Sont nommés rapporteurs pour avis pour l'examen du projet de loi de finances pour 2013 :
sur les relations avec les collectivités territoriales, M. Bernard Saugey (mission « Relations avec les collectivités territoriales » et mission « Avances aux collectivités territoriales ») ;
sur la sécurité, Mme Eliane Assassi (mission « Sécurité ») ;
sur l'asile, M. Jean-Pierre Sueur, et sur l'immigration, l'intégration et la nationalité, Mme Hélène Lipietz (mission « Immigration, Asile et Intégration ») ;
sur la sécurité civile, Mme Catherine Troendle (mission « Sécurité civile ») ;
sur l'administration pénitentiaire, M. Jean-René Lecerf, sur la protection judiciaire de la jeunesse, M. Nicolas Alfonsi, et sur la justice judiciaire, Mme Catherine Tasca (mission « Justice ») ;
sur la justice administrative, M. Yves Détraigne, et sur la justice financière, M. André Reichardt (mission « Conseil et contrôle de l'Etat ») ;
sur les pouvoirs publics, M. Michel Delebarre (mission « Pouvoirs publics ») ;
sur les départements d'outre-mer, M. Félix Desplan, et sur les collectivités d'outre-mer et la Nouvelle-Calédonie, M. Christian Cointat (mission « Outre-mer ») ;
sur l'administration territoriale, M. Jean-Patrick Courtois, et sur la vie politique, cultuelle, associative, M. Gaëtan Gorce (mission « Administration générale et territoriale de l'Etat ») ;
sur la stratégie des finances publiques et la modernisation de l'Etat, Mlle Sophie Joissains, sur la fonction publique, Mme Jacqueline Gourault (mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ») ;
sur le programme coordination travail gouvernemental, M. Alain Anziani, et sur la protection des droits et libertés, Mme Virginie Klès (mission « Direction de l'action du Gouvernement ») ;
sur l'égalité entre les hommes et les femmes, Mme Nicole Bonnefoy (mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ») ;
et sur le développement entreprise et emploi, M. Antoine Lefèvre (mission « Economie »).
La commission procède ensuite à l'examen du rapport pour avis de M. Bernard Saugey sur la proposition de résolution n° 573 (2011-2012), présentée par M. Jacques Mézard et plusieurs de ses collègues, tendant à créer une commission d'enquête sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé.
Notre collègue Jacques Mézard et des membres du groupe du Rassemblement démocratique et social européen ont déposé le 30 mai dernier une proposition de résolution tendant à créer une commission d'enquête sur l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé, envoyée au fond à la commission des lois. Le groupe RDSE a demandé la création de cette commission d'enquête au titre de son « droit de tirage ». Dans ces conditions, notre commission n'a pas à apprécier l'opportunité de sa création, mais seulement à en contrôler la recevabilité au regard de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958.
Sur le fond, je souhaite apporter mon soutien à la création de cette commission d'enquête, tant est préoccupante l'influence des mouvements à caractère sectaire dans notre tissu social fragilisé, en particulier dans le domaine de la santé, où elle s'attaque à des personnes vulnérables.
On estime qu'aujourd'hui quatre Français sur dix ont recours à des médecines alternatives, dont 60 % chez les malades du cancer, que 4.000 psychothérapeutes autoproclamés ne sont inscrits sur aucun registre et que 3.000 médecins seraient en lien avec des mouvements à caractère sectaire. Certaines pratiques médicales non conventionnelles correspondent aux critères de la dérive sectaire, des « gourous thérapeutiques » profitant de leur emprise sur des malades pour leur soutirer de l'argent. Les dérives sectaires dans le domaine de la santé représentent près du quart des signalements à la MIVILUDES.
La proposition de résolution de notre collègue Mézard prévoit la création d'une commission d'enquête composée de vingt et un membres. Aucune commission d'enquête n'a été constituée dans les douze derniers mois sur la question de l'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé.
Il me semble que ce sujet devrait tout spécialement intéresser nos collègues de la commission des affaires sociales, compétente en matière de santé publique.
La commission d'enquête serait ainsi amenée à contrôler la gestion des services publics intervenant dans le domaine de la santé, les ordres professionnels et l'organisation des professions médicales. Par conséquent, l'objet de cette commission d'enquête entre bien dans le champ de l'article 6 de l'ordonnance de 1958, au titre de la gestion des services publics, sans qu'il soit donc nécessaire d'interroger le garde des sceaux sur l'existence d'éventuelles poursuites judiciaires.
Dès lors, la proposition de résolution est recevable. Il n'existe aucun obstacle à la création de cette commission d'enquête par la procédure du « droit de tirage ».
J'approuve l'ensemble des propos de notre rapporteur, qui décrit une situation réelle. Je ne sais pas si elle est très préoccupante, mais elle pose en tout cas un problème tout à fait sérieux.
Il apparaît clairement que la proposition de résolution de notre collègue Mézard correspond à un intérêt certain. L'influence des mouvements à caractère sectaire dans le domaine de la santé est un vrai problème. Je vous propose d'approuver les conclusions de notre rapporteur sur la recevabilité de cette proposition de résolution.
Les conclusions du rapporteur sont adoptées à l'unanimité.
La commission procède à l'examen des amendements au texte n° 620 sur le projet de loi n° 592 (2011-2012) relatif au harcèlement sexuel.
En raison des nombreux amendements qui ont été déposés sur ce texte, il est probable que la discussion en séance publique se poursuive demain après-midi. Les travaux de notre groupe de travail n'ont pas calmé l'ardeur de certains de nos collègues !
Avant l'article 1er
Mon amendement n° 11 reprend une des préconisations de la Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, qu'elle a adoptée à l'unanimité. Il vise à demander au Gouvernement de remettre un rapport, avant le 31 décembre 2012, sur la création d'un observatoire national des violences envers les femmes. Il s'agit, par cet amendement, d'attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité de créer un tel observatoire.
La ministre des droits des femmes, Mme Najat Vallaud-Belkacem, s'est déclarée favorable à une réflexion sur la création d'un tel observatoire.
Toutefois, je vous rappelle que l'observatoire national de la délinquance et des réponses pénales pourrait jouer ce rôle d'observatoire des violences faites aux femmes. C'est pourquoi je demande le retrait de cet amendement ou, à défaut, un avis défavorable.
Je préfère le maintenir car les deux ministres à l'origine du projet de loi se sont déclarées favorables.
Par ailleurs, l'observatoire national de la délinquance et des réponses pénales ne traite pas spécifiquement des violences faites aux femmes, d'où l'importance d'une réflexion sur le sujet.
Le Parlement ne dispose pas de pouvoirs d'injonction sur le Gouvernement pour la création d'un tel observatoire. Je partage la position du rapporteur de demander le retrait de cet amendement.
Nous savons bien que le Parlement ne peut donner d'injonctions au Gouvernement. Le fait de demander un rapport est une façon d'attirer son attention et de ne pas enterrer le sujet.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 11.
Article 1er
Mon amendement n° 44 vise à modifier l'ordre, dans le code pénal, des définitions du harcèlement moral et du harcèlement sexuel. Celui-ci est une spécificité du harcèlement moral. C'est pourquoi la définition du harcèlement sexuel devrait apparaître après celle du harcèlement moral.
Un tel amendement devrait nécessairement s'accompagner d'un certain nombre de coordinations.
Cet amendement risque en effet de provoquer des oublis de coordination, ce qui ne me paraît pas opportun. C'est pourquoi je demande le retrait de l'amendement.
Je préfère le maintenir pour avoir un échange avec le Gouvernement sur cette question.
Le rapporteur propose donc un avis défavorable sur cet amendement mais Mme Klès ne le retirera qu'après avoir entendu le Gouvernement sur cette question.
