Séance en hémicycle du 1er février 2011 à 15h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • CNDS
  • HALDE
  • adjoint
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  • défenseur des droits
  • déontologie
  • indépendante
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La séance

Source

La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

En application de l’article 9 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française et des articles L.O. 6213-3 et L.O. 6313-3 du code général des collectivités territoriales, j’ai saisi, le 22 décembre 2010, le haut-commissaire de la République en Polynésie française et le représentant de l’État dans les collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, en vue de la consultation de l’Assemblée de la Polynésie française et des conseils territoriaux des collectivités de Saint-Barthélemy et Saint-Martin sur la proposition de loi organique, présentée par M. Louis-Constant Fleming, tendant à l’approbation d’accords entre l’État et les collectivités territoriales de Saint-Martin, de Saint-Barthélemy et de Polynésie française.

Par lettre en date du 18 janvier 2011, le représentant de l’État m’a transmis copie de la délibération du 30 décembre 2010 du conseil territorial de la collectivité de Saint-Barthélemy et de la délibération du 7 janvier 2011 du conseil territorial de la collectivité de Saint-Martin.

Acte est donné de la communication des avis favorables des conseils territoriaux de Saint-Barthélemy et Saint-Martin sur la proposition de loi organique qui sera examinée par le Sénat le lundi 14 février.

(Textes de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi organique, modifié par l’Assemblée nationale, relatif au Défenseur des droits (projet n° 230, texte de la commission n° 259, rapport n° 258) et du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, relatif au Défenseur des droits (projet n° 231, texte de la commission n° 260, rapport n° 258).

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les deux textes soumis à votre examen s’inscrivent dans une démarche globale engagée par le Président de la République et le Gouvernement visant à renforcer la garantie des droits et libertés fondamentaux de nos concitoyens. Nous aurons donc l’occasion de nous revoir, monsieur Sueur, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

… dès le début du mois prochain, pour examiner le projet de loi relatif à la garde à vue.

La révision constitutionnelle, votée au mois de juillet 2008, a consacré la nouvelle autorité du Défenseur des droits en fixant le cadre des attributions et des modalités d’intervention de celui-ci à l’article 71-1 de la Constitution.

Je tiens à souligner le rôle majeur joué par le Sénat dans la définition de cette institution, et ce dès les débats du projet de loi de réforme de la Constitution, dont vous étiez d’ailleurs le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

… et l’article 71-1 de la Constitution vous doit beaucoup, ainsi qu’au Sénat.

En proposant d’appeler cette autorité « Défenseur des droits », sans référence aux citoyens, vous l’avez rendue accessible aux mineurs et aux ressortissants étrangers établis en France.

Vous proposiez, dès la première lecture, d’accorder au Défenseur des droits une saisine d’office et l’assistance d’un collège pour renforcer les garanties de compétence offertes aux personnes qui le saisissent. Toutes ces propositions sont bien entendu reprises et précisées dans les deux textes qui vous sont soumis aujourd’hui en deuxième lecture, mesdames, messieurs les sénateurs.

Le Défenseur des droits est la seule autorité indépendante de rang constitutionnel. Il se caractérise par un périmètre étendu et des prérogatives élargies, ce afin d’offrir une plus grande visibilité et une meilleure défense des droits et libertés de nos concitoyens.

Monsieur le rapporteur, dès le mois de juin 2006, dans votre rapport intitulé Les autorités administratives indépendantes : évaluation d’un objet juridique non identifié, vous constatiez la multiplication de ces autorités administratives indépendantes – plus d’une quarantaine a été créée depuis 1978 – et la complexité qui en résultait pour le citoyen.

En effet, la fragmentation de ces autorités crée des difficultés. Tout d’abord, l’organisation actuelle manque de clarté pour nos concitoyens. Quelle autorité saisir ? À qui s’adresser en cas de difficultés ? Ensuite, la diversité des structures peut nuire à la cohérence d’action des différentes autorités.

Le projet de loi apporte des réponses à ces difficultés : il crée une structure unique, plus large, plus visible et plus facilement identifiable ; il institue également une saisine par le citoyen directe et gratuite. Il n’y aura donc aucune entrave à la saisine du Défenseur des droits, y compris pour les mineurs, et celui-ci aura la possibilité de s’autosaisir dans tous les domaines de sa compétence.

À ce stade, le Défenseur des droits regroupe les compétences du Médiateur de la République, de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, ou CNDS, du Défenseur des enfants et de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE.

La commission des lois a supprimé l’intégration du Contrôleur général des lieux de privation de liberté du champ d’action du Défenseur des droits.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le Sénat avait d’ailleurs déjà exprimé cette position lors du débat constitutionnel.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je voudrais apporter quelques précisions sur ce sujet.

D’un strict point de vue juridique, intégrer le contrôle des lieux de privation de liberté dans les missions du Défenseur des droits pourrait se justifier, car les droits des personnes détenues entrent dans le champ de protection relevant de cette autorité telle que définie par l’article 71-1 de la Constitution. Toutefois, il faut bien reconnaître que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté se distingue des autres autorités, car il intervient essentiellement de manière préventive, sans avoir été saisi préalablement d’une requête ou d’une demande.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Sur cette question, je m’en remettrai donc à la sagesse du Sénat.

Applaudissementssur les travées de l’Union centriste et de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Ce n’est pas du tout une concession : c’est le résultat d’une analyse juridique claire !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le Défenseur des droits est également une autorité aux prérogatives fortes, pour une protection plus efficace des droits et des libertés. Son mode de nomination, par décret en conseil des ministres, après avis des commissions compétentes des deux assemblées, selon les dispositions de l’article 13 de la Constitution, les immunités dont il bénéficiera ainsi que les incompatibilités auxquelles il sera soumis participent d’un renforcement de son statut.

Le Défenseur des droits disposera de pouvoirs étendus par rapport aux autorités administratives indépendantes qu’il remplace.

Ainsi, il bénéficiera de pouvoirs d’investigation et de contrôle par le biais de vérifications sur place, de visites inopinées. Des sanctions pénales sont prévues à l’égard de quiconque s’opposerait, sans raison valable, à ses pouvoirs d’investigation.

Il disposera également d’un pouvoir d’injonction. Si ses recommandations restent sans effet, il pourra définir les mesures nécessaires.

Il pourra, en outre, proposer à l’auteur de la réclamation et à la personne mise en cause de conclure une transaction pour mettre fin au litige qui les oppose.

Il aura, par ailleurs, la possibilité de présenter des observations dans les procédures juridictionnelles en cours.

De plus, la saisine du Conseil d’État afin de faire trancher une question sur l’interprétation des textes applicables lui sera ouverte. Il sera aussi force de proposition pour améliorer la réglementation.

Il aura, par ailleurs, d’importants moyens d’expertise : les collèges et ses adjoints lui apporteront leurs compétences dans ses différents domaines d’intervention ; une attention toute particulière sera apportée à la protection des mineurs : conformément à une disposition introduite par le Sénat, un adjoint portera le titre de Défenseur des enfants et sera chargé de seconder le Défenseur des droits dans ses missions.

Lors de l’examen du projet de loi organique et du projet de loi en deuxième lecture, la commission des lois du Sénat s’est attachée à améliorer les textes issus des débats ayant eu lieu à l’Assemblée nationale. Néanmoins, quelques points de désaccord subsistent, en particulier sur le fonctionnement interne du Défenseur des droits.

Tout d’abord, la commission des lois a rétabli l’obligation pour le Défenseur des droits de transmettre une réclamation dont il est saisi lorsque celle-ci entre dans le champ de compétence d’une autre autorité indépendante.

Ce dispositif soulève quelques difficultés. En effet, son statut d’autorité de niveau constitutionnel chargée de la protection de tous les droits devrait permettre au Défenseur des droits d’adopter une approche de la situation de l’intéressé globale et non parcellaire, cette dernière ne prenant en compte qu’une partie du problème. Il faut laisser le Défenseur des droits décider, au cas par cas, de la meilleure manière de répondre à la situation qui lui est soumise, ce qui n’exclut évidemment pas une collaboration avec les autres autorités administratives indépendantes.

Ensuite, pour ce qui concerne les adjoints, la commission des lois a souhaité rétablir en grande partie le dispositif que le Sénat avait adopté en première lecture.

Rien ne semble s’opposer à ce que les adjoints soient membres des collèges en qualité de vice-présidents. Cependant, la consultation des commissions parlementaires compétentes, avant leur nomination par le Premier ministre, ne peut être conservée. En effet, la nomination des adjoints n’entre pas dans le cadre des emplois et fonctions visés à l’article 13 de la Constitution. Je rappelle que cet article vise les pouvoirs propres du Président de la République et non ceux du Premier ministre. Placés sous l’autorité du Défenseur, les adjoints ne disposeront d’aucun pouvoir propre. La désignation par le Premier ministre, sur proposition du Défenseur des droits, est à même de leur conférer une autorité suffisante.

Enfin, s’agissant des collèges, il est nécessaire de revenir à la lettre de l’article 71-1 de la Constitution, qui dispose que les collèges assistent le Défenseur des droits.

Vous souhaitez une saisine systématique des collèges. Or le Défenseur des droits n’a pas été envisagé comme une autorité collégiale. C’est lui qui doit décider, en liaison avec ses adjoints, des dossiers sur lesquels il est souhaitable et utile de consulter les collèges. Je rappelle, par exemple, que de très nombreux dossiers soumis à la HALDE ne passent pas devant le collège et font l’objet d’une décision directe. Il faut en effet éviter tout blocage du système.

Je souhaite que nous puissions avoir une discussion efficace sur ce point.

Vous avez prévu l’obligation pour le Défenseur des droits d’exposer aux collèges les motifs pour lesquels il s’écarte d’un avis que ces derniers auraient rendu. Ce dispositif, qui vise également la faculté pour le Défenseur des droits de demander aux collèges une seconde délibération, est contraire à la Constitution, car il confère aux collèges un pouvoir de contrôle de l’action du Défenseur des droits.

Enfin, je souhaite évoquer les dispositions du projet de loi ordinaire qui concernent la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.

Elles tendent à mettre en conformité l’organisation de la CNIL, notamment dans l’exercice de son pouvoir de sanction et d’enquête, avec la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Le Gouvernement, afin d’écarter toute suspicion de « préjugement », propose de clarifier la composition de la formation restreinte, afin que l’autorité qui décide de la mise en demeure – le président – ne soit pas celle qui prononce la sanction – la formation restreinte. En outre, pour donner plus de poids aux sanctions, celles-ci pourront désormais être rendues publiques.

Pour conclure, à tous ceux qui craignent une régression en matière de droits et de libertés fondamentales, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

… je veux réaffirmer dans cette enceinte que ces droits seront au contraire renforcés et mieux préservés par la création du Défenseur des droits. Il en va ainsi notamment de la défense des enfants, qui sera confiée à une autorité unique dotée de pouvoirs sans commune mesure avec ceux que détient l’actuel Défenseur des enfants.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Pour la première fois, la défense de ces droits est reconnue par la Constitution. La disparition d’autorités administratives indépendantes dont les missions sont intégralement reprises par le Défenseur des droits aboutira à simplifier l’accès de tous à une autorité unique, puissante et à même de traiter les situations les plus complexes dans leur globalité. C’est une avancée majeure dans le domaine de la protection des droits.

J’invite donc le Sénat à suivre le Gouvernement sur l’ensemble de ces points. Je suis convaincu, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, que la qualité de la discussion que nous aurons cet après-midi, qui se poursuivra cette nuit et, peut-être, demain après-midi, nous conduira à établir un texte de qualité et à créer dans notre pays un Défenseur des droits qui constituera, je le répète, une avancée fondamentale pour la protection des droits et des libertés garantis.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord de faire un peu d’histoire.

C’est en 2008 que le Parlement a adopté une révision constitutionnelle de première importance, attribuant dorénavant à nos concitoyens un certain nombre de pouvoirs supplémentaires. Je cite, pour mémoire, le droit de saisir le Conseil constitutionnel en posant une question prioritaire de constitutionnalité et le droit de saisir le Conseil supérieur de la magistrature. C’est le troisième volet de ces droits nouveaux que nous abordons une fois encore aujourd'hui : la création du Défenseur des droits.

Je tiens d'ailleurs à rappeler que la rédaction de l’article 71-1 de la Constitution adoptée en 2008 doit en grande partie sa qualité au travail qui avait été accompli alors par le Sénat, notamment par le président de la commission des lois.

Nous avons adopté, le 3 juin 2010, en première lecture, le projet de loi organique relatif au Défenseur des droits, que nous avons amélioré, avec l’accord du Gouvernement, notamment en incluant la HALDE dans le périmètre des nouveaux pouvoirs du Défenseur des droits.

Il a fallu attendre sept mois – c’est dommage – pour que l’Assemblée nationale se saisisse à son tour, en première lecture, de ce texte important, qui nous revient, aujourd'hui, en deuxième lecture.

Force est de constater que l’accord entre nos deux assemblées est assez large, malgré quelques divergences. Seuls cinq articles ont été adoptés conformes, mais l’Assemblée nationale a procédé à la réécriture, parfois bienvenue, de plusieurs articles, que la commission a adoptés sans modification.

En réalité, seule l’intégration du Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans le périmètre de compétence du Défenseur des droits fait l’objet d’une divergence profonde entre nos deux assemblées. Nous en avons longuement discuté en première lecture, et cette question est de nouveau abordée cet après-midi.

D’abord, notons que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté n’est pas de même nature que l’actuel Médiateur de la République ou le futur Défenseur des droits.

En effet, il n’est pas saisi par des personnes individuelles qui veulent obtenir la défense de l’un de leurs droits. Il visite de façon impromptue tous les lieux de détention, qu’il s’agisse des maisons d’arrêt, des lieux de garde à vue ou des lieux hospitaliers. C’est une bonne chose, les détenus, comme parfois les gardiens eux-mêmes, ayant des réticences à saisir une autorité extérieure, de peur des représailles. Par conséquent, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est là non pour garantir la défense individuelle d’un droit, mais pour s’assurer du bon fonctionnement global des lieux de détention.

Son rôle est donc complémentaire, tout en étant différent, de celui qu’exerce actuellement le Médiateur de la République et qui lui sera confié, demain.

À cet égard, je tiens à rappeler que le Médiateur de la République dispose de ses propres correspondants dans les lieux de détention. Le travail commun réalisé par ce dernier et par le Contrôleur général peut parfaitement se poursuivre ; c'est la raison pour laquelle la commission des lois pense que ce serait une erreur grave d’intégrer le Contrôleur général des lieux de privation de liberté au sein du Défenseur des droits.

De surcroît, les dispositions qui nous viennent de l’Assemblée nationale ne sont pas sans poser quelques problèmes, puisqu’elles prévoient que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté termine son mandat – l’échéance de ce dernier est fixée au 1er juillet 2014 – avant d’être intégré au Défenseur des droits. Comment voulez-vous que l’actuel Contrôleur général exerce correctement sa mission si on lui annonce qu’il est condamné à disparaître dans un proche avenir ? En seulement deux ans d’existence, il a pourtant su démontrer la qualité de son travail.

C'est la raison pour laquelle la commission est revenue au texte initial du Sénat et demande que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ne soit pas intégré au sein du Défenseur des droits.

Un autre litige, cette fois-ci interne au Sénat, oppose les deux assemblées ; il concerne le Défenseur des enfants. On sait que cette institution a entrepris une vaste opération de propagande, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il a le droit d’aller voir les parlementaires, cela fait partie des libertés fondamentales !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

… afin de rester extérieure au Défenseur des droits.

Je tiens à préciser que, aux termes de l’article 71-1 de la Constitution, il existe un seul défenseur des droits, et non pas trois, quatre ou cinq ! Les droits des mineurs, des adolescents, sont des droits comme les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Par conséquent, on ne peut pas les saucissonner.

D’ailleurs, quel poids aurait demain un défenseur des enfants séparé du Défenseur des droits, en d’autres termes une petite organisation face à une organisation constitutionnelle ? Comment le Défenseur des enfants pourrait-il agir alors que le Défenseur des droits aurait la même compétence et pourrait à tout moment se substituer à lui ? Il est donc irréaliste de vouloir maintenir, en dehors du Défenseur des droits, le Défenseur des enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Et la Convention internationale des droits de l’enfant ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

À terme, je pense que le modèle que nous sommes en train de mettre en place, c'est-à-dire l’instauration d’un défenseur des droits muni de très vastes pouvoirs, qui contrôle la totalité des droits et des libertés, sera suivi par d’autres pays. Nous n’avons donc pas à nous référer à des modèles existants qui sont, à mon avis, condamnés à disparaître.

Quant aux différents points soulignés par M. le garde des sceaux, nous sommes partiellement en accord avec le Gouvernement sur certains d’entre eux et en désaccord sur d’autres, et ce pour la simple raison que nous étions parvenus à une entente, en première lecture, avec le précédent garde des sceaux. Nous en sommes par conséquent revenus à ce qui était admis par ce dernier, notamment en ce qui concerne le rôle des collèges et des adjoints, et le droit de « navette », en quelque sorte, entre le Défenseur des droits et les collèges.

En réalité, nous voulons que le Défenseur des droits soit non un « dictateur » des droits, mais véritablement celui qui assure leur défense, et il ne peut le faire qu’en s’entourant de conseils. Il ne peut s’agir d’un homme seul, qui détiendrait la vérité en matière de droits et de libertés, d’où la nécessité du dispositif que nous avons mis sur pied et que nous avons développé.

Enfin, je dirai quelques mots sur le projet de loi ordinaire relatif au Défenseur des droits, sur lequel nous sommes, pour l’essentiel, en parfait accord avec l’Assemblée nationale. Il n’y a donc pas lieu d’y revenir, à l’exception d’un certain nombre de mesures adoptées par l’Assemblée nationale par le biais d’amendements qui ont un rapport extrêmement ténu avec le Défenseur des droits.

Ces dispositions, que le garde des sceaux a évoquées tout à l’heure, concernent la nécessité de mettre rapidement en conformité la pratique avec le droit, sous peine de voir les décisions de la CNIL devenir inopérantes. Si nous ne faisions pas cette réforme, cette dernière autorité disparaîtrait et ses décisions ne pourraient plus être appliquées, ce qui ouvrirait la porte à toute une série de dérives, dont on mesure mal les conséquences aujourd'hui.

La commission s’est par conséquent ralliée aux mesures votées par l’Assemblée nationale, sauf à celle qui vise la composition du collège et la désignation du président de la CNIL.

En effet, elle estime inopportun de régler ce point à l’occasion de l’examen des textes qui nous sont aujourd'hui soumis. D’importants problèmes se posent en effet, notamment la coexistence au sein du collège de deux catégories de membres, seuls les membres de l’une d’entre elles pouvant devenir président, les représentants du Parlement ne disposant pas de cette faculté. Nous ne saurions donc accepter cette situation de gaieté de cœur.

Par conséquent, la commission demande que la question de la composition du collège de la CNIL et de la désignation de son président soit traitée séparément et examinée ultérieurement.

Compte tenu de cette remarque, nous voterons le projet de loi ordinaire, à l’exception de l’article 1er, que je viens d’évoquer.

Avant de conclure, je formulerai une dernière remarque. L’Assemblée nationale a cru bon de reconnaître au Défenseur des droits la possibilité d’organiser des actions collectives, auprès du Conseil d’État notamment. Nous estimons que l’action collective doit relever de la compétence des syndicats et des associations représentatives, et non du Défenseur des droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Une telle mesure reviendrait en effet à transférer au Défenseur des droits les quelque 500, 600 ou 700 recours qui sont actuellement soumis au Conseil d’État.

L’action collective est justifiée et mérite un débat au Parlement, mais pas dans le cadre de l’examen des présents textes.

La mise en place du Défenseur des droits constitue une avancée considérable dans la protection des droits et des libertés de nos concitoyens. Cette nouvelle institution à caractère constitutionnel devrait, selon moi, servir de modèle à l’avenir.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le garde des sceaux, avez-vous donc tellement peur, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Mais non ! Est-ce que j’ai l’air d’avoir peur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. … et le Gouvernement avec vous, de l’indépendance d’instances indépendantes ?

M. le garde des sceaux fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Certes, d’aucuns nous diront que la Constitution a été modifiée. Pour notre part, nous n’avons pas voté en ce sens. Mais pour quel résultat aujourd'hui ? Vous nous proposez un Défenseur des droits nommé par le Président de la République. Et ce Défenseur proposera des adjoints au Premier ministre, qui les nommera. En d’autres termes, le Président de la République nomme le Défenseur des droits, et le Premier ministre nomme les adjoints. Le pouvoir exécutif plus le pouvoir exécutif plus le pouvoir exécutif égalent le pouvoir exécutif !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mes chers collègues, les institutions qui ont été mises en place ont eu une grande force : elles ont été présidées par des personnalités désignées…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Par le Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. … dans les conditions que nous connaissons – je le dis moi-même ; ainsi, il sera inutile que vous le redisiez, monsieur le garde des sceaux !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mais tout le monde voit qu’il s’agit aujourd'hui d’une régression.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En effet, le Défenseur des enfants, le président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité ou celui de la HALDE n’auront plus du tout la même autorité. Ce seront des adjoints, des « collaborateurs » – pour reprendre une expression chère au Président de la République – du Défenseur des droits. Tout cela parce que vous voulez tout encadrer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Il faut dire la vérité : dans certains cénacles, on n’a pas beaucoup apprécié que Mme la Défenseure des enfants s’intéresse au sort des enfants dans certains centres de rétention

M. Jean-Pierre Michel applaudit

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

De même, et je vous renvoie aux écrits de M. Beauvois, magistrat à la Cour de cassation, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… on n’a pas beaucoup aimé que la CNDS enquête en toute indépendance, fasse des investigations et émette des avis sur certains agissements de représentants de la police ou de la gendarmerie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Au demeurant, de tels agissements n’étaient pas – nous le savons – représentatifs du travail effectué par la grande majorité des policiers et des gendarmes, qui accomplissent leurs missions dans de bonnes conditions.

L’indépendance des instances concernées est apparue à la fois dans les rapports publiés et dans le travail effectué. Je pense notamment à l’action menée par Mme la Défenseure des enfants à l’échelon international.

Comme vous le savez, dans la plupart des pays européens, il existe des instances indépendantes pour traiter la question des enfants. Tout le monde comprend que les enfants sont vulnérables et ont besoin d’être protégés. Et nous voyons bien qu’un adjoint ou un collaborateur sous l’autorité directe du Défenseur des droits n’auront pas la même autorité !

À cet égard, Mme Versini a écrit ces derniers jours les textes que vous connaissez, M. Molinié a publié un article allant exactement dans le même sens et M. Beauvois dit la même chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il peut y avoir quelques différences entre eux, mais si tous ont ressenti la nécessité de nous écrire, ce n’est tout de même pas pour rien !

Certes, il y aura, nous dit-on, des collèges. Mais, monsieur le garde des sceaux, vous nous expliquez que ces collèges ne doivent pas avoir trop de pouvoirs. Et nous ne savons pas très bien ce que seront leurs prérogatives exactes, ni qui les nommera. Ce que nous savons, c’est qu’ils ne devront pas être trop indépendants…

Et lorsque le Défenseur des droits ne suivra ni les recommandations de son adjoint ni celles du collège, il ne sera pas tenu de motiver sa décision. C’est ce qui ressort de votre texte, monsieur le garde des sceaux. Telle est la vérité !

Il n’y aura pas d’indépendance ! Le Défenseur des droits pourra prendre des décisions contraires à l’avis des adjoints, privés de tout pouvoir, et à celui des membres du collège, eux aussi privés de tout pouvoir, et il n’aura même pas à justifier ses choix !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Franchement, mes chers collègues, tout le monde sait que ce que je dis est vrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

À partir du moment où tout le monde sait que ce que je dis est vrai, comment le Sénat pourrait-il valider une telle régression ? Ce que vous habillez par la création du Défenseur des droits est en réalité une centralisation de l’institution !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous refusez l’indépendance des instances en cause, qui ont fait preuve de leur efficacité, car vous ne supportez tout simplement pas qu’elles puissent émettre leur avis dans les conditions que nous connaissons !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La France, paraît-il, est le pays de la séparation des pouvoirs. Nous sommes, m’avait-on dit, les enfants et les petits-enfants de Montesquieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En quoi serait-il préjudiciable à la République d’avoir une pluralité d’instances chargées de veiller scrupuleusement à l’État de droit et de défendre les concitoyens ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Les enfants, la déontologie de la sécurité sont des sujets tellement sensibles et importants.

À propos des discriminations, monsieur le garde des sceaux, nous avons même entendu votre collègue du Gouvernement, qui fut présidente de la HALDE, nous expliquer devant la commission des lois du Sénat qu’elle défendrait bec et ongles l’indépendance de l’institution !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je crains que ses paroles ne fussent, en l’espèce, quelque peu éphémères.

Et j’entends dire, ici ou là, que la nomination du futur Défenseur des droits pourrait obéir à quelques considérations de confort…

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

M. Roland Courteau. Oh ! Serait-ce possible ?

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mais vous voyez bien les procès qui existeront de toute manière.

Lors de la révision constitutionnelle, nous avions proposé, et nous vous soumettrons de nouveau cette très belle idée aujourd'hui, que le Défenseur des droits et même ses adjoints fussent désignés par la majorité positive des trois cinquièmes des représentants des commissions parlementaires compétentes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… à trouver des consensus sur des personnalités présentant une haute valeur éthique dans leur domaine de compétences.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous n’en voulez pas, alors que cela existe dans nombre de pays étrangers. Vous avez tort.

Pour notre part, nous défendrons la République de Montesquieu…

Exclamations ironiques sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. … et la nécessité d’instances indépendantes pour protéger les droits les plus essentiels, auxquels nous sommes tous profondément attachés !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il s’agit aujourd'hui d’appliquer la Constitution, que l’on ait approuvé la révision de 2008 ou non.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Et le projet de loi qui nous est soumis évolue constamment, s’agissant en particulier du périmètre de compétences du nouveau Défenseur des droits.

C’est rare, mais je ne partage pas l’opinion de notre excellent collègue Jean-Pierre Sueur. En effet, comme il vient lui-même de nous le démontrer, des présidents d’autorité administrative qui avaient été désignés dans des conditions similaires ont pu agir en toute indépendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Aujourd'hui, la commission des lois du Sénat et son rapporteur proposent des modifications sensibles au texte issu des travaux de l’Assemblée nationale. Si nous approuvons fortement les changements visant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, d’autres nous paraissent moins positifs.

En application de l’article 71-1 de la Constitution, le Défenseur des droits est chargé d’exercer une compétence générale en matière de protection des droits et libertés.

Alors que nous avons l’habitude d’être constamment interpellés par les citoyens sur le thème « J’ai le droit de… », tout en étant perdu dans les arcanes permettant de faire reconnaître de tels droits ou leur inexistence, et que la solitude du citoyen paraît souvent inversement proportionnelle à la multiplication des moyens de communication et des structures d’assistance, le Défenseur des droits peut être un moyen de rassurer le citoyen face à ce qu’il considère comme une complexification constante de la société, avec l’arbitraire qui semble l’accompagner.

Selon nous, cette nouvelle institution n’a de sens que si elle est accessible à chacun, efficace sur le terrain, et si elle dispose des moyens indispensables à une telle mission. Elle n’a de sens que si elle est véritablement indépendante, gage d’une impartialité indiscutable.

Tout comme notre collègue Jean-Pierre Sueur, nous avons déploré que l’application de l’article 13 de la Constitution prévoie la nomination du Défenseur des droits par décret en conseil des ministres, le seul barrage étant la majorité négative des trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions permanentes compétentes de chaque assemblée.

S’il est un domaine dans lequel la désignation doit être la plus exemplaire, la plus signifiante du point de vue de l’éthique, c’est bien celui du Défenseur des droits.

Nous ne sommes pas favorables à la multiplication des autorités administratives plus ou moins indépendantes, dont l’inflation non seulement est coûteuse, mais les rend illisibles pour le citoyen et souvent inaudibles par l’État et l’opinion. Selon le Conseil d’État, en 2001, il existait trente-quatre autorités administratives indépendantes, dont la plupart d’entre nous aurions le plus grand mal à citer une petite minorité.

Il nous paraît donc souhaitable de procéder au regroupement de plusieurs de ces autorités administratives indépendantes dans le cadre du présent projet de loi, à la condition qu’il y ait une cohérence dans les champs d’action qui leur sont dévolus. S’il résulte des travaux de la commission que le Défenseur des droits se voie confier deux fonctions relevant de deux logiques différentes – c’est là le problème –, le contrôle et la médiation, il existe néanmoins un risque que l’une de ces deux missions ne soit privilégiée lorsqu’elles sont regroupées et exercées par une autorité unique. La cohabitation de ces deux responsabilités peut devenir délicate.

Par rapport à cette logique, il nous semble parfaitement justifié que la HALDE et le Défenseur des enfants soient regroupés au sein de la nouvelle entité. L’Histoire le démontre : mon groupe – je ne siégeais pas au Sénat à l’époque – avait unanimement voté la création de la HALDE, alors que d’autres s’y étaient opposés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

À mon sens, d’autres autorités administratives indépendantes auraient d’ailleurs pu être concernées par un tel regroupement.

Nous avons pu avoir le sentiment que la résistance des responsables chargés des deux autorités précitées et les campagnes médiatiques coûteuses utilisées à cette fin relevaient plus de la défense des fonctions de responsabilité susdites que de celle des discriminés et des enfants.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

En première lecture, j’avais souligné le caractère corporatiste de certaines réactions et l’inopportunité de l’utilisation de fonds publics pour mener des campagnes promotionnelles.

J’en viens au Contrôleur général des lieux de privation de liberté et à la CNDS.

Nous souscrivons pleinement à la position de la commission refusant l’intégration en l’état du Contrôleur général au sein du Défenseur des droits.

