La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.
La séance est reprise.
L’ordre du jour appelle le vote sur le projet de délibération requérant l’engagement de poursuites pour diffamation publique à raison d’écrits contenus dans un ouvrage.
Conformément aux conclusions de la conférence des présidents, et après consultation du bureau du Sénat, qui a approuvé cette démarche, je soumets au Sénat une délibération requérant l’engagement de poursuites pour diffamation publique à raison d’écrits contenus dans l’ouvrage intitulé Le Sénat ; un paradis fiscal pour des parlementaires fantômes.
Conformément aux conclusions de la conférence des présidents, confirmées par le Bureau, nous allons procéder à un vote sans débat. Cette décision fait donc obstacle à toute possibilité d’intervention qui pourrait être regardée comme une explication de vote. Il n’y aura donc pas de prise de parole. Si quelqu’un souhaitait faire une observation, il pourrait la faire à seize heures quinze, à l’occasion d’un rappel au règlement.
Le 2 juin dernier, je vous ai informés de mon intention de saisir la justice, au nom du Sénat, à propos de la publication de l’ouvrage de M. Yvan Stefanovitch intitulé Le Sénat ; un paradis fiscal pour des parlementaires fantômes, publié aux Éditions du Rocher, domiciliées dans la principauté de Monaco.
Ce n’est pas la première fois que nous sommes critiqués.
Le Sénat, je le rappelle et je le réaffirme, à titre personnel et au nom du Sénat, a toujours été le défenseur des libertés publiques et individuelles, notamment de la liberté d’expression et de la liberté d’information. Toutefois, cet ouvrage m’a paru dépasser les limites de l’acceptable.
Je vous fais distribuer le texte de cette délibération, qui a été tenu à la disposition des présidents de groupe.
Il est procédé à la distribution du projet de délibération. – Voir annexe.
Par-delà sa portée institutionnelle et politique, cette délibération constitue un acte de nature juridique, destiné à remplir les obligations rappelées par la jurisprudence de la Cour de cassation : elle mentionne, dans ses visas, les articles concernés de la loi du 29 juillet 1881 ; elle cite, dans ses considérants, les extraits de l’ouvrage qui sont apparus les plus diffamatoires ; elle prévoit in fine, conformément à la loi du 29 juillet 1881 et sans préjudice des actions personnelles des sénateurs, que le Sénat, réuni en Assemblée, requiert l’engagement de poursuites pour diffamation publique à raison des propos précités.
Cette action en justice, je l’exercerai, non pas en mon nom personnel, mais au nom de l’institution sénatoriale, indépendamment des actions personnelles intentées ou susceptibles de l’être par nos collègues qui s’estimeraient diffamés.
Je vais suspendre la séance pendant dix minutes, afin de permettre à chacune et à chacun de prendre connaissance du projet de délibération. À la reprise, je le mettrai aux voix. Il s’agira d’un vote sans débat, à main levée, conformément aux conclusions de la conférence des présidents.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à quatorze heures trente-cinq, est reprise à quatorze heures quarante-cinq.
La séance est reprise.
Je mets aux voix le projet de délibération, sous le contrôle des deux secrétaires du Sénat, Mme Catherine Tasca et M. Jackie Pierre.
Le projet de délibération est adopté à l’unanimité des suffrages exprimés. – Applaudissements.
La séance, suspendue à quatorze heures cinquante, est reprise à quinze heures.
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, l’ordre du jour appelle les réponses à des questions d’actualité au Gouvernement.
Je rappelle que la séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat.
Je rappelle également que l’auteur de la question dispose de deux minutes trente, de même que la ou le ministre pour sa réponse.
Comme chaque fois, au nom du bureau du Sénat, j’appelle chacun d’entre vous, mes chers collègues, à observer au cours de nos échanges l’une des valeurs essentielles du Sénat : le respect des uns et des autres. Chaque orateur aura à cœur de respecter son temps de parole.
Par ailleurs, je vous signale que la conférence des présidents a rappelé que la réplique était une réplique et non une nouvelle question.
M. le président. La parole est à M. Olivier Cadic, pour le groupe UDI-UC.
Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
En ce moment même, les Britanniques sont en train de faire un choix décisif non seulement pour leur destin, mais également pour notre destin commun : quitter l’Union européenne ou y rester. Aujourd’hui, c’est l’Histoire qui se joue sous nos yeux. Demain, quel que soit le choix des Britanniques, l’Union européenne ne pourra plus être la même. Chacun doit en avoir conscience. Demain, il faudra remettre l’Union européenne en marche pour éviter de la voir se déliter.
L’Union européenne est la première puissance économique du monde. On ne peut donc pas laisser les Britanniques décider seuls du destin de l’Europe.
Historiquement, la France a vocation à donner une nouvelle impulsion. Elle doit incarner un nouveau projet pour fédérer les membres de l’Union qui le souhaitent, un projet pour une Europe plus intégrée et plus audacieuse, qui redonne envie et fierté à ses habitants, parce que les Européens sont plus forts ensemble !
À l’heure où chacun s’interroge, où est la France, cette France qui était par le passé la première parmi les nations d’Europe à faire entendre sa voix et partager sa vision ?
Monsieur le Premier ministre, quelle que soit l’issue du référendum britannique, quelle sera votre contribution pour renforcer l’Europe ? Quelle Europe la France souhaite-t-elle pour demain ?
Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le sénateur, à l’heure où nous nous exprimons, les citoyens britanniques sont en train de voter. Nous devons donc respecter le processus électoral en cours. C’est au peuple britannique, et à lui seul, de décider de son avenir et de sa place à l’intérieur ou hors de l’Union européenne. C’est un choix souverain qui appartient à chaque État membre.
Je veux vous redire ici la position de la France : nous souhaitons que le Royaume-Uni reste dans l’Union européenne et que le choix de l’unité européenne, de la cohésion, de la défense de nos valeurs communes l’emporte. Nous pensons que c’est l’intérêt du Royaume-Uni et, comme vous, que c’est l’intérêt de l’Europe.
Quelle que soit cependant la décision du peuple britannique, je partage votre avis. La France devra continuer à défendre une approche ambitieuse du projet européen. Oui, unie, l’Europe est plus forte pour faire face aux nombreux défis auxquels elle est confrontée en termes de sécurité, de protection, de soutien à la croissance, de préparation de l’avenir, de citoyenneté, d’actions en faveur de la jeunesse, en particulier en matière d’emploi.
Nous prendrons des initiatives et le Président de la République s’exprimera. Nous le ferons évidemment main dans la main avec nos principaux partenaires, en premier lieu l’Allemagne. Le Président de la République rencontrera en effet la Chancelière au lendemain de ce référendum, avant la tenue du Conseil européen.
C’est ensemble, comme nous l’avons fait ces dernières années, que nous répondrons aux grandes crises. C’est ainsi, la France et l’Allemagne ayant œuvré de concert, que nous avons agi avec la Russie face à la crise et à la guerre en Ukraine. C’est le Président de la République qui est à l’origine de la réunion en « format Normandie » avec le président Porochenko et le président Poutine, sous son égide et en présence de la Chancelière Merkel.
C’est ensemble que nous ferons face à la crise des réfugiés, aux crises en Méditerranée et que nous œuvrons pour la paix en Syrie ; c’est ensemble que nous relancerons la construction européenne. La France sera à ce rendez-vous !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste.
Monsieur le secrétaire d’État, je prends acte de vos engagements, même si j’ai un peu de mal à comprendre quel cap vous avez fixé pour notre pays.
M. Olivier Cadic. Sans initiative ambitieuse et courageuse, l’Europe et la France se trouveront affaiblies et en danger. C’est pour cette raison que l’UDI fait clairement le choix du fédéralisme, qui protégera nos peuples et permettra de renouer avec l’idée de progrès partagé.
Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC. – Mme Isabelle Debré applaudit également.
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, harassées, épuisées – vous l’avez reconnu vous-même, les syndicats policiers le disent –, nos forces de sécurité sont à bout. État d’urgence, protection des lieux sensibles, Euro 2016, fan zones, manifestations, casseurs, dégradations, interpellations : les forces de sécurité n’en peuvent plus. Et les Français non plus, ceux qui subissent les dégradations en centre-ville, mais aussi ceux qui se demandent ce qui se passe dans ce pays lorsqu’ils voient à la télévision un cortège de violences inépuisables et non contrôlées, au moins en apparence.
Très clairement, les palinodies de ces jours derniers sur l’interdiction puis l’autorisation de la manifestation, sur son caractère statique ou mouvant, sur le parcours – petit, moyen, grand ou circulaire – n’ont pas contribué à rassurer les Français.
Monsieur le ministre, je ne doute pas de votre sens aigu de l’ordre républicain, mais les Français ne peuvent plus se contenter, et les forces de sécurité non plus, de discours et de postures.
MM. Jean-Baptiste Lemoyne et Rémy Pointereau applaudissent.
Tout le monde demande aujourd’hui un véritable plan de restauration de l’ordre public, et non une nouvelle loi, dont on n’a pas besoin, afin de rassurer les Français sur l’État de droit et de remotiver les forces de sécurité. Il s’agit de conforter l’idée que l’ordre public, c’est l’ordre de la République.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.
Monsieur Karoutchi, votre question appelle deux éléments de réponse de ma part.
La meilleure manière de faire en sorte que l’ordre public soit respecté, monsieur le sénateur, c’est d’octroyer des moyens à ceux qui en ont la charge, notamment les policiers et les gendarmes.
Vous appelez de vos vœux un plan de rétablissement de l’ordre public. Je vais le décliner rapidement devant vous : il se traduit par une augmentation de près de 9 000 des effectifs de la police nationale et de la gendarmerie nationale, quand près de quinze unités de forces mobiles et 13 000 emplois ont été supprimés au cours des dernières années. §Il se traduit également par une augmentation de 17 % des crédits hors titre II de la police et de la gendarmerie nationales, par l’équipement des brigades anti-criminalité et des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie, les PSIG. Enfin, nous faisons ce qu’il faut pour reconnaître le travail des gendarmes et des policiers. Comme vous le savez, les organisations syndicales représentant plus de 60 % des policiers ont signé un protocole de 850 millions d’euros de mesures catégorielles.
Vous avez ensuite abordé la question des manifestations et de leur autorisation. Je veux être extrêmement clair sur ce point : la volonté du Gouvernement, et cela a été la demande constante du Président de la République et du Premier ministre, est que la liberté de manifester soit respectée.
Quant aux casseurs, ils doivent être interpellés. Au total, 1 600 casseurs ont été interpellés, la plupart d’entre eux ayant été placés en garde à vue et traduits devant la justice. Les autres le seront également.
La manifestation du 14 juin ayant donné lieu à des événements extrêmement graves, le Président de la République et le Premier ministre m’ont demandé de discuter avec les organisations syndicales d’un dispositif permettant d’éviter de nouveau la survenue de tels événements. Les organisations syndicales ayant refusé les propositions que je leur ai faites, j’ai personnellement pris la responsabilité, et j’en ai rendu compte au Président de la République et au Premier ministre, de proposer l’interdiction d’une nouvelle manifestation.
Les organisations syndicales ont alors souhaité me revoir et ont accepté, après que j’ai décidé cette interdiction, des propositions que, la veille, elles avaient refusées et qui me paraissaient être de nature à permettre le bon déroulement de cette manifestation.
Nous sommes donc parvenus à concilier la nécessaire sécurité des manifestations et la liberté de manifester. Il ne faut voir là rien d’autre que la volonté de respecter les principes républicains qui ont toujours inspiré l’action du Gouvernement, c’est-à-dire l’usage proportionné de la force, l’intransigeance et la fermeté à l’égard des casseurs, le respect de la liberté de manifester et, à ces fins, la discussion avec les syndicats pour aboutir au compromis nécessaire.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le ministre, j’entends bien vos arguments, mais reconnaissez que les allers et retours de ces derniers jours ont donné le sentiment, et ce n’est pas seulement un sentiment, que l’autorité de l’État était bafouée depuis des jours par des responsables – ou non ! – affirmant qu’ils feraient ce qu’ils voulaient, quelle que soit la décision du Gouvernement.
Pensez-vous réellement que l’on pourra continuer longtemps à entendre dire dans ce pays que l’État n’a plus aucune autorité, qu’il ne fait preuve d’aucune fermeté et qu’il ne parvient pas à rétablir l’ordre républicain ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Cela fait plus d’un an que le marché du lait est confronté à une crise de surproduction dont on ne parvient pas à sortir. Nous en connaissons les causes : la fin des quotas laitiers, la contraction de la demande mondiale ou encore l’embargo russe. Résultat : les cours se maintiennent à un niveau extrêmement bas et les producteurs de lait sont dans des situations financières de plus en plus insoutenables.
Malgré le plan national de soutien à l’élevage, malgré la tentative européenne de rééquilibrer le marché du lait, les éleveurs perdent confiance et craignent pour l’avenir de leur profession.
Nous connaissons tous ici des éleveurs et nous sommes nombreux à les rencontrer régulièrement. Nous savons les efforts qu’ils ont consentis pour adapter leur outil de production aux nouvelles contraintes du marché. Au bout du compte, pour quel avenir ?
Le prix du lait ne cesse de baisser, si bien qu’il se situe depuis deux ans largement en deçà du seuil de rentabilité. Aujourd’hui, le litre de lait est acheté autour de 26 centimes. À ce prix, il est impossible pour de très nombreux producteurs, non seulement de gagner leur vie, mais aussi de préserver leur outil de travail, leur exploitation, ce qui entraîne, en plus des problèmes humains, des risques de cessation d’activité et de désertification rurale.
Pourtant, des marges se consolident à long terme, mais, hélas ! seulement à l’autre bout de la chaîne, jamais chez le producteur !
Monsieur le ministre, vous connaissez parfaitement cette question, vous savez que cette situation ne peut plus durer. Je reconnais que vous n’avez pas ménagé vos efforts, mais il faut persévérer. De nouvelles mesures sont en préparation et des décisions importantes devront être prises la semaine prochaine, à l’occasion du conseil des ministres européens de l’agriculture.
Quelle est la position de la France et quelles sont les propositions concrètes que vous entendez faire, monsieur le ministre, pour permettre une remontée des cours ? Comment comptez-vous convaincre nos partenaires, notamment ceux du Nord, de jouer le jeu de la solidarité européenne ? Enfin, ne faut-il pas envisager à court ou moyen terme le rétablissement des quotas laitiers ?
Applaudissements sur les travées du RDSE.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué la crise laitière, ses conséquences pour les éleveurs laitiers et le niveau de prix du lait, lequel est aujourd’hui celui que vous avez indiqué. De nombreuses exploitations laitières sont en effet en grande difficulté.
Je ne peux pas ne pas rappeler que cette crise est liée à la fin des quotas laitiers, qui a entraîné une explosion de la production laitière à l’échelle européenne, voire mondiale. Ainsi, nous avons déjà dépassé les 220 000 tonnes de poudre de lait stockée depuis le début de l’année, et les stocks continuent de croître.
Dès lors, il importe de maîtriser la production, d’éviter de continuer à produire pour alimenter des stocks qui, un jour, pèseront aussi sur le marché. Puisque la demande n’est pas là, il faut limiter l’offre.
Des points importants ont été marqués. La France avait proposé, dès le début de l’année, que soit appliqué l’article 222 du règlement portant organisation commune des marchés des produits agricoles, sur la maîtrise de la production volontaire. La Commission européenne en a accepté le principe, sans toutefois engager des mesures pour en permettre la mise en œuvre.
Un « triangle de Weimar », c’est-à-dire une rencontre entre la France, l’Allemagne et la Pologne, a débouché sur un texte où les trois pays – c’est très important, l’Allemagne ayant évolué sur le sujet – s’engagent maintenant à demander à la Commission européenne des moyens permettant de mettre en œuvre cette maîtrise de la production.
Ce matin, j’ai rencontré – à sa demande, et je voulais en faire l’annonce devant votre assemblée – le ministre de l’agriculture de Bavière. Cela peut paraître anecdotique, mais c’est très important. La Bavière est un Land qui compte en matière de production de lait. Le ministre bavarois m’a confirmé que les ministres de l’agriculture des Länder souhaitaient unanimement la mise en œuvre de la position française. Il m’a donc confirmé ce matin que nous étions sur la même ligne et que l’ensemble des ministres allemands de l’agriculture, avec le ministre fédéral d’ailleurs, rencontreraient la Commission européenne avant le conseil des ministres, le 15 juillet, puisqu’il y aura un conseil des ministres aussi le 18 juillet, de manière que l’Allemagne, forte de tous ses Länder, pèse en faveur de la mise en œuvre d’une maîtrise de la production.
Est-ce un retour aux quotas ? Il sera difficile de le dire, mais si nous gagnons cette étape majeure, nous aurons marqué un point vers le redressement du marché qu’attendent de nous les exploitants agricoles laitiers.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE. – Mme Corinne Bouchoux applaudit également
Ma question s’adresse à M. le secrétaire d’État auprès de la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
La publication de l’arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat a réintroduit le débat relatif à la possibilité d’obtenir ce diplôme par la validation des acquis de l’expérience, la VAE. Nous en soutenons le principe. Cette possibilité est ancienne. Déjà offerte par la loi du 17 janvier 2002, elle suscite cependant aujourd’hui l’inquiétude de certains universitaires, docteurs et doctorants.
Les diplômés des grandes écoles bénéficient d’une grande employabilité en France. Nous nous en réjouissons. En revanche, certains d’entre eux rencontrent parfois des difficultés à l’étranger, où c’est le doctorat qui est pleinement reconnu. Ainsi, leur sont parfois préférés des docteurs.
La VAE, dont nous soutenons, je l’ai dit, le principe, pourrait-elle se développer en faveur des étudiants des grandes écoles, sans qu’ils effectuent, pendant un certain nombre d’années, des travaux de recherche approfondis ? Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous rassurer sur ce point ?
Enfin, quelles mesures comptez-vous prendre pour améliorer l’employabilité des docteurs ? Il avait été ici évoqué que les docteurs pourraient accéder à certains concours de la fonction publique par des voies adaptées. Où en sont les décrets ?
Pour le dire autrement, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes attachés au rapprochement harmonieux entre universités et grandes écoles, mais sans que les uns soient lésés au profit des autres. Pouvez-vous également nous rassurer sur ce point ?
M. Jean Desessard applaudit.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche.
Madame la sénatrice, vous m’interrogez sur la réforme doctorale, qui a effectivement fait l’objet d’un arrêté publié en mai dernier et au sujet de laquelle un décret est en cours de préparation.
Vous le savez mieux que quiconque, cette réforme est absolument indispensable. Les docteurs ne sont pas reconnus en France, aujourd’hui, à leur valeur, qu’il s’agisse du privé comme du public, et cet arrêté marque un certain nombre de progrès significatifs.
D’abord, il prend en compte les spécificités disciplinaires, qu’il s’agisse du nombre d’encadrants possible pour un enseignant chercheur ou qu’il s’agisse de la durée minimale des thèses fixée à trois ans.
Il rend beaucoup plus exigeante la formation doctorale qui est mise en œuvre par les écoles doctorales.
Il favorise l’ouverture des thèses à l’international, donc le développement des cotutelles.
Enfin, il permet d’accroître l’employabilité des docteurs dans le privé avec un référentiel d’acquis en termes de compétences transférables.
J’observe d’ailleurs qu’une réforme de cette importance, préparée par de longs et riches débats, a été adoptée à la suite d’un vote massif du Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le fait est suffisamment rare pour être souligné et montre bien l’attachement de la communauté à cette réforme.
Pour ce qui est de votre question, notamment de la validation des acquis de l’expérience professionnelle pour l’obtention d’un doctorat, j’ai entendu les critiques dont vous vous faites l’écho. Elles sont assez surprenantes et empruntent bien trop peu à la rigueur qui sied à l’esprit scientifique.
D’abord, vous l’avez rappelé, ce dispositif existe depuis 2002. Il n’autorise en rien la délivrance de diplômes au rabais, puisque les dossiers sont examinés par la communauté universitaire avec beaucoup de rigueur ; un tiers des dossiers seulement sont acceptés.
Ensuite, un directeur de recherche est désigné au sein des personnels de l’université habilités à cet effet.
Enfin, la procédure de soutenance de thèse se déroule selon les règles qui s’appliquent à n’importe quelle thèse.
Il faut remettre les choses à leur place. Ce dispositif concerne 0, 4 % des thèses soutenues chaque année, soit quinze cas sur 4 000. Il y a là assez peu de risques de concurrence déloyale.
Pour ce qui est de l’élargissement de l’accès des docteurs aux concours de la fonction publique prévu dans la loi de 2013, je vous rappelle que le concours de l’agrégation de l’enseignement secondaire a déjà été ouvert pour ces docteurs. Par ailleurs, un certain nombre de corps de l’administration – l’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche, l’IGAENR, le corps des mines – s’ouvrent aux docteurs et, avec Mme la ministre de la fonction publique, nous faisons une démarche systématique, ministère par ministère.
M. Thierry Mandon, secrétaire d’État. Donc, l’ensemble de ces mesures produit déjà des résultats concrets. Nous en rendrons compte en octobre prochain, à l’occasion du bilan d’un an de l’action en faveur de l’emploi des jeunes docteurs.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le secrétaire d’État, dans le cas d’espèce, votre réponse tend à me rassurer. Vous nous dites que ce phénomène est marginal, bien encadré et qu’il ne saurait y avoir de dérives.
Du coup, je me demande s’il ne s’agit pas davantage d’un problème de communication. Nous savons que la vie politique actuelle est complexe, rude, que les temps sont difficiles. Peut-être pourrait-on collectivement entreprendre un effort de communication sur ces mesures, afin d’apaiser certaines craintes qui, visiblement, ne sont pas fondées ? Nous devons continuer à valoriser les docteurs, de sorte qu’on n’ait pas l’impression d’une progression asymétrique.
Dernier point, on m’a signalé qu’il était proposé à des étudiants de l’École nationale d’administration, l’ENA, de faire des doctorats. Je pense que c’est une bonne idée. L’ENA connaissant des difficultés financières, il me paraîtrait souhaitable, à titre personnel, que la formation des élèves de l’ENA soit assurée par l’université, en région parisienne et à Strasbourg. Cela reviendrait sûrement moins cher à l’État et contribuerait à forger la culture commune entre les grandes écoles et l’université que nous appelons tous de nos vœux.
M. Joël Labbé applaudit.
La parole est à Mme Annie David, pour le groupe communiste républicain et citoyen.
Monsieur le Premier ministre, la mobilisation à l’encontre de la loi Travail, commencée le 9 mars dernier, ne cesse de s’amplifier et s’exprime encore avec force aujourd’hui. Aussi, je ne comprends pas votre obstination à bloquer tout dialogue.
Monsieur le Premier ministre, 67 % des Français s’opposent à ce texte, des centaines de milliers de manifestants se rassemblent chaque semaine dans nos rues, vous ne disposez pas de majorité à l’Assemblée nationale et vous vous obstinez à maintenir le débat parlementaire sur ce texte.
Vous n’écoutez personne et vous êtes même revenu sur le droit de manifester !
Vous refusez en outre toutes les propositions alternatives, qu’elles viennent de notre groupe parlementaire ou des différentes organisations qui y sont opposées. Aucun infléchissement n’a fait suite à la rencontre entre Mme El Khomry et leurs représentants. Aucune réponse n’a été faite à leurs propositions. Pourquoi ce silence ? Pourquoi ce manque de dialogue ?
Pas plus que les organisateurs des manifestations, nous ne sommes responsables de la fatigue – légitime – des forces de l’ordre, ni des dégâts causés par les casseurs, ni de la dégradation du climat social ; c’est votre obstination qui en est la cause.
Nous estimons qu’il est temps de ramener de la sérénité dans notre société. Nous vous appelons donc à suspendre le débat parlementaire §et à engager des négociations dignes de ce nom avec les organisations syndicales et de jeunesse.
Ma question est donc simple : comptez-vous cesser votre stratégie de la tension, sortir de votre isolement et montrer, enfin, des signes d’ouverture en suspendant le débat parlementaire ?
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
Ah ! sur les travées du groupe Les Républicains.
Madame la sénatrice Annie David, n’en doutez pas un seul instant, le Gouvernement ira jusqu’au bout pour que ce texte soit adopté au mois de juillet.
Nous irons jusqu’au bout parce que c’est nécessaire pour la France, pour les employeurs et, surtout, pour les salariés.
En tant que chef du Gouvernement – cela n’a rien à voir ni avec une obsession ni avec une posture –, je veux que mon pays soit armé pour lutter face à la concurrence internationale. Je veux que nous mettions toutes les chances de notre côté pour lutter contre le chômage. Je n’accepte pas la dualité du marché du travail et je veux, nous voulons donner des perspectives à ceux qui sont, aujourd’hui, en dehors de ce marché du travail, notamment à notre jeunesse, à cette génération qui regarde l’avenir avec inquiétude.
Madame la sénatrice, ma responsabilité, c’est de refuser tous les conservatismes. Ne rien faire, c’est condamner la France à l’immobilisme, c’est se résoudre au chômage et à la précarité, et ce n’est pas mon ambition pour la France.
Ce texte contient des avancées et des progrès que je défends inlassablement, comme le fait inlassablement aussi Myriam El Khomri devant votre assemblée. D’ailleurs, c’est une curieuse proposition que de vouloir suspendre un débat qui est en cours, ici, au Sénat.
Que vous le vouliez ou non, ce texte renforce les protections des salariés. C’est le sens du compte personnel d’activité, dont vous ne dites pas un mot. C’est la raison pour laquelle nous luttons aussi contre la fraude au détachement des travailleurs. C’est aussi pourquoi nous créons le droit à la déconnexion.
Nous assumons – c’est ainsi, cela fait partie du débat – la philosophie du texte. Nous défendons la place du dialogue social dans l’entreprise. C’est l’échelon pertinent, là où les acteurs de notre économie, les entreprises, savent ce qu’il est nécessaire de faire.
Vous savez que le texte qui sera mis au vote dans cette assemblée la semaine prochaine ne sera pas de cette nature. Vous savez que la majorité sénatoriale – c’est son droit – l’a déjà profondément, …
M. Manuel Valls, Premier ministre. … du point de vue du Gouvernement, déséquilibré
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
C’est ce qu’on ne cesse de faire, mais vous n’êtes pas là pour l’entendre !
mais, en tout cas, laissez-moi aller jusqu’au bout !
Vous voulez faire croire que le Gouvernement refuse le dialogue. Or vous le savez parfaitement, le débat a bien lieu.
Il a lieu avec des syndicats, il a lieu au Parlement, au Sénat, qui aura examiné ce texte durant deux semaines. Les syndicats qui s’opposent à ce texte ont exprimé leur opinion. Ils ont manifesté à de nombreuses reprises et continuent à le faire en ce moment même, notamment à Paris, …
Sourires sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.
… mais pas seulement, en accord avec la préfecture de police. Je vous rappelle que d’autres syndicats soutiennent le compromis qui a été bâti.
Enfin, madame la sénatrice, vous affirmez que notre prétendue obsession serait responsable des violences ; moi, je vous attends : condamnez ces violences §
… mais ne les mettez pas sur le dos du Gouvernement !
La violence des groupes de l’ultragauche, de ceux qui s’en prennent aux policiers, aux gendarmes, aux biens publics, comme actuellement à Rennes : voilà ce qui mérite la condamnation la plus claire et la plus nette. Elle a bien tardé à venir, il y a une semaine, quand certains s’en sont pris à l’hôpital Necker-Enfants malades.
Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains. – Protestations sur les travées du groupe CRC.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Madame la sénatrice, le dialogue a eu lieu. Ce texte est nécessaire pour notre économie, pour nos entreprises et pour nos salariés, et je le dis très tranquillement, avec la maîtrise qu’il faut, ce texte ira jusqu’à son terme et sera adopté.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Mme Annie David. J’ai bien entendu votre réponse, monsieur le Premier ministre, et elle me désole profondément : je déplore cette obstination à vouloir dire que nous n’avons fait aucune proposition. Nous vous avons fait des propositions, nous avons déposé 400 amendements sur ce texte.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
Nous faisons des propositions, les organisations syndicales en font aussi, mais c’est vous qui ne les écoutez pas, qui ne voulez pas les entendre ! Aujourd’hui, 60 % de la population, 80 % de la jeunesse soutiennent le mouvement contre ce projet de loi, malgré toutes les tentatives de dénigrement auxquelles nous assistons depuis des mois et qui donnent lieu de votre part, monsieur le Premier ministre, à un certain nombre d’amalgames assez détestables, je dois le dire.
