œuvre de véritables accords sur les carrières.
Ces préoccupations ne sont pas le monopole du groupe socialiste et républicain : d’autres se sont exprimés en ce sens ce matin en commission.
Je tiens à souligner, monsieur le rapporteur, votre art consommé de la recherche du compromis.
Sourires.
Sourires.
Je remercie Pierre-Yves Collombat d’avoir cité le rapport Sauvé, très éclairant sur la question de la déontologie.
Je ne mésestime absolument pas l’accord relatif aux parcours professionnels, aux carrières et aux rémunérations, madame la ministre, mais il faut vraiment accompagner de très près sa mise en œuvre dans les collectivités territoriales, car elle soulève des préoccupations fondamentales. S’il n’y avait pas eu des élections régionales au mois de décembre, des commissions paritaires se seraient réunies dans tous les conseils régionaux de France et de Navarre et auraient accordé, à six mois de la retraite, leur « bâton de maréchal » – en d’autres termes un avancement au choix – à un certain nombre de personnes pour récompenser leurs services. Quand ces commissions se tiendront-elles ? Mystère et boule de gomme !
Sourires.
En conclusion, je sais gré à M. le président de la commission des lois et à M. le rapporteur de nous avoir écoutés sur une grande partie des amendements déposés par le groupe socialiste et républicain.
Il me semble que la démocratie locale gagnerait à ce que le bilan social fasse l’objet d’un débat annuel devant l’organe délibérant de la collectivité, sur le modèle du débat d’orientation budgétaire. Cela ne manquerait pas d’allure. Dans cette période où l’on s’apprête à revoir la Constitution, il est bon de rappeler que les collectivités s’administrent par des organes élus au suffrage universel direct. Il ne serait donc pas anormal que, une fois par an, on dresse un bilan sur les ressources humaines des collectivités. On pourrait ainsi, par exemple, mettre en exergue si telle collectivité a dû embaucher des intérimaires pour répondre à une situation d’urgence ou si elle a respecté le plan Sauvadet sans chercher à le diluer.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – MM. Pierre-Yves Collombat et Jean-Marc Gabouty applaudissent également.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, le statut général des fonctionnaires, constitué entre 1983 et 1986, a déjà été modifié 212 fois…
Le Gouvernement, par la voix de Mme Lebranchu, nous a expliqué en quoi il était nécessaire d’adopter une loi relative à la déontologie, aux droits et obligations des fonctionnaires. M. le rapporteur Alain Vasselle, que je remercie pour son excellent travail, nous a précisé les grandes lignes du texte et la position adoptée par la commission des lois.
Concernant l’émergence d’un nouveau dispositif déontologique, la perte des repères et des valeurs que connaît notre société rend indispensable la réaffirmation des principes de la fonction publique.
Le déclin de l’autorité parentale, l’affaiblissement de l’argumentation et de la réflexion qu’entraîne la dictature de l’immédiateté des réseaux sociaux et le développement du communautarisme ont abouti à des dérives en matière de dignité, d’impartialité, d’intégrité, de probité, de neutralité et, évidemment, de laïcité. En cela, ce projet de loi est nécessaire.
À l’instar de la commission des lois, j’y ajouterai aussi le devoir de réserve, un agent public étant tenu de s’exprimer avec tact et discernement.
Les nombreux droits octroyés pour la protection des fonctionnaires ne doivent pas occulter le fait qu’ils sont également assortis d’obligations.
Cependant, ces obligations, rappelées ou nouvelles, ne doivent pas porter atteinte à la vie privée. En ce sens, le dispositif qui prévoyait de verser la déclaration d’intérêts au dossier du fonctionnaire est écarté.
De même, l’envoi de la déclaration de situation patrimoniale par les fonctionnaires qui seront concernés devra intervenir dans les deux mois suivant leur nomination, plutôt que d’être demandée à tous les candidats au poste.
En revanche, la déclaration d’intérêts demeure nécessaire avant la nomination, pour que l’employeur puisse connaître d’une éventuelle contre-indication avant de prendre sa décision.
Afin de contrôler les déclarations, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique sera dotée des mêmes prérogatives que celles dont elle dispose à l’égard des responsables politiques. En outre, la commission de déontologie verra ses prérogatives renforcées et ses compétences élargies.
Comme M. le rapporteur l’a rappelé tout à l’heure, je me permettrai de présenter un amendement sur ce sujet, tendant à ce que la commission de déontologie devienne une section de la Haute Autorité, afin de garantir à terme davantage de lisibilité, de transparence et d’efficience. Je sais que cette proposition fera débat, comme ce fut le cas ce matin en commission.
La commission des lois a assoupli le texte du Gouvernement en matière de cumul d’emplois publics. En effet, si l’interdiction doit demeurer la règle, la limitation drastique des dérogations mettrait les employeurs et les agents en difficulté. Par exemple, un fonctionnaire doit avoir la possibilité de cumuler, pour un temps limité, son activité avec la création d’une entreprise. Ce cumul peut participer à la valorisation des agents publics et constituer une source de revenus complémentaires dans un contexte de gel du point d’indice : un fonctionnaire à temps complet ne doit donc pas être interdit « par principe » de créer sa propre entreprise en dehors des heures de travail.
Concernant les droits des agents publics, il est absolument anormal, en matière de droit au reclassement des fonctionnaires, qu’un fonctionnaire placé en disponibilité d’office pour raison médicale soit privé du bénéfice de ce principe général du droit. Je propose de mettre fin à cette discrimination, pour que ces fonctionnaires puissent exercer toute activité ordonnée et contrôlée médicalement au titre de la réadaptation, conformément à une proposition de la Fédération nationale des centres de gestion et de l’Association nationale des directeurs de centre de gestion.
En matière disciplinaire, il est regrettable que, sous prétexte d’harmoniser les trois fonctions publiques, on veuille imposer qu’une sanction de un à trois jours d’exclusion devienne une sanction du deuxième groupe, systématiquement soumise au conseil de discipline. Mme la ministre a argumenté que cette mesure aurait un impact très important pour l’agent concerné. Il perdrait en effet de 3 % à 10 % de son salaire mensuel. La modification de cette disposition entraînerait une multiplication des réunions du conseil de discipline, des dépenses conséquentes pour les collectivités – je rappelle qu’une séance du conseil de discipline coûte environ 1 200 euros –, une dilution dans le temps de l’application de la sanction – il faut un certain temps pour réunir le conseil de discipline –, et elle pourrait avoir comme effet pervers de pousser les employeurs, tant qu’à passer devant le conseil de discipline, à prononcer une durée d’exclusion plus longue. Il faut donc bien y réfléchir.
Dans le même temps, le Gouvernement souhaite supprimer la présidence des conseils de discipline par un magistrat du tribunal administratif pour la fonction publique territoriale.
Là encore, la seule motivation est l’alignement des pratiques sur celles des deux autres fonctions publiques. Or, chers collègues, les commissions administratives paritaires de l’État sont-elles présidées par des élus ? Bien sûr que non ! Ainsi, on laisserait les élus locaux être juges et parties dans les conseils de discipline, dont le nombre sera démultiplié.
Il faut savoir aussi que cette mesure est proposée contre l’avis des employeurs, des organisations syndicales et des magistrats eux-mêmes, qui ont été consultés sur cette question et assurent l’impartialité de cette instance disciplinaire.
Le quinzième plan de titularisation des contractuels, dit « Sauvadet », sera prolongé jusqu’en 2018, voire 2020. Soit, mais soyons conscients des conséquences de celui-ci. Il n’éradiquera pas la présence des « vrais » contractuels, dont les employeurs ont besoin. En revanche, il siphonne le nombre de postes ouverts aux concours, qui, de ce fait, ne peuvent plus être organisés annuellement. Il fera cohabiter de plus en plus de fonctionnaires qui auront réussi de très sélectifs concours avec d’anciens contractuels qui auront seulement passé un entretien.
Alors que l’on n’a de cesse d’ouvrir la voie au recrutement de contractuels, et même directement de fonctionnaires en CDI, dans la seule fonction publique d’État – bizarrement, la volonté d’harmoniser les trois fonctions publiques ne joue plus en l’occurrence – et que l’on facilite leur « déprécarisation » par le biais de simples entretiens, il faut désormais se poser la question de la place et du rapport coût-utilité des concours, qui, me semble-t-il, étaient censés assurer un égal accès des citoyens à la fonction publique.
En effet, le concours doit demeurer la règle, sauf lorsqu’il ne représente qu’une formalité inutile, comme dans le cas des professions réglementées par un diplôme d’État. Devant les innombrables difficultés, voire l’impossibilité, pour les employeurs locaux de recruter des professionnels de la filière médico-sociale titulaires de diplômes d’État, tels les médecins ou les auxiliaires de puériculture, il conviendrait d’être pragmatique et de permettre le recrutement direct de ces professionnels. C’est un vrai sujet.
Permettez-moi, à ce stade de la discussion générale, d’aborder trois thèmes tenant au renforcement de l’exemplarité de la fonction publique.
Premièrement, dans l’attente de la remise du Livre blanc sur le temps de travail dans la fonction publique qu’a commandé Mme la ministre au président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, le CSFPT, Philippe Laurent, et devant l’augmentation dramatique et ininterrompue de l’absentéisme dans la fonction publique, nous appelons au rétablissement de un à trois jours de carence, seule mesure qui avait fait baisser le nombre des arrêts maladie courts lors de sa trop brève existence. En effet, les statistiques du courtier en assurances Sofaxis prouvent que le nombre des seuls arrêts maladie d’une journée avait chuté de plus de 62 % entre 2011 et 2013 dans les collectivités locales comme dans les hôpitaux, corrélativement à une baisse de la durée moyenne des arrêts.
J’ajouterai même que, afin d’éviter toute discrimination avec le secteur privé, cette mesure devrait s’y appliquer de la même façon, et même être assortie de l’interdiction d’une prise en charge par les mutuelles ou les employeurs.
Deuxièmement, 1 550 collectivités utilisent la possibilité que la loi de 1984 leur a laissée de maintenir un temps de travail inférieur à la durée légale. Nous vous proposerons de mettre fin à cette disposition, qui ne respecte pas la durée légale du travail, fixée à 35 heures hebdomadaires.
Troisièmement, dans le même ordre d’idées, la décharge de fonctions des emplois fonctionnels territoriaux ou des suppressions d’emplois entraînent la gestion de « fonctionnaires momentanément privés d’emploi ». Si la majeure partie d’entre eux, fort heureusement, retrouvent du travail, accompagnés par le Centre national de la fonction publique territoriale, le CNFPT, ou les centres de gestion, les CDG, une minorité ne joue pas le jeu, ce qui peut engendrer des coûts de plusieurs centaines de milliers d’euros pour les employeurs. Je suis confrontée à des situations de ce genre dans le centre de gestion que je préside.
Je présenterai une mesure afin de limiter ces dérives. J’avais proposé également la mise à la retraite d’office de ces agents lorsqu’ils remplissent les conditions minimales pour ce faire. Cette proposition a été rejetée au titre de l’article 40 de la Constitution, alors que, en réalité, sa mise en œuvre n’aurait généré aucune dépense supplémentaire, mais au contraire des économies pour les collectivités, à qui il est demandé par ailleurs de limiter leurs dépenses de fonctionnement.
Concernant la fluidité de la gestion des ressources humaines, le Gouvernement estime les élus locaux assez responsables pour présider les conseils de discipline, mais pas suffisamment pour recruter leurs agents de catégorie C sur le grade de base. Il souhaite donc instaurer des « comités de sélection ». On nous dit que les recrutements directs représentent 3, 5 % des nouveaux fonctionnaires de l’État, mais sont majoritaires dans la fonction publique territoriale. On oublie simplement de préciser que les agents de catégorie C représentent 20 % des effectifs de la fonction publique d’État et 75 % de ceux de la fonction publique territoriale…
Si une suspicion pèse sur les élus locaux, cela est grave, car cela signifie que 75 % des fonctionnaires territoriaux, soit plus d’un million d’agents, ont pu être recrutés sur d’autres critères que celui de leurs compétences ! On se demande, dès lors, qui trouvera grâce aux yeux du Gouvernement pour constituer lesdits comités de sélection.
Nous pensions naïvement que le droit du travail était trop rigide dans ce pays, mais nous nous apercevons finalement que l’on peut arriver à le rendre encore plus complexe.