Selon le rapport de la commission, le Contrôleur général « exerce avant tout, par un droit de visite des lieux de privation de liberté, une mission de contrôle, afin de s’assurer du respect des droits intangibles inhérents à la dignité humaine. » Il intervient sans saisine, sachant que l’homme privé de liberté est souvent trop fragilisé pour saisir directement l’autorité administrative indépendante.

Vous rappelez également dans ce document, monsieur le rapporteur, que l’Assemblée nationale, considérant que les missions de la CNDS sont très proches de celles du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, leur avait appliqué la même solution : le report de leur fusion au sein de celles du Défenseur des droits au 1er juillet 2014. Pour nous – et nous sommes en désaccord sur ce point avec vous –, il est illogique que vous ne nous proposiez pas d’appliquer le même traitement à ces deux autorités, en rejetant, en l’état, cette fusion. La CNDS a considéré, très justement, que la nouvelle organisation, notamment le mode de désignation des membres des collèges, n’offrait aucune garantie d’impartialité objective.

De plus, le projet de loi organique permet aux autorités mises en cause de s’opposer à une vérification sur place « pour des motifs graves et impérieux liés à la défense nationale ou à la sécurité publique » ; pour passer outre ce refus, le Défenseur des droits doit saisir le juge des référés, sans que les conditions de forme et de procédure soient davantage précisées, monsieur le rapporteur. En outre, le projet de loi organique initial accordait au Défenseur des droits le pouvoir arbitraire de rejeter, en cette matière, toute requête sans motivation. C’est donc à juste titre que la CNDS a pu déclarer que, sur ce point, le texte marquait un recul des garanties démocratiques. Pour nous, cette observation est importante.

Dans un autre registre, nous souscrivons à l’analyse du rapporteur, lorsqu’il considère que la procédure d’action collective en droit administratif doit encore « faire l’objet de réflexions complémentaires »…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

C’est un euphémisme !

En résumé, ce texte, depuis l’origine, nous pose un problème de principe, du fait de l’application de l’article 13 de la Constitution, mais à l’exception du problème posé par la disparition de la CNDS, sur lequel nous ne pouvons souscrire aux conclusions de la commission, il réalise certaines avancées que nous reconnaissons. En conséquence, la majorité des membres du groupe du RDSE s’abstiendront.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, dès la révision constitutionnelle de juillet 2008, les membres du groupe CRC-SPG avaient exprimé leur scepticisme quant à la création du Défenseur des droits.

Soyons clairs : mon groupe est favorable, comme nous l’avions déjà dit à l’époque, à la consécration de la défense des droits dans la Constitution ; nous souhaiterions même y inscrire les principes de l’effectivité et de l’opposabilité des droits fondamentaux, mais la majorité l’a refusé ! Nous avions également indiqué notre accord à l’exercice, avec des pouvoirs accrus, par le futur Défenseur des droits des missions actuelles du Médiateur de la République et à sa saisine directe par les citoyens.

Cependant, nous n’avions pas voté la création du Défenseur des droits – ni d’ailleurs la révision constitutionnelle –, car cette création posait d’emblée un certain nombre de problèmes : la nomination de cette autorité par le Président de la République, sur la base de l’article 13 de la Constitution, ne garantissait aucunement son indépendance ; le périmètre de ses compétences et ses moyens d’intervention n’étaient pas précisément définis ; en revanche, l’absorption par le Défenseur d’autorités administratives indépendantes, qui avaient pourtant fait la preuve de leur utilité et de leur pertinence, était annoncée.

Vous avez voulu nous convaincre que le Défenseur des droits français serait en quelque sorte « copié » sur les ombudsmen existant dans d’autres pays, comme en Espagne ou dans les pays nordiques. Je ne crois absolument pas à cette « copie » d’institutions appartenant à des pays aux constitutions très différentes de la nôtre.

En Espagne, par exemple, le Défenseur du peuple a été créé dans une période historique précise, l’après-franquisme, et dans un système monarchique. Ses attributions sont plus ou moins celles de notre Médiateur de la République, mais l’Espagne est un pays fédéral et les régions ont chacune leur propre défenseur des droits, intervenant comme un médiateur. Le Défenseur du peuple est donc loin de connaître du nombre des saisines qui attendra le Défenseur des droits français.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Quant aux pays nordiques, de petite taille, plusieurs d’entre eux sont aussi des monarchies. Il est difficile, là encore, de comparer les interventions de leurs ombudsmen avec celles du Défenseur des droits français. A contrario, dans la plupart de ces pays, les ombudsmen sont désignés par les assemblées parlementaires, ce qui garantit le respect d’un minimum d’impartialité dans leur nomination. Or vous proposez de faire le contraire !

Vous ne manquez pas de souligner, dans le débat, que les quatre autorités fusionnées au sein du Défenseur des droits ont, elles aussi, été nommées par l’exécutif : cette affirmation a été maintes fois répétée devant la commission. Vous nous dites donc – je vous ai entendu, monsieur le rapporteur ! – que l’indépendance n’est pas liée au mode de nomination. De facto, vous reconnaissez l’indépendance des autorités en cause, et vous affirmez que, puisqu’elles sont nommées par l’exécutif, cette indépendance est sans lien avec le mode de nomination. Curieuse façon de « revisiter » le problème !

Tout d’abord, nous défendons, pour ce qui nous concerne, le principe de la nomination par le Parlement, statuant à la majorité des trois cinquièmes de ses membres, de toute autorité qui se veut indépendante ; pour l’instant, cette règle ne s’applique même pas en France…

En revanche, la brève histoire des autorités dites « indépendantes » prouve que la spécificité de ces dernières attachées à des domaines précis et, pour certaines, la pluralité de leur collège leur ont permis d’être au plus près de la réalité du terrain et d’être mieux à même de prendre une certaine distance à l’égard de l’exécutif. Ces autorités sont donc perfectibles, mais la recentralisation sur la seule personne nommée par le Président de la République ne nous paraît pas la bonne voie, au contraire ! D’ailleurs, comme l’a indiqué élégamment notre collègue Jean-Pierre Sueur, les supputations relatives aux personnes qui pourraient être désignées ne nous rassurent absolument pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

La nomination du Défenseur des droits selon la procédure prévue par l’article 13 de la Constitution ne peut qu’entacher son autorité morale, et donc la crédibilité de ses décisions. Nous examinons aujourd’hui une sixième version des dispositions relatives aux modalités de sa mise en œuvre. Hélas, jusqu’à présent, le débat parlementaire n’a pas apporté de réponse aux préoccupations exprimées par mon groupe – et pas uniquement par lui, vous en conviendrez.

Certes, en première lecture, la commission des lois, sous votre impulsion, monsieur le rapporteur, a tempéré le projet de loi initial sur certains aspects. Elle a bien perçu des contradictions inhérentes à l’institution du Défenseur des droits, au regard de la composition, de la spécificité, des modes d’intervention des autorités administratives indépendantes actuelles. Elle a tenté, par exemple, de redonner une certaine visibilité à leurs missions en créant des adjoints spécialisés du Défenseur des droits.

Dans le même temps, le rapporteur et la majorité ont décidé de faire disparaître la HALDE, qui était encore indépendante, au sein des missions du Défenseur des droits. À l’époque, sa présidente fraîchement nommée – mais devenue aujourd’hui membre du Gouvernement – défendait le principe d’une existence indépendante de la HALDE. Comme quoi la situation est assez bizarre !

Concernant le Défenseur des enfants, nous avons pu nous réjouir qu’une majorité se soit dégagée en séance publique, lors de la première lecture, pour maintenir son existence formelle. Mais c’était sans compter sur l’obstination du Gouvernement à la mettre en cause ni sur le revirement qu’il a alors obtenu de sa majorité. Ce précédent augure bien mal de l’indépendance du futur défenseur !

Depuis, à l’Assemblée nationale, la majorité, ne s’embarrassant pas même d’un « apprêt » démocratique, a supprimé l’intervention parlementaire dans la nomination des adjoints et en a fait de simples « assistants » – des « chefs de service non identifiables » comme le dit avec raison Mme Versini. Ce faisant, les députés de la majorité ont retiré toute visibilité à la spécificité des missions du Défenseur des droits, y compris celles de défenseur des enfants, que le Sénat avait un tant soit peu reconnue, eu égard à la convention internationale relative aux droits de l’enfant et à la particularité de ces missions, qui ne se limitent pas à la défense de dossiers individuels. Ils ont réduit la composition et les pouvoirs des collèges et exclu toute cooptation en leur sein de personnes qualifiées bénéficiant d’une large reconnaissance et – ce n’était pas la moindre des dispositions – ils ont transféré au Défenseur des droits les missions du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Bien entendu, la commission des lois du Sénat est revenue sur cette disposition inacceptable, mais la logique suivie par le Gouvernement apparaît dans toute son évidence : il s’agit de recentraliser toutes les fonctions de contrôle sous la coupe d’un seul personnage, nommé par le Président de la République.

La Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, soulignait, voilà déjà un an, à propos du contour de la nouvelle autorité : « la multiplicité des buts recherchés et les versions successives des projets relatifs au Défenseur des droits expliquent les incertitudes et ambiguïtés de la disposition constitutionnelle finale [...] ». Un an après, cette appréciation demeure d’actualité.

Il peut sembler pour le moins paradoxal que des dispositions devant fonder la protection des droits et des libertés puissent être perçues comme inquiétantes, au point de susciter autant de critiques de la part d’associations, d’organisations non-gouvernementales, de syndicats, de la CNCDH, et même des responsables des autorités visées, bien qu’elles aient été nommées par le Président de la République.

Qu’il s’agisse du Défenseur des enfants, de la HALDE ou de la CNDS, autorités qui ont toutes une courte existence, le bilan de leur activité confirme leur utilité et leur pertinence. Mais nul n’ignore qu’ils gênent le Gouvernement, ou tel ou tel détenteur de pouvoirs.

Dans son dernier rapport, le Comité des droits de l’enfant a pointé du doigt des évolutions qui contredisent l’esprit de la convention internationale relative aux droits de l’enfant, en matière de justice des mineurs, de traitement des mineurs étrangers isolés, ou encore de mal-logement et de pauvreté des enfants. Ce constat rejoint les préoccupations exprimées par le Défenseur des enfants depuis la création de cette autorité. Souvenez-vous : les parlementaires de la majorité avaient très peu apprécié, y compris dans cet hémicycle, que cette dernière dénonce les grandes disparités observées, entre départements, dans le domaine de l’enfance.

Pour ce qui concerne la HALDE, « elle a permis de mettre fin à l’impunité dans un certain nombre de domaines » – pardonnez-moi si j’ai plaisir à reprendre les termes employés par Mme Bougrab lorsqu’elle en était présidente, même si elle a sûrement changé d’avis depuis ! Serait-ce précisément ce comportement que vous reprochez à cette institution ? Ou encore ses prises de position contre les tests ADN pour les candidats au regroupement familial ? Ou ses mises en cause de grosses entreprises comme BNP-Paribas ou Airbus en raison de pratiques discriminatoires ? Pour nous, tant que les discriminations existeront, tant que le combat pour l’égalité sera justifié, la HALDE aura vocation à poursuivre son activité, y compris à un niveau global.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cette action pose problème à certains, parce que ces discriminations sont avérées et qu’ils ne veulent pas l’entendre !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Quant à la CNDS, que j’ai saisie moi-même à moult reprises au sujet de gardes à vue qui se sont très mal passées à Paris, son utilité n’a cessé d’être démontrée : 97 saisines en 2004, 228 en 2009, conséquences d’une politique du chiffre et d’un jusqu’au-boutisme sécuritaire, qui a des effets très négatifs sur les forces de police.

Vous l’avez compris, mes chers collègues, nous continuerons, dans ce débat, à vous demander d’entendre raison et de ne pas fondre les autorités existantes dans une structure très lourde et centralisée. Si nous n’obtenons pas gain de cause, nous défendrons des amendements de repli destinés à retreindre la dépendance du Défenseur des droits à l’égard du pouvoir politique et à instaurer un peu de démocratie en son sein. Il paraît logique d’accroître les pouvoirs de cette nouvelle institution, mais cet accroissement exige, concernant les adjoints et les collèges, un mode de désignation et des pouvoirs différents de ceux qui sont inscrits dans le projet de loi organique. En particulier, ses membres devraient se voir reconnaître la possibilité de procéder à des visites véritablement inopinées.

Le Président de la République veut en finir avec les contre-pouvoirs…

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il met sous tutelle les médias, la justice, et maintenant des autorités administratives indépendantes. Le parallèle existant entre la tendance lourde des lois sécuritaires, des lois de stigmatisation des étrangers et un repli frileux quant au contrôle du respect des droits et libertés par les institutions est pour le moins troublant, ou trop significatif ! Pour nous, il est évident !

Le combat pour les droits est exigeant : il doit être mené sans équivoque et ceux qui s’en préoccupent doivent être totalement détachés du pouvoir exécutif.

Pour toutes ces raisons, en l’état des projets de loi que nous examinons, les membres du groupe CRC-SPG voteront contre.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.

M. Hervé Maurey applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Amoudry

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, avec le projet de loi organique qui nous est soumis aujourd’hui, nous franchissons une étape supplémentaire dans la mise en œuvre des nouvelles réformes issues de la dernière révision constitutionnelle. Ce texte, en effet, rassemble quelques-unes des dispositions législatives d’application de la révision de 2008 non encore adoptées par le Parlement.

Je me félicite, d’ailleurs, que le Gouvernement ait enfin déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale les deux derniers textes d’application de cette révision : celui qui est relatif au référendum d’initiative populaire et celui qui concerne la responsabilité du chef de l’État.

Je souhaite que nous puissions examiner prochainement l’ensemble de ces textes, car la loi constitutionnelle dont ils découlent date, il faut le rappeler, de juillet 2008 !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Raffarin

Si vous l’aviez votée, cela aurait été plus vite !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Amoudry

L’article 71-1 de la Constitution, résultant de la loi constitutionnelle susvisée, crée un Défenseur des droits, auquel toute personne s’estimant lésée par le fonctionnement d’un service public pourra adresser une réclamation.

Le Défenseur des droits prend la suite d’une institution créée en 1973 et dont l’importance n’a jamais cessé de croître depuis : le Médiateur de la République. Il est aujourd’hui incontestable que ce dernier a contribué à l’amélioration des relations entre l’administration et les citoyens. Il importe de rappeler et de souligner cette réussite, plus généralement la popularité de cette institution, pour mieux mesurer l’importance de celle qui doit la remplacer, d’autant que le Défenseur des droits a vocation à couvrir un champ de compétences beaucoup plus large que celui du Médiateur de la République. Le Défenseur des droits disposera, en effet, des prérogatives actuellement dévolues à la Commission nationale de déontologie de la sécurité, au Défenseur des enfants et à la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.

En 2008, le constituant a donc voulu assurer le regroupement d’autorités administratives indépendantes aux missions voisines. Ce choix vise à consolider les missions de ces dernières en les confiant à une seule autorité constitutionnelle, dotée de pouvoirs renforcés.

Le Parlement a continué sur cette voie, allant plus loin que ce que prévoyait le texte déposé initialement par le Gouvernement, puisque le Sénat avait, en première lecture, intégré la HALDE au périmètre du Défenseur des droits.

Puis l’Assemblée nationale a franchi une étape supplémentaire en suivant les propositions de son rapporteur et en étendant les missions du Défenseur des droits au contrôle des lieux de privation de liberté. Ainsi, le texte voté à l’Assemblée nationale prévoyait l’intégration dans le champ de compétences du Défenseur des droits du Contrôleur général des lieux de privation de liberté à compter du 1er juillet 2014.

En première lecture, la commission des lois du Sénat avait envisagé une telle intégration, comme l’a justement rappelé M. le rapporteur tout à l’heure. Mais, après un examen très approfondi de cette question, nous avons considéré qu’une telle mesure ne pourrait être décidée qu’au regard du premier bilan d’activité du Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il faut rappeler que cette autorité est apparue très récemment – elle a été créée par une loi de 2007 – et n’est réellement installée que depuis le mois de juin 2008.

De plus, la mission du Contrôleur général des lieux de privation de liberté s’inscrit avant tout dans une démarche de contrôle et de prévention, au moyen de nombreuses visites sur place. Elle se distingue donc par sa nature de celle du Défenseur des droits, lequel, comme sa dénomination l’indique, a d’abord vocation à défendre les droits de nos concitoyens.

Autrement dit, sur le fond, cette intégration n’est peut-être pas une bonne idée.

Quoi qu’il en soit, sur la forme, il s’agit sûrement d’une mauvaise idée. En effet, décider aujourd’hui d’une intégration qui ne prendrait effet que dans trois ans affaiblirait sans nul doute largement le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Nous nous félicitons donc de l’initiative de M. le rapporteur suivie par la commission des lois et visant à maintenir un Contrôleur général des lieux de privation de liberté indépendant du Défenseur des droits. J’espère que les arguments présentés par le Sénat sur ce sujet sauront convaincre l’Assemblée nationale.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je n’en suis pas certain…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Amoudry

Concernant le Défenseur des enfants, une large majorité des membres du groupe de l’Union centriste sont favorables à l’organisation qui a été retenue dans le texte établi par la commission.

Il était indispensable de maintenir un Défenseur des enfants dénommé comme tel, pour des raisons évidentes d’identification. Enfin, le rattachement de ce dernier au Défenseur des droits lui sera favorable, puisqu’il bénéficiera ainsi de moyens d’action renforcés.

Au-delà, c’est l’ensemble des adjoints du Défenseur qui ont vu leurs prérogatives confortées par les travaux de la commission des lois : ils disposeront ainsi de moyens à la hauteur de leurs missions.

À l’Assemblée nationale, la première lecture du projet de loi a été marquée par le dépôt de plusieurs amendements gouvernementaux relatifs à la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Le garde des sceaux a expliqué qu’il s’agissait de se conformer à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. En effet, ces amendements font suite à un arrêt rendu par le Conseil d’État le 6 novembre 2009 annulant deux décisions de sanction de la CNIL sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Sur la forme, et à l’évidence, ces amendements peuvent être perçus comme des cavaliers législatifs.

Néanmoins, l’urgence de la situation, elle, ne fait aucun doute. L’adoption de ces dispositions est donc indispensable, car l’activité de la CNIL est, depuis plusieurs mois déjà – ce point a été souligné –, largement contrariée par l’absence de base législative, conséquence de cette jurisprudence récente.

Enfin, se démarquant des objectifs précités, l’un des amendements gouvernementaux vise à créer une incompatibilité entre la fonction de président de la CNIL et toute autre activité professionnelle, ainsi que tout mandat électif. Ce point a fait l’objet d’un large débat en commission, bien qu’étant fort étranger à la question du Défenseur des droits et que, en l’espèce, il ne s’agisse pas de se conformer à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme…

Autrement dit, si les premiers amendements relatifs à la CNIL ont pour justificatif l’urgence de la situation, le même argument n’est pas recevable pour la présidence de la CNIL.

Sur le fond, la question posée est réelle : l’augmentation constante des missions et de la charge de travail de la CNIL et de sa présidence ne rend-elle pas cette fonction incompatible avec toute autre activité ? Notre ancien collègue Alex Türk l’a reconnu lors de la dernière réunion de la commission des lois.

Cela étant, je rappelle de nouveau l’absence d’urgence que revêt cette question. Par ailleurs, je me permets d’insister sur le fait que cette problématique n’est peut-être pas limitée à la CNIL…

Aussi, si une réflexion doit être engagée, elle devrait l’être de manière globale et prendre en compte l’ensemble des autorités administratives indépendantes. Pourquoi ne pas prévoir une présence parlementaire en leur sein ? Il serait regrettable que l’on donne l’impression de stigmatiser le cas de la présidence de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Au surplus, l’adoption en l’état de l’amendement gouvernemental en cause engendrerait une composition du collège de la CNIL non conforme à la définition qui en est donnée dans le texte fondant cette dernière.

Pour conclure, je salue l’excellent travail réalisé par M. le rapporteur, Patrice Gélard, …

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

C’est un excellent rapporteur, un grand spécialiste !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Amoudry

… qui a su proposer aux présents textes de mise en œuvre de la dernière révision constitutionnelle de nombreuses améliorations de fond, comme cela avait déjà été le cas en première lecture, et rétablir l’interprétation retenue par la Haute Assemblée, lorsque c’était nécessaire.

Dans ces conditions, la grande majorité des membres du groupe de l’Union centriste voteront pour l’adoption de ces textes.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, je ferai deux remarques en abordant l’examen de ces deux projets de loi organique et ordinaire relatifs au Défenseur des droits.

D’une part, il est temps que les différentes réformes introduites par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 puissent entrer en vigueur, plus de deux ans et demi après cette révision.

Dans une société où les initiatives juridiques les plus audacieuses et les plus innovantes sont bien souvent présentées par les médias comme susceptibles de s’appliquer aussitôt annoncées et avant même que le Parlement n’ait eu la possibilité de s’en emparer, il apparaît indispensable, dans un souci de transparence à l’égard de l’opinion, d’accélérer quelque peu le rythme d’adoption des nécessaires lois organiques de mise en œuvre.

Ce n’est pas toujours chose aisée, j’en conviens, au vu de l’encombrement de l’ordre du jour des deux assemblées, d’autant qu’il importe, en ce domaine davantage encore que dans d’autres, de ne pas confondre vitesse et précipitation. Les nombreuses divergences qui demeurent au seuil de cette deuxième lecture entre l’Assemblée nationale et le Sénat illustrent tant l’importance et la complexité de la question qui nous est soumise que le nécessaire enrichissement devant être apporté à une réforme d’envergure.

D’autre part, l’occasion nous est offerte d’apprécier à sa juste mesure l’intérêt essentiel de la révision constitutionnelle, au risque de donner quelques regrets à ceux qui ne l’ont pas votée et qui ont failli – ils l’ont échappé de bien peu – devoir assumer la responsabilité de son échec.

Certes, bien des points auraient sans doute pu justifier d’autres choix, et il m’est à moi-même arrivé, aux côtés de mon collègue Jean-Pierre Michel, de recommander une évolution du statut du parquet en matière de nomination et de pouvoir disciplinaire. Nous n’avons pas su alors convaincre de la pertinence d’une telle proposition.

En revanche, nous nous rendons mieux compte chaque jour du bouleversement, pour ne pas dire du « big-bang », engendré, notamment en matière de libertés, par le foisonnement des questions prioritaires de constitutionnalité. Nous examinerons bientôt, par exemple, le projet de loi relatif à la garde à vue, pour lequel le compte à rebours de juillet 2011 a commencé à s’égrener.

J’espère que chacun gardera à l’esprit le formidable détonateur qu’ont constitué les questions prioritaires de constitutionnalité ; les exemples pourraient aisément être multipliés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Demain, sans doute, observerons-nous avec le même intérêt les conséquences de la saisine directe par le justiciable du Conseil supérieur de la magistrature et ses implications sur la réconciliation unanimement souhaitée et attendue des Français avec leur justice.

Il en ira de même du Défenseur des droits, de cet ombudsman à la française, nouvelle autorité constitutionnelle de protection des droits, dont les compétences, l’autorité, le statut, les collaborateurs garantiront l’effectivité du rôle qu’il jouera dans notre démocratie. Sur ce point encore, l’opinion aura quelques mérites à suivre attentivement nos travaux. Ainsi, le Médiateur de la République, qui aura certes contribué de manière exceptionnelle au rayonnement de cette institution, préside aujourd’hui le Conseil économique, social et environnemental ; la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité a vu, en quelques mois, trois présidents se succéder à sa tête ; le Défenseur des enfants et la Commission nationale de déontologie de la sécurité souffrent sans doute d’une trop longue transition.

Mais je veux croire que nous touchons au but. Je tiens d’abord à assurer M. le rapporteur de notre gratitude pour le travail remarquable qu’il a accompli une fois de plus, travail auquel l’avait préparé le rapport, aussi exhaustif que passionnant, qu’il rédigea en 2005 pour l’Office parlementaire d’évaluation de la législation sur les autorités administratives indépendantes.

L’une des questions essentielles qui demeure posée concerne le champ de compétence du Défenseur des droits.

Devant l’inflation du nombre des autorités administratives indépendantes, l’extrême diversité de leurs pouvoirs et de leurs moyens, et face au démantèlement de l’État qu’elles risquent parfois d’entraîner, la tentation peut être forte d’opérer des regroupements ambitieux et d’en espérer cohérence, efficacité et gestion moins dispendieuse des deniers publics. Encore faut-il veiller à ce que le Défenseur des droits ne se transforme pas, selon l’expression de M. Gélard, en dictateur des droits ayant tous les pouvoirs !

C’est avec beaucoup de sagesse que la commission des lois n’a pas souhaité intégrer à cette autorité nouvelle le Contrôleur général des lieux de privation de libertés. Cette institution est jeune ; elle doit en partie son indépendance au Sénat, qui avait introduit, avant que la Constitution ne l’impose, le recueil de l’avis des commissions des lois sur la personne pressentie par le chef de l’État pour être nommée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Cette autorité constitue un élément important, aux côtés de la loi pénitentiaire, dans le combat mené par le Parlement depuis les commissions d’enquête de 2000 pour que les prisons cessent à tout jamais d’être une humiliation ou une honte pour la République et deviennent, au contraire, un outil de réinsertion des personnes détenues.

Il est peu de cas, mes chers collègues, où une autorité nouvelle n’ait pas quelque peu déçu les espoirs qu’y placèrent ses fondateurs. C’est pourtant ce que réussit à éviter aujourd’hui Jean-Marie Delarue, de l’avis unanime des uns et des autres dans cet hémicycle. Laissons-lui, laissons à ses successeurs le temps d’accompagner des progrès qualitatifs, avant d’envisager éventuellement de nouveau le regroupement de cette autorité avec le Défenseur des droits.

Comme l’écrit M. le rapporteur, « comment, d’ailleurs, intégrer une institution qui n’intervient pas à titre principal sur saisine des personnes lésées dans leurs droits et dont la mission n’est pas seulement de défense des libertés individuelles, mais de contrôle et de prévention, une mission organisationnelle ? » Même dans un avenir plus lointain, aucun projet ne paraît donc inéluctable.

Nous aurons encore à traiter des modalités de nomination des adjoints, ainsi que du délicat problème des immunités et pouvoirs qui leur seront dévolus. En première lecture, la commission des lois avait souhaité la nomination par le Défenseur des droits de trois adjoints correspondant aux autorités administratives indépendantes qui lui étaient rattachées au-delà du Médiateur de la République, ainsi que la possibilité d’autres nominations pour prendre en charge des missions spécifiques. Elle avait précisé que ces choix seraient soumis à l’avis de la commission compétente de chaque assemblée.

L’Assemblée nationale s’est largement éloignée de ce schéma, au risque de brouiller dans la nouvelle institution le caractère propre et la sensibilité précieuse des anciennes autorités administratives indépendantes.

Il nous faudra trouver le chemin entre l’exigence du progrès dans la défense des droits et le respect des dispositions de l’article 71-1 de la Constitution qui ne prévoient pas expressément l’existence de ces adjoints.

Enfin, sans revenir sur les multiples améliorations introduites par le rapporteur, je souhaiterais simplement relativiser une critique récurrente de certains collègues de l’opposition sur l’indépendance, qui serait toute relative, d’un Défenseur des droits dont le Parlement ne peut s’opposer à la nomination qu’à une improbable majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions des lois.

D’une part, la révision constitutionnelle s’impose désormais à chacun d’entre nous.

D’autre part, et surtout, comment imaginer un seul instant qu’un candidat n’ayant pas recueilli la majorité simple, dont tant la crédibilité que la légitimité seraient ainsi atteintes, puisse politiquement être confirmé par le chef de l’État ?

J’ajoute que jusqu’à présent le Président de la République ne partageait en aucune manière son pouvoir de nomination, et je serais pourtant bien en peine de citer un seul exemple de Médiateur de la République qui n’ait pas fait de son indépendance sa principale ligne de conduite.

Aussi, mes chers collègues, les membres du groupe UMP apporteront tout leur soutien aux deux présents projets de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je constate que les séances publiques se suivent et se ressemblent !

Après avoir discuté des atteintes liberticides du projet de loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dit LOPPSI 2, nous sommes aujourd’hui réunis pour étudier les projets de loi, organique et ordinaire, relatifs au Défenseur des droits, qui marquent incontestablement un « recul des contre-pouvoirs », comme ont pu le souligner certains observateurs.

Exclamations sur le banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Dans la série des atteintes à nos droits fondamentaux et libertés individuelles, la continuité sera malheureusement encore assurée avec la discussion générale sur le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité.

J’ai donc la sensation, à chaque fois que je me rends dans cet hémicycle, de venir assister à un recul du respect et de la protection des droits humains, tout en continuant de lutter inlassablement contre cette surenchère liberticide !

La réforme relative au Défenseur des droits, telle que prévue par le constituant le 23 juillet 2008, avait au moins le mérite d’inscrire cette institution dans la Constitution, ce qui ne peut qu’être salué comme un progrès de l’état de droit.

Toutefois, la satisfaction fut des plus brèves, puisque, comme je l’ai dénoncé avec force et vigueur en première lecture, le Gouvernement souhaite maintenant faire du Défenseur des droits une véritable holding administrative, en lui permettant d’absorber les missions du Médiateur de la République, de la CNDS, de la HALDE et du Défenseur des enfants. Une mise sous tutelle politique, en quelque sorte !

Je salue à ce sujet la vigilance de la commission, qui a su, mercredi dernier, refuser l’intégration du Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans l’institution.

Vous imaginez, mes chers collègues, à quel point je partageais, en tant qu’ancien membre du Conseil supérieur de l’administration pénitentiaire, l’argument défendu par la commission : le contrôle du respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté constitue une mission bien trop spécifique pour accepter une telle absorption au sein du Défenseur des droits. De par sa mission de contrôle des prisons, des centres de rétention administrative, des locaux de garde à vue et de tout autre lieu d’enfermement, il est indispensable que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté puisse conserver son indépendance.