Vous nous parlez de points positifs. Oui, le CPA, c’est positif. Oui, la lutte contre la fraude au détachement, c’est positif. Mais l’inversion de la hiérarchie des normes, c’est une catastrophe, tout comme la casse de la médecine du travail…
Mme Annie David. … ou l’assouplissement des licenciements économiques. Ne nous faites pas croire que ce texte est bon pour les salariés, c’est tout le contraire, et vous le savez parfaitement !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.
La parole est à M. Jacques Chiron, pour le groupe socialiste et républicain.
Ma question s’adresse à M. le ministre des finances et des comptes publics. (Allo ? Allo ? sur les travées du groupe Les Républicains.)
Monsieur le ministre, chers collègues, les experts s’accordent pour prévoir en 2016 une croissance de 1, 6 % – une première depuis 2007 – ainsi qu’un solde positif de 210 000 créations d’emplois. §Les derniers chiffres du chômage confirment cette dynamique.
En y regardant de plus près, on s’aperçoit que ces bons résultats ne sont pas un feu de paille et qu’ils ne découlent pas simplement de l’alignement des planètes économiques, contrairement à ce que certains souhaiteraient nous faire croire, ceux qui agitent l’idée d’un certain déclin de la France.
On le voit bien aujourd’hui, les ménages consomment, les entreprises investissent et font des projets et développent leur l’activité. Ce sont des signes que la confiance est de retour.
Le pari qui consistait à mener de front réduction des déficits et modernisation de notre économie est en passe d’être tenu. Mieux, le rythme des réformes a été adapté pour ne pas pénaliser la reprise de la croissance. Tout cela a été possible sans remettre en cause notre modèle social, contrairement à ce qu’ont été contraints de faire un certain nombre de nos partenaires européens.
Ces bons résultats, on les doit à la stratégie de redressement mise en œuvre depuis quatre ans.
Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe CRC.
Je pense notamment à la confirmation du crédit d’impôt recherche, au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, ou à la mesure d’amortissement exceptionnel pour favoriser l’investissement des entreprises. Comme toutes les mesures structurelles, elles ont mis du temps à produire leurs effets, mais aujourd’hui, tout indique que la reprise sera durable.
Exclamations sur les mêmes travées.
Cette amélioration autorise des marges de manœuvre qui n’existaient pas en 2012. Cela a permis, dès 2014, d’enclencher un plan de réduction des impôts en direction de nos compatriotes les plus modestes, soit neuf millions de ménages.
M. Jacques Chiron. Voici ma question, monsieur le ministre : quelles sont les grandes orientations de la politique économique et budgétaire qui sont envisagées dans l’année qui vient pour prolonger cette tendance ? Je me permets de citer les classes moyennes, qui ont contribué fortement à cet effort.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics. Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire que ce sont des observateurs, des spécialistes de cette question – ce n’est pas un pouvoir politique d’une couleur ou d’une autre – qui, aujourd’hui, constatent ce qui devrait réjouir chacun et chacune d’entre nous, en patriotes que nous devons être tous ici, à savoir que la situation économique de la France s’améliore.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
La croissance économique est presque plus forte que celle que nous avions prévue et elle est alimentée, vous l’avez souligné, mais je veux le redire ici, par deux moteurs fondamentaux.
Le premier est la consommation des ménages. Grâce aux baisses d’impôts successives intervenues pendant ces deux dernières années, qui vont continuer encore cette année, le pouvoir d’achat global des ménages s’est amélioré. Cela ne veut pas dire que tous les ménages français se portent bien, car certains, il ne faut jamais l’oublier, se trouvent encore aujourd’hui dans la difficulté.
Le second moteur qui s’est allumé et qui est absolument décisif, parce qu’il s’était effondré depuis 2007, c’est l’investissement des entreprises.
M. Francis Delattre s’exclame.
Faire redémarrer l’investissement des entreprises, c’est fondamental, c’est décisif, y compris pour permettre des créations d’emplois. La conséquence principale de cette situation, c’est que la création d’emplois a repris. Ainsi, pour cette année, on considère que l’on va approcher les 200 000 créations d’emplois, et on en voit d’ailleurs les conséquences en ce début d’année, avec 70 000 chômeurs de moins.
Vous avez raison de dire que cette situation n’est pas le produit du hasard. Elle est le résultat de circonstances favorables à la croissance, comme le niveau du prix du pétrole, mais aussi, d’abord et avant tout, d’une politique qui a été menée
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
M. Michel Sapin, ministre. Il faut continuer. La constance, la cohérence de l’action, c’est le seul moyen d’obtenir des résultats solides et durables. C’est ce que je vous propose de faire.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour le groupe UDI-UC.
Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, l’heure n’est sans doute plus à revenir sur les moments un peu bizarres qui ont précédé l’annonce du dispositif finalement retenu pour la manifestation contre la loi Travail qui est actuellement en cours.
J’observe d’abord que les mots les plus durs sont venus de votre camp. On a parlé d’« atermoiements », on a parlé d’« improvisation » qui confinait parfois à l’absurde.
Mais il faut maintenant savoir tirer les leçons de ces moments et s’interroger sur deux dimensions : la première, c’est la gestion de l’ordre public ; la seconde, c’est la gestion des relations sociales et du dialogue social dans notre pays en vue de la réforme.
Sur la question de l’ordre public, nous savons que nous avons une police de qualité, qui est gravement affectée, avec l’ensemble des forces de l’ordre, par les événements du moment – Roger Karoutchi a souligné, tout à l’heure, la fatigue de nos forces de l’ordre. Nous avons tous en tête, malheureusement, les événements dramatiques de la semaine dernière et le contexte des attentats terroristes. Donc, nous sommes derrière nos forces de police, que nous assurons de notre confiance et de notre appui dans leur action.
Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Mais nous avons eu le sentiment, dans les jours passés, que, trop souvent, la chaîne de commandement n’était pas claire.
Nous avons eu le sentiment que, trop souvent, les ordres étaient discutés, disputés et que, finalement, tout cela ne donnait pas un cadre clair à l’action de nos forces de l’ordre. Nous avons quelquefois eu le sentiment qu’il fallait trop de temps pour fixer une situation et que le soutien à l’ensemble de la mise en œuvre de ces décisions était parfois un peu lacunaire.
Je voudrais simplement que vous nous disiez, monsieur le Premier ministre, comment vous entendez créer les conditions permettant que les forces de l’ordre retrouvent confiance dans le Gouvernement. En effet, c’est un problème de gestion de l’ordre public. On mesure bien qu’on ne peut pas rester dans ce climat de tension et de difficulté de gestion de l’ordre public. C’est ma première question.
Deuxièmement, nous mesurons tous, au moment où nous examinons au Sénat la loi Travail – il y a été fait allusion voilà quelques minutes – que le climat d’improvisation, là encore, a empêché que le dialogue social ait lieu, comme on pouvait l’espérer.
Dans ce contexte de grandes tensions, il y a aussi une leçon à tirer, me semble-t-il : on doit pouvoir réformer plus, plus profondément, mais certaines formes doivent être respectées a minima pour que la France sache et puisse se réformer.
Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le sénateur, Bernard Cazeneuve ou Myriam El Khomri auraient pu vous répondre à deux voix.
Sur le premier sujet, Bernard Cazeneuve le rappelait tout à l’heure, nous sommes conscients, comme vous bien sûr, de la fatigue et surtout de la charge des missions qui pèsent sur les épaules des policiers et des gendarmes de notre pays.
C’est la raison pour laquelle – je le dis sans aucune polémique – nous avons, dès 2012, engagé des moyens supplémentaires pour la police, en termes d’effectifs, mais aussi de moyens de fonctionnement, à la fois techniques et technologiques. Ces moyens sont d’ailleurs toujours difficiles à mettre en œuvre, parce qu’il faut du temps pour corriger ce qui a pu être défait au cours des années précédentes, notamment en raison des suppressions de postes. §Je ne fais que rappeler une réalité. Il faut du temps pour former des policiers et des gendarmes. Près de 10 000 postes de policiers et de gendarmes ont donc été créés au cours du quinquennat. Telle est la réalité.
Nous faisons face, bien sûr, à la menace terroriste, à la violence qui existe dans notre société, aux manifestations, au déroulement de l’Euro. Soyons prudents, mais, vous le savez bien, au-delà des incidents regrettables qui ont eu lieu notamment à Marseille, il faut reconnaître qu’à ce stade, grâce d’ailleurs au travail tout à fait remarquable de la police, les choses se passent comme il faut. Il faut donc continuer à faire preuve de la même vigilance.
Pour ce qui est du commandement, il est là. Vous n’avez rien dit en ce sens, monsieur le sénateur, mais j’ai déjà entendu, en dehors de cet hémicycle, des mises en cause de la police et du Gouvernement, comme si, d’ailleurs, nous organisions nous-mêmes ces violences pour discréditer le mouvement social, par exemple.
La police agit. Vous savez que le maintien de l’ordre est une mission particulièrement difficile, délicate. Rappelez-vous, il y a quelques semaines, notamment dans la presse ou par la voix de certains élus, les mises en cause dont la police a été l’objet à la suite de problèmes survenus quand il y avait plus de jeunes dans la rue. Dans une société où il y a de la violence, il faut être extrêmement précautionneux, mais les ordres, donnés notamment par le ministre de l’intérieur, sont particulièrement clairs, comme il le rappelait tout à l’heure : interpeller, protéger et prévenir les incidents.
Toutefois, et cette réflexion vaut pour chacun d’entre nous, je suis inquiet, je l’avais d’ailleurs dit en 2012, sur la montée de cette ultragauche qui s’en prend aux institutions de la République et représente plusieurs centaines d’individus.
Il faut dissoudre les organisations qui existent, monsieur le sénateur Lemoyne. Chaque fois que nous pourrons dissoudre des organisations qui existent et qui se livrent à des violences, nous le ferons. Nous l’avons fait pour des groupes liés à l’islam radical et pour des groupes d’extrême droite. S’il le faut et si les groupes sont bien identifiés, nous le ferons quand il s’agit de l’ultragauche.
Je suis préoccupé par cette violence de l’ultragauche et par ce qu’elle peut produire dans notre pays, non pas seulement dans les jours, les semaines qui viennent, mais dans les mois et les années qui viennent. Donc, monsieur le sénateur, notre détermination est totale !
Sur le dialogue social, on parlait d’apaisement tout à l’heure, mais, en France, c’est vrai, le dialogue social est difficile. C’est pourquoi je veux saluer les organisations réformistes qui, depuis des années, ont accepté le dialogue social. Ainsi, je regrette – je vous le dis de la manière la plus nette – que la gauche, lorsqu’elle était dans l’opposition – je parle notamment de ma formation politique – n’ait pas davantage salué la volonté de compromis qui était celle de la CFDT, par exemple, au moment de la réforme des retraites.
Mme Marie-Noëlle Lienemann s’exclame.
Donc, le dialogue social relève du rôle des partenaires sociaux et de celui des formations politiques. C’est de cette manière, madame Lienemann, qu’on rend les choses plus positives et qu’on est plus intelligent. Vous avez remarqué que nous ne sommes pas revenus sur les mesures adoptées lors de cette réforme.
Cela veut dire que, quand on est dans l’opposition, on doit se comporter comme si on était déjà au pouvoir.
M. Manuel Valls, Premier ministre. C’est ainsi que j’entends le sens de l’État.
Applaudissementssur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.
Monsieur le Premier ministre, j’ai bien entendu vos réponses. Il n’en est pas moins vrai que la quatorzième manifestation est actuellement en train de tourner autour du bassin de l’Arsenal contre la loi Travail.
Depuis le mois de février, vous essayez de convaincre votre majorité, vous n’y parvenez pas. C’est normal, puisque François Hollande n’avait jamais annoncé cette réforme du code du travail et ceux qui ont voté pour lui, comme la CGT, se sentent aujourd’hui trompés, pour ne pas dire plus.
En tout cas, beaucoup parmi tous ces gens sont désarçonnés. On le voit même ici, sur les travées de la gauche, au Sénat.
En plus, vous fuyez le débat à l’Assemblée nationale, en recourant à l’article 49.3. Quand il n’y a plus de débat, c’est la rue qui prend le relais. Il a vraiment fallu un revirement de dernière minute pour que la manifestation d’aujourd’hui ne soit pas annulée.
Je vous ai entendu réaffirmer votre détermination ; vous êtes droit dans vos bottes, mais on ne peut pas laisser le pays dans cette situation.
Nous vivons une escalade, il faut bien le reconnaître ; on prend des risques, cela a été dit. Je ne reviens pas sur les différentes questions qui ont été posées. Mais, dans ce contexte, j’imagine que vous avez un plan pour sortir la France de cette situation…
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le sénateur, j’ai un peu de mémoire. J’étais ministre de l’intérieur quand ont eu lieu de nombreuses manifestations contre le texte instaurant le mariage pour tous, avec des violences en marge de ces manifestations
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.
… y compris à l’égard des forces de l’ordre, avec des groupes, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, identifiés à l’extrême droite, particulièrement dangereux.
Chacun souhaitait alors que ces manifestations puissent avoir lieu et que le texte de loi, en même temps, fasse l’objet d’une discussion approfondie à l’Assemblée nationale et au Sénat. C’est ainsi que les choses se passaient.
Pour répondre précisément à votre question, il n’y a pas de plan, …
… sauf d’assurer l’ordre public, dans des conditions toujours difficiles, évidemment. On ne peut pas, d’un côté, rendre hommage à la police et à la gendarmerie et, de l’autre, mettre en cause la manière dont on assure l’ordre public. Ce sont les mêmes hommes, policiers et gendarmes, qui assurent l’ordre public sur le terrain.
L’ordre public, monsieur le sénateur, ça commence aussi par un minimum de respect pour les orateurs !
Sourires.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je connais bien M. Grosdidier, il avait le même comportement à l’Assemblée nationale et j’ai plaisir à le retrouver au Sénat !
Nouveaux sourires.
S’agissant du projet de loi, son examen ira à son terme, monsieur le sénateur, et chacun doit prendre ses responsabilités. Dans une démocratie, il y a de la place pour le débat, la manifestation et la contestation, dans le respect de chacun. Mais le respect consiste aussi à permettre au texte d’être adopté au terme du processus parlementaire.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain et du RDSE.
Je retiens que vous n’avez pas de plan. Vous aviez annoncé le mariage pour tous, mais pas la loi Travail. Vous vouliez vous attaquer à la finance ; vous avez déstabilisé le monde du travail : les salariés du privé, du public, les professions libérales, tout le monde !
Monsieur le Premier ministre, aujourd’hui, en France, quand on est un travailleur, qu’on bosse, qu’on paye ses impôts loyalement, qu’on est un citoyen « normal », les fins de mois sont très difficiles ! On se fait du souci pour sa famille, pour ses enfants et on se demande où vous emmenez la France. Il n’y a plus que les Bleus et l’Euro de football pour redorer le blason bleu-blanc-rouge !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Yves Daudigny, pour le groupe socialiste et républicain.
Ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.
Vous engagez, madame la ministre, un plan d’investissement pour l’hôpital de 2 milliards d’euros sur cinq ans. Votre annonce s’inscrit dans le prolongement des multiples réformes accomplies sur tous les fronts de la santé depuis 2012, réformes qui ont marqué une véritable rupture politique. Il faut y revenir, car les Françaises et les Français doivent choisir quel système de santé les protégera ou, pour certains, ne les protégera plus à l’avenir.
J’en veux pour preuve la proposition de loi relative à l’avenir de notre système de santé élaborée par le groupe Les Républicains et débattue le 16 juin à l’Assemblée nationale. Elle mérite la plus large publicité. Pour la prévention ? Rien ! Pour coordonner les structures de prise en charge et les professionnels ? Rien ! Pour l’innovation ? Rien ! Pour les droits des patients ? Rien !
Mais pour défaire, supprimer, abroger, réduire, oui ! Ce texte reprend la quintessence des mesures appliquées durant la dernière décennie, avec les résultats que l’on a connus en 2012 : près de 30 milliards d’euros de déficit sociaux, couverture sociale réduite, hôpitaux grevés de dettes.
La rupture a été en effet profonde en 2012 entre ces mesures fondées sur « l’efficience et la mise en concurrence » et la politique menée depuis, fondée sur la solidarité et l’excellence. Chacun peut juger des résultats : comptes sociaux rétablis, reste à charge réduit, service public hospitalier rétabli et financement réformé, organisation repensée sur des bases de coopération au plus près des besoins, des spécificités et des fragilités de chaque territoire, excellence reconnue au niveau international.
M. Yves Daudigny. Merci donc, madame la ministre, de rappeler à la représentation nationale et à nos concitoyens les nouvelles mesures prises pour l’innovation et la santé.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le sénateur Yves Daudigny, vous avez raison de rappeler quelques vérités que certains voudraient oublier.
Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.
Il est pourtant difficile de ne pas les voir. Depuis quelques mois, nous voyons éclore des projets prétendument alternatifs qui nous font revivre un passé pas si lointain. On apprend ainsi que, pour certains, il faut, pour assurer l’avenir du système de santé, réduire d’au moins 3 % les remboursements de la sécurité sociale, faire revenir les franchises et les forfaits non remboursés.
Nous avons, rappelons-le, mis fin à cette fâcheuse pratique depuis 2012. Certains nous expliquent que l’avenir réside dans ce que l’on appelle pudiquement la « révision » de la carte hospitalière. Disons les choses plus clairement : il s’agit purement et simplement de supprimer les hôpitaux de proximité dans les territoires, ce à quoi nous nous refusons.
Protestations sur les travées du groupe Les Républicains et de l’UDI-UC.
Nous entendons aussi que, pour assurer l’avenir, il faudrait au moins 100 milliards d’euros d’économies et la suppression de centaines de milliers de postes de fonctionnaires. Mesdames, messieurs les sénateurs, cela ne se fera pas sans toucher drastiquement à l’hôpital public.
Contrairement à ce que j’entends parfois, je veux rappeler que nous consacrons à l’hôpital public des moyens supplémentaires, année après année. En 2016, 1, 3 milliard d’euros de plus ont été alloués aux hôpitaux de France. Depuis 2012, ce sont 30 000 emplois supplémentaires qui ont été créés dans les hôpitaux publics de France.
Enfin, comme vous l’avez souligné, monsieur le sénateur, je viens d’annoncer un plan d’investissement de 2 milliards d’euros sur cinq ans pour soutenir l’innovation et l’investissement dans les systèmes d’information de nos hôpitaux. C’est de cette manière que nous répondrons aux besoins et aux attentes des Français.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. le président. La parole est à Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Monsieur le Premier ministre, les Britanniques se prononcent en ce moment même sur l’avenir européen de leur pays. La portée historique de ce référendum n’a échappé à personne. L’ampleur des conséquences économiques d’un Brexit est débattue. À n’en pas douter, elles seront négatives pour l’ensemble des Européens, mais c’est au niveau politique qu’une sortie du Royaume-Uni serait la plus grave.
Nous aurions tort de penser que les causes qui ont conduit à cette situation sont propres à nos amis britanniques ! Ne nous y trompons pas : c’est l’ensemble du continent qui est traversé par une crise de défiance sans précédent vis-à-vis de l’Europe de Bruxelles. Il n’y a plus que 38 % des Français qui lui soient favorables.
Quelle que soit l’issue du scrutin, si nous voulons sauver l’Europe, il est urgent de proposer un nouveau projet aux Européens. Et ce ne sont pas des réponses technocratiques que les peuples attendent, mais une réponse politique.
Depuis des mois, François Hollande annonce une grande initiative franco-allemande pour la zone euro ! Rien de concret n’a pour l’instant été avancé.
Pourquoi le Président de la République est-il si discret sur le sujet ? Monsieur le Premier ministre, la France est-elle en mesure de faire des propositions à ses partenaires pour redonner un indispensable second souffle à l’Union européenne ? Et, si oui, quelles sont-elles ?
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Pascale Gruny, les Britanniques sont en train de se prononcer et nous devons respecter le déroulement de ce scrutin, même si, nous le redisons, nous souhaitons que la voix de l’unité européenne l’emporte, et que le Royaume-Uni reste au sein de l’Union.
Nous devons aussi, ensemble, être fiers de ce que la France apporte à la construction européenne. Depuis sa fondation, la France a été de toutes les grandes étapes de la construction européenne : la Communauté européenne du charbon et de l’acier a vu le jour grâce à la France et l’Allemagne, notre pays figure parmi les six fondateurs du marché commun et de la politique agricole commune, nous avons contribué à la mise en œuvre de la monnaie unique, des accords de Schengen et de toutes les percées qui ont pu être réalisées dans divers domaines et qui, parfois, suscitent la réticence de certains de nos partenaires. Ainsi, si l’Union a désormais plus de responsabilités en matière d’actions extérieures et de politique de défense, c’est grâce aux initiatives françaises.
C’est le Président de la République qui, après les attentats du mois de novembre en France, a invoqué pour la première fois dans l’histoire de la construction européenne l’article 42-7 du traité de Lisbonne, entraînant une réponse de l’Allemagne et des autres États membres qui sont venus s’engager avec nous en Irak, en Syrie, mais aussi au Sahel – nous étions intervenus au Mali pour la sécurité de ce pays, mais aussi pour celle de l’Europe, dans un contexte de lutte contre le terrorisme.
C’est grâce à la France que, depuis 2012, le soutien à la croissance et à l’investissement, et non plus l’austérité, sont placés au cœur des politiques européennes, que le plan Juncker a été lancé – nous soutenons le président de la Commission, et la majorité sénatoriale devrait faire de même ! –, qu’une certaine flexibilité est autorisée dans l’interprétation du pacte de stabilité, pour que l’on cesse d’imposer l’austérité aux pays d’Europe du Sud. Il y a, aujourd’hui, une nouvelle approche de ce que doit être la priorité de la relance européenne pour la croissance, l’emploi, la jeunesse, la responsabilité internationale et l’Europe de la défense.
C’est cela, la voix de la France ! Et la voix de la France est et sera entendue !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Mme Pascale Gruny. Vous avez raison, monsieur le secrétaire d’État, la France est à l’origine de la construction de l’Union européenne. Mais, depuis 2012, on n’entend plus la France !
Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Le leadership que nous exercions au côté de l’Allemagne n’existe plus. On attend effectivement, pas seulement des propositions, mais que l’Union européenne soit derrière la France et, pour cela, il faut une France forte ! Or la France a tout perdu au niveau de la croissance. J’entends qu’il y a aujourd’hui un petit mieux, mais, depuis 2012, combien avons-nous perdu ?
Chaque fois que vous avez été aux manettes, la croissance a augmenté partout en Europe, sauf chez nous !
Mme Pascale Gruny. Comment expliquez-vous cela ? Nous avons besoin d’une France forte pour une Europe forte !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour le groupe socialiste et républicain.
Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.
Dimanche prochain, en Loire-Atlantique, une consultation se tiendra, afin que les électeurs nous disent si, oui ou non, ils souhaitent le transfert de l’aéroport de Nantes-Atlantique à Notre-Dame-des-Landes. Ils devront dire aussi, après de multiples recours et enquêtes publiques, si notre État de droit se doit d’être respecté. Ils devront dire, enfin, quelle est leur conception de la société : une infime minorité squattant une ZAD peut-elle décider pour le compte d’une majorité ?
Monsieur le Premier ministre, je connais votre détermination sur ce dossier, qui, au-delà de nous-mêmes, concerne également notre vie démocratique et le respect de notre République.
Oui, ce projet va créer des emplois en Loire-Atlantique et bien au-delà ; oui, ce projet va être utile au développement de la filière aéronautique ; oui, ce projet s’accompagne de mesures environnementales et agricoles tout à fait exceptionnelles, et même inédites pour certaines d’entre elles.
Le trafic de l’aéroport de Nantes a doublé en moins d’une décennie. Pourtant, voilà presque dix ans, les opposants nous annonçaient la baisse du trafic, l’explosion du prix du kérosène et même, à terme, la fin du trafic aérien !
Aujourd’hui encore, ils parlent d’un projet inutile. Après la consultation du dimanche 26 juin, et si le oui l’emporte, pouvez-vous nous confirmer et nous assurer, monsieur le Premier ministre, que les travaux commenceront bien en octobre de cette année 2016 ?
Les parties concernées attendent une réponse à la fois de bon sens, mais aussi de nécessaire fermeté. L’ensemble de nos concitoyens, quel que soit par ailleurs leur avis, attendent une ligne claire et utile pour ce projet, mais aussi pour d’autres qui seraient à venir sur l’ensemble de notre territoire.
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.
Monsieur Vaugrenard, je connais la conviction avec laquelle vous défendez ce projet de Notre-Dame-des-Landes et vous avancez des arguments qui, me semble-t-il, s’imposent.
Nous sommes maintenant à quelques jours de la consultation, qui a déjà le mérite d’avoir lieu. Le Conseil d’État a rejeté leur recours, mais il est assez étonnant de constater qu’un certain nombre d’associations ont saisi le Conseil d’État pour tenter de faire annuler cette consultation démocratique, qui permet, au fond, de régler une question qui nous occupe depuis maintenant plusieurs années.
Les habitants et les électeurs de la Loire-Atlantique, votre département, monsieur Vaugrenard, auront donc l’occasion de « sortir par le haut » de ce dossier, depuis longtemps sur la table, en disant s’ils souhaitent ou non ce transfert de l’aéroport vers Notre-Dame-des-Landes.
Nous respecterons la décision : si le non l’emporte, le projet sera abandonné, il faut être clair ; en revanche, si le oui l’emporte, les travaux devront commencer le plus vite possible, dès l’automne prochain, puisque c’est en effet cette date qui a été choisie.
Il faudra faire en sorte que l’on respecte le choix des électeurs : en cas de victoire du « oui », tous ceux qui occupent cet espace de manière totalement illégale devront être évacués ; c’est ainsi que l’autorité de l’État, dont on a beaucoup parlé aujourd’hui, se fait respecter.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Ma question, très proche de celle de M. Vaugrenard, s’adresse également à M. le Premier ministre.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mes chers collègues, le 11 février dernier, le président Hollande annonçait le référendum local pour ou contre l’implantation de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes !
Le Conseil d’État a rejeté lundi le recours déposé par des associations et des particuliers contre le décret du 23 avril 2016 relatif à cette consultation, ultime péripétie d’un projet dont l’idée remonte aux années 1960 et le début d’exécution à 1974 !
Dimanche prochain, le référendum aura bien lieu.
Nous n’avons jamais été d’accord avec la méthode utilisée. Signe que le Gouvernement est lui-même divisé sur ce projet, au-delà du dilemme dans lequel ses alliés verts l’ont enfermé, cette consultation est une nouvelle marque de faiblesse de l’exécutif. Vous aviez en main tous les instruments légaux vous permettant de faire appliquer le droit et de construire cet aéroport.
Respectueux des procédures, nous nous soumettons néanmoins à cette consultation !
Monsieur le Premier ministre, quelles décisions prendrez-vous dès lundi matin, sitôt le résultat connu, quel qu’il soit ?
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre, qui est à la tâche aujourd’hui.
Sourires.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Pas seulement aujourd’hui, monsieur le président, mais j’interviens avec plaisir : c’est une tâche exaltante, et l’on ne reçoit que des compliments !
Nouveaux sourires.
Monsieur le sénateur, quoi que l’on pense de cette consultation, le référendum organisé dimanche porte sur un sujet important, le transfert de l’aéroport actuel de Nantes vers Notre-Dame-des-Landes. Ce projet, soutenu par l’ensemble des acteurs institutionnels et économiques, correspond à n’en pas douter aux intérêts du département et de la région.
Il appartient maintenant aux électeurs de se prononcer. Nous avons fait en sorte qu’ils disposent de tous les éléments d’information, et je veux saluer à cet égard le travail remarquable et impartial de la Commission nationale du débat public.
N’ayons pas peur du choix des électeurs. S’ils disent non, le projet sera abandonné. S’ils disent oui, l’aéroport se fera, chacun doit en être conscient. On ne pourra pas remettre en cause un projet qui tirera alors sa légitimité, non seulement du parcours administratif que vous évoquiez, monsieur Trillard, mais aussi du choix des électeurs de ce département.