Concernant l’allongement de la durée de validité des listes d’aptitude des lauréats de concours, je peux vous affirmer, en tant que présidente d’un des centres de gestion qui organisent le plus de concours, que c’est une fausse bonne idée. À titre d’exemple, lorsqu’on examine les chiffres nationaux du concours d’attaché de 2010, dont les listes d’aptitude ont expiré en mai 2014, 64 % des lauréats ont été recrutés la première année, 12 % la deuxième année et 5 % la troisième année. Ils sont 11 % à ne pas avoir demandé leur réinscription, ce qui laisse 9 % de « reçus-collés ». Après les avoir tous contactés, il s’avère que la moitié d’entre eux n’avait fait aucun acte de candidature. Le vrai taux de « reçus-collés » s’établit donc à moins de 5 %.
Voilà l’exemple type d’une « mesurette » qui donnera un inutile espoir aux candidats aux concours et rendra plus complexe le suivi des lauréats.
Enfin, il est louable que la commission des lois ait maintenu la faculté de recourir au travail intérimaire dans les trois fonctions publiques, faculté bien utile aux employeurs.
Je terminerai en évoquant les dispositions visant à la poursuite de la réforme des centres de gestion.
On parle beaucoup aujourd’hui de mutualisation, mais je souligne que les centres de gestion la pratiquent à un niveau départemental depuis plus de trente ans. Le plus grand reproche qui doit leur être fait, comme l’a souligné un récent rapport de l’Inspection générale de l’administration remis à Mme la ministre, tient à la disparité des missions qu’ils exercent d’un département à l’autre. C’est pourquoi un renforcement de leurs missions mutualisées à un niveau régional serait un minimum.
Comment comprendre que le Gouvernement s’oppose aux observatoires régionaux de l’emploi, qui existent déjà et sont les seuls à pouvoir agréger les statistiques de l’emploi dans la fonction publique territoriale ? Le Gouvernement se retranche derrière l’argument selon lequel le CNFPT peut assurer cette mission, mais cet argument n’est pas recevable, puisque cet organisme n’exerce que des missions liées à la formation !
Comment comprendre que le Gouvernement s’oppose à ce que les centres de gestion assurent des missions administratives, organisationnelles ou de gestion pour le compte des collectivités qui le leur demandent ? S’ils le font déjà à la requête des communes rurales, mais aussi des intercommunalités, c’est parce que l’État a disparu du paysage et parce qu’ils assurent une assistance juridique, informatique ou urbanistique au meilleur rapport coût-efficacité.
Dans le département du Rhône – exemple que je connais le mieux –, le centre de gestion propose aux employeurs locaux une assistance juridique non statutaire depuis 1992 : 231 collectivités adhèrent à ce service facultatif, pour un coût moyen de 1 800 euros par an et plus de 3 000 questions résolues. À titre d’exemple, la préfecture elle-même a sollicité ce service pour coorganiser les réunions d’information préalables aux dernières élections municipales.
On nous objectera que c’est le rôle de l’intercommunalité, mais alors, privilégier le territoire d’une intercommunalité plutôt que celui d’un département, j’appelle cela de la démutualisation !
Enfin, la loi Sauvadet a créé, en 2012, un socle commun de compétences que les centres de gestion proposent facultativement aux collectivités non affiliées d’exercer.
En 2013, déjà plus de 60 % des collectivités non affiliées adhéraient à ce socle, qui leur assure notamment la gestion des commissions de réforme et comités médicaux, transférée par l’État aux centres de gestion pour leurs collectivités affiliées sans transfert de ressources. Ce socle pourrait être enrichi de l’organisation de tous les concours – à l’exception des concours de la catégorie A+, qui relèvent du CNFPT –, sans aucune dépense nouvelle pour les collectivités non affiliées, puisqu’elles assument déjà le financement.
La pérennité de l’organisation de ces missions aurait pu être assurée par l’adhésion de toutes les collectivités non affiliées à ce socle, ainsi que le recommandent les auteurs du rapport de mai 2014 de l’Inspection générale de l’administration, sachant que ces collectivités sont désormais fortement représentées dans les conseils d’administration des centres de gestion.
Là encore, le Gouvernement s’oppose à ces propositions de mutualisation en matière de gestion des ressources humaines.
Très sincèrement, je pense qu’il est regrettable de ne pas saisir l’occasion de renforcer les outils de mutualisation et de privilégier, au contraire, un émiettement des acteurs.
Voilà, madame la ministre, mes chers collègues, les quelques thèmes qu’il me semblait important d’aborder avant que nous n’entamions l’examen des articles de ce projet de loi, par ailleurs fort utile.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l'UDI-UC. – M. René Vandierendonck applaudit également.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ne sais si ce projet de loi sera l’unique texte de la mandature concernant la fonction publique… En tout cas, je veux vous en remercier, madame la ministre : je le trouve important et nécessaire et je ne doute pas qu’il sera, à la fin de nos travaux, un texte audacieux.
Ce projet de loi est important, car si les statuts de 1983, de 1984 et de 1986 tiennent toujours, près de trente ans plus tard, il convient de les moderniser sans cesse. Je rappellerai, à cet égard, les évolutions intervenues dans le domaine de la formation continue, à compter de 1989, de l’aménagement et du contrôle du temps de travail, à partir de 2000, des indemnités, en 2002, ou encore de la mobilité au travers de la loi de 2009.
Ce projet de loi est audacieux, car, en ces temps troublés où certains se permettent d’attaquer et de remettre en question le bien-fondé du statut des fonctionnaires, il apparaît à beaucoup d’entre nous comme un marqueur indispensable.
Ce projet de loi est nécessaire, enfin, car les attentes des fonctionnaires et des usagers sont grandes. Nous sommes, de ce point de vue, en train de vivre une journée particulière, marquée par l’expression de nombre de revendications qui ne peuvent nous laisser insensibles.
Il était temps d’y répondre ; oui au statut, mais le statu quo n’est plus possible.
Il est temps aujourd’hui de redonner du sens à l’action publique.
Il est temps d’assurer la confiance des citoyens dans les agents publics.
Il est temps de poursuivre la rénovation du cadre commun de gestion des trois versants de la fonction publique et de mieux gérer les ressources humaines, en définissant un cadre salarial plus motivant dans la durée et en assurant des parcours professionnels de qualité.
Beaucoup d’orateurs ont évoqué les questions de déontologie ; je voudrais, pour ma part, revenir sur quatre points qui me semblent importants.
Premièrement, je souhaite attirer l’attention sur la multiplicité des statuts particuliers dans la fonction publique territoriale. Alors que la loi de 1984, dont j’ai été le corapporteur à l’Assemblée nationale avec mon ami Guy Ducoloné, député communiste, avait prévu quinze statuts : ce chiffre est aujourd’hui largement dépassé, même si nous n’en sommes certes pas aux 1 200 statuts de la fonction publique d’État ! La création d’un trop grand nombre de statuts particuliers a finalement amené la dilution d’un certain nombre de responsabilités.
Deuxièmement, la fonction publique territoriale n’est souvent appréhendée que sous l’angle administratif. Nous avons, hélas ! tendance à oublier, dans nos débats et réflexions, la filière technique, qui peut pourtant apparaître comme la plus valorisante, parce que la notion d’encadrement y est plus forte et le salaire souvent meilleur.
Troisièmement, j’aborderai la thématique importante de l’évolution de carrière. Avec mes collègues du groupe socialiste et républicain, nous avons déposé un amendement tendant à rétablir l’article 24 G, qui porte à quatre ans la durée d’inscription sur la liste d’aptitude des lauréats des concours de la fonction publique territoriale. Ce dispositif doit permettre d’éviter beaucoup de déceptions à ceux qui ont réussi un concours et qui, au bout de deux ou trois ans, voient le fruit de leurs efforts réduit à néant.
Quatrièmement, il est nécessaire d’étudier à nouveau au fond la question de la mobilité entre les différents versants de la fonction publique.
En 1983, nous avions fait le choix de permettre à des agents de la fonction publique territoriale de passer à la fonction publique d’État, et inversement. Mais, trente ans après, on constate que 95 % des transferts se sont faits de la fonction publique d’État vers la fonction publique territoriale, et seulement 5 % dans l’autre sens ! Il est vrai que le volume des postes dans la fonction publique d’État est allé en s’amenuisant. De fait, le mécanisme de passerelle, qui était une avancée intelligente de la loi de 1983, ne fonctionne malheureusement plus. Peut-être aurez-vous l’occasion, madame la ministre, de vous exprimer sur ce point.
Pour conclure, j’observerai à regret que, chaque fois que l’on évoque la fonction publique, on pense aux fonctions publiques d’État et territoriale, en oubliant la fonction publique hospitalière. J’ai pour elle le plus grand respect. Je le dis avec force, nous n’avons jamais pris les mesures d’envergure nécessaires pour régler la question du temps de travail dans cette fonction publique.
Enfin, je soutiendrai résolument l’amendement du groupe socialiste et républicain tendant à rétablir le recours à l’intérim dans la fonction publique territoriale, qui va dans le bon sens.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste. – M. Pierre-Yves Collombat applaudit également.
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion du texte de la commission.
TITRE Ier
DE LA DÉONTOLOGIE
Chapitre Ier
De la déontologie et de la prévention des conflits d’intérêts
Le chapitre IV de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires est ainsi modifié :
1° L’intitulé est ainsi rédigé : « Des obligations et de la déontologie » ;
2° L’article 25 est ainsi rédigé :
« Art. 25. – Le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, réserve, intégrité et probité.
« Dans l’exercice de ses fonctions, il est tenu à l’obligation de neutralité.
« Le fonctionnaire exerce ses fonctions dans le respect du principe de laïcité. À ce titre, il s’abstient notamment de manifester, dans l’exercice de ses fonctions, ses opinions religieuses.
« Le fonctionnaire traite de façon égale toutes les personnes et respecte leur liberté de conscience et leur dignité.
« Il appartient à tout chef de service de veiller au respect de ces principes dans les services placés sous son autorité. Tout chef de service peut préciser, après avis des représentants du personnel, les principes déontologiques applicables aux agents placés sous son autorité, en les adaptant aux missions du service. »
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’ai une observation à faire à propos de l’article 1er. Celui-ci consacre certaines valeurs – au demeurant déjà reconnues par la jurisprudence –, qui fondent la spécificité de l’action des agents publics : la dignité, l’impartialité, l’intégrité, la probité, la neutralité et l’égalité de traitement.
Ces valeurs sont déjà énumérées dans la loi de 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et elles n’entraînent donc aucune observation de ma part.
En revanche, le présent projet de loi y ajoute la laïcité, principe déjà pris en compte par la jurisprudence, en application des articles 1er des Constitutions de 1946 et de 1958, disposant que la France est une République laïque.
Mais si la jurisprudence traite les problèmes au cas par cas, la loi, elle, s’applique à tout le monde. Or, l’Alsace-Moselle est placée sous le régime du concordat signé avec le Saint-Siège le 15 juillet 1801 et étendu ensuite aux églises réformées et au culte israélite. Ce régime a été maintenu par les autorités allemandes après 1871 et par la République française par la loi du 1er juin 1924.
Dans le régime local d’Alsace-Moselle, les ministres des trois cultes reconnus sont des salariés contractuels du ministère de l’intérieur ; ils sont donc financièrement pris en charge par l’État. On peut aussi noter que, en Guyane, les ministres du culte catholique sont financièrement pris en charge par le conseil départemental.
Certes, on ne peut pas dire que ces ministres des cultes sont des fonctionnaires à part entière, avec les devoirs et les droits attachés au statut de la fonction publique, mais n’y aura-t-il pas de bons apôtres de la laïcité pour évoquer une contradiction entre l’obligation qui sera faite à tous les fonctionnaires, lorsque la loi aura été votée, de respecter le principe de laïcité et la fonction de prêtre, de pasteur ou de rabbin salarié de l’État et intervenant aussi dans les écoles ou dans les hôpitaux ?
Je me devais de faire état de cette spécificité et des difficultés probables que posera l’application de cet article 1er, qui mentionne explicitement le principe de laïcité. Je souhaiterais, madame la ministre, que vous en teniez compte dans la réglementation qui suivra la promulgation de la loi. Je vous en remercie par anticipation.
Mme Catherine Troendlé, MM. Claude Kern, Philippe Mouiller et René Vandierendonck applaudissent.
L’amendement n° 34, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer le mot :
dignité,
La parole est à M. Christian Favier.
Par cet amendement, nous proposons de supprimer l’obligation de dignité à l’alinéa 4 de l’article 1er.
