Déposé le 7 avril 2015 par : Mme Deromedi, M. Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Charon, Commeinhes, Milon, Magras, Mme Kammermann, M. Calvet, Mme Mélot.
Supprimer cet article.
Le Gouvernement a fait adopter un amendement visant à faciliter le crédit interentreprises notamment via le financement participatif. Il est difficile de comprendre les motifs qui l'incitent à vouloir légiférer dans ce domaine alors que les données de la Banque centrale européenne montrent que le financement des entreprises, y compris PME, reste dynamique en France : outre les éléments rappelés en introduction, on peut noter que, selon les dernières statistiques de la Banque de France, l'offre de financement court terme bancaire progresse en France : à fin novembre, les crédits de trésorerie aux SNF étaient en hausse de 1%. Les encours de mobilisation court terme progressent également : la mobilisation de crédits de trésorerie sur la place serait en progression de 4, 6% depuis un an. Enfin, sur les 9 premiers mois de 2014, le montant des créances prises en charge par les sociétés d'affacturage est en hausse de +13, 7% par rapport à la même période de l'année précédente.
Le financement participatif peut être susceptible de répondre à des besoins particuliers qui ne peuvent pas être couverts par les circuits de financement traditionnel — notamment pour de l'investissement en fonds propres (donc hors du cadre du crédit bancaire). Le Gouvernement a décidé l'année dernière d'un cadre réglementaire pour favoriser son développement. L'ordonnance du 30 mai 2014 a fait l'objet de nombreuses consultations pilotées par l'ACPR et l'AMF notamment pour assurer la protection de l'investisseur, de l'épargnant et de l'emprunteur. Les risques du financement participatif ne doivent pas être négligés au seul motif de la dimension communautaire. Une étude de l'Université de Penn l'Université de Pennsylvanie (The Dynamics of Crowdfunding: An Exploratory Study - Ethan R. Mollick) a analysé 48 500 projets d'un des leaders américains du crowdfunding, Kickstarter, ayant recueilli plus de 237 millions de dollars de dons, note que 75% des produits proposés dans le cadre de ces souscriptions sont délivrés avec retard ou même totalement abandonnés. Les dispositions de l'ordonnance précitée sont entrées en vigueur le 1er octobre 2014, il est prématuré de vouloir les amender avant d'avoir un réel recul et sans tenir compte des travaux européens sur le sujet.
Par ailleurs, cet amendement est contradictoire avec les efforts fait ces dernières années (loi de 2008 sur la modernisation économique par exemple) pour réduire les délais de paiement qui atteignent des niveaux importants en France. D'après le dernier rapport de l'Observatoire des délais de paiement, la trésorerie libérée en faveur des PME et des ETI aurait été fin 2012 respectivement de 15 milliards et 6 milliards d'euros si les délais légaux avaient été respectés.
Il convient également de relever que l'amendement 950, portant sur les relations entre donneur d'ordre et sous-traitant, serait potentiellement extrêmement dangereux pour les petits sous-traitants, qui se retrouveraient en situation de très grande dépendance par rapport à leurs donneurs d'ordre.
On peut enfin noter que le cœur des compétences des banques consiste en (i) l'évaluation des risques ; (ii) l'évaluation du coût du risque ; (iii) le suivi des dossiers de crédits jusqu'à échéance. Il est peu probable que des entreprises du secteur non-financier, particulièrement pour ce qui concerne les PME et même des ETI, disposent de ces compétences qui sont une spécificité du métier de banquier.
Quant à l'outil suggéré, il est surprenant que soit réhabilité le bon de caisse dont les bases réglementaires remontent à 1937 et qui, en première analyse, nécessiterait d'importantes adaptations afin de pouvoir être conforme aux obligations réglementaires actuelles. Pour mémoire, les bons de caisse permettent à des commerçants de recevoir des fonds remboursables du public sans avoir un statut bancaire, via un titre qui n'est pas un instrument financier au sens du Code monétaire et financier. L'utilisation de cet instrument ne change pas radicalement le sujet même s'il pourrait avoir l'avantage d'éviter des prêts directs de trésorerie entre entreprises sans le vecteur d'un titre.
NB:La présente rectification porte sur la liste des signataires.
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