J’estime qu’il en va de même des missions spécifiques exercées par la HALDE, le Défenseur des enfants et la CNDS. Cette dernière reste un outil de contrôle de la police et de l’administration pénitentiaire, dont l’action doit rassurer, et non inquiéter, notre société démocratique.

Vous aurez évidemment noté, mes chers collègues, que je ne conteste pas l’intégration du Médiateur de la République à la nouvelle institution constitutionnelle. Je réaffirme même que la constitutionnalisation d’une autorité chargée de défendre les droits des usagers de l’administration répond parfaitement à l’objectif d’assurer une protection renforcée des libertés et des droits fondamentaux de nos concitoyens.

Mais, j’y insiste, je suis opposée à l’absorption des trois autres autorités administratives indépendantes, aux compétences spécifiques.

Je m’étonne d’ailleurs, monsieur le garde des sceaux, que vous ignoriez à ce point les inquiétudes et les critiques – relayées par la presse – émanant de citoyens, d’associations, de juristes, d’universitaires spécialisés en libertés publiques et d’une partie des parlementaires.

Je pense notamment aux deux avis rendus par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, attirant l’attention du Gouvernement sur les risques d’atteintes à nos libertés qui résulteraient des présents projets de loi : l’avis sur le Défenseur des droits et ses annexes, datant du 4 février 2010, et l’avis, en date du 30 septembre 2010, sur le projet de loi organique relatif au Défenseur des droits adopté par le Sénat au mois de juin 2010.

Dans ce dernier avis, la CNCDH « réitère […] sa recommandation du 4 février 2010 visant, à l’exception du Médiateur de la République qui deviendrait Défenseur des droits, au maintien des autorités existantes, qu’elles soient directement ou indirectement concernées par l’actuel projet de loi organique. Elle souhaite que le Défenseur des droits intervienne comme garant de l’indépendance de ces autorités et d’une meilleure interaction entre elles en favorisant une communauté de moyens, de projets et d’idées au service d’une défense efficace et effective des droits de l’homme. »

Monsieur le garde des sceaux, pourquoi donc solliciter l’avis de la Commission nationale consultative des droits de l’homme si, in fine, vous n’en tenez aucun compte ? Est-ce, encore une fois, pour nous donner l’illusion d’une prétendue concertation sur ces projets de loi ?

Nous pouvons ainsi constater le peu d’intérêt que vous portez aux autorités administratives indépendantes… C’est certainement pour cela que vous souhaitez, dans votre proposition contestable, en englober quatre dans le Défenseur des droits !

Mais personne n’est dupe, et vous ne faites que renforcer nos inquiétudes !

Tout comme la CNCDH, les sénateurs écologistes s’inquiètent de la perte de visibilité des autorités administratives indépendantes qui résulterait de la dilution des mandats de plusieurs d’entre elles au sein du Défenseur des droits.

Ce « méga-défenseur » que le Gouvernement souhaite créer devra, quant à lui, à la fois s’occuper des abus de l’administration, des bavures policières, des droits des enfants et de la lutte contre les discriminations. Ce « tout en un » surréaliste impliquera donc d’opérer des choix dans les causes à défendre. Faudra-t-il trouver une hiérarchie entre les discriminations ?

À ce sujet, je citerai de nouveau l’avis du 30 septembre 2010 de la CNCDH, qui indique, à juste titre, que « ces choix appelleront des arbitrages qui risqueront d’être dictés par des impératifs politiques ou médiatiques (l’émotion de l’opinion publique) non sans risque d’arbitraire. » Je rappellerai également, monsieur le garde des sceaux, que le gouvernement auquel vous appartenez nous habitue régulièrement à ce genre de pratiques consistant à surfer sur la vague de l’actualité et de l’émotionnel populaire !

Vous prévoyez de mettre en place une véritable « braderie » de nos droits fondamentaux et de nos libertés individuelles. Avez-vous l’intention de poursuivre pendant longtemps encore les soldes de nos droits ?

Selon le projet de loi organique, le Défenseur des droits, autorité indépendante, ne recevrait aucune instruction. Il est pourtant nommé en conseil des ministres, donc par le Président de la République !

Si une telle nomination est en vigueur dans certaines des autorités administratives indépendantes qu’il est prévu d’intégrer au Défenseur des droits, nous disposions, au moins, de plusieurs institutions, qui pouvaient avoir une vision différente dans l’approche et le traitement des dossiers.

En Espagne, le Défenseur du peuple est élu par le Parlement à la majorité des trois cinquièmes. En France, c’est l’inverse : le Parlement peut seulement bloquer la nomination par trois cinquièmes des voix au sein de la commission permanente concernée de chaque assemblée... Une procédure envisagée pour être tout à fait inutilisable !

Vous vous appliquez donc, monsieur le garde des sceaux, à accentuer le recul des contre-pouvoirs et à renforcer la toute puissance du Président de la République et du Gouvernement à travers ce Défenseur des droits, qui sera souverain.

Permettez-moi, en cet instant, de saluer le travail qui a pu être effectué par la HALDE, depuis sa création, en matière de lutte contre les discriminations directes ou indirectes, par le Défenseur des enfants, qui a toujours veillé à la protection et à l’effectivité des droits de ces derniers, par la CNDS, que j’ai saisie à plusieurs reprises, comme d’ailleurs un certain nombre de mes collègues, à la suite de suspicions de bavures policières.

Je ne peux donc que regretter le fait que ces autorités administratives indépendantes disparaissent, et je réitère mes inquiétudes et mon opposition à ce projet.

Enfin, je souhaite aborder la question des obstacles conventionnels et constitutionnels à l’absorption de ces autorités administratives indépendantes et, plus particulièrement, de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.

La HALDE trouve son origine dans la disposition d’une directive de l’Union européenne. L’article 13 de la directive 2000/43/CE du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d’origine ethnique prévoit effectivement la mise en place par les États membres d’un ou plusieurs organismes chargés à l’échelon national, d’une part, de promouvoir l’égalité de traitement sans discrimination raciale ou ethnique et, d’autre part, d’assister individuellement les victimes de discriminations dans leurs procédures.

Or, comme l’ont souligné certains éminents juristes et universitaires, la directive susvisée contient une clause de stand still qui dispose que « la mise en œuvre de la […] directive ne peut justifier une régression par rapport à la situation existant dans chaque État membre ». Il n’est donc pas possible au législateur organique d’adopter des mesures qui seraient en retrait par rapport au dispositif issu de la loi du 30 décembre 2004 portant création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Le droit de l’Union européenne produit en l’espèce un effet de « non-retour en arrière ».

Le projet de loi organique qui nous est soumis aujourd’hui, en englobant les missions de la HALDE dans celles du Défenseur des droits, porte gravement atteinte à ce principe. Dès lors, il est incompatible avec les exigences communautaires et les engagements que nous avons pris à l’échelon européen.

Le Conseil constitutionnel ne manquera pas, je l’espère, de sanctionner cette absorption de la HALDE lors de son examen de la future loi organique relative au Défenseur des droits.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas ce texte, qui porte à la fois atteinte au droit européen, au respect et à l’effectivité des droits humains, à l’existence de contre-pouvoirs français indépendants !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

M. le président. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la création du Défenseur des droits s’inscrit dans la volonté du Gouvernement et du Parlement d’une simplification administrative et de l’amélioration des relations entre les usagers et les organismes publics. Nous ne pouvons que nous en réjouir et saluer, en particulier, l’excellent travail de notre rapporteur, Patrice Gélard.

Le Gouvernement souhaite instaurer un cadre souple pour permettre à cette nouvelle institution de décider de son organisation. Je comprends cette volonté, mais il me semble que certaines précisions méritent néanmoins d’être énoncées dans la future loi organique. Je pense en particulier aux voies de recours accessibles aux Français ne résidant pas sur notre territoire.

Pendant plus de dix ans, j’ai réclamé, notamment auprès du prédécesseur de Jean-Paul Delevoye, Bernard Stasi, qu’un délégué aux Français de l’étranger soit nommé auprès du Médiateur de la République, mais les réticences étaient alors très fortes. Une telle coordination se justifie pourtant à la fois par la spécificité des problèmes rencontrés par les Français de l’étranger et par l’importance des obstacles auxquels ceux-ci font face pour communiquer avec les organismes publics depuis l’étranger.

Ce n’est qu’en 2009 – nous étions tous, je crois, unanimes sur le sujet – que cette demande a finalement pu aboutir, l’ensemble des dossiers émanant des Français de l’étranger étant désormais centralisés entre les mains d’un responsable unique au sein des services du Médiateur de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Si ce dispositif doit sans aucun doute être pérennisé, il peut encore être amélioré.

C’est le responsable du secteur de la justice qui s’est vu confier, en plus de ses autres attributions, la compétence relative aux Français de l’étranger. Le nouveau projet de loi organique nous donne l’occasion de faire mieux, en créant un poste de délégué clairement identifié, ayant les mêmes compétences que les délégués territoriaux sur le sol français, plus proche de nos citoyens expatriés et, donc, plus efficace.

Une telle mesure paraît d’autant plus nécessaire que 90 000 dossiers, qui sont particulièrement complexes, auraient été traités l’an dernier.

Nous pourrions encore aller plus loin, en autorisant les conseillers élus à l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE, à déposer une réclamation auprès du Défenseur des droits, au même titre que les parlementaires. En première lecture, l’Assemblée nationale a décidé d’étendre aux eurodéputés français cette capacité jusqu’alors réservée aux députés et aux sénateurs. Pour nos compatriotes de l’étranger, en particulier lorsqu’ils résident hors de l’Union européenne, le lien avec les sénateurs ne peut qu’être relativement ténu du fait de l’immensité de la circonscription unique. La plupart des onze futurs députés des Français de l’étranger seront élus de circonscriptions parfois si vastes et hétéroclites que le lien territorial avec leurs électeurs sera là aussi relativement faible.

Permettre une saisine du Défenseur des droits par des élus de l’AFE accroîtrait la rapidité du processus et améliorerait le suivi des dossiers. Cela permettrait également de désengorger les consulats, très sollicités par nos compatriotes et qui n’ont pas toujours les moyens, dans un contexte de restrictions budgétaires, d’assurer un véritable suivi.

Une telle mesure aurait aussi un autre effet positif : elle renforcerait la notoriété, la visibilité de ces représentants élus des expatriés, à l’heure où nous cherchons des solutions pour contrer l’abstention.

Je voudrais aussi souligner ici à quel point la question de l’information est cruciale. Nombre de nos compatriotes, en particulier à l’étranger, ne connaissent pas les possibilités de recours qui s’offrent à eux. En cela, la création d’une entité unique et facilement identifiable, le Défenseur des droits, ouvre de nouvelles perspectives.

J’attire par conséquent votre attention, monsieur le ministre, sur la nécessité de tirer parti de cette opportunité nouvelle pour accroître la communication autour du Défenseur des droits et de l’étendue de ses compétences, notamment par le biais des médias, d’Internet et de nos réseaux à l’étranger – consulats et élus des Français de l’étranger.

Je terminerai mon intervention par un point spécifique, sur lequel je reviendrai lors de la discussion des amendements : celui des déplacements illicites d’enfants.

Vous le savez, j’aurais personnellement souhaité le maintien d’un poste spécifique de Défenseur des enfants, notamment parce qu’il aurait pu jouer, en liaison avec les entités équivalentes à l’étranger, un rôle de médiateur dans les dossiers de protection sociale et juridique d’enfants français à l’étranger, surtout dans les dossiers complexes de déplacements illicites d’enfants.

Il y a de plus en plus d’unions mixtes et, malheureusement, de plus en plus de séparations de parents de deux nationalités différentes. Les décisions autour de l’attribution de l’autorité parentale sont alors toujours très douloureuses. Le cadre juridique international ne permet souvent pas de régler ces problèmes de manière satisfaisante car, au-delà de l’arsenal juridique, c’est l’esprit dans lequel celui-ci est appliqué qui est déterminant. Et cela varie grandement d’un État à l’autre, certains favorisant l’intérêt national plutôt que, hélas ! l’intérêt supérieur de l’enfant.

Les juridictions françaises négligent parfois ce facteur et acceptent quelquefois un peu rapidement la compétence de juridictions étrangères n’offrant pas toutes les garanties en matière de procédure. Certains États comme l’Allemagne ou les États-Unis disposent d’institutions très efficaces pour épauler leurs ressortissants confrontés à de tels problèmes, alors que, en France, les parents ont parfois l’impression de manquer d’appui solide.

Dans le contexte de la suppression annoncée et attendue du Défenseur des enfants, il me semble que doter le Défenseur des droits d’un véritable dispositif lui donnant une réelle expertise en matière de suivi des dossiers de déplacements illicites d’enfants, pays par pays, constituerait un très bel acquis pour marquer la naissance de cette institution que nous appelons de nos vœux.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, l’idée de créer un Défenseur des droits est une belle idée dans une démocratie moderne. Dans une proposition de loi constitutionnelle, le groupe socialiste du Sénat avait d’ailleurs proposé que le Médiateur de la République évolue vers un statut de défenseur du peuple. Toutefois, nous avions posé comme condition que ce défenseur soit indépendant, c'est-à-dire que sa nomination soit faite non par le Président de la République, mais par le Parlement. Cette exigence d’indépendance figurait d’ailleurs également dans le rapport du comité Balladur.

Monsieur le garde des sceaux, vous avez fait un autre choix. Au lieu de recueillir un large consensus sur cette belle idée, vous vous retrouvez aujourd'hui face à un tollé unanime

M. le garde des sceaux fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Je citerai les propos tenus par Mme Jeannette Bougrab devant la commission des lois de l’Assemblée nationale : « Ce serait un recul de diluer la HALDE au sein du Défenseur des droits. » Une fois nommée à la tête de la HALDE, elle a ajouté : « je me battrai comme une tigresse pour sauver cette institution ». Même devenue ministre, Mme Bougrab n’a, me semble-t-il, pas changé d’avis.

L’actuel président de la CNDS écrivait la semaine dernière au Premier ministre que si la collégialité n’est pas renforcée, « le Défenseur des droits ne présentera pas les garanties d’indépendance et d’efficacité à la mesure de la place qu’il doit prendre au sein de notre démocratie ».

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Mme Dominique Versini, Défenseure des enfants, ajoutait : « supprimer le défenseur des enfants, ce serait une première en Europe. [...] Aucun enfant n’écrira au Défenseur des droits. Ils ne sauront pas ce que c’est ! ».

Au-delà de ces voix fortes, je citerai la Commission nationale consultative des droits de l’homme, qui, après avoir été saisie par le Gouvernement, a rendu le 4 février 2010 un avis très précis. Elle estime que, « au regard de l’effectivité de la protection des droits, l’institution d’un Défenseur des droits tel que prévu par le projet de loi organique est à la fois – elle employait trois adjectifs durs – inutile, dangereuse et inefficace et [qu’elle] constituerait une régression par rapport aux acquis du système ».

La Ligue des droits de l’homme ou Amnesty International, des institutions auxquelles vous êtes sensible, monsieur le garde des sceaux, ont également fait part de leurs craintes sur cette nouvelle institution fourre-tout. Alors pourquoi un tel tollé ?

D’abord, ce gouvernement n’a pas été capable de proposer une vision claire du Défenseur des droits.

Comment pourrait-elle exister ? Il suffit d’examiner le périmètre des attributions. Le Défenseur des droits a commencé par avoir trois têtes – celles de Médiateur de la République, de Commission nationale de déontologie de la sécurité et de Défenseur des enfants –, puis le Sénat lui en a ajouté une quatrième – la HALDE –, et l’Assemblée nationale une cinquième, avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Il a fallu toute la sagesse de la commission des lois du Sénat – je tiens, après Jean-René Lecerf, à en remercier ses membres et son président – pour que nous en revenions à quatre.

Sur la question du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, je rappelle que Mme Dati, garde des sceaux, nous avait assuré du haut de cette tribune que personne n’y toucherait jamais. Mme Alliot-Marie avait tenu à cette tribune le même propos. La parole de ces ministres ne vaut pas grand-chose puisque, quelques mois plus tard, nous avons vu surgir dans le texte le contrôleur général des lieux de privation de liberté. Je le répète, il aura fallu toute l’influence de notre commission des lois pour revenir à plus de raison.

Face à de tels errements, nous ne pouvons que nous interroger sur les véritables motivations qui sous-tendent ces textes. Vous nous répétez inlassablement qu’il faut faire des économies.

M. le garde des sceaux fait un signe de dénégation.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Mon ami Jean-Jacques Urvoas, au cours d’une brillante démonstration à l’Assemblée nationale – vous étiez d’ailleurs présent – a rappelé que, depuis dix ans, ont été créées vingt autorités administratives indépendantes, soit deux chaque année. Parmi les dernières, figurent l’HADOPI, ou Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet, l’Autorité de régulation des activités ferroviaires, l’Autorité de régulation des jeux en ligne, ou encore le Médiateur national de l’énergie.

Si votre souci est la rationalisation, pourquoi vous en tenez-vous aux autorités administratives indépendantes traitant des libertés publiques ? Il aurait été plus justifié de faire fusionner le Médiateur de la République, non pas avec le Défenseur des enfants, mais avec le Médiateur de l’énergie, puisque ces deux autorités fournissent un même travail de médiation. Mais sans doute l’un est-il plus gênant que l’autre…

D’ailleurs, comment pouvons-nous être sûrs que cette fusion est conforme aux principes de la révision générale des politiques publiques ? Nous avons aujourd’hui cinq institutions dont chacun salue l’efficacité. Nous aurons demain une pyramide bureaucratique, mêlant médiation et contrôle, qui pourrait traiter entre 80 000 et 100 000 dossiers par an ! Vous pensez que cette grosse machinerie sera efficace et qu’elle permettra d’optimiser la gestion des finances publiques. Pour ma part, je ne partage pas votre point de vue.

Je rappelle d’ailleurs que le Défenseur du peuple espagnol, si souvent cité en exemple, traite beaucoup moins de dossiers…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Effectivement !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

… puisqu’il existe également des défenseurs provinciaux, qui sont des autorités indépendantes du Défenseur du peuple.

Le dernier point qui attise bien sûr les critiques est celui de l’indépendance. J’ai entendu les propos qui ont été tenus, mais, franchement, pourquoi faites-vous compliqué alors que, si vous l’aviez voulu, vous auriez pu faire simple ?

Permettez-moi de vous faire remarquer que, pour assurer l’indépendance d’une autorité, le mieux est encore de ne pas la rendre dépendante ! Si vous voulez instituer un contre-pouvoir, le plus simple est de faire en sorte qu’il ne soit pas nommé par le pouvoir.

Or, le Défenseur des droits est nommé par le Président de la République, et ses sous-chefs – j’emploie ce terme qui n’est pas très agréable parce qu’il correspond à la réalité – devront être avalisés par le Premier ministre. Je dis « sous-chefs » parce que ces vice-présidents de collège n’auront de pouvoir que par délégation, ils n’auront pas de droit de vote si le Défenseur des droits est présent, ni le droit de communiquer, ni le droit de recommander, ni même le droit de demander une étude, ni, bien sûr, le droit d’engager des poursuites disciplinaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

M. Alain Anziani. Puisque vous évoquez la Constitution, monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous rappeler que la réforme constitutionnelle avait notamment pour but de renforcer les pouvoirs du Parlement.

M. le président de la commission des lois s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Vous allez me dire – je connais vos arguments – que le Médiateur de la République et le Défenseur des enfants étaient déjà nommés dans ces conditions.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Aucun n’est nommé dans ces conditions !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Ils ne sont pas nommés ainsi ! Ils sont nommés par le seul Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Un certain nombre d’autorités sont déjà nommées par le Président de la République. On voit bien là les limites de votre ambition : si vous aviez eu pour ambition l’indépendance, si vous aviez eu un peu d’audace, vous auriez fait en sorte que le Défenseur des droits soit nommé par le Parlement…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

… et vous auriez rompu avec cette tradition monarchique bien française. Je rappelle que, en Espagne, le Défenseur du peuple est désigné par une majorité qualifiée du Parlement.

Je terminerai en faisant état de rapports, de mots, d’expressions, d’une certaine liberté de ton que nous risquons de ne plus entendre. Je prendrai quelques exemples.

Le premier est tiré du rapport du Défenseur des enfants. Mme Versini soulignait : « il existe un principe fondamental selon lequel l’enfant n’a pas à être dans un lieu privatif de liberté s’il n’a pas commis d’infraction. Or un centre de rétention administrative, c’est un lieu privatif de liberté. Par conséquent, un enfant n’a pas à y être ». Le Défenseur des enfants est supprimé !

Le deuxième exemple est tiré du rapport du Médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, qui évoquait des citoyens « ballotté[s] par d’incessants changements censés [les] avantager », comme la fusion EDF-GDF. Le Médiateur de la République est supprimé !

Le troisième exemple est tiré du rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Roger Beauvois, son président, y rappelle que les officiers de police judiciaire doivent considérer que toute audition n’exige pas un placement en garde à vue. Il indique même que la commission « a constaté, pour la neuvième année consécutive, la banalisation et le caractère quasi systématique de la pratique des fouilles à nu de personnes privées de liberté, prises en charge par des fonctionnaires de police et des gendarmes ». Il n’y aura plus de CNDS !

M. le rapporteur et M. le garde des sceaux s’exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Le quatrième exemple, c’est l’avis qu’a rendu la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, sur la mise en œuvre de tests ADN pour le regroupement familial. En effet, celle-ci a estimé que cette pratique portait atteinte aux droits fondamentaux tels que le droit au respect de la vie privée.

Elle a également dénoncé les pratiques du testing dans les entreprises du CAC 40.

Le dernier exemple est issu du rapport du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, Jean-Marie Delarue – peut-être celui-ci échappera-t-il provisoirement à cette fusion –, qui dénonce les conditions de la garde à vue.

Monsieur le garde des sceaux, en cinq phrases que j’ai tenu à vous rappeler, ces cinq autorités administratives indépendantes dressaient un inquiétant tableau des libertés publiques dans notre pays et montraient que nous pouvions nourrir quelques craintes à cet égard. À ces craintes, que répondez-vous ? Suppression, fusion, absorption !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG. – Mme Nathalie Goulet applaudit également.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je voudrais répondre en quelques mots à chacun des nombreux orateurs qui se sont exprimés sur ce sujet aussi important que passionnant.

Même s’il s’agit d’une deuxième lecture, je rappellerai rapidement le cadre dans lequel se situe notre discussion.

Le constituant ayant décidé de créer un Défenseur des droits, lequel fait l’objet de l’article 71-1 de la Constitution, le Gouvernement et le législateur ont naturellement pour rôle de fixer, dans une loi organique et dans une loi simple, ses attributions, ses modalités d’intervention et les règles de sa saisine.

S’agissant d’une disposition constitutionnelle, il est impossible de revenir sur la création du Défenseur des droits. Que certains d’entre vous, réalisant que cette réforme a permis l’insertion dans notre Constitution d’un titre relatif à la défense des droits, regrettent de ne pas l’avoir votée, je le comprends

Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Sueur, vous l’assumez avec beaucoup de difficulté !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je vous ai tous écoutés sans rien dire ; aussi, je suis certain que vous me laisserez m’exprimer à mon tour !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Dans son rappel historique des faits, ce dont je le remercie, M. le rapporteur a montré le rôle important qu’a joué dans l’élaboration de ce texte le Sénat, lequel est resté parfaitement fidèle à sa vocation de défenseur des libertés. La Haute Assemblée a fait valoir, me semble-t-il, toutes les potentialités contenues dans la réforme constitutionnelle.

Ainsi, c’est essentiellement sur la base du texte élaboré en première lecture par le Sénat que s’élabore l’institution du Défenseur des droits. C’est un élément important qu’il convient de souligner devant la Haute Assemblée.

Outre qu’elle a créé des règles nouvelles pour la défense des droits et des libertés, sur lesquelles je reviendrai, la dernière réforme constitutionnelle a conféré au Parlement des pouvoirs nouveaux ; désormais, les textes discutés en séance publique sont ceux non plus du Gouvernement, mais de la commission. De fait, le dialogue entre les deux assemblées s’en trouve naturellement et très largement renouvelé.

Ainsi, contrairement à ce que prévoyait le texte initial du Gouvernement, et malgré un avis défavorable de ce dernier, l’Assemblée nationale, comme elle en a la liberté, a décidé d’intégrer parmi les compétences du Défenseur des droits celles qui sont actuellement assumées par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Le Sénat a fait le choix, en toute liberté lui aussi, de maintenir sa position. Un dialogue va donc s’instaurer et je souhaite que l’examen en deuxième lecture de ce projet de loi organique et de ce projet de loi simple puisse aboutir à une rédaction acceptable par tous, y compris sur l’ensemble des autres sujets qu’a évoqués M. Gélard, notamment l’organisation interne de la nouvelle institution.

Je veux simplement dire à M. le rapporteur que, en l’occurrence, la position du Gouvernement est de s’en tenir uniquement aux règles fixées par la révision constitutionnelle de 2008 et qu’il souhaite par conséquent que la loi organique demeure dans ce cadre.

M. Sueur, comme à son habitude, a fait une intervention brillante, ...

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

… extrêmement importante, même si elle n’était pas toujours convaincante…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. … car on ne peut pas être bon tout le temps !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je voudrais revenir sur la notion d’indépendance, qui a été beaucoup agitée à propos du Défenseur des droits. Celui-ci sera-t-il indépendant ou non ? Comment cette indépendance se caractérisera-t-elle ?

Dans son intervention, M. Lecerf, que je remercie, a dressé un tableau complet de la réforme intervenue en 2008 en matière de défense des droits et des libertés. Outre qu’elle a créé le Défenseur des droits, cette réforme, plus généralement, a – enfin, serais-je tenté d’ajouter – introduit dans notre droit positif le contrôle de constitutionnalité par voie d’exception. Personne ne peut nier que ce soit un progrès pour la défense des droits et des libertés !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Monsieur Badinter, je m’incline bien volontiers devant vous ; il est simplement dommage que vous n’ayez engagé cette réforme lorsque vous étiez au pouvoir !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Je reconnais qu’il faut parfois savoir convaincre le Sénat

Souriressur les travées de l’

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Qu’on le veuille ou non, ce sont tout de même ce gouvernement et ce parlement qui ont créé le contrôle de constitutionnalité par voie d’exception ! Personne ne niera que cette réforme modifie radicalement, de fond en comble, notre droit. Ainsi, c’est à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité que le Sénat examinera, dans quelques jours, au début du mois de février, le projet de loi relatif à la garde à vue de manière à réformer entièrement celle-ci afin de la rendre conforme à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

… ce qui aurait dû être fait depuis longtemps.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Pareillement, quelques jours plus tard, le Sénat sera amené à débattre d’un projet de loi sur le respect de la liberté des personnes placées de façon automatique ou autoritaire en établissement psychiatrique. On compte 70 000 cas par an ! Ce n’est pas de la théorie, c’est extrêmement concret ! C’est le contrôle de constitutionnalité par voie d’exception qui a conduit à la rédaction de ce texte.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je pose la question : peut-on douter de l’indépendance du Conseil constitutionnel ? Non !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Les membres du Conseil constitutionnel sont nommés soit par le Président de la République, soit par le président de chacune des assemblées.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Anziani est parvenu à citer probablement soixante-seize fois Mme Versini. J’ai bien compté !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est la première fois que vous citiez soixante-seize fois Mme Versini.

Souriressur les travées de l’UMP.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Cela veut dire que, toutes les autres fois, j’ai compris qu’il la citait sans même qu’il prononce son nom, ce qui revient au même.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Vous êtes habitué à entendre des voix !

Même mouvement.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Gautier

M. Charles Gautier. On en a hospitalisé pour moins que ça !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Pour quelqu’un qui vient d’Orléans, monsieur Sueur, je vous accorde bien volontiers qu’il est habituel d’entendre des voix – et avec sainte Marguerite cela fonctionne toujours !

Même mouvement.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Bien entendu !

Actuellement, le défenseur des enfants, comme le président de la HALDE, est nommé directement par décret en conseil des ministres sans même que le Parlement intervienne dans le processus, ce que l’on peut regretter. Désormais, celui-ci sera partie prenante, même si certain peuvent considérer que ce n’est pas suffisant.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Qu’est-ce qui fonde l’indépendance de ces autorités administratives ? Deux éléments : d’une part, le mandat de leurs membres n’est pas renouvelable…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Madame Goulet, certes, j’en suis bien certain, l’idée même de renouvellement conduit parfois à la sagesse, …

Sourires.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

… mais, les mandats de ces membres n’étant pas renouvelables, ces derniers y gagneront une totale indépendance, car ils ne seront pas amenés à espérer être reconduits dans leurs fonctions. C’est dans notre tradition française et c’est ce qui fonde l’indépendance.

Par ailleurs, et c’est le second gage d’indépendance, qui peut penser, comme l’a très justement souligné M. Lecerf, que quelqu’un qui aurait essuyé un avis négatif d’une commission du Parlement puisse avoir l’autorité suffisante pour accepter d’être nommé ? Personne, bien entendu !

Monsieur Mézard, par un véritable effort dont je tiens à vous remercier, vous vous êtes livré à une analyse honnête du texte, laquelle vous a conduit, sauf sur un point, à rejoindre l’avis de la commission. Le Défenseur des droits, comme vous l’avez justement souligné, aura, dans chacun de ses domaines de compétences, à utiliser les outils et les moyens les plus adaptés pour traiter les cas qui lui sont soumis. À raison, vous avez souligné qu’il faut penser aux droits à défendre plutôt qu’aux institutions à défendre. Je vous remercie de l’avoir dit.

En créant le Défenseur des droits, le constituant n’amoindrit pas les autres autorités : il les rassemble dans une autorité de rang constitutionnel. Comment peut-on en même temps prétendre être le meilleur défenseur des droits et affirmer que le regroupement des compétences exercées par différentes autorités administratives indépendantes dans les mains d’un unique Défenseur des droits ayant rang constitutionnel et disposant de pouvoirs nouveaux et renforcés aurait pour conséquence de nuire à la protection de ces droits ? Monsieur Mézard, je vous remercie d’avoir rappelé cette vérité.