En effet, cette obligation renvoie de fait à une forme de devoir de moralité. L’instaurer permettrait de sanctionner un agent en cas de comportement, y compris dans sa vie privée, jugé indigne ou incompatible avec l’exercice d’une fonction publique.
Si comparaison n’est pas raison, il faut néanmoins noter que la dernière fois qu’une obligation de dignité a été imposée aux fonctionnaires, c’était par la loi du 14 septembre 1941, élaborée sous le régime de Vichy et abrogée par ordonnance en 1945.
Tout comme les obligations d’impartialité, d’intégrité, de probité, de neutralité ou de respect du principe de laïcité prévues à cet article du projet de loi, l’obligation de dignité d’un fonctionnaire est largement documentée par une importante jurisprudence, dans le cadre des obligations d’ores et déjà inscrites dans le statut des fonctionnaires. Nous pourrions d’ailleurs nous interroger sur la nécessité de les faire figurer dans le texte que nous examinons aujourd’hui.
En tout état de cause, nous souhaitons que l’obligation de dignité demeure jurisprudentielle, pour assurer une certaine souplesse dans l’appréciation de ce qu’elle peut recouvrir et permettre la prise en compte de l’évolution des esprits dans une matière aussi subjective.
Pour information, sachez qu’une demande de suppression de cette obligation a été adoptée à l’unanimité par les organisations syndicales lors des réunions du Conseil commun de la fonction publique des 27 juin 2013 et 18 mai 2015. En plein accord avec elles, nous vous demandons donc, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.
La commission des lois a exprimé un avis défavorable sur cet amendement, considérant que le principe de dignité est un principe républicain, ancré de longue date dans la jurisprudence administrative et garantissant l’exemplarité du service public.
Vous avez indiqué, monsieur Favier, qu’une demande de suppression de ce principe avait été approuvée à l’unanimité par les organisations syndicales lors des réunions du Conseil commun de la fonction publique des 27 juin 2013 et 18 mai 2015. Je ne doute pas un seul instant que Mme la ministre soit en mesure de vous expliquer pourquoi le Gouvernement a jugé nécessaire de le maintenir dans cet article.
Il s’agit de récrire le statut général des fonctionnaires, puisque nous ne disposons pas encore d’un code. Dans cette perspective, nous avons repris les mots qui y figurent. Nous avons longuement échangé avec les organisations syndicales, notamment sur la notion de dignité. Le fonctionnaire n’est pas un salarié comme les autres, car il porte les valeurs de la République ; son travail achevé, il reste fonctionnaire : le professeur qui sort de l’école reste professeur après avoir traversé la rue. Il m’a donc paru préférable de maintenir les principes qui avaient été retenus lors de la révision du statut de 1983.
En effet, notre volonté est bien d’affirmer que le fonctionnaire n’est pas un salarié comme un autre. Ce sujet est très difficile et je sais les interrogations qu’il suscite, mais, aujourd’hui plus que jamais, je fais une distinction très nette entre les élus et les fonctionnaires, dont le statut et les fonctions ne sont pas du tout de même nature. Autant je n’aurais pas fait figurer l’obligation de dignité dans un statut de l’élu, …
… autant l’inscrire dans la loi me paraît absolument défendable concernant les fonctionnaires. Les débats avec Anicet Le Pors avaient montré que cette notion trouvait un écho dans la population.
J’ai choisi de conserver ce mot. J’admets que ce choix puisse être discuté et je connais la position des organisations syndicales, mais, je le répète, le fonctionnaire n’est pas un salarié comme les autres.
Madame la ministre, je vous remercie de vos explications, qui ne m’ont cependant pas convaincu.
Tout d’abord, cet ajout ne résulte pas d’une demande émanant des fonctionnaires eux-mêmes ; aucune organisation syndicale ne l’a réclamée.
Pourquoi serions-nous plus exigeants à l’égard des fonctionnaires que nous ne le sommes parfois à l’égard de certains dirigeants de notre pays ? Lorsque l’on voit un Président de la République en short monter quatre à quatre les marches du perron de l’Élysée, la fonction présidentielle s’en trouve-t-elle valorisée ? Lorsqu’il répond « Casse-toi, pauv’con ! » à une personne lui ayant parlé un peu vivement, son comportement est-il « digne » ?
Je ne vois donc pas pourquoi on ajouterait aux nombreuses obligations figurant déjà dans le statut général des fonctionnaires celle de dignité, qui renvoie à une sorte de devoir de moralité, notion à mon avis quelque peu dépassée.
L’amendement n’est pas adopté.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers amendements sont identiques.
L’amendement n° 35 est présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 95 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 154 est présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 4
Supprimer le mot :
réserve,
La parole est à M. Christian Favier, pour présenter l’amendement n° 35.
Ce projet de loi renforce les obligations du fonctionnaire en lien avec le principe de responsabilité, ce que nous soutenons, en lui reconnaissant ainsi une marge d’appréciation des ordres et consignes qu’il reçoit. Il élargit donc le champ de la citoyenneté du fonctionnaire, notamment par ses dispositions relatives aux lanceurs d’alerte et aux conflits d’intérêts.
Il nous semble que ce serait contrevenir à ce principe de responsabilité et de liberté propre aux fonctionnaires que de leur imposer, au travers de cet article 1er, une obligation de réserve, alors qu’il leur est demandé de faire preuve, le cas échéant, de jugement critique, de dénoncer des actes répréhensibles ou des situations délicates.
De plus, si cette disposition venait à être adoptée par le Parlement, elle pourrait s’imposer de façon indifférenciée et absolue à l’ensemble des fonctionnaires, quand bien même l’obligation de réserve d’un préfet, par exemple, ne saurait être identique à celle qui s’impose à tout fonctionnaire. Il existe d’ailleurs une jurisprudence complexe et abondante qui permet d’ores et déjà d’appliquer cette obligation de réserve, en cas de conflit, de façon raisonnable et particulière aux différents corps et aux diverses situations.
Par ailleurs, les obligations que l’article 1er énumère, notamment l’obligation de neutralité, devraient donner des garanties suffisantes pour empêcher les agents d’utiliser leurs fonctions au service d’une propagande quelconque.
Enfin, ce devoir de réserve peut également poser problème du point de vue de la liberté syndicale, car il est bien plus contraignant que l’obligation de discrétion professionnelle qui s’impose d’ores et déjà à tous les fonctionnaires. Celle-ci nous paraît suffisante et elle est largement respectée.
Ainsi, sur un sujet aussi sensible, nous proposons, conformément à la demande de l’ensemble des organisations syndicales, de laisser au juge administratif le soin de continuer à poser, en cas de contentieux, des limites à la liberté d’expression de chaque agent public, en prenant en compte sa position tout en lui assurant, comme à tout citoyen, une libre expression.
Nous avons débattu de cette question avec les organisations syndicales, ainsi qu’avec des juristes. Nous croyons qu’un équilibre a été trouvé par le juge entre la possibilité, pour un fonctionnaire – qui reste un citoyen –, d’exprimer ses convictions et d’user de sa liberté d’expression et son obligation de réserve. Au regard de l’ensemble de ces jurisprudences, cet équilibre ne serait pas remis en cause par l’adoption de cet amendement.
Le Gouvernement retire cet amendement et se rallie à celui, identique, que vient de présenter M. Favier.
Sauf erreur de ma part, la mention de ce devoir de réserve dans le statut général des fonctionnaires avait été supprimée en 1983, ce qui avait été présenté à l’époque comme une grande avancée. Le groupe écologiste déplore le rétablissement de cette mention par la commission des lois, car il lui semble plus pertinent d’en rester à la jurisprudence.
Tout d’abord, la jurisprudence présente l’avantage de tenir compte des spécificités de l’emploi occupé. On nous a beaucoup parlé de la grande confiance que l’on doit accorder au juge administratif dans cette période d’état d’urgence ; pourquoi ne pas lui faire confiance aussi sur cette question du devoir de réserve ?
Par ailleurs, on peut aussi considérer que l’instauration de ce devoir de réserve risque de mettre à mal la liberté d’expression des fonctionnaires. La rigidité du devoir de réserve – je vous invite à examiner la jurisprudence de près – pourrait porter atteinte à une liberté fondamentale et, éventuellement, faire l’objet d’un recours.
Par exemple, un fonctionnaire ayant exercé « de bonne foi » son droit d’alerte sans que cela aboutisse pourrait être sanctionné pour avoir averti la presse : il aurait ainsi manqué à son devoir de réserve.
De la même manière, l’expression des fonctionnaires exerçant des responsabilités syndicales pourrait très bien être limitée sur le fondement de ce devoir de réserve.
Nous nous interrogeons également sur les limites de l’obligation de réserve, sur son extension possible, mais aussi sur les dangers qu’elle présente. Nous devons, mes chers collègues, envisager la possibilité que des forces politiques moins démocratiques que celles que, de façon très majoritaire, nous représentons dans cet hémicycle ne se saisissent de ce devoir de réserve une fois parvenues au pouvoir.
Pour toutes ces raisons, jurisprudentielles, philosophiques et, surtout, juridiques, nous vous invitons à supprimer cette obligation.
L’amendement n° 151, présenté par Mmes Bouchoux, Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Compléter cet alinéa par trois phrases ainsi rédigées :
Le devoir de réserve doit être concilié avec le droit d’alerte du fonctionnaire. Le fonctionnaire exerce son droit d’alerte au sein de l’administration dans les conditions prévues par la voie réglementaire. S’il échoue et qu’il est de bonne foi, il peut avertir la presse sans risquer d’être sanctionné.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
La mention du devoir de réserve ne figurait pas dans le texte initial. Elle a été introduite en commission par adoption d’un amendement de notre collègue René Vandierendonck. La commission des lois a considéré que cet amendement était d’autant plus pertinent que ce principe fondamental de la fonction publique a été admis par le Conseil d’État dès 1935.
Mentionner l’obligation de réserve dans le texte ne revient absolument pas à remettre en cause la jurisprudence équilibrée du Conseil d’État ; au contraire, cela la conforte.
La commission est donc défavorable aux amendements de suppression n° 35 et 154, ainsi qu’à l’amendement n° 151, pour les mêmes motifs.
Je précise à l’intention de Mme Bouchoux que ce dernier amendement ne cible pas suffisamment le régime applicable aux lanceurs d’alerte, parce qu’il permet une divulgation à la presse, ce qui ne nous paraît pas du tout opportun. Le régime du lanceur d’alerte est déjà prévu par les textes et je ne pense pas qu’il faille aller aussi loin que le propose notre collègue.
Je comprends les arguments de M. le rapporteur. La jurisprudence est désormais très claire, mais ce n’était pas le cas auparavant. Anicet Le Pors, lors des cérémonies organisées pour le trentième anniversaire de la loi qui porte son nom, a insisté sur l’équilibre entre devoir de réserve et liberté d’expression. Il nous a semblé que récrire ces dispositions risquait de remettre en cause cet équilibre en ouvrant la voie à une nouvelle jurisprudence. Mieux vaut selon nous rester à droit constant. Comme M. le rapporteur, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 151.
Face à l’effet de mode des lanceurs d’alerte et à leur nécessaire liberté d’expression, il fallait bien qu’un ancien fonctionnaire territorial rappelle que l’obligation de réserve existe. Il s’agit d’une contrepartie, consubstantielle à la nature de la fonction publique.
J’ai le mauvais rôle en défendant ces amendements, mais je l’assume complètement !
En tant que fonctionnaire de la fonction publique territoriale, ayant relevé successivement des cadres C, B et aujourd’hui A, je ne vois pas l’utilité de ces amendements. À mon sens, la réserve s’impose à tout fonctionnaire. Lorsque l’on exerce au sein d’une collectivité, il faut « jouer le jeu » en cas de changement de municipalité ou à la tête de l’exécutif du conseil départemental.
Quant à laisser au juge administratif le soin de trancher, il faut avoir conscience des délais de jugement des tribunaux administratifs ! Ceux-ci sont complètement débordés, d’autant que les contentieux administratifs sont de plus en plus nombreux. À Besançon, par exemple, les magistrats administratifs ne s’en sortent plus !
Je pense donc qu’il ne faut pas compliquer les choses. À mon sens, entre un élu et les fonctionnaires, au-delà de l’obligation de réserve, il doit exister un certain climat de confiance.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 145, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé
« Le fonctionnaire n'est pas assujetti, pour l'exercice de ses fonctions, à l'obligation d'adhésion à un ordre professionnel.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Je prends acte du vote qui vient d’intervenir, mais, depuis le début de nos débats, j’ai l’impression que nous nous exprimons tous ici en tant qu’employeurs de fonctionnaires territoriaux. Or, mes chers collègues, je vous rappelle que nous sommes là pour légiférer sur la déontologie des fonctionnaires et défendre l’intérêt général, et non des intérêts catégoriels.