Dans ce cas, toutes les procédures qui conduisent au début des travaux et à l’évacuation du territoire seront engagées dès le lendemain. Ceux qui occupent illégalement le territoire devront être évacués. Fort du choix des électeurs, l’État sera alors totalement légitime pour mener ce dossier à son terme.
Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et républicain, du RDSE et du groupe Les Républicains.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le Premier ministre.
Il est temps de rétablir l’État de droit. Plus de 150 décisions de justice ont été prises en faveur du projet, zéro en sa défaveur.
Il est temps de mettre fin à l’insécurité qui règne sur la ZAD et jusque dans le centre-ville de Nantes.
Il est temps d’écouter les élus du département : 116 maires de tous bords politiques, représentant 85 % de la population du département, y sont favorables.
Il est temps de répondre à la saturation du trafic de passagers : 250 vols ont été refusés l’an dernier pour saturation de l’aéroport.
Il est temps de donner au Grand Ouest, situé à la périphérie de l’Europe, les moyens de son développement, et de permettre une réelle mobilité à ses 8 millions d’habitants !
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.
Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.
Monsieur le ministre, une personnalité éminente vient de rappeler que la politique conduite depuis dix ans par les gouvernements successifs, de droite comme de gauche, a pour but de remplacer le couple historique commune-département par une organisation reposant sur les grandes régions et les grandes intercommunalités. Ce processus est déjà largement engagé et le vote de la loi NOTRe puis de la dotation globale de fonctionnement territoriale sont, hélas, de nouvelles étapes vers la transformation des communes en coquilles vides à l’échéance de 2020.
J’ai clairement voté contre la loi NOTRe et contre la DGF territoriale, car je défends le rôle des communes pour la gestion de proximité en milieu rural. Cela étant, je ne me fais pas d’illusion sur les chances de revenir en arrière.
Dans ces conditions, il faut donc que la nouvelle organisation ait un minimum de cohérence territoriale, ce qui pose tout particulièrement le problème des intercommunalités qui s’étendent sur deux départements.
La réforme conduira sans doute à la dissolution des départements au sein des grandes régions. Toutefois, le département continuera à exister en tant que cadre d’organisation des services de l’État et de ressort des préfets. Les intercommunalités ayant vocation à jouer un rôle prépondérant dans la gestion locale au quotidien, il est donc regrettable qu’on ne se soucie pas d’ajuster les limites départementales en conséquence.
Monsieur le ministre, est-il pertinent d’avoir des chevauchements entre le territoire des intercommunalités et celui des départements ? Envisagez-vous d’ajuster les limites départementales avec le nouveau découpage des intercommunalités ?
La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des collectivités territoriales.
Monsieur le sénateur Masson, vous vous interrogez sur les communautés interdépartementales en cours de constitution dans le cadre de la refonte de la carte intercommunale. Comme vous l’avez rappelé, la loi n’exclut pas la solution transdépartementale, qui permet parfois que les périmètres intercommunaux correspondent aux bassins de vie du territoire et au vécu des habitants. D’ailleurs, plusieurs projets de création de communautés transdépartementales sont aujourd’hui soumis à la validation des conseillers municipaux et des conseillers communautaires concernés.
Il existe déjà des communautés transdépartementales. Certaines sont même à cheval sur deux régions et trois départements et ont démontré la pertinence de leur fonctionnement.
Vous évoquez néanmoins quelques-unes des difficultés rencontrées par cette catégorie d’établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Nous ne les ignorons pas, mais, comme vous le savez, nous ne pensons pas que la solution consiste à redessiner les frontières des départements.
D’un point de vue juridique, les communautés de communes et les intercommunalités ne sont pas des collectivités territoriales de plein exercice. Ce qui est nécessaire pour les communes, notamment dans le cas de communes nouvelles, ne l’est donc pas pour les intercommunalités. Si plusieurs communes décident de constituer une commune nouvelle, les frontières des communes doivent coïncider avec celles des départements et la frontière du département doit être revue selon le code général des collectivités territoriales, le CGCT. Tel n’est pas le cas pour les intercommunalités.
Je reste, monsieur le sénateur, à votre disposition pour étudier toutes les mesures de souplesse qui pourraient s’attacher à la création de ces communautés transdépartementales.
J’ajoute deux points, pour terminer.
La loi NOTRe, votée par le Sénat, a réaffirmé le rôle de proximité des communes, puisque c’est le seul échelon qui bénéficie de la clause générale de compétence.
La DGF territorialisée fait débat au Sénat comme à l’Assemblée nationale et n’a pas été retenue, à ce stade, dans l’architecture de la réforme de la DGF votée l’an passé à l’article 150 de la loi de finances pour 2016.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Il y a quand même un problème de cohérence, même si vous feignez de l’ignorer. Une intercommunalité qui s’étend sur deux départements, c’est déjà un peu bizarre, mais une intercommunalité qui s’étend sur trois départements et deux régions, c’est totalement saugrenu !
Je suis un peu surpris qu’un ministre de la République puisse se contenter de renvoyer au silence du CGCT. Si je vous ai posé la question, c’est bien parce que je sais qu’aucune obligation n’est formulée dans le code général des collectivités territoriales. Et je voulais savoir si vous envisagiez de faire quelque chose !
Monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, il me revient de vous apprendre le décès de trois de nos anciens collègues, François Delga, Daniel Millaud et Edgard Pisani.
François Delga a été sénateur du Tarn de 1986 à 1995 et, pendant plus de trente ans, maire de Lautrec, commune à laquelle il était très attaché.
Je l’avais rencontré il y a moins de deux ans. Phlébologue, il siégea au sein de la commission des affaires sociales et rédigea notamment un rapport marquant sur le système de santé américain et ses projets de réforme au temps de la présidence Clinton.
Daniel Millaud fut sénateur de la Polynésie française jusqu’en 1998 et secrétaire du Sénat. Il fut également conseiller municipal de la ville de Papeete et membre de l’assemblée territoriale. Chirurgien-dentiste de profession, il fut membre du groupe de l’Union centriste.
Il siégea notamment au sein de la commission des lois et de la commission des affaires économiques, où il rédigea un rapport sur l’avenir de l’association des pays et territoires d’outre-mer à la Communauté européenne.
Ceux qui l’ont connu, comme moi, se souviennent d’un sénateur très présent, aux interventions toujours courtoises et empreintes d’humour, qui alliait cette double culture propre à nos compatriotes de Polynésie.
Résistant de la première heure, Edgard Pisani fut sénateur de la Haute-Marne de 1954 à 1961, député de Maine-et-Loire de 1967 à 1968, puis de nouveau sénateur de la Haute-Marne de 1974 à 1981.
Au Sénat, il publia dès 1956 un rapport favorable à la mise en place d’une politique de dissuasion nucléaire, avant d’être ministre du général de Gaulle de 1961 à 1967, notamment à l’agriculture, où il laissa une œuvre importante, défendant des lois qui modernisèrent le secteur agricole et participant à la création de la politique agricole commune.
Commissaire européen de 1981 à 1985, chargé du développement, il devint en 1985 haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, dans une période douloureuse, puis ministre de François Mitterrand.
Avec la disparition d’Edgard Pisani, c’est une page d’histoire de la République qui se tourne.
Au nom du Sénat tout entier, je veux honorer la mémoire de nos anciens collègues et dire combien leur apport à la vie de notre pays a été marquant. Nous leur rendrons ultérieurement l’hommage solennel qui leur revient, mais je voulais, dès à présent, montrer que le Sénat n’oublie pas celles et ceux qui ont œuvré pour notre institution, quelles que soient les travées sur lesquelles ils ont siégé.
Applaudissements.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants ; ils seront repris à seize heures vingt-cinq.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.
Madame la présidente, nous avons procédé, tout à l’heure, à un scrutin à main levée et sans débat sur l’engagement d’une procédure contre l’auteur d’un livre qui s’est comporté de manière particulièrement désobligeante à l’égard du Sénat. J’étais présent et j’ai voté en faveur de l’engagement de cette procédure judiciaire.
Pour autant, je pense qu’il aurait été plus pertinent qu’il puisse y avoir un débat pour que chacun puisse s’exprimer. Je crois que le Sénat a aussi intérêt, au fond, à ne pas faire simplement le gros dos, quand certains journalistes, en mal de notoriété, présentent de manière complètement caricaturale le rôle que nous jouons.
Il aurait également pu être intéressant de procéder à un scrutin public. Un scrutin à main levée permet certes de compter les voix qui sont pour et celles qui sont contre, mais peut-être ne serait-il pas aberrant que l’on sache précisément dans quel sens chacun s’est exprimé.
Enfin, nous n’avons été prévenus de ce changement qu’à la dernière minute et nous n’avons pas pu disposer des documents à l’avance. Une meilleure organisation et une plus grande concertation auraient été préférables ; elles auraient permis un échange préalable entre les uns et les autres.
Acte vous est donné de votre rappel au règlement, monsieur Masson.
Le Sénat vient effectivement d’adopter, à l’unanimité des suffrages exprimés, un projet de délibération requérant l’engagement de poursuites pour diffamation publique à raison d’écrits contenus dans l’ouvrage intitulé Le Sénat ; un paradis fiscal pour des parlementaires fantômes.
Je tiens à vous dire que la procédure suivie par M. le président du Sénat est entièrement conforme aux conclusions de la conférence des présidents.
La conférence des présidents a en effet décidé l’organisation d’un vote sans débat à main levée et le bureau du Sénat, consulté, a approuvé cette démarche.
J’ajoute que le scrutin public ne peut être demandé que par les présidents de groupe, qui ne l’ont pas fait.
La décision de la conférence des présidents faisait ainsi obstacle à toute intervention qui aurait pu être interprétée comme une explication de vote. Aucune prise de parole n’était possible.
M. le président du Sénat a suspendu la séance pendant dix minutes pour que, le projet de délibération ayant été distribué, chacun d’entre nous puisse en prendre connaissance.
À l’issue de cette suspension, nous avons procédé au vote et le projet de délibération a été adopté à l’unanimité des suffrages exprimés, quatre d’entre nous seulement s’abstenant.
Une nouvelle fois, ce point de l’ordre du jour s’est déroulé selon les règles établies par l’ensemble des membres de la conférence des présidents.
J’espère, mon cher collègue, avoir répondu à votre interrogation.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution après engagement de la procédure accélérée, visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein de l’article 30, l’examen de l’amendement n° 894 rectifié.
Je mets aux voix l’amendement n° 894 rectifié.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 373 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 874.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 374 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 875.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
La parole est à M. Dominique Watrin, pour explication de vote sur l’article 30.
Le débat qui nous oppose au Gouvernement et à la majorité sénatoriale a été très bien résumé par le représentant de la CFE-CGC, lors de son audition par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale : « Ce projet de loi cherche à simplifier le régime du licenciement économique en partant du principe que faciliter les licenciements facilitera l’embauche. […] Le texte devrait prévoir, au contraire, qu’avant de procéder aux licenciements économiques, il faut utiliser tous les moyens alternatifs pour éviter de devoir y recourir, […] pour préserver l’emploi dans l’entreprise ».
Eh bien, nous sommes pour cette alternative progressiste. Nous avons fait d’ailleurs des propositions que vous avez été une majorité à rejeter. Et nous voterons bien évidemment contre la facilitation et la sécurisation du licenciement collectif, qui résume cet article 30.
Oui, certains d’entre vous l’ont dit, dans les autres pays européens, le licenciement économique est beaucoup moins contrôlé, beaucoup moins régulé.
Ce sont les licenciements express, comme en Espagne ; ce mot évoque bien la situation du « salarié jetable » dans nos sociétés… Je pourrais aussi citer les Pays-Bas, le Royaume-Uni – cher à M. Cadic –, où la définition très extensive du licenciement économique permet de le motiver par de vagues « motifs non inhérents à la personne », ou encore la Suède, où il n’est besoin de formuler aucune justification !
En somme, les fonds de pension, les actionnaires font ce qu’ils veulent ou à peu près. C’est d’ailleurs pourquoi le MEDEF exprime cette exigence depuis des dizaines d’années.
Eh bien, mes chers collègues, madame la ministre, je vous dirai simplement : le MEDEF l’a voulu et c’est vous qui l’aurez fait ! Les TPE et PME ont beau dos dans cette histoire !
Pour notre part, au groupe CRC, nous ne serons jamais complices d’un tel recul, d’une telle régression, qui touche aux protections et aux droits des salariés, mais aussi aux intérêts économiques vitaux de notre pays.
Nous constatons aussi avec satisfaction que nous ne sommes pas isolés dans ce combat : les collègues écologistes et un nombre non négligeable de collègues socialistes ont défendu des positions proches des nôtres – 47 voix pour la suppression de cet article 30, il faut le souligner !
Nous pensons tous, au fond, que le licenciement doit être le dernier recours et qu’il ne peut être mis en œuvre que lorsque toutes les autres solutions l’ont été. Ce peut être le chômage partiel ou l’investissement pour moderniser ou renouveler l’outil de travail, mais en aucun cas, il ne faut faciliter, comme vous le faites aujourd’hui, les logiques financières, les délocalisations, qui ont déjà suffisamment affaibli notre outil industriel.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l’article.
Je regrette que le groupe socialiste et républicain soit contraint de voter contre cet article. Peut-être aurions-nous pu trouver une voie pour avancer, si nous nous étions mieux compris !
Avec le Gouvernement, nous avons voulu reprendre la jurisprudence de la Cour de cassation, en particulier en ce qui concerne le périmètre du groupe, une notion que la Cour est amenée à apprécier.
Le Gouvernement a justement proposé de renforcer le contrôle, en demandant à la justice de bien regarder qu’il n’y ait pas de licenciement artificiel dans une filiale. Même si le phénomène est marginal, on sait bien que de telles choses peuvent s’organiser. Il faut donc donner les moyens au juge de vérifier tout cela.
Toutefois, nous n’avons pas réussi à tomber d’accord avec la commission sur la définition du périmètre.
En ce qui concerne les critères, la formule la plus simple me semble être celle de départ. En effet, le chiffre d’affaires est un critère transparent et un compte d’exploitation négatif est mortel pour l’entreprise. Le secteur dans lequel s’opère le licenciement doit aussi être pris en compte.
Finalement, nous n’avons pas réussi à trouver un chemin avec la majorité sénatoriale.
Pour terminer, je voudrais dire à nos collègues communistes que, si nous allons finalement voter contre un texte qui ne correspond pas à nos aspirations, nous ne partageons pas leur vision purement négative des employeurs.
Exclamations sur les travées du groupe CRC.
Les fraudes existent, c’est certain, mais on doit légiférer pour le plus grand nombre.
Nous avons justement proposé le dispositif de l’article 30 pour protéger les salariés – quoi que vous en disiez ! – et dissiper l’appréhension de ceux qui ne savent plus où on en est.
Nous avons voulu trouver un équilibre et vous n’avez pas compris…
Mais vous ne voulez pas le comprendre !
Vous avez une vision purement négative de nos territoires. Quand j’entends la manière dont vous avez parlé de l’Isère ce matin, alors que, dans ce département, de belles entreprises innovantes sont pleinement impliquées dans la mondialisation, je trouve dommage que vous vous prêtiez à ces caricatures.
Mme Stéphanie Riocreux applaudit.
Sans relancer le débat, qui a été suffisamment long et précis et qui a bien montré les désaccords, mais aussi les convergences, qui peuvent exister dans cet hémicycle, je rappelle que la commission des affaires sociales a trouvé un accord sur la philosophie du texte et sur l’objectif de cet article.
Nous avons, il est vrai, un désaccord de fond sur le périmètre. En ce qui nous concerne, nous souhaitons conserver un maximum d’attractivité à notre territoire.
Nous pensons que le gain positif de l’attractivité compensera les éventuels effets pervers de la mesure.
Pour le reste, la commission a voulu rendre plus objective la notion d’entreprise en difficulté, afin de sécuriser le processus de licenciement économique, aussi bien pour l’entreprise que pour le salarié, et éviter de multiplier les contentieux.
Nous avons travaillé dans cette optique. Nous avons jugé que le texte du Gouvernement n’était pas parfait et qu’il était même inacceptable sur certains points, comme la définition d’une entreprise en difficulté qui ne reposait que sur des critères alternatifs.
Cela dit, je ne prétends pas que le texte de la commission soit lui-même parfait… Il est véritablement difficile d’écrire ce type de définition et de poser les bonnes limites.
Nous avons donc un désaccord sur les modalités, mais la commission des affaires sociales approuve, dans son principe, la disposition prévue à cet article. Nous pensons toutefois que notre rédaction est meilleure que celle qui nous a été proposée.
Je mets aux voix l’article 30.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 375 :
Le Sénat a adopté.
L’amendement n° 450 rectifié, présenté par Mmes Billon et Lamure, MM. Bouchet, Cadic, Canevet et Danesi, Mme Morhet-Richaud, M. Adnot, Mme Deromedi, M. P. Dominati, Mme Primas et M. Vaspart, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l’article L. 1231-1 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les motifs et conditions de rupture peuvent être préalablement définis dans le contrat de travail à durée indéterminée. Ces motifs sont liés aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise et peuvent être précisés et limités par une convention ou un accord. »
La parole est à Mme Annick Billon.
Dans le cadre des travaux du rapport d’information Droit du travail : ce dont les entreprises ont besoin, qu’elle a récemment publié, la délégation aux entreprises du Sénat a consulté près de quatre cents entrepreneurs via un questionnaire en ligne.
À la question visant à identifier les réformes jugées prioritaires par les entreprises, 28 % d’entre elles ont répondu : « un contrat à durée indéterminée prédéfinissant des motifs et conditions de rupture ». C’est le premier choix et il se détache nettement des sujets arrivant ensuite, qui se situent à seulement 15 %.
Dans leur ouvrage publié en mai 2016, Un autre droit du travail est possible, les spécialistes du droit social que sont MM. Franck Morel et Bertrand Martinot ont par ailleurs identifié l’instauration d’un CDI conventionnel comme premier objectif de la feuille de route. Cette proposition doit permettre de dépasser « le terrible fossé qui sépare, en France, le monde du CDD de celui du CDI ».
Le présent amendement vise à créer une base légale pour ce type de CDI, qui répond au besoin explicité par les entreprises, afin de sécuriser et relancer l’embauche, et qui contribue à remédier à la dualité du marché du travail.
Il complète l’article L. 1231-1 du code du travail relatif à la rupture du CDI, en précisant que celle-ci peut avoir été définie préalablement dans le contrat de travail par l’employeur et le salarié. Les motifs ainsi définis doivent être liés aux nécessités de fonctionnement de l’entreprise : fin d’un projet ou d’un contrat client, échec du développement géographique ou sur un nouveau marché de l’entreprise…
Cet amendement vise à définir, dès la conclusion du contrat de travail ou à l’occasion d’avenants, les causes justifiant une rupture.
Je comprends bien tout l’intérêt de ce dispositif, qui peut effectivement se justifier.
Toutefois, des questions demeurent sans réponses. Que se passe-t-il si le salarié change d’avis après coup ? Existe-t-il un droit à rétractation ? Quels sont les moyens de contester la rupture ? Quelle sera la nature de cette rupture ?
Cela nécessite donc des approfondissements.
En outre, nous avons adopté, en séance, un amendement, qui est devenu l’article 2 bis du projet de loi. Il crée le CDDOD, c’est-à-dire le contrat de travail à durée déterminée dont l’échéance est la réalisation d’un objet défini, d’une durée minimale de dix-huit mois et maximale de quarante-huit mois.
Ce dispositif répond, en partie, à votre préoccupation ; la demande que vous formulez peut donc être considérée comme partiellement satisfaite…
C’est pourquoi je vous demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis de la commission sera défavorable.
Comme vous l’avez relevé, madame la sénatrice, beaucoup d’organisations patronales ont demandé, dans le cadre des concertations que j’ai menées autour de ce projet de loi, la mise en place d’un CDI prédéfinissant les motifs et les conditions de rupture.
Tout d’abord, je ne souhaite pas qu’employeurs et salariés décident en face à face des conditions de rupture à venir du contrat de travail.
Si j’ai pu dire à plusieurs reprises, dans cet hémicycle, que je faisais confiance aux acteurs du dialogue social, aux employeurs, aux salariés, je ne suis pas non plus naïve. Pensez-vous vraiment que la négociation des conditions de rupture d’un contrat de travail au moment de sa signature se passe à armes égales ? Pour ma part, je ne le pense pas.
Ensuite, le contrat ne doit pas non plus se substituer au juge, qui dispose d’un pouvoir d’appréciation de l’existence d’une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Enfin, permettez-moi de vous dire, comme M. le rapporteur, que cet amendement, s’il est voté, n’atteindra pas son objectif. Penser qu’un salarié et une TPE vont définir des clauses de rupture complexes dès l’embauche et qu’elles seront juridiquement bien rédigées pour résister à un contentieux me semble vraiment illusoire. Vous créerez en fait plus de complexité pour l’employeur et plus de contentieux.
J’ajoute que, si les parties en sont d’accord, la rupture conventionnelle apporte déjà une réponse. Celle-ci est largement utilisée, même si j’en ai dénoncé les abus ce matin encore, en abordant la clarification du motif de licenciement économique.
Pour toutes ces raisons, l’avis du Gouvernement est défavorable.
Pour éviter des débats trop longs, je vais le retirer. Il s’agissait plus d’un amendement d’appel.
Les entreprises attendent plus de flexibilité et souhaitent qu’on leur fasse confiance. Sur ce point, elles méritent d’être entendues. Le CDI reste trop rigide pour imaginer qu’un jour il puisse être amélioré.
L’amendement n° 450 rectifié est retiré.
L’amendement n° 128 rectifié bis, présenté par MM. P. Dominati, Commeinhes, Magras, Houel, Cambon, Vasselle, Longuet et Doligé, Mme Duranton, M. Laménie, Mmes Deromedi et Lopez et MM. Bouchet et Masclet, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le second alinéa de l’article L. 1232-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette justification n’est pas requise pour les micro-entreprises définies à l’article 3 du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique économique. » ;
2° L’article L. 1233-1 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1233 -1. – Les dispositions du présent chapitre sont applicables dans les entreprises et établissements privés de toute nature, à l’exception des micro-entreprises définies à l’article 3 du décret n° 2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique économique. Elles sont également applicables, sauf dispositions particulières, dans les entreprises publiques et les établissements publics industriels et commerciaux. »
La parole est à M. Philippe Dominati.
Cet amendement vise à instaurer une réelle nouvelle liberté et une réelle nouvelle protection pour l’entreprise.
Mes chers collègues, vous savez que le taux d’emploi est structurellement moins élevé en France que chez la quasi-totalité de nos voisins. Ces pays ont en commun d’avoir un marché du travail beaucoup plus flexible qu’en France, un système d’allocations chômage plus strict, une meilleure formation professionnelle, un contrat de travail nettement plus souple, mais, surtout, des procédures de licenciement beaucoup plus simples pour les petites entreprises.
C’est l’objet de cet amendement que de libérer, sur le modèle allemand, les petites entreprises françaises de toutes les contraintes liées à la procédure de licenciement.
En 2004, un gouvernement socialiste, en Allemagne, a proposé d’exonérer les entreprises de moins de dix salariés de toute procédure de licenciement, à une époque où le taux de chômage était pratiquement de 12 % dans ce pays. Aujourd’hui, douze ans après, ce taux avoisine les 4 % !
Ce modèle a été suivi en Europe par un certain nombre de pays : la Suisse, l’Autriche, le Danemark, la Finlande, et même la Suède, connue pourtant pour ses politiques sociales très protectrices.
L’objet de cet amendement est de laisser aux entreprises françaises de moins de dix salariés exactement la même liberté, la faculté de licencier plus facilement assurant de la souplesse à l’embauche.
Contrairement à l’Allemagne, la France a ratifié la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail sur les licenciements, laquelle prévoit, dans son article 4, qu’« un travailleur ne devra pas être licencié sans qu’il existe un motif valable de licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur, ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service. »
Cette convention faisant obstacle à l’adoption de votre amendement, l’avis de la commission est défavorable.
L’avis est également défavorable. Cependant, mes raisons vont au-delà de l’argument invoqué par M. le rapporteur, qui est au demeurant tout à fait valable.
Monsieur Dominati, vous procédez à une comparaison de l’emploi au niveau européen, mais vous devez savoir qu’avec les contrats « zéro heure » au Royaume-Uni ou les « mini-jobs » allemands – le gouvernement allemand, sous l’impulsion de la ministre du travail, Andrea Nahles, est d’ailleurs en train de revenir sur ces « mini-jobs » – il suffit que la personne travaille une heure par semaine pour sortir des statistiques du chômage. Cela n’est pas comparable avec la pratique française.
La seule comparaison qui vaille est celle qui repose sur les chiffres du BIT, or, dans ce cas, notre taux de chômage est inférieur à la moyenne de la zone euro. Il faut tenir compte de cette réalité si nous voulons véritablement établir des comparaisons au plan international.
Néanmoins, je le reconnais, nous devons mieux faire. Nous avons voté hier sur les accords en faveur de l’emploi à l’article 11, et nous devons être désormais en mesure de prendre les bonnes décisions au bon moment dans le cadre du dialogue social, plutôt que de nous en remettre à la flexibilité externe, c’est-à-dire aux licenciements.
Des accords issus du dialogue social, sur la base de l’article 2 ou de l’article 11, doivent nous permettre de faire évoluer nos pratiques sociales pour éviter de revivre à l’avenir les grandes vagues de licenciements que nous avons connues dans notre pays au moment de la crise de 2008, quand l’Allemagne, avec le chômage partiel, mais aussi, parfois, avec des décisions dures, comme la modération salariale ou l’augmentation du temps de travail à titre provisoire, résistait mieux que nous à la crise. C’est une réalité !
Après, si nous regardons le nombre d’emplois créés, l’Allemagne et la France sont exactement au même niveau sur les vingt dernières années.
J’entends bien que les TPE ont plus de difficultés que les grandes entreprises pour connaître et respecter les règles de la procédure de licenciement. Pour autant, la solution ne consiste pas à les exonérer du respect de ces règles, qui constituent, bien sûr, des garanties pour les salariés, et qui sont aussi prévues par les textes internationaux.
L’option que nous avons choisie dans ce projet de loi tend à fournir un meilleur appui aux entreprises. Par exemple, vous avez voté hier la mise en place d’un service public d’accès au droit. Nous préconisons également la clarification des motifs de licenciement, mais nous ne souhaitons en aucun cas réduire les droits des salariés ni imposer la précarisation.
C’est pour ces raisons que je suis défavorable à votre amendement.
Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse très complète. Je ne savais pas que la situation de l’emploi était aussi bonne en France qu’en Allemagne ces dernières années. Je vous signale tout de même que nous avons appris aujourd’hui qu’il y avait en Allemagne 130 000 emplois non qualifiés non pourvus. J’aimerais que notre pays souffre de maux comparables…
Monsieur le rapporteur, le Premier ministre nous a dit tout à l’heure que l’opposition, dans cet hémicycle, dénaturait le projet de loi, mais, en réalité, nous souhaitons juste revenir au projet initial du Gouvernement, hormis pour les 35 heures.
J’observe que le Sénat n’est entendu ni sur le travail de nuit, ni sur le travail dominical, puisque vous avez refusé toute évolution, par exemple, pour la prestigieuse avenue des Champs-Élysées, ni sur des mesures du type de celle que je viens de proposer.
J’ai le regret de constater que la social-démocratie, même en France, a du mal à progresser. Ne parlons pas du libéralisme…
Monsieur Dominati, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit s’agissant de la comparaison avec l’Allemagne.
Je le répète, et j’y insiste, avec les « mini-jobs » à l’allemande, il suffit de travailler une heure par semaine pour sortir des chiffres du chômage, ce qui n’est pas le cas dans notre pays. En effet, notre choix a été de lutter contre le temps partiel subi, et l’accord national interprofessionnel de 2013 a imposé un plancher de 24 heures.
Il faut aussi comparer, par exemple, le taux de précarité. Si mon homologue allemande est actuellement en train de revenir sur l’idée des « mini-jobs », cela montre que nous avons aussi nos arguments à faire valoir, dans le cadre de notre propre social-démocratie.