Madame Borvo Cohen-Seat, sur un point, je suis parfaitement d’accord avec vous.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Les comparaisons avec les situations voisines ne sont pas toujours pertinentes et vous avez très justement distingué la situation des États fédéraux ou quasi fédéraux de celle des États unitaires comme la France. Il est vrai que notre situation est tout à fait particulière en Europe.

Pour le reste, nous ne sommes pas forcément d’accord, c’est évident, mais il est vrai que, dans la mesure où vous avez refusé de voter la révision constitutionnelle, ce désaccord est logique. Il n’est que la conséquence de la position que vous aviez adoptée en 2008.

Je remercie également M. Amoudry d’avoir souligné que le transfert de missions, notamment celles du Défenseur des enfants, au Défenseur des droits constitue en réalité un progrès. Le Défenseur des droits est en effet doté d’une autorité établie par la Constitution et dispose de pouvoirs spéciaux particuliers plus larges que ceux dont disposent aujourd’hui les différentes autorités administratives indépendantes. Il ne s’agit en aucun cas d’une régression ; c’est au contraire une avancée.

J’ai bien entendu les propos qui ont été tenus sur la CNIL. Le Gouvernement a pour première préoccupation de veiller avant tout à ne pas fragiliser la CNIL, à la préserver au regard des dispositions européennes et à faire en sorte que les avis qu’elle rend soient étayés.

Monsieur Lecerf, je vous remercie d’avoir rappelé que le Gouvernement avait probablement été l’un de ceux qui auront le plus fait pour la défense des droits et des libertés constitutionnellement garantis. Comme je l’ai dit voilà quelques instants, le Sénat examinera au cours du mois de février la réforme de la garde à vue, texte fondamental qui vise à conférer aux personnes privées de liberté dans le cadre d’une enquête judiciaire de nouvelles garanties et de nouveaux droits. Vous avez parfaitement mesuré, monsieur le sénateur, les apports, dans ce domaine, de la révision constitutionnelle. Les deux textes qui sont soumis à votre examen aujourd’hui visent simplement à mettre en œuvre les différentes potentialités offertes par la révision de 2008.

Madame Boumediene-Thiery, je vous remercie d’avoir salué l’article 71–1 de la Constitution comme un progrès de l’état de droit. Vous en avez toutefois tiré plusieurs conséquences qui, après cette reconnaissance, ne me semblent pas tout à fait logiques.

Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. … mais rassemblons toutes ces institutions et cela semble normal.

Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Si, même en votant contre. Mais, pour les citoyens de notre pays, avoir cinq ou six autorités qui traitent des droits ou libertés publiques se traduit par une absence de lisibilité.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Nous ne faisons que rassembler ces autorités au sein du Défenseur des droits et le hisser à un niveau constitutionnel en reprenant toutes les compétences des institutions existantes.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Vous ne pouvez qu’être satisfaite par ce texte et non seulement saluer l’article 71–1, comme vous l’avez fort bien fait, mais également voter en faveur du texte émanant des travaux de votre commission.

Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Madame Garriaud-Maylam, vous avez attiré l’attention sur la situation particulière des Français de l’étranger…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

… et je vous remercie de l’avoir fait. Vous avez mentionné le fait que nos concitoyens bénéficiaient de la possibilité de saisir directement un collaborateur du Médiateur. Les choses vont continuer, sans aucun problème, de la même façon. Certes, c’est à la convenance du Défenseur des droits, mais je ne vois pas comment il pourrait agir autrement que le Médiateur de la République. Les travaux préparatoires que nous menons actuellement et les explications que nous donnons en ce moment même ne pourront que le conduire à cette solution.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur Anziani, vous avez été, me semble-t-il, légèrement excessif

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

… ce qui a quelque peu desservi la qualité de votre démonstration.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, vous avez semblé regretter d’avoir manqué le grand rendez-vous de juillet 2008, lorsque, en révisant la Constitution, le constituant a créé cet arsenal de défense des droits et des libertés, constitué notamment de la question prioritaire de constitutionnalité, du Défenseur des droits et de la saisine directe du Conseil supérieur de la magistrature par les justiciables. Je comprends que vous éprouviez des regrets d’avoir manqué un tel rendez-vous et je ne peux que vous convier à ne pas manquer celui-ci.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?…

La discussion générale commune est close.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je suis saisi, par M. Badinter et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°14.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif au Défenseur des droits (259, 2010-2011).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Robert Badinter, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, comme lors de la première lecture, je me présente devant vous pour soutenir une motion tendant à opposer la question préalable.

La séance d’aujourd’hui m’a paru très intéressante, marquée par de beaux moments d’éloquence. En particulier, j’ai été sensible à la conclusion du doyen Gélard, si radicalement différente de celle de notre collègue M. Sueur. L’un – vous, monsieur le doyen – a en effet parlé d’une avancée considérable des libertés tandis que l’autre – notre ami Jean-Pierre Sueur – a déploré une régression organisée. Toutefois, cela ne surprendra personne, la situation est plus simple : il s’agit, j’en suis convaincu, de la reprise en main d’autorités indépendantes devenues par trop indépendantes.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Je m’adresse désormais aux éminents juristes présents dans cette assemblée. Dans les dix ou les quinze dernières années, l’un d’entre vous a-t-il jamais lu une proposition tendant à créer un Défenseur unique, concentrant une multitude de pouvoirs face à l’administration et l’exécutif et réunissant en une seule organisation les diverses autorités indépendantes qui existaient ?

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Non, il ne conclut pas en ce sens. Il n’invente pas ce que nous avons vu jaillir, à la surprise et parfois à l’émerveillement général, comme jadis Minerve de Jupiter, tout armé du rapport Balladur : le Défenseur des droits, qui s’appelait alors, d’un nom plus pompeux, le Défenseur des libertés. Nous avons tous été surpris, d’autant plus que le concept associé à celui-là était si flou que Mme le garde des sceaux, que nous avons interrogée à plusieurs reprises alors que j’avais le plaisir d’œuvrer au sein de la commission, n’a jamais pu nous dire avec exactitude ce que ses missions recouvriraient.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J’étais alors rapporteur du texte sur la révision constitutionnelle !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Même lorsque nous écoutions Mme le garde des sceaux, elle disait : « On verra ! », ce qui ne manquait pas de nous surprendre. Donc, au départ, on ne savait pas ce que seraient ces missions. Toutefois, jamais nous n’aurions pu croire qu’il serait demandé au Parlement de rassembler sous une même houlette, un même chef, des autorités aussi différentes dans leurs missions et dans leurs méthodes que la médiature, la HALDE, la Commission nationale de déontologie de la sécurité, le Défenseur des enfants, et même, dans la version adoptée par l’Assemblée nationale, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, que l’on doit à une convention internationale.

Les raisons à cela sont simples. Ces autorités administratives indépendantes avaient non seulement des compétences et des actions diverses mais également des approches très différentes. Ainsi, le Médiateur est intercesseur. Il tend vers la conciliation, la négociation, et intervient. Pour sa part, la HALDE a des pouvoirs presque juridictionnels. De même, le Défenseur des enfants relève d’une perspective fort différente. En somme, les approches sont extrêmement hétérogènes, et en particulier, monsieur le garde des sceaux, lorsqu’il s’agit du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Ce sont là des autorités chargées de domaines distincts requérant des approches spécifiques. Et c’est la raison pour laquelle, si on évoquait une simplification nécessaire et, concernant le Médiateur, une constitutionnalisation méritée, personne ne pensait qu’un patron unique défendrait tous les droits, ceux de tous les citoyens, des personnes physiques comme des personnes morales de la société française. Si c’est là le triomphe de la pensée de Montesquieu, il serait préférable de revenir au texte d’origine.

Dès lors, en l’état, l’enjeu du débat est de savoir ce que l’on va gagner ou perdre. Nous devons, je pense, rendre ici hommage aux responsables des autorités administratives indépendantes, pour tout ce qu’elles ont fait et pour tout ce que leurs responsables ont accompli. J’aurais aimé, monsieur le garde des sceaux, qu’il y eût à cet égard quelques paroles plus chaleureuses.

Mais, cela mis à part, placées ainsi en position d’adjointes – et il n’est jamais agréable, lorsqu’on a été maître à bord, de devenir l’adjoint, même sur un navire plus important –, elles vont perdre et nous allons perdre, en premier lieu, – et là est l’essentiel – l’indépendance. C’est précisément ce que nous attendons de ces autorités administratives. L’indépendance ne peut être qu’à l’égard de tous, et notamment à l’encontre de toute hiérarchie.

Or, dans cette configuration, plutôt qu’indépendants, les responsables de ces autorités ne seront plus que des adjoints dépendants de leur supérieur hiérarchique, au point même d’être privés de droit de vote lorsque viendra siéger le Défenseur lui-même. Non seulement leur indépendance disparaîtra au profit de ce dernier, mais encore le sens de la responsabilité, si important, si mobilisateur, quand il s’agit de défendre les droits des citoyens face aux administrations, viendra à s’émousser sinon à s’évanouir.

Nous connaissons tous le méfait des grandes structures bureaucratiques. Nous savons tous que leurs responsables se renvoient compétences et responsabilités, tantôt plus haut, tantôt plus bas. Ce rapport direct entre les citoyens et l’autorité, ici très personnalisée, à laquelle ils s’adressent pour défendre leurs droits s’évaporera, se dissoudra dans ce grand ensemble bureaucratique qui nous est proposé.

En outre, s’agissant cette fois-ci du Défenseur des droits lui-même, nous pouvons nous demander ce que seront ses tâches. Il présidera à cette structure pyramidale, si complexe, si importante dans l’étendue de ses missions. En occupant cette fonction, il lui faudra, nécessairement, non seulement l’orchestrer quotidiennement et apaiser, au passage, les inévitables rivalités et conflits personnels entre ceux qui se trouveront agir sous son autorité – ainsi est la loi des choses dans ces administrations géantes –, mais encore il lui faudra évidemment conserver des relations avec le Parlement, que nous espérons étroites, préparer un rapport annuel qu’il viendra soutenir devant nous. Au temps où nous sommes, au-delà de ses rapports nécessaires avec les deux assemblées, et bien sûr avec les ministres auxquels il faudra s’adresser, il lui faudra tenir sa place, comme il est d’usage à l’heure actuelle, dans les médias.

Mesurez l’étendue de ses obligations et de ses responsabilités ! Si le Défenseur des droits occupera dans la République une position brillante – qui, je le sais, n’est pas sans susciter de nombreuses vocations, et c’est bien légitime –, il perdra assurément de l’efficacité et, ce qui est plus important encore, le sens du terrain. Il est évident qu’il n’aura pas le temps de se pencher sur les dossiers, de regarder, d’écouter les situations humaines. C’est cela que nous avons créé. Désormais, nous avons enlevé à ceux qui en avaient la responsabilité le pouvoir qu’ils exerçaient en relation avec les citoyens eux-mêmes et, au sommet de la pyramide, nous avons placé une personne et une seule, le Défenseur des droits.

À l’origine, le Défenseur des droits apparaissait simplement comme un médiateur constitutionnalisé – et il le méritait – à compétence et saisine élargies. Nous étions tous d’accord, à l’unanimité, pour cela.

À mesure que le débat évoluait, nous avons vu son royaume s’élargir, s’agrandir. Ce défenseur des droits avait beaucoup – et il a encore aujourd’hui – d’appétit et d’estomac. Mais il ne pourra certainement pas remplir la fonction qu’on attend de lui. Il ne sera plus, contrairement à l’ombudsman, qui est le modèle à conserver, une femme ou un homme de terrain.

Nous n’y aurons vraiment rien gagné. Nous y aurons, au contraire, perdu ce qui était en train de se faire, difficilement, c’est-à-dire la mise en place de contre-pouvoirs face à des administrations très puissantes. C’est ainsi !

J’entendais M. Gélard, et je comprends ce sentiment, espérer que le Défenseur des droits « à la française » suscite admiration et vocation à l’étranger. Pour avoir rencontré beaucoup d’ombudsmans, préoccupés par dessus tout par les misères individuelles et les cas douloureux qu’on leur soumet, je peux vous dire que nous resterons avec notre Défenseur des droits, qui n’aura jamais qu’un seul mérite, et il est facile de voir aux yeux de qui. Je rejoins là le propos de Jean-Pierre Sueur : à défaut de pouvoir nommer directement tous les responsables ou chefs de ces différentes autorités administratives indépendantes, si nécessaires et si diverses, le Président de la République pourra nommer directement le chef de l’ensemble de ces organisations placées désormais sous sa coupe.

C’est pourquoi, je le répète, nous ne sommes pas en présence d’un progrès des libertés, nous sommes tout simplement en présence d’un accroissement de notre singulière monocratie républicaine.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à rappeler que l’article 71-1 de la Constitution nous impose de faire une loi organique pour définir les modalités de son application. Notre devoir de parlementaires est donc de le mettre en œuvre, à l’instar de ce nous l’avons fait lors de précédents projets de loi organique.

Ensuite, je m’étonne qu’une motion tendant à opposer la question préalable soit déposée en deuxième lecture. En première lecture, cela pouvait à la limite se comprendre, même si l’article 71-1 de la Constitution s’impose à nous, mais en deuxième lecture, cela me paraît très surprenant. En effet, le processus est engagé : nous avons discuté et voté le texte en première lecture, et il nous revient tout naturellement après avoir été adopté par l’Assemblée nationale.

Toutes les autorités auxquelles le Défenseur des droits va se substituer étaient auparavant nommées par l’exécutif seul, sans avis du Parlement, et cela ne déplaisait à personne.

J’ai entendu tout à l’heure les louanges que certains de nos collègues adressaient à la Défenseure des enfants, au président de la CNDS, à la présidente de la HALDE ; on vantait leur indépendance.

Or, le Médiateur de la République et le Défenseur des enfants étaient nommés par décret en conseil des ministres, comme le sera le Défenseur des droits, mais sans avis préalable des commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Si la personnalité proposée ne recueille pas une majorité suffisante, elle ne sera pas nommée !

Quant au président de la HALDE et au président de la CNDS, ils étaient nommés par le Président de la République seul. Ces personnalités étaient admirées, on les trouvait remarquables. Elles étaient donc indépendantes. En quoi le Défenseur des droits serait-il moins indépendant ?

Il n’y aura pas d’affaiblissement. Il aura quatre domaines de compétences, au lieu d’un seul. L’intention du constituant n’était pas de constitutionnaliser le Médiateur de la République. Cela eût d’ailleurs constitué une toute petite réforme. Notre objectif est d’une tout autre ampleur.

Je suis au regret de vous rappeler que dans le rapport que j’ai rédigé sur les autorités administratives indépendantes bien avant la révision constitutionnelle, je mentionnais déjà la nécessité de fusionner les autorités administratives voisines, non seulement dans le domaine des droits et libertés, mais aussi dans d’autres domaines, économique, par exemple. Il s’agissait à mes yeux d’un processus nécessaire. Il convient en effet de ne pas multiplier les autorités administratives indépendantes, qui présentent en outre le défaut de permettre au Gouvernement d’échapper, dans une certaine mesure, au contrôle du Parlement puisqu’on leur transfère des pouvoirs qui appartenaient à l’exécutif.

Le Défenseur des droits, tel que nous l’avons conçu dans la révision constitutionnelle de 2008, aura, de par son statut et ses pouvoirs – supérieurs à ceux des personnalités qu’il remplace –, un poids qu’aucune de ces autorités ne peut avoir.

Mes chers collègues, comment conserver des petits défenseurs de droits qui seraient en concurrence permanente avec le Défenseur des droits, constitutionnalisé, qui, lui, sera une grosse machine ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, il est impossible d’aller dans le sens préconisé par les auteurs de la motion tendant à opposer la question préalable. Aussi, je vous invite à la rejeter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

La belle idée de la création d’un défenseur des droits devient, sous votre plume, une idée manquée qui laisse un goût amer, tant elle revêt une réalité de piètre portée.

Vous enterrez un certain nombre d’autorités administratives indépendantes qui ont parfois su se montrer dérangeantes. Je ne peux que me montrer inquiète, pour ne pas dire très suspicieuse, quant à l’indépendance réelle du Défenseur des droits au regard de son mode de nomination. Vous cachez cette anomalie en le laissant décider seul s’il convient, ou non, de donner suite aux réclamations. Les autorités administratives indépendantes se diluent, et sont de fait remplacées par des adjoints sous tutelle.

L’inquiétude naît aussi de l’exercice souverain du Défenseur des droits sur un vaste champ de compétences, qui, d’ailleurs, dépasse largement l’objet de l’article 71-1 de la Constitution.

Le désaveu est total, bien au-delà de mon groupe. Les défenseurs des droits s’y opposent et s’en inquiètent, qu’il s’agisse de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, d’Amnesty internationalet de la plupart des autorités administratives indépendantes elles-mêmes qui, à peine arrivées à l’âge adulte, se voient déjà un peu disloquées.

La protection des droits exigeait une autorité indépendante exemplaire. C’est pourquoi nous voterons bien évidemment la motion qui a été présentée par M. Badinter.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le rapporteur, faisons un peu d’histoire. Cette histoire commence avec l’article 71-1 de la Constitution. L’article initial n’était pas rédigé comme il l’est aujourd’hui. C’est le Sénat, sur votre initiative, monsieur le président de la commission, qui a contribué à en modifier la rédaction.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Vous étiez déjà à la manœuvre pour que le Gouvernement puisse disposer d’une loi organique le plus large possible, qui permette d’y engouffrer tout ce que l’on voulait y mettre.

Voilà la réalité ! C’est la majorité du Sénat qui est responsable, aujourd’hui, de la disparition de toutes les autorités indépendantes qui ont fait leurs preuves. Le Défenseur des droits va remplacer des autorités bien différentes, certaines défendant les droits individuels, comme la HALDE ou le défenseur des libertés, et d’autres ayant une vocation plus générale, comme la Commission nationale de déontologie de la sécurité, qui est chargée de contrôler l’action de l’administration.

Cela était voulu dès le début. La manœuvre a commencé ici même, au sein de la majorité sénatoriale, qui est aujourd’hui responsable de ce recul des libertés publiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Inscrire un Défenseur des droits dans la Constitution, pourquoi pas ? Mais ce sont les membres de la majorité sénatoriale qui ont permis au Gouvernement, dans la loi organique, de définir un périmètre le plus large possible. Et la navette ressemble à une mascarade : on y met ceci, on enlève cela, on y introduit une chose puis on la retire avant de la remettre. On ne sait pas à quoi aboutira la commission mixte paritaire. Tout cela est vraiment indigne – je le dis comme je le pense – de la défense des libertés !

La seconde raison pour laquelle nous voterons la motion tendant à opposer la question préalable est que, de par son mode de désignation, le Défenseur des droits sera un personnage politique, politisé. Monsieur le rapporteur, vous le savez, la majorité négative des trois cinquièmes ne veut strictement rien dire. Elle n’a même pas un effet préventif comme le prétend M. le président de la commission des lois : il s’agit d’un leurre total !

Si l’on veut que le Défenseur des droits soit indépendant, il faut, à l’instar d’autres démocraties, qu’il soit élu par la majorité des trois cinquièmes des deux chambres du Parlement

M. Robert Badinter opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

On dit même, mais « on » peut se tromper, – je le dis en séance publique afin que mes propos figurent dans le compte rendu des débats – que le futur Défenseur des droits serait – j’espère que les gazettes et les journaux bien informés qui prétendent cela se trompent – une compensation pour quelqu’un qui perdrait son mandat de député lors des prochaines élections législatives.

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. Mes chers collègues, je prends acte de votre protestation et j’espère qu’elle sera entendue en haut lieu, si tant est que l’on vous entende parfois en haut lieu, ce qui ne semble pas se produire.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Vous avez en partie raison, monsieur Jean-Pierre Michel. Lors de la discussion du texte en première lecture au Sénat, nous avons considéré que le Défenseur des droits, à la différence du Médiateur de la République, devait être constitutionnalisé.

À titre personnel, je ne voyais aucun intérêt à constitutionnaliser le Médiateur de la République. Il fallait lui donner des pouvoirs nouveaux.

Le Médiateur lui-même se plaignait de ne pas avoir un pouvoir suffisant pour défendre les droits de manière efficace.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Il faut distinguer la médiation et la défense des droits.

Notre idée était que tous les droits devaient être défendus par une seule autorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Dès lors, en donnant des pouvoirs importants au Défenseur des droits, il devenait évident que la HALDE devait être intégrée au sein de celui-ci. D’ailleurs, la HALDE est si bien connue que nombre d’entre nous ignorent la signification exacte de ce sigle…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Les termes « défenseur des droits », qu’il s’agisse des droits de tous nos concitoyens ou des droits des enfants, sont très clairs. Si les autorités administratives indépendantes chargées de la protection des droits et libertés n’étaient pas intégrées au sein du Défenseur des droits, il pourrait y avoir une concurrence, qui serait bien compliqué de gérer.

Lorsque le Parlement a créé le Médiateur de la République, en 1973…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le Président Giscard d’Estaing a été à l’origine de dispositions qui constituèrent des progrès en matière de libertés.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Le Médiateur de la République a été créé en janvier 1973.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

C’est bien ce qu’il me semblait. Le Sénat avait alors joué un rôle important, comme ce fut notamment le cas pour la création de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL.

En fait, lors de sa création, personne n’aurait pensé que le Médiateur de la République allait acquérir une telle autorité. Il doit cette autorité à la personnalité de ceux qui occupèrent ce poste, et qui, comme Jacques Pelletier, ont su s’élever bien au-dessus de leurs responsabilités politiques : la fonction créé une responsabilité.

Tout ce que l’on peut lire dans les gazettes…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Peut-être ! En tout état de cause, dans la mesure où la nomination du Défenseur des droits sera soumise aux commissions des lois des deux assemblées, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. … celles-ci pourront, soyez-en assurés, avoir un pouvoir de dissuasion s’il ne s’agit pas de personnalités incontestables.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. Alors là, on est sauvé !

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le meilleur exemple en est le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

En l’occurrence, je pense qu’il en sera de même ; je fais confiance au pouvoir de proposition, ainsi qu’à la possibilité qui nous est offerte de nous opposer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J’en viens à votre proposition d’une nomination à la majorité des trois cinquièmes.

Vous le savez, une partie des membres du Tribunal constitutionnel espagnol doivent recueillir les trois cinquièmes des suffrages de l’assemblée pour être élus par les assemblées. Or, lorsque cette majorité n’est pas atteinte, il peut manquer des membres au sein du Tribunal. On peut dire que ce n’est pas grave ! On ne peut en effet nommer certains membres, car aucun des candidats ne recueille la majorité requise.

Le système que vous proposez est intéressant : il conduirait à retenir les candidats de l’opposition…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Les trois candidats nouvellement nommés auraient-ils obtenu les suffrages des trois cinquièmes ? Sûrement pas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur Jean-Pierre Michel, je n’engage pas plus avant la discussion, mais je tenais à donner mon point de vue après votre brillante intervention !

Sourires. – MM. Antoine Lefèvre et Jean-Pierre Michel applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je mets aux voix la motion n° 14, tendant à opposer la question préalable et dont l’adoption aurait pour effet d’entraîner le rejet du projet de loi organique.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public est de droit.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement demandent le rejet de cette motion.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 144 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Nous passons donc à la discussion des articles.

Je rappelle que, en application de l’article 48, alinéa 5, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets et propositions de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux assemblées du Parlement n’ont pas encore adopté un texte identique.

En conséquence, sont irrecevables les amendements remettant en cause les conformes ou les articles additionnels sans relation directe avec les dispositions restant en discussion.

TITRE IER

DISPOSITIONS GÉNÉRALES

(Non modifié)

Le Défenseur des droits est nommé par décret en Conseil des ministres, après application de la procédure prévue au dernier alinéa de l’article 13 de la Constitution.

Il ne peut être mis fin à ses fonctions que sur sa demande ou en cas d’empêchement dans des conditions définies par décret en Conseil d’État.

L'article 1 er est adopté.

(Non modifié)

Le Défenseur des droits, autorité constitutionnelle indépendante, ne reçoit, dans l’exercice de ses attributions, aucune instruction.

Le Défenseur des droits et ses adjoints ne peuvent être poursuivis, recherchés, arrêtés, détenus ou jugés à l’occasion des opinions qu’ils émettent ou des actes qu’ils accomplissent dans l’exercice de leurs fonctions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 109, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

Le Défenseur des droits et ses adjoints

insérer les mots :

et le Défenseur des enfants

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Il s'agit de rétablir, dans cet article, la mention du Défenseur des enfants. Nous voulons reconnaître la spécificité des droits de l’enfant au travers de la nomination d'une personnalité bien identifiée.

Vous le savez, monsieur le garde des sceaux, la spécificité des droits de l’enfant, consacrée par la Convention internationale des droits de l'enfant, qui a été ratifiée par la France en 1990, doit être prise en compte. À cet effet, il est primordial de conserver une autorité spécifique qui incarne les droits de l’enfant et participe à leur meilleure visibilité.

Je sais que notre commission a revu l’article 5 bis dans un sens contraire à celui que nous proposons ici avec cet amendement. Mais si, dans sa grande sagesse, notre assemblée adoptait cet amendement, les choses seraient différentes lors de l’examen de cet article.

Je rappelle que Mme la Défenseure des enfants a souligné dans un courrier que les réclamations concernant les atteintes aux droits des enfants sont spécifiques et nécessitent toujours des interventions rapides, voire, parfois, immédiates. Il faut donc que le Défenseur des enfants puisse continuer à agir très vite, sans être soumis aux difficultés créées par une structure quelque peu bureaucratique.

Enfin, dans la logique de ce que nous avons dit et de ce que vient de rappeler très fortement Robert Badinter, nous considérons qu’il importe que le Défenseur des enfants, comme d’ailleurs les autres autorités dont nous parlerons ultérieurement, soit davantage qu’un collaborateur, qui n’aura plus l’autonomie nécessaire.

Enfin, cela ne vous aura pas échappé, si nous supprimions cette autorité qu’est le Défenseur des enfants, nous serions pratiquement le seul pays en Europe à le faire. En effet, tous les autres pays démontrent leur attachement au Défenseur des enfants comme autorité indépendante, distincte de toute autre autorité.

Mes chers collègues, ai-je besoin d’ajouter que cet amendement répond très précisément aux demandes émanant de l’UNICEF et de nombre d’associations qui se préoccupent de la défense des enfants, tout particulièrement des enfants en danger et en difficulté ? Dans notre pays, comme ailleurs dans le monde, des enfants sont vulnérables. Il est donc légitime qu’une autorité soit vouée à leur défense.

Mes chers collègues, écoutez ce que vous ressentez au fond du cœur, et je suis sûr que vous vous associerez à cet amendement tendant à défendre les droits des enfants, et je vous en remercie par avance.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

La commission ne s’associera pas au vœu de M. Sueur.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Tout d’abord, je rappelle que l'Assemblée nationale, comme le Sénat, avait refusé, en première lecture, de tels amendements, qui nous sont de nouveau proposés. Est-ce le rôle d’une deuxième lecture que de réexaminer les amendements qui ont été refusés en première lecture ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Les droits des enfants existent en deuxième lecture et même en troisième lecture !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

La visibilité de la mission de protection des droits de l’enfant sera assurée par les actions de communication qu’entreprendra le Défenseur des droits et par le travail du Défenseur des enfants, adjoint du Défenseur des droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mais non ! Il ne s’agit pas de communication !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Le Défenseur des enfants et les autres adjoints seront non pas des autorités constitutionnelles, mais des collaborateurs privilégiés du Défenseur des droits. Cet amendement est donc inutile, car le Défenseur des enfants est un adjoint parmi les autres.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je tiens d’abord à rappeler que les droits des enfants sont aussi – j’aimerais qu’on le souligne de temps à autre – défendus, tous les jours, sur le terrain, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

… par de nombreux agents, notamment au niveau des collectivités locales, dans le cadre de l’ASE, l’aide sociale à l’enfance.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Il faut en avoir pleinement conscience, l’action quotidienne qu’ils mènent en permanence au plus près des jeunes enfants constitue la garantie la plus efficace.

Le Défenseur des droits est le Défenseur des enfants ; c’est la Constitution, et il faut l’appliquer ainsi. Un adjoint identifiera cette mission.

Toutefois, je le répète, ce sont d’abord les agents des collectivités locales et de l’État qui sont, sur le terrain, les premiers défenseurs des enfants.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

En conséquence, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous avez dit, monsieur le rapporteur, que cette question a été réglée en première lecture. Mais il serait peut-être salutaire que vous vous interrogiez sur les raisons pour lesquelles ce choix a suscité de telles réactions.

Il s’agit, a-t-il été dit, d’une défense pro domo de telle ou telle autorité. Ces personnes sont nommées pour un temps défini et, dans peu de temps d’ailleurs, elles ne seront plus à la tête de ces institutions. On peut tout de même leur faire crédit d’avoir une plus grande hauteur de vue.

Quant aux critiques émanant notamment de l’UNICEF, de la CNCDH, de la Commission nationale consultative des droits de l’homme, ou encore d’Amnesty International, on voit bien que les raisons sont profondes.

Le Défenseur des enfants – qui a été par deux fois jusqu’à présent une femme, mais tel ne sera pas toujours obligatoirement le cas – tient bien entendu sa spécificité de la Convention internationale des droits de l’enfant.

On constate que des pays qui ont une longue pratique de l’ombudsman créent néanmoins un Défenseur des enfants, qui, au-delà des dossiers précis qu’il peut être à même d’examiner quand ils est saisi par des enfants, des responsables d’enfants, des associations ou diverses institutions, traite de questions un peu plus transversales et générales. L’exemple qui ne vous plaît évidemment pas, mais qui est bien réel, c’est celui des enfants étrangers sur notre territoire.

Interrogeons-nous sur l’utilité de supprimer le Défenseur des enfants : en tout cas, nous ne sommes pas en train de faire œuvre utile, dans le sens de la défense des droits, en fondant cette institution – monsieur le rapporteur, votre formule conforte mon opposition à la disparition du Défenseur des enfants – sur « la grosse machine » du Défenseur des droits !