J’en viens à l’amendement n° 145.
Pour les professions relevant d’un ordre professionnel, telles que celles d’infirmier ou d’architecte, il peut y avoir contradiction entre des injonctions provenant de la hiérarchie du fonctionnaire et celles qui émanent de l’ordre professionnel.
Aussi demandons-nous, dans un souci de simplification, que les fonctionnaires concernés ne soient pas assujettis, pour l’exercice de leurs fonctions, à l’obligation d’adhésion à un ordre professionnel. En effet, il nous semble très délicat, d’un point de vue juridique et éthique, qu’un fonctionnaire puisse recevoir des injonctions déontologiques contradictoires.
L'amendement n° 36, présenté par M. Favier, Mmes Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Le fonctionnaire n’est pas assujetti, pour l’exercice de ses fonctions, à l’obligation d’adhésion édictée par un ordre professionnel. »
La parole est à Mme Annie David.
Cette question revient régulièrement dans nos débats, notamment lors de l’examen de textes relatifs à la santé.
Plusieurs corps de fonctionnaires, tels que les infirmiers, les kinésithérapeutes, les sages-femmes, les architectes-urbanistes ou les vétérinaires, relèvent d’un ordre professionnel. Or diverses dispositions législatives ont conduit, de façon explicite ou implicite, à donner un caractère obligatoire à l’adhésion à ces ordres professionnels pour les agents publics. Ainsi, les juridictions ordinales exercent des compétences dans le domaine disciplinaire et peuvent infliger des sanctions pour manquement au code de déontologie ou pour simple refus d’adhésion à l’ordre, pouvant aller jusqu’à la suspension, voire à l’interdiction d’exercer.
Nous n’allons pas ouvrir une nouvelle fois ce débat, mais saisissons l’occasion de l’examen ce texte relatif à la déontologie pour régler définitivement cette question qui empoisonne la vie de nombreux agents publics, est source de polémiques et, finalement, d’instabilité juridique.
Rappelons tout de même que le pouvoir disciplinaire détenu par ces ordres constitue d’abord une ingérence dans les prérogatives de la puissance publique et remet en cause le pouvoir d’autorité de celle-ci sur ses agents. Par ailleurs, il porte atteinte aux droits et obligations des fonctionnaires, ainsi qu’aux règles disciplinaires prévues dans le statut de la fonction publique.
Cet amendement vise donc à mettre fin à cette situation, comme l’ont souhaité, une nouvelle fois, à l’unanimité les organisations syndicales lors du Conseil commun de la fonction publique du 27 juin 2013.
Sur ces deux amendements, la commission des lois a émis un avis défavorable, pour les mêmes motifs que ceux qui avaient été exposés par la commission des affaires sociales lorsqu’elle avait été appelée à examiner des amendements de même nature. Il n’y a pas eu, depuis, d’éléments nouveaux justifiant que le Sénat change de position sur ce sujet.
Je crois que ce débat se poursuivra pendant plusieurs années, les positions des uns et des autres évoluant au fil du temps.
Le seul élément qui m’amène à ne pas donner un avis favorable à ces amendements, c’est que nous allons autoriser les fonctionnaires, dans un certain nombre de cas, à exercer quelques heures d’activité en dehors de la fonction publique, sous des conditions assez difficiles à remplir.
Or l’adoption de tels amendements créerait une rupture d’égalité de droits entre les fonctionnaires exerçant une activité extérieure et les autres. C’est le seul argument qui mérite à mon sens d’être invoqué. La question a d’ailleurs été posée et tranchée dans ce sens lors de l’examen de la loi relative à la santé.
Cela étant, à terme, il me semble que c’est la notion même d’ordre professionnel qui devra être revue. Il y a un véritable travail à accomplir, par exemple sur le sujet de la cotisation. Ainsi, l’infirmier qui n’exerce qu’à l’hôpital doit acquitter une cotisation à l’ordre, alors même que c’est l’hôpital qui le défendra en cas de besoin, sauf question particulière de déontologie.
Malgré tous les doutes que j’éprouve, je ne peux suivre les auteurs de ces amendements, sachant que nous devrons travailler un jour sur ce que doivent devenir les ordres au XXIe siècle.
Autant la position de M. le rapporteur est claire et cohérente, autant votre argumentation selon laquelle il faut maintenir l’obligation d’adhérer à l’ordre professionnel au motif que certains fonctionnaires travailleront quelques heures en dehors de la fonction publique n’est pas convaincante, madame la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Peut-être est-ce parce que je ne suis pas moi-même convaincue…
Sourires.
Peut-être devrais-je rectifier mon amendement afin de ne viser que les fonctionnaires n’ayant pas d’activité extérieure… Je suis favorable à une certaine souplesse, mais on ne peut pas, au nom de quelques cas de cumul d’activités, refuser de régler cette question, alors même que nous examinons un texte relatif à la déontologie. Je le répète, du fait de leur appartenance à un ordre professionnel, des fonctionnaires peuvent être soumis à des injonctions déontologiques contradictoires.
Nous sommes bien ici au cœur du sujet qui nous occupe ce soir, et il est un peu décevant que vous renvoyiez la question à plus tard. Il faut lever l’obligation d’adhésion au moins pour les fonctionnaires n’ayant aucune activité libérale.
J’évoquerai plus particulièrement la fonction publique hospitalière. Je ne vois pas pourquoi ses agents, notamment les infirmiers, devraient être contraints d’adhérer à un ordre professionnel s’ils n’exercent aucune activité dans un cadre libéral ou privé. Pourquoi ne pas rendre cette adhésion facultative, ou du moins calculer la cotisation au prorata des heures effectuées en dehors de l’hôpital public ?
Madame la ministre, tout comme Mme Bouchoux, je ne suis pas complètement convaincue par vos arguments. Je maintiens l’amendement.
M. Gilbert Barbier. Dans un certain nombre de professions pouvant être exercées en tant que fonctionnaire, notamment dans le domaine de la santé, des règles s’appliquent, que l’administration n’est pas tenue d’imposer à ses personnels. Or je ne pense pas qu’un directeur d’hôpital, qui a une formation administrative, puisse juger de la pertinence d’un acte d’un infirmier ou d’un médecin.
Mme la ministre acquiesce.
C’est un vrai problème ! Je connais de nombreux cas, madame David, où un médecin a été défendu par son ordre professionnel devant son administration. Le code de déontologie des médecins ne peut pas figurer dans un règlement hospitalier. L’adhésion à l’ordre ne saurait, à mon sens, être optionnelle : quand on s’engage dans une profession, telle qu’infirmier, médecin ou architecte, on s’engage à respecter son code de déontologie, qui ne relève pas d’un règlement administratif.
Il faut donc maintenir ces ordres, peut-être en prévoyant des aménagements, j’en conviens, en ce qui concerne les cotisations à acquitter en l’absence d’exercice libéral.
La situation des médecins hospitaliers est très différente : ils ne sont pas fonctionnaires, mais assimilés. Ils sont protégés par l’hôpital pour ce qui relève de l’obligation de moyens, mais pas pour leurs actes médicaux. À cet égard, le cas des médecins de la protection maternelle et infantile, de la sécurité sociale ou du travail, qui ne font pas d’actes, est spécifique. Pour eux, la question de la levée de l’obligation d’adhérer à l’Ordre des médecins pourrait se poser ; encore ne la soulèvent-ils plus guère eux-mêmes aujourd'hui.
Soyons clairs, s’il y a une difficulté aujourd'hui, elle tient au fait que l’Ordre des infirmiers est de création très récente. Il a été instauré à la demande des infirmiers libéraux pour instituer une discipline collective, éviter les concurrences déloyales, protéger les patients. Les règles qu’il édicte s’appliquent à l’ensemble de la profession. L’infirmier a une responsabilité individuelle. Aujourd’hui, compte tenu de son nouveau statut, il est, comme le médecin, protégé par l’hôpital au titre de l’obligation des moyens, mais pas pour ses actes. S’il a commis une erreur ou une faute, cela ne relève pas de la responsabilité de l’hôpital.
Vous avez raison de souligner, monsieur le sénateur, qu’un médecin ou un infirmier a parfois besoin d’être protégé par son ordre professionnel, y compris contre son propre hôpital. Dans ces conditions, on ne voit pas pourquoi les médecins et les infirmiers hospitaliers seraient exemptés d’adhérer à leur ordre professionnel. Je sais que, dans quelques cas en suspens, des infirmiers, en particulier dans certains services d’urgence qui manquaient de personnel et de matériel, se sont retournés contre leur hôpital après avoir été mis en cause par des patients pour la qualité de leurs gestes. Dans ce genre de situation, l’Ordre des infirmiers peut les protéger.
Soyons attentifs au fait que les architectes et les médecins fonctionnaires ne remettent pas en question leur adhésion à leur ordre professionnel.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté.
Après l’article 25 de la même loi, il est inséré un article 25 bis ainsi rédigé :
« Art. 25 bis. – I. – Le fonctionnaire veille à faire cesser immédiatement ou à prévenir les situations de conflit d’intérêts dans lesquelles il se trouve ou pourrait se trouver.
« Au sens de la présente loi, constitue un conflit d’intérêts toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions.
« II. – À cette fin, le fonctionnaire qui estime se trouver dans une situation de conflit d’intérêts :
« 1° Lorsqu’il est placé dans une position hiérarchique, saisit son supérieur hiérarchique ; ce dernier, à la suite de la saisine ou de sa propre initiative, confie, le cas échéant, le traitement du dossier ou l’élaboration de la décision à une autre personne ;
« 2° Lorsqu’il a reçu une délégation de signature, s’abstient d’en user ;
« 3° Lorsqu’il appartient à une instance collégiale, s’abstient d’y siéger ou, le cas échéant, de délibérer ;
« 4° Lorsqu’il exerce des fonctions juridictionnelles, est suppléé selon les règles propres à sa juridiction ;
« 5° Lorsqu’il exerce des compétences qui lui ont été dévolues en propre, est suppléé par tout délégataire, auquel il s’abstient d’adresser des instructions.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. » –
Adopté.
Je rappelle que l’amendement n° 84 rectifié portant article additionnel après l’article 2 est réservé jusqu’à la fin de l’examen de l’article 9.
I. – L’article 6 ter A de la même loi est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « la formation » sont remplacés par les mots : « la rémunération, la formation, l’évaluation » ;
b) Après les mots : «, de bonne foi, » sont insérés les mots : « aux autorités judiciaires ou administratives » ;
c) Les mots : « ou d’un crime » sont remplacés par les mots : «, d’un crime ou susceptibles d’être qualifiés de conflit d’intérêts au sens du I de l’article 25 bis » ;
2° Après le deuxième alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas d’un conflit d’intérêts, le fonctionnaire doit avoir alerté en vain l’une des autorités hiérarchiques dont il relève. Il peut également témoigner de tels faits auprès du référent déontologue prévu à l’article 28 bis. » ;
3° Le troisième alinéa est ainsi modifié :
a) Les mots : « deux premiers » sont remplacés par les mots : « trois premiers » ;
b) Les mots : « ou d’un crime » sont remplacés par les mots : « d’un crime, ou d’une situation de conflits d’intérêts » ;
4° Après le troisième alinéa, il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Le fonctionnaire qui relate ou témoigne de faits relatifs à une situation de conflit d’intérêts de mauvaise foi, avec l’intention de nuire ou avec la connaissance au moins partielle de l’inexactitude des faits rendus publics ou diffusés est puni des peines prévues au premier alinéa de l’article 226-10 du code pénal. »
II. – Au cinquième alinéa de l’article 6, au quatrième alinéa de l’article 6 bis, au quatrième alinéa de l’article 6 ter et au deuxième alinéa de l’article 6 quinquies de la même loi, après le mot : « titularisation, », sont insérés les mots : « la rémunération, » et, après le mot : « formation, », sont insérés les mots : « l’évaluation, ».
L'amendement n° 149, présenté par Mmes Bouchoux, Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Les mots : « dont il aura eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions » sont supprimés ;
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Les écologistes saluent la création d’un dispositif de protection des fonctionnaires lanceurs d’alerte qui témoignent de bonne foi de faits susceptibles d’être qualifiés de conflits d’intérêts.