Je ne suis pas d'accord avec l'avis défavorable du rapporteur. Mme Klès a raison de vouloir rédiger un code pénal logique. Il est utile et important d'avoir une discussion sur cette question avec le Gouvernement.
Outre les arguments de Mme Klès, il convient de souligner que la modification du code pénal entraîne des problèmes de coordination. C'est pourquoi il faut être prudent avec cette question et éventuellement inviter le Gouvernement, dans le cadre d'un projet de loi ultérieur, à opérer un toilettage et une réorganisation du code pénal.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 44.
Cet amendement n° 36 rectifié propose de modifier la définition du harcèlement sexuel en prévoyant que celui-ci peut être constitué à partir d'un seul acte. Cette modification remet en cause les réflexions de notre groupe de travail selon lequel le harcèlement est constitué d'une succession d'actes.
Je vous rappelle que les travaux de notre groupe de travail ont reposé sur l'idée que le harcèlement sexuel est constitué d'une succession d'actes tandis que le chantage sexuel ne représente qu'un acte isolé. C'est pourquoi, à l'instar de notre rapporteur, il est logique de ne pas retenir les amendements qui remettraient en cause cette définition.
Je partage la position du rapporteur. La définition retenue par le groupe de travail sur le harcèlement est logique et solide.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 36 rect.
Cet amendement n° 10 propose de remplacer le terme « comportements et tous autres actes » par le terme « agissements ». Bien que je sois en parfait accord avec la définition de notre commission, je pense que nous pouvons l'améliorer sur la forme.
Cet amendement me paraît utile bien que le terme « agissements » me semble déjà inclus dans la notion de « comportements » retenue dans le texte de la commission des lois.
Je propose un avis favorable sous réserve d'une modification : il est préférable de parler de « propos ou agissements » et non de « propos et agissements ».
Le terme « agissements » implique une dose d'intentionnalité plus forte que celle de « comportements ».
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 10 sous réserve de sa rectification.
Cet amendement n° 5 propose plusieurs modifications rédactionnelles à la définition du harcèlement sexuel afin de la rendre plus proche de celle de la directive de 2006. La définition retenue par celle-ci est en effet plus large que celle retenue par notre commission.
L'intégration des dispositions de la directive au sein de la définition proposée par notre groupe de travail rendra cette dernière trop générale. Or, le Conseil constitutionnel a censuré la précédente loi sur le harcèlement sexuel en raison de l'imprécision de la définition.
Par ailleurs, cet amendement propose d'ajouter un « notamment ». Notre commission a souvent souligné les risques d'utiliser cet adverbe dans une incrimination pénale. C'est pourquoi je vous propose un avis défavorable.
Mon amendement visait principalement à porter à la connaissance de notre commission les différences de définition entre celles proposées par la directive européenne de 2006 et celle du projet de loi. En raison des arguments de notre rapporteur, je suis d'accord pour retirer mon amendement.
La commission demande le retrait de l'amendement.
Mon amendement n° 29 propose de remplacer le terme « environnement » par celui de « situation », qui me paraît plus approprié. On utilise souvent le terme « environnement » alors même que sa définition n'est pas claire. Notre collègue Alain Richard avait demandé, lors de notre précédente réunion de commission, de trouver d'autres termes plus précis. Je vous propose celui de situation.
Je partage les arguments de Jean-Jacques Hyest, qui sont identiques à ceux de Mme Esther Benbassa, qui nous avait rappelé l'origine anglo-saxonne du terme « environnement ». Le changement de terme proposé dans la définition du harcèlement sexuel ne modifie pas la philosophie générale du projet de loi.
La loi doit aider le juge à caractériser les actes en cause pour prononcer des sanctions adaptées. Le juge comprendra mieux la notion de « situation » que celle d' « environnement ».
« Environnement » est un terme utilisé par les juridictions américaines. Sa définition n'est pas adaptée à la définition du harcèlement sexuel proposée par le projet de loi.
Le terme « environnement » ne me paraît pas poser de difficultés particulières. Il est de toute façon difficile de trouver le terme adéquat pour qualifier une ambiance insupportable pour la victime.
L'expression « de nature à créer », que reprend l'amendement, me gêne car elle n'est pas facile à comprendre et à apprécier par les juges.
Il y a un sous-amendement n° 61 qui propose de supprimer cette expression.
Je suis favorable à ce sous-amendement et, donc, je rectifierai mon amendement dans ce sens.
Je préfère conserver le terme « environnement » car il intègre l'idée de « situation » et de « climat ».
Je défends le terme d' « environnement » car d'une part, il est repris dans la législation européenne et, d'autre part, il s'agit d'une notion qui existe déjà en droit français, notamment dans la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations et dans l'accord interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail.
Après avoir interrogé plusieurs magistrats, tous m'ont indiqué que le terme « environnement » ne serait pas à l'origine de difficultés juridiques ou d'interprétations particulières. C'est pourquoi je ne vois pas d'intérêt particulier à le remplacer par celui de « situation ».
L'amendement n° 25 vise à faire de l'élément matériel et moral des éléments communs au harcèlement sexuel proprement dit et au chantage sexuel, et à prendre en compte les actes graves poursuivant un autre but que la recherche de relations sexuelles.
Je demande le retrait de cet amendement car il crée une confusion, de même que pour l'amendement de repli n° 26.
Je ne suis pas en accord avec le rapporteur, encore une fois. Pour susciter le débat que nous souhaitons en séance publique, je maintiens les amendements.
Je tiens à préciser que notre groupe a donné un accord de principe sur l'architecture du projet de loi, se limitant à déposer des amendements pour apporter des modifications à la marge. Les amendements du groupe respectent cette cohérence du texte. Les amendements individuels, même s'ils procèdent d'intentions respectables, n'auront donc pas mon soutien personnel.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 37.
Sans remettre en cause l'architecture d'ensemble du texte, ces amendements ont pour but de clairement affirmer le terme de chantage sexuel.
Je suis hostile à cette confusion. L'article L. 312-10 du code pénal définit précisément le chantage comme le fait d'obtenir, en menaçant de révéler ou d'imputer des faits de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération, soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque. Cette définition est - je m'en souviens comme rapporteur du livre des crimes et des délits contre les biens du code pénal en 1992 - ancienne. Préférant mettre en garde contre la confusion des termes, je ne voterai pas cet amendement.
L'intérêt de l'amendement est de nommer justement le chantage sexuel, en évitant ainsi l'ambiguïté. Le code pénal fait déjà coexister l'atteinte aux biens et les atteintes sexuelles sans qu'une confusion ne se crée. Dans les débats parlementaires de 1992, le terme de chantage sexuel avait d'ailleurs été évoqué.
Je vous demanderai, Mme Klès, de bien vouloir retirer le premier amendement au bénéfice du second qui me semble préférable car il conserve le principe de l'« assimilation » au harcèlement sexuel.
C'est bien mon intention de qualifier l'acte unique et je retirerai en séance publique l'amendement n° 18.
Sur l'amendement n° 19, je ne vois pas l'apport du terme de chantage sexuel. La rédaction actuelle de la commission convient parfaitement. Dire que l'acte unique est assimilé au harcèlement sexuel permet au magistrat de mieux apprécier les faits dans le respect du principe de personnalisation des peines.
Le hiatus « et est » dans la rédaction de l'amendement me gêne. Ne faudrait-il pas le corriger pour rendre le texte plus compréhensible et plus précis ?
Êtes-vous favorable, Mme Klès, à une rectification de l'amendement pour le rédiger ainsi « constitue un chantage sexuel, assimilé au harcèlement sexuel, ... » ?
Personnellement, je souscris à votre proposition et je le rectifierai en séance publique.
Je n'aime pas la notion d'assimilation entre le chantage sexuel et le harcèlement sexuel qui ne tient, dans le cas présent, que par une identité de peine. Ce sont pourtant deux notions distinctes. J'aurais sur ce point préféré l'amendement n° 18 même s'il sera retiré.