Nous n’avons pas emprunté des voies similaires, mais nous pouvons aussi nous inspirer de l’Allemagne, par exemple sur le plan « 500 000 formations », car nous sommes bien moins bons que d’autres pays européens en la matière. Ainsi, quand l’Allemagne forme deux demandeurs d’emploi sur dix, nous nous contentons d’un sur dix. Quelle est la problématique dans notre pays aujourd’hui ? Nous avons de 150 000 à 250 000 offres d’emploi non pourvues, en raison d’un manque de qualification dans 95 % des cas.
C’est pourquoi nous avons mis en œuvre le plan que je viens de citer. La qualification est un investissement productif, car elle améliore la compétitivité de notre économie.
Il y a une autre différence de taille avec l’Allemagne : nous avons la chance, car c’en est bien une, de bénéficier d’une forte croissance démographique. Tous les ans, nous avons 700 000 départs en retraite pour 850 000 entrées sur le marché du travail. Pour l’économie française, le défi est donc de créer au minimum 150 000 emplois par an pour que le chômage n’augmente pas.
En Allemagne, en revanche, il y a environ 700 000 départs en retraite pour 400 000 entrées sur le marché du travail. Vous le voyez, l’équation…
Si l’exemple allemand ne vous convient pas, prenez l’exemple suédois ou autrichien !
Ouvrez les yeux !
Exclamations indignées sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Monsieur le sénateur, je ne suis ni obtuse ni animée par l’idéologie. Oui, nous devons apprendre de l’Allemagne en matière de formation professionnelle ; oui, nous devons apprendre de l’Allemagne en matière d’apprentissage, et je suis d’ailleurs allée visiter des centres d’apprentissage ; oui, nos organisations patronales, aussi, doivent apprendre des organisations patronales allemandes, qui s’investissent beaucoup sur la question de l’apprentissage ; oui, les organisations syndicales françaises doivent aussi apprendre de leurs homologues allemandes.
Si nous voulons développer, à travers l’article 2 notamment, le dialogue social au niveau de l’entreprise, c’est que nous pensons que le passage d’une culture de l’affrontement à une culture du compromis nous éviterait d’avoir à réagir au dernier moment, ce qui nous a fait perdre des emplois dans l’industrie depuis le deuxième trimestre de 2001.
Monsieur le sénateur, je le répète, lorsque vous faites des comparaisons, il faut tout prendre en compte, c’est-à-dire aussi la qualité de la formation et le taux de précarité. Il faut dire que l’assurance chômage dans notre pays a joué un vrai rôle d’amortisseur social au moment de la crise de 2008, mais il faut reconnaître également que nous avons fait le choix de la flexibilité externe par les licenciements en 2008.
Aussi, je vous ai proposé l’article 11 sur les accords pour le développement de l’emploi, qui sont destinés à créer les conditions pour se mettre d’accord, pendant un temps à durée déterminée, afin d’éviter les suppressions d’emplois par la suite.
Oui, nous pouvons apprendre de nos voisins, mais nous ne souhaitons pas plaquer un modèle extérieur sur le nôtre, non pas en raison de spécificités que nous voudrions garder à tout prix, mais parce que notre modèle a aussi des atouts, qu’il faut savoir conserver. Nous devons nous adapter, faute de quoi notre modèle social disparaîtra.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Je souhaite intervenir par rapport à l’interprétation qu’a faite notre collègue Philippe Dominati de l’avis défavorable qui a été donné par M. le rapporteur.
Comme M. Gabouty l’a rappelé, la France a signé la convention n° 158 de l’OIT en 1989. Les pays qui ont adapté leur marché du travail dans le sens que vous nous proposez ont préalablement dénoncé cette convention. En ce qui nous concerne, depuis 1989, aucun Président de la République, aucun gouvernement n’a émis le souhait de le faire. Nous sommes donc liés par cette convention, qui nous empêche d’adopter votre amendement.
Vous pourriez à la rigueur demander à un des candidats Les Républicains à l’élection présidentielle de la dénoncer…
Sourires.
L’amendement n° 128 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 730, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1233-2 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Est réputé dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emplois sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a constitué des réserves ou réalisé un résultat net ou un résultat d’exploitation positif au cours des deux derniers exercices comptables.
« Est également dépourvu de cause réelle et sérieuse tout licenciement pour motif économique ou toute suppression d’emploi sous quelque forme que ce soit, décidé par un employeur dont l’entreprise a, au cours des deux derniers exercices comptables, distribué des dividendes ou des stock-options ou des actions gratuites ou procédé à une opération de rachat d’actions. »
La parole est à Mme Annie David.
Avec cet amendement, nous souhaitons compléter l’article L. 1233-2 du code du travail, qui précise que le licenciement économique doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Je profite du temps qui m’est accordé pour dire à notre collègue Nicole Bricq que je l’invite à venir en Isère pour rencontrer les salariés, comme je le fais régulièrement. §Je vous l’assure, il y a de très belles entreprises high-tech, comme les gens « branchés », à la mode, les appellent, mais celles-ci vivent quand même sous perfusion de subventions publiques, qu’elles proviennent de l’État, de la région, du département, de l’intercommunalité, voire de l’Europe.
Il y a sans doute un grand nombre de salariés, aussi, dans ces entreprises, mais il y a aussi beaucoup de plans de départs prétendument volontaires et bien des incertitudes sur le maintien de leurs activités, bien qu’elles vivent, je le répète, sous perfusion de subventions publiques.
À côté de ce secteur, il y a l’industrie traditionnelle. Dans mon département, l’Isère, ces activités faisaient sens. Savez-vous qu’Aristide Bergès, un ingénieur, a inventé la houille blanche ? Il se trouve que j’ai la chance de bien connaître ce procédé, car c’est dans ma commune qu’habitait cet inventeur, qui a déposé un brevet.
Schématiquement, la houille blanche, c’est la force de l’eau qui fait turbiner les machines. Dans nos entreprises, notamment les papeteries, le procédé était très présent. Dans la vallée de l’Isère, où je vis, il y avait, au pied de chaque colline, une entreprise qui fonctionnait grâce à ce turbinage inventé par Aristide Bergès. Si M. Savin était là, il pourrait parler de l’industrie traditionnelle des papeteries, puisque, sur sa commune, Domène, les usines ont fermé les unes après les autres.
Il n’y a plus d’industrie traditionnelle dans ma vallée, qu’il s’agisse de la papeterie, de la chimie ou de l’aluminium. Cette région a été saccagée en termes d’emploi, car, les unes après les autres, les entreprises ont fermé et ces salariés n’ont pas été embauchés par les entreprises high-tech, madame Bricq !
Dans votre exposé des motifs, certains arguments peuvent être recevables, mais vous faites quand même preuve d’une grande méconnaissance des réalités de l’entreprise.
Vous parlez d’une entreprise qui a eu des résultats positifs deux années de suite, mais tout dépend de l’ampleur des résultats. S’ils sont juste au-dessus de la barre, ils peuvent très bien plonger la troisième année si l’entreprise perd des marchés ou en cas d’événement conjoncturel.
La commission est bien sûr défavorable à cet amendement.
Je comprends bien évidemment cet amendement, mais la jurisprudence, fort heureusement, sanctionne déjà les entreprises procédant à des licenciements afin d’optimiser leurs cours de bourse ou seulement augmenter leurs profits. Je le dis haut et fort, ces deux motifs de licenciement ne constituent pas des causes réelles et sérieuses, et sont donc rejetés par les tribunaux. Comme je reçois tous les mois le rappel des condamnations des tribunaux sur ce type de motif, je puis vous dire qu’elles sont nombreuses.
La sauvegarde de la compétitivité, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, obéit à des critères précis, tout comme les difficultés économiques. Je ne souhaite pas que l’on fasse une liste exhaustive, mais je vous rassure, la jurisprudence montre que la justice reste vigilante.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 735, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code du travail est ainsi modifié :
1° À l’article L. 1233-25, les mots : « Lorsqu’au moins dix salariés » sont remplacés par les mots : « Lorsque plusieurs salariés » ;
2° À l’intitulé du paragraphe 2 de la sous-section 1 de la section 4 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie les mots : « dix refus ou plus » sont remplacés par les mots : « plusieurs refus ».
La parole est à M. Bernard Vera.
Dans la législation actuelle, les entreprises ne sont pas dans l’obligation de présenter un plan de sauvegarde de l’emploi, un PSE, lors de licenciements économiques effectués à la suite d’un refus de modification du contrat de travail, quand le nombre d’emplois concernés est inférieur à dix, dans la durée d’un mois.
Cependant, dans de nombreux cas, les entreprises contournent cette obligation. Elles jouent par exemple sur la durée de trente jours consécutifs, ou contraignent les salariés à refuser une modification substantielle de leur contrat de travail, ce qui conduit à leur licenciement.
Pourtant, le PSE représente souvent l’unique possibilité pour les salariés de retrouver un emploi à la suite d’un licenciement économique.
Notre amendement vise donc à remplacer la mention « dix salariés » par la mention « plusieurs salariés ». Ainsi, il sera beaucoup plus difficile de déguiser un licenciement économique de plus de dix salariés en le fractionnant en plusieurs licenciements de différents types et en l’étalant sur la durée.
Il est de la responsabilité du législateur de s’assurer du respect de l’esprit de la loi, qui plus est quand celle-ci offre aux salariés une seule et unique possibilité de ne pas se retrouver dans des situations dramatiques, comme c’est très souvent le cas lors d’un licenciement.
et à notre cadre juridique relatif aux plans de sauvegarde de l’emploi.
En effet, il vise à supprimer le plancher de dix salariés afin d’imposer la procédure de licenciement collectif à l’employeur, mais l’article 1er de la directive 98/59/CE du 20 juillet 1998 dispose qu’un licenciement économique doit concerner au moins dix personnes sur une période de trente jours dans les entreprises employant entre vingt et cent personnes.
L’avis de la commission est défavorable.
L’objectif que vous visez, monsieur le sénateur, est certes légitime, mais votre amendement est déjà satisfait par le code du travail, qui s’attache à éviter les contournements du seuil de dix salariés, dans l’hypothèse, par exemple, où l’employeur licencie plusieurs fois moins de dix salariés par mois.
Ainsi, la loi prévoit que les règles du licenciement collectif s’appliquent au-delà de dix-huit licenciements économiques sur une année civile, et au-delà de dix licenciements sur une période de trois mois consécutifs.
Cette règle s’applique aux licenciements consécutifs à un refus de modification du contrat de travail, cas que vous avez visé dans votre amendement, ou à un autre motif économique.
C’est pourquoi je suis défavorable à votre amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 202 rectifié bis, présenté par Mme Deromedi, M. Bouchet, Mme Cayeux, MM. Chasseing, Doligé, Frassa, Gremillet, Husson et Laménie, Mme Lopez et MM. Magras, Masclet, Morisset, Pellevat et Soilihi, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1234-1 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans tous les cas, la durée du préavis ne peut excéder trois mois. »
La parole est à Mme Jacky Deromedi.
Le code du travail autorise les partenaires sociaux à fixer la durée du préavis, qui ne peut pas être inférieur à deux mois quand un salarié a plus de deux ans d’ancienneté et à un mois entre six mois et deux ans d’ancienneté.
Je pense qu’il faut faire confiance aux partenaires sociaux pour fixer la durée adéquate du préavis. L’avis de la commission est défavorable.
En cas de licenciement, l’obligation de respecter un préavis s’impose bien sûr à l’employeur. Il s’agit d’une mesure protectrice pour le salarié, afin de lui éviter de se retrouver directement au chômage.
La loi fixe aujourd’hui une durée minimale d’un ou de deux mois selon l’ancienneté, mais une durée plus longue peut être instituée par un accord collectif – c’est pour cette raison que le rapporteur a déclaré qu’il préférait laisser les partenaires sociaux en décider – ou par le contrat de travail.
En pratique, certaines branches utilisent cette possibilité, notamment lorsqu’il s’agit de cadres.
Vous souhaitez fixer une durée maximale de trois mois. Je ne suis pas favorable à cette proposition, qui serait préjudiciable aux salariés concernés aujourd’hui par une durée plus longue. En outre, il est assez insécurisant pour les employeurs de fixer dans la loi une durée unique maximale de préavis trop courte, car un juge pourrait la déclarer non conforme à la convention n° 158 de l’OIT, que la France a ratifiée, et condamner l’employeur à ce titre.
Laissons donc les partenaires sociaux adapter les durées aux situations, en conformité avec l’esprit de ce texte.
Jusqu’à présent, ainsi que vous l’avez indiqué, la durée du préavis est fixée en fonction de la carrière antérieure des salariés licenciés. Cela n’est pas forcément la meilleure mesure, car elle ne correspond pas nécessairement aux besoins.
Je prends l’exemple de ce qui s’est passé en Suède pour Sony-Ericsson. Lorsque l’entreprise a décidé de ne plus produire de téléphones et a fermé, la durée du préavis des salariés a été calculée en fonction du temps nécessaire pour les former afin d’intégrer un autre poste dans une autre entreprise.
La Suède est un exemple intéressant, car elle connaît déjà tout ce que nous sommes en train de voter en termes d’accords collectifs. C’est le moyen d’entendre une vérité, de la part des employeurs comme des salariés.
En France, j’ai discuté je ne sais combien de fois avec Philippe Varin et Carlos Tavares pour essayer de sauver le site de Rennes, et, à chaque fois, je n’ai rencontré que de l’opacité.
Chez Sony-Ericsson, un an avant que ne s’arrête la production, les syndicats et les employeurs s’étaient déjà retrouvés autour d’une table pour imaginer ensemble les solutions de reclassement, avec une étude sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, y compris vers des emplois publics, pour que chacun ait les meilleures chances de trouver une porte de sortie. C’est d’ailleurs ce qui s’est produit, puisque 95 % des salariés licenciés sous cette forme ont retrouvé un emploi, avec une rémunération au moins égale à celle qu’ils touchaient auparavant, ce qui est déterminant dans pareil cas.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 729, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sous-section 1 de la section 2 du chapitre V du titre III du livre II de la première partie du code du travail est complétée par un article L. 1235-7-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1235 -7-… – Lorsque le juge constate que le licenciement pour motif économique ou les suppressions d’emploi sont dépourvus de cause réelle et sérieuse, il ordonne le remboursement du montant de la réduction de cotisations sociales patronales mentionnée à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale dont a bénéficié l’entreprise pour les salariés concernés par le licenciement ou la suppression d’emplois envisagés.
« Dès lors que le juge prononce la nullité du licenciement pour motif économique ou de la suppression d’emploi, l’employeur perd le bénéfice des dispositifs prévus aux articles 244 quater B et 244 quater C du code général des impôts si son entreprise est déjà bénéficiaire, ou l’opportunité d’en bénéficier, pour une période ne pouvant excéder cinq ans. Le juge peut également condamner l’employeur à rembourser tout ou partie du montant dont son entreprise a bénéficié au titre de ces dispositifs. »
La parole est à Mme Laurence Cohen.
Au moment des débats en loi de finances autour du crédit d’impôt recherche, le CIR, et du crédit d’impôt pour la compétitivité l’emploi, le CICE, nous avions présenté plusieurs propositions, que nous voulons renouveler ici.
Pour rappel, le CICE a représenté en 2015 une créance fiscale de plus de 7, 7 milliards d’euros, pour atteindre les 20 milliards d’euros depuis sa création.
Quant au CIR, son montant dépasse les 5 milliards d’euros en 2015, avec des résultats sur l’emploi scientifique bien atones, s’agissant notamment de l’embauche de jeunes docteurs.
En toute logique, donc, notre amendement a pour objet de prévoir le remboursement des aides publiques lorsque le licenciement pour motif économique aura été jugé sans cause réelle et sérieuse, notamment en cas de licenciement économique boursier, même s’il semble, d’après ce que l’on nous dit, que de telles pratiques n’existent plus. Permettez-nous d’en douter…
L’entreprise se verra alors condamnée à rembourser le montant des exonérations de cotisations sociales dont elle a bénéficié au titre de l’ensemble des salariés initialement concernés par le licenciement ou la suppression d’emplois.
Par ailleurs, l’entreprise perdra, le cas échéant, le bénéfice ou la possibilité de bénéficier du CIR et du CICE. Enfin, le juge pourra ordonner le remboursement de tout ou partie du montant dont aura bénéficié l’entreprise au titre de ces dispositifs fiscaux.
Voilà à quoi pourrait ressembler une vraie politique du donnant-donnant !
Je vous rappelle que seules seize branches sur les cinquante principales ont pour l’heure signé des accords dans la foulée du pacte de responsabilité, qui englobe le CICE, et trois seulement prévoient des créations nettes d’emplois.
Aussi, je vous encourage à adopter cet amendement.
Cet amendement reprend une partie de l’amendement n° 725, que nous venons de rejeter à l’article 30. Il tend à instituer le régime de la double, triple, voire quadruple peine pour l’entreprise.
Je pense que c’est totalement disproportionné. L’avis est défavorable.
Je partage comme vous, madame Cohen, la volonté de sanctionner les comportements abusifs des employeurs. La loi le permet, mais cela n’est pas le rôle du CICE !
Comme M. Watrin l’a dit tout à l’heure, pour éviter des licenciements, il faut être en mesure d’investir, or le CICE sert justement à encourager l’investissement dans la recherche, l’innovation, la formation, le recrutement.
Vous citez le bilan que nous avons fait dans le cadre du comité de suivi des aides publiques aux entreprises. Des engagements ont été pris. Le problème, c’est que toutes les branches professionnelles ne disposent pas d’un observatoire de branche. La difficulté a donc consisté à mettre en place des outils d’évaluation. C’est ce que j’ai demandé, avec le Premier ministre et Michel Sapin, aux cinquante plus grandes branches lorsque nous les avons réunies. Lors du prochain comité, je pense qu’elles seront plus nombreuses que les seize que vous avez citées et qu’elles rendront compte de la mise en œuvre des engagements pris en matière d’apprentissage, de maintien dans l’emploi ou de contrats de génération.
En outre, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, il est bien sûr légitime que l’employeur rembourse par exemple d’éventuelles indemnités de chômage, mais il y est déjà tenu. Encore heureux ! Ces mécanismes existent, mais je crois qu’il ne faut pas confondre les outils.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le rapporteur juge, c’est là son appréciation, que la disposition que vise à introduire notre amendement constituerait une quadruple peine pour les entreprises. Il fait preuve d’une grande sévérité. Je ne l’ai pas entendu être aussi déterminé quand il s’agit de défendre les salariés. Nous ne devons pas vivre dans le même monde, …
…parce que, lorsque j’entends notre rapporteur ou, sur certaines questions, Mme la ministre expliquer que tout est prévu, que des engagements sont pris et qu’ils sont tenus, que les entreprises remboursent les aides publiques, il semblerait que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes. On se demande bien à quoi va servir cette loi ! Si tout va bien et si tout est déjà fait, pourquoi s’arc-bouter sur un projet de loi qui pousse une majorité de gens dans la rue, …
… qu’il s’agisse des syndicats ou des organisations de jeunesse, pour manifester leur opposition ? Et quand on fait une proposition, on nous répond soit qu’on n’a pas le bilan, soit qu’on n’a pas les bons éléments, soit qu’on n’a pas ceci, soit qu’on n’a pas cela ! Vraiment, nous ne vivons pas dans le même monde.
Je maintiens cet amendement parce que nous n’avons pas la même appréciation des réalités de l’entreprise et des salariés. Vous persévérez dans la sécurisation des entreprises, alors même qu’à côté des entreprises vertueuses – qu’il n’est pas question de pénaliser, nous l’avons dit cinquante fois –, d’autres ne jouent pas le jeu. Tout le monde le sait pertinemment, donc arrêtons ce jeu hypocrite !
Ne caricaturons pas les débats. Je n’ai pas dit que les entreprises remboursaient les aides publiques. Ne me prêtez pas des propos que je n’ai pas tenus.
Quand une proposition, quel que soit le bord politique dont elle provient, est contraire à une convention de l’OIT, il est de ma responsabilité de vous le dire.
Ce matin, lors des débats autour du licenciement économique, nous avons beaucoup parlé de la question du contrôle du juge. J’ai précisé que ce contrôle s’appuie sur la réalité du droit existant. Ce n’est pas une interprétation de ma part, et il est légitime que, lorsque le droit prévoit déjà une disposition qu’un amendement tend à introduire, je le signale à ses auteurs, qu’ils se situent d’un côté ou de l’autre de cet hémicycle.
Notre collègue Éric Bocquet, qui est très féru de chiffres, nous a indiqué que 1 643 entreprises de vingt-trois pays ont distribué 51 % de leurs bénéfices aux actionnaires en 2015, contre 46 % en 2013. Pour les entreprises, ça continue à aller bien, et pour les actionnaires, ça va encore mieux ! En effet, nous ne vivons pas dans le même monde.
Madame la ministre, nous ne nions pas que le droit existe ni qu’il soit conforme à ce que vous en dites, mais malheureusement, certaines entreprises commettent des abus. Certaines ne sont pas dans ce cas, et heureusement. Tout le monde n’est pas voyou, mais il y a des voyous un peu partout, y compris parmi les entrepreneurs.
Nous vous proposons que ces entrepreneurs voyous, au même titre que les syndicalistes que vous ne voulez pas amnistier quand ils sont voyous, ne soient pas passibles d’allégement de leur peine. S’ils ont commis des irrégularités, ils doivent être mis devant leurs responsabilités.
Vous nous dites que le juge peut déjà faire beaucoup de choses, notamment en matière de licenciements économiques. Pourtant, les chiffres qui vous sont communiqués chaque mois concernant les plans de sauvegarde et les licenciements montrent bien qu’il y a des abus, vous en convenez. La loi telle qu’elle existe aujourd’hui n’est pas suffisamment protectrice, or ce n’est que par la loi que nous pourrons lutter contre ces abus. Nous vous proposons donc de l’améliorer.
Dans ce texte qui doit prévoir de nouveaux droits et de nouvelles libertés, il me semble nécessaire d’encadrer davantage celles et ceux qui commettent des abus.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 734, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 1235-10 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 1235 -10. – Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciements dont le motif doit être conforme à l’article L. 1233-3 concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu à l’article L. 1233-61 et s’intégrant au plan de sauvegarde de l’emploi n’est pas présenté par l’employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés.
« La réalité et le sérieux du motif économique sont appréciés au niveau de l’entreprise ou, de l’unité économique et sociale ou du groupe.
« La validité du plan de sauvegarde de l’emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l’entreprise ou l’unité économique et sociale ou le groupe.
« Le respect des obligations en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ainsi que la nécessité d’informer le plus en amont possible les représentants du personnel doivent être également pris en compte.
« La nullité du licenciement peut être prononcée par le juge dès lors que l’information et la consultation ne revêtent pas un caractère loyal et sincère ou lorsqu’elles ne comprennent pas un effet utile lié à la consultation.
« Le premier alinéa n’est pas applicable aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaires. »
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Cet amendement a pour objet de préciser les dispositions concernant les licenciements économiques de plus de dix salariés afin de permettre au juge de statuer sur l’adéquation de ces derniers avec la situation économique de l’entreprise.
La législation actuelle propose un encadrement beaucoup trop approximatif de ces licenciements, ne permettant pas au juge de statuer sur le fond en prenant en compte tous les aspects pouvant justifier ou non les licenciements économiques.
Il est donc nécessaire de préciser qu’un plan de licenciement économique est acceptable seulement après que celui-ci a été présenté aux représentants du personnel. Par ailleurs, l’information et la consultation de ces derniers doivent revêtir un caractère « loyal et sincère » sous peine de nullité. Enfin, la réalité et le sérieux du motif économique doivent être appréciés au niveau de l’entreprise ou de l’unité économique et sociale ou du groupe et non d’une de ses filiales.
Toutes ces mesures visent à encadrer les licenciements économiques et, ainsi, à empêcher les entreprises de contourner la législation au détriment des salariés, ce qu’elles font la plupart du temps pour augmenter leurs profits.
S’agissant d’une question aussi fondamentale que la perte de l’emploi dont les conséquences bouleversent en profondeur la vie des salariés et des territoires, il est de la responsabilité du législateur de mettre tout en œuvre pour que la loi soit respectée.
Il est donc nécessaire de mieux encadrer les licenciements économiques en permettant au juge d’analyser en profondeur les justifications de ces licenciements afin de garantir aux salariés menacés une réelle prise en compte de leur situation et le respect de leurs droits.
Les dispositions que cet amendement vise à introduire sont incompatibles avec l’article 30 tel qu’il résulte des travaux de la commission. Elles recoupent les dispositions proposées dans la deuxième moitié de l’amendement n° 725, que nous avons déjà rejeté.
J’ajoute que les dispositions proposées dans cet amendement ne tiennent pas compte des avancées de la loi relative à la sécurisation de l’emploi de 2013, qui autorise un accord collectif majoritaire à définir le contenu d’un plan de sauvegarde de l’emploi. Aujourd’hui, environ les deux tiers des PSE sont définis par accord collectif, et seulement un tiers unilatéralement par l’employeur. Les syndicats peuvent donc peser sur le contenu du PSE, notamment sur le volet reclassement.
Enfin, dernier point, depuis 2013, c’est la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, la DIRECCTE, qui valide ou homologue le PSE, sous le contrôle du juge administratif.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Les dispositions que cet amendement vise à introduire remettraient en cause ce qui est au cœur de la réforme de 2013, décidée à la suite de l’adoption de l’ANI par les partenaires sociaux, à savoir la nullité de la procédure de licenciement en l’absence de décision administrative de validation ou d’homologation du PSE ou en cas d’insuffisance du PSE.
En outre, un des volets du contrôle exercé par la DIRECCTE depuis la réforme de 2013 porte sur le respect des consultations des instances représentatives du personnel, les IRP, et répond ainsi à votre préoccupation, tout à fait légitime, et partagée par le Gouvernement, relative à la loyauté de ces consultations.
Toutes ces réformes ont permis de faire chuter drastiquement le taux de recours contentieux sur les PSE. De 20 % à 30 % avant la loi, celui-ci est descendu à 6 % en 2015.
Votre amendement tend à revenir sur les choix qui ont été effectués par le Gouvernement et par les partenaires sociaux en 2013. Je ne peux donc qu’émettre un avis défavorable à son endroit.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 731, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’article 30
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au premier alinéa de l’article L. 1471-1 du code du travail, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « cinq ».
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
La loi relative à la sécurisation de l’emploi de juin 2013 a abaissé le délai de prescription pour intenter une action en contestation de la rupture d’un contrat de travail, rendant l’accès au juge prud’homal toujours plus difficile pour les salariés.
Il est donc proposé de ramener le délai de prescription à cinq ans comme le prévoit le droit commun, pour permettre aux salariés qui estiment avoir subi une rupture abusive de leur contrat de travail de saisir le juge plus facilement.
Cela est d’autant plus impératif que, dans un contexte de chômage massif et de licenciements économiques fort nombreux, toutes ces mesures de restriction de l’accès au juge risquent d’éroder un peu plus la capacité des salariés et de leurs défenseurs à contester les décisions patronales.
Cette proposition est totalement contraire aux dispositions que nous avons adoptées à l’article 30. Je ne comprends pas qu’on puisse s’interroger pendant cinq ans pour savoir si l’on va contester une rupture de contrat, même s’il s’agit d’un contrat de travail.
La loi relative à la sécurisation de l’emploi de 2013 a baissé de cinq ans à deux ans le délai de prescription. La commission n’est pas favorable à une remise en cause de cette disposition qui serait par ailleurs source d’instabilité législative.
Elle émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
C’est en effet un équilibre délicat qui a été trouvé au moment de la discussion de la loi de 2013 dans le cadre de l’ANI datant de la même année.
Concrètement, les salariés qui prennent la décision, forcément très lourde, d’intenter un contentieux le font dans les premiers mois qui suivent le licenciement. Porter à cinq ans le délai de prescription ne les sécuriserait pas davantage.
Par ailleurs, les comparaisons internationales montrent que notre droit est très favorable envers les salariés. Bien qu’il soit impropre de parler de droit « favorable » au salarié, puisque, en l’espèce, il est question du délai de prescription pour intenter un contentieux en cas de licenciement, il reste que, dans de nombreux pays européens, ce délai n’est que de quelques mois.