Cependant, le régime juridique proposé nous semble devoir évoluer pour gagner en effectivité.
Le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires subordonne la protection du fonctionnaire à la révélation de faits dont il aurait eu connaissance « dans l’exercice de ses fonctions ».
Pour nous, rien ne justifie qu’un fonctionnaire puisse être sanctionné pour avoir témoigné de bonne foi de faits susceptibles d’être qualifiés de conflits d’intérêts sous prétexte qu’il aurait appris ces faits en dehors de l’exercice de ses fonctions. Cette précision, qui nous paraît contraire à l’objectif de protection des lanceurs d’alerte, risque d’affaiblir la portée de ce nouveau statut. En effet, elle ne tient pas compte du fait que la révélation d’un conflit d’intérêts n’est pas toujours faite dans le plein exercice des fonctions.
Nous aimerions donc supprimer cette précision selon laquelle le fonctionnaire devra avoir eu connaissance du conflit d’intérêts dans l’exercice de ses fonctions.
Je suis désolé de devoir encore émettre un avis défavorables sur un amendement présenté par Mme Bouchoux !
Lorsque nous avons commencé à légiférer sur les lanceurs d’alerte, nous avons défini très clairement leur périmètre d’intervention. Il nous paraît d’autant moins opportun d’étendre ce périmètre que la condition de connaissance d’un conflit d’intérêts « dans l’exercice des fonctions » reprend une précision applicable aux salariés du secteur privé. Nous souhaitons aller vers une harmonisation. De plus, notre rédaction reprend celle de l’article 40 du code de procédure pénale.
L’avis est également défavorable.
Il s’agit d’appliquer le droit commun si le fonctionnaire a appris les faits en dehors de l’exercice de ses fonctions.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 152, présenté par Mmes Bouchoux, Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Remplacer les mots :
le fonctionnaire doit avoir alerté en vain l'une des autorités hiérarchiques dont il relève
par les mots :
le fonctionnaire doit avoir consigné l'alerte par écrit dans des conditions déterminées par voie réglementaire
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Vous le savez, la protection des lanceurs d’alerte nous tient à cœur. Nous y avons beaucoup travaillé avec ma collègue Marie-Christine Blandin, qui a acquis une très fine connaissance de ce sujet.
Nous proposons de modifier la rédaction proposé de l’article s’agissant des lanceurs d’alerte qui relatent ou témoignent de bonne foi de faits susceptibles d’être qualifiés de conflits d’intérêts, afin de faire évoluer le régime juridique. En effet, limiter la protection du lanceur d’alerte au seul cas où le fonctionnaire aurait d’abord alerté en vain son supérieur hiérarchique affaiblit celle-ci : d’une part, parce que le texte ne définit pas ce qu’est « l’alerte vaine » ; d’autre part, parce que cette rédaction ne tient pas compte des cas où les agissements du supérieur hiérarchique lui-même sont la raison de l’alerte.
Le groupe écologiste du Sénat propose de prévoir de consigner l’alerte dans un registre, à l’image de ce qui se pratique en termes de droit d’alerte en matière sanitaire et environnementale. Ce dernier est déjà applicable aux salariés des entreprises privées, des établissements publics à caractère industriel et commercial, des établissements de santé et des établissements publics administratifs lorsqu’ils emploient du personnel dans les conditions du droit privé.
Outre qu’elle améliore la protection des lanceurs d’alerte, cette alternative présente l’avantage de taille de constituer une première étape à la construction d’un droit des lanceurs d’alerte applicable à tous !
Pour nous, la protection des lanceurs d’alerte doit transcender la distinction entre salariés et agents publics et s’inscrire dans une démarche beaucoup plus globale, conformément à l’esprit de la proposition de loi dont Mme Blandin était l’auteur et que le Sénat a adoptée.
Cet amendement de Mme Bouchoux ne rencontrera pas beaucoup plus de succès que les précédents…
En effet, il nous apparaît essentiel que les autorités hiérarchiques examinent en premier ressort les alertes, afin de couper court à des alertes abusives.
En outre, l’Assemblée nationale a prévu que l’alerte puisse être transmise à l’une des autorités hiérarchiques, afin de prendre en compte le cas dans lequel les agissements du supérieur hiérarchique direct lui-même sont la raison de l’alerte.
Pour ces deux raisons principales, la commission des lois n’a pas jugé pertinent d’accéder à votre demande, madame Bouchoux.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Le statut du lanceur d’alerte permettra d’éviter des situations que nous avons connues par le passé.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 148, présenté par Mmes Bouchoux, Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, auprès de la commission mentionnée à l’article 25 octies ou d’une association de lutte contre la corruption agréée en application du II de l’article 20 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique ou de l’article 2-23 du code de procédure pénale
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Je regrette que, pour une fois, notre collègue Dominique Gillot ne soit pas présente parmi nous. Elle aurait pu témoigner d’un certain nombre de dysfonctionnements constatés dans une université qui impliquaient des fonctionnaires.
Je remercie M. le rapporteur de sa grande amabilité à mon endroit. Je comprends ses explications, mais j’estime que les positions de la commission ne vont pas dans le sens de ce qu’attendent nos concitoyens.
S’agissant de l’amendement n° 148, nous saluons la création d’un dispositif de protection des fonctionnaires lanceurs d’alerte. Nous pensons qu’il faut encore améliorer ce régime. Nous aimerions faire en sorte que ces personnes soient protégées pour tous les faits qui auront été révélés à la commission nationale de déontologie et aux associations agréées de lutte contre la corruption.
D’une part, le projet de loi instaure la commission nationale de déontologie, dont les missions s’articulent autour de la lutte contre les conflits d’intérêts. Devant ce constat, il convient, en toute logique, d’étendre la protection des fonctionnaires lanceurs d’alerte aux faits relatés par eux à la commission nationale de déontologie.
D’autre part, doit être, selon nous, protégée la révélation de faits susceptibles de constituer un conflit d’intérêts à une association agréée de lutte contre la corruption, comme le prévoit l’article 25 de la loi relative à la transparence de la vie publique.
D’une manière générale, favoriser l’alerte implique de multiplier les interlocuteurs des lanceurs d’alerte. Évidemment, n’importe qui ou n’importe quelle structure ne peut traiter ce type de problématique. La commission nationale de déontologie, comme les associations agréées, présente l’avantage d’être sérieuse et spécialiste du sujet.
Cet amendement vise à protéger la révélation de faits à la commission de déontologie et aux associations agréées de lutte contre la corruption, qui sont très nombreuses à suivre nos débats ce soir et attendent un geste en ce sens. Le projet de loi ne va pas assez loin selon nous.
L'amendement n° 147, présenté par Mmes Bouchoux, Blandin et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 7, seconde phrase
Compléter cette phrase par les mots :
ou auprès de la commission mentionnée à l'article 25 octies
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Comme je l’ai indiqué précédemment, favoriser l’alerte implique de multiplier les interlocuteurs des lanceurs d’alerte. En effet, il arrive malheureusement parfois que l’origine du problème soit le supérieur hiérarchique.
Mme Bouchoux veut multiplier les canaux d’alerte en permettant à des associations de lutte contre la corruption de pouvoir être éventuellement des vecteurs.
La commission n’a pas jugé souhaitable d’émettre un avis favorable sur ces propositions. Il existe déjà deux canaux d’alerte : d’une part, la commission nationale de déontologie, qui peut être considérée comme une autorité administrative au sens de l’article ; d’autre part, les autorités administratives et judiciaires, à qui il revient, et nullement aux associations, de régler les situations de conflit d’intérêts.
Le Sénat a toujours été sur cette ligne, y compris durant les débats sur le projet de loi relatif à la transparence de la vie publique.
J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur les deux amendements.
Ce qui n’a peut-être pas suffisamment été dit, c’est que si l’autorité hiérarchique ne bouge pas, le lanceur d’alerte peut saisir l’échelon hiérarchique supérieur. Et si ce dernier ne réagit pas non plus, le lanceur d’alerte a la possibilité de saisir l’autorité judiciaire ou l’autorité administrative, selon les cas.
J’ai l’impression que vous craignez un blocage par une autorité hiérarchique qui serait impliquée dans les agissements que le lanceur d’alerte entend dénoncer. Dans ce cas, tout est déjà prévu pour que le fonctionnaire puisse passer outre. Il n’est pas besoin d’en rajouter.
Le Gouvernement est défavorable aux amendements n° 148 et 147.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 123, présenté par MM. Vandierendonck, Delebarre, Sueur, Manable, Botrel, Labazée et Camani, Mme Yonnet, M. Tourenne, Mmes Campion, Bataille, Lienemann et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéas 11 et 12
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. René Vandierendonck.
C’est une course à handicap !
L’article 3 harmonise le régime des lanceurs d’alerte au sein de la fonction publique. Il prévoit un dispositif de sanctions pour les lanceurs d’alerte de mauvaise foi, animés par une intention de nuire, qui relateraient des faits qu’ils savent inexacts.
Or, même si je ne suis pas pénaliste, j’observe que l’article 226-10 du code de procédure pénale sanctionne déjà la dénonciation calomnieuse. Une jurisprudence abondante en définit aujourd'hui les contours s’agissant de la matérialité de la mauvaise foi, de l’intention de nuire, de la connaissance erronée des faits rapportés.
Cet amendement prévoit, en conséquence, d’en rester au régime de droit commun de la dénonciation calomnieuse sans intention de nuire.
Mon cher collègue, cette disposition a été introduite dans la loi relative à la transparence de la vie publique. Il nous apparaît nécessaire, dans une perspective d’harmonisation, de maintenir ces alinéas pour lutter contre des alertes abusives qui pourraient gravement pénaliser le fonctionnement des services publics.
Pour cette raison, l’avis de la commission est défavorable.
L’avis du Gouvernement est identique à celui de la commission : par parallélisme des formes avec les dispositions de la loi relative à la transparence de la vie publique, nous avons repris les mêmes termes, après en avoir discuté avec les organisations syndicales.
Il peut m’arriver de faire preuve d’élégance : je retire l’amendement, monsieur le président.
L’article 3 est adopté.
Après l’article 25 de la même loi, sont insérés des articles 25 quater à 25 septies A ainsi rédigés :
« Art. 25 quater. – I. – La nomination dans l’un des emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient, mentionné sur une liste établie par décret en Conseil d’État, est conditionnée à la transmission préalable par le fonctionnaire d’une déclaration exhaustive, exacte et sincère de ses intérêts à l’autorité investie du pouvoir de nomination.
« Dès la nomination du fonctionnaire dans l’un des emplois définis au premier alinéa du présent I, l’autorité investie du pouvoir de nomination transmet la déclaration d’intérêts produite par le fonctionnaire à l’autorité hiérarchique dont il relève dans l’exercice de ses nouvelles fonctions.
« II. – Lorsque l’autorité hiérarchique constate que le fonctionnaire se trouve dans une situation de conflit d’intérêts, au sens du I de l’article 25 bis, elle prend les mesures nécessaires pour y mettre fin ou enjoint au fonctionnaire de faire cesser cette situation dans un délai qu’elle détermine.
« Lorsque l’autorité hiérarchique ne s’estime pas en mesure d’apprécier si le fonctionnaire se trouve en situation de conflit d’intérêts, elle transmet la déclaration d’intérêts de l’intéressé à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
« III. – La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique apprécie, dans un délai de deux mois à compter de la réception de la déclaration, si le fonctionnaire dont la déclaration d’intérêts lui est transmise se trouve dans la situation de conflit d’intérêts, au sens du I du même article 25 bis.
« Dans le cas où la Haute Autorité constate que le fonctionnaire se trouve en situation de conflit d’intérêts, elle adresse une recommandation à l’autorité hiérarchique. Cette dernière prend les mesures nécessaires pour mettre fin à cette situation ou enjoint au fonctionnaire de faire cesser cette situation dans un délai qu’elle détermine.
« Dans les autres cas, la Haute Autorité informe l’autorité hiérarchique et le fonctionnaire concerné que la situation n’appelle aucune observation.
« IV. – La déclaration d’intérêts ne comporte aucune mention des opinions ou des activités politiques, syndicales, religieuses ou philosophiques de l’intéressé, hormis lorsque la révélation de ces opinions ou de ces activités résulte de la déclaration de fonctions ou de mandats exercés publiquement. La déclaration d’intérêts n’est ni versée au dossier du fonctionnaire, ni communicable aux tiers.
« Au cours de l’exercice des fonctions, toute modification substantielle des intérêts du fonctionnaire donne lieu, dans un délai de deux mois, à une déclaration dans les mêmes formes.