Pour l'amendement n° 18, je constate qu'après avoir critiqué le Gouvernement pour l'usage du terme « constitue », on le réintroduit maintenant !
On assimile les deux notions de chantage sexuel et de harcèlement sexuel après les avoir distingués : ce n'est pas cohérent !
Ce débat sémantique est parasite par rapport à l'objet du texte. Il aurait mieux valu faire deux articles ; un pour le harcèlement sexuel et un pour le chantage sexuel. En tout état de cause, l'expression « assimilé au harcèlement sexuel » est un commentaire de la loi qui n'a pas sa place dans une disposition législative.
Ce genre de texte invite à la surenchère pénale, ce qui, depuis le début, me rend réservé sur le niveau de la peine fixée.
Si la presse a envie de qualifier ce délit de « chantage sexuel », c'est son droit ! Le code pénal n'incorpore pas toujours dans la définition le substantif couramment utilisé dans le langage courant pour parler d'une infraction pénale.
Tout à fait ! Des articles commencent simplement par « le fait de... ».
Comme les orateurs précédents, j'estime que la phrase devient plus obscure avec cet amendement qui donne un effet d'accumulation.
Je maintiens mon avis favorable par souci de clarification car le chantage sexuel est immédiatement défini dans l'article. Il n'est pas absurde, avec l'expression de « chantage sexuel », d'introduire une langue plus accessible dans la loi.
L'objet de l'amendement n° 50 est simple : les termes « réel et apparent » sont superfétatoires car le juge devra s'interroger sur l'intention cachée de l'auteur de l'infraction.
Souhaitant à l'origine déposer un amendement similaire, je suis satisfait que ce point soit discuté en séance et puisse figurer ainsi dans les travaux préparatoires de la loi. Par rapport à l'objectif du texte, cette précision est problématique. L'expression « dans le but réel ou apparent » obligera le juge à caractériser les faits pour démontrer que le but était bien poursuivi.
Je m'étais effectivement interrogée sur ce point et m'étais alors rangé à l'avis du rapporteur mais je souscris à la démarche de M. Reichardt.
Je comprends les arguments au soutien de cet amendement. Dans la pratique pourtant, c'est l'apparence des actes ou des paroles qui compte car l'auteur des faits pourrait toujours se défendre de ne pas avoir eu l'intention de harceler sexuellement.
En effet. Au demeurant, ces adjectifs « réel et apparent » s'appliquent au but, ce qui a pour effet d'élargir le champ de l'incrimination. Ce type de précision existe déjà dans le code pénal, me semble-t-il.
Je me range à l'avis de M. Hyest qui a parfaitement exprimé ce que je souhaitais dire.
A trop préciser la définition, on complique la tâche du juge à qui on ne fait plus confiance.
Cet amendement apporte une précision rêvée par les avocats de la défense qui auront beau jeu de dire : « vous n'allez tout de même pas condamner mon client pour de simples apparences » !
Il ne faut pas entrer dans cette alternative entre but réel et apparent, à laquelle on pourrait ajouter but exprimé ou non exprimé d'ailleurs. Je soutiens donc l'amendement de M. Reichardt.
Certes, la Cour de cassation recherchera quel est, derrière les apparences, le but réel. Devant les juridictions du fond, les avocats défendront pourtant l'absence d'intention pour obtenir la relaxe de leur client. Cette précision, qui est une proposition des praticiens, correspond mieux à la réalité judiciaire et répond aux demandes des magistrats que j'ai entendus.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 50.
Il s'agit de reprendre, avec l'amendement n° 2, les termes de la jurisprudence qui parle plutôt d'actes sexuels que de relations sexuelles.
Je vous propose donc de rectifier en enlevant « tout acte de nature sexuelle » au profit d'un « acte de nature sexuelle ».
Je vous consulte donc sur l'avis favorable du rapporteur sous réserve de la rectification évoquée qui sera demandée à Mme Dini, auteur de l'amendement.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 2.
Sur l'amendement n° 51, le principe de la cohérence des peines justifie que nous augmentions la peine dans ce cas : le harcèlement sexuel est plus grave que l'exhibition sexuelle !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 51.
Je n'ignore pas que la majorité sexuelle est fixée à 15 ans, mais mon amendement n° 8 vise à prendre en compte les stagiaires ou des jeunes collaborateurs âgés de 15 à 18 ans, qui sont plus fragiles et qu'il convient donc de protéger davantage.
On nous appelle à ne pas détricoter le code pénal mais celui-ci contient déjà des articles qui ne font pas la distinction entre les mineurs de 15 ans et ceux de 18 ans : ainsi en matière de cyberpédopornographie et de traite des êtres humains.
Depuis 1945 nous avons conservé l'inscription dans le code pénal d'une majorité sexuelle à 15 ans. Les conséquences sont importantes : un adulte ayant une relation sexuelle avec un mineur de 15 ans peut être poursuivi sans qu'on ait à s'interroger sur le consentement du mineur, tandis qu'il faut établir le non-consentement dès lors que le mineur a plus de 15 ans. En outre, l'intention de l'auteur de l'amendement est en partie couverte par la notion d'abus d'autorité. Enfin, il y aurait là une incohérence avec l'incrimination du viol, pour lequel la peine n'est pas aggravée pour les mineurs de plus de 15 ans.
Le code pénal prévoit que le viol est aggravé lorsqu'il concerne un mineur de 15 ans. Je pense également que la situation des mineurs de 18 ans est couverte par la notion d'abus d'autorité. Si l'on retient ici une autre solution, c'est tout le code pénal qu'il faut modifier. Le choix de rester à 15 ans pour la majorité sexuelle a été précédé de longs débats : il faut faire attention !
L'expression de majorité sexuelle est trompeuse. La limite de 15 ans sert en fait à protéger une vulnérabilité particulière, indépendamment de la notion de consentement. Il faut considérer dans le cas présent, comme dans d'autres incriminations, qu'il y a abus de supériorité dès lors que la victime est âgée de moins de 15 ans. En tout état de cause, tout le texte est fondé sur la notion de situation d'infériorité.
J'étais a priori favorable à ce genre d'amendements mais je me rallie aux arguments qui viennent d'être évoqués, d'autant que l'incrimination est déjà très large. Accepter l'amendement reviendrait à dire que le harcèlement est, en un sens, plus grave que le viol.
Nous avons bâti notre système pénal sur l'idée que les mineurs de 15 ans doivent être protégés de manière particulière. Il ne faut pas y faire cette brèche, à moins de tout changer. Le texte de la commission est meilleur !
L'expression de « mineur de 15 ans » est une expression de juriste. En bon français, il faudrait dire « mineur de moins de 15 ans »...
Certes, en bon français vous avez sans doute raison, mais il faut conserver ce qui figure dans le code pénal.
Sur l'amendement n° 6 de la commission des affaires sociales, il est des situations de fait qui aggravent la vulnérabilité de la personne, mais le simple renvoi à la situation économique et sociale est assez flou. Je préciserais donc « situation de vulnérabilité particulière due à sa situation économique et sociale ». Le juge analysera cette situation en étudiant le dossier. Par ailleurs, la référence à l'âge, dans les circonstances aggravantes, me paraît également imprécise.
C'est un vrai sujet. J'expliquerai en séance pourquoi il est pertinent de retenir mon amendement n° 28.
La vulnérabilité économique est un élément très important aujourd'hui alors que 80% des emplois à temps partiel et 60% des CDD sont occupés par des femmes. Il y a aussi la vulnérabilité des familles monoparentales. En revanche je suis défavorable à la notion de vulnérabilité sociale qui, contrairement à la vulnérabilité économique, me semble être une notion subjective.