Il s’agit bien d’une grosse machine, et surtout d’une personne nommée par le Président de la République, on l’a dit, dans les conditions que l’on sait. Bien entendu, personne ne dira que c’est anodin : c’est vers lui que vont converger toutes sortes de demandes, d’interventions, auxquelles de toute façon, s’il est sérieux et s’il veut agir, il ne pourra répondre qu’en s’appuyant sur ceux qui sont plus près des problèmes réels, qui ne s’occupent que de cela. Dans ce cas, il vaut mieux que ce soient eux qui puissent être juges, c’est-à-dire qui se saisissent du dossier et donnent un avis avec lequel le Défenseur des droits, personnage emblématique, ne pourrait qu’être d’accord.

Il y a quelque chose qui ne va pas dans le système. Monsieur Gélard, avec votre grosse machine, vous donnez vraiment le sens de ce qui va se passer !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

J’interviendrai simplement pour rappeler combien nous regrettons que le Défenseur des enfants puisse en fait se retrouver sous la tutelle d’un grand Défenseur des droits, ce qui pourrait donner lieu à des amalgames.

Aujourd’hui, par exemple, l’ordonnance de 1945 relative à la responsabilité pénale des mineurs est de plus en plus de remise en cause.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Elle a été remise en cause vingt-trois fois !

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Je considère que nous allons encore plus loin avec cette fusion, en réalité cette mise sous tutelle.

Pour ma part, je souhaitais seulement mettre l’accent sur l’aspect conventionnel. Comme cela a été dit, le droit des enfants est reconnu, et c’est heureux, parce que la France a ratifié en 1990 la Convention de New York relative aux droits de l’enfant. Or aujourd’hui, par cette fusion, cette mise sous tutelle, j’ai l’impression que l’on fait une entorse conventionnelle à cette ratification et à cette reconnaissance des droits. Je regrette totalement que nous puissions encore aller vers une fusion, alors que la spécificité des droits des enfants est reconnue partout dans le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le rapporteur, j’ai été très étonné par les arguments que vous avez développés.

Vous avez dit que les enfants seront défendus par les opérations de communication que mettra en œuvre le Défenseur des droits. J’en reste confondu ! Alors, le Défenseur des droits qui aura une grosse bureaucratie, une « grosse machine », bénéficiera d’un gros budget de communication, et j’imagine déjà les affiches de quatre mètres sur trois où l’on verra des jeunes enfants et sur lesquelles il sera inscrit : « Je vous défends ». Ce n’est pas cela dont les enfants ont besoin !

Vous avez dit également, avec quelque condescendance, qu’il y aurait un collaborateur privilégié. J’aime cet adjectif « privilégié », qui me rappelle ce qui se passe au Sénat lorsqu’on remercie tel collègue pour son excellent rapport ; j’ai rarement vu au Sénat un rapport qui ne fût pas excellent ! D’ailleurs, beaucoup le sont, et nous devons nous en féliciter. Cela fait partie, monsieur le rapporteur, des adjectifs convenus.

En réalité, le fait même que vous acceptiez de parler d’un collaborateur est significatif, alors que toutes les instances concernées, notamment le Comité des droits de l’enfant de l’Organisation des Nations unies ou le Commissariat aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, préconisent de maintenir une autorité spécialisée qui puisse « se focaliser sur une mission unique et établir une identité claire susceptible de faciliter le contact avec les enfants ».

Nul doute que toutes les autorités qui s’occupent des enfants – vous avez eu raison, monsieur le garde des sceaux, de parler des agents des collectivités locales, mais vous auriez pu citer aussi les magistrats, notamment les juges pour enfants, qui effectuent un travail tout à fait considérable – nous diront que la situation spécifique de ceux-ci est telle que doit leur être dédiée une autorité propre, qui soit visible, lisible, que l’on puisse facilement saisir.

Vous nous dites qu’il faut des actions de communication et un collaborateur. C’est tout dire ! Cela signifie que le collaborateur devra demander la permission pour faire un certain nombre de choses, pour procéder à des investigations ; …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

il agira sous l’autorité du Défenseur des droits.

Moi, je vous demande, mes chers collègues, de faire un effort pour sauver ce Défenseur des enfants avec son identité propre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Monsieur le président, puisque nous sommes nombreux à intervenir sur le même thème et que les amendements de suppression parallèles sont nombreux, mon intervention vaudra pour les amendements similaires que j’ai déposés, afin d’éviter que la discussion ne se prolonge inutilement.

Je partage les arguments qui ont été avancés par les intervenants précédents. Je voudrais simplement insister sur un point.

Selon moi, le Défenseur des droits, dans la Constitution de 1958 et dans l’état de droit français, c’est le juge. Le juge étant le défenseur des libertés, il est donc aussi le défenseur des enfants.

Simplement, dans notre pays, nous sommes confrontés au problème suivant : les enfants sont souvent en grande difficulté lorsque des procès les concernent, parce qu’ils ont du mal à trouver des défenseurs, des avocats qui soient vraiment spécialisés dans le droit de l’enfance.

La raison en est simple : il n’est pas très rentable de défendre des enfants ; souvent, une aide judiciaire est nécessaire. Je connais beaucoup d’avocats qui le font presque à titre bénévole. Mais j’en connais aussi un certain nombre qui ne veulent pas le faire, parce que d’autres types de procès sont beaucoup plus rémunérateurs.

Le Défenseur des enfants – elle, en l’occurrence – n’a que cette activité à remplir. Il est donc un peu l’aiguillon qui intervient sur tous ces dossiers, non seulement parce que nous avons signé des traités et que nous devons honorer nos engagements – d’ailleurs, comme cela a été dit tout à l’heure, dans les États où existent déjà des Défenseurs des droits, le Défenseur des enfants a malgré tout été maintenu –, mais également en raison de ce que les conventions internationales appellent « l’intérêt supérieur de l’enfant ». Dans les procès familiaux, qui sont de plus en plus nombreux, les enfants ont besoin d’un type de défense spécifique, notamment parmi les professions judiciaires, les avocats.

Aujourd’hui, ce domaine connaît une carence importante. Aussi longtemps que de tels retards seront constatés, il faudra maintenir une institution spécifique.

Vous me direz qu’il est opportun de regrouper toutes les autorités administratives qui défendent les droits fondamentaux. Moi, je vous répondrai que, voilà quelques mois, un colloque s’est tenu dans une université qui m’est chère, au cours duquel ont justement été évoquées les autorités administratives indépendantes, et qu’une position quasi unanime s’est dégagée en faveur de la pluralité de ces autorités administratives indépendantes, parce qu’elles ont chacune leur spécificité, leur terrain d’action.

Il est possible d’en regrouper, mais la preuve qu’elles sont utiles, c’est que l’on en crée en permanence de nouvelles. Même si nous décidons un regroupement administratif, j’allais dire « bureaucratique », autour du Défenseur des droits, de toute façon, si ce personnage exerce sérieusement son métier, il n’aura pas le temps de tout faire, et il sera obligé de déléguer à quelqu’un qui effectuera le travail qui était fait avant, mais sans avoir l’autorité.

De toute façon, même si nous procédons à des regroupements, tôt ou tard, nous serons obligés de repartir en sens inverse, et ce que nous aurons fait aujourd’hui n’aura servi à rien.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Catherine Troendle, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je ne partage pas du tout les arguments qui ont été avancés jusqu’à présent, pour deux raisons.

En premier lieu, nous sommes quasiment tous maires et, dans nos communes respectives, nous avons tous, dans une confiance totale, confié des délégations à nos adjoints.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

J’ai été heurtée par le propos de certains d’entre vous, disant que ce ne sont que des adjoints, se demandant ce qu’ils peuvent bien faire, ou s’interrogeant sur leur rôle.

Sachez que ma conception des adjoints telle que je l’assume pleinement dans ma municipalité, comme d’autres le font certainement, c’est une relation de confiance.

Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Éliane Assassi rient.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Ce n’est pas comparable, parce que les adjoints sont élus, et non pas nommés par le Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme Catherine Troendle. Dans ce contexte, je ne comprends pas que l’on puisse dénigrer le rôle d’adjoint du Défenseur des droits.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Par ailleurs, le Défenseur des droits, c’est un concept général : la défense des droits, dont les droits des enfants.

Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Éliane Assassi s’exclament.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Très souvent, la défense d’un enfant en souffrance s’inscrit dans un contexte plus général de défense des droits. Le fait, pour l’ensemble des intervenants, de se retrouver autour du Défenseur des droits permettrait peut-être d’aborder la problématique des enfants de façon plus efficace.

Pour ma part, j’adhère complètement au Défenseur des droits auquel est intégrée la Défenseure des droits des enfants.

MM. Christian Cointat, Jean-René Lecerf et François Trucy applaudissent.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

(Non modifié)

Les fonctions de Défenseur des droits et celles de ses adjoints sont incompatibles avec celles de membre du Gouvernement, du Conseil constitutionnel, du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil économique, social et environnemental ainsi qu’avec tout mandat électif.

Le membre du Gouvernement, du Conseil constitutionnel, du Conseil supérieur de la magistrature, du Conseil économique, social et environnemental ou le titulaire d’un mandat électif qui est nommé Défenseur des droits ou adjoint est réputé avoir opté pour ces dernières fonctions s’il n’a pas exprimé de volonté contraire dans les huit jours suivant la publication au Journal officiel de sa nomination.

Les fonctions de Défenseur des droits et celles de ses adjoints sont, en outre, incompatibles avec toute autre fonction ou emploi public et toute activité professionnelle ainsi qu’avec toute fonction de président et de membre de conseil d’administration, de président et de membre de directoire, de président et de membre de conseil de surveillance, et d’administrateur délégué dans toute société, entreprise ou établissement.

Dans un délai d’un mois suivant la publication de sa nomination comme Défenseur des droits ou comme un de ses adjoints, la personne nommée doit cesser toute activité incompatible avec ses nouvelles fonctions. Si elle est fonctionnaire ou magistrat, elle est placée en position de détachement de plein droit pendant la durée de ses fonctions et ne peut recevoir, au cours de cette période, aucune promotion au choix.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 110, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 1

Après les mots :

et celles de ses adjoints

insérer les mots :

et du Défenseur des enfants

Cet amendement n’a plus d’objet.

L'amendement n° 111, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

Défenseur des droits ou adjoint

insérer les mots :

ou Défenseur des enfants

Cet amendement n’a plus d’objet.

L'amendement n° 112, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Après les mots :

et celles de ses adjoints

insérer les mots :

et de Défenseur des enfants

Cet amendement n’a plus d’objet.

L'amendement n° 113, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Après les mots :

ou comme un de ses adjoints

insérer les mots :

ou comme Défenseur des enfants

Cet amendement n’a plus d’objet.

Je mets aux voix l'article 3.

L'article 3 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AUX COMPÉTENCES ET À LA SAISINE DU DÉFENSEUR DES DROITS

I. – Le Défenseur des droits est chargé :

1° De défendre les droits et libertés dans le cadre des relations avec les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes investis d’une mission de service public ;

2° De défendre et de promouvoir l’intérêt supérieur et les droits de l’enfant consacrés par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ;

3° De lutter contre les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ainsi que de promouvoir l’égalité ;

4° De veiller au respect de la déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République ;

Supprimé

II. –

Supprimé

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 24, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 7

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Nous proposons, au travers de cet amendement, de poursuivre dans la voie ouverte par la commission avec le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, en retirant du périmètre d’action du Défenseur des droits les attributions actuellement dévolues à la CNDS, au Défenseur des enfants et à la HALDE.

Je sais bien ce que M. le rapporteur nous rétorquera tout à l’heure. Il l’a déjà dit, et cela me donne l’occasion de lui répondre.

C’est vrai, monsieur Gélard, la réforme constitutionnelle a fait en sorte que l’on crée un Défenseur des droits. L’article 71–1 de la Constitution que vous répétez abondamment, et avec raison, précise : « Le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public… »

Toutefois, cet article ne précise pas de périmètre, et n’indique pas s’il faut intégrer au Défenseur des droits le Défenseur des enfants, la HALDE et la CNDS.

Par conséquent, « notre devoir de parlementaires » – je reprends l’expression de M. Gélard – est justement de débattre du périmètre du Défenseur des droits, et c’est ce que nous faisons aujourd’hui.

Quel doit être le bon périmètre ?

Je propose une méthode, qui consiste à mettre en balance les avantages et les inconvénients de l’intégration de telle ou telle autorité administrative.

Essayons d’analyser, de la manière la plus objective qui soit, le bilan des autorités administratives que vous vous proposez d’intégrer au travers de ce texte.

Franchement, si vous estimez que le bilan du Défenseur des enfants, de la HALDE, du Contrôleur général des lieux de privation de liberté – désormais exclu du dispositif – ou de la CNDS est mauvais, si les rapports de ces autorités vous sont vraiment insupportables, il faut le dire !

Il me semble toutefois que nous sommes majoritaires à penser que ces autorités administratives accomplissaient plutôt un bon travail, ce qui plaide en faveur de leur maintien.

Y a-t-il, à l’inverse, des éléments qui pourraient militer en faveur de leur intégration ?

J’ai été très surpris de constater que les conclusions de l’étude d’impact du projet de loi organique n’allaient pas dans ce sens. Je me permets de la citer : « Le regroupement de l’ensemble des autorités administratives indépendantes chargées de la protection des droits et libertés […] conduirait à conjuguer les missions actuelles de médiation avec des missions de contrôle, de décision ou de sanction, qui sont d’une nature différente et concernent au moins autant la sphère privée que les services publics […]. Une telle option pourrait se prévaloir de l’objectif de rationalisation poursuivi par le pouvoir constituant. Néanmoins, une telle configuration pourrait s’avérer contre-productive ».

Ainsi, dans cette balance avantages-inconvénients, si l’on voit parfaitement quels seraient les inconvénients de cette intégration, je ne vois pas très bien, à titre personnel, et en m’efforçant d’adopter une approche rationnelle, quels pourraient en être les avantages.

Voilà pourquoi nous présentons cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 56, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 3 à 5

Supprimer ces alinéas.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Nous proposons à travers cet amendement de supprimer les alinéas 3 à 5 de l’article 4.

Je voudrais tout d’abord rappeler que les élus de mon groupe avaient autrefois soutenu la création du Défenseur des enfants, de la CNDS et de la HALDE.

Aujourd’hui, on peut dire, me semble-t-il, que ces autorités ont démontré leur pertinence et leur utilité concrète dans la protection des droits de nos concitoyens.

On peut dire aussi que leur existence a permis une plus grande lisibilité institutionnelle de la défense des droits des personnes, laquelle est précisément liée à la spécialité de ces organismes et à leur champ de compétence déterminé. Cette lisibilité disparaîtra donc en même temps que ces autorités.

Ces autorités administratives indépendantes interviennent selon des modalités et des logiques qui leur sont propres, et qui peuvent même, parfois, s’avérer antinomiques.

Dans l’avis qu’elle a rendu sur ce texte, la CNCDH rappelle que le Médiateur « agit par la persuasion », et que les réclamations qui lui arrivent portent principalement sur des problèmes administratifs.

Le rôle et l’action des autres autorités étant, pour l’essentiel, différents, il faut donc s’attendre à ce que le regroupement des fonctions de contrôle et de médiation nuise à l’effectivité des droits.

Il serait en outre très inquiétant de voir disparaître les autorités actuelles, alors que, précisément, les droits et libertés sont de plus en plus malmenés dans notre pays, et qu’ils le sont d’ailleurs bien souvent au nom même de leur protection.

Ainsi, tirant argument du droit à la sécurité, vous faites preuve d’une frénésie et d’une précipitation législatives, toujours dans le sens d’une aggravation pénale, d’un contrôle et d’une surveillance généralisés. Mais je ne reviendrai pas ici sur tout ce que nous avons dénoncé encore récemment lors du débat sur la LOPPSI 2.

C’est aussi au nom de la protection des droits que vous n’hésitez pas à remettre en cause des principes fondamentaux dans notre législation. Et je remarque, non sans crainte, que réapparaît ces jours-ci l’idée selon laquelle la non-rétroactivité de la loi pénale poserait problème s’agissant des récidivistes…

Dans ces conditions, quand vous invoquez une meilleure protection des droits pour justifier la création du Défenseur, permettez-moi d’avoir quelques doutes.

Vous avez voulu imposer la méthode « forte » pour supprimer des autorités que vous considérez comme des entraves à votre politique, et rien que cela suggérait que votre préoccupation première n’était peut-être pas celle qui était affichée.

Enfin, je voudrais dire à Mme Troendle combien il est osé de comparer des gens qui sont élus par le peuple et des gens qui sont désignés par le Président de la République. À l’évidence, nous ne donnons pas le même sens au mot « démocratie » !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 2 rectifié est présenté par M. Portelli, Mmes Garriaud-Maylam, G. Gautier et Férat et M. du Luart.

L'amendement n° 25 rectifié est présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

L’amendement n° 2 rectifié a déjà été défendu.

M. Hugues Portelli opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

La suppression du Défenseur des enfants, absorbé dans le Défenseur des droits, risque d’avoir des conséquences néfastes au regard des engagements internationaux de la France.

La suppression du Défenseur des enfants témoignerait d’un véritable recul par rapport aux engagements de la France dans le cadre de la convention de New York relative aux droits de l’enfant du 20 novembre 1989, et par rapport aux préconisations du Comité des droits de l’enfant de l’Organisation des Nations unies.

Les prescriptions du Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe vont dans le sens du renforcement des autorités chargées de la protection des droits de l’enfant et incitent à maintenir des autorités spécialisées qui « peuvent se focaliser sur une mission unique et établir une identité claire susceptible de faciliter le contact avec les enfants ».

Une telle autorité spécialisée est également indispensable compte tenu des exigences de la convention européenne sur l’exercice des droits des enfants, adoptée à Strasbourg le 25 janvier 1996 et ratifiée par la France le 1er août 2007, et pour les besoins de fonctionnement du réseau européen des ombudsmans pour les enfants, dont la Défenseure des enfants française a assuré la présidence jusqu’en octobre 2010.

La dilution du rôle du défenseur des enfants dans celui du défenseur des droits affecterait gravement l’accessibilité ainsi que la lisibilité de l’institution aux yeux des enfants. Aujourd’hui, le défenseur des enfants est une autorité parfaitement identifiée et directement accessible aux enfants. Ces derniers ont un interlocuteur direct, visible et reconnu, spécialement chargé de la défense et de la promotion de leurs droits, et seul apte à agir efficacement face à l’urgence du traitement de nombreuses réclamations.

Dans le projet de loi organique adopté par l’Assemblée nationale en première lecture, le Défenseur des enfants conserverait son titre, mais n’aurait qu’un rôle d’adjoint, placé sous l’autorité directe du Défenseur des droits, et n’ayant aucune autonomie d’initiative et de décision, puisque c’est le Défenseur des droits qui exercerait pleinement la compétence jusqu’à présent attribuée au Défenseur des enfants.

L’article 4 présente, au pire, un risque de non-conventionalité, et risque, au mieux, de produire des effets contre-productifs.

C’est la raison pour laquelle nous proposons d’exclure le Défenseur des enfants du champ d’action du Défenseur des droits, afin de suivre les recommandations du Comité des droits de l’enfant des Nations unies, l’organe en charge de veiller au respect des engagements pris par les États en ce qui concerne la pleine mise en œuvre de la convention internationale relative aux droits de l’enfant. Nous rappelons que, dans ses observations de juin 2009, il a très spécifiquement invité le gouvernement français « à continuer à renforcer le rôle du Défenseur des enfants […] et à lui allouer les ressources financières et humaines suffisantes ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 26, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Par cet amendement, nous entendons nous opposer à la fusion de la HALDE avec le Défenseur des droits.

La loi du 30 décembre 2004, qui a institué la HALDE, a également donné un mandat clair et bien identifié à cette nouvelle autorité. Cela lui a permis d’acquérir cette notoriété qui lui a conféré une réelle visibilité dans la lutte contre toutes les discriminations. Cela lui a aussi, et surtout, permis de développer une expérience, une expertise et une capacité d’action désormais reconnues par ses partenaires publics et privés.

Depuis sa création, en effet, plus de 42 000 personnes ont adressé une réclamation à la HALDE, chiffre en progression constante de plus de 20 % chaque année et qui, au demeurant, n’honore pas notre démocratie. En 2010, sur les 12 464 réclamations reçues, 27 % d’entre elles portaient sur l’origine, 19 % sur l’état de santé et le handicap, et environ 11 % sur le sexe, l’état de grossesse ou la situation de famille. Les sujets relatifs aux femmes dans l’emploi sont particulièrement nombreux et en très forte progression.

Absorbée par un Défenseur des droits aux multiples compétences, dénuée de toute identité, quelle indépendance pourra-t-elle encore avoir au sein de cette nouvelle institution ? Que pourra faire le collaborateur qui, au sein du Défenseur des droits, aura en charge les compétences actuellement exercées par la HALDE ?

La HALDE a parallèlement conduit une action de promotion de l’égalité en direction des entreprises, des administrations ou encore des bailleurs sociaux, publics et privés, pour les sensibiliser aux différents types de discriminations.

Comme pour le Défenseur des enfants, – je rejoins en cela les propos de ma collègue Alima Boumediene-Thiery – un problème de conventionalité se pose. En effet, ainsi diluée dans la nouvelle instance que sera le Défenseur des droits, la HALDE est-elle bien conforme aux prescriptions des directives européennes et aux engagements internationaux de la France en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité ?

Pour toutes ces raisons, nous refusons d’acter la disparition de la HALDE, car, au cours de ses six années d’existence, à travers la prise en charge de plus de 38 000 réclamations, et grâce aux nombreux partenariats noués dans les secteurs publics et privés, cette institution collégiale a contribué à une plus grande cohésion sociale et développé une expertise reconnue par les juridictions et les pouvoirs publics, en améliorant sensiblement les pratiques qui avaient cours auparavant.

Cet avis est d’ailleurs partagé par le nouveau président de la HALDE qui, devant la commission des lois, a récemment plaidé pour que l’institution conserve son autonomie, afin qu’elle puisse poursuivre le travail qu’elle avait commencé à accomplir.

C’est la raison pour laquelle nous présentons cet amendement.

Je souligne au passage, mes chers collègues, que le nouveau président de la HALDE fait preuve d’une plus grande modestie que la personne qui l’a précédé, laquelle n’a occupé ce poste que quelques instants, le temps surtout pour elle de renier ses engagements pour accepter un poste au Gouvernement…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. … où, pour l’instant, on ne peut pas dire qu’elle se soit tellement distinguée…

Marques d’indignation sur plusieurs travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Si les parlementaires ne disent pas la vérité, monsieur le garde des sceaux, qui le fera ? Certainement pas la presse, en tout cas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Les deux amendements suivants sont identiques.

L'amendement n° 27 est présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 123 rectifié est présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 27.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous pensons que la CNDS joue un rôle essentiel aujourd’hui.

Nous sommes tous ici amenés à saisir cette autorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Nous essayons de le faire avec mesure : des citoyens viennent nous voir, se plaignant du fonctionnement de telle ou telle autorité de la police ou de la gendarmerie. Si leurs griefs nous paraissent crédibles, nous saisissons la CNDS, en prenant soin de préciser que nous ne portons pas de jugement, mais que nous pensons qu’il est utile qu’une autorité autonome, indépendante du pouvoir exécutif, du ministère de l’intérieur, de la direction de la police nationale ou de la gendarmerie, puisse examiner les faits et en tirer des conclusions.

La CNDS, à travers ses rapports pondérés, mesurés, précis, nullement complaisants, a acquis une forte autorité. Comme le disait tout à l’heure M. Anziani, quelqu’un a-t-il trouvé quelque chose à redire à ces rapports que nous recevons année après année ? Il me semble que non !

Dès lors, pourquoi vouloir supprimer une institution qui fonctionne bien ? Parce qu’elle dérange, a suggéré Mme Mathon-Poinat… Eh bien, elle a raison : une fois encore, le but de l’opération apparaît clairement !

J’ajoute que M. le président de la CNDS a écrit, le 18 janvier, une lettre au Premier ministre François Fillon, qui a ensuite été rendue publique.

M. Beauvois, ancien membre de la Cour de cassation, président de la CNDS, écrit : le texte serait « un recul au regard des garanties dont bénéficient aujourd'hui les citoyens ».

Le texte prévoit « qu’en matière de déontologie de la sécurité, le Défenseur des droits pourra consulter un collège, qu’il présidera, composé de six personnalités, dont deux qu’il désignera d’ailleurs lui-même, ce qui risque de fragiliser l’aspect objectif de leurs prises de position », écrit M. Beauvois. « La consultation du collège sera facultative » et « le Défenseur des droits pourra s’écarter de l’avis éventuellement sollicité sans avoir à donner un motif ».

Le texte voté par le Sénat en première lecture prévoyait « la consultation obligatoire » du collège, « la faculté pour le Défenseur des droits de lui demander une seconde délibération ainsi que la possibilité pour ce défenseur de s’écarter de l’avis du collège, mais seulement après lui en avoir exposé les motifs ».

« À défaut, au minimum, d’un tel dispositif, complété par la publication de l’avis du collège en cas de divergence », M. le président de la CNDS considère que « le Défenseur des droits ne présentera pas les garanties d’indépendance et d’efficacité à la mesure de la place qu’il doit prendre au sein de notre démocratie ».

Je n’ajouterai pas un mot aux propos de M. le président de la CNDS, éminent membre de la Cour de cassation.

Je ne vois pas ce que l’on peut répondre à cela, je ne sais pas ce que vous répondrez…

En tout cas, je vous invite à voter l’amendement n° 27, pour préserver cette institution très utile à la République.

Mme Gisèle Printz et M. Jean-Pierre Michel applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Cet amendement est identique à celui que vient de défendre Jean-Pierre Sueur. Il a pour objet de maintenir en tant qu’autorité de plein exercice la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

En effet, autant nous sommes favorables à l’intégration de la HALDE ou du Défenseur des enfants dans cette future autorité, comme l’a excellemment développé Jacques Mézard dans son intervention, autant nous sommes attachés à la pérennité de la CNDS.

Le renforcement de la politique sécuritaire menée au cours des dernières années par le Gouvernement a eu pour effet mécanique d’accroître les comportements discutables de membres de forces de l’ordre au regard de ce que l’on devrait attendre d’eux dans un État de droit. Loin de nous l’idée de faire des généralités navrantes. Nous pensons, au contraire, que c’est bien parce que la pression du chiffre devient intenable que certains représentants des forces de l’ordre sont poussés à franchir les limites de la déontologie.

À cet égard, la CNDS remplit un rôle plus qu’indispensable dans notre société. Chaque année, la publication de ses rapports – rappelée également par M. Sueur – est à la fois édifiante, quant aux faits décrits, et salutaire, par la préservation des règles fondamentales d’action des forces de l’ordre qu’elle permet. Sans doute le Défenseur des droits se donnera-t-il les moyens de continuer à préserver cette déontologie, mais nous sommes avant tout attachés à l’indépendance de la CNDS, qui la met à l’abri de toute pression extérieure.

C’est dans cette perspective que les conditions de nomination de l’adjoint chargé de la déontologie de la sécurité prévues à l’article 11 A du projet de loi organique nous inquiètent particulièrement. Cet adjoint sera nommé par le Premier ministre, sur proposition du Défenseur des droits et après avis des commissions permanentes de chaque assemblée. Nous aurions, pour notre part, préféré que cette nomination soit au minimum approuvée par une majorité des trois cinquièmes de chacune des commissions, afin de garantir la nomination d’une personnalité réellement indépendante. Malheureusement, les dispositions du texte n’éteignent pas la suspicion qui est, comme chacun sait, la pire des choses s’agissant d’une autorité indépendante chargée de contrôler un secteur aussi sensible.

La CNDS a su construire sa crédibilité dans notre paysage institutionnel, même si elle doit encore incontestablement gagner en visibilité. Ce texte offre, hélas ! le sentiment d’une reprise en main à connotation politique puisque les pouvoirs du Défenseur des droits, mais aussi de son adjoint, seront inférieurs à ceux qui sont actuellement dévolus à la CNDS. Cela fit d’ailleurs dire à Roger Beauvois, son actuel président – abondamment cité par notre collègue Jean-Pierre Sueur – que ce projet de loi organique procède à un « vrai recul démocratique ».

C’est pourquoi nous soumettons cet amendement de suppression à l’approbation du Sénat et il sera sans nul doute approuvé.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Je formulerai d’abord deux remarques préliminaires.

Première remarque, il ne faut pas oublier que si jamais on maintenait ces différentes autorités administratives indépendantes, elles seraient obligatoirement en concurrence avec le Défenseur des droits, qui, lui, a une compétence générale.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Évidemment, au fil du temps, on saisira le Défenseur des droits, d’abord parce qu’il aura plus de pouvoirs que les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Par exemple, pour ce qui concerne la CNDS, n’importe quel citoyen pourra saisir le Défenseur des droits, tandis que si on maintient la CNDS, seul un parlementaire pourra le faire.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Mais si, c’est ainsi !

Par conséquent, en réalité, le Défenseur des droits videra petit à petit de tout contenu les indépendants, qui resteront à part, c’est évident. C’était ma première remarque.

Seconde remarque, j’ai déjà répondu à la totalité de ces amendements dans mon exposé liminaire.

L’amendement n° 24 tend à n’attribuer au Défenseur des droits que la seule compétence de l’actuel Médiateur de la République. Cette conception réductrice n’est pas celle qui a été retenue ni dans la Constitution ni par les deux assemblées en première lecture. Aux termes de l’article 71-1 de la Constitution, le Défenseur des droits, autorité constitutionnelle, est investi d’une compétence extrêmement large. Dès lors, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 24.

Il en est de même pour l’amendement n° 56.

En ce qui concerne les amendements identiques n° 2 rectifié et 25 rectifié, je souhaiterais apporter un certain nombre de précisions.