« Le modèle et le contenu de la déclaration d’intérêts ainsi que ses modalités de transmission, de mise à jour et de conservation sont fixés par décret en Conseil d’État.
« Art. 25 quinquies. – I. –
Supprimé
« II. – Le fonctionnaire exerçant des responsabilités en matière économique ou financière et dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient est tenu de prendre, dans un délai de deux mois suivant cette nomination, toutes dispositions pour que ses instruments financiers soient gérés, pendant la durée de ses fonctions, dans des conditions excluant tout droit de regard de sa part.
« Le fonctionnaire justifie des mesures prises auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
« Les documents produits en application du présent II ne sont ni versés au dossier du fonctionnaire, ni communicables aux tiers.
« III. – Les conditions d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Art. 25 sexies. – I. – Le fonctionnaire nommé dans l’un des emplois dont le niveau hiérarchique ou la nature des fonctions le justifient, mentionné sur une liste établie par décret en Conseil d’État, adresse au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, dans un délai de deux mois suivant sa nomination, une déclaration exhaustive, exacte et sincère de sa situation patrimoniale concernant la totalité de ses biens propres ainsi que, le cas échéant, ceux de la communauté ou les biens indivis. Ces biens sont évalués à la date du fait générateur de la déclaration comme en matière de droits de mutation à titre gratuit.
« II. – Dans les deux mois qui suivent la cessation de ses fonctions, le fonctionnaire soumis au I du présent article adresse une nouvelle déclaration de situation patrimoniale au président de la Haute Autorité. La déclaration de situation patrimoniale comporte une récapitulation de l’ensemble des revenus perçus par le fonctionnaire et, le cas échéant, par la communauté depuis le début de l’exercice des fonctions ainsi qu’une présentation des événements majeurs ayant affecté la composition du patrimoine depuis la précédente déclaration. Le fonctionnaire peut joindre des observations à chacune de ses déclarations.
« Lorsque le fonctionnaire a établi depuis moins de six mois une déclaration de situation patrimoniale en application du I, aucune nouvelle déclaration mentionnée au même I n’est exigée et la déclaration prévue au premier alinéa du présent II est limitée à la récapitulation et à la présentation mentionnées à la deuxième phrase du même premier alinéa.
« La Haute Autorité apprécie la variation de la situation patrimoniale de l’intéressé. Cette appréciation résulte de la comparaison entre, d’une part, la déclaration de situation patrimoniale transmise préalablement à la prise de ses fonctions et, d’autre part, la déclaration de situation patrimoniale transmise dans les deux mois qui suivent la cessation de ses fonctions.
« Lorsque les évolutions patrimoniales constatées n’appellent pas d’observation ou lorsqu’elles sont justifiées, la Haute Autorité en informe l’intéressé.
« III. – La déclaration de situation patrimoniale n’est ni versée au dossier du fonctionnaire, ni communicable aux tiers. Au cours de l’exercice des fonctions, toute modification substantielle de la situation patrimoniale du fonctionnaire donne lieu, dans un délai de deux mois, à une déclaration dans les mêmes formes. Le modèle, le contenu et les modalités de transmission, de mise à jour et de conservation de la déclaration de situation patrimoniale sont fixés par décret en Conseil d’État.
« IV. – La Haute Autorité peut demander au fonctionnaire soumis au I du présent article toute explication nécessaire à l’exercice de sa mission de contrôle des déclarations de situation patrimoniale. En cas de déclaration incomplète ou lorsqu’il n’a pas été donné suite à une demande d’explication adressée par la Haute Autorité, cette dernière adresse à l’intéressé une injonction tendant à ce que la déclaration soit complétée ou que les explications lui soient transmises dans un délai d’un mois à compter de cette injonction.
« V. – La Haute Autorité peut demander au fonctionnaire soumis au I du présent article communication des déclarations qu’il a souscrites en application des articles 170 à 175 A du code général des impôts et, le cas échéant, en application de l’article 885 W du même code.
« Elle peut, si elle l’estime utile, demander les déclarations, mentionnées au premier alinéa du présent V, souscrites par le conjoint séparé de biens, le partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou le concubin de tout fonctionnaire soumis au I.
« À défaut de communication dans un délai de deux mois des déclarations mentionnées aux deux premiers alinéas du présent V, elle peut demander copie de ces mêmes déclarations à l’administration fiscale, qui les lui transmet dans les trente jours.
« La Haute Autorité peut demander à l’administration fiscale d’exercer le droit de communication prévu à la section 1 du chapitre II du titre II de la première partie du livre des procédures fiscales, en vue de recueillir toutes informations utiles à l’accomplissement de sa mission de contrôle. Ces informations sont transmises à la Haute Autorité dans les soixante jours suivant sa demande.
« Elle peut, aux mêmes fins, demander à l’administration fiscale de mettre en œuvre les procédures d’assistance administrative internationale.
« Les agents de l’administration fiscale sont déliés du secret professionnel à l’égard des membres et des rapporteurs de la Haute Autorité au titre des vérifications et contrôles qu’ils mettent en œuvre pour l’application du présent article.
« Art. 25 septies A. – I. – Le fait, pour un fonctionnaire qui est soumis à l’obligation prévue au I de l'article 25 quater, au II de l’article 25 quinquies et au I de l’article 25 sexies, de ne pas adresser la déclaration prévue au I du même article 25 sexies, d’omettre de déclarer une partie substantielle de son patrimoine ou de ses intérêts ou de fournir une évaluation mensongère de son patrimoine est puni d’une peine de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 € d’amende.
« Peuvent être prononcées, à titre complémentaire, l’interdiction des droits civiques, selon les modalités prévues aux articles 131-26 et 131-26-1 du code pénal, ainsi que l’interdiction d’exercer une fonction publique, selon les modalités prévues à l’article 131-27 du même code.
« II. – Le fait, pour un fonctionnaire soumis à l’obligation prévue au I de l’article 25 sexies, de ne pas déférer aux injonctions de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique prévues au IV du même article 25 sexies ou de ne pas lui communiquer les informations et pièces utiles à l’exercice de sa mission est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
« III
L’amendement n° 96, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Elle est versée au dossier du fonctionnaire selon des modalités permettant d’en garantir la confidentialité.
La parole est à Mme la ministre.
Le Gouvernement souhaite garantir au maximum la confidentialité de la déclaration d’intérêts.
Je voudrais signaler à Mme la ministre que si nous adoptions sa proposition, le texte risquerait fort d’être frappé d’inconstitutionnalité. Le Conseil d’État a souligné ce risque et suggéré de disjoindre la déclaration d’intérêts du dossier personnel afin de ne pas porter atteinte à la vie privée.
La commission des lois a partagé ce point de vue. C’est la raison pour laquelle elle n’a pas émis un avis favorable sur cet amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 179, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Le modèle, le contenu et les modalités de transmission, de mise à jour et de conservation de la déclaration d'intérêts ainsi que les modalités de destruction des déclarations transmises par les personnes n'ayant pas été nommées à l'emploi concerné sont fixés par décret en Conseil d'État.
La parole est à M. le rapporteur.
Nous proposons, par cet amendement, que seule la déclaration d’intérêts du candidat nommé soit transmise par l’autorité de nomination à l’autorité hiérarchique du fonctionnaire. Ainsi, les déclarations d’intérêts transmises par les candidats non retenus pour l’emploi concerné seraient détruites. Nous renvoyons à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les modalités d’application de cette disposition. Ce point nous avait échappé lors de l’examen du texte par la commission des lois ; nous entendons réparer cet oubli au travers de cet amendement, que celle-ci a approuvé lors de sa réunion de ce matin.
L’amendement n° 27 rectifié, présenté par MM. Collombat, Portelli et Mézard, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
, après avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
II. – Alinéa 16
Compléter cet alinéa par les mots :
, après avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
III. – Alinéa 22, dernière phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, après avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.
Une fois n’est pas coutume, nous proposons que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique soit consultée sur les projets de décrets définissant le modèle et le contenu des différents documents visés. Dans la mesure où c’est cette même Haute Autorité qui traitera ces informations, il est logique qu’on lui demande son avis. Cela peut être techniquement utile.
Je signale à M. Collombat que son amendement deviendra sans objet si celui de la commission est adopté. Pour éviter cela, je lui suggère d’en transformer le I en sous-amendement à l’amendement n° 179 de la commission. Dans cette hypothèse, la commission émettrait un avis favorable.
Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 205, présenté par MM. Collombat, Portelli et Mézard, et ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
, après avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
Je suis également saisi d’un amendement n° 27 rectifié bis, présenté par MM. Collombat, Portelli et Mézard, et ainsi libellé :
I - Alinéa 16
Compléter cet alinéa par les mots :
, après avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
II - Alinéa 22, dernière phrase
Compléter cette phrase par les mots :
, après avis de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Vous demandez, monsieur le sénateur, que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique soit saisie des projets de décrets. Or le Conseil d’État est déjà consulté à ce stade. Je ne comprends donc pas du tout pourquoi vous demandez une consultation supplémentaire avant publication des décrets, d’autant que, si l’on devait procéder ainsi, les décrets d’application ne seraient pas près de paraître.
Par conséquent, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Je ne vous comprends pas non plus, madame la ministre. Il s’agit de documents que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique devra traiter. Qu’on lui demande son avis sur ces projets de décrets me paraît assez élémentaire ! Pourquoi donc aller chercher des histoires tordues ? Je ne me battrai pas sur ce point, mais franchement, je ne comprends pas votre position.
Mme la ministre ne semble pas percevoir la pertinence de la proposition de M. Collombat.
On peut considérer qu’il existe un parallélisme des formes entre les dispositions proposées et celles qui existent déjà pour la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL : on demande en effet parfois l’avis de cette autre autorité indépendante sur des projets de décrets.
De toute façon, nous pourrons y revenir lors de la commission mixte paritaire. Si nécessaire, nous pourrons alors parfaire le dispositif.
La proposition de M. le rapporteur me paraît sage : la nuit porte conseil, de même que la lecture de l’excellent rapport de Jacques Mézard sur les autorités administratives indépendantes.
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
L’amendement est adopté.
L’amendement n° 97, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 12
Rétablir le I de l’article 25 quinquies dans la rédaction suivante :
« I. – Le fonctionnaire peut librement détenir des parts sociales et percevoir les bénéfices qui s’y attachent. Il gère librement son patrimoine personnel et familial.
II. – Alinéa 13
1° Supprimer les mots :
ou financière
2° Après les mots :
est tenu de prendre,
insérer les mots :
à peine de nullité de sa nomination dans ces fonctions,
La parole est à Mme la ministre.
En instaurant un dispositif de mandat de gestion, le Gouvernement souhaite cibler, comme à l’article 8 de la loi relative à la transparence de la vie publique, les fonctions exercées dans le domaine économique qui associent un accès privilégié à des informations sensibles et une capacité de décision permettant d’influer sur les marchés. Il s’agit, en particulier, de restreindre les possibilités de gestion de son propre patrimoine par le fonctionnaire. Cela implique de rappeler par ailleurs le principe général selon lequel les fonctionnaires gèrent librement leur patrimoine. L’objet principal de ces dispositions est d’éviter tout doute, par exemple à l’occasion de l’attribution d’un marché public à une entreprise dont un fonctionnaire impliqué dans la passation de celui-ci détiendrait des actions. L’élargissement à des fonctions d’ordre financier excède l’objectif de la réforme.
Les dispositions de cet amendement sont contraires à la position de la commission. La rédaction que celle-ci a adoptée était le fruit d’une proposition conjointe du rapporteur et du groupe socialiste et républicain. Nous avions estimé que la mention des responsabilités financières n’étendrait pas excessivement le champ d’application de l’obligation de confier la gestion de ses instruments financiers à un tiers dès lors que sont également concernées les responsabilités économiques. Cet ajout nous semble important. Ces deux types de responsabilités se recoupent dans les fonctions concernées : je pense, par exemple, à la direction générale du Trésor.
En outre, la commission a supprimé la nullité automatique de la nomination si le fonctionnaire concerné ne prouve pas l’accomplissement de cette obligation. En effet, pourquoi réserver cette sanction à la violation de cette obligation à l’exclusion de celle des obligations relatives aux déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale ?
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Au-delà du parallélisme des formes, la question est de savoir si tous les fonctionnaires de tous les services de gestion financière de toutes les collectivités territoriales doivent être soumis à cette obligation.