Il y a un problème de cohérence : la semaine dernière nous n'avons pas inclus la situation économique et sociale dans la liste des vulnérabilités. J'entends bien vos arguments mais je pressens les difficultés auxquelles les tribunaux vont être confrontés : est-ce le surendettement, le niveau de revenus, le fait d'être un étranger en situation irrégulière qui constitue la vulnérabilité économique et sociale ? Les réponses des juridictions seront diverses et la Cour de Cassation n'assurera pas de régulation car il s'agit d'une question de fait.
Je suis favorable à ces amendements en raison d'une expérience personnelle. J'ai eu dans ma carrière l'occasion de gérer un personnel nombreux et j'ai remarqué que les victimes du harcèlement sexuel sont toujours des personnes en situation précaire, par exemple des jeunes femmes en contrat précaire que le patron menace de ne pas renouveler.
Dans une situation où le nombre de chômeurs va atteindre 3 millions, sans parler des travailleurs précaires, une grande partie de la population est en situation de vulnérabilité économique : le simple fait d'être menacé de perdre son emploi constitue une telle vulnérabilité. La circonstance aggravante serait donc toujours retenue.
Je suis hostile aux énumérations : elles risquent d'enfermer le juge sans jamais pouvoir atteindre à l'exhaustivité. La formulation proposée par l'amendement couvrira-t-elle le séjour irrégulier, la garde à vue, etc. ? Il faut se contenter de la notion de « vulnérabilité particulière ».
Je suis du même avis. La notion de situation économique et sociale n'est pas de même nature que la grossesse ou la maladie qui peuvent être attestées par un certificat médical. A mon avis, cela laisse un champ d'appréciation trop large au juge.
Il existe pourtant déjà des situations où les juges apprécient la vulnérabilité. Faut-il introduire le seuil de pauvreté ou le SMIC ? Je ne le pense pas. Si l'on précise les choses, il ne faut pas oublier la vulnérabilité sociale, qui correspond par exemple au fait de ne pas avoir de logement. Donc, soit l'on suit M. Lecerf et on laisse le juge apprécier, soit il faut être précis.
Ces amendements introduisent un cas particulier de circonstance aggravante qui n'existe nulle par ailleurs. Nous avons toujours voulu tenir compte de faits objectifs, comme le handicap. C'est d'ailleurs ce que nous avions dit la semaine dernière.
Je crois qu'il est de bonne méthode de prendre en considération le code pénal dans sa globalité. On a tellement reproché à nos adversaires de réformer par petites touches ! Je suis donc plutôt défavorable à ces amendements.
Mon amendement n° 13 tend à prendre en considération les agissements de harcèlement sexuel à but discriminatoire. Il nous a été indiqué que près de la moitié des personnes transgenres ou transsexuelles sont victimes de harcèlement sexuel durant leur transition.
Nous avons, nous aussi, rencontré les associations de transsexuels et transgenres. Nous aurons un débat en séance, je l'espère, pour lever l'omerta sur le sujet.
L'expression « à raison du sexe » est trop large : le harcèlement sexuel est, par définition, toujours à raison du sexe. En revanche, il serait logique de prendre en compte l'orientation sexuelle qui est déjà une circonstance aggravante du viol et de l'agression sexuelle.
Je vous propose donc un sous-amendement pour ne prendre en compte que la seule orientation sexuelle comme circonstance aggravante, car la jurisprudence intègre l'identité sexuelle dans la notion d'orientation sexuelle. On pourra demander à la ministre de confirmer ce point.
La mention de l'orientation sexuelle comme circonstance aggravante est déjà difficilement explicable. Il est illogique de la mentionner dans le cas du harcèlement sexuel car cela aboutit justement à créer une discrimination alors qu'il faut éviter toute différence de traitement entre les victimes de harcèlement sexuel. La cohérence dans l'erreur n'est pas quelque chose qui doit guider les comportements.
En outre, l'objet de ces amendements vise à sanctionner des intentions : c'est extravagant au regard de la Déclaration des droits de l'homme !
L'orientation sexuelle et le fait d'être transsexuel, ce n'est pas la même chose. Un transsexuel est une personne qui se considère avec une identité sexuelle différente, masculine ou féminine.
Cher Alain Richard, je ne partage pas votre conception de ce qu'est une discrimination. Une personne peut être harcelée en raison de sa particularité, parce qu'elle appartient à une catégorie particulièrement vulnérable de population.
Le code pénal doit évoluer pour prendre en compte la notion d'identité sexuelle, au nom de l'évolution des moeurs.
Au nom de quoi la couleur de peau ou l'orientation sexuelle devraient être une circonstance aggravante ? Est-ce qu'un vol à l'arraché ou n'importe quel autre délit devrait être plus sévèrement puni s'il est commis contre une personne de couleur ? Ici même, nous avons dénoncé, il n'y a pas si longtemps, la précipitation à légiférer dans le domaine pénal. Soyons cohérents avec nous-mêmes.
Nous avons été nombreux à demander l'urgence sur ce texte, compte tenu des circonstances particulières qui nous ont conduits à en discuter.
Ceci est exceptionnel. Nous avons déjà travaillé un mois et demi sur ce sujet, donc nous avons déjà réalisé un travail de fond.
Je partage l'avis d'Alain Richard : le harcèlement sexuel est également grave, quelles que soient l'orientation sexuelle ou la couleur de peau. L'argument de la cohérence juridique impose cependant de mentionner l'orientation sexuelle.
En tout état de cause, je dirai en séance que la notion de « transgenre » est bien incluse dans la notion d'orientation sexuelle mentionnée par le texte.
On est en train de transformer les droits de l'homme en droits des hommes dans leur diversité. On en revient à avant la Révolution, lorsqu'on ne connaissait que des personnes particulières.
Absolument, Sieyès le disait très bien. Texte après texte, on donne à chacun des droits particuliers. La pente est prise, donc on continue, mais c'est vraiment regrettable.
Vous le direz en séance en invoquant Sieyès !
Le sous-amendement du rapporteur est adopté.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 58.
Avec ce vote de la commission, vous vous exposez à un débat inutile en séance...
Le débat a eu lieu. La question de la cohérence dans le code pénal avec le viol et l'agression sexuelle se pose.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 13.
Mon amendement n° 47 vise à modifier la définition du délit de harcèlement moral, actuellement cantonné au monde du travail par le code pénal, alors que le harcèlement moral existe en dehors du travail. Les parquets ont tendance, sur ce fondement, à classer sans suite des plaintes concernant le harcèlement moral. Il s'agit donc de clarifier la définition sans la modifier au fond.
Avis défavorable en l'état, car il n'y a pas lieu d'ouvrir, à l'occasion de ce texte, le chantier du harcèlement moral.
Au moins, le Conseil constitutionnel a validé la définition du harcèlement moral, contrairement au harcèlement sexuel ! Donc, n'y touchons pas aujourd'hui, même si je reconnais que la notion de harcèlement moral nous a fait beaucoup discuter...
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 47.
L'amendement n° 15 vise à conférer la capacité de se constituer partie civile aux associations dont l'objet statutaire comporte la lutte contre le harcèlement sexuel.
Avis plutôt favorable, mais il me semble que ces associations peuvent déjà, en l'état actuel du droit, se constituer partie civile.
Là aussi le mal est fait, mais je m'interroge toujours lorsque l'on veut reconnaître à des associations les droits de la partie civile. On a déjà donné à tellement d'associations la capacité d'engager l'action publique...
Privatisation « gentillette » de la justice ! La République qui part en petits bouts !
La commission émet un avis favorable à l'amendement n°15.
Je vous propose un avis défavorable pour l'amendement n°33 de notre collègue Muguette Dini. Touchons d'une main tremblante la question des prescriptions !
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 33.