Quoi qu’il en soit, le Gouvernement n’entend pas revenir sur l’équilibre délicat qui a été trouvé dans l’ANI de 2013. Il émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
I. – Le chapitre V du titre III du livre II de la première partie du code du travail est ainsi modifié :
1° Au sixième alinéa de l’article L. 1235-1, les mots : «, de l’âge et de la situation du demandeur par rapport à l’emploi » sont remplacés par les mots : « du salarié » ;
2° Le second alinéa de l’article L. 1235-3 est remplacé par huit alinéas ainsi rédigés :
« Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, qui ne peut dépasser :
« 1° Si l’ancienneté du salarié dans l’entreprise est inférieure à deux ans : trois mois de salaire ;
« 2° Si l’ancienneté du salarié dans l’entreprise est d’au moins deux ans et de moins de cinq ans : six mois de salaire ;
« 3° Si l’ancienneté du salarié dans l’entreprise est d’au moins cinq ans et de moins de dix ans : neuf mois de salaire ;
« 4° Si l’ancienneté du salarié dans l’entreprise est d’au moins dix ans et de moins de vingt ans : douze mois de salaire ;
« 5° Si l’ancienneté du salarié dans l’entreprise est d’au moins vingt ans : quinze mois de salaire.
« L’indemnité est due sans préjudice, le cas échéant, des indemnités de licenciement légales, conventionnelles ou contractuelles.
« Cette indemnité est cumulable, le cas échéant, avec les indemnités prévues aux articles L. 1235-12, L. 1235-13 et L. 1235-15, dans la limite des montants maximum prévus au présent article. » ;
3° Après l’article L. 1235-3, sont insérés deux articles L. 1235-3-1 et L. 1235-3-2 ainsi rédigés :
« Art. L. 1235-3-1. – Lorsque la rupture du contrat de travail est prononcée par le juge judiciaire ou fait suite à une demande du salarié dans le cadre de la procédure mentionnée à l’article L. 1451-1, le montant de l’indemnité octroyée est déterminé selon les règles fixées à l’article L. 1235-3.
« Art. L. 1235-3-2. – L’article L. 1235-3 ne s’applique pas lorsque le juge constate la nullité du licenciement, dans les cas prévus par la loi ou en cas de faute de l’employeur d’une particulière gravité caractérisée par la violation d’une liberté fondamentale. » ;
4° L’article L. 1235-5 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par les mots : « au remboursement des indemnités de chômage, prévues à l’article L. 1235-4 » ;
b) Les deuxième à dernier alinéas sont supprimés ;
5° Au second alinéa de l’article L. 1235-11, le mot : « douze » est remplacé par le mot : « six » ;
6° L’article L. 1235-12 est complété par les mots : « dans la limite des montants fixés à l’article L. 1235-3 » ;
7° À l’article L. 1235-13, les mots : « qui ne peut être inférieure à deux mois de salaire » sont remplacés par les mots : « calculée en fonction du préjudice subi dans la limite des montants fixés à l’article L. 1235-3 » ;
8° L’article L. 1235-14 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1235-14. – Ne sont pas applicables au licenciement d’un salarié de moins de deux ans d’ancienneté dans l’entreprise les dispositions relatives à la sanction de la nullité du licenciement, prévues à l’article L. 1235-11.
« Le salarié peut prétendre, en cas de licenciement abusif, à une indemnité correspondant au préjudice subi dans la limite des montants fixés à l’article L. 1235-3. » ;
9° À l’article L. 1235-15, les mots : « qui ne peut être inférieure à un mois de salaire brut » sont remplacés par les mots : « calculée en fonction du préjudice subi dans la limite des montants fixés à l’article L. 1235-3 ».
II. – Au troisième alinéa de l’article L. 1226-15 du même code, le mot : « douze » est remplacé par le mot : « six ».
III. – Les dispositions du présent article sont applicables aux licenciements notifiés postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi.
Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 57 est présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L’amendement n° 866 est présenté par M. Desessard, Mmes Archimbaud, Benbassa, Blandin et Bouchoux et MM. Dantec, Gattolin, Labbé et Poher.
L’amendement n° 895 rectifié est présenté par MM. Collombat, Amiel, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Guérini, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Requier.
L’amendement n° 955 est présenté par le Gouvernement.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour présenter l’amendement n° 57.
Cet article, introduit par la commission des affaires sociales, tend encore une fois, malgré la censure du Conseil constitutionnel, à plafonner les indemnités prud’homales en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cette disposition ne peut que conduire à encourager la multiplication de ces licenciements, les employeurs pouvant même provisionner dans cette perspective.
Comme lors des débats sur le projet de loi pour la croissance et l’activité, nous entendons à loisir que cette mesure aurait pour objectif de « faciliter les embauches », car l’absence de plafond pour les indemnités prononcées par les conseils de prud’hommes serait préjudiciable pour l’emploi, certains employeurs hésitant à recruter.
Cependant, cet argument est aujourd’hui remis en cause. Aucune étude, notamment aucune statistique, ne permet d’étayer le fait qu’une entreprise n’embaucherait pas par crainte de se retrouver devant le tribunal des prud’hommes.
Pis, certains analystes libéraux font aujourd’hui la démonstration qu’au-delà de l’effet d’annonce, il y a un risque d’effet rebond. Ils soulignent que plafonner ces indemnités, c’est dénier aux juges leur pouvoir souverain d’appréciation en les enfermant dans un cadre trop rigide. Or cela est d’autant plus incompréhensible que les conseillers prud’homaux ne condamnent pas souvent les employeurs à verser des sommes extravagantes. Il pourrait être également à craindre que la sanction, puisque plafonnée et prévisible, devienne un peu plus systématique, d’autant plus que le recours aux prud’hommes est stable depuis la fin des années 1970.
Cette disposition ne favorisera pas non plus l’emploi. Au contraire, elle constitue une invitation à ne pas respecter la loi, car c’est de cela qu’il s’agit. Un employeur va pouvoir prendre le risque de licencier « abusivement », puisqu’il sait combien cela va lui coûter. Bref, il s’agit de payer pour ignorer la loi.
Nous proposons donc de remédier à ces difficultés par cet amendement.
La première version du présent projet de loi prévoyait le plafonnement des indemnités prud’homales dans l’hypothèse où un salarié a été licencié sans cause réelle et sérieuse. Ce plafonnement signifie que, lorsqu’un salarié est licencié sans cause réelle et sérieuse, l’employeur est condamné à lui verser une somme déterminée à l’avance.
Facteur de nombreuses inquiétudes, ce dispositif avait été rejeté en bloc par l’ensemble des syndicats représentatifs des salariés, notamment par les syndicats dits « réformateurs », bien que ce terme fasse polémique… Le Gouvernement, à l’issue de ce dialogue social enfin mené, avait supprimé cette disposition.
Pourtant, notre commission des affaires sociales a réintroduit ce dispositif et nous le regrettons.
Tout d’abord, force est de constater que le droit positif prévoit des sommes minimales qui présentent l’avantage d’être dissuasives. La crainte de la sanction assure, d’une part, un certain respect de la procédure de licenciement et, d’autre part, un licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse.
Ensuite, le dispositif, tel qu’il a été réintroduit, porte atteinte au principe de la réparation intégrale du préjudice et au pouvoir d’appréciation du juge. De la même manière, il devient désormais possible de provisionner un licenciement.
Enfin, le plafonnement des indemnités prud’homales entraîne un risque nouveau : si l’enjeu du litige est trop faible, alors il est probable que le juge ne soit pas saisi, bien qu’une faute ait été commise par l’employeur. Autrement dit, le risque est grand que le principe de l’accès au juge ne soit mis à mal.
C’est pourquoi nous demandons la suppression du plafonnement des indemnités prud’homales.
La parole est à Mme Françoise Laborde, pour présenter l’amendement n° 895 rectifié.
Cet amendement est identique aux deux amendements précédents qui ont été très bien défendus par Mme Gonthier-Maurin et M. Jean Desessard. Vu que le Gouvernement présente également le même amendement de suppression, je ne serai pas plus longue.
Le présent amendement vise à supprimer l’article relatif à l’encadrement des barèmes prud’homaux que le Gouvernement a souhaité ne pas retenir dans le texte, à la suite de la concertation menée au printemps avec les partenaires sociaux, les organisations syndicales et les organisations de jeunesse. Revenir sur ce point serait ignorer ce compromis auquel le Gouvernement tient particulièrement.
Dès 2013, nous avons mis en place, avec les partenaires sociaux, un barème pour la conciliation, afin de donner de la visibilité à la fois aux salariés et aux chefs d’entreprise et de favoriser la conciliation. En 2015, nous sommes allés plus loin. Dans la loi pour la croissance et l’activité, nous avons réformé la procédure pour la rendre plus rapide et plus efficace. Nous avons ainsi décidé de mettre en œuvre un barème indicatif. Il s’agissait d’une mesure importante, parce qu’il y a en effet dans notre pays une réticence, réelle ou ressentie, à embaucher en CDI.
Le barème indicatif, qui ne s’applique pas, bien sûr, aux cas de harcèlement ou de discrimination, est une réponse à cette problématique.
Les termes du débat sur cet article sont bien connus, puisque l’on en parle maintenant depuis quelques mois. Le Gouvernement a souhaité intégrer un barème, tout d’abord dans le cadre du projet de loi Macron, puis dans le présent projet de loi. Il a ensuite été retiré, mais il reste un barème indicatif.
Nous sommes favorables à cet encadrement que le Sénat avait d’ailleurs proposé il y a un an. C’est un signe adressé aux entreprises en termes de risques. En réalité, cette disposition se traduira par une forme de mutualisation du risque, certains payant un peu plus et d’autres un peu moins.
Comme l’a fait Mme la ministre, je voudrais rappeler que ce dispositif ne s’applique pas lorsque le juge constate la nullité du licenciement dans les cas prévus par la loi ou en cas de faute particulièrement grave de l’employeur, caractérisée par la violation d’une liberté fondamentale, comme le harcèlement ou les discriminations en tout genre.
Quoi qu’il en soit, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
Monsieur le rapporteur, vous avez raison de rappeler nos débats au Sénat à propos de la loi pour la croissance et l’activité. Le débat nous avait permis d’affiner une disposition qui, d’un corridor, était devenue un plancher, puis un plafond… Mais en voulant trop bien faire, nous avons introduit une inégalité de traitement en fonction de la taille de l’entreprise, disposition que le Conseil constitutionnel n’a pas manqué de censurer. C’est dommage, parce que la mesure était finalement acceptable.
Le groupe socialiste républicain votera cet amendement, marquant ainsi son opposition à la rédaction de la majorité sénatoriale, qui a rétabli bêtement et méchamment le plafonnement. Or la politique consiste à tenir compte de ceux qui ne sont pas d’accord. Quiconque se trouve en responsabilité est confronté à cette nécessité du compromis. Pendant quinze jours, c’est l’honneur du Gouvernement que d’avoir cherché un compromis de manière intensive. Cela a apporté un apaisement, fût-il provisoire. Or vous faites comme si cela n’avait pas eu lieu, comme si le débat n’avait pas eu lieu à l’Assemblée nationale. C’est dommage ! Nous voterons contre cette version sénatoriale.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 57, 866, 895 rectifié et 955.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 376 :
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 740, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail est ainsi modifié :
1° La section 2 est ainsi modifiée :
a) L’article L. 1233-5 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les trois premiers critères sociaux sont privilégiés par l’employeur pour fixer l’ordre des licenciements. » ;
b) Est ajoutée une sous-section 5 ainsi rédigée :
« Sous-section 5
« Autorisation de l’inspection du travail
« Art. L. 1233 -7 -1. – Tout licenciement pour motif économique est soumis à l’autorisation de l’inspection du travail.
« Art. L. 1233 -7 -2. – La demande d’autorisation de licenciements dits “boursiers”, envisagés dans des entreprises dont les difficultés ne relèvent pas d’un motif économique au sens de l’article L. 1233-3, requiert un avis conforme des représentants du personnel.
« Art. L. 1233 -7 -3. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de la présente sous-section. » ;
2° La section 3 est ainsi modifiée :
a) Le premier alinéa de l’article L. 1233-15 est ainsi rédigé :
« Lorsque l’employeur, qui a obtenu l’autorisation de l’inspection du travail en application de l’article L. 1233-7-1, décide de licencier un salarié pour motif économique, qu’il s’agisse d’un licenciement individuel ou inclus dans un licenciement collectif de moins de dix salariés dans une même période de trente jours, il lui notifie le licenciement par lettre recommandée avec avis de réception. » ;
b) L’intitulé de la sous-section 3 est ainsi rédigé :
« Autorisation de l’inspection du travail » ;
c) L’article L. 1233-19 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1233 -19. – L’employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour -motif économique de moins de dix salariés dans une même période de trente jours adresse une demande d’autorisation à l’inspection du travail. » ;
d) La sous-section 3 est complétée par un article L. 1233-20-… ainsi rédigé :
« Art. L. 1233-20-… – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de la présente sous-section. » ;
3° La section 4 est ainsi modifiée :
a) L’article L. 1233-39 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1233 -39. – L’employeur qui a obtenu l’autorisation de l’inspection du travail en application de l’article L. 1233-7-1 notifie au salarié le licenciement pour motif économique par lettre recommandée avec avis de réception.
« La lettre de notification ne peut être adressée avant l’expiration d’un délai courant à compter de l’autorisation de l’inspection du travail. » ;
b) Les articles L. 1233-40 et L. 1233-41 sont rétablis dans la rédaction suivante :
« Art. L. 1233 -40. – Le délai mentionné à l’article L. 1233-39 ne peut être inférieur à :
« 1° Trente jours lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent ;
« 2° Quarante-cinq jours lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à cent et inférieur à deux cent cinquante ;
« 3° Soixante jours lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à deux cent cinquante.
« Art. L. 1233 -41. – Une convention ou un accord collectif de travail peut prévoir des délais plus favorables aux salariés que ceux mentionnés à l’article L. 1233-40. » ;
c) L’intitulé de la sous-section 4 est ainsi rédigé :
« Autorisation de l’inspection du travail » ;
d) L’article L. 1233-46 est ainsi rédigé :
« Art. L. 1233 -46. – L’employeur qui envisage de procéder à un licenciement collectif pour motif économique de dix salariés ou plus dans une même période de trente jours adresse une demande d’autorisation à l’inspection du travail.
« Lorsque l’entreprise est dotée de représentants du personnel, la demande d’autorisation est faite au plus tôt le lendemain de la date prévue pour la deuxième réunion prévue aux articles L. 1233-29 et L. 1233-30.
« La demande d’autorisation est accompagnée de tout renseignement concernant la convocation, l’ordre du jour et la tenue de cette réunion. » ;
e) Au premier alinéa de l’article L. 1233-48, à la première phrase des articles L. 1233-49 et L. 1233-50, à l’article L. 1233-51, au premier alinéa de l’article L. 1233-53, à la première phrase du premier alinéa et au deuxième alinéa de l’article L. 1233-56 et aux premier et dernier alinéas de l’article L. 1233-57, les mots : « autorité administrative » sont remplacés par les mots : « inspection du travail » ;
f) À la première phrase de l’article L. 1233-49 et à la seconde phrase de l’article L. 1233-50, les mots : « notification du projet » sont remplacés par les mots : « demande d’autorisation » ;
g) Les articles L. 1233-54 et L. 1233-55 sont rétablis dans la rédaction suivante :
« Art. L. 1233 -54. – L’inspection du travail dispose, pour procéder aux vérifications et adresser sa décision, d’un délai courant à compter de la date de demande d’autorisation de licenciement.
« Art. L. 1233 -55. – Le délai mentionné à l’article L. 1233-54 ne peut être inférieur à :
« 1° Vingt et un jours lorsque le nombre des licenciements est inférieur à cent ;
« 2° Vingt-huit jours lorsque le nombre des licenciements est au moins égal à cent et inférieur à deux cent cinquante ;
« 3° Trente-cinq jours lorsque ce nombre est au moins égal à deux cent cinquante.
« Lorsqu’il existe une convention ou un accord collectif de travail, ce délai ne peut être inférieur au délai conventionnel séparant les deux réunions de représentants du personnel, prévu à l’article L. 1233-30, augmenté de sept jours.
« Le délai dont dispose l’inspection du travail peut être prolongé pour une durée égale si les nécessités de l’enquête le rendent nécessaire. » ;
La parole est à M. Dominique Watrin.
Par cet amendement, nous formulons une proposition pour lutter contre les licenciements boursiers. Nous en avons fourni de nombreux exemples et c’est un problème auquel il faut s’attaquer.
Lorsque, deux mois seulement après le rachat des activités énergie d’Alstom, le conglomérat américain General Electric se permet de supprimer 6 500 emplois en Europe dont 765 en France, nous ne pouvons qu’alerter sur cette situation. Il n’est pas possible de continuer à laisser les grands groupes organiser tranquillement des licenciements boursiers, c’est un non-sens social, bien sûr, mais aussi économique, qui porte atteinte aux intérêts vitaux de notre pays.
À travers cet exemple, nous rappelons qu’il est important de lutter contre les licenciements boursiers. C’est pourquoi nous proposons de rétablir l’autorisation préalable de l’inspection du travail pour tout licenciement économique potentiellement abusif, c’est-à-dire, comme cela est précisé dans le texte de l’amendement, lorsqu’il y a un « doute manifeste » sur le motif réel du licenciement, et cela par la saisine de l’inspection du travail sur l’initiative des salariés, de leurs syndicats ou des institutions représentatives du personnel.
Les dispositions que cet amendement vise à introduire écrasent l’article 30 bis A pour remplacer le plafonnement des indemnités prud’homales par des dispositions que nous avons déjà rejetées lors de l’examen du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi. Il s’agit notamment de rétablir l’autorisation administrative pour les licenciements économiques, qui a été supprimée en 1986.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement. En effet, la suppression de l’autorisation administrative de licenciement date de 1986. À mon grand étonnement, j’ai d’ailleurs appris récemment que cette autorisation était presque systématiquement accordée.
Vous posez la question du rôle de l’administration. Celui-ci a été clairement affirmé à travers le mécanisme d’homologation des PSE, qui permet à l’administration du travail d’apprécier la pertinence des mesures d’accompagnement envisagées par l’employeur dans des délais brefs et lui donne la capacité de suspendre le plan si elle l’estime insuffisant. Les partenaires sociaux ont reconnu que le bilan de la réforme des PSE introduite par la loi de 2013 était positif. Il ne me semble donc pas utile de revenir au passé et de réintroduire cette autorisation administrative qui n’avait d’ailleurs en rien endigué la montée du chômage avant 1987.
Par ailleurs, je rappelle que le licenciement boursier n’est pas une cause admise de licenciement. Je crois en effet qu’il est important de rappeler qu’il peut être condamné par les tribunaux. Sans doute l’est-il souvent bien longtemps après, comme dans le cas de cette entreprise, évoquée hier, qui faisait, me semble-t-il, des teintures en Inde et qui a été condamnée cette année alors que l’affaire date de 2005, donc bien avant la loi de sécurisation de l’emploi de 2013.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 741, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Rédiger ainsi cet alinéa :
1° Les quatrième à dernier alinéas de l’article L. 1235-1 du code du travail sont abrogés.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Le présent amendement vise à supprimer le référentiel indicatif inscrit dans la loi Macron.
En effet, la loi du 14 juin 2013 a introduit un barème pour la phase de conciliation, lors de laquelle les parties peuvent mettre fin au litige moyennant une contrepartie forfaitisée d’un montant très faible. Les organisations syndicales avaient cantonné l’utilisation du barème à la phase de conciliation, mais la loi du 6 août 2015 l’a étendue à la phase de jugement.
Par ce référentiel indicatif, qui pourrait s’imposer par l’usage, les juridictions prud’homales sont dépossédées de leur rôle d’individualisation des sanctions. En effet, le forfait ne permet pas la réparation du préjudice dans sa totalité, ce dernier ne pouvant être évalué par le juge qu’au cas par cas.
Ce référentiel a aussi pour conséquence de décourager les parties, notamment les salariés. Lorsque les procédures sont longues et éprouvantes, un salarié contraint financièrement a la tentation, il faut le comprendre, d’accepter une indemnisation, même faible, plutôt que de faire valoir ses droits. Ainsi, l’employeur s’acquitte d’une somme qui, pour lui, est dérisoire, et qu’il peut, grâce au barème, provisionner à l’avance, tandis que le salarié accepte une solution qui ne lui est pas favorable.
Surtout, vous envoyez là un message fort aux employeurs : ils pourront anticiper ce qu’il leur en coûtera s’ils ne respectent pas le code du travail, en cas de licenciement abusif d’un salarié, et provisionner la dépense. Ainsi, le coût du licenciement sera intégré comme un élément ordinaire des coûts à prévoir dans l’équilibre financier. C’est précisément ce que nous voulons éviter.
C’est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, cet amendement.
Les dispositions que cet amendement vise à supprimer ont été adoptées il y a un an dans le cadre de la loi Macron, avec l’accord du Sénat. Elles permettent de rendre plus prévisibles les conséquences financières d’un licenciement.
En pratique, entre le plafond et le référentiel, les avocats de l’une des parties plaideront par rapport au barème. Je rappelle que le plafond que la commission a adopté dans ce texte est d’un montant supérieur au référentiel. Si, demain, il n’y a pas de plafond, on se rapportera à un référentiel d’un montant inférieur. J’imagine bien les plaidoiries qui s’engageront alors.
Les deux dispositifs sont donc relativement proches. Si jamais le plafonnement des indemnités n’était pas retenu, nous préférerions en rester à la disposition en vigueur.
En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Vous voulez supprimer le référentiel indicatif, au motif qu’il serait contraire à l’intérêt des salariés. Mais non, ce n’est pas le cas ! Il est important de le rappeler, le référentiel indicatif participe d’ailleurs d’un mouvement général qui touche actuellement la justice. En effet, la justice a de plus de plus de référentiels ; c’est le cas pour les pensions alimentaires, les préjudices corporels, la réparation du préjudice subi par les victimes de l’amiante ou d’autres questions particulièrement sensibles.
Si l’on analyse les décisions judiciaires, on voit que se pose un problème d’égalité de traitement des salariés. Permettez-moi de vous donner quelques exemples.
Pourquoi le référentiel est-il important ?
Il permet à la fois aux employeurs d’avoir une certaine prévisibilité et aux salariés de bénéficier d’une égalité de traitement. Aussi, je ne peux pas vous laisser dire, monsieur le rapporteur, que le référentiel indicatif sera plus bas que le plafonnement que vous proposez. Le décret sera élaboré dans les prochaines semaines en concertation avec les partenaires sociaux. Aujourd’hui, vous ne savez donc pas sur quoi se fondera le référentiel indicatif. Il devra tenir compte de plusieurs critères : l’ancienneté du salarié, son âge et sa situation par rapport à l’emploi. En effet, il est plus difficile de retrouver un emploi à cinquante ans qu’à vingt-cinq ans.
Il s’agira d’un référentiel et non d’un barème obligatoire, et le juge restera libre de fixer une indemnité différente si la situation spécifique du salarié ou la façon dont est intervenu le licenciement le justifie.
Pourquoi parler d’égalité de traitement des salariés ?
Aujourd’hui, permettez-moi de vous le dire, la situation est différente selon le juge devant lequel se retrouve le salarié. Il existe des disparités territoriales très fortes et, surtout – c’est, selon moi, ce qu’il y a de plus choquant ! –, des disparités au niveau de l’indemnité.
Ainsi, pour une ancienneté de moins de deux ans, l’écart type par rapport à la moyenne de l’indemnité – en l’occurrence, quatre mois de salaire – est de trois mois. Un salarié reçoit en moyenne, au titre des indemnités, quatre mois de salaire, mais il a autant de chances d’obtenir un mois ou sept mois de salaire.
Fait encore plus choquant, d’après les données fournies par le Trésor, les plus privilégiés bénéficient d’indemnités plus élevées. On pourrait dire qu’il est normal qu’un salarié dont le revenu est plus élevé perçoive plus d’indemnités. Mais la disparité se mesure en termes de mois de salaire : un salarié gagnant 6 000 euros mensuels reçoit en moyenne une indemnité équivalant à 10, 5 mois de salaire, alors qu’un salarié avec 2 000 euros mensuels ne reçoit que 8 mois de salaire. Voilà la réalité d’aujourd’hui !
Outre le fait qu’il s’agisse d’un outil de justice moderne, un référentiel indicatif permettra donc d’apporter plus d’égalité.
En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 142, présenté par M. Nougein, n’est pas soutenu.
L’amendement n° 733, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 22 et 23
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. L. 1235 -14. – Lorsque le juge constate que le licenciement pour motif économique ou les suppressions d’emploi sont dépourvus de cause réelle et sérieuse, il ordonne le remboursement du montant de la réduction de cotisations sociales patronales mentionnée à l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale dont a bénéficié l’entreprise pour les salariés concernés par le licenciement ou la suppression d’emploi envisagés.
« Dès lors que le juge prononce la nullité du licenciement pour motif économique ou de la suppression d’emploi, l’employeur perd le bénéfice des dispositifs prévus aux articles 244 quater B et 244 quater C du code général des impôts si son entreprise en est déjà bénéficiaire, ou l’opportunité d’en bénéficier, pour une période ne pouvant excéder cinq ans. Le juge peut également condamner l’employeur à rembourser tout ou partie du montant dont son entreprise a bénéficié au titre de ces dispositifs. » ;
La parole est à M. Pierre Laurent.
Cet amendement reprend une disposition relative au remboursement des aides publiques que ma collègue Laurence Cohen a déjà évoquée.
L’amendement n’est pas adopté.
L’article 30 bis A est adopté.
Après le chapitre II du titre VI du livre IV de la première partie du code du travail, il est inséré un chapitre II bis ainsi rédigé :
« CHAPITRE II BIS
« Modulation dans le temps
« Art. L. 1462-2. – Le juge peut moduler dans le temps tout ou partie des effets de ses décisions en vertu du principe de sécurité juridique, en tenant compte des conséquences économiques ou financières sur les entreprises. »
Je souhaite remercier nos collègues de la commission des affaires sociales d’avoir adopté l’amendement de Mme Billon relatif à la modulation dans le temps des décisions du juge judiciaire.
Cette disposition constitue une avancée importante, car le code du travail va – enfin ! – inciter le juge à s’interroger sur les conséquences économiques et financières de ses décisions, qui pèsent sur les entreprises. Il pourra ainsi plus facilement décider de limiter la rétroactivité de ses décisions lorsqu’elles déstabilisent une entreprise ou un secteur.
On se souvient de l’annulation de la convention Syntec relative au forfait jours.
L’article 30 bis B est très important, car il consacre un nouvel outil de prévention de l’insécurité juridique.
Compte tenu de l’importance de cette disposition, qui sera certainement utile aux juges de la chambre sociale de la Cour de cassation, je veux demander à Mme la ministre si nous pourrons avoir le soutien du Gouvernement pour garantir le maintien de celle-ci jusqu’à l’adoption du projet de loi.
Le juge administratif a déjà cette possibilité ; le fait de l’étendre au juge judiciaire demande un travail technique. À ce stade, je ne puis donc prendre aucun engagement.
L’article 30 bis B est adopté.
(Non modifié)
L’article L. 1454-1-2 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le bureau de conciliation et d’orientation, les conseillers rapporteurs désignés par le bureau de conciliation et d’orientation ou le bureau de jugement peuvent fixer la clôture de l’instruction par ordonnance, dont copie est remise aux parties ou à leur conseil. Cette ordonnance constitue une mesure d’administration judiciaire. »
L’amendement n° 58, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Annie David.
Nous demandons la suppression de cet article concernant le conseil des prud’hommes, car il s’inscrit dans la continuité de la loi Macron.
Le code du travail autorise les conseillers rapporteurs à mettre les affaires en état d’être jugées. Cependant, il n’existe pas de clôture de la mise en état, et donc pas de délais fermés pour les échanges. En effet, en raison de la nature des affaires et des difficultés pour les salariés à apporter des preuves, les documents sont souvent déposés au dernier moment.
Avec la clôture de la mise en état, il faut bien comprendre que les demandeurs ont davantage à perdre pour leurs droits que l’efficacité et la rapidité de la justice n’ont à gagner.