Il s’agissait vraiment, pour nous, de faire œuvre de simplification et de clarification. Le champ de l’obligation du mandat de gestion ne doit pas être trop large. Dans cette perspective, il convient de cibler les agents qui exercent une responsabilité dans des services budgétaires.
On nous a fait remarquer qu’une vingtaine de personnes peuvent être appelées à contribuer, de près ou de loin, à la gestion financière d’une collectivité. Toutes ces personnes doivent-elles impérativement être soumises à l’obligation du mandat de gestion ? Pour notre part, nous en doutons. Nous préférons réserver cette obligation aux personnes exerçant une responsabilité évidente.
En définitive, dans cette affaire, madame la ministre, c’est vous qui avez la main. En effet, c’est le Gouvernement qui, par décret, définira le périmètre et les éventuelles restrictions de cette obligation. Je ne pense donc pas qu’il y ait une incompatibilité ou une incohérence entre ce que nous proposons et ce que vous souhaitez.
L'amendement n'est pas adopté.
L’amendement n° 168, présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 17
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le fonctionnaire joint à cette déclaration la déclaration prévue à l'article 25 quater.
La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
L’article 4 du projet de loi, nous l’avons vu, organise la transmission des déclarations d’intérêts à la Commission de déontologie de la fonction publique et à la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.
Or nous estimons que, pour gagner en effectivité, cette déclaration de situation patrimoniale doit être jointe à la déclaration d’intérêts, car elle est indispensable pour juger de la pertinence de l’évolution du patrimoine.
Il ne s’agit pas de faire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique l’autorité de la déontologie des fonctionnaires, mais de lui donner les éléments indispensables pour juger de la pertinence d’une déclaration de situation patrimoniale.
Prévoir une simple possibilité de transmission d’informations entre la Haute Autorité et la Commission de déontologie est insuffisant pour les cas limités signalés par Mme la ministre. C’est pourquoi nous aimerions voir adopté cet amendement, qui tend à prévoir que, à la déclaration patrimoniale, est systématiquement jointe la déclaration d’intérêts. Vous pouvez être pauvre et non vertueux ; ces deux qualités ne sont pas forcément concordantes…
Limiter cette disposition à un certain nombre de cas, comme l’a indiqué Mme la ministre, nous semblerait plutôt positif.
Ma chère collègue, nous considérons que la règle que vous préconisez créerait une confusion et une exception notable au principe selon lequel les déclarations d’intérêts ne sauraient être transmises à la Haute Autorité qu’en cas de doute de l’autorité hiérarchique. En outre, il n’est pas du tout évident que la déclaration d’intérêts permette d’éclairer la situation patrimoniale.
Nous avons bien fait la part des choses entre le conflit d’intérêts, qui relève de la Commission de déontologie, et la déclaration de patrimoine, qui est soumise à la Haute Autorité. Il n’y a pas lieu d’opérer un mélange des genres.
L’avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L’amendement n° 98 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 174 rectifié est présenté par M. Mézard et les membres du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 20, première phrase
Après le mot :
apprécie
insérer les mots :
, dans un délai de six mois à compter de la réception de la déclaration,
La parole est à Mme la ministre, pour présenter l’amendement n° 98.
Je le retire au bénéfice de l’amendement n° 174 rectifié de M. Mézard, monsieur le président.
L’amendement n° 98 est retiré.
La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l’amendement n° 174 rectifié.
M. Jacques Mézard. Ce moment est exceptionnel, et je le savoure au plus haut point !
Sourires.
Nouveaux sourires.
Prévoir un délai de six mois à compter de la réception de la déclarationpour que la Haute Autorité statue sur celle-ci, c’était indispensable, mes chers collègues.
Ce qui est encore plus indispensable – je ne sais pas, madame la ministre, si nous sommes d’accord sur ce point –, c’est de prévoir une sanction pour le cas où la Haute Autorité ne respecterait pas ce délai.
Aujourd’hui, la Haute Autorité ne respecte pas les délais qui lui sont impartis par la loi organique. Elle n’a d’ailleurs rien à faire de ces délais et passe outre. Ainsi, voilà désormais douze mois que les sénateurs qui ont été réélus en septembre 2014 ont déposé leur déclaration et la procédure d’examen n’est toujours pas terminée. Cela peut durer des années !
Quand la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique ne respecte pas les délais qui lui sont impartis par la loi, cela commence à devenir inquiétant. Il faut donc inscrire dans la loi non seulement, comme c’est le cas aujourd’hui, qu’il est nécessaire de transmettre les dossiers à la Haute Autorité, mais aussi que, lorsque cette instance n’a pas effectué le travail pour lequel elle est mandatée dans le délai imparti, elle est réputée donner un avis favorable.
Cet amendement vient en discussion avant un autre, que nous examinerons ultérieurement et qui a fait l’objet d’une très longue discussion, ce matin, en commission des lois. Un grand nombre d’entre nous partage la préoccupation des auteurs de l’amendement. M. Collombat est ainsi intervenu avec force, de même que M. Portelli, pour juger que la Haute Autorité prenait vraiment beaucoup de temps pour émettre ses avis, ce qui pouvait être préjudiciable pour ceux qui les attendaient.
Nous avons considéré, après ce long débat, que cette loi n’avait été votée qu’il y a peu de temps, en 2013. Or nous sommes en train de prendre des dispositions qui concernent les fonctionnaires, notamment les membres du Conseil d’État et les magistrats. Nous opérons donc une harmonisation du dispositif de la loi de 2013 et commençons à pressentir qu’il conviendrait sans doute de l’améliorer. J’ai suggéré ce matin en qualité de rapporteur que le président de la commission prenne l’initiative, peut-être dans le courant de 2016, de déclencher une mission qui permettrait d’évaluer l’application de cette loi pour évaluer les améliorations éventuelles à y apporter.
Notre commission pourrait ainsi déposer une proposition de loi, ou bien profiter d’un véhicule législatif adapté pour apporter des améliorations de fonctionnement ou tordre le cou à des dysfonctionnements relevés dans le comportement de la Haute Autorité.
Il est vrai qu’il est assez irritant de constater que la Haute Autorité met parfois deux ans avant de donner son avis. Je comprends donc tout à fait l’impatience qui a conduit au dépôt de l’amendement.
Je pense – je l’ai dit en commission et je le répète dans cet hémicycle – que si nous étions conduits, peut-être au moment de la commission mixte paritaire, à adopter le principe proposé, il nous faudrait envisager une autre solution en matière de délai, lequel ne serait plus de six mois, mais plutôt de douze mois environ, et ce pour deux raisons : d’une part, nous allons confier à la Haute Autorité une charge de travail supplémentaire ; d’autre part, il ne faudrait pas qu’en adoptant un délai trop court, on mette en place un système contreproductif pour celles et ceux qui ont déposé un dossier auprès de cette instance. Dans ce cas, en effet, si la Haute Autorité avait un doute sur tel dossier, elle pourrait émettre aussitôt un avis négatif.
Pour ces raisons, la commission des lois a considéré qu’un retrait des amendements identiques serait préférable, au bénéfice de l’engagement du président de la commission, lequel ne s’est manifesté ni négativement ni positivement – qui ne dit mot consent ! –, de prendre assez rapidement une telle initiative, pour corriger les problèmes constatés.
Mes chers collègues, pardonnez-moi d’avoir été un peu long. Nous aurons sans doute l’occasion de parler de cette question de nouveau lors de l’examen des amendements suivants.
Au nom de la commission des lois, je demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.
Six mois, c’est très long ; c’est pourquoi nous avons maintenu ce délai.
Nous examinerons dans un instant l’amendement n° 124 de M. Vandierendonck, puis votre amendement n° 180, monsieur le rapporteur, au profit duquel je m’apprête à retirer l’amendement n° 115 du Gouvernement. À cet égard, nous sommes donc d’accord. En revanche, si nous n’inscrivons pas de délai dans la loi, nous nous retrouverons dans la même situation que celle que connaissent aujourd’hui les élus.
Je comprends la difficulté du travail de la Haute Autorité. Toutefois, nous parlons de fonctionnaires qui vont devoir attendre avant de pouvoir exercer leurs missions. Nous rencontrons là un problème différent. Il ne s’agit pas de dire qu’un avis donné a posteriori entérine une situation, mais de permettre d’exercer une fonction. Si l’on attend plus d’un an une décision, comment fera-t-on ?
Je pense qu’il faut prévoir un délai et en discuter lors de la commission mixte paritaire.
J’émets donc un avis favorable, comme je le ferai ultérieurement sur les amendements n° 124 et 180, tout en retirant, je le répète, l’amendement n° 115.
Vous déciderez si le délai de six mois est ou non excessif, mais je tiens à rappeler qu’il est question ici de fonctionnaires devant exercer une mission. Le problème du délai se pose donc, en l’occurrence, différemment.
Qu’il s’agisse d’élus ou de fonctionnaires, il faut savoir ce que l’on veut !
Vous avez voulu, madame la ministre, créer une Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Pour notre part, nous avons pris nos responsabilités et mon groupe a voté contre le texte qui la mettait en place. Nous savions en effet ce qui allait se passer.
On constate d’ores et déjà des difficultés d’application. Pourquoi ? Le texte étant vague et flou en termes de délais et ne prévoyant pas de sanction en cas de non-respect desdits délais, la Haute Autorité n’en tient pas compte et prend le temps qui lui paraît nécessaire pour examiner les dossiers. Et en cas de retard, elle dit que c’est la faute de Bercy et des directions départementales des finances publiques, les DDFIP, et non la sienne. Elle ajoute que, pour améliorer les choses à l’avenir, mieux vaudrait qu’elle dispose d’une brigade ne dépendant que d’elle, plutôt que de travailler avec les DDFIP. Ce n’est pas bon !
C’est aujourd’hui, au moment où nous examinons ce texte relatif aux fonctionnaires et d’ici à son vote final, que les règles doivent être fixées, de façon claire, et qu’il faut dire à la Haute Autorité de quel délai elle dispose et qu’en cas de non-respect de ce délai, sa décision sera réputée favorable. Ne pas faire cela, c’est laisser se déclencher des mécanismes complexes en termes de durées, qui entraîneront des difficultés pour les fonctionnaires.
Ce n’est pas parce que vous vous êtes infligé ces méthodes qu’il faut en faire pâtir les fonctionnaires !
Je souhaite ajouter quelques précisions.
Je rappelle que les élus ont fait une déclaration de situation patrimoniale de fin de mandat en mars 2014. S’ils ont été réélus, ils ont dû en faire une nouvelle, et cela a donc traîné jusqu’au mois d’octobre 2014. On se demande d’ailleurs pourquoi l’on tient compte de la déclaration de mars 2014, puisque la Haute Autorité se base sur celle d’octobre…
Si ma mémoire est bonne, la loi de 2013 dispose que l’instrument de la Haute Autorité, c’est-à-dire les services fiscaux, doit répondre dans un délai de deux mois. En effet, la Haute Autorité n’a pas les moyens de mener à bien ses investigations. Que se passe-t-il alors ? Les services fiscaux font leur travail et répondent à la Haute Autorité qui, plusieurs mois après – on ne voit d’ailleurs pas pourquoi –, demande des précisions. Dans mon cas, cela fait quatorze mois que cela dure ! Et encore, si je compte depuis le mois d’octobre. Si je le fais à partir de mars 2014, cela fera bientôt deux ans…
On a l’impression que la Haute Autorité « nage » complètement ; il ne semble pas qu’il s’agisse de mauvaise volonté d'ailleurs. Franchement, il faut encadrer tout cela. Et si la Haute Autorité, dont je rappelle que je n’ai pas voté la création, a des besoins, soyons à la hauteur de ces engagements et donnons-lui les moyens de traiter les dossiers !
La disposition que nous apprêtons à adopter représente tout de même 24 000 dossiers supplémentaires pour la Haute Autorité ! Et je suppose que l’on en a encore oublié et que l’on va en rajouter… De grâce, arrêtons !
C'est un instant important… Nous pourrions laisser prospérer la perspective d’une synthèse d’ici à la commission mixte paritaire.
M. Mézard a dit, et cela ne semblait pas le gêner, que ce n’est pas parce que nous nous sommes imposé la loi de 2013 qu’il faut faire subir aux fonctionnaires le même sort.
Je tenais à souligner un point que je n’ai pas mentionné dans mon avis : cette règle viserait uniquement les fonctionnaires et non tous les déclarants auprès de la Haute Autorité, ce qui créerait une rupture d’égalité.
