La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures cinquante, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.
La séance est reprise.
(Texte de la commission)
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l’électricité.
Dans la discussion des articles, nous poursuivons l’examen des amendements à l’article 1er.
L’amendement n° 158, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
L'accord-cadre ne prend effet que lorsque le fournisseur justifie avoir rempli l'intégralité des obligations prévues à l'article 4-2.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
Il s’agit d’un amendement de repli.
Nous souhaitons que les fournisseurs demandant un accès régulé à l’électricité nucléaire historique, ou ARENH, justifient préalablement des capacités d’effacement et de production requises à l’article 2.
Les fournisseurs privés vont bénéficier d’une énergie à prix bas sans avoir participé au risque industriel et sans contrainte en ce qui concerne les consommateurs, domestiques ou non.
Lors des débats en commission, M. le rapporteur a présenté l’article 2 comme étant la juste contrepartie du sacrifice imposé à EDF.
L’article 1er prévoit que, dans un délai de trois mois à compter de la demande présentée par le fournisseur alternatif, un accord-cadre doit être conclu entre celui-ci et EDF pour garantir l’exercice du droit d’accès à l’électricité de base du premier pendant toute la durée du mécanisme, par la voie de contrats annuels. Cette disposition entrera en vigueur dès la publication de loi.
Afin de donner plus de cohérence à un tel « donnant-donnant », nous vous proposons, par cet amendement de repli, de conditionner la prise d’effet de l’accord-cadre à la justification par le fournisseur d’avoir rempli l’ensemble des obligations prévues au nouvel article 4–2 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, tel qu’il est proposé par l’article 2 du projet de loi.
Nous souhaitons évidemment que les futurs fournisseurs concurrents d’EDF procèdent à des investissements dans notre pays. Il s’agit même d’une exigence importante.
D’ailleurs, comme je l’ai souligné tout à l’heure, c’est une condition qui figure désormais à l’article 2 du projet de loi, le Gouvernement ayant modifié son avant-projet de loi après que M. le rapporteur de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale et moi-même eûmes demandé une telle garantie.
Pour autant, il n’est pas possible d’exiger, comme le voudraient les auteurs de cet amendement, d’en faire un préalable au bénéfice d’un volume d’électricité au titre de l’ARENH.
En effet, un tel dispositif aurait pour effet de favoriser les opérateurs qui sont déjà en place. Aujourd'hui, GDF Suez – notamment grâce à la Compagnie nationale du Rhône, qui est devenue une de ses filiales – et E.On se classent respectivement aux deuxième et troisième rangs des producteurs d’électricité en France. Les autres fournisseurs sont très loin derrière ; si cet amendement est adopté, ils n’auront quasiment rien, à l’exception peut-être de ceux qui commencent à investir.
Voilà environ huit mois, je me suis rendu à l’inauguration de la première centrale de Pont-sur-Sambre, une petite centrale, de près de 400 mégawatts, qui commence à investir. Direct Énergie vient d’inaugurer sa première centrale, de près de 350 mégawatts, en Moselle et une autre est en début de construction. Mais il faut encore du temps pour que ces nouveaux entrants puissent disposer d’une véritable capacité de production. Dès lors, si nous adoptions cet amendement, il leur faudrait aussi du temps pour disposer d’un accès au nucléaire.
Ainsi, madame Schurch, vous figez le système et vous privilégiez les opérateurs qui sont déjà en place. En d’autres termes, vous « offrez » pour le moment la production nucléaire d’électricité à GDF Suez et à E.On !
J’attire votre attention sur l’effet pervers du dispositif que vous prônez. Nous partageons votre souhait ; d’ailleurs, nous avons posé une telle condition dans le projet de loi. Mais il faut tout de même laisser le temps aux nouveaux entrants d’investir. La construction d’une centrale à gaz à fuel léger ne se fait pas du jour au lendemain ! C’est pourquoi nous avons fixé un délai dans le texte.
Par conséquent, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis sera défavorable.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement partage l’avis de la commission.