Ces amendements tendent à supprimer l’intégration du Défenseur des enfants au sein du Défenseur des droits ; nous avons déjà évoqué ce point. Nous sommes maintenant en deuxième lecture et les deux assemblées se sont prononcées contre cette intégration. Les missions du Défenseur des enfants seront parfaitement intégrées dans les attributions du Défenseur des droits. Les deux assemblées ont pris en compte les observations du Défenseur des enfants et des associations. Elles ont donc adopté un ensemble de dispositions, que je rappelle, assurant la visibilité de l’action de la défense des droits de l’enfant au sein du Défenseur des droits en créant un adjoint nommé « Défenseur des enfants », reprenant l’ensemble des prérogatives du défenseur des enfants. Ainsi le Défenseur des enfants pourra se saisir des cas mettant en cause l’intérêt toujours supérieur de l’enfant. Il défendra les droits de l’enfant consacrés par les conventions internationales et publiera un rapport à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant.

Pour toutes ces raisons, le Défenseur des enfants peut et doit être intégré au Défenseur des droits, qui assurera avec une plus grande force cette mission essentielle.

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques n° 2 rectifié et 25 rectifié.

S’agissant de l’amendement n° 26, l’Assemblée nationale a confirmé le choix fait par le Sénat de l’intégration de la HALDE à l’intérieur du Défenseur des droits. Il ne s’agit pas, contrairement à ce que l’on entend, de bâillonner cette autorité, il s’agit au contraire de la renforcer au sein du Défenseur des droits. Comme je le disais tout à l’heure, le Défenseur des droits, quoi qu’il arrive, aura toujours la possibilité d’intervenir dans le domaine des discriminations, même si on maintient la HALDE.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

M. Patrice Gélard, rapporteur. Il ne faut pas oublier que le Défenseur des droits a une compétence générale.

Mme Éliane Assassi s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Pour ce qui est des amendements identiques n° 27 et 123 rectifié, comme cela a été expliqué en commission, la CNDS a fait un travail remarquable depuis sa création, nous en sommes bien d’accord. Mais ses recommandations demeurent le plus souvent sans suite réelle en raison d’un manque de poids de cette autorité.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Le contrôle du respect des règles de déontologie par les forces de sécurité sera donc mieux assuré par un défenseur de rang constitutionnel, qui aura des pouvoirs beaucoup plus étendus, dont un pouvoir d’injonction.

La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Il s’agit, en effet, d’un des points essentiels de la discussion, je dirai donc à mon tour quelques mots sur l’ensemble de ces amendements.

Tous ces amendements participent du même état d’esprit : ils visent à réduire le champ de compétence du Défenseur des droits, soit de façon drastique – c’est l’objet de l’amendement n° 24 – en ne laissant au Défenseur des droits que la compétence du Médiateur et en sortant les compétences de toutes les autres autorités administratives indépendantes, soit en retirant telle ou telle autorité administrative indépendante du périmètre du Défenseur des droits.

Je veux rappeler de la façon la plus claire possible que, ici, c’est le législateur organique qui s’exprime pour appliquer l’article 71-1 de la Constitution.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cet article est celui que vous avez voulu lorsque, constituants convoqués en Congrès à Versailles, vous avez modifié la Constitution.

Aujourd’hui, on applique l’article 71-1 de la Constitution en lui donnant tout son sens. Ce sens est simple : le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations publiques, nationales ou locales, et l’ensemble des autres personnes.

Par conséquent, la compétence du Défenseur des droits est la compétence la plus large qui soit.

Vouloir expliquer que telle autre autorité administrative aurait plus de pouvoirs que le Défenseur des droits pour défendre les libertés est faux, de façon absolue, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

… parce que le Défenseur des droits a au moins autant de pouvoirs que chacune des autorités administratives indépendantes regroupées en son sein et, pour certaines, il en a plus.

Je voudrais revenir sur ce point, notamment pour ce qui est du Défenseur des enfants, car c’est un point qui a suscité beaucoup de débats.

Je reconnais tout à fait le travail de qualité réalisé par les défenseurs des enfants qui se sont succédé et je n’ai pas à le critiquer. Mais si l’on est attaché à la défense des droits des enfants, on doit objectivement regarder une chose toute simple : le Défenseur des droits a-t-il moins de capacités d’intervention, moins de pouvoirs, moins de compétences que le Défenseur des enfants, ou plus ? Si l’on répond qu’il en a davantage et que l’on est loyalement attaché aux droits des enfants, on choisira le Défenseur des droits. C’est justement le cas, tout milite en faveur du choix du Défenseur des droits.

Le Défenseur des enfants a été créé, je le rappelle, par une loi du 6 mars 2000. Il ne dispose donc pas de l’assise constitutionnelle du Défenseur des droits prévue à l’article 71-1 de la Constitution et qui lui confère une autorité plus grande dans ses interventions.

Le Défenseur des enfants ne peut agir directement – c’est très important, j’insiste sur ce point – lorsqu’une administration ou une autre personne publique ou privée chargée d’une mission de service public est mise en cause dans une réclamation dont il est saisi. À ce moment-là, le Défenseur des enfants doit obligatoirement transmettre le dossier au Médiateur de la République. On voit bien là qu’il y a un manque important pour le Défenseur des enfants.

Le Défenseur des droits, qui a les compétences tant du Défenseur des enfants que du Médiateur, pourra intervenir directement auprès d’une personne publique. On sait bien que c’est souvent le cas. Le Défenseur des enfants a souvent été amené à intervenir sur certains faits qui relevaient de l’aide sociale à l’enfance ou à propos de telle ou telle personne qui s’était vu confier la garde d’un enfant par une décision publique.

Il s’agit là d’une progression tout à fait considérable dans les pouvoirs dont disposera le Défenseur des droits par rapport au Défenseur des enfants pour défendre les droits des enfants.

Le Défenseur des droits bénéficiera également de moyens d’investigation plus importants, il pourra notamment opérer des contrôles sur place. Il disposera de pouvoirs inconnus du Défenseur des enfants : proposer une transaction, saisir une autorité disciplinaire, intervenir de sa propre initiative dans toute procédure juridictionnelle où son audition est de droit.

Ainsi, le remplacement du Défenseur des enfants par le Défenseur des droits ne peut en aucun cas être considéré comme une régression en matière de défense des droits de l’enfant.

Tout au contraire, les droits des enfants seront défendus par une autorité indépendante de niveau constitutionnel. C’est un point sur lequel je voulais particulièrement insister.

Pour ce qui concerne les amendements de repli, M. le rapporteur a tout à fait bien répondu.

À propos de l’amendement n° 27, monsieur Sueur, j’ai trouvé extrêmement intéressante la manière dont vous l’avez défendu. Votre démonstration était parfaite, et je vous remercie de l’avoir faite ainsi. (

Le président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, avez-vous dit, vient d’écrire à François Fillon. Dans cette lettre, M. Beauvois exprime ce que sa conscience lui dicte. De ce point de vue, je n’ai aucun commentaire à faire. J’observe en revanche que cette lettre démontre son indépendance totale et absolue. Or M. Beauvois a été nommé par un décret du Président de la République daté du 31 décembre 2007 : il a donc été nommé par l’actuel Président de la République.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je comprends bien que cela vous gêne, mais la preuve est ainsi faite que la procédure de nomination par le Président de la République, même sans l’intervention du Parlement, permet, comme l’a dit tout à l’heure M. le président de la commission des lois, que la personne nommée, devenant habitée par sa fonction, acquière une indépendance totale.

C’est ainsi que M. Beauvois, nommé par décret simple du Président de la République, a fait la preuve de son entière indépendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ce n’est pas comme adjoint qu’il a été nommé !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. C’est une démonstration dont je le remercie et qui, malheureusement pour vous, ruine toute l’argumentation que vous développez depuis le début de la séance !

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Depuis tout à l’heure, je le dis sans intention désobligeante, vous ne faites que vous répéter, monsieur le garde des sceaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Le Défenseur des droits, dans la mesure où son existence résulte de la Constitution, disposera, selon vous, de pouvoirs élargis et défendra les droits de façon plus efficace.

Je me suis déjà exprimée sur le Défenseur des enfants, je centrerai donc mon propos sur la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

Je connais bien la CNDS, car j’ai eu l’occasion de la saisir souvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Je crois même être le parlementaire qui l’a saisie le plus souvent.

La raison en est que je suis sénatrice de Paris, où la police procède notamment à de nombreuses gardes à vue et où beaucoup de problèmes sont apparus. Vous en êtes d’ailleurs conscients, puisque vous avez dû engager la réforme de la garde à vue et que le texte devrait aboutir bientôt.

Mais j’en reviens à la CNDS.

Sans doute les deux présidents successivement nommés à la tête de la Commission nationale de déontologie de la sécurité disposaient-ils, du fait des fonctions qu’ils avaient antérieurement exercées, connaissaient bien les affaires dont ils étaient saisis et jouissaient d’une certaine légitimité dans le domaine de la justice et du contrôle des forces de police.

Au stade de leur carrière auquel ils étaient rendus, et compte tenu du fait qu’ils étaient assistés, notamment, par des membres de la représentation nationale et des forces de police, ils ont pu conduire un travail remarquable qui, souvent, je le regrette, a confirmé le bien-fondé des plaintes transmises par les parlementaires. Il est vrai que, comme l’a dit Jean-Pierre Sueur, les dossiers que nous avions transmis étaient solidement étayés.

Il va de soi que la mission de la Commission nationale de déontologie de la sécurité s’apparente à un contrôle du pouvoir régalien. Les arguments que vous développés ne sont donc pas très convaincants, car ce que l’on peut dire du Contrôleur général des lieux de privation de liberté - vous avez accepté, du moins ici, de ne pas le passer à la moulinette du Défenseur des droits -, ont peut aussi bien le dire de la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

La Commission nationale de déontologie de la sécurité n’aurait pas de pouvoirs, dites-vous. Je vous réponds que, si l’on veut vraiment conforter cette autorité, il faut lui donner davantage de pouvoirs et faire nommer son président par la représentation nationale sur une liste de personnes qualifiées. Les bruits qui courent au sujet du Défenseur des droits ne nous donnent pas, de ce point de vue, toutes les garanties souhaitables. Mais nous verrons bien

Nul n’ignore que la hiérarchie policière et le ministère de l’intérieur ne sont pas du tout satisfaits des rapports de la CNDS. Je ne voudrais pas, en citant des noms, me fâcher avec tel ou tel représentant de la Préfecture de police de Paris, mais les uns et les autres ne font pas mystère des réserves que leur inspirent les observations et les mises en cause de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, comme ce fut le cas s’agissant de la garde à vue.

Mais peu importe : il nous appartient, à nous, parlementaires, de nous préoccuper de la manière dont agissent les agents de la force publique relevant d’un ministère régalien.

Je crois donc que vos arguments concernant la Commission nationale de déontologie de la sécurité ne sont pas fondés.

Au surplus, je veux bien croire que le Défenseur des droits aura des pouvoirs, mais de quels moyens disposera-t-il pour pouvoir travailler et mener, le cas échéant, ses enquêtes ? Dans les faits, il sera obligé de suivre l’avis de la personnalité chargée de la déontologie de la police.

Il y a fort à parier, de surcroît, que la volonté de limiter les dépenses, de restreindre les moyens, n’est pas étrangère à votre projet de regroupement des autorités.

Dans ces conditions, on voit mal comment le nouveau défenseur des droits serait réellement mieux à même de contrôler, sur l’ensemble du territoire, les relations de la police avec les citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Nous nous réjouissons que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ait été écarté du regroupement, mais nous considérons que, s’agissant d’une politique permanente et continue, aucun délai ne saurait être fixé, et je pense ici au terme du mandat du contrôleur actuel, à l’expiration duquel le Contrôleur général des lieux de privation de liberté serait intégré au Défenseur des droits.

Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté disparaîtra le jour où il n’y aura plus de problèmes de libertés individuelles et de violences dans les prisons françaises !

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Or nous savons qu’il faudra un certain temps avant que ce ne soit le cas.

Je veux aussi rappeler à M. le garde des sceaux les sages paroles de celle qui l’a précédé dans la belle fonction qu’il occupe aujourd’hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Nous rendons hommage à la sagesse et à la clairvoyance de Mme Rachida Dati, qui s’exprimait ainsi le 31 juillet 2007 : « Les autorités indépendantes contribuent au bon fonctionnement de nos institutions. Elles jouent un rôle de veille, de contrôle, de régulation qui est le propre des démocraties modernes. Elles ont acquis leur légitimité. Elles ont établi leur efficacité. Elles ont démontré qu’un État de droit n’a pas à craindre le contrôle d’une autorité indépendante du pouvoir exécutif. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Monsieur le président, je souhaite simplement formuler une remarque et exprimer un regret.

La remarque s’adresse à vous, monsieur le président. Vous savez que la commission des finances est très tatillonne, parfois même à l’excès, sur l’application de l’article 40.

Or j’ai la nette impression de revivre le débat que nous avons déjà connu en première lecture.

En effet, on use d’un artifice consistant à modifier un article, notamment en retirant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté du périmètre du Défenseur des droits, pour revenir sur des dispositions qui ont été votées dans les mêmes termes par la Haute assemblée et l’Assemblée nationale. Permettez-moi de vous le dire, nous perdons notre temps !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Je ne crois pas qu’une telle attitude fasse honneur à notre assemblée, d’autant moins qu’elle nous empêche de conduire un dialogue constructif dans d’autres domaines.

Quant à mon regret, il concerne les propos qu’a tenus tout à l’heure Jean-Pierre Michel au sujet de l’ancienne présidente de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité. Notre collègue est un homme de qualité, et de tels propos ne lui correspondent pas. Je veux dire que je les regrette profondément.

Mais l’intéressée étant désormais membre du Gouvernement, c’est son succès qui sera la meilleure réponse !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Au cours de la discussion générale, j’ai dit que la Défenseure des enfants, comme le président de la Commission nationale de déontologie de la sécurité et la présidente de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, avait été nommée par le Président de la République. Je l’ai dit, monsieur le garde des sceaux, de sorte que vous n’ayez pas besoin de le rappeler.

Et voilà que, pour répondre à ce que nous avons pu dire concernant la Commission nationale de déontologie de la sécurité, vous tirez argument de ce que son président a été nommé par M. Sarkozy pour en conclure que les personnalités nommées par le Président de la République peuvent s’exprimer.

Mais c’est encore heureux !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

De temps en temps, il n’est pas mal de le rappeler.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Sarkozy nomme de nombreuses personnalités en conseil des ministres. Vous le savez bien, puisque vous y siégez ! J’espère donc que toutes ces personnalités ont la faculté de s’exprimer librement.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Bien sûr !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Dans le cas contraire, ce serait à désespérer de notre démocratie !

Dans toute l’histoire de la Ve République, de nombreuses personnalités nommées de cette façon ont fait preuve d’une grande indépendance.

Toutefois, s’agissant du président de la CNDS, c’est en tant que président nommé à la tête d’une autorité indépendante qu’il dit son inquiétude devant la perspective d’être, demain, placé sous la tutelle d’une autre autorité qui ne lui permettra pas d’agir de manière autonome.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Dans cette situation, lorsqu’il émettra, en tant qu’adjoint ou collaborateur, un avis, si le Défenseur des droits juge ne pas devoir y donner suite, il ne sera même pas tenu de s’en expliquer et de répondre aux arguments, et une seconde délibération ne pourra pas être demandée.

La réalité, dans ce système, c’est tout le pouvoir concentré entre les mains d’un seul !

Selon nous, compte tenu du caractère sensible de l’ensemble des sujets considérés – discriminations, déontologie de la sécurité, droits des enfants –, il n’est pas souhaitable de créer cette autorité tentaculaire.

D’ailleurs, Mme Rachida Dati ne nous avait pas répondu, lorsque nous avions eu l’honneur de l’interroger, et à sept reprises, sur les autorités qui seraient englobées par le futur défenseur des droits. Au moment où vous avez adopté la révision constitutionnelle de juillet 2008, mes chers collègues, vous ignoriez absolument ce qu’il en serait.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Aujourd’hui, nous découvrons peu à peu l’ampleur du sujet, qui augmente d’ailleurs à chaque lecture. Grâce soit rendue à la commission des lois, particulièrement à son rapporteur et à son président, pour leur position concernant le Contrôleur général des lieux de privation de liberté !

Mes chers collègues, je vous rendrais doublement et triplement grâce, si, à l’issue d’une éventuelle commission mixte paritaire, vous faisiez prévaloir le même point de vue au sujet du Défenseur des droits. Mais, compte tenu de vos précédents propos, qui figurent au compte rendu intégral, vous vous êtes vous-mêmes condamnés à ce que je ne vous rende pas grâce, une sanction au demeurant extrêmement légère, symbole de ma « bénévolence ».

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Plus sérieusement, monsieur le garde des sceaux, cessez de nous répéter que les nominations de M. Sarkozy font que l’ensemble du dispositif est magnifique. Tel n’est pas le cas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-René Lecerf

Je souhaite apporter un élément d’explication de vote concernant les amendements identiques n° 27 et 123 rectifié déposés par nos collègues de l’opposition, qui s’opposent à l’intégration de la CNDS au sein du Défenseur des droits.

Comme tous mes collègues, j’ai le plus grand respect pour les rapports de la CNDS, toujours pertinents. Il se trouve que je m’occupe de manière assez régulière de la situation des établissements pénitentiaires, dont le personnel, dans son immense majorité, effectue fort bien un travail particulièrement difficile. Il arrive toutefois que des fautes, et des fautes très lourdes, soient commises.

J’ai pu constater à diverses reprises que ces fautes avaient été attestées et confirmées par les rapports de la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Or, à ma grande surprise, quand je visitais les établissements concernés, je retrouvais dans les mêmes fonctions les mêmes personnels, qui n’avaient donc fait l’objet d’aucune sanction.

J’attends par conséquent de la substitution à la CNDS du Défenseur des droits, qui disposera désormais de l’ensemble des compétences actuelles de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, des rapports non seulement toujours aussi pertinents, mais aussi suivis d’effet, c'est-à-dire, le cas échéant, de sanctions, pour que ces documents ne restent plus lettre morte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Je souhaite revenir sur la question du Défenseur des enfants.

M. Michel a rappelé tout à l’heure à quel point il était nécessaire que la France, dans ce domaine sensible, se conforme à ses obligations internationales. En effet, aux termes tant de la Convention internationale des droits de l’enfant que de la Convention européenne sur l’exercice des droits des enfants – on voit donc que l’exigence est particulièrement forte -, les droits des enfants doivent être défendus par une autorité spécifique.

Quand on me le demande, j’assume, et je continuerai tant que je le pourrai, des missions de défense de mineurs détenus dans divers établissements pénitentiaires d’États situés le plus souvent à l’est de l’Europe et au-delà. Je ne parlerai pas ce soir de ce que j’y vois. J’insisterai simplement sur le rappel des principes fondamentaux qui gouvernent le droit des enfants, singulièrement la défense de leurs droits.

Ces principes partent d’un constat que vous ne devez jamais oublier, mes chers collègues : le mineur n’est pas un adulte en réduction ; il est toujours un être en devenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Par conséquent, nous ne pouvons pas adopter à l’égard du mineur l’approche adoptée à l’égard d’un adulte, et cela vaut aussi pour les autorités qui sont chargées des droits de ce mineur.

C’est la raison pour laquelle notre justice des mineurs est et doit rester autonome. M. Lecerf le sait bien, les mineurs font l’objet d’un droit pénal, de règlements pénitentiaires et de dispositions particulières, hélas trop souvent méconnus, sinon dans notre pays, du moins ailleurs.

Dans ces conditions, il est parfaitement naturel et même, selon moi, obligatoire de mettre en place un défenseur des enfants et non un défenseur général des droits qui délègue des pouvoirs à un adjoint. Il faut ici la visibilité, la responsabilité et le pouvoir autonome du Défenseur des enfants.

On me répondra, comme l’a fait tout à l’heure M. le garde des sceaux, que le Défenseur des droits est une autorité constitutionnelle, ce qui lui confère un plus haut niveau dans la hiérarchie des normes qu’une autorité qui serait simplement créée par une loi. Mais la question n’est pas là !

En effet, si le Défenseur des droits prend en charge, au titre de son autorité constitutionnelle, dans des cas précis, la défense des enfants, il ne pourra plus le faire au nom de cette responsabilité particulière que je viens d’évoquer et qui est liée à la spécificité de la défense des mineurs. Nous retrouvons là la généralisation déplorable que j’ai dénoncée tout à l’heure. Quant à l’adjoint, il se trouvera placé, de fait, en position d’infériorité, contrairement à ce qui prévaut aujourd’hui avec le Défenseur des enfants.

Pour toutes ces raisons, il est infiniment souhaitable, et infiniment utile notamment au regard des conventions internationales, que nous maintenions la complète autonomie du Défenseur des enfants.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement n'est pas adopté.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'article 4 est adopté.

Le Défenseur des droits peut être saisi :

1° Par toute personne physique ou morale qui s’estime lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement d’une administration de l’État, d’une collectivité territoriale, d’un établissement public ou d’un organisme investi d’une mission de service public ;

2° Par un enfant qui invoque la protection de ses droits ou une situation mettant en cause son intérêt, par ses représentants légaux, les membres de sa famille, les services médicaux ou sociaux ou toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits ;

3° Par toute personne qui s’estime victime d’une discrimination, directe ou indirecte, prohibée par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, ou par toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d’assister les victimes de discriminations, conjointement avec la personne s’estimant victime de discrimination ou avec son accord ;

4° Par toute personne qui a été victime ou témoin de faits dont elle estime qu’ils constituent un manquement aux règles de déontologie dans le domaine de la sécurité.

Dans les cas mentionnés aux 2°, 3° et 4°, il peut être saisi des agissements de personnes publiques ou privées.

Le Défenseur des droits peut en outre se saisir d’office ou être saisi par les ayants droit de la personne dont les droits et libertés sont en cause.

Il est saisi des réclamations qui sont adressées à ses adjoints.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 28, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le Défenseur des droits est saisi par toute personne physique ou morale qui s'estime lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement d'une administration de l'État, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public ou d'un organisme investi d'une mission de service public.

Il peut en outre se saisir d'office ou être saisi par les ayants droit de la personne dont les droits et libertés visés à l'alinéa précédent sont en cause.

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, vous avez tous compris le sens de cet amendement, qui résulte de notre obstination à nous en tenir strictement à la Constitution : tout l’article 71-1, rien que l’article 71-1 !

Tout à l’heure, monsieur le garde des sceaux, vous entendiez des voix. Maintenant, je crains que vous n’ayez perdu l’ouïe ! Nous l’avons dit et redit, notre position est simple. Nous ne combattons pas la réforme constitutionnelle, ce n’est plus le moment. Nous ne nous opposons pas non plus à l’article 71-1 de la Constitution, dont notre souci est au contraire de faire en sorte qu’il soit appliqué, sans être dénaturé par l’introduction d’un périmètre.

Au demeurant, une incompréhension subsiste entre nous. Nous ne nous opposons pas à toute réforme des autorités administratives indépendantes dont il est aujourd’hui question. Mais il existe plusieurs façons de réformer : on peut supprimer, comme vous, les unes et les autres en les absorbant au sein d’une entité générale ou bien élargir, comme nous le proposons, les possibilités de saisine de ces autorités, lesquelles seraient dotées d’un plus grand pouvoir, par exemple de recommandation ou d’injonction.

M. le rapporteur a fait tout à l’heure une démonstration éclatante, encore que la lumière qui a envahi alors l’hémicycle n’ait pas été exempte de quelques obscurités…

Selon M. Gélard, le nouveau défenseur des droits, parce qu’il est doté d’une compétence générale, rend les autres autorités caduques. Or ce n’est pas vrai ! Il peut y avoir cohabitation entre, d’un côté, une compétence générale et, de l’autre, des compétences spéciales. Nous le savons bien, le spécialiste peut apporter beaucoup au généraliste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 3, présenté par MM. Portelli et du Luart et Mmes Férat, Garriaud-Maylam, G. Gautier et Gourault, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

Cet amendement n’a plus d’objet.

L'amendement n° 143, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

et se proposant par ses statuts de défendre les droits de l'enfant

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Par cet amendement, le Gouvernement souhaite apporter une précision au troisième alinéa de l’article 5. Si en effet, aux termes du libellé actuel, toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits peut saisir le Défenseur des droits en matière de protection des droits de l'enfant, nous voulons préciser qu’il s’agit des associations qui, par leurs statuts, ont pour objet de défendre les droits de l’enfant.

À défaut de cette précision, toutes les associations auraient la faculté de saisir le Défenseur des droits lorsque sont en cause l'intérêt ou les droits de l'enfant. Un tel élargissement serait de nature à banaliser l'action des associations spécialisées dans ces domaines, qui ont naturellement vocation à traiter de ces questions et à devenir des interlocuteurs privilégiés du Défenseur des droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 124 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

II. Alinéa 6

Remplacer les références :

2°, 3° et 4°

par les références :

2° et 3°

Cet amendement n'a plus d’objet.

L'amendement n° 134, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Supprimer cet alinéa.

La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Debut de section - PermalienPhoto de Josiane Mathon-Poinat

Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai en même temps les amendements de repli n° 134, 57 et 58, qui concernent respectivement les articles 5, 5 bis et 6.

Les alinéas 3, 4 et 5 de l’article 5 prévoient que le Défenseur des droits peut être saisi de réclamations concernant l’intérêt supérieur des enfants, les discriminations ou les atteintes à la déontologie de la sécurité.

L’alinéa 8 lui confère le suivi des réclamations adressées à ses adjoints, dont fait partie, en l’état du texte, le Défenseur des enfants, aux termes de l’alinéa 2 de l’article 11 A du texte.

Nous souhaitons, pour notre part, que les adjoints, au même titre que le Défenseur des droits, puissent être saisis directement. Il nous paraît en effet primordial de préserver la visibilité actuelle des fonctions qui leur sont conférées par l’article 11 A.

En outre, nous refusons que tous les pouvoirs de la nouvelle autorité soient concentrés entre les mains d’un défenseur dont le mode de désignation, nous l’avons dit tout à l’heure, est tout à fait contestable. Il nous paraît donc important de conférer à ses adjoints un certain nombre de pouvoirs.

Dans son rapport, notre collègue Patrice Gélard souligne qu’une telle disposition ne serait pas conforme à l’article 71-1 de la Constitution.

Décidément, cet article est source de bien des ambiguïtés : d’un côté, il impose à la loi organique de préciser un certain nombre de points pour ce qui concerne la mise en œuvre du Défenseur des droits ; de l’autre, il ne fixe pas grand-chose, raison principale pour laquelle nous ne l’avions pas voté.

Finalement, notre collègue nous explique – nous n’en sommes guère surpris – que l’article 71-1 de la Constitution était d’emblée destiné à resserrer les pouvoirs autour de la seule personne du Défenseur, nommée dans les conditions prévues par l’article 13 de la Constitution, donc, en réalité, par le seul Président de la République.

Nous refusons une telle logique.

Nous proposons donc de supprimer l’alinéa 8 de l’article 5, de rétablir l’article 5 bis tel qu’il a été adopté par l’Assemblée nationale et de prévoir à l’article 6 la possibilité de saisir les adjoints du Défenseur des droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Les amendements n° 15 et 81 sont identiques.

L'amendement n° 15 est présenté par M. Portelli.

L'amendement n° 81 est présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Toutefois, le Défenseur des enfants peut être saisi directement par les personnes ou organismes visés au 2°.

La parole est à M. Hugues Portelli, pour présenter l’amendement n° 15.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Cet amendement de repli vise à permettre la saisine directe de l’adjoint qui exercera la fonction de Défenseur des enfants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 81.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Quel est l’avis de la commission sur les cinq amendements restant en discussion ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

La rédaction de l’amendement n° 28 retient une conception réductrice du rôle du Défenseur des droits, qui, selon la Constitution, doit être beaucoup plus qu’un médiateur.

La commission a donc émis un avis défavorable.

L’amendement n° 143 tend à rétablir une précision figurant dans la loi instituant un Défenseur des enfants et que le Sénat avait reprise en première lecture.

Il semble en effet préférable de limiter la saisine de cette autorité par les associations à celles qui ont inscrit dans leurs statuts la défense des droits de l’enfant.

La commission a donc émis un avis favorable.

L’adoption de l’amendement n° 134 n’empêcherait pas l’intégration de la CNDS et de la HALDE. Elle aboutirait seulement à supprimer une précision relative au fonctionnement interne de la nouvelle autorité.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Les amendements identiques n° 15 et 81 sont contraires à la Constitution. En conséquence, la commission demande à leurs auteurs de bien vouloir les retirer. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements restant en discussion à l’exception de celui qu’il a lui-même déposé ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour explication de vote sur l’amendement n° 143.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Nous sommes totalement opposés à cet amendement, dont la conception est très restrictive, trop restrictive. En effet, combien d’associations régulièrement déclarées inscrivent-elles dans leurs statuts la défense des enfants ? Quelques-unes seulement, comme celles qui s’occupent d’adoption ou de maltraitance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Prenons le domaine de la santé.

L’Association des paralysés de France pourra-t-elle saisir le Défenseur des droits du cas d’un enfant tétraplégique ? Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

C’est ce que dit le Gouvernement.

L’association AIDES pourra-t-elle saisir le Défenseur des droits du cas d’un enfant atteint du sida, et il y en a beaucoup ? Non, d’après ce que dit le Gouvernement !

Une association de lutte contre le cancer pourra-t-elle assister un enfant atteint de cette maladie ? Non !

Je m’arrête là, car je pourrais multiplier les exemples à l’infini. Ceux-ci montrent en tout cas la conception extrêmement restrictive du Gouvernement.

On le voit, cette intégration ou cette absorption, que M. le garde des sceaux, en bon centriste, préfère appeler « rassemblement », limitera considérablement la possibilité des enfants de s’adresser à leur défenseur, qui n’aura d’ailleurs plus d’identité, puisque, à l’évidence, il n’existera plus.