Quand on sait que 10 % des salariés se présentent devant les prud’hommes sans l’aide d’un avocat ou d’une organisation syndicale, le risque est grand que ceux-ci souhaitent à tout prix mettre fin à une démarche déjà longue et acceptent cette procédure de mise en état. Tant pis si, au passage, le préjudice n’est pas intégralement indemnisé !
Les véritables causes des délais excessifs de la justice prud’homale tiennent à l’absence de moyens des juridictions prud’homales et aux manœuvres dilatoires utilisées fréquemment par les employeurs mis en cause, qui refusent de se présenter à la réunion du bureau de conciliation pour gagner du temps.
Nous refusons de priver les salariés de leurs droits de saisine du bureau de jugement et refusons, par conséquent, la clôture de l’instruction de l’affaire avant l’ouverture des débats.
C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.
Cet article autorise le bureau de conciliation et d’orientation du conseil de prud’hommes, les conseillers rapporteurs qu’il a désignés ainsi que les conseillers choisis par le bureau de jugement à prendre une ordonnance non susceptible de recours pour clôturer l’instruction d’un litige.
Il permettra d’améliorer à la marge le fonctionnement des conseils de prud’hommes, ce qui profitera aux employeurs comme aux salariés. L’allongement des procédures n’est pas forcément la meilleure des choses.
Cet article est plus précis que le décret d’application du 20 mai 2016, relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, qui prévoit des dispositions allant dans le même sens.
En conséquence, la commission est défavorable à cet amendement.
L’avis du Gouvernement est également défavorable.
Depuis 2012, nous tentons de procéder à une réforme en profondeur de la justice prud’homale. En effet, nous ne pouvons pas nous satisfaire des délais de jugement actuels, qui sont parfois de l’ordre de plusieurs années. Ils sont liés à une procédure souvent imparfaite.
Outre le fait que ces délais nous valent des condamnations de la Cour européenne des droits de l’homme, ils sont inacceptables tant pour les salariés, qui attendent pendant plusieurs mois, voire plusieurs années, qu’une décision soit rendue pour voir leurs droits reconnus, que pour les employeurs.
Vous l’avez dit, la loi de 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a introduit une réforme d’ampleur de la justice prud’homale. Comme l’a souligné M. le rapporteur, un décret a été publié le 20 mai 2016 et un élément complémentaire a été introduit dans le texte issu des travaux de l’Assemblée nationale, à savoir la clôture de l’instruction, que vous souhaitez supprimer.
Pour ma part, je ne suis pas favorable à la suppression de cette mesure, car celle-ci donnera aux conseillers prud’homaux un outil pour procéder à la mise en état de l’affaire de manière diligente. L’ordonnance de clôture permettra en effet de mettre fin à l’échange de pièces et de conclusions aussitôt que le conseil de prud’hommes s’estimera en possession de tous les éléments permettant de bien juger.
D’ailleurs, je rappelle que la clôture de l’instruction a lieu lorsque les conseillers représentant à la fois les salariés et les employeurs se sont mis d’accord ; c’est un point essentiel de la procédure. Elle évitera aussi les manœuvres dilatoires menant à des reports successifs d’audience.
Cette mesure constitue, à mes yeux, un véritable progrès dans la mise en œuvre de la justice prud’homale. Aussi, je suis défavorable à cet amendement.
Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen de l’article 258 de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui a réformé la procédure prud’homale pour aller vers plus de rapidité et plus d’équité ; mais je n’y reviendrai pas, car Mme la ministre vient de développer ce point.
Nous avions alors donné une plus grande importance au bureau de conciliation et d’orientation, là où peuvent se nouer les compromis. Mais très souvent, on le sait, on note un absentéisme, d’ailleurs plutôt imputable aux employeurs qu’aux salariés. Le travail réalisé par nos collègues députés Denys Robiliard et Richard Ferrand a permis de prolonger ce que nous avions fait dans le cadre de la loi pour la croissance, qui a été acté dans le décret de mai 2016. Nous achevons donc là la réforme prud’homale.
À cet égard, permettez-moi de déplorer le fait que nous ayons dû procéder à cette réforme en plusieurs morceaux. §Il s’agit tout de même d’une réforme de la justice prud’homale !
Or c’est le ministre de l’économie qui en a assumé la première partie, et la ministre du travail la seconde, alors que cela concerne la justice. Du reste, on sera confronté au même problème lorsqu’il s’agira de traiter la médecine du travail. Il est dommage qu’un ministère régalien manifeste un certain mépris à l’égard de la justice prud’homale, alors que celle-ci concerne quand même des milliers de salariés. Je tenais à insister sur le fait qu’il y avait un grand absent dans cette réforme, mais elle a été faite, c’est ce gouvernement qui l’a engagée, et c’est là l’essentiel.
Je ne veux pas allonger le débat, mais si les délais de jugement sont longs, nous le savons tous et nous le reconnaissons tous, c’est parce que les employeurs utilisent des subterfuges pour ne pas être présents au moment de la conciliation, ce qui reporte d’autant l’instruction. Or, finalement, ce sont les salariés qui ont toutes les peines du monde à être indemnisés, même lorsqu’ils ont gain de cause.
Du reste, la justice, dans son ensemble, manque de moyens. Ce n’est pas en continuant à diminuer les moyens qui lui sont accordés et en donnant la possibilité de passer outre des procédures ayant fait la preuve de leur efficacité que l’on améliorera la justice prud’homale. Il faut lui donner les moyens de fonctionner correctement, dans le fonctionnement qui est le sien aujourd’hui.
L’amendement n’est pas adopté.
L’article 30 bis est adopté.
I. – L’ordonnance n° 2015-1628 du 10 décembre 2015 relative aux garanties consistant en une prise de position formelle, opposable à l’administration, sur l’application d’une norme à la situation de fait ou au projet du demandeur est ratifiée.
II. – Au premier alinéa du 3° du II de l’article L. 725-24 du code rural et de la pêche maritime, le mot : « troisième » est remplacé par le mot : « quatrième ». –
Adopté.
I. – L’article 18 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire est abrogé.
II. – Le code de commerce est ainsi modifié :
1° Les sections 3 et 4 du chapitre Ier du titre IV du livre Ier sont abrogées ;
2° Le chapitre X du titre III du livre II est abrogé.
III. – Le code du travail est ainsi modifié :
1° Le 4° de l’article L. 1233-57-2 est abrogé ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 1233-57-3, les mots : « le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 » sont supprimés ;
3° Le dernier alinéa de l’article L. 1233-57-21 est supprimé.
L’amendement n° 330, présenté par M. Daunis, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Marc Daunis.
Quel acharnement de la majorité sénatoriale, qui n’a même pas l’excuse d’un quelconque caractère thérapeutique ! Le droit d’information préalable des salariés fait de nouveau l’objet de votre ire. Vous supprimez à nouveau cette mesure.
Quant à la forme, vous procédez en introduisant un cavalier, au détour de la loi.
Concernant la méthode, le rapporteur a affirmé, lors de l’examen d’un amendement précédent, qu’il fallait éviter l’instabilité législative. Et, sitôt après, il se trahit : alors que la loi a été adoptée voilà à peine deux ans, amendée d’ailleurs au cours de l’examen du projet de loi Macron, vous réintroduisez une instabilité législative, en supprimant le droit d’information préalable des salariés.
Venons-en au fond. Chaque année, près de 50 000 emplois sont détruits dans des entreprises viables, saines, rentables, vitales souvent pour les territoires, dans la mesure où ce sont des petites entreprises, un tissu qui irrigue profondément le territoire. Il ne s’agit pas là des grandes entreprises du CAC 40.
Mais, au-delà de la suppression du droit d’information préalable des salariés, quelles propositions faites-vous ? Aucune !
Alors que la majorité gouvernementale et les élus socialistes, rassemblant, me semble-t-il, des élus de gauche, ont eu la volonté, dans le cadre de la loi relative à l’économie sociale et solidaire, d’adopter cette mesure, vous, vous voulez de nouveau la supprimer, sans nous proposer quoi que ce soit pour pallier la destruction de 50 000 emplois – excusez-moi du peu ! – par an.
L’amendement est très simple : nous voulons supprimer cet article. Revenons à un peu de bon sens, rétablissons un peu de stabilité. Attendons que l’expérimentation fasse son œuvre pour en tirer ensemble les conclusions. Ne tuez pas dans l’œuf une tentative de réponse à la destruction de 50 000 emplois dans notre pays !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain.
M. Jean-Marc Gabouty, rapporteur. Vous avez présenté votre amendement de manière un peu théâtrale.
Protestations sur les travées du groupe socialiste et républicain.
Je veux simplement rappeler que l’article 19 de la loi du 31 juillet 2014 obligeait le propriétaire ou l’exploitant d’un fonds de commerce employant moins de 250 salariés à informer les salariés au moins deux mois avant la cession.
La loi du 6 août 2015 a modifié plusieurs dispositions faisant l’objet de critiques : la sanction de la nullité de la vente a notamment été remplacée par une amende civile. Mais, en fonction du montant de la transaction, cette amende peut être intégrée dans la négociation. Vous vous donnez donc bonne conscience, sans forcément aller jusqu’au bout de votre raisonnement : si l’on ne veut pas respecter la loi, on paie une amende civile et on procède à la transaction sans en avoir informé les salariés. Vous n’allez donc pas au bout de votre exigence d’efficacité.
Avec Catherine Deroche et un certain nombre de collègues des groupes de la majorité sénatoriale, aussi bien le groupe UDI-UC que le groupe Les Républicains, j’avais alors mis le doigt sur un point qui me semble essentiel : nous souhaitons la transmission des entreprises, nous la souhaitons absolument.
Je fais rarement référence à ma situation personnelle, mais, pour avoir négocié un certain nombre de transactions d’entreprise au cours des vingt dernières années, je puis vous dire que, lorsque l’entreprise n’est pas dans une situation mirobolante et que la transaction est difficile, dès que les personnes sont informées du départ de l’équipe de direction, sans savoir qui va la remplacer, ce ne sont pas les salariés qui posent problème, mais l’ensemble des partenaires extérieurs, les banques et les fournisseurs. Avec la diffusion de cette information, vous mettez en difficulté l’entreprise et vous hypothéquez la transaction qui peut lui permettre d’assurer la continuité. C’est au titre de ce raisonnement, à savoir la discrétion, que je défends cette idée et non pas simplement pour ne pas informer les salariés.
L’autre formule consiste à ficeler l’opération sans en informer les salariés et attendre le délai de deux mois avant de divulguer l’information.
En théorie, la mesure que vous soutenez est généreuse et logique, mais, en pratique, elle ne tient absolument pas. C’est la raison pour laquelle nous nous acharnons à vouloir rétablir un dispositif qui permette la transmission des entreprises.
S’il n’y a pas de repreneur et si l’activité doit cesser, on peut être favorable à un délai d’information suffisamment long pour que les salariés puissent éventuellement prendre la succession ou trouver par eux-mêmes un repreneur. Mais prévoir une information systématique des salariés deux mois avant la cession est totalement contre-productif pour la pérennité des entreprises et les emplois qu’elles représentent.
J’émets un avis totalement favorable sur l’amendement de suppression de l’article.
La commission supprime non seulement toute information des salariés sur les possibilités de reprise – d’ailleurs, le comité d’entreprise est soumis à une obligation de confidentialité sur les informations transmises –, …
… mais également toute possibilité de contrôle de l’obligation d’information des salariés sur les éventuelles offres de reprise…
… et des élus locaux sur le projet de fermeture, ce qui reviendrait en quelque sorte à supprimer l’obligation de rechercher un repreneur.
Au-delà de cette obligation, comme l’a très bien expliqué M. Daunis, l’ANI de 2013 vise en quelque sorte à éviter, sur le plan local, les répercussions de la fermeture d’une entreprise. En effet, les conséquences vont bien au-delà des emplois directs supprimés. Il est donc indispensable d’encourager la reprise de l’appareil de production, et a fortiori lorsque les salariés se portent repreneurs.
En conséquence, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
Monsieur le rapporteur, pardonnez-moi, mais comment pouvez-vous dire que mon propos est théâtral quand il s’agit de 50 000 emplois ! La remarque est malvenue.
Vous nous reprochez de ne pas aller au bout de notre raisonnement, mais vous nous avez demandé d’être pragmatiques. Le Gouvernement s’est attaché à être pragmatique en la matière en écoutant les reproches ou les remarques, parfois, à mon avis, trop nombreux. Toutefois, donnez la chance à ce dispositif de faire ses preuves !
J’entends bien les craintes que vous avez formulées, mais j’entends aussi votre silence assourdissant. Vous ne faites aucune proposition. Pardonnez-moi, mais si je gratte un peu, je retrouve – je regrette qu’il n’y ait pas eu d’évolution ! – les deux visions de l’entreprise. Vous tombez de nouveau dans le travers d’une vision exclusivement patrimoniale de l’entreprise. Les salariés seraient tellement infantiles qu’ils ne seraient même pas capables de tenir leur langue. Vous les rabaissez – c’est ce qui est insupportable dans votre argumentaire ! – au même rang que les éléments d’actif, le mobilier, les locaux, les machines, alors que c’est leur avenir qui est en jeu !
Comment ne pas croire que l’entreprise de demain sera un lieu de travail où la gouvernance sera forcément mieux partagée, plus démocratique ! Les salariés sont au moins aussi légitimes que les actionnaires ou les fonds de pension pour intervenir dans le devenir de l’entreprise. Ils peuvent être responsables et prendre leurs responsabilités.
Les propos de Mme la ministre sont particulièrement justes, la commission a même supprimé ce qui constituait l’amorce d’une possibilité de reprise des entreprises.
Pour conclure, le temps m’étant compté, je veux dire que les entreprises de la nouvelle économie, notamment les petites entreprises, sont parfois soumises à la prédation. Aussi, le droit d’information préalable des salariés est nécessaire pour éviter la fermeture et préparer une reprise : cela ne se décrète pas, il faut des mois et des mois pour que les salariés puissent élaborer un projet de reprise. En refusant ce droit pour des raisons idéologiques, vous livrez l’intelligence nouvelle, les talents de nos territoires aux prédateurs.
Nous voterons cet amendement pour les raisons qui viennent d’être exposées.
Nous sommes favorables au maintien du droit d’information préalable des salariés. Je le rappelle, c’est tout ce qui est resté, dans le cadre de la loi relative à l’économie sociale et solidaire, d’une grande ambition du Gouvernement, et d’ailleurs d’un engagement de campagne du Président de la République, celui d’encourager la possibilité pour les salariés d’être repreneurs de leur entreprise.
Monsieur le rapporteur, vous faites comme si le problème de l’absence de repreneur était résiduel.
Mais beaucoup d’entreprises ferment faute de repreneur, sans que les salariés aient jamais eu les moyens d’examiner la possibilité de présenter sérieusement un plan de reprise.
Le Gouvernement avait la volonté de prendre une mesure ambitieuse en la matière. La discussion parlementaire a réduit cette possibilité au droit d’information préalable des salariés. Non seulement il ne faut pas supprimer ce droit, mais il faudrait le conforter et, peut-être sur la base de l’expérience, réexaminer les possibilités plus ambitieuses avancées à l’époque.
C’est pourquoi nous voterons l’amendement présenté par notre collègue Marc Daunis.
Le groupe écologiste votera aussi l’amendement présenté par M. Daunis, et je n’ai rien à ajouter à l’argumentaire très motivé et très enthousiaste qu’il a développé.
Mme Annick Billon. Je voterai bien sûr contre cet amendement, car je souscris sans réserve à l’argumentation de M. le rapporteur Gabouty. Qui peut un seul instant imaginer qu’un chef d’entreprise ne mette pas tout en œuvre pour trouver un repreneur ?
Murmures sur les travées du groupe CRC.
Je comprends bien les arguments avancés par les uns et les autres et je ne veux pas allonger le débat ; je tiens simplement à souligner qu’il faut distinguer plusieurs cas de figure.
En pratique, la plupart des cessions et des reprises d’entreprises donnent lieu à un accord entre le vendeur et le repreneur et des contacts s’établissent entre le repreneur et les salariés, parce que le premier le souhaite.
Je pense que personne ne contestera qu’il en va ainsi dans le cas général.
Restent deux cas, à commencer par celui d’une cession qui réclame une certaine confidentialité, au niveau non seulement du personnel, mais aussi de l’entourage immédiat des dirigeants de l’entreprise, éventuellement pour des raisons propres à l’acheteur. Faire échouer une telle transaction en instaurant non pas une possibilité, mais une obligation d’informer me paraît contre-productif.
Le dernier cas, sur lequel nous devrions nous pencher pour trouver des dispositifs adaptés, est celui des entreprises, aujourd’hui nombreuses et de toutes tailles, qui, même si leur dirigeant a la volonté d’assurer la pérennité de son outil, ne trouvent pas de repreneur.
Peut-être est-ce que le chef d’entreprise n’a pas suffisamment cherché ; peut-être aussi le secteur d’activité souffre-t-il de difficultés particulières. Toujours est-il que cette situation entraîne une perte de substance, des entreprises s’arrêtant faute de repreneur.
Mettre en place des dispositifs d’information, de concertation et de préparation pour qu’une succession soit imaginée, j’en suis d’accord ; mais on sort là du cadre de la cession, qui correspond à une poursuite de l’entreprise.
La commission s’est efforcée d’adopter une vision d’ensemble du problème de la transmission d’entreprise. Nous ne refusons pas l’information des salariés, mais nous sommes conscients que, dans certains cas, l’information obligatoire peut nuire à la transaction.
Il faut bien mesurer quelle portée aurait la suppression du droit d’information préalable des salariés.
L’article 31 bis du texte de la commission supprime des dispositions issues de deux lois : la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire et la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, dite loi Macron. En particulier, il supprime l’autorisation que la première de ces lois a donnée à l’autorité administrative de demander le remboursement des aides publiques versées depuis deux ans au titre de l’installation, du développement économique, de la recherche ou de l’emploi, si l’entreprise n’a pas fourni d’efforts suffisants pour rechercher un repreneur.
C’est donc un acte de très grande portée que l’on commet ! Or les explications que vous avancez, monsieur Gabouty, sont tout à fait insuffisantes pour justifier ce qui nous paraît être une atteinte très grave non seulement aux droits des salariés, mais aussi, tout simplement, à la vie économique. C’est pourquoi nous voterons l’amendement que M. Daunis a déposé au nom du groupe socialiste et républicain.
Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, c’est la troisième fois que vous cherchez à supprimer ce dispositif. Il vous faudra y revenir encore, car la majorité ne peut pas accepter cette suppression !
Lors de l’examen du projet de loi dont est issue la loi relative à l’économie sociale et solidaire, notre groupe s’est prononcé en faveur du droit d’information des salariés, à l’appui duquel de nombreux arguments viennent d’être exposés. Nous voterons donc l’amendement n° 330.
Je mets aux voix l’amendement n° 330.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste et républicain.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 377 :
Le Sénat n’a pas adopté.
Je mets aux voix l’article 31 bis.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 378 :
Le Sénat a adopté.
L’amendement n° 329, présenté par M. Daunis, Mme Bricq, MM. Guillaume et Caffet, Mmes Campion et Claireaux, MM. Daudigny et Durain, Mmes Emery-Dumas, Féret et Génisson, MM. Godefroy, Jeansannetas et Labazée, Mmes Meunier, Riocreux et Schillinger, MM. Tourenne et Vergoz, Mme Yonnet et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 31 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l’article 26-41 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, il est inséré́ un alinéa ainsi rédigé́ :
« Les coopératives d’activité́ et d’emploi sont des sociétés coopératives de production, des sociétés coopératives d’intérêt collectif ou des coopératives de toute autre forme dont les associés sont notamment entrepreneurs salariés. Elles sont régies par la présente loi, par le livre III de la septième partie du code du travail, ainsi que par les dispositions des lois particulières applicables à certaines catégories de société́ coopérative. »
La parole est à M. Marc Daunis.
Je constate que la confiance dans l’intelligence des territoires, volontiers proclamée, est, chez certains de nos collègues, à géométrie variable : ils font moins confiance à l’intelligence collective des salariés au service de leur entreprise qu’à une intelligence des territoires envisagée de manière impersonnelle…
Le présent amendement sera, je l’espère, plus consensuel. Il porte sur les coopératives d’activité et d’emploi, les CAE, qui ont pour objet principal l’appui à la création et au développement d’activités économiques par des entrepreneurs personnes physiques.
On peut s’interroger sur la possibilité de créer une CAE sous forme de société coopérative et participative, ou SCOP, de société coopérative d’intérêt collectif, ou SCIC, ou même simplement de coopérative de droit commun régie par la loi de référence en la matière, c’est-à-dire la loi du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération. La question se pose de la régularité juridique des contrats de travail d’entrepreneurs salariés, dès lors que ces contrats ne peuvent être conclus que dans le cadre d’une CAE.
Aussi, proposons-nous, pour clarifier et sécuriser le cadre juridique des CAE, de préciser explicitement dans la loi du 10 septembre 1947 que les CAE peuvent être constituées sous forme de SCOP, de SCIC ou de coopérative de toute autre forme dont les associés sont notamment entrepreneurs salariés.
Monsieur Daunis, je ne reviendrai pas sur ce que vous avez dit au sujet de l’intelligence, d’autant que nous allons finir sur une bonne note.
La loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire a créé un contrat spécifique pour les entrepreneurs salariés associés. Pour ma part, j’avais le sentiment, peut-être à tort, que, par définition, les coopératives d’activité et d’emploi pouvaient se constituer sous forme de SCOP ou de SCIC. Toutefois, comme je sais que vous connaissez bien ce sujet, je ne m’oppose pas à votre proposition ; si le Gouvernement y est favorable, nous le serons aussi.
Le Gouvernement est bien sûr favorable à cet amendement.
Celui-ci, en effet, peut utilement permettre de résoudre une difficulté d’interprétation, comme M. le rapporteur Gabouty vient de l’expliquer, en précisant que les coopératives d’activité et d’emploi empruntent les formes de coopératives existantes qui emploient des entrepreneurs salariés. D’où le « bien sûr »…
L’amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 31 bis.
Chapitre II
Développer l’apprentissage comme voie de réussite et renforcer la formation professionnelle
L’amendement n° 853 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 32 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 6223-1 du code du travail est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Cette déclaration est également caduque dans les cas suivants :
« – lorsqu’un manquement de l’entreprise à ses obligations de formation ou de rémunération d’un ou plusieurs apprentis est constaté par l’autorité administrative compétente ;
« – quand une proportion excessive des contrats d’apprentissage conclus par l’entreprise sont résiliés à son initiative durant la période des deux premiers mois de contrat. Un décret définit, en fonction de la taille de l’entreprise, la proportion de résiliations de contrats qui doit être considérée comme excessive ;
« Dans les deux cas précités, la déclaration est caduque au terme de l’exécution du dernier contrat signé par l’entreprise avant la constatation du manquement ou de l’excès de rupture de contrats. »
La parole est à M. Pierre Laurent.
Nous entamons l’examen des articles du projet de loi relatifs à l’apprentissage, une question qui tient beaucoup à cœur aux sénatrices et aux sénateurs du groupe CRC. Nous avons trop de respect et de considération pour la question de la formation des travailleurs, quels que soient leur métier et leur parcours personnel, pour nous résoudre à voir la filière de l’apprentissage continuer d’être trop souvent ce qu’elle est devenue dans les années 1970, c’est-à-dire, dans nombre de cas, une voie d’orientation par l’échec.
De fait, faute de s’être donné les moyens d’assumer comme il convenait la réforme du collège unique et l’effort de formation générale, la France a laissé l’apprentissage devenir trop souvent la porte de sortie des collégiens en difficulté ou en rupture de ban. Malgré les efforts accomplis par nombre d’acteurs de l’artisanat et du commerce, cette situation de l’apprentissage persiste, puisque, parmi chaque génération d’apprentis, plus d’un quart ne vont pas au bout de leur contrat. C’est ainsi que les centres de formation d’apprentis envoient sur le marché du travail peu ou pas qualifié, bon an mal an, de 50 000 à 60 000 jeunes décrocheurs de plus.
Notre amendement vise à combattre ce phénomène en rendant plus formateur et plus efficace encore le contrat d’apprentissage. Il s’agit en particulier de rendre plus pertinent le contrôle de l’exécution du contrat d’apprentissage, quand il existe, et d’évaluer la mise en œuvre concrète de ce contrat lorsqu’elle est source de difficultés d’adaptation de l’apprenti.
Quand sont constatés un ensemble de manquements ou d’errements dans la gestion quotidienne des apprentis, il n’est pas certain qu’il soit souhaitable de continuer à permettre à l’entreprise d’accueillir des apprentis, vu que ceux-ci risquent d’être placés en situation d’échec. Cet amendement préventif, au service des apprentis et de la qualité de l’apprentissage, vise à empêcher que des situations de ce type ne se dégradent. Ainsi, il pourrait être mis fin à la possibilité d’accueillir des apprentis lorsque des manquements de l’entreprise à ses obligations de formation et de rémunération sont constatés à de trop nombreuses reprises.
Le recours à l’apprentissage dans une entreprise est subordonné à une déclaration par celle-ci de son engagement à assurer à l’apprenti une formation dans des conditions satisfaisantes. Cette déclaration expire si l’entreprise n’a pas conclu de contrat d’apprentissage durant cinq ans. Il est proposé de la rendre caduque lorsqu’une proportion excessive de contrats sont rompus durant les deux premiers mois de l’apprentissage.
Je fais observer aux auteurs de l’amendement que, durant cette période, qui équivaut aux quarante-cinq premiers jours de l’apprenti dans l’entreprise, chacune des deux parties est libre de rompre unilatéralement le contrat d’apprentissage. Il n’est donc pas possible de sanctionner l’employeur pour avoir fait usage d’un droit prévu par la loi.
Les ruptures de contrat prématurées sont souvent liées à une orientation faite par défaut, ainsi qu’à un manque de médiation lorsqu’apparaissent les premières difficultés. C’est pour remédier à ce problème que la commission a rendu obligatoire la médiation précontentieuse.
Par ailleurs, la sanction des abus est déjà prévue aux articles L. 6225-1 et L. 6225-4 du code du travail. Ainsi, la suspension d’un contrat en cours peut être prononcée, avec maintien de la rémunération de l’apprenti.
Pour ces raisons, la commission est défavorable à l’amendement.
Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement, notamment pour les raisons que M. le rapporteur Forissier vient d’exposer.
Il est certain que l’encadrement de l’apprenti et sa formation doivent être de qualité, ainsi que la transmission dont il bénéficie de la part de son maître d’apprentissage ; ce souci nous est commun, monsieur Laurent. Seulement, traiter la question par des sanctions ne nous paraît pas être la bonne méthode. Nous entendons plutôt mettre l’accent sur l’accueil de l’apprenti dans l’entreprise et sur la formation du maître d’apprentissage.
Ce qui est grave, ce sont les taux de rupture, qui perturbent le recrutement par des maîtres d’apprentissage et correspondent pour les jeunes à des situations d’échec. Pour résoudre ce problème, nous préférons agir en termes qualitatifs, notamment en améliorant la formation, l’encadrement et l’accueil.
En parlant de sanctions, madame la secrétaire d’État, vous manquez l’objet de l’amendement. Nous proposons que, lorsque des taux de rupture considérables sont constatés – songez que ces taux atteignent parfois 50 % des contrats signés ! –, l’entreprise qui n’est pas capable d’accueillir des apprentis dans de bonnes conditions voie sa déclaration rendue caduque. Il ne s’agit pas de sanctionner, mais de protéger les apprentis et la qualité de la formation.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 744, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l’article 32 A
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article 244 quater G du code général des impôts est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
… – En cas de manquement de l’entreprise à ses obligations de formation ou de rémunération d’un ou plusieurs apprentis constaté par une décision judiciaire, l’entreprise ne peut plus bénéficier du crédit d’impôt défini au présent article au titre des autres apprentis qu’elle continuerait d’employer. Elle est également tenue de rembourser la partie du crédit d’impôt perçue au titre du ou des apprentis envers lesquels elle a manqué à ses obligations de formation ou de rémunération.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Par cet amendement, nous souhaitons affirmer un principe simple : l’aide publique accordée aux entreprises pour l’embauche d’apprentis doit être subordonnée au respect par ces entreprises des obligations élémentaires résultant du contrat d’apprentissage en termes de formation et de rémunération. Il s’agit donc de garantir le respect du contrat en en faisant une condition du versement de l’aide publique.