MM. Pierre-Yves Collombat et Jacques Mézard font un signe de dénégation.
En qualité de rapporteur, mon objectif est de rechercher une meilleure harmonisation dans l’application du dispositif. Que se passe-t-il au bout de six mois si la Haute Autorité ne s’est pas prononcée ? On ne le sait pas, car rien n’est prévu ! Cela justifie, si besoin était, qu’on se donne un temps de réflexion pour trouver une rédaction qui prenne en compte ce que vous demandez, mon cher collègue.
Peut-être le Gouvernement décidera-t-il de retenir un délai, qui se compte en mois, et dotera-t-il la Haute Autorité des moyens qui lui permettront de traiter les dossiers en temps et en heure.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 124, présenté par MM. Vandierendonck, Delebarre, Sueur, Manable, Botrel, Labazée et Camani, Mme Yonnet, M. Tourenne, Mmes Campion, Bataille, Lienemann et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 21
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Sans préjudice de l'article 40 du code de procédure pénale, dans le cas où la Haute Autorité, après une procédure contradictoire, constate des évolutions patrimoniales pour lesquelles elle ne dispose pas d'explications suffisantes, elle transmet le dossier à l'administration fiscale et en informe l'intéressé.
La parole est à M. René Vandierendonck.
Nous sommes hostiles à cet amendement, qui est contraire à la position de la commission. La finalité du contrôle de la déclaration de situation patrimoniale est de déceler des manquements non pas fiscaux, mais déontologiques. Or des manquements déontologiques peuvent n’avoir entraîné aucune faute fiscale, et inversement. Consciente de ce mélange des genres, la Haute Autorité elle-même est opposée à cette procédure.
La commission émet donc un avis défavorable.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.
L'amendement n° 180, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Après les mots :
du même article 25 sexies,
insérer les mots :
de ne pas justifier des mesures prises en application du II de l'article 25 quinquies,
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 115, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 30
Après le mot :
substantielle
insérer les mots :
ou l’intégralité
La parole est à Mme la ministre.
L'article 4 est adopté.
L'amendement n° 173 rectifié, présenté par M. Mézard et les membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen, est ainsi libellé :
Après l’article 4
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l'article 20 de la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La Haute Autorité rend ses décisions dans les délais impartis par les lois et règlements. L'absence de décision prise dans ces délais vaut accord tacite. »
La parole est à M. Jacques Mézard.
J’irai dans le sens que souhaitait M. le rapporteur : si l’on fixe un délai à la Haute Autorité pour effectuer les missions que le législateur lui a confiées, il est nécessaire de prévoir une sanction si ce délai n’est pas respecté.
Tel est l'objet de cet amendement.
La commission avait émis un avis favorable sur cet amendement, mais parce qu’elle pensait que l’amendement précédent, relatif au délai de six mois, serait rejeté. Elle n’a donc pas pu se prononcer de manière éclairée, ne sachant pas par avance quelle serait la position de notre assemblée.
Je maintiens l’avis exprimé par la commission des lois, car je n’ai pas le pouvoir de prendre une autre initiative. Toutefois, il appartient maintenant au Sénat, dans sa sagesse, de considérer si l’amendement de Jacques Mézard est une conséquence de ce que nous avons adopté précédemment et s’il y a lieu de l’adopter, ou de le rejeter.
Je le redis, le dispositif ne s’appliquera qu’aux fonctionnaires. Il aurait été à mon avis plus cohérent et logique qu’il s’applique à tous. Il est dommage que nos collègues, lorsqu’ils ont rédigé cet amendement, l’aient limité aux fonctionnaires, même si c'est évidemment logique dans un texte relatif à la déontologie des fonctionnaires. Néanmoins, rien n’interdisait de prévoir une harmonisation totale. Nous aurons donc un système quelque peu bancal, certains bénéficiant du délai de six mois, et d’autres non.
M. Collombat regrettait de ne pas savoir à quoi s’en tenir au bout de quatorze mois ; peut-être qu’il sera toujours dans la même attente dans six mois…
Si, monsieur Mézard, car le délai de six mois s’appliquera seulement aux fonctionnaires, et non aux parlementaires. C'est en tout cas l’interprétation qu’en fait la commission, même si je peux me tromper ! Nous verrons ce que l’on fera en commission mixte paritaire.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’avais défendu l’instauration de délais pour les fonctionnaires. Je n’irai pas aussi loin que M. Mézard : notre grand accord ne continuera pas !
Sourires.
Là, nous avons affaire à des fonctionnaires qui ont une autorité hiérarchique. Si la Haute Autorité ne rend pas son avis, l’autorité hiérarchique doit lui demander quelle est la raison de ce délai supplémentaire. Il peut s’agir d’une affaire complexe, cela peut arriver. C’est, à mon sens, le rôle de l’autorité hiérarchique du fonctionnaire.
Je reste persuadée que, si un délai est fixé dans la loi, la Haute Autorité respectera la loi, sauf cas extraordinaire. J’ai à son égard un a priori de confiance que n’a pas M. Mézard. Il reviendra à l’autorité hiérarchique du fonctionnaire de demander pourquoi le délai en question a été dépassé.
Le groupe socialiste estime qu’il vaudrait la peine d’utiliser le laps de temps qui nous sépare de la commission mixte paritaire pour trouver une solution simple comme celle qui est proposée par M. Mézard, c’est-à-dire une décision tacite.
Monsieur le rapporteur, Rémy Pointereau ne disait-il pas qu’il fallait secouer le joug des normes ? Rendons possible ou, à tout le moins, crédible la recherche d’un accord. Si cela ne règle que le problème des fonctionnaires et non celui des élus, c'est déjà bien !
L’amendement que je propose au nom de mon groupe tend à régler le problème de tout le monde. Je rappelle qu’il vise à ajouter à la loi du 11 octobre 2013 les phrases suivantes : « La Haute Autorité rend sa décision dans les délais impartis par les lois et règlements. L’absence de décision prise dans ces délais vaut accord tacite. »
Madame la ministre, je suis désolé que vous ne soyez plus d’accord avec moi, c'était un tel moment de bonheur et de satisfaction…
Sourires.
C’est le mot qui convient, mon cher collègue !
Toutefois, je ne suis pas d’accord avec vous quand vous affirmez que la Haute Autorité respecte les délais qui lui sont impartis pour se prononcer sur la situation des élus.
Mes chers collègues, aujourd’hui, la Haute Autorité ne respecte pas les délais qui lui sont fixés par la loi organique. J’ai auditionné en votre nom M. Nadal, dans le cadre de la commission d’enquête sur les autorités administratives indépendantes, pendant cinq heures, à la fois au Sénat et dans son bureau. Je vous confirme qu’il considère que les services des impôts ne répondent pas assez rapidement et que ses propres services n’en ont pas non plus les moyens. Il faut sortir de cette situation.
Il est de l’intérêt de tous, y compris de la Haute Autorité, d’avoir des règles claires et de les appliquer ; s’agissant de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, la première chose à faire, c’est qu’elle soit elle-même transparente !
Je voudrais être sûre d’avoir bien compris. J’étais tout à fait d’accord avec la logique et le raisonnement de notre collègue Jacques Mézard, dont j’apprécie les interventions, mais je suis saisie d’un doute : au motif – bien réel – que la Haute Autorité a de grandes difficultés à gérer la situation des élus – je confirme qu’il y a un véritable problème –, on ferait adopter ce soir un amendement dont les dispositions régleraient d’un seul trait de plume le problème des fonctionnaires, puisque le texte porte sur la déontologie des fonctionnaires, et celui des élus…
J’aurais voulu avoir une réponse claire à ce doute qui m’étreint. Le groupe écologiste a collectivement travaillé sur tous les amendements que nous avons déposés – j’acte, avec courtoisie, que nous sommes très minoritaires –, mais, pour le coup, je ne suis pas sûre que nous serions prêts, pour des motifs de confort, à utiliser le véhicule législatif prévu pour les fonctionnaires pour faire passer cette mesure. Sauf erreur de ma part, ne serait-ce pas un cavalier législatif ?
Je ne sais pas si mon intervention sera de nature à éclairer Mme Bouchoux, mais il me semble qu’il faut lever l’éventuelle ambiguïté qui pourrait naître de l’intervention de M. Mézard. On pourrait en effet avoir le sentiment que l’adoption de ces amendements règlerait d’un seuil coup à la fois la situation des fonctionnaires et celle des élus, mais c’est inexact.
Il existe effectivement des délais applicables à la Haute Autorité, mais ils sont de nature différente : il s’agit de délais de publication : actuellement, le seul délai prévu par la loi du 11 octobre 2013 touche à la publication ou à la mise en consultation des déclarations. Ce délai de trois mois court à compter de la réponse de l’administration fiscale, qui dispose elle-même d’un mois et non de deux.
En revanche, il n’existe aucun délai impératif entre la transmission de la déclaration et la saisine de l’administration fiscale ; en clair, le délai peut être contourné par une transmission tardive à l’administration fiscale. On peut en outre se poser la question de la portée de l’accord tacite. Cette précision me paraissait importante.
Par ailleurs, l’extension aux élus du dispositif applicable aux fonctionnaires constituerait-elle ou non un cavalier législatif ? À ce stade, je ne suis pas en mesure de le dire, mais on cherche tout de même à harmoniser le plus totalement ce qui s’appliquera aux fonctionnaires et aux élus et membres du Gouvernement ; cela a été ma préoccupation majeure.
C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles, dans mon propos liminaire en discussion générale, j’ai souligné qu’il eût été plus pertinent d’examiner d’un seul coup l’ensemble des dispositions déontologiques concernant les élus, les membres du Gouvernement, les magistrats de l’ordre administratif et judiciaire et tous les fonctionnaires.
On est en effet en train de procéder au fil de l’eau, mais on se rend compte peu à peu que l’on se heurte à des difficultés et à la question des moyens. La Haute Autorité aura en effet 20 000 ou 24 000 dossiers supplémentaires à traiter, entraînant une surcharge de travail. Lui donnera-t-on alors les moyens d’agir ? On verra… Il faudra donc mettre à profit les travaux de la commission mixte paritaire pour améliorer tout cela, sans quoi nous sommes mal partis.
Cet amendement vise à modifier la loi du 11 octobre 2013, donc la mesure concerne tout le monde !
On a inventé la Haute Autorité dans un moment de panique. On a constaté qu’il fallait étendre encore et encore ses attributions, puis, presque deux ans plus tard, on s’aperçoit que le système ne fonctionne pas très bien. Par conséquent, on essaye d’encadrer la procédure, de fixer des délais, pour que l’on reste tout de même dans un État de droit. Nous poserons aussi la question des voies de recours à l'occasion de l’examen d’un prochain amendement.
Je veux toutefois rendre justice à M. le rapporteur : la loi de 2013 est effectivement rédigée de telle façon qu’on ne sait par quel bout prendre les délais qui y figurent !
Mais oui ! Il y a l’intervention des services fiscaux, celle de la Haute Autorité, en amont et en aval, puis à nouveau celle des services fiscaux… Il faut que cela se rode, soit ; mais il conviendrait de réguler un peu tout cela.
Nous sommes saisis de ce sujet, nous essayons donc d’y mettre un peu de clarté. Peut-être faudra-t-il améliorer le dispositif proposé au travers de cet amendement, mais la mesure s’impose !
L’amendement n’est pas adopté.
Mes chers collègues, nous avons examiné 24 amendements au cours de la soirée ; il en reste 166.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 27 janvier 2016 :
À quatorze heures trente :
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires (n° 41, 2015-2016) ;
Rapport de M. Alain Vasselle, fait au nom de la commission des lois (n° 274, 2015-2016) ;
Texte de la commission des lois (n° 275, 2015-2016).
Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la prévention et à la lutte contre les incivilités, contre les atteintes à la sécurité publique et contre les actes terroristes dans les transports collectifs de voyageurs (n° 281, 2015-2016) ;
Rapport de M. François Bonhomme, fait au nom de la commission des lois (n° 315, 2015-2016) ;
Texte de la commission des lois (n° 316, 2015-2016) ;
Avis de M. Alain Fouché, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 314, 2015-2016).
Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif aux réseaux des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat (n° 252, 2015-2016) ;
Rapport de M. Michel Houel, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 310, 2015-2016) ;
Texte de la commission des affaires économiques (n° 311, 2015-2016).
Le soir :
Conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi créant de nouveaux droits pour les personnes malades en fin de vie.
Suite de l’ordre du jour de l’après-midi.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 27 janvier 2016, à zéro heure cinq.