Mes chers collègues, cet amendement est dangereux. Vous devez donc le rejeter.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Monsieur Michel, j’ai bien compris que vous vouliez maintenir le droit en vigueur concernant le Défenseur des enfants. Or le dispositif ici proposé ne fait ni plus ni moins que reprendre les termes de la loi de 2000 instituant un défenseur des enfants.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Ah non ! C’est dire tout et son contraire.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je constate en tout cas que vous l’avez beaucoup fait aujourd’hui.

Permettez-moi de vous lire l’article 1er de la loi du 6 mars 2000 : « Les réclamations peuvent lui être présentées par […] les associations reconnues d’utilité publique qui défendent les droits des enfants ».

La loi de 2000 prévoit donc expressément que, pour agir, une association doit être reconnue d’utilité publique. Le texte de la commission qui vous est aujourd’hui soumis, lui, va beaucoup plus loin, puisqu’il vise à proposer que cette procédure puisse être accomplie par une simple association, à condition que celle-ci ait pour objet la défense des enfants. C’est d’ailleurs bien le moins. En effet, que viendrait faire une association de défense de l’urbanisme dans ce domaine ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Elle ferait mieux de s’occuper d’abord des parents de ces enfants mal logés ! Vous ne voulez pas non plus faire couler la Saône au milieu de la Creuse, pendant que vous y êtes ?

L'amendement est adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur les amendements identiques n° 15 et 81.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

J’ai une simple question à poser à M. le rapporteur : en quoi ces amendements sont-ils contraires à la Constitution ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Si vous voulez connaître la réponse à votre question, mon cher collègue, il vous suffit de lire le rapport et, surtout, la Constitution, qui ne reconnaît de prérogatives qu’au seul Défenseur des droits et non aux autres institutions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Monsieur le rapporteur, sachez que nous avons lu le rapport et qu’il nous arrive également de lire la Constitution…

La logique dans laquelle nous nous inscrivons est celle du maintien du Défenseur des enfants. Nous ne comprenons donc pas pourquoi un dispositif prévoyant sa saisine par les personnes ou organismes cités au 2° serait inconstitutionnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En revanche, nous comprenons de mieux en mieux ce qui va se passer : il n’y aura qu’une autorité et une seule.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C’est la seule à laquelle on aura le droit d’écrire, de téléphoner, de parler, et ce depuis l’enfance jusqu'au grand âge.

Pour tous les sujets, il n’y aura donc qu’un défenseur. Les adjoints, quant à eux, n’auront pas de pouvoir. Inutile donc de leur adresser des courriers, ils ne pourront pas y répondre. En somme, un adjoint n’est qu’un collaborateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Circulez, il n’y a rien à voir ! C’est une certaine conception de la République e de l’exercice du pouvoir.

Permettez-nous de considérer que la Constitution de notre République n’induit pas nécessairement un tel dispositif, dont nous verrons bientôt les très grands inconvénients.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'article 5 est adopté.

(Supprimé)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L’article 5 bis a été supprimé par la commission.

L'amendement n° 57, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le Défenseur des enfants peut être saisi directement des réclamations qui lui sont adressées :

1° par un enfant lorsqu'il invoque la protection de ses droits ou une situation mettant en cause son intérêt ;

2° par les représentants légaux de l'enfant, les membres de sa famille ;

3° par les services médicaux ou sociaux ;

4° par toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits et se proposant par ses statuts de défendre des droits des enfants.

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

La Constitution ne permet pas la saisine des adjoints du Défenseur des droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Cependant, madame Borvo Cohen-Seat, la commission a prévu que les réclamations adressées aux adjoints seraient examinées par le Défenseur des droits. Ainsi, un enfant qui adressera au Défenseur des enfants un courrier verra celui-ci considéré comme une saisine du Défenseur des droits.

Par conséquent, l’article 5 du texte, tel qu’il vient d’être adopté, devrait vous donner satisfaction. C’est la raison pour laquelle je ne peux émettre qu’un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Défavorable !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Monsieur le président, je sollicite une courte suspension de séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Le Sénat va bien entendu accéder à votre demande, monsieur le garde des sceaux.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures dix, est reprise à dix-neuf heures quinze.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L’ordre du jour appelle la désignation des vingt-quatre sénateurs membres de la mission commune d’information relative à Pôle emploi.

En application de l’article 8, alinéas 3 à 11, de notre règlement, la liste des candidats présentés par les groupes a été affichée.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Nous reprenons la discussion en deuxième lecture du projet de loi organique, modifié par l’Assemblée nationale, relatif au Défenseur des droits.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’article 6.

La saisine du Défenseur des droits est gratuite.

Elle est précédée de démarches préalables auprès des personnes publiques ou des organismes mis en cause, sauf lorsqu’elle est présentée au titre des compétences mentionnées aux 2° à 4° de l’article 4.

La saisine du Défenseur des droits n’interrompt ni ne suspend par elle-même les délais de prescription des actions en matière civile, administrative ou pénale, non plus que ceux relatifs à l’exercice de recours administratifs ou contentieux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 58, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéas 1 et 3

Après les mots :

Défenseurs des droits

insérer les mots :

ou de l'un de ses adjoints

Cet amendement a été précédemment défendu.

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés

Défavorable !

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 114 rectifié, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 1

Après le mot :

droits

insérer les mots :

ou du Défenseur des enfants

II. - Alinéa 2

Remplacer la référence :

par la référence :

3° et

III. - Alinéa 3

Après le mot :

droits

insérer les mots :

ou du Défenseur des enfants

Cet amendement n'a plus d’objet.

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 4, présenté par MM. Portelli et du Luart et Mmes Férat, G. Gautier, Garriaud-Maylam et Gourault, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

aux 2° à 4°

par les mots :

aux 3° et 4°

Cet amendement n'a plus d’objet.

L'amendement n° 125 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer le mot et la référence :

par le mot et la référence :

et 3°

Cet amendement n'a plus d’objet.

L'article 6 est adopté.

(Non modifié)

Une réclamation peut être adressée à un député, à un sénateur ou à un représentant français au Parlement européen, qui la transmet au Défenseur des droits s’il estime qu’elle appelle son intervention. Le Défenseur des droits informe le député, le sénateur ou le représentant français au Parlement européen des suites données à cette transmission.

Les membres du Parlement peuvent, de leur propre initiative, saisir le Défenseur des droits d’une question qui leur paraît appeler son intervention.

Sur la demande de l’une des commissions permanentes de son assemblée, le Président de l’Assemblée nationale ou le Président du Sénat peut transmettre au Défenseur des droits, dans les domaines de sa compétence, toute pétition dont l’assemblée a été saisie.

Le Défenseur des droits instruit également les réclamations qui lui sont transmises par le Médiateur européen ou un homologue étranger et qui lui paraissent relever de sa compétence et appeler son intervention.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L'amendement n° 142, présenté par Mme Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :

Alinéa 1

1° Première phrase

Remplacer les mots :

ou à un représentant français au Parlement européen

par les mots :

, à un représentant français au Parlement européen ou à un élu à l’Assemblée des Français de l’étranger

2° Seconde phrase

Remplacer les mots :

ou le représentant français au Parlement européen

par les mots :

le représentant français au Parlement européen ou l'élu à l'Assemblée des Français de l'étranger

La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Cet amendement vise à compléter l’article 7 en fonction des décisions qui ont été prises par l’Assemblée nationale.

Vous le savez, l’article 7 introduit la possibilité pour un député ou un sénateur de transmettre au Défenseur des droits des réclamations. L’Assemblée nationale a souhaité que cette possibilité soit étendue aux représentants français élus au Parlement européen.

Dans ce cadre, il serait extrêmement opportun de prévoir que les élus à l’Assemblée des Français de l’étranger, l’AFE, catégorie un peu particulière d’élus, puissent eux aussi transmettre des réclamations, dans la mesure où nous cherchons à renforcer leurs prérogatives.

Je rappelle que la situation de ces élus est très particulière. Si en effet un résident français peut à tout moment rencontrer son député, son sénateur ou son eurodéputé, c’est beaucoup plus difficile pour un Français de l’étranger, du fait de la taille des circonscriptions - le monde pour les sénateurs ou de très vastes circonscriptions pour les futurs députés représentant les Français établis hors de France -, ce qui affaiblit bien évidemment le lien territorial de proximité.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Il est désormais possible, je le rappelle, de saisir directement le Défenseur des droits sans passer par un député, un sénateur ou un parlementaire européen.

Ce qui me gêne le plus dans cette proposition, au demeurant intéressante, c’est d’ajouter au dispositif de l’article 7 une catégorie d’élus d’un niveau inférieur à celui des parlementaires européens ou nationaux. Il faudrait pratiquement accorder le même pouvoir aux conseillers régionaux voire aux conseillers généraux, dans cette logique. Cela me paraît excessif.

C’est la raison pour laquelle je préfère demander le retrait de cet amendement.

Au demeurant, les onze futurs députés et les douze sénateurs représentant les Français établis hors de France peuvent parfaitement jouer ce rôle. Qu’apporteraient de plus les 155 membres de l’AFE ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le Gouvernement comprend les préoccupations de Mme Garriaud-Maylam concernant la situation des Français de l’étranger, qui peuvent être confrontés à des difficultés spécifiques.

Toutefois, il ne paraît pas nécessaire de prévoir une disposition particulière dans la loi organique. La saisine du Défenseur des droits peut être directement effectuée par tout citoyen, y compris par ceux qui résident à l’étranger.

De surcroît, le Défenseur des droits peut se saisir d’office.

Ainsi, toute information particulière sur la situation de citoyens français résidant à l’étranger qui serait portée à sa connaissance pourrait faire l’objet d’un examen par ses soins, même d’office, sans qu’il soit utile de prévoir formellement un mode de saisine spécifique du Défenseur des droits par l’AFE.

Pour ces raisons comme pour celles qu’a avancées M. le rapporteur, je demande à Mme Garriaud-Maylam de retirer son amendement.

Il vous revient simplement, dans le cadre du mandat qui vous a été confié, de diffuser l’information la plus large sur la création du Défenseur des droits. Je suis sûr qu’ainsi tous les Français de l’étranger pourront trouver matière à défendre leurs droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Joëlle Garriaud-Maylam

Je suis sensible aux propos qui ont été tenus et je vais retirer mon amendement.

Je voudrais néanmoins préciser qu’il est question ici non de saisine, comme à l’article 6 – j’avais d’ailleurs envoyé une information à tous les élus de l’AFE sur les possibilités de saisine du Médiateur de la République –, mais de réclamations adressées aux députés, aux sénateurs et aux membres du Parlement européen.

Il s’agissait avant tout d’un amendement d’appel, afin d’insister une nouvelle fois sur l’importance de ces questions pour nos compatriotes expatriés. Mais, pour vous faire plaisir, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je veux bien le retirer.

M. le rapporteur applaudit.

L'article 7 est adopté.

Lorsqu’il se saisit d’office ou lorsqu’il est saisi autrement qu’à l’initiative de la personne s’estimant lésée ou, s’agissant d’un enfant, de ses représentants légaux, le Défenseur des droits ne peut intervenir qu’à la condition que cette personne ou, le cas échéant, ses ayants droit ait été avertie et ne se soit pas opposée à son intervention. Toutefois, il peut toujours se saisir des cas lui paraissant mettre en cause l’intérêt supérieur d’un enfant et des cas relatifs à des personnes qui ne sont pas identifiées ou dont il ne peut recueillir l’accord.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 5, présenté par MM. Portelli et du Luart et Mmes Férat, G. Gautier, Garriaud-Maylam et Gourault, est ainsi libellé :

I. - Première phrase

Supprimer les mots :

ou, s'agissant d'un enfant, de ses représentants légaux,

II. - Seconde phrase

Supprimer les mots :

des cas lui paraissant mettre en cause d'intérêt supérieur d'un enfant et

Cet amendement n'a plus d’objet.

L'amendement n° 29, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Seconde phrase

Après le mot :

enfant

insérer les mots :

, l'intérêt supérieur d'une personne ayant subi une discrimination directe ou indirecte prohibée par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France et l'intérêt supérieur des personnes à l'encontre desquelles les règles de déontologie n'ont pas été respectées par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République

La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

L’article 8 a pour objet de préciser les conditions dans lesquelles le Défenseur des droits pourra se saisir d’office ou être saisi par une personne autre que la personne lésée ou, s’agissant d’un enfant, par ses représentants légaux.

Il prévoit que l’intervention du Défenseur des droits est subordonnée à un avertissement de la personne, si elle est identifiée, ou, le cas échéant, de ses ayants droit, et à une absence d’opposition manifestée par la personne ou ses ayants droit.

Il est toutefois prévu une dérogation à cette clause d’information lorsque le Défenseur doit traiter de cas lui paraissant mettre en cause l’intérêt supérieur de l’enfant. Nous proposons, par cet amendement, l’extension du champ de la dérogation à l’ensemble des compétences du Défenseur des droits.

Nous voulons mettre l’accent sur la façon dont ce texte a été élaboré au cours de la navette, afin de souligner combien la majorité a du mal à assumer la disparition totale des autorités administratives indépendantes que sont le Défenseur des enfants, la HALDE et la CNDS.

En effet, chers collègues de la majorité, vous tentez de légiférer à droit constant en puisant dans les prérogatives de chacune de ces autorités administratives indépendantes, ce qui donne un texte composite et, à la vérité, un peu bancal.

Pourquoi ne retenir ici que l’intérêt supérieur de l’enfant, alors que le Défenseur des droits est appelé à se saisir de cas dans lesquels sont concernés l’intérêt supérieur d’une personne qui subit une discrimination ou l’intérêt supérieur d’une personne à l’encontre de laquelle les règles de déontologie de la sécurité n’ont pas été respectées ?

Vous avez fait de même au troisième alinéa de l’article 8, puisque, en première lecture, vous avez permis au Défenseur des droits de se saisir sans information préalable des cas relatifs à des personnes dont il ne peut recueillir l’accord.

Cette dernière hypothèse permet au Défenseur des droits de conserver les pouvoirs actuels de la CNDS, laquelle n’a pas besoin de recueillir l’accord de la personne concernée pour instruire un dossier. Est visée notamment la situation de personnes reconduites à la frontière et qu’il peut être très difficile de contacter pour s’assurer de l’absence d’opposition à l’intervention du Défenseur.

En théorie, l’essentiel semble sauvegardé, mais, en réalité, que pourra faire l’adjoint du Défenseur des droits – le « collaborateur », dites-vous, monsieur le rapporteur, mauvais mot que l’on bannit aujourd’hui de la langue française et même des commémorations nationales –, alors que cet adjoint est placé sous l’autorité du Défenseur ?

Que se passera-t-il en pratique si l’adjoint souhaite se saisir du cas et que le Défenseur des droits s’y oppose ? Il n’y aura pas de saisine !

On assiste donc bien à une régression dans le contrôle du respect des règles de déontologie par les forces de sécurité.

C’est donc une restriction par rapport aux pouvoirs que détient aujourd’hui la CNDS. Nous avons tenu à dénoncer cet effet pervers de la réforme, qui n’est pas visible au premier abord.

M. Guy Fischer remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

La Constitution permet au Défenseur des droits de se saisir d’office. Il importe cependant qu’il ne le fasse qu’après avoir averti la personne concernée et que si cette dernière ne s’y oppose pas.

La situation des enfants est spécifique, puisque le Défenseur ne sera pas nécessairement en mesure de les avertir et parce que leurs parents peuvent malheureusement être à l’origine du problème.

C’est pourquoi le Sénat avait retenu une rédaction permettant au Défenseur de se saisir, en toute hypothèse, des cas mettant en cause l’intérêt supérieur d’un enfant.

Il en va de même, monsieur Michel, pour les personnes qui ne sont pas identifiées ou dont le Défenseur ne peut recueillir l’accord. C’est le cas des étrangers reconduits à la frontière, par exemple.

Il ne semble donc pas opportun d’étendre cette disposition à toutes les hypothèses de saisine du Défenseur des droits, comme le prévoit l’amendement, car il importe de préserver le droit d’action de chaque personne.

La rédaction de l’article 8 apporte suffisamment de garanties pour assurer une saisine effective du Défenseur dans les cas où il ne serait pas saisi directement par les personnes lésées.

La commission émet donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Monsieur le président, je partage entièrement l’avis de la commission : avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 8 est adopté.

Lorsque le Défenseur des droits est saisi d’une réclamation entrant dans le champ de compétence d’une autre autorité indépendante investie d’une mission de protection des droits et libertés, il lui transmet cette réclamation.

Lorsque le Défenseur des droits transmet une réclamation à une autre autorité visée au premier alinéa, il peut accompagner cette transmission de ses observations et demander à être informé des suites données à celles-ci.

Les autres autorités indépendantes investies d’une mission de protection des droits et libertés transmettent au Défenseur des droits les réclamations relevant de sa compétence.

Le Défenseur des droits et ces autorités concluent des conventions précisant les modalités des transmissions de réclamations prévues aux premier et troisième alinéas.

Le Défenseur des droits est associé, à sa demande, aux travaux de la Commission nationale de l’informatique et des libertés et de la Commission d’accès aux documents administratifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 144, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

II. - Alinéa 2

Remplacer les mots :

visée au premier alinéa

par les mots :

indépendante investie d'une mission de protection des droits et libertés

III. - Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le texte adopté par la commission des lois impose au Défenseur des droits de transmettre les réclamations qu’il reçoit et qui relèveraient de la compétence d’une autre autorité chargée de la protection des droits et libertés.

Or l’un des objectifs du constituant lorsqu’il a décidé la création du Défenseur des droits était de permettre une approche globale. L’article 71-1 de la Constitution donne ainsi une compétence générale au Défenseur des droits, pour mettre fin à l’approche sectorisée et cloisonnée de la situation de l’individu qui prévaut aujourd’hui.

Lorsqu’un dossier relèvera, du fait de sa complexité, de plusieurs autorités, le Défenseur des droits devra-t-il toutes les saisir, au risque de voir apparaître des réponses désordonnées, voire contradictoires ?

Le Défenseur des droits respectera les lois attribuant des compétences à d’autres autorités. Pour autant, il convient de le laisser définir, en lien avec les présidents des autres autorités intervenant dans le domaine de la protection des droits et libertés, les modalités de leur coopération future.

Il ne relève pas de la loi organique de prévoir les modalités de cette collaboration. C’est la raison pour laquelle cet amendement a été déposé.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Monsieur le président, je ne vais pas donner satisfaction au Gouvernement s'agissant de l'amendement n° 144.

En effet, cet amendement tend à supprimer les règles insérées par la commission pour préciser les relations entre le Défenseur des droits et les autres autorités investies d’une mission de protection des droits et libertés. Les dispositions adoptées par la commission renvoient à des conventions. C’est d’ailleurs le cas aujourd'hui avec le Médiateur de la République, et cela fonctionne très bien.

C’est la raison pour laquelle, malheureusement, monsieur le garde des sceaux, j’émettrai un avis défavorable sur votre amendement.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Le rapporteur peut se tromper, pour une fois !

Sourires

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 16, présenté par M. Portelli, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Remplacer les mots :

et de la Commission d'accès aux documents administratifs

par les mots :

de la Commission d’accès aux documents administratifs et du Défenseur des enfants

Cet amendement n'a plus d’objet.

Je mets aux voix l'article 9.

L'article 9 est adopté.

Le Défenseur des droits ne peut être saisi ni ne peut se saisir des différends qui peuvent s’élever entre les personnes publiques et organismes mentionnés au 1° de l’article 4.

Il ne peut être saisi ni ne peut se saisir, sauf au titre de ses compétences mentionnées au 3° du même article 4, des différends qui peuvent s’élever entre, d’une part, ces personnes publiques et organismes et, d’autre part, leurs agents, à raison de l’exercice de leurs fonctions. –

Adopté.

TITRE III

DISPOSITIONS RELATIVES À L’INTERVENTION DU DÉFENSEUR DES DROITS

Chapitre IER

Dispositions relatives aux collèges

I. – Le Défenseur des droits préside les collèges qui l’assistent pour l’exercice de ses attributions en matière de défense et de promotion des droits de l’enfant, de lutte contre les discriminations et de promotion de l’égalité, ainsi que de déontologie dans le domaine de la sécurité.

Sur proposition du Défenseur des droits et après avis de la commission compétente de chaque assemblée, le Premier ministre nomme les adjoints du Défenseur des droits, dont :

- un Défenseur des enfants, vice-président du collège chargé de la défense et de la promotion des droits de l’enfant, choisi pour ses connaissances ou son expérience dans ce domaine ;

- un adjoint, vice-président du collège chargé de la déontologie dans le domaine de la sécurité, choisi pour ses connaissances ou son expérience dans ce domaine ;

- un adjoint, vice-président du collège chargé de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité, choisi pour ses connaissances ou son expérience dans ce domaine.

II. – Les adjoints sont placés auprès du Défenseur des droits et sous son autorité.

Le Défenseur des droits peut déléguer ses attributions à ses adjoints, dans leur domaine de compétence, à l’exception de celles mentionnées aux articles 16, 23, 24, 25 et au dernier alinéa des articles 15 et 21.

Chaque adjoint peut suppléer le Défenseur des droits à la présidence des réunions du collège dont il est le vice-président et le représenter, dans son domaine de compétence, auprès des organisations rassemblant les autorités indépendantes de pays tiers chargées de la protection des droits et libertés.

III. –

Supprimé

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 30 est présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 59 est présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l’amendement n° 30.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Cet article détermine les relations entre le Défenseur des droits et les collèges chargés de l’assister pour l’exercice de ses compétences. Il illustre les points faibles de la réforme telle qu’elle est proposée par le Gouvernement et la majorité, même si l’on relève qu’il existe sur ce point une divergence importante entre les députés et les sénateurs qui soutiennent ce texte. Et l’on a bien compris quelle était l’inclination du Gouvernement…

De prime abord, une telle disposition semble attractive, car elle instaure trois collèges spécialisés, en matière de droits de l’enfant, de déontologie de la sécurité et de lutte contre les discriminations.

On pourrait se dire que le Défenseur des enfants, la CNDS et la HALDE sont reconduits et que, fortes de leur expérience et de leur savoir-faire, ces autorités viendront éclairer les avis du Défenseur des droits.

Le fait que les adjoints soient soumis à des règles d’inéligibilité et d’incompatibilité permet également d’assurer leur indépendance.

Malheureusement, une fois ces grands traits mis à plat, on constate que le débat sur les collèges relève du cache-misère.

Premièrement, la présidence des collèges est assurée par le Défenseur des droits ; les responsables des collèges n’ont le titre que de vice-président. S’ils appartiennent bien au collège, ils n’ont rang que de simple collaborateur du Défenseur des droits.

Il ne faut pas se méprendre sur la place particulière réservée au Défenseur des enfants. Il est nommément identifié, mais il ne demeure qu’un adjoint parmi les autres.

Deuxièmement, nous passons de la notion de spécialité à celle de pluridisciplinarité. Cette transition illustre l’objectif visé par la présente réforme. Elle trouvera à s’appliquer dans le cadre de l’article 11 B. Il est révélateur que cette disposition ait été introduite par les députés. Or, ce qui devrait faire la force des collèges, c’est leur spécialité, leur expertise dans une matière spécifique et leur mémoire.

Nous voyons bien que l’on passe d’une logique de spécialité à une logique de fourre-tout. Le Défenseur des enfants, la HALDE et la CNDS sont appréhendés dans une approche globalisée, ce qui n’est pas une bonne chose.

Troisièmement, l’indépendance des adjoints est mise à mal. Ces derniers restent désignés par le pouvoir en place, sur proposition du Défenseur des droits, qui est lui-même déjà choisi par le Président de la République. L’avis des commissions permanentes est un avis simple. Il ne pèsera donc pas.

Quatrièmement, enfin, les adjoints ne disposent pas de pouvoirs propres. Il est clairement spécifié qu’ils sont placés auprès du Défenseur des droits et sous son autorité. Par ailleurs, ils ne disposent que d’un pouvoir délégué, donc consenti. En plus, cette délégation ne concerne que certaines attributions.

Une telle organisation ne change rien au fond. Elle entérine la suppression de la HALDE, de la CNDS et du Défenseur des enfants, en quelque sorte « aspirés ». Nous souhaitons les conserver.

C’est pourquoi nous proposons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 59.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Cet article 11 A tire les conséquences de la suppression des trois autorités administratives indépendantes que vous organisez.

Mais ne s’agit-il que de ces trois-là ? Et la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL ? Et la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA ? L’alinéa 2 laisse toute latitude au Défenseur des droits de désigner d’autres adjoints pour des missions spécifiques. Nous verrons bien…

Ajouté en première lecture par le Sénat, l’article 11 A précise les relations du Défenseur avec les collèges évoqués à l’article 71-1 de la Constitution et il permet au Défenseur de nommer des adjoints.

En réalité, cet article correspond à une volonté de surmonter un certain nombre de problèmes et de contradictions, notamment une centralisation excessive autour du Défenseur des droits. Nous le voyons bien, la grosse machine se grippera rapidement lorsque le Défenseur des droits recevra toutes les réclamations : il lui sera impossible d’y répondre sans adjoints, quel que soit d’ailleurs l’intitulé de leur fonction.

L’article vise également à compenser l’absence de visibilité des missions actuelles des autorités après leur dilution dans le périmètre de compétence du Défenseur des droits.

Je ne reviendrai donc pas sur les arguments que nous répétons depuis un certain temps, y compris ce soir. Simplement, nous voyons bien ici les dysfonctionnements auxquels vous vous exposez, et auxquels vous nous exposez.

Le meilleur moyen de surmonter les contradictions de ce texte serait évidemment d’abandonner la mesure qui constitue le problème nodal : l’absorption des autorités actuelles qui leur retire toute possibilité d’action propre.

Par conséquent, nous vous proposons de supprimer cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Nous avons adopté les articles donnant au Défenseur des droits des compétences en matière de droits de l’enfant, de lutte contre les discriminations et de déontologie des forces de sécurité.

Dès lors, la meilleure organisation possible est celle qui prévoit des collèges et des adjoints autour du Défenseur des droits. À défaut, nous aurions seulement un Défenseur des droits entouré de services exerçant l’ensemble de ses prérogatives en son nom.

Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Avis défavorable !

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 60, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Le Défenseur des droits préside les collèges qui l'assistent pour l'exercice de ses attributions en matière de déontologie dans le domaine de la sécurité, ainsi que la lutte contre la discrimination et de promotion de l'égalité.

Sur proposition du Défenseur des droits et après avis conforme de la commission compétente à une majorité des trois cinquièmes dans chaque assemblée, le Premier ministre nomme le Défenseur des enfants et les adjoints du Défenseur des droits, dont :

- un adjoint, vice-président du collège chargé de la déontologie dans le domaine de la sécurité ;

- un adjoint, vice-président du collège chargé de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l'égalité.

Le Défenseur des enfants et les adjoints sont placés auprès du Défenseur des droits et sous son autorité.

Le Défenseur des enfants est nommé en raison de ses connaissances ou de son expérience en matière de défense et de promotion des droits de l'enfant.

Le Défenseur des droits peut déléguer ses attributions à ses adjoints et au Défenseur des enfants, dans leur domaine de compétence, à l'exception de celles mentionnées aux articles 16, 23, 24, 25 et aux deux derniers alinéas de l'article 21.

Chacun de ses adjoints peut le suppléer à la présidence des réunions du collège dont il est le vice-président et le représenter, dans son domaine de compétence, auprès des organisations rassemblant les autorités indépendantes de pays tiers chargées de protection des droits et libertés.

L'article 3 est applicable aux adjoints du Défenseur des droits.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il s’agit d’un amendement de repli.

L’article 11 A pose un certain nombre de problèmes, que l’Assemblée nationale a encore aggravés.

Par ses amendements, notre rapporteur a proposé de revenir sur un certain nombre de dispositions pour pallier ces difficultés, et nous ne pouvons évidemment que l’approuver sur ce point.

Même si la version adoptée par notre Haute Assemblée en première lecture est loin de nous satisfaire, par exemple sur le mode de nomination des adjoints, elle nous paraît plus adaptée. Nous proposons donc de revenir pour une très large part à cette version.

La commission réintègre l’obligation de demander l’avis des commissions permanentes pour la nomination des adjoints. Soit ! Mais c’est un avis simple, et c’est finalement le Défenseur des droits qui décidera seul. Nous proposons donc un avis conforme à la majorité des trois cinquièmes.

Je m’attarderai un peu plus sur les missions en faveur de l’intérêt supérieur des enfants.

L’Assemblée nationale a balayé toute spécificité en faveur du Défenseur des enfants. Et, quand on voit le peu de légitimité que vous conférez aux adjoints, il y a tout lieu d’être inquiet, car c’est la disparition annoncée de la capacité d’action actuelle du Défenseur des enfants.

Une telle question méritait pourtant un peu plus d’attention. Rappelons que, au Sénat, il avait dans un premier temps été décidé de retirer le Défenseur des enfants du champ de compétence du Défenseur des droits. Vous étiez plus éclairés à l’époque, chers collègues… Mais cette décision a été remise en cause par le Gouvernement avec, hélas ! l’accord de la majorité.

La Haute Assemblée avait cependant redonné un peu, un peu seulement, de visibilité à la mission du Défenseur des enfants. Malheureusement, le texte de la commission que nous examinons confirme le Défenseur des enfants dans son rôle de simple adjoint.

Comme le rappelle Mme Versini, le comité des droits de l’enfant de l’ONU a toujours demandé aux États parties à la Convention internationale des droits de l’enfant de se doter d’« institutions nationales ayant la capacité de surveiller, protéger et promouvoir, dans l’indépendance et avec efficacité, les droits de l’enfant consacrés par cette convention ».

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

C’est exactement le Défenseur des droits !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Or vous faites exactement l’inverse, en subordonnant le Défenseur des enfants au Défenseur des droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 6, présenté par MM. Portelli et du Luart et Mmes Férat, Garriaud-Maylam, G. Gautier et Gourault, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 1

Supprimer les mots :

de défense et de promotion des droits de l'enfant,

II. - Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

Cet amendement n'a plus d’objet.