Le non-respect de ces obligations constaté par la justice devrait exclure l’entreprise du bénéfice du crédit d’impôt pour tous les apprentis qu’elle emploie. De même, il semble normal d’exiger en pareil cas le remboursement du crédit d’impôt perçu au titre de l’apprenti ou des apprentis envers lesquels l’entreprise a manqué à ses obligations. Ainsi évitera-t-on les effets d’aubaine.
L’argent public ne doit pas servir, de quelque manière que ce soit, à contourner la loi !
Cet amendement est partiellement satisfait par le fait qu’une entreprise qui, de manière avérée, ne respecte pas ses engagements en matière d’apprentissage est sanctionnée par l’autorité administrative, qui lui interdit d’accueillir des apprentis et, en conséquence, de bénéficier du crédit d’impôt.
Par ailleurs, je ne pense pas que des entreprises fassent appel à des apprentis uniquement pour bénéficier d’un crédit d’impôt de 1 600 euros par an. La gestion d’un apprenti coûte beaucoup plus cher à l’entreprise !
L’avis est donc défavorable.
Notre objectif est de développer l’apprentissage, de permettre à de plus en plus de jeunes d’être pris en charge par un maître d’apprentissage qui les accueille et leur donne une formation de qualité. Or, comme je l’ai expliqué au sujet de l’amendement précédent, ce n’est pas en sanctionnant qu’on y parviendra !
L’avis est donc défavorable.
L’amendement n’est pas adopté.
I. – L’article L. 6211-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après le mot : « éducatifs », sont insérés les mots : « et économiques » ;
2° Le second alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il a également pour objet de favoriser l’insertion professionnelle de ces jeunes travailleurs et leur capacité à occuper un emploi au regard de l’évolution des métiers, des technologies et des organisations. » ;
II. – Après l’article L. 6211-2 du même code, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L. 6211-2-1. – Le pacte national pour l’apprentissage a pour objet de développer les formations par l’apprentissage, l’insertion professionnelle, l’amélioration des conditions de vie et la mobilité des apprentis.
« Le pacte est signé par l’État, les régions volontaires, les chambres consulaires et les organisations patronales d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ou multi professionnel, après avis des organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel. Il est conclu dans les six mois suivant le renouvellement des conseils régionaux et pour la durée de leur mandat. Au cours de cette période, une révision peut être demandée par l’un des signataires.
« Il est arrêté par le ministre chargé de la formation professionnelle.
« Dans le respect des compétences des signataires, le pacte comporte des dispositions visant à :
« 1° Établir des objectifs nationaux de développement de l’apprentissage ;
« 2° Fixer les engagements de l’État et des chambres consulaires pour encourager le développement de l’apprentissage dans les entreprises ;
« 3° Établir les engagements des régions en matière de développement de l’apprentissage ;
« 4° Déterminer les engagements des branches professionnelles en matière d’embauche d’apprentis et d’objectifs de maintien et de développement des métiers pouvant contribuer à l’attractivité du territoire régional ;
« 5° Définir des actions de promotion de l’apprentissage ;
« 6° Fixer les engagements de chaque signataire en matière de stabilité des règles applicables à l’apprentissage.
« Le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles mentionné à l’article L. 6123-1 est chargé d’assurer le suivi de la mise en œuvre du pacte et d’établir un bilan annuel et public des actions engagées. Il fournit toutes les analyses permettant de préciser les objectifs nationaux et les engagements fixés par le pacte. »
III. – Après le 2° de l’article L. 6123-1 du même code, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2° bis D’assurer le suivi de la mise en œuvre du pacte national pour l’apprentissage défini à l’article L. 6211-2-1, d’établir un bilan annuel des actions engagées à ce titre, et de fournir toutes les analyses permettant de préciser les objectifs nationaux et les engagements définis dans ce pacte. Il publie des statistiques consolidées à partir des données transmises en matière de financement régional de l’apprentissage par les comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles mentionnés à l’article L. 6121-1 ; »
IV. – L’article L. 122-6 du code de l’éducation est ainsi rédigé :
« Art. L. 122-6. – L’apprentissage est une forme d’éducation alternée, définie aux articles L. 6211-1 et L. 6211-2 du code du travail, qui concourt aux objectifs éducatifs et économiques de la Nation. »
Je me réjouis que les mesures suggérées par Michel Forissier et moi-même dans le cadre de la proposition de loi visant à développer l’apprentissage comme voie de réussite figurent dans le texte de la commission des affaires sociales. Je tiens à présenter deux observations au nom des signataires de cette proposition de loi.
D’abord, tous les acteurs rencontrés sur le terrain ou lors de la table ronde que M. Forissier et moi-même avons organisée le 1er octobre dernier ont déploré l’absence de pilotage de la politique d’apprentissage. De ce point de vue, il faut tout faire pour éviter de multiplier les acteurs et les interlocuteurs, afin de ne plus segmenter, et donc diluer, les responsabilités.
Ensuite, les professionnels et même les jeunes rencontrés ont, de façon unanime, regretté le décalage entre l’approche théorique de l’éducation nationale et la réalité de la vie professionnelle. La vie professionnelle, ce n’est pas Zola, ce n’est pas l’asservissement des salariés ! C’est aussi la chance donnée à des jeunes de trouver du travail en se formant auprès des grands professionnels reconnus que sont les maîtres d’apprentissage.
J’ajoute que Mme Deroche défendra un amendement n° 259 rectifié bis tendant à insérer un article additionnel après l’article 32 K, qui reprend l’un des articles de la proposition de loi visant à développer l’apprentissage comme voie de réussite. Il s’agit de supprimer le dispositif du contrat de génération, ce qui mettra fin à un échec et allégera utilement le code du travail.
Mme Catherine Deroche applaudit.
Avant que ne s’engage, article par article, le débat sur l’apprentissage, je voudrais vous livrer quelques réflexions générales en la matière.
Nous ne sommes pas contre l’apprentissage, une voie complémentaire qui, en effet, peut permettre à certains jeunes d’accéder à des pratiques pédagogiques plus ancrées dans la réalité des métiers. Il faut néanmoins rappeler que l’apprentissage est d’abord une formation initiale ; de ce point de vue, nous, législateurs, devons veiller à ce que l’on forme des jeunes capables d’évoluer dans leur métier tout au long de leur carrière, mais aussi des citoyens. C’est pourquoi nous refuserons toutes les mesures qui visent en réalité – nous l’avons bien compris – à déconnecter totalement l’éducation nationale de l’apprentissage.
En fait, on le voit bien, l’apprentissage est devenu un véritable marqueur idéologique sur nombre de nos travées. C’est à qui annoncera les meilleurs chiffres en la matière : le nombre le plus élevé d’apprentis ou les aides les plus importantes pour les employeurs. C’est vrai du Président de la République comme des présidents de région, même si l’examen des efforts nets consentis par les régions fait souvent apparaître un décalage entre l’affichage et la réalité.
Pour résoudre les problèmes de plusieurs ordres qui se posent, il faudrait, selon nous, s’attaquer d’abord au gâchis que nous avons souligné il y a quelques instants : les ruptures de contrat, qui atteignent 40 %, voire 50 %, dans certains secteurs et dans certaines régions. C’est là qu’il faudrait prioritairement faire porter l’effort.
Il faut aussi rappeler que les besoins de formation initiale passent aussi par une revalorisation de l’enseignement professionnel. Il importe d’offrir de vrais choix aux élèves en recréant des sections d’apprentissage pertinentes dans les lycées professionnels, dotées des moyens pédagogiques nécessaires.
Je fais observer, chemin faisant, que les taux de réussite sont meilleurs dans les lycées professionnels que dans l’apprentissage. Plus précisément, ils sont supérieurs de neuf points en CAP et de vingt points en baccalauréat professionnel par rapport à l’apprentissage.
En tout cas, mes chers collègues, ne comptez ni sur moi ni sur le groupe CRC pour approuver les propositions de la majorité sénatoriale, qui entend rétablir l’apprentissage dès quatorze ans et faire travailler les apprentis jusqu’à dix heures par jour et quarante heures par semaine – et même la nuit, pendant qu’on y est… Ce n’est pas un gage de progrès, mais un retour en arrière que nous dénoncerons !
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
L'amendement n° 745, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 2
Compléter cet alinéa par les mots :
et sont ajoutés les mots : « sous la responsabilité du ministère de l’éducation nationale »
II. – Alinéa 20
Compléter cet alinéa par les mots :
sous la responsabilité du ministère de l’éducation nationale
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Les faits, nous les connaissons : à la fin de l’année 2015, notre pays comptait un peu plus de 400 000 apprentis préparant des diplômes allant du certificat d’aptitude professionnelle au master professionnel et 670 000 lycéens scolarisés dans les lycées d’enseignement professionnel, les LEP. Chaque année, on dénombre 200 000 candidats au baccalauréat professionnel, et au moins 400 000 jeunes poursuivant leurs études en IUT, les instituts universitaires de technologie, en section BTS ou en licence professionnelle.
Ces chiffres témoignent de l’effort particulier consenti par l’ensemble de la Nation en direction de la formation des jeunes. Personne ne conteste le fait que l’une des clés de l’élévation – si nécessaire – des connaissances pour toutes et tous, et donc de l’amélioration de l’efficacité de notre économie, réside dans le développement multiforme des outils de la formation initiale comme continue.
Au regard des chiffres que je viens de rappeler, il est cependant manifeste que l’apprentissage ne constitue pas, quoi qu’on en dise, la voie privilégiée par les jeunes et leurs familles pour accéder à une formation professionnelle.
Les adolescents de notre pays préfèrent effectuer leurs études au lycée général ou technologique et les poursuivre dans les filières professionnelles de l’enseignement supérieur, dont les débouchés se révèlent relativement pertinents, à en juger par les études publiées sur le sujet.
Par conséquent, nous avons devant nous un important travail à réaliser pour comprendre les raisons pour lesquelles le dispositif de l’apprentissage s’est passablement détérioré, après que l’on a recentré la formation sur les TPE et PME pendant plusieurs années. La proportion de contrats rompus de manière précoce demeure encore assez élevée, privant de toute perspective à court terme plus du quart de leurs signataires chaque année.
J’ajoute que les conditions d’un accueil favorisant la bonne transmission des savoirs ne sont pas toujours réunies. Il arrive parfois que le chef d’entreprise n’ait pas le temps d’accorder à un jeune en formation toute l’attention qu’il requiert. Quelquefois, c’est le salarié investi de cette mission qui ne dispose pas des outils pédagogiques pour l’assumer pleinement. Assez souvent, le conflit éclate au cours de la période pendant laquelle l’apprenti se trouve dans un centre de formation d’apprentis pour suivre la partie théorique de sa formation qui est un élément clé de son apprentissage.
Franchement, tout cela nécessiterait une véritable évaluation. Il faudrait parvenir à mettre en évidence la nature des difficultés que rencontrent les apprentis, en vue de les résoudre. Selon nous, seule l’éducation nationale dispose des moyens d’assumer cette mission.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter notre amendement.
Les différents orateurs qui se sont exprimés se sont en fait lancés dans un débat de fond sur l’apprentissage et se sont écartés quelque peu des questions que soulèvent leurs amendements.
Puisque l’on m’interroge au sujet de l’apprentissage, je répondrai en partie aux propos qui ont été tenus, tout comme Mme la secrétaire d’État exposera certainement la position du ministère sur le sujet.
Nous sommes plusieurs à avoir rencontré – certains d’entre vous, mes chers collègues, ont en effet participé à ces réunions – aussi bien les représentants du ministère de l’éducation nationale que ceux du ministère du travail. Ces personnes sont d’ailleurs présentes aujourd’hui dans l’hémicycle.
Il en ressort que, aujourd’hui, tout le monde souhaite un copilotage du dispositif de l’apprentissage pour davantage d’efficacité. Les amendements que la commission a déposés vont tous dans ce sens. Je veux établir une gouvernance bicamériste, en quelque sorte ! Les sénateurs seraient mal fondés de s’y opposer, car cela correspond peu ou prou au principe constitutif de nos assemblées à l’échelon national. Cette organisation ne fonctionne d’ailleurs pas si mal, puisqu’elle permet d’établir un équilibre ! Nous souhaitons rapprocher non seulement le ministère de l’éducation nationale et les entreprises, mais aussi le ministère du travail, qui a toute sa place dans cette démarche.
La commission est donc défavorable à un amendement qui tend à recentrer la totalité du dispositif de la formation professionnelle sous l’égide du ministère de l’éducation nationale, alors même que ce dernier préférerait un partenariat.
Les lignes semblent commencer à bouger, même si la position que vous défendez, ma chère collègue, est davantage dogmatique et conservatrice que progressiste. Notre rôle aujourd'hui est de faire progresser le monde du travail et l’apprentissage, et d’obtenir des résultats. Si nous ne bougeons pas ces lignes, nous n’avancerons pas !
Je le répète, l’apprenti évolue sous une double responsabilité. D’abord, celle de l’éducation nationale, dans la mesure où sa préparation ressort de la formation initiale. Ensuite, il relève parallèlement du code du travail – je ne vois pas comment il pourrait y échapper, puisqu’il est aussi salarié –, qui représente pour lui une protection.
Ce fait est la preuve que le ministère du travail est également impliqué !
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Je souhaite réagir, car personne dans cette enceinte n’a affirmé que l’apprenti devait échapper à la compétence du ministère du travail !
Il existe un véritable problème de pilotage du dispositif. Quand on l’observe dans le détail, on s’aperçoit que « le développement quantitatif récent de l’apprentissage […] s’accompagne d’une transformation qualitative importante. Stagnant sur le premier niveau de formation, il se renforce dans le supérieur. Ce mouvement ascendant va de pair avec une diversification de ses publics et, en conséquence, de la variété de ses rôles dans la transition entre formation initiale et emploi. L’usage, dans les politiques publiques, de l’apprentissage comme outil de lutte contre le chômage juvénile se trouve donc ici […] interrogé.
« Interrogé d’abord, parce qu’il tend à se développer dans les niveaux de formation les moins exposés au risque de chômage, ainsi que dans des filières offrant déjà des débouchés plutôt favorables.
« Interrogé aussi par le fait [de] la crise […] l’offre de contrats de la part des employeurs se raréfie et l’insertion des apprentis est rendue plus compliquée.[…]
« Interrogé enfin parce que l’entrée en apprentissage est sélective. De ce fait, certaines populations socialement défavorisées risquent de peu bénéficier des avantages procurés par cette voie de formation. »
Autant dire que les publics que nous visons, c’est-à-dire ceux qui sortent du système sans aucun diplôme ou qualification, ne sont pas correctement pris en compte par le dispositif. Nous aurions donc intérêt à y regarder de plus près. Et ce n’est pas moi qui le dis, mais le Centre d'études et de recherches sur les qualifications, le CEREQ, dans sa note du mois de mai dernier !
Je ne voterai pas cet amendement, car je suis favorable au copilotage de l’apprentissage, dont nous avons récemment pu mesurer les bénéfices au cours d’un voyage en Allemagne et en Autriche.
Je soutiens évidemment la position défendue par M. le rapporteur et Mme la secrétaire d’État.
J’irai cependant encore un peu plus loin. En effet, les apprentis ne dépendent pas tous de l’éducation nationale, madame la secrétaire d’État. Beaucoup d’entre eux font aussi leurs études dans des établissements qui ne relèvent pas de celle-ci.
En réalité, je verrai même un danger considérable à ce que l’apprentissage soit totalement rattaché à l’éducation nationale, car cette dernière était jusqu’à présent relativement réticente en la matière, même si elle a récemment évolué sur le sujet.
L’apprentissage n’est pas une idéologie §; il s’agit d’un moyen extraordinaire d’entrer dans la vie active avec des compétences et un certain dynamisme. L’apprentissage ne concerne pas que des jeunes peu diplômés. Aujourd’hui, certains jeunes deviennent ingénieurs par la voie de l’apprentissage. C’est quelque chose d’extrêmement important et positif !
Encore récemment, j’ai eu une discussion avec un enseignant qui se plaignait du fait que les apprentis n’apprenaient rien lorsqu’ils n’étaient pas en cours. Ce n’est pas vrai ! J’ai d’ailleurs trouvé ce propos méprisant à l’égard des maîtres d’apprentissage : ceux-ci enseignent énormément de choses aux jeunes, pas seulement sur le volet technique de la formation, mais également sur ce qu’est la vie. Cela s’apparente même parfois à de la philosophie !
Là où je vis, en Autriche, l’apprentissage est un système très développé et il est intégré dans le cursus scolaire normal.
Collégiens et lycéens passent une ou deux années en apprentissage puis reviennent à l’école. Ils sont donc soumis à un double examen.
Par la suite, nombre de ces apprentis deviennent ingénieurs et créent des petites entreprises. Il existe ainsi beaucoup de patrons d’entreprise ayant connu l’apprentissage.
C’est intéressant, parce que l’économie autrichienne ne fonctionne pas si mal que cela et que le taux de chômage y est assez bas.
L’apprentissage ne fonctionne pas ou fonctionne mal en France, parce que l’on s’évertue depuis des années à faire en sorte que l’entreprise s’adapte à l’apprentissage. Or il serait préférable que ce soit l’inverse. Un seul exemple : pourquoi ne pas calquer les horaires de travail de l’apprenti sur ceux de son maître d’apprentissage ? C’est une aberration que ce ne soit pas déjà le cas !
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 746 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 4
Insérer trois alinéas ainsi rédigés :
…° Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Un observatoire paritaire de l’apprentissage, rassemblant des représentants de collectivités territoriales et des partenaires sociaux investis dans la formation professionnelle initiale, est constitué sous l’égide du ministère de l’éducation nationale.
« Cet observatoire convoque tous les cinq ans, à compter de la parution de la présente loi, des assises de l’apprentissage afin de rendre un avis sur les orientations et la répartition des moyens concernant la formation professionnelle initiale. Cette consultation de tous les acteurs de la filière guidera les travaux des collectivités territoriales, de l’État et des centres de formations. »
La parole est à Mme Annie David.
Cet amendement se situe dans le droit fil d’une démarche globale sur la question de l’apprentissage. Il tend à mettre en place un observatoire national de l’apprentissage associant l’ensemble des parties en présence sur cette thématique essentielle.
Que peut-on attendre de l’activité d’un tel organisme ?
L’observatoire doit être le lieu de l’évaluation des pratiques, des méthodes pédagogiques, de la qualité de la formation, de la réalité de l’insertion professionnelle au terme du contrat. Il faut aussi qu’il soit le lieu où l’on dresse le bilan quantitatif des données recueillies, sous tous leurs aspects, et que les partenaires soient impliqués dans l’approche critique de ce bilan.
Cet organisme doit également s’interroger sur le devenir des apprentis à moyen terme et sur leur faculté à s’insérer dans le marché du travail.
Enfin, il faut qu’il puisse transposer à la formation et à l’enseignement les éléments positifs de l’alternance qui pourraient l’être.
Voilà le sens que nous donnons à cet observatoire, que nous vous invitons, mes chers collègues, à soutenir en votant en faveur de cet amendement !
Je serais tenté de vous poser une question, madame David : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Vous savez sans doute que Mme Élisabeth Lamure et moi-même avons déposé une proposition de loi sur le sujet de l’apprentissage. Je ne doute pas que vous l’ayez tous lue avec attention, mes chers collègues.
Aujourd’hui, une arborescence d’organisations exerce les missions que vous souhaitez attribuer à cet observatoire : à l’échelon national, le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, le CNEFOP et, au plan régional, des comités régionaux de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelles, les CREFOP. Il existe donc déjà des lieux d’évaluation.
Je suis d’accord avec vous sur le principe d’une évaluation de l’apprentissage, madame David. Cependant, au moment où l’on parle de faire des économies, je ne me sens pas en droit de réclamer de nouveaux observatoires, de nouvelles études et de nouvelles analyses au Gouvernement !
Nous savons tous pourquoi l’apprentissage ne fonctionne pas. Simplement, il faut avoir le courage de s’attaquer aux causes, car ce sont non pas les effets qui importent, mais bien les causes !
Au travers de nos débats, mais aussi au cours de nos travaux préparatoires en commission, nous avons pour une fois le sentiment qu’une majorité assez importante de sénateurs semblant s’accorder sur l’essentiel se dégage. Évidemment, nous ne serons jamais d’accord sur tout, faute de quoi nous ne serions pas en démocratie !
La commission est donc défavorable à cet amendement, non pas sur le principe, mais parce qu’il faut utiliser les outils qui sont déjà à notre disposition.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur cet amendement. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, nous disposons déjà d’instances qui remplissent un tel rôle. Il est donc inutile d’en créer de nouvelles.
En l’espèce, la loi du 5 mars 2014 a mis en place le CNEFOP, organisme dans lequel les partenaires sociaux sont représentés. En sont également membres des élus régionaux, qui possèdent des compétences en matière à la fois de formation professionnelle et d’apprentissage, un député et un sénateur.
Au sein du CNEFOP, un certain nombre de commissions travaillent sur tous ces sujets. Il existe notamment une commission d’évaluation qui a pour mission de fournir des rapports sur la mise en œuvre des outils mis en place par la loi. Son dernier rapport concerne le compte personnel de formation, le CPF, et le conseil en évolution professionnelle, le CEP.
En effet, le CNEFOP peut jouer le rôle que nous souhaitions voir exercer par cet observatoire. Contrairement à ce que certains laissent entendre, nous sommes nous aussi favorables à l’apprentissage, dès lors qu’il s’exerce dans de bonnes conditions.
Il est vraiment fondamental – j’espère que le CNEFOP et les CREFOP dans les régions pourront jouer ce rôle – d’entourer l’apprenti tout au long de sa formation.
Je viens d’entendre Mme Billon déclarer que le décalage entre les horaires de l’apprenti et de son maître d’apprentissage constituait une aberration. Heureusement que l’apprenti n’a pas les mêmes horaires que le maître d’apprentissage, ma chère collègue !
Le maître travaille selon une amplitude horaire beaucoup plus importante que celle que peut assumer un apprenti au cours de son immersion dans l’entreprise. Je vous rappelle qu’un apprenti peut être âgé de seize ou dix-sept ans ! À cet âge-là, on ne peut pas imposer à un jeune de supporter les conditions de travail qu’il aura à connaître lorsqu’il sera salarié à part entière §ou qu’il aura créé sa propre entreprise, puisqu’il aura sans doute l’opportunité de le faire ! Il faut respecter les conditions de vie des apprentis pendant leur période de formation.
Monsieur le rapporteur, vous affirmiez connaître les raisons de l’échec de l’apprentissage. Pour ma part, je pense que c’est malheureusement sur ce point que nous pourrions avoir un désaccord. Je crains en effet que nous n’arrivions pas à nous entendre sur la réalité de ces causes. C’était d’ailleurs le sens de notre amendement et de l’observatoire.
Cela étant, monsieur le rapporteur, madame la secrétaire d’État, je vais vous faire confiance : le CNEFOP jouera sans doute le rôle de l’observatoire.
Je regrette que l’on ne puisse pas aller au-delà du simple constat d’échec en matière d’apprentissage. Malgré cela, je retire mon amendement, madame la présidente.
L'amendement n° 746 rectifié est retiré.
L'amendement n° 747, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Le pacte est signé par l’État, les régions volontaires, les chambres consulaires, les organisations patronales d’employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ou multi professionnel et les organisations syndicales représentatives au niveau national et interprofessionnel.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
La rédaction actuelle de l’article 32 A prévoit que le pacte national pour l’apprentissage, chargé de développer les formations par apprentissage, l’insertion professionnelle des apprentis et d’assurer l’amélioration des conditions de vie des apprentis, est signé par l’État, les régions volontaires, les chambres consulaires et les organisations patronales représentatives.
Les organisations syndicales de salariés ne sont sollicitées que pour avis, sans être signataires du pacte. Pourtant, il semblerait pertinent de les impliquer davantage, compte tenu du rôle majeur qu’elles jouent dans le monde de l’entreprise, notamment en matière de négociations sur les conditions de travail et de vie des salariés. En effet, les organisations syndicales ont vocation à défendre l’ensemble des salariés de l’entreprise, quel que soit leur statut en son sein.
Nous avons fait le choix de limiter le nombre des signataires du pacte, afin d’éviter d’avoir à en déplorer l’inertie.
En effet, il est tout à fait possible de mettre en œuvre un pacte efficace, mais il existe aussi des pactes qui ne servent qu’à « meubler » et qui s’inscrivent uniquement dans une perspective médiatique.
Nous nous sommes donc concentrés sur les acteurs et les financeurs de l’apprentissage. Les syndicats ne seront certes pas signataires, mais seront consultés. Une telle consultation est prévue. Je pense que le règlement intérieur l’indiquera et que cette mesure sera appliquée.
Si les syndicats souhaitent s’impliquer davantage, c’est en revanche tout à fait possible. Néanmoins, nous ne sommes pas en Allemagne où il existe une fédération de syndicats de salariés, d’une part, et une fédération de syndicats patronaux, d’autre part, qui sont capables de parler de la même voix et de s’entendre.
Si l’on impliquait davantage les syndicats et que cela créait une certaine confusion intersyndicale, le Gouvernement connaîtrait quelques difficultés pour arrêter les modalités de ce pacte ! Aujourd’hui, il faut travailler dans ce sens. Nous ne sommes pas du tout hostiles à l’idée d’associer les syndicats. Il faut simplement évaluer le niveau adéquat.
Pour notre part, nous avons fait le choix de retenir les payeurs parmi les décideurs, de sorte que nous soyons sûrs que la signature du pacte équivale à un engagement des régions et des patrons. Je vous prie de m’excuser d’être grossier en évoquant régulièrement tous ces aspects financiers, mes chers collègues !
Comme vous l’avez déclaré, madame Didier, il faut défendre l’apprentissage en France, car c’est une voie de réussite. Cependant, aujourd’hui, la principale raison de son échec – il faut en parler –, c’est que l’on oriente toujours les jeunes par défaut !
Je sais que Mme la secrétaire d’État et moi-même sommes relativement d’accord sur la politique à conduire pour faire de l’apprentissage une formation initiale qui corresponde à un vrai choix d’activité dans la vie d’une personne.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Comme je l’ai évoqué tout à l’heure, les organisations syndicales, et plus largement les partenaires sociaux, sont déjà présents dans les instances qui sont aujourd’hui prévues par la loi.
Ce que j’entends me laisse penser que l’on considère les organisations de salariés comme des mineurs dans l’entreprise, d’une certaine façon. Elles n’auraient pas à cœur, elles aussi, de défendre l’intérêt des salariés et de l’entreprise. C’est une manière de les mettre un peu à l’écart, de ne pas leur faire confiance….
Quand c’est dans l’intérêt de l’entreprise, les salariés sont pourtant parfaitement capables de l’entendre et de participer. Déclarer que seuls ceux qui paient peuvent signer le pacte national pour l’apprentissage, c’est défendre une vision un peu restrictive des choses. Cela trahit vraiment la façon dont on considère les organisations syndicales, c’est-à-dire, au fond, comme des empêcheurs de tourner en rond !
Je rappelle que ce sont tout de même les salariés qui produisent la richesse dans l’entreprise. Réserver à leurs représentants un traitement à parts égales avec les organisations patronales me semblerait un juste retour !
J’avoue avoir un peu de mal à comprendre l’articulation entre l’amendement n° 747 et l’amendement n° 745, qui a été présenté précédemment. En effet, avec l’amendement n° 745, vous demandiez, chers collègues du groupe CRC, que l’apprentissage passe sous la seule responsabilité du ministère de l’éducation nationale, alors que vous nous expliquez, au travers du présent amendement, que l’apprentissage s’inscrit dans une logique d’entreprise…
Non, nous souhaitons simplement que tous les partenaires sociaux puissent s’impliquer !
À mon sens, ces deux amendements manquent d’une cohérence globale, mais c’est sans doute parce que je n’ai pas tout compris…
Sourires sur les travées du groupe CRC.
C’était en tout cas l’occasion pour moi d’expliquer la raison pour laquelle je ne voterai pas en faveur de cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 1048, présenté par MM. Forissier, Lemoyne et Gabouty, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 13
1° Remplacer les mots :
les engagements
par les mots :
l’implication
2° Après le mot :
professionnelles
insérer le mot :
volontaires
La parole est à M. Michel Forissier, rapporteur.