Vous allez me dire que l'amendement n° 59 est un cavalier... Il s'agit de faire en sorte que le changement de sexe soit reconnu par la loi.
En réalité, votre demande est déjà satisfaite par l'état du droit en matière de discrimination.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 59.
Je propose un avis favorable pour l'amendement n° 35 : c'est une clarification rédactionnelle bienvenue du code de procédure pénale sur la possibilité pour les associations de se porter partie civile.
La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 35.
L'amendement n° 52 propose d'ajouter dans la définition du harcèlement sexuel dans le code du travail l'atteinte aux droits du salarié.
Il faudra rectifier cet amendement pour tenir compte de l'avis favorable à l'amendement de notre collègue Jean-Jacques Hyest remplaçant le mot « comportements » par le mot « agissements ».
Ce n'est pas une bonne méthode législative que d'écrire la même chose dans différents codes, il serait préférable de procéder par renvois plutôt que d'intégrer dans le code du travail des dispositions du code pénal.
Certes, mais on ne peut pas faire bénéficier les fonctionnaires de la reprise intégrale, dans leur statut, des dispositions du code pénal et pas les salariés du secteur privé.
Je souhaite intervenir en ma qualité de membre de la Commission supérieure de codification. Il était habituel d'avoir, en la matière, ce qu'on appelle un « code pilote » et un « code suiveur ». La Commission supérieure de codification est également habituée à la pratique du renvoi.
J'ai récemment eu un entretien avec le président de la Commission supérieure de codification et ce qu'il m'a dit correspond également à la pratique du Conseil d'Etat. Je crois vraiment que l'on s'éloigne aujourd'hui de la formule du « code suiveur », car on n'arrête pas de modifier les textes. Cette pratique posait des problèmes de coordinations oubliées et créait ainsi des disparités parfois incompréhensibles entre différents codes. La formule du renvoi est la seule garante de la sécurité juridique.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 52.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.
L'amendement n° 4 demande ce qui est déjà pris en compte par la jurisprudence de la Cour de cassation.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 4.
Je pense que les apprentis sont déjà couverts, mais c'est une clarification utile.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 54 par coordination.
Cet amendement n° 34 rectifié traduit la recommandation n° 6 du rapport de la délégation aux droits des femmes.
Dans le droit existant, les syndicats peuvent déjà exercer des recours en justice sur le fondement de dispositions du code du travail. Il n'est pas sûr que les organisations syndicales aient été consultées sur l'extension de cette faculté aux associations de défense des droits des femmes.
A une époque où le dialogue social est promu, il serait préférable de solliciter le point de vue des syndicats sur cette proposition. Lors des auditions, seulement deux des organisations syndicales entendues ont dit ne pas y être opposées.
Cet amendement suit la tendance à la généralisation de l'intervention des parties civiles dans le procès. Il faut être raisonnable et se limiter à l'état du droit actuel.
Il faut être prudent. Je vous renvoie au rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'affaire d'Outreau qui mettait bien en lumière le rôle des associations de victimes dans le déroulement du scandale...
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 34 rectifié.
Mon avis est défavorable car l'obligation de protection des fonctionnaires existe déjà dans le statut général de la fonction publique.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 30 rectifié.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 56.
La commission décide de demander le retrait de l'amendement n° 49.
L'amendement n° 7 doit permettre aux victimes de harcèlement sexuel, lorsque l'auteur des faits est insolvable, d'obtenir une indemnisation de l'État auprès de la commission d'indemnisation des victimes d'infractions (CIVI).
Saisie de cet amendement, la commission des finances n'a pas appliqué l'irrecevabilité financière.
n'est pas un monopole de la commission des finances ; tout sénateur peut soulever l'irrecevabilité.
C'est vrai mais je sais combien son application peut être irritante parfois ! Dans le cas présent, l'irrecevabilité ne s'applique pas car le fonds d'indemnisation dispose de ressources financières provenant de contrats d'assurance.
J'émets un avis défavorable car il serait paradoxal que les victimes de harcèlement sexuel soient éligibles à une indemnisation alors que celles d'une séquestration ne le seraient pas. Mieux vaut réfléchir à une réforme de fond de la CIVI.
Je trouve le raisonnement du rapporteur fragile car il n'est pas illogique d'ajouter une nouvelle infraction. La cohérence inviterait donc plutôt à un avis favorable.
La CIVI n'indemnise que des infractions d'une particulière gravité et sévèrement punies.
Si c'est une question de gravité de l'infraction, c'est donc plus logique et je me range à l'argument du rapporteur.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 7.
La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 20 par coordination.
La commission adopte les avis suivants :
Examen de l'amendement du rapporteur :
Examen des amendements extérieurs
Enfin, la commission examine le rapport d'information de Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Yves Détraigne sur la réforme de la carte judiciaire.
Je passe maintenant la parole à nos deux rapporteurs, Nicole Borvo Cohen-Seat et M. Yves Détraigne, qui viennent de conclure un travail très approfondi sur la carte judiciaire.
Engagée dès le mois de juin 2007, la réforme de la carte judiciaire s'est achevée le 1er janvier 2011. Il s'agit d'une réforme d'ampleur, qui a principalement touché les plus petites juridictions. Elle a réduit de près du tiers le nombre d'implantations judiciaires en France. La nouvelle carte judiciaire ne compte plus que 819 implantations judiciaires, contre 1206 avant la réforme. Les suppressions ont touché principalement les tribunaux d'instance (TI) : 178 sur 476 TI ont été supprimés, soit un peu plus du tiers. En revanche, les tribunaux de grande instance (TGI) ont été relativement épargnés, puisque seuls 21 / 181 ont été supprimés, soit un peu plus de 10%. Un 22ème TGI sera supprimé lors de la fusion des TGI Bourgoin-Jallieu et de Vienne, en 2014. 20% des conseils de prud'hommes (62 sur 271) et 30 % des tribunaux de commerce (55 sur 185) ont été supprimés. Enfin tous les greffes détachés restant sauf un, celui de Saint-Laurent du Maroni en Guyane, ont été supprimés (soit 85 suppressions). A la marge, 14 juridictions ont été créées (7 TI, 1 conseil de prud'hommes, 5 tribunaux de commerce et 1 tribunal mixte de commerce).
Controversée, la réforme a donné lieu à beaucoup de manifestations et de protestations qui ont associé magistrats, fonctionnaires, élus et avocats. L'ampleur de la réforme, comme l'importance des enjeux qu'elle engage, en termes de proximité et de qualité de la justice et de moyens des juridictions, justifie d'en dresser un premier bilan. Nous avons procédé à plus d'une trentaine d'auditions à Paris et nous nous sommes rendus dans le ressort de 5 cours d'appel. Au cours de ces visites, nous avons entendu plus d'une centaine de personnes, magistrats, fonctionnaires, responsables administratifs, représentants des professions judiciaires et élus locaux.... Au-delà des divergences d'appréciation sur la rationalisation engagée du fonctionnement des juridictions, les personnes que nous avons rencontrées ont toutes reconnu qu'une réforme était nécessaire, mais que la méthode suivie avait été contestable. D'ailleurs, certaines difficultés des juridictions procèdent pour une large part des défauts des choix initiaux des concepteurs de la réforme et des critères retenus pour dessiner la nouvelle carte.
Le bilan que l'on peut dresser de la réforme est contrasté. La réforme a rendu possible une rationalisation du fonctionnement de certaines juridictions et la disparition d'implantations judiciaires qui n'avaient plus lieu d'être. En outre, l'accompagnement mis en place par la chancellerie a permis d'en atténuer certaines conséquences négatives. Toutefois, elle a aussi eu des effets négatifs pour le justiciable, les juridictions ou les territoires, notamment lorsqu'elle a abouti à la suppression nette de postes de magistrats ou de greffiers ou qu'elle a éloigné de manière excessive la justice du justiciable.