L'amendement n° 126 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet, Chevènement et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 1

1° Supprimer les mots :

, ainsi que de déontologie dans le domaine de la sécurité

2° Remplacer les mots :

droits de l'enfant, de lutte

par les mots :

droits de l'enfant et de lutte

II. - Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

Cet amendement n'a plus d’objet.

L'amendement n° 31, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

Sur proposition du Défenseur des droits et après avis conforme, à la majorité des trois cinquièmes des commissions compétentes de chaque assemblée, le Premier ministre nomme les adjoints du Défenseur des droits dont :

La parole est à M. Alain Anziani.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

L’article 11 A, dans la rédaction issue des travaux de la commission, suscite un débat particulièrement intéressant.

Dans sa grande sagesse, la commission a souhaité que le Premier ministre nomme les adjoints sur proposition du Défenseur des droits et après avis des commissions compétentes de chaque assemblée du Parlement.

Or le Gouvernement présentera dans quelques instants un amendement visant à supprimer une telle obligation et, par conséquent, à revenir au texte de l’Assemblée nationale.

À l’inverse, nous considérons que la version retenue par la commission ne va pas assez loin. Nous proposons donc non plus un avis simple, mais un avis conforme et adopté à la majorité des trois cinquièmes.

J’aimerais commenter l’amendement présenté par le Gouvernement, qu’il est intéressant de lire. En effet, depuis le début de notre débat, les partisans du texte nous expliquent que l’institution des adjoints ne signifie pas la disparition des autorités indépendantes, ces dernières étant seulement appelées à évoluer et à exister d’une autre façon.

Or, dans l’objet de l’amendement déposé par le Gouvernement, on peut lire que les adjoints du Défenseur des droits « sont seulement des collaborateurs ». Auparavant, ils étaient maîtres dans leur domaine de compétence ; maintenant, ils seront des serviteurs du Défenseur des droits ! (M. le garde des sceaux s’exclame.) Vous écrivez vous-même qu’il s’agit de « collaborateurs », et non de contre-pouvoirs. Et nous avons bien compris que vous n’aimiez pas tellement les contre-pouvoirs…

Protestations sur les travées de l ’ UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Mais l’amendement du Gouvernement est également amusant. On peut lire dans son objet qu’il ne faut pas « heurter l’autorité du Défenseur des droits » et surtout « alourdir le travail des commissions permanentes ». Quelle sollicitude à l’égard du Parlement, monsieur le garde des sceaux ! Je tiens vraiment à vous en remercier.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Notre amendement vise à renforcer les pouvoirs du Parlement, ce qui, je le rappelle, était l’objet principal de la révision constitutionnelle de 2008.

Et si nous voulons renforcer les pouvoirs du Parlement, faisons en sorte que son avis pèse, serve et soit déterminant ! C’est pourquoi il doit nécessairement s’agir d’un avis conforme.

En outre, il faut que cet avis soit donné non pas par un parti politique, mais par un collectif dépassant les frontières partisanes ; nous proposons donc qu’il soit adopté à la majorité des trois cinquièmes des membres des commissions compétentes de chaque assemblée.

C’est également la meilleure manière d’assurer l’indépendance des adjoints, objectif qui est au cœur de nos débats.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 145, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Supprimer les mots :

et après avis de la commission compétente de chaque assemblée

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

M. Michel Mercier, garde des sceaux. Il est bien nécessaire que je défende cet amendement, car la présentation déformée que vient d’en faire M. Anziani n’est pas acceptable.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Par cet amendement, le Gouvernement propose de supprimer l’avis de la commission compétente de chaque assemblée sur les nominations d’adjoints par le Premier ministre, et je souhaite vous expliquer pourquoi.

Les règles applicables aux nominations sont définies par la Constitution ; je pense qu’il est temps d’y être un peu attentif, monsieur Sueur.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Vous ne pouvez vous contenter d’invocations désabusées à notre loi fondamentale. La Constitution, c’est ce qui organise notre vie collective et les rapports entre les pouvoirs publics.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

À mon sens, il faut tout de même s’en souvenir.

L’article 13 de la Constitution concerne les pouvoirs de nomination par le Président de la République d’un certain nombre d’autorités. Les autres cas relèvent du pouvoir réglementaire reconnu au Président de la République par l’article 21.

La révision constitutionnelle de 2008 a expressément prévu l’intervention du Parlement pour les nominations effectuées par le Président de la République, ce qui est inédit sous la Ve République. En effet, jamais auparavant la consultation des commissions compétentes du Parlement n’avait été requise pour les nominations relevant de la compétence du chef de l’État.

En revanche, la Constitution ne fixe aucune obligation similaire pour les nominations décidées par le Premier ministre. Depuis les lois constitutionnelles de 1875, ou peut-être même un peu plus tard, le chef du Gouvernement est le détenteur du pouvoir réglementaire. C’est donc lui qui nomme aux emplois civils et militaires de l’État lorsque cela ne relève pas de la compétence du Président de la République.

La Constitution ne prévoit pas l’intervention des commissions parlementaires lorsque le Premier ministre exerce son pouvoir de nomination. C'est la raison pour laquelle je vous demande de modifier le deuxième alinéa de l’article 11 A.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L'amendement n° 61, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après les mots :

après avis

insérer les mots :

conforme à une majorité des trois cinquièmes

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il s’agit d’un amendement de repli sur la nomination des adjoints.

Le texte de la commission revient à la position qui avait été retenue en première lecture.

Le Défenseur des droits propose des adjoints, les commissions compétentes de chaque assemblée donnent un avis purement formel et le Premier ministre nomme.

Nous avons ainsi la possibilité d’être créatifs ; essayons de l’être !

En réalité, c’est le Défenseur des droits qui choisit ses adjoints. Or, nous ne le répéterons jamais assez, le Défenseur des droits est lui-même directement nommé par le Président de la République.

Les commissions parlementaires compteront peu dans la nomination des adjoints, sauf si nous décidons qu’elles doivent émettre un avis conforme. Cela leur donnerait une réelle légitimité par rapport au Défenseur des droits.

Il nous paraît donc indispensable de leur conférer cette légitimité en prévoyant un vote conforme à la majorité des trois cinquièmes – vous pouvez changer la condition de majorité, si vous le souhaitez !

Nous refusons que les adjoints soient de simples collaborateurs du Défenseur des droits, car nous voulons leur donner visibilité et légitimité.

Puisque ce projet de loi organique porte sur une institution de nature constitutionnelle, comme M. le rapporteur et M. le ministre nous le répètent depuis tout à l’heure, il appartient donc au législateur de se montrer créatif. De grâce, ne restreignons pas nous-mêmes les quelques pouvoirs dont nous disposons, nous en exerçons déjà si peu…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Cela relève du pouvoir constituant !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mais, puisque la Constitution ne précise rien sur ce point, le législateur peut faire œuvre créatrice sans entrer en contradiction avec la Constitution. Au lieu de retrancher sur ses pouvoirs, le législateur ferait mieux de chercher à les étendre ! Cette attitude serait tout à fait salutaire ici pour asseoir la crédibilité des adjoints du Défenseur des droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L’amendement n° 135, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

- Un adjoint, dénommé Défenseur de l’égalité, est choisi pour ses connaissances ou son expérience dans le domaine de compétence visé au 3° de l’article 4.

La parole est à M. Richard Yung.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

En déposant cet amendement, nous avons voulu redire toute l’importance que nous accordons au travail réalisé par la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité.

Nous considérons en effet que la HALDE a assis sa réputation par sa jurisprudence et que cette notoriété a permis de grands progrès dans le domaine de la lutte contre les discriminations en France. Il nous paraît donc important de la « signaler » dans ce projet de loi organique et de préserver son identité. C’est pourquoi nous proposons une nouvelle rédaction de cet alinéa 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L’amendement n° 116, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Rédiger ainsi cet alinéa :

Le Défenseur des droits délègue ses attributions au Défenseur des enfants et à ses adjoints, dans leur domaine de compétence, à l’exception de celles mentionnées aux articles 16, 23, 24 et au dernier alinéa de l’article 15.

La parole est à M. Richard Yung.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Robert Badinter a exposé les raisons de fond qui nous amènent à souhaiter le maintien du Défenseur des enfants et nous venons d’en débattre longuement.

Si le Défenseur des enfants doit malheureusement disparaître sous les coups de boutoir de la majorité, nous voudrions malgré tout que, placé désormais auprès du Défenseur des droits, il dispose d’une large autonomie en matière de défense et de promotion des droits des enfants, sinon il ne ferait plus qu’assurer le secrétariat du Défenseur des droits dans ce domaine.

C’est pourquoi nous proposons de modifier la rédaction de l’alinéa 7 de cet article pour souligner l’importance et l’autonomie du Défenseur des enfants, même rattaché au Défenseur des droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L’amendement n° 17, présenté par M. Portelli, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Remplacer les mots :

peut déléguer ses attributions à ses adjoints

par les mots :

délègue ses attributions au Défenseur des enfants ainsi qu’à ses adjoints

Cet amendement n’a plus d’objet.

L’amendement n° 146, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 7

Après la référence :

insérer la référence :

et 27

La parole est à M. le garde des sceaux.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Le Gouvernement souhaite inclure l’article 27 au nombre des compétences du Défenseur des droits qui ne peuvent faire l’objet d’une délégation.

En effet, la présentation du rapport du Défenseur des droits au Président de la République et aux présidents des deux assemblées parlementaires ne peut en aucun cas être déléguée à ses adjoints, dès lors que cette attribution l’engage en tant qu’autorité constitutionnelle à l’égard des autres pouvoirs publics. Cela n’exclut naturellement pas que des aspects thématiques de ces différents rapports soient traités, en tout ou en partie, par ses adjoints.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

L’amendement n° 117, présenté par MM. Sueur, Anziani, Yung et Badinter, Mmes Boumediene-Thiery et M. André, MM. Michel, Collombat, Frimat, C. Gautier, Peyronnet, Mahéas, Sutour, Tuheiava, Collomb et Domeizel, Mmes Bonnefoy, Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Alinéa 8

Avant les mots :

Chaque adjoint

insérer les mots :

Le Défenseur des enfants ou

Cet amendement n’a plus d’objet.

Quel est l’avis de la commission sur les sept amendements restant en discussion ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

En ce qui concerne l’amendement n° 60, la rédaction retenue en deuxième lecture par la commission donne largement satisfaction à ses auteurs, puisqu’elle rétablit, à la fois, la possibilité de nommer d’autres adjoints, la possibilité, pour les adjoints, de suppléer le Défenseur à la présidence des collèges et l’avis des commissions sur la nomination des adjoints – mais cette disposition deviendra sans objet, comme nous le verrons tout à l’heure. Cette rédaction précise, par ailleurs, le champ des compétences qui pourront faire l’objet d’une délégation.

La commission a donc émis un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Votre rédaction est censée nous donner satisfaction, mais notre demande devient sans objet !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Quant à l’amendement n° 31, la nomination après avis conforme des commissions compétentes à la majorité des trois cinquièmes conférerait aux adjoints un poids comparable, voire supérieur, à celui du Défenseur des droits, alors que les adjoints ne sont que ses collaborateurs.

Selon moi, nous devons conserver un élément important à l’esprit : la Constitution n’a pas prévu l’existence d’adjoints, nous les avons créés nous-mêmes. Seul existe le Défenseur des droits, qui assure la protection des droits des enfants, le respect de la déontologie de la sécurité et la lutte contre les discriminations.

Comme le Défenseur ne peut pas assurer seul l’ensemble de ces compétences, la commission des lois du Sénat a estimé qu’il était nécessaire de prévoir l’existence d’adjoints, ne serait-ce que pour le suppléer, mais les adjoints ne sont que les collaborateurs du Défenseur des droits. Or tous les amendements de l’opposition visent à les rendre autonomes.

Par conséquent, je ne peux émettre qu’un avis défavorable sur tous les amendements qui ont pour but de réduire les prérogatives du Défenseur des droits et de transformer ses adjoints en autorités autonomes.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

En revanche, l’amendement n° 145 du Gouvernement est intéressant. En effet, je n’avais pas eu connaissance initialement des arguments que le Gouvernement vient de développer.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Les collaborateurs du Défenseur des droits ne peuvent pas être en opposition avec lui. C’est impossible ; s’ils manifestent leur opposition, ils seront virés ! Il n’y a pas d’autre terme…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

C’est logique et c’est normal : ils ont pour vocation d’assister le Défenseur des droits et non d’organiser la contestation au sein de ses services.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Par conséquent, l’argument développé par le Gouvernement me paraît tout à fait défendable, raison pour laquelle j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 145.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Par ailleurs, comme je l’ai dit, les amendements n° 61, 135 et 116 reçoivent un avis défavorable.

Enfin, j’émets un avis favorable sur l’amendement n° 146 du Gouvernement, qui tend à exclure la présentation du rapport annuel du Défenseur des droits du champ des prérogatives que le Défenseur pourrait déléguer à ses adjoints. Là encore, c’est le Défenseur qui est responsable, ses adjoints n’ont pas d’existence juridique en dehors des compétences que le Défenseur leur délègue.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je fais miens les avis du rapporteur pour les amendements autres que ceux que le Gouvernement a déposés.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote sur l’amendement n° 60.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mon explication de vote vaut également pour les autres amendements, monsieur le président.

En réalité, monsieur le rapporteur, j’ai l’impression que le travail de la commission des lois ne sert à rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est pourtant ce que vous venez de dire vous-même ! En effet, nous avons discuté de cette question assez longtemps et à plusieurs occasions. Il me paraissait que la commission des lois, dans sa majorité – c’est-à-dire au-delà des sénateurs qui appartiennent à l’opposition – était plutôt favorable à l’idée de conforter les adjoints, que je devrais désormais appeler « subordonnés ». Cette position était justifiée par l’idée que le Défenseur des droits était appelé à devenir une grosse machine – peut-être aura-t-il un cabinet qui se substituera aux adjoints, afin que le Défenseur soit éclairé et que son avis puisse l’emporter sur celui des adjoints ! Le Défenseur sera donc « doublé » par une sorte de cabinet, tandis que les collèges et autres instances seront réduits à la plus simple expression, s’ils ne sont pas purement et simplement supprimés !

J’avais donc l’impression que la majorité de la commission des lois adoptait une optique différente et voulait, non pas s’opposer à la Constitution, mais conforter la position des adjoints parce que, du fait de leurs compétences et de l’assistance de collèges, ils avaient la possibilité d’étudier les questions au fond. Certes, le Défenseur est seul saisi et c’est à lui qu’il revient de statuer, dans votre conception, mais il ne peut pas tout savoir, malgré son gros cerveau !

Tout d’un coup, M. le rapporteur ayant beaucoup réfléchi depuis la semaine dernière, décide que les adjoints n’existent plus, qu’ils ne sont même plus que des « subordonnés », ce sera plus précis que « collaborateurs ». Au fond, ils deviennent des agents du Défenseur des droits, chargés de préparer les dossiers, si on le leur demande – parce que le Défenseur peut ne rien leur demander ! –, et le Défenseur décide seul ; peut-être aura-t-il décidé avant même d’avoir pris l’avis de ses subordonnés…

La commission s’est donc ralliée finalement à la logique que nous avions critiquée : la loi crée, pour un pays de 60 millions d’habitants, une sorte de monstre, dépourvu de relais décentralisés, qui recevra des milliers de réclamations dont il fera passer une bonne partie à la poubelle, parce qu’il s’inscrit dans une logique de reprise en main des institutions qui étaient jusqu’à présent chargées de statuer sur des questions aussi délicates que la lutte contre les discriminations, les droits des enfants ou les pouvoirs de la police.

Monsieur le rapporteur, je regrette énormément ces péripéties : sans déformer le travail de la commission des lois, il me semble que sa majorité avait adopté une optique sensiblement différente. Vous statuez tout seul ce soir, puisque M. le président de la commission des lois s’est absenté.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Franchement, ce mode de fonctionnement pose un problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Je voudrais répondre à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, au moins sur un point : c’est nous qui avons « inventé » les adjoints…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Depuis que vous les avez inventés, vous ne cessez de les ratiboiser !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

M. Patrice Gélard, rapporteur. Pas du tout, monsieur Sueur ! Nous avons mis en place les adjoints, parce que nous nous sommes rendu compte que le Défenseur des droits ne pouvait pas être seul et qu’il avait besoin de collaborateurs et d’aide !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Cela dit, ce matin, la commission des lois s’est ralliée au point de vue que défendait le Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cela s’est passé si vite que personne ne s’en est rendu compte !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Seuls les imbéciles ne changent jamais d’avis ! Nous nous sommes appliqués à respecter la Constitution : celle-ci prévoit l’existence du seul Défenseur des droits et non celle d’adjoints autonomes, exerçant des compétences particulières et dotés d’un pouvoir de contestation des décisions du Défenseur des droits.

Vous ne voulez pas le comprendre, parce que vous voulez maintenir, en réalité, quatre institutions ! Je suis désolé de vous dire que ces institutions n’existent plus à partir du moment où le Défenseur des droits est institué.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Les propos de notre rapporteur appellent un mot de réponse.

En effet, nous assistons à un nouvel épisode, une « resucée » de ce que nous avons vécu lors de la première lecture : la commission des lois, après avoir adopté une disposition, a décidé d’en soutenir une autre. Tout le monde s’en souvient !

J’avais compris, mais peut-être avais-je mal compris, que la commission des lois, unanime dans sa sagesse, avait décidé qu’un avis des commissions parlementaires compétentes était nécessaire pour la désignation des adjoints.

L’idée n’est pas alors apparue stupide à M. Gélard à cette époque, puisque c’était la sienne, et la commission l’a votée ! §C’est un fait, monsieur le rapporteur, en dépit de tout ce que vous affirmez aujourd'hui sur la Constitution. Il y a huit jours, lorsque vous nous avez fait cette proposition, la Constitution ne vous a pas étouffé !

Par ailleurs, il s’agit non pas d’un avis rendu à la majorité des trois cinquièmes, comme nous le demandions, mais d’un avis simple. Il faut donc plutôt rassembler trois cinquièmes des parlementaires des commissions compétentes pour s’opposer à la nomination de l’adjoint. Il y a donc très peu de risque qu’un tel cas se rencontre.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Cela n’a rien à voir avec l’amendement n° 60 !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Même cette proposition, qui était bénigne, pose un problème. Et voilà que, derechef, M. le ministre brandit l’amendement n° 145.

Ce matin, en commission, tout s’est passé très vite. Comme toujours, nous avons juste eu le temps de tourner les pages et je dois avouer que je ne m’étais pas rendu compte de ce changement de position.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. le rapporteur ne lui a d’ailleurs pas donné une publicité considérable, ce qui n’aurait pas manqué d’attirer notre attention...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Maintenant, nous avons compris : on veut faire de ces collaborateurs des serviteurs. Ils doivent être plongés dans le non-être.

Tous vos propos témoignent que votre intention, finalement, est de leur laisser un semblant d’existence vacillante ayant toutes les apparences de l’apparence dans l’ombre et dans la noirceur. Nul ne se rend plus compte de leur existence ; nul ne sait à quoi ils servent. C’est, somme toute, assez pitoyable, monsieur le ministre, de constater que vous défendez l’ultra-jacobinisme, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

… l’ultra-centralisation, pour tout dire une gestion parfaitement archaïque. Seriez-vous en train de définir une armée en mouvement de l’ancien temps ?

Monsieur Mercier, j’aurai tout vu ! Finalement, je ne serai pas venu pour rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Je serai certainement moins lyrique que M. Sueur…

Le texte initialement rédigé par la commission était source de confusion, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

… car il prévoyait la nomination des adjoints après avis des commissions compétentes. La divergence qui vient d’être exprimée entre les différents points de vue met l’accent sur la philosophie qui sous-tend ce projet de loi.

Que feront les adjoints ?

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

Premièrement, ils agiront par délégation du Défenseur des droits.

Debut de section - PermalienPhoto de François Zocchetto

C’est écrit dans le texte.

Deuxièmement, ils suppléeront le Défenseur des droits pour la présidence de chacun des collèges en leur qualité de vice-président.

Il me paraît normal que le Défenseur des droits puisse proposer - et non désigner directement, cette responsabilité incombant au Premier ministre -, les adjoints auxquels il donnera une délégation et qui pourront le suppléer. Je ne vois donc pas en quoi le Parlement devrait intervenir dans ces désignations.

À l’inverse, il faut conserver l’avis des commissions compétentes pour la nomination la plus importante, celle du Défenseur des droits, car l’autorité qu’il retirera de son passage devant les commissions doit être préservée.

Par conséquent, il est heureux que la commission des lois ait corrigé son texte, ce qui clarifie très nettement l’ensemble du projet de loi organique et évite des ambiguïtés.

Pour ma part, je ne voterai pas l’amendement n° 60 et j’annonce dès à présent que je voterai l’amendement n° 145 du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Pardonnez-moi, mais je resterai simple.

J’avais compris, à l’issue de longues explications, qu’il fallait donner un rôle fondamental aux adjoints, justement parce qu’ils étaient rassemblés sous une seule autorité.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Je ne me suis rallié à ce texte que parce qu’il en était ainsi !

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Or, je ne vous le cache pas, je commence à être troublé. Ce ne sont même plus des adjoints, ce sont des collaborateurs, des fonctionnaires. Au fur et à mesure que le débat avance, ils ont de moins en moins d’importance.

Désolé, mais leur rôle est capital puisqu’ils doivent décharger le Défenseur des droits d’une grande part de son travail.

Monsieur le garde des sceaux, vous nous dites que la Constitution ne prévoit pas l’avis des commissions parlementaires pour les nominations qui relèvent du Premier ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Si c’était prévu par la Constitution, il ne serait pas nécessaire de l’inscrire dans la loi, puisque l’on ne recopie pas la Constitution dans la loi.

Quoi qu’il en soit, rien dans la Constitution n’interdit non plus de le faire, si on en décide ainsi. J’avais trouvé particulièrement intéressante et habile l’idée du rapporteur de contourner la difficulté de cette manière.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Cointat

Ce matin, la commission semble avoir changé d’avis. J’en suis d’autant plus désolé que je n’ai pu assister à cette réunion. J’ai découvert la situation après coup. La convocation m’est parvenue alors que j’étais en déplacement à l’étranger. Je tâcherai de mieux m’organiser la prochaine fois, mais qu’il me soit permis de vous dire que, si j’avais assisté à la réunion de la commission des lois, je n’aurais pas approuvé l’amendement du Gouvernement, par cohérence avec l’approche qui a été la nôtre jusqu’à présent.

Bien évidemment, le débat reste ouvert, les esprits peuvent évoluer ; mais, puisque nous voulons donner plus de pouvoir au Parlement, c’eût été une façon élégante de concilier les points de vue des uns et des autres.

Voilà pourquoi, à mon plus grand regret, monsieur le garde de sceaux, je ne voterai pas votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

Dans cette discussion, deux logiques s’opposent de manière implacable. Le point de départ, et le vrai point de désaccord, réside dans la définition de la fonction de Défenseur des droits.

La première logique voudrait que le Défenseur des droits soit chargé, en les concentrant, des missions d’une multitude d’anciennes autorités administratives indépendantes. Le système, validé par les députés était centralisé, bureaucratique, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Je ne vois pas ce qu’il a de bureaucratique !

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

… puisqu’il prévoyait un défenseur des droits entouré de collaborateurs.

La seconde logique, défendue par un certain nombre d’entre nous, est différente. Elle repose sur l’existence de multiples autorités administratives indépendantes, ayant chacune pour objet de gérer des questions spécifiques, étant entendu que le vrai défenseur des droits est le juge. L’autorité administrative, elle, n’a pour mission que de régler des problèmes administratifs, car le juge n’est pas toujours disponible ni omniscient.

Cette deuxième logique a été écartée lors des débats sur la loi organique et nous en sommes revenus à une conception centralisée du Défenseur des droits.

Nous sommes ici un certain nombre à essayer de desserrer l’étau de ce véritable centralisme démocratique, puisque c’est un peu la règle qui régit cette institution, …

Debut de section - PermalienPhoto de Hugues Portelli

… mais nous n’y parvenons pas, car on nous oppose une logique d’une cohérence implacable.

Nous essayons de défendre des amendements, mais c’est peine perdue ! À partir du moment où nous avons été battus lorsque nous avons soutenu la cause d’autorités administratives multiples, nous sommes dans un tunnel : il en sortira un Défenseur des droits omniscient, à moins que l’on ne nomme un Roi fainéant !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

La parole est à M. le président de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous reprenons toujours les mêmes débats. Je rappelle qu’il y a une Constitution et que celle-ci ne prévoit qu’un seul Défenseur des droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

M. Gélard n’a pas violé la Constitution en proposant le contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Le Sénat a veillé à créer des adjoints qui puissent recevoir des attributions par délégation et présider les collèges, ce qui n’était pas le cas au départ.

Je suis d’accord avec François Zocchetto. En commission, la semaine dernière, j’avais émis une objection et attiré l’attention de mes collègues sur le risque de non-conformité à la Constitution auquel nous nous exposions en prévoyant un avis des commissions compétentes, d’autant que celles-ci sont déjà consultées pour la nomination du Défenseur des droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur Sueur, la commission a bien le droit de changer d’avis ! Si, pour vous, le dialogue consiste à s’opposer à tout en brassant toujours les mêmes idées, pour ma part, j’essaie de réfléchir et d’analyser toutes les propositions, y compris celles du Gouvernement !

Ce qui me paraît le plus important, ici, c’est d’avoir accordé des pouvoirs délégués aux adjoints, ce qui permettra à l’institution du Défenseur des droits de fonctionner dans de bonnes conditions. Voilà l’essentiel. Il serait inconcevable que les adjoints se comportent comme des contre-pouvoirs au sein de l’institution. Une maison divisée en son sein va à sa ruine !

Par ailleurs, il est extrêmement désagréable que certains puissent même imaginer que le Défenseur des droits, compte tenu des pouvoirs qui lui sont accordés, ne sera pas une personnalité indépendante et de haute qualité. Nous veillerons à ce qu’il en soit bien ainsi lorsque nous aurons à donner notre avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Comment pouvez-vous à la fois dire de toutes les autorités administratives indépendantes qu’elles sont merveilleuses et laisser penser que, par définition, le Défenseur des droits sera mauvais ? C’est une manière détestable de considérer les choses, d’autant plus que le constituant a voulu donner au Défenseur des droits des pouvoirs qu’aucune autre institution n’a aujourd'hui.

Le Premier ministre, la presse s’en est fait l’écho, a estimé lui-même que ses successeurs pourraient bien lui reprocher deux choses : les questions prioritaires de constitutionnalité et le Défenseur des droits !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Anziani

Et pas le chômage ni l’endettement public ?

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Puisque nous avons largement dépassé le cadre de l’amendement n° 60, monsieur le président, je voudrais répondre à M. Christian Cointat.

La révision de la Constitution a eu lieu en 2008 et je me souviens parfaitement des circonstances dans lesquelles elle a été adoptée. J’étais sénateur à l’époque, je présidais un groupe et j’ai un net souvenir des conditions dans lesquelles le vote à Versailles a été obtenu et des discussions que j’ai eues avec les membres de mon groupe jusqu’à la dernière seconde.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Nous l’étions certainement assez souvent !

Quoi qu’il en soit, nous avons voté cette révision de la Constitution…

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

…et, aujourd’hui, nous essayons de mettre en œuvre les dispositions que nous avons adoptées à Versailles à travers ce projet de loi organique. Cela peut paraître dur, mais c’est ainsi !

L’article 71-1 de la Constitution stipule que « le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences ».

Il y a là véritablement un progrès très important pour la défense des droits, et je trouve un peu regrettable que, depuis plusieurs heures, on nous présente la création du Défenseur des droits comme étant une régression.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Non, ce n’est pas une régression ! C’est un vrai progrès !

Alors, n’y allons pas en marche arrière ! Au contraire, mettons en œuvre, et avec enthousiasme, ce défenseur des droits !

D’ailleurs, mesdames les sénatrices du groupe CRC-SPG, je suis certain que vous finirez par être les plus grands défenseurs du Défenseur des droits, quand je vois comment, aujourd’hui, vous soutenez des autorités administratives indépendantes dont vous n’avez jamais voté la création.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Bien sûr que c’est vrai !

Vous finirez par défendre le Défenseur des droits, et c’est tant mieux ! Cela signifiera que le dispositif aura réussi, comme nous le souhaitons tous !

L’apport de la loi organique s’agissant du Défenseur des droits est mentionné dans la Constitution : « La loi organique définit les attributions et les modalités d’intervention du Défenseur des droits. Elle détermine les conditions dans lesquelles il peut être assisté par un collège pour l’exercice de certaines de ses attributions. »

Certes, les adjoints ne sont pas prévus. Mais leur poste est créé par le Sénat et couvert, du point de vue constitutionnel, par les termes « modalités d’intervention du Défenseur des droits ».

Mesdames, messieurs les sénateurs, la Constitution s’impose au Parlement, qui ne peut agir que dans ce cadre. Le Sénat a fait le choix – car c’est un choix du Sénat - d’une nomination des adjoints par le Premier ministre.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, garde des sceaux

Regardons les pouvoirs de nomination du Premier ministre. Selon le premier alinéa de l’article 21 de la Constitution, sous réserve des dispositions de l’article 13 de la Constitution, qui traite des pouvoirs de nomination du Président de la République, « le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire et nomme aux emplois civils et militaires ».

Il n’y a rien d’autre ! Tels sont les termes de la Constitution et nous sommes tenus par cette Constitution !

Voilà pourquoi j’ai déposé l’amendement n° 145, et je suis heureux que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale ait fait la bonne lecture de la Constitution.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Compte tenu de l’heure, mes chers collègues, je vous propose d’interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures vingt.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures vingt, est reprise à vingt-deux heures vingt, sous la présidence de M. Bernard Frimat.