C’est l’occasion pour moi de répondre à mes collègues du groupe CRC. J’espère qu’ils comprendront où la commission veut en venir.
Je n’ai jamais dit qu’il fallait payer pour participer au pacte national pour l’apprentissage. J’ai dit l’inverse : ceux qui participent sont des payeurs éventuels. Dès lors qu’ils signent le pacte, et quel que soit le financeur, qu’il s’agisse des régions ou des patrons, ils devront naturellement donner les moyens de financement nécessaires.
Cela étant, le présent amendement vise à préciser que le pacte national pour l'apprentissage déterminera l'implication des branches professionnelles – en vue de l’orientation vers les diplômes bien entendu – volontaires en matière d'embauche d'apprentis, car ni les organisations professionnelles d'employeurs ni les syndicats représentatifs à l’échelon de la branche ne seront signataires du pacte. Les syndicats patronaux et de salariés sont donc logés à la même enseigne ! Il n’y aucun déséquilibre à ce niveau-là.
Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, dans la mesure où il estime que les questions liées au pacte ne relèvent pas du domaine de la loi.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.
L'article 32 A est adopté.
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa de l’article L. 313-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Ce droit au conseil en orientation et à l’information comprend une présentation, organisée par les centres de formation d’apprentis, de l’apprentissage et des formations proposées par la voie de l’apprentissage. » ;
2° La seconde phrase du troisième alinéa de l’article L. 331-7 est ainsi rédigée :
« Les administrations concernées, les collectivités territoriales, les centres de formation d’apprentis, les organisations professionnelles, les branches professionnelles et les entreprises contribuent à la mise en œuvre de ce parcours. » ;
3° Le premier alinéa de l’article L. 333-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ils prévoient des sessions de découverte des métiers et du monde économique. »
L'amendement n° 748, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 3
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le même article L. 313-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le droit à l’information et à l’orientation intègre la formation au droit du travail. L’application de ce droit est effective via la mise en place d’un projet éducatif dans le cadre du premier cycle du secondaire. Il permet aux collégiens d’avoir une première approche du droit du travail par la découverte des institutions représentatives du personnel, des règles relatives au temps de travail, à la rémunération, aux différents types de repos et à la santé au travail. »
La parole est à M. Dominique Watrin.
Aider les jeunes à atteindre une meilleure compréhension des règles qui organisent le travail dans les entreprises nous semble constituer une exigence absolue.
Que l’on puisse envoyer des jeunes dans une entreprise sans leur donner un minimum de connaissances, en matière de droit du travail, en particulier, sur leur futur milieu de travail est difficilement compréhensible. Ce serait d’ailleurs dans l’intérêt des deux parties, tant l’apprenti que l’employeur, que le jeune apprenne ces règles. Combien d’apprentis ont-ils abandonné au bout de quelques semaines seulement parce qu’ils ne disposaient pas de toutes les informations sur la réalité du travail qui leur était proposé ?
Connaître les avantages, mais aussi les contraintes liées à un emploi représente un outil d’aide à la décision avant de s’engager dans une profession.
La Jeunesse ouvrière chrétienne, la JOC, a récemment mené une enquête auprès de plusieurs centaines d’apprentis. Il en ressort que la grande majorité des jeunes reconnaît que l’apprentissage peut être une formation intéressante, offrant une bonne insertion professionnelle et conduisant à des métiers passionnants. Cependant, 68 % des jeunes interrogés pensent que les apprentis ne sont ni entendus ni respectés dans la société. Cela doit nous faire réfléchir et représenter une priorité pour nous.
Selon nous, l’orientation mise en place dès le collège, via les stages de découverte en entreprise, comme les récentes initiatives de découverte de l’entreprise dans le cadre d’options, doit être complétée par une formation au droit du travail.
En effet, de la même façon qu’il existe un enseignement moral et civique pour permettre aux élèves de se former en tant que futurs citoyens, il nous semble indispensable d’organiser et de garantir le droit à la formation au droit du travail.
Cette proposition est intéressante de prime abord, mais elle doit, à mon sens, s’inscrire dans une initiation plus large au droit dès le secondaire.
Cela étant, on peut estimer que les collégiens sont un peu jeunes et qu’il faudrait plutôt offrir de tels enseignements à partir de la première ou de la terminale. En tant que parlementaires, nous sommes déjà confrontés à certaines difficultés pour maîtriser les fondamentaux du code du travail. Par conséquent, expliquer le code du travail d’une manière très approfondie ne serait pas aisé !
Je proposerai tout à l’heure de généraliser les dispositifs d'initiation aux métiers de l'alternance, les DIMA, dans le cadre de la préparation à l’apprentissage. Pour que le groupe CRC accepte ce dispositif, il faudrait qu’il revienne sur une position qu’il a adoptée : il considère en effet qu’il est préférable pour un jeune de rentrer plus tardivement dans l’apprentissage. Nous devrons discuter ensemble de ce point.
L’apprentissage, c’est un peu une éducation « sur le tas », comme on dit. Selon moi, l’enseignement au collège doit se concentrer sur les fondamentaux éducatifs : les jeunes qui entrent dans l’apprentissage doivent en priorité savoir lire, écrire, compter, arriver à l’heure et avoir un comportement correct dans l’entreprise. Quand je dis « correct », cela signifie non pas qu’un apprenti doive se comporter comme s’il était à l’université, mais qu’il doit adopter un comportement qui lui permette de s’intégrer dans le monde du travail.
La commission est défavorable à cet amendement, car elle considère qu’il sera satisfait par l’amendement sur les DIMA que je présenterai dans quelques instants.
Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement, dans la mesure où il existe déjà des éléments de présentation de l’entreprise dans le parcours Avenir, proposé aux élèves de la sixième à la troisième, et où il existe également des éléments permettant aux collégiens d’appréhender la loi dans le socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Enfin, certaines filières professionnelles abordent ces questions, même si elles le font insuffisamment.
Je n’interviens pas pour le plaisir de relancer la discussion, ayant hâte de voir mon amendement examiné, mais je tiens à réagir.
En effet, si je comprends l’esprit de l’argumentation du rapporteur, lequel reconnaît que la question doit être envisagée, je n’en reviens pas de votre réponse, madame la secrétaire d’État. À la proposition de nos collègues du groupe CRC – dès lors qu’une négociation sociale doit avoir lieu au sein des entreprises, disent-ils, il faut informer les apprentis, avant qu’ils n’intègrent un nouveau milieu, de la vie syndicale et de l’organisation du dialogue social et, plus largement, dispenser à tous les élèves quelques heures de formation sur le sujet – vous répondez : il existe des filières pour cela !
Il y aurait donc des filières de formation pour les négociateurs syndicaux… Je l’apprends ! C’est nouveau !
D’ailleurs, c’est la logique à laquelle le présent projet de loi peut nous conduire : bientôt on ne trouvera plus de militants syndicaux dans les entreprises ; ils seront remplacés par des animateurs du dialogue social, et ce sera une fonction parmi d’autres. En plus de tous les métiers de l’entreprise, il y aura l’animateur du dialogue social, comme il y a l’animateur social dans les quartiers !
Je ne sais pas si c’était le sens de vos propos, madame la secrétaire d’État, mais vous avez tout de même botté en touche, en expliquant que les collégiens recevaient une information sur la vie de l’entreprise et que, au-delà, il existait des filières dispensant cet enseignement – je n’ai pas exactement compris lesquelles…
Une telle réponse est quelque peu contradictoire avec cette idée d’un nécessaire développement du dialogue social à l’échelon de l’entreprise et d’une plus grande vivacité des relations entre employeurs et syndicats.
L’amendement n° 748 va précisément dans ce sens, en tendant à instaurer une formation minimale à la vie de l’entreprise dans sa dimension propre au dialogue social.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 32 B est adopté.
L'amendement n° 787 rectifié, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 32 B
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une expérimentation est menée en lien avec le ministère de l’éducation nationale pendant douze mois sur l’introduction de modules obligatoires sur le droit du travail dès la fin du collège dans les cours d’enseignement moral et civique
La parole est à M. Michel Le Scouarnec.
Nul n’est censé ignorer la loi, a-t-on coutume de dire. Mais que mettons-nous en œuvre pour que nos concitoyens, en particulier les jeunes, soient réellement mieux informés de leurs droits ?
L’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire a accompagné la Jeunesse ouvrière chrétienne, la JOC, dans la réalisation d’un travail d’enquête. Ce sont 5 600 jeunes, âgés de quinze à trente ans, qui ont été interrogés sur la connaissance de leurs droits : les droits socio-économiques, principalement, ceux qui sont liés au travail.
On connaît les nombreuses atteintes à ces droits dont sont victimes de jeunes salariés, souvent des apprentis. Au collège, l’éducation civique n’a pas intégré cette dimension, sauf à donner quelques informations sur les syndicats à partir de la troisième.
Pourquoi le code du travail n’est-il pas abordé en tant que tel ?
Plus d’un jeune sur deux déclare ne pas connaître le droit du travail et parmi ceux qui disent le connaître, 35 % ne peuvent citer qu’un seul des droits considérés. Cela ne signifie pas pour autant que les jeunes se désintéressent du sujet, puisque 72 % d’entre eux disent être sensibilisés à ces questions, tout en regrettant ne pas les maîtriser.
L’école peut-elle être ce lieu d’apprentissage des droits, en particulier de ceux qui sont attachés au travail ? Cela semblerait aller de soi.
L’éducation civique doit pouvoir intégrer ces formations spécifiques, au même titre que les autres droits fondamentaux. C’est ce que pensent 69 % des jeunes interrogés : ils sont tous d’accord pour dire que leur formation initiale doit leur permettre de maîtriser le droit du travail. En outre, 45 % d’entre eux estiment que leur ignorance des lois est un frein pour se défendre effectivement.
Quant aux jeunes qui sont déjà en poste de travail, 41 % d’entre eux déclarent que l’entreprise devrait également être le lieu de cette formation et 28 % considèrent que les syndicats pourraient leur donner ces éléments de connaissance, persuadés que ces derniers, du fait même que leurs actions permettent de faire évoluer ces droits dans l’intérêt des salariés, sont les mieux placés pour le faire.
Par conséquent, les lieux pour ces formations peuvent être divers et complémentaires.
Enfin, 44 % des jeunes sont convaincus que la précarité de l’emploi n’aide pas à accéder à la connaissance de ces droits et 44 % craignent le licenciement s’ils osaient s’aventurer dans cette voie.
Cette campagne Droits devant, engagée par la JOC, montre à quel point il est nécessaire que l’école forme les citoyens de demain et les prépare à ce qui les attend dans leur vie d’adultes. La question de l’aide à l’orientation se pose également dans ce cadre, car, tout le monde le sait, les difficultés sont grandes dans ce domaine.
Je ne vais pas réitérer les explications que j’ai fournies sur l’amendement précédent : l’avis de la commission est clairement défavorable !
Le dépôt de cet amendement, je voudrais le rappeler, fait suite à une rencontre avec les représentants de la Jeunesse ouvrière chrétienne, dont j’ai personnellement reçu la présidente.
L’association a mené un important travail, qui, je crois, doit être salué, sur l’instauration d’une formation obligatoire sur le droit du travail dans le cadre des études, et ce dès le collège.
Face au constat selon lequel plus d’un jeune sur deux déclare ne pas connaître le droit du travail, la JOC demande que l’éducation nationale adopte des modules de formation sur ce droit. Cette proposition est soutenue par une majorité de jeunes.
L’objectif est de permettre à ces derniers de se former aux règles du droit du travail. Il s’agit, bien sûr, non pas de les connaître dans leur globalité, mais d’avoir un minimum de bases et d’avoir connaissance des services disponibles dans les domaines de l’emploi et de la formation auxquels ils pourront faire appel.
Or, et c’est ce qui m’étonne – Mme la secrétaire d’État ne semble effectivement pas informée de ce qui se passe au ministère de l’éducation nationale –, un travail a été mené entre la JOC, les syndicats CGT et CFDT et l’éducation nationale sur le sujet.
Une formation a été conçue dans ce cadre, consistant en une découverte des règles générales du droit du travail : éléments relatifs au temps de travail et à la rémunération, compréhension d’une fiche de paie, notions de santé au travail ou informations concernant les recours possibles en cas de litige au travail. Une expérimentation du dispositif était même envisagée dans des académies tests.
Donc, une véritable concertation a été menée avec le ministère de l’éducation nationale, qui jugeait positivement ce projet. Aujourd'hui, celui-ci semble au point mort – est-ce le projet de loi Travail qui a tout bloqué ? En tout cas, nous regrettons cet arrêt et jugeons utile de relayer la proposition, au travers de cet amendement.
Je mets aux voix l'amendement n° 787 rectifié.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 379 :
Le Sénat n'a pas adopté.
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Après le 5° de l’article L. 721-2, il est inséré un 5° bis ainsi rédigé :
« 5° bis Pour préparer les enseignants à exercer leur mission d’orientation auprès des élèves, elles organisent des actions de sensibilisation et de formation permettant d’améliorer leurs connaissances du monde économique et professionnel, du marché du travail, des professions et des métiers, du rôle et du fonctionnement des entreprises ; »
2° Le titre IV du livre IX de la quatrième partie est ainsi modifié :
a) Le chapitre Ier est complété par un article L. 941-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 941-2. – Les inspecteurs d’académie-inspecteurs pédagogiques régionaux, les inspecteurs de l’éducation nationale et les membres des inspections générales mentionnées à l’article L. 241-1 bénéficient d’une formation qui les prépare à l’ensemble des missions d’évaluation, d’inspection, d’animation pédagogique et d’expertise qui leur sont assignées. Cette formation comprend une expérience de l’entreprise. » ;
b) Le chapitre II est ainsi rétabli :
« CHAPITRE II
« Les personnels de direction
« Art. L. 942–1. – Les chefs d’établissement bénéficient d’une formation qui les prépare à l’exercice des missions mentionnées aux articles L. 421-3 et L. 421-5. Elle comprend une expérience de l’entreprise. »
L'amendement n° 59, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Dominique Watrin.
Nous en avons bien conscience, l’école ne doit pas être une tour d’ivoire, mais ce que l’on nous propose en l’espèce, c’est de la rapprocher encore plus de l’entreprise !
Il me paraît donc important d’effectuer un certain nombre de rappels. L’école doit certes former des travailleurs, mais aussi, comme je l’ai indiqué dans mon propos introductif, des citoyens. Ensuite, et surtout, l’école doit préparer à l’emploi par l’acquisition de qualifications et de connaissances.
Quel est l’objet de l’article 32 C ?
Premièrement, cet article prévoit une évaluation des enseignants sur leurs connaissances de l’entreprise – c’est du moins ce que nous avons compris. Or, il faut le rappeler, les inspecteurs d’académie ont pour mission d’évaluer le travail des personnels d’éducation, dans une optique pédagogique, sur l’enseignement des disciplines et des unités d’enseignement.
Deuxièmement, et surtout, cet article donne un nouvel éclat à la rengaine, trop souvent entendue, voulant que les enseignants n’aient aucune connaissance de l’entreprise et soient enfermés dans leur monde, et non en prise avec leur environnement. Cette vision, très franchement, nous semble déplacée.
Le présent amendement tend donc à supprimer une disposition relevant, à nos yeux, d’une forme de préjugé, qui pourrait déboucher sur une dynamique de détournement des missions de l’école.
Je suis stupéfait, mes chers collègues, par l’absence de logique dans l’enchaînement des amendements : d’un côté, on réclame un enseignement sur le droit du travail et, de l’autre, on rejette le principe d’une formation des enseignants à l’économie et au monde de l’entreprise, formation incluant des éléments relatifs à ce même droit du travail.
J’ajoute, pour ne rien vous cacher, que les services de l’éducation nationale sont preneurs de cet article, comme le confirment toutes les auditions de leurs représentants. Ils souhaitent que les enseignants soient formés sur ces questions, tout simplement pour être en mesure de mener à bien le travail d’orientation et de préparation à l’apprentissage et, plus généralement, au métier.
L’avis de la commission est donc défavorable, mais, mes chers collègues du groupe CRC, il ne s’agit en rien d’une position manichéenne de ma part.
Il est favorable, madame la présidente.
Le Gouvernement partage le souhait de rapprocher l’éducation nationale de l’entreprise, mais les textes en vigueur prévoient déjà un certain nombre de dispositions. Je citerai, par exemple, les modules prévus dans le référentiel de formation aux métiers d’enseignant, les stages obligatoires en entreprise dans le cadre de la formation des inspecteurs territoriaux, le stage optionnel à effectuer dans les deux ans suivant la titularisation pour les personnels de direction.
L’article 32 C est par conséquent inutile.
Je remercie Mme la secrétaire d’État d’avoir bien précisé que des mesures existent déjà.
Vous vous dites stupéfait par nos amendements, monsieur le rapporteur. Ce qui me stupéfie, moi, c’est le fait que l’on parle beaucoup de l’intérêt de l’apprentissage pour l’entreprise, de la possibilité offerte aux apprentis de bien se former à l’emploi dans l’entreprise, mais que l’on n’évoque pas souvent l’intérêt de l’apprenti lui-même !
La volonté manifestée par le Gouvernement par le biais de ce projet de loi est bien de favoriser une évolution des relations entre les différents partenaires : au sein de l’entreprise, entre les salariés et le chef d’entreprise, entre les syndicats et l’employeur, et, dans le cas présent, entre les enseignants et l’entreprise.
On a beau dire que les enseignants connaissent déjà l’entreprise, la plupart du temps, ce n’est pas le cas !
J’ai eu l’occasion de mener un certain nombre d’opérations dans mon département, conduisant des classes de collège à se tenir, pendant une semaine, en entreprise. Ces opérations ont permis, à l’enseignant, de mieux connaître le fonctionnement de l’entreprise et, aux élèves, d’en partager le vécu et de recevoir salariés et dirigeants au sein de la classe.
Ainsi, on peut se forger une culture commune, avoir les uns des autres une meilleure connaissance, pour, ensuite, pouvoir mieux collaborer et se mobiliser, ensemble, en faveur que ce soit de l’entreprise ou de l’apprentissage.
Une brève remarque, s’agissant de ce dernier : toutes nos belles intentions en la matière resteront lettre morte tant que nous n’aurons pas résolu un certain nombre de problèmes.
Premier problème, il faut traiter la question du niveau de sortie du collège et de l’orientation par l’échec. De toute évidence, les centres de formation d’apprentis ne pourront pas réaliser de miracle et les résultats en fin de scolarisation en apprentissage seront forcément extrêmement modestes, voire médiocres.
Nous devons donc changer de vision, et ce changement – l’image étant un peu caricaturale, je ne voudrais pas la voir prise au pied de la lettre – sera complètement opéré quand les enseignants accepteront que leurs propres enfants empruntent les voies de l’apprentissage, considérant celles-ci comme des voies nobles.
Deuxième problème, que j’ai également pu cerner à partir de mon expérience départementale, l’entreprise, comme le reconnaissent les chefs d’entreprise eux-mêmes, représente pour un jeune de quinze ou seize ans un monde totalement inconnu, de tous les dangers, dans lequel on a forcément quelque répugnance à pénétrer.
Par conséquent, il convient de développer ce que les chefs d’entreprise d’Ille-et-Vilaine appellent de la « bienveillance ». Comment accueillir un jeune à l’intérieur de l’entreprise de la meilleure façon possible ? Comment faire en sorte qu’il s’y sente bien, qu’il ait l’impression d’être entouré, accepté et en relation harmonieuse avec l’ensemble des acteurs en présence ?
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 32 C est adopté.
La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre IV de la deuxième partie du code de l’éducation est ainsi modifiée :
1° L’article L. 421–2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les lycées professionnels, le conseil d’administration élit son président en son sein, parmi les personnes extérieures à l’établissement. » ;
2° Le quatrième alinéa de l’article L. 421-3 est complété par une phrase ainsi rédigé :
« Dans les lycées professionnels, le président du conseil d’administration est désigné dans les conditions fixées à l’article L. 421-2. »
L'amendement n° 60, présenté par M. Watrin, Mmes Cohen, David, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.
Avec l’article 32 D, la droite sénatoriale veut confier à une personne extérieure à l’établissement la présidence du conseil d’administration des lycées professionnels. Cela reviendrait à accorder cette présidence à un élu ou à une personnalité qualifiée.
Je rappelle que, à l’heure actuelle, ce conseil d’administration est présidé par le proviseur et compte entre 24 et 30 membres, selon la taille de l’établissement.
Pour un tiers de ses membres, il s’agit de représentants des collectivités territoriales et de l’administration de l’établissement, auxquels s’ajoutent une ou plusieurs personnalités qualifiées. Dans nombre de lycées professionnels, je le précise, cette ou ces dernières sont issues du monde professionnel.
Les deux autres tiers sont composés des représentants élus du personnel de l’établissement et des représentants élus des parents d’élèves et des élèves.
Selon nous, l’équilibre actuel répond donc déjà, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, à votre souci du « regard extérieur ».
En outre, et surtout, le fait que le conseil d’administration soit présidé par le proviseur – ce n’est pas un détail – garantit l’autonomie pédagogique de l’établissement vis-à-vis des lobbies locaux ou professionnels.
Je rappelle que dans les lycées professionnels, les référentiels sont créés en commission professionnelle consultative, où siègent les organisations patronales ; les diplômes sont certifiés avec les professionnels ; les élèves, enfin, effectuent des stages en entreprise.
Dès lors, appeler au « rapprochement avec l’entreprise » n’a pas de sens et relève soit de la méconnaissance, soit de la mauvaise foi.
Soyons clairs, cet article participe, comme d’autres dispositions issues de la proposition de loi déposée par notre collègue Élisabeth Lamure, de l’OPA que la droite compte mener sur les lycées professionnels.
Prendre la main sur les lycées, via la présidence du conseil d’administration, permettra, selon l’exposé des motifs de la proposition de loi précitée, d’être « en cohérence avec la politique régionale mise en œuvre en matière d’apprentissage ».
La seconde étape est révélée dans un texte de M. Christian Estrosi récemment débattu à l’Assemblée nationale : il s’agirait, à terme, de supprimer les lycées professionnels en les fusionnant avec les centres de formation d’apprentis, les CFA, pour créer des « centres d’apprentissage professionnel régionaux ».
N’en déplaise à certains, les lycées professionnels relèvent encore de l’éducation nationale !
Insinuer que nous pourrions être de mauvaise foi, voilà des propos quelque peu déplacés ! Deux points de vue opposés s’affrontent ici ; nous sommes tous de bonne foi et nous avons le droit de défendre des positions différentes.
L’intention affichée par Élisabeth Lamure et tous ceux qui ont travaillé sur le sujet est de rapprocher tous les plateaux éducatifs professionnels pour mutualiser les moyens. Pour cela, il faut adresser des signes clairs et créer des passerelles.
Comme Jean-Louis Tourenne l’a très bien exprimé tout à l’heure, il y a quelque chose à faire ! Pour ne rien faire, il suffit de conserver la situation en l’état, et nous obtiendrons les mêmes résultats !
Des propos ont été tenus tout à l’heure, qui, à mes yeux, s’apparentent à un procès d’intention. Vous me connaissez tout de même un peu, mes chers collègues du groupe CRC… Prétendre que je ne me soucie pas de l’avenir des apprentis, alors que je ne suis qu’un produit de la formation professionnelle, c’est, d’une certaine manière, faire insulte à ma condition.
En réalité, vous faites tout pour laisser la situation en l’état, alors que nous voulons faire bouger les lignes pour plus d’efficacité, au bénéfice de la réussite de ces jeunes.
Nous voulons redonner de l’espoir à la jeunesse de notre pays – une condition pour qu’elle ait un avenir ; nous voulons lui offrir un accueil correct au sein des entreprises ; nous voulons restaurer l’inspection de l’apprentissage, et tous les principes de base qui sont attachés à cet enseignement.
Il existe effectivement toute une culture de l’apprentissage, lequel consiste à appréhender un métier dans son intégration à la société.
Un apprenti qui se retrouve dans une entreprise de taille de pierre, comme ce fut mon cas, évolue dans un milieu protégé. C’est en quelque sorte la mascotte, l’enfant de l’entreprise. Ce jeune encourt bien moins de risques dans un tel contexte que dans les rues d’un certain nombre de quartiers de notre pays.
La commission émet donc un avis défavorable.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, considérant l’article 32 D comme inutile, dans la mesure où la disposition existe déjà aujourd'hui.
Il est d’ores et déjà possible, dans un cadre expérimental, de confier à des personnes extérieures à l’établissement la présidence du conseil d’administration. Or nous constatons que, sur 900 lycées professionnels, moins de 10 ont recours à cette possibilité.
Il nous paraît nécessaire d’aller au bout de cette expérimentation, et de procéder à une évaluation avant d’envisager une éventuelle généralisation.
Je voterai l’amendement de mes collègues du groupe CRC.
J’observe, madame la secrétaire d’État, que votre réponse était, cette fois-ci, parfaitement dans le sujet. Vous avez indiqué que, pour le moment, la possibilité existait et était très peu mise en pratique.
En revanche, monsieur le rapporteur, vous n’avez parlé que de l’apprentissage, alors qu’il est question, en l’espèce, de confier la présidence du conseil d’administration d’un lycée professionnel à une personne extérieure à l’établissement.
D’une éventuelle mauvaise qualité de la formation délivrée dans les lycées professionnels, vous n’avez rien dit, alors que c’est une remarque que j’ai pu entendre sur les travées. Quel bilan tirer de l’enseignement en lycée professionnel ? Il est excellent ! Le véritable problème réside en fait dans l’orientation, avec des jeunes envoyés dans des filières qui ne correspondent pas à leur choix.
Donc il y a un problème non pas de formation, mais d’orientation dans les lycées professionnels !
La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.
Il y a effectivement beaucoup à faire, monsieur le rapporteur, pour redonner à la voie professionnelle ses lettres de noblesse !
Il faut tout d’abord s’interroger sur les mécanismes conduisant à l’échec scolaire, au cœur desquels se trouvent les déterminismes sociaux.
Ensuite, plutôt que de demander aux enseignants d’effectuer des stages en entreprise, il faut se préoccuper de leur formation professionnelle, celle que la droite a supprimée, souvenez-vous-en…
Il faut également, comme vient de le signaler M. Jean Desessard, s’intéresser à la question de l’orientation. Ce n’est pas par dogmatisme que nous nous opposons à une orientation et une fin de scolarité plus précoces, comme d’aucuns le proposent. Il nous semble simplement nécessaire de conserver suffisamment de temps pour que la remédiation soit possible.
À ce titre, la fin du baccalauréat professionnel en quatre ans est redoutable pour les élèves les plus en difficulté, précisément parce que le délai raccourci ne permet plus cette remédiation. Dès lors, ces élèves se trouvent en grande peine lorsqu’ils parviennent au niveau du BTS et, in fine, la poursuite des études leur apporte souvent de la déception.
Il faut prendre le temps, mes chers collègues ; il faut du temps !
Tout ce qu’il est possible de faire pour rapprocher l’école de l’entreprise, nous devons le faire !
Notre collègue écologiste a fait remarquer que l’enseignement professionnel ne se résumait pas à l’apprentissage. De la même manière, le sujet ne concerne pas la seule éducation nationale : dans l’enseignement agricole placé sous la compétence du ministère de l’agriculture, les conseils d’administration des lycées ne sont pas présidés par le proviseur ; ils le sont souvent par un élu du conseil régional ou par un professionnel.
J’ai moi-même présidé le conseil d’administration d’un lycée agricole pendant de nombreuses années, en tant que président de chambre d’agriculture. Je peux vous assurer que cela a largement permis un rapprochement entre le secteur professionnel et l’établissement scolaire.
Je suis donc très défavorable à cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 32 D est adopté.
Le code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l’article L. 331-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Dans le cadre des formations en apprentissage, ces jurys associent les maîtres d’apprentissage, selon des modalités fixées par décret. » ;
2° L’article L. 337-1 est ainsi modifié :
a) Le deuxième alinéa est supprimé ;
b) Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Lorsque l’obtention de ce diplôme est préparée en apprentissage, le maître d’apprentissage est associé au jury selon des modalités fixées par décret. » –
Adopté.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Jean-Pierre Caffet.