Un consensus existait sur la nécessité de réformer une carte judiciaire jugée datée. La carte judiciaire n'avait pas été vraiment réformée depuis la réforme de Michel Debré de 1958. Or, les évolutions économiques, sociales et démographiques ont modifié la structure des territoires et le rôle joué par les tribunaux : l'organisation judiciaire était devenue inadaptée. Les comparaisons européennes montrent qu'il ne s'agissait pas forcément d'un problème de nombre de juridictions : si on rapporte le nombre de juridictions au nombre d'habitants ou de kilomètres carrés du territoire, la France tient la comparaison avec l'Allemagne, l'Espagne ou l'Italie. Le problème était plus celui de l'implantation sous optimale des structures judiciaires : ce « saupoudrage » des juridictions sur le territoire national s'accompagnait de disparités importantes dans la répartition des effectifs et le niveau d'activité des juridictions. Cette difficulté était aggravée par l'insuffisance des moyens de la justice, dont la commission des lois s'est régulièrement fait l'écho au cours des dernières années, notamment au travers de l'avis sur les services judiciaires que j'ai rapporté pendant plusieurs années.
Cette réforme a été mal vécue : c'est le sentiment exprimé à de nombreuses reprises au cours des auditions d'une réforme précipitée, mal expliquée, voire brutale. Le choix a été contesté d'une réforme par décret. L'éviction du Parlement a interdit à la réforme de porter sur l'organisation judiciaire ou la répartition des contentieux.
Le calendrier resserré fixé à la réforme n'a pas facilité la concertation (du 27 juin au 1er octobre 2007, soit pendant la période estivale). La concertation nationale a été inexistante : le comité consultatif de la carte judiciaire n'a été réuni qu'une fois, le 27 juin par la garde des sceaux et plus jamais ensuite. Les concertations locales, conduites par les chefs de cour et par les préfets, ont été dans l'ensemble assez riches, mais leur résultat n'a pas toujours été pris en compte. Beaucoup ont eu le sentiment (entretenu par des fuites dans la presse) que la concertation ne servait à rien et que les décisions étaient déjà prises. Les annonces des suppressions ont été vécues douloureusement. La réforme de la carte des tribunaux de commerce fait figure de contre-exemple : la réflexion entamée dès 2005 a pu aboutir, après un processus de concertation qui a associé l'ensemble des acteurs concernés.
La réforme a présenté plusieurs défauts de conception. La réforme des implantations judiciaires a précédé celle de l'organisation judiciaire et de la répartition des contentieux. Or, si les deux avaient été examinés en même temps, une autre carte judiciaire aurait pu être conçue. Il n'y a pas eu non plus de coordination avec la carte administrative. Les moyens de remédier à la discordance entre les 22 régions et les 36 cours d'appel n'ont pas été examinés. La réforme a en outre été conçue indépendamment de celle des pôles de l'instruction (qui imposait de regrouper les juges d'instruction), de la réforme de la protection juridique des majeurs ou de la réforme des tutelles mineurs.
L'objectif de rationalisation de la carte a primé celui de la proximité au justiciable : il s'agissait de permettre aux magistrats de « bien juger » grâce à des juridictions de « taille suffisante », pour lutter contre l'isolement du juge, atteindre un seuil minimum d'activité et renforcer la spécialisation des juges. Il s'agissait aussi d'améliorer par les regroupements et les mutualisations la gestion des juridictions, de faciliter la gestion des ressources humaines, d'améliorer l'entretien et la sécurité des bâtiments, de réaliser des économies au bénéfice du contribuable. L'exigence de proximité a été écartée au nom de la défense d'une « nouvelle conception de la proximité », qui mobiliserait les technologies de l'information et de la communication, et substituerait aux juridictions supprimées des lieux d'accès au droit, comme les maisons de la justice et du droit ou les points d'accès au droit. Toutefois, l'expérience de cette nouvelle conception de la proximité n'est pas forcément concluante, comme nous l'avons vu à Saint-Gaudens ou à Hazebrouck où les bornes visio restent d'un accès difficile pour les publics fragiles ou précaires. Elles requièrent l'assistance d'une personne formée.
Il a parfois été soutenu que le contact avec les tribunaux serait exceptionnel dans une vie et que, ce jour-là, la distance ne serait pas un problème. C'est faux : pour les publics fragiles ou précaires, cette distance est toujours un problème et les TI sont ceux vers lesquels se tournent les publics en situation de précarité et les contentieux concernés sont répétitifs (famille, endettement, tutelle...) qui imposent de saisir de nombreuses fois le juge.
Les critères quantitatifs (fondés sur le niveau d'activité des juridictions), ont été préférés aux critères qualitatifs. Un certain nombre de redécoupages avait été proposé par les chefs de cour ou les élus locaux. Par exemple, dans le ressort de la cour d'appel de Douai, M. Michel Vandevoorde, maire de Nieppe, avait porté le projet d'une extension du ressort du TGI de Hazebrouck vers Armentières et plus largement à la Flandre intérieure, pour permettre au tribunal d'atteindre la taille critique. La chancellerie a fait le choix de supprimer le TGI d'Hazebrouck.
Certains arbitrages ont été critiqués parce qu'ils ignoraient des impératifs vitaux pour le justiciable (accessibilité au juge, précarité de certains justiciables). Tel fut le cas pour le TGI de Saint-Gaudens (pour les populations des Pyrénées centrales) ou pour le TI d'Epernay (pour les populations de Vitry le François). Certains choix ont également été contestés en raison de l'absence de lien apparent avec les critères de rationalisation retenus (ce fut le cas du TGI de Moulins, supprimé contre toute logique). Ces contestations ont d'ailleurs été portées, pour une large part, devant le Conseil d'État, à travers 200 recours.
Les moyens d'accompagnement de la réforme mis en oeuvre par la chancellerie ont fait l'objet d'une appréciation contestée. Le coût immobilier a été en apparence bien inférieur aux prévisions initiales : initialement estimé à 900 millions d'euros, il serait plus proche de 340 millions d'euros. La commission des finances a engagé un bilan de cette question. Il nous semble que l'estimation initiale ne prend pas en compte des surcoûts potentiels : les palais de justice, propriétés des collectivités territoriales, étaient généralement mis gracieusement à disposition des juridictions. Les regroupements ont obligé le ministère à prendre de nombreux nouveaux bâtiments en location. Jusqu'à présent, les loyers étaient assumés par des crédits spécifiques pour mettre en place la carte judiciaire. Mais ceux-ci ne seront en principe pas reconduits dans les prochains budgets. Le coût sera reporté sur les dépenses de fonctionnement des juridictions.
Nous dressons également un bilan mitigé de l'accompagnement social de la réforme. La chancellerie a mis en place un plan d'accompagnement des 1 800 agents (400 magistrats et 1 400 fonctionnaires) concernés par la réforme. Ce plan recouvrait un volet financier, avec une prime forfaitaire de changement de résidence et des aides à la mobilité, pour un montant global de 15,6 millions d'euros et de 12 000 euros par fonctionnaire touché par la réforme. Il y avait aussi un volet social, d'aide au reclassement ou à la définition de solutions adaptées pour résoudre les problèmes de mobilité. Certains fonctionnaires se sont mis à temps partiel. Les avocats, dont le TGI a été supprimé ont aussi pu bénéficier d'aides particulières pour ouvrir un cabinet secondaire ou déménager le leur. D'une manière générale, les auditions et les déplacements ont confirmé que la réforme de la carte judiciaire a considérablement sollicité les magistrats et les personnels judiciaires. Parce qu'elle a altéré leurs conditions de travail et leurs conditions de vie, elle a représenté, pour le personnel du greffe en particulier, un véritable surcroît de travail. Il faut rendre hommage à leur conscience professionnelle exemplaire et à leur remarquable dévouement pour leur mission. Cela ne m'a pas surpris, comme ancien rapporteur pour avis du programme « justice judiciaire », j'avais observé le profond attachement des agents au service public de la justice.