En réalité, le dispositif proposé revient à reporter l’entrée en application de la loi à 2014 ou à 2015. En effet, pour juger des capacités de production ou des capacités d’effacement, le texte prévoit de laisser aux nouveaux entrants le temps de mettre en place l’ensemble de leurs outils, comme M. le rapporteur vient de l’expliquer. La construction d’une usine ne se fait évidemment pas en deux jours !
Comme le projet de loi prévoit un délai de trois ans à compter de la publication du décret pour justifier des capacités d’effacement ou de production requises à l’article 2, imposer aux fournisseurs de se soumettre à de telles obligations avant même de pouvoir bénéficier de leur droit à l’ARENH revient de fait à reporter l’application effective du texte à 2014 ou, plus vraisemblablement, à 2015.
Par conséquent, le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettra un avis défavorable.
Je mets aux voix l'amendement n° 158.
J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission de l’économie.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici le résultat du scrutin n° 281 :
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 159, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Tous les accords-cadres sont intégralement publiés sur le site de la Commission de régulation de l'énergie.
La parole est à Mme Évelyne Didier.
Par cet amendement, nous demandons que les accords conclus entre EDF et les fournisseurs privés concernant la revente de l’énergie nucléaire soient accessibles au public.
Rappelons en effet que nous avons adopté une loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire en 2006. À l’époque, nous étions convenus de manière unanime de ce que l’acceptabilité du nucléaire reposait sur la transparence.
C’est pourquoi nous estimons que ces contrats, dont l’objet est la vente de l’énergie nucléaire historique produite par EDF à des fournisseurs alternatifs, doivent faire l’objet d’une publicité.
Par ailleurs, l’Autorité de la concurrence a estimé que « les accords bilatéraux d’approvisionnement conclus entre EDF et un fournisseur alternatif » dans le cadre de cette réforme pourraient avoir pour conséquence « de permettre ou de faciliter les échanges d’informations commerciales ou de prix confidentielles entre les fournisseurs ».
C’est une raison supplémentaire pour que ces accords soient rendus publics sur le site de la Commission de régulation de l’énergie.
Cet amendement n’engage pas le fond, et c’est vraiment le minimum que nous puissions faire pour assurer la transparence.
Ma chère collègue, je vous propose de rectifier cet amendement afin que la commission puisse lui donner un avis favorable.
Faire figurer le contenu des accords-cadres sur le site de la CRE ne présente pas beaucoup d’intérêt, d’autant qu’ils sont tous conformes à un modèle arrêté par le ministère. Une telle publicité n’apporterait pas grand-chose et serait très lourde à mettre en œuvre.
Par ailleurs, ces accords pourraient contenir certaines informations confidentielles qu’il serait préférable de ne pas divulguer eu égard aux exigences du secret des affaires.
En revanche, nous ne sommes pas opposés à ce que la liste des accords-cadres figure sur le site de la CRE.
Je vous propose donc de remplacer « Tous les accords-cadres sont intégralement publiés sur le site de la Commission de régulation de l’énergie » par « La liste des accords-cadres est publiée sur le site de la Commission de régulation de l’énergie ». Il n’y a pas de raison de cacher une telle information au public et l’amendement ainsi rectifié apporterait une amélioration au regard de la transparence. La commission y serait donc favorable.
J’y souscris, et je rectifie mon amendement en ce sens, monsieur le président.
Je suis donc saisi d’un amendement n° 159 rectifié, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, et ainsi libellé :
Alinéa 6
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La liste des accords-cadres est publiée sur le site de la Commission de régulation de l'énergie.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
Le Gouvernement est favorable à l’amendement ainsi rectifié.
Madame Didier, nous partageons votre souci de transparence. Simplement, si devait être publiée l’intégralité du contenu de tous les accords-cadres, les prévisions de croissance de chaque opérateur se trouveraient portées à la connaissance de l’ensemble de ses concurrents ; ce ne serait pas judicieux. Dès