Nous estimons insuffisante la présence judiciaire dans les territoires où une juridiction a été supprimée. Le gouvernement s'était engagé à compenser la disparition de certaines juridictions dans des territoires éloignés de la juridiction de regroupement par la création de structures judiciaires d'accès au droit. Tel était notamment l'objet des maisons de la justice et du droit (MJD) de « nouvelle génération ». Il s'agit d'établissements judiciaires qui fournissent des services d'information, d'orientation, de consultation juridique. Elles regroupent différents acteurs (magistrats, éducateurs, travailleurs sociaux, avocats, délégués du procureur...) et répondent aux contentieux du quotidien. Elles devraient progressivement être dotées de bornes-visio. Cependant moins d'une vingtaine de MJD ont été créées. En outre, elles posent des problèmes, puisqu'elles opèrent un transfert de charge d'une mission régalienne de l'État, aux collectivités territoriales : si la chancellerie paie le premier équipement de la MJD, le reste (bâtiments, frais de fonctionnement, personnel présent hors greffe) est à la charge des collectivités territoriales. Enfin, cela ne couvre pas le même besoin. La MJD fournit de l'information, du conseil, mais elle ne remplace pas une juridiction. Les points d'accès au droit, structures encore plus légères posent les mêmes difficultés que les MJD.
Un autre dispositif a parfois été utilisé pour maintenir une présence judiciaire : celui des audiences foraines, notamment en matière familiale. Toutefois, cette solution n'a pu s'imposer : elle repose largement sur l'investissement des magistrats et des personnels et génère un certain nombre de contraintes puisqu'elles obligent magistrats et greffiers à se déplacer avec leurs dossiers. Aucune politique volontariste de maintien d'une présence judiciaire appropriée n'a été mise en oeuvre par la chancellerie là où des tribunaux ont été supprimés. Le ministère de la justice a plutôt privilégié des actions ponctuelles en la matière.
L'effet de la réforme de la carte judiciaire sur le fonctionnement de la justice porte la marque des défauts de conception initiaux.
Il convient de noter que certaines juridictions qui présentaient des chiffres d'activité parfois nettement supérieurs aux minima requis ont été supprimées au profit d'autres juridictions, afin de favoriser la concentration des moyens ou d'approcher l'objectif d'un TGI par département, ce qui a été vigoureusement dénoncé par ceux qui avaient à souffrir de cette suppression, par exemple Guingamp et Rochefort.
Il y a eu une diminution des postes par rapport à ce que la juridiction absorbante aurait dû recevoir des juridictions supprimées ; la réforme a abouti à une réduction des effectifs, entre 2008 et 2012, de 80 postes de magistrats et de 428 postes de fonctionnaires.
Cette évolution, qui est une contribution à la révision générale des politiques publiques (RGPP), a eu des conséquences préjudiciables pour les juridictions qui n'avaient pas de moyens suffisants et étaient aussi affectées par d'autres réformes. En touchant principalement les tribunaux d'instance, la réforme a porté sur les juridictions les plus proches des gens, aux deux sens du terme : proximité géographique ; proximité juridique, les TI traitant des contentieux du quotidien et du voisinage, ceux de plus faible montant et ceux de la précarité. Le regroupement a particulièrement nui à ce contentieux. On sent aussi le défaut de prise en compte des spécificités territoriales ou de la difficulté de circulation des populations concernées, difficulté de déplacement parce que tout le monde n'a pas de voiture ou que les transports en commun sont dégradés. L'expression de « désert judiciaire » a été employée à de nombreuses reprises au cours des auditions, pour décrire les situations où, sur plus de 100 kilomètres, un territoire qui n'est pourtant pas dépourvu de population est privé de toute implantation judiciaire.
Il existe clairement un effet « carte judiciaire » sur les délais de traitement des dossiers soumis aux juridictions civiles. Il est encore trop tôt pour savoir si cette dégradation des délais de traitement judiciaire a vocation à marquer durablement les juridictions ou si elle sera prochainement effacée, maintenant que la réforme est totalement entrée en vigueur.
Nous avons aussi cherché à évaluer l'impact de la nouvelle carte judiciaire sur l'accès à la justice, parce que cette question détermine le succès ou l'échec de cette réforme : l'éloignement des juridictions a parfois conduit certains justiciables à renoncer à saisir le juge.
Dans les TGI regroupés, on a parfois constaté une diminution du nombre d'affaires qui signale les difficultés rencontrées par les justiciables pour accéder à la justice, voire leur découragement à saisir leur juge.
De nombreux élus ont enfin regretté que la suppression d'un lieu de justice s'ajoute à la lutte déjà longue des services publics ou des administrations (commissariats, hôpitaux, filiales de la banque de France, casernes...) qui ont quitté le territoire.
Quelles pistes pour l'avenir ?
La réforme de la carte judiciaire a durablement et fortement éprouvé les justiciables, les personnels judiciaires et les territoires. Comme nous l'ont dit les magistrats rencontrés, aujourd'hui, plus que d'une nouvelle réforme, l'institution judiciaire a avant tout besoin d'une « pause ».
Le Parlement doit pouvoir débattre de toute réforme future de la carte judiciaire, pour décider des principes qui devront la fonder et des objectifs qui lui seront fixés. D'ailleurs, se détournant du chemin du Parlement, la réforme s'est privée de la possibilité d'étendre son champ. Une réforme plus ambitieuse de l'organisation judiciaire aurait sans doute permis de parer aux défauts majeurs de conceptions du projet initial.
Deuxièmement, des amendements peuvent être apportés à la nouvelle carte judiciaire, pour remédier à des dysfonctionnements avérés. Les solutions que nous préconisons correspondent d'ailleurs aux principales mesures d'accompagnement parfois annoncées pour équilibrer une suppression difficile, mais qui, comme on l'a vu, n'ont pas été suffisamment suivies d'effets. Il en est ainsi des audiences foraines, souvent promises, rarement tenues. La question de la réimplantation du tribunal peut se poser ou, sous une forme plus légère, celle de la création d'une chambre détachée.
Nous n'avons pas voulu donner d'indications précises sur ce point car nous n'avons pas visité tous les tribunaux et, surtout, nous ne voulons pas répéter les inconvénients que nous dénoncions d'une réforme imposée par le « haut ».
Nous posons la question de la carte des cours d'appel car ce sont les seules juridictions que la réforme n'a pas touchées. Or, de toutes les juridictions, les cours d'appel sont celles qui posent le moins la question de la proximité. En outre, elle présente des incongruités et des insuffisances : le ressort de certaines cours d'appel, comme celle de Paris, qui s'étend jusqu'à Auxerre, devrait être revu, et d'autres cours pourraient être créées, pour décharger certaines de leur contentieux. C'est pourquoi, il nous semble pertinent qu'une réflexion soit engagée sur cette réforme jusqu'à présent écartée.
Autre voie : une réflexion d'ensemble sur la proximité judiciaire dont le justiciable a besoin et sur l'organisation judiciaire qui en découle. Au cours des auditions, une piste de réflexion a paru recueillir un accord quasi-unanime : celle d'une simplification et d'une clarification de l'organisation des juridictions de première instance qui permette d'adapter la présence judiciaire aux besoins du justiciable et de garantir ainsi son accès à la justice. La solution qui paraît recevoir le plus de soutien est celle du tribunal de première instance, qui présenterait un triple avantage :
- elle permettrait d'adapter les réponses judiciaires aux besoins de la population et d'assurer une présence judiciaire effective ;
- elle garantirait la lisibilité pour le justiciable de l'organisation judiciaire, et simplifierait la saisine des juridictions, puisque toutes les demandes pourraient être formées auprès du greffe territorialement compétent le plus proche de l'intéressé ;
- enfin, opérant une mutualisation complète des effectifs au sein de la même juridiction, elle assurerait aux chefs de juridiction une plus grande facilité de gestion, pour adapter exactement les moyens disponibles aux flux contentieux.
Cependant, elle soulève aussi un certain nombre de questions :
- elle conduit tout d'abord à la disparition de la justice d'instance. Fortement attachée à l'autonomie et à la spécificité de cette justice de la proximité, l'association nationale des juges d'instance s'est, pour cette raison, prononcé contre ce dispositif ;
- elle ne résout pas le problème de la répartition des contentieux entre le service spécialisé de l'instance et celui des autres services du TPI. Quel sera le périmètre de ce contentieux de la proximité ? Inclura-t-il une part du contentieux de la famille, alors que celui-ci représente actuellement plus de la moitié du contentieux civil des TGI ?
- enfin, elle pose un problème vis-à-vis de la règle constitutionnelle de l'inamovibilité des magistrats du siège, puisqu'elle permettrait au chef de juridiction de décider discrétionnairement de l'affectation de tout magistrat au sein de son tribunal. Actuellement, un président de TGI ne peut décider d'affecter pour la totalité de son service un juge d'instance ailleurs que dans le tribunal d'instance où il a été nommé.
Ces objections sont sérieuses et appellent, selon nous, une réflexion complémentaire sur cette solution du tribunal de première instance.
En conclusion, la réforme de la carte judiciaire laisse le sentiment d'une occasion manquée.
Dès sa conception, elle a été fragilisée par la méthode retenue, sa précipitation et l'impression qu'elle a laissée que tout avait été décidé à l'avance. Par défaut de perspective, elle a été conduite à l'envers : la réflexion sur les implantations judiciaires a précédé celle sur les missions de la justice et l'organisation judiciaire. Promue pour garantir la qualité de la justice, la spécialisation des magistrats, et l'amélioration du fonctionnement des juridictions, elle n'a finalement que partiellement atteint ses objectifs. Le chantier de la carte judiciaire reste ouvert mais il faut une stabilité et porter remède à quelques endroits qui méritent une attention.
Je remercie nos collègues pour ce travail intéressant. Se sont-ils intéressés à la question des magistrats qui n'habitent pas dans le ressort où ils exercent leur activité ? C'est un réel problème que j'ai observé dans mon département.
Je remercie également les co-rapporteurs pour cette présentation même si je ne reprendrai pas nécessairement à mon compte toutes leurs critiques. La réforme a été faite et c'est son premier mérite car elle était attendue. Un effort sans précédent de modernisation des infrastructures a été engagé avec le lancement de plus de 300 chantiers. Quant à la suppression des postes, il faudrait y regarder de plus près sur une plus longue période. En effet, si les années 2008-2009, qui ont également coïncidé avec la révision générale des politiques publiques, ont été marquées par des recrutements très faibles, les deux dernières années ont permis le recrutement de 300 magistrats.
Sur les pistes évoquées par nos collègues, je souscris à la nécessité de faire la réforme des cours d'appel. Dans ma région, il n'y en a pas moins de trois ! Le contentieux familial est l'un des contentieux les plus importants et c'est sans doute dans ce domaine que les besoins sont les plus grands. Je suis pour ma part très favorable au tribunal de première instance. Je connais les réticences des juges d'instance mais ce système faciliterait la mise en place d'audiences foraines ainsi que l'organisation des greffes. En effet, ces derniers n'exercent pas les mêmes fonctions selon qu'ils interviennent dans un tribunal d'instance ou dans un tribunal de grande instance. Le tribunal de première instance procurerait à cet égard des gains de productivité.
Je m'associe aux félicitations adressées à nos co-rapporteurs. J'apprécie la présentation qui a été faite par Mme Nicole Borvo Cohen-Seat des pistes envisagées pour remédier aux inconvénients provoqués par la carte judiciaire s'agissant notamment de la création du tribunal de première instance. Je m'interroge sur le sort des juges de proximité. Il faudra, me semble-t-il, revenir sur le rôle qu'ils jouaient dans notre organisation juridictionnelle. Il conviendrait également de poser la question de la carte des juridictions administratives. Enfin, notre commission pourrait s'intéresser au devenir des anciens avoués.
Beaucoup de juges de proximité sont demandeurs du renouvellement de leur contrat. Il serait souhaitable de prendre en compte cette préoccupation.
Notre ancien collègue Robert Badinter observait qu'aucun gouvernement n'aurait le courage d'engager la réforme de la carte judiciaire. Je m'interroge pour ma part sur un point : la mission des tribunaux est-elle d'abord de rendre la justice ou de contribuer à garantir l'aménagement du territoire ?
Nos collègues ont accompli un travail considérable et je les en félicite. J'ai moi-même participé à un des déplacements qu'ils ont organisés. Parmi les observations formulées par les magistrats, je relève que les préoccupations ont porté davantage sur le nombre des fonctionnaires que sur celui des magistrats. Plusieurs de nos interlocuteurs ont pointé également l'éloignement géographique des tribunaux : pour que la justice soit rendue de manière équitable, elle doit être accessible. Beaucoup s'accordent sur le fait que la réforme a été menée à la hussarde. S'agissant des avoués, il semble qu'un arrêté d'avril 2012 ait remis en cause certaines dispositions de la loi.
A l'avenir, une réforme comme celle de la carte judiciaire mérite un travail de fond. Il faut aussi une évaluation sur les coûts à long terme que peuvent provoquer des décisions parfois prises trop hâtivement.
J'attire votre attention sur le fait que la commission aura bientôt examiné une bonne partie des cinq rapports sur les thèmes qu'elle avait arrêtés en octobre dernier ; je réunirai à la rentrée le bureau de notre commission pour réfléchir sur notre futur programme de travail.
Par ailleurs, je vous propose que nous demandions l'organisation d'un débat en séance publique sur la carte judiciaire au cours de l'une des prochaines semaines sénatoriales réservées au contrôle.
Sur le point soulevé par Mme Jacqueline Gourault concernant la résidence des magistrats dans le département de leur ressort, j'observe qu'aucun des interlocuteurs de notre mission n'a évoqué ce sujet. S'agissant des effectifs, il est incontestable que 428 postes de fonctionnaires ont été supprimés ...
C'est pourquoi deux promotions de 800 fonctionnaires au total ont ensuite été organisées.
Je ne crois pas par ailleurs qu'il y ait une alternative aussi abrupte entre la fonction de justice et l'aménagement du territoire. La spécificité de certains territoires rend indispensable la proximité.
Sur le lieu d'habitation des magistrats, ce n'est pas nouveau. Il existe depuis des années des « turbo-magistrats ». L'effort de rénovation des palais de justice est indéniable. Il faudra voir sur la durée si les moyens de fonctionnement existent. Nous avons appris, s'agissant des cours d'appel, qu'un nouveau découpage budgétaire s'était mis en place avec les budgets opérationnels de programme (BOP) qui vient encore compliquer la lecture de la carte judiciaire. La création d'un tribunal de première instance a été évoquée par les magistrats eux-mêmes de manière très fréquente. La portée d'une telle réforme, si elle était mise en place, doit être tempérée : beaucoup de juges d'instance passent d'ores et déjà une partie de leur semaine au tribunal de grande instance. Les juges de proximité ont été également affectés par la réforme de la carte judiciaire qui, dans plusieurs cas, les a éloignés des tribunaux d'instance.
L'avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) doit être sollicité pour le renouvellement de chaque juge de proximité. Je signale également que la mise en place des BOP a répondu au souhait des premiers présidents des cours d'appel.
Je consulte la commission sur la publication du rapport.
La publication du rapport est autorisée à l'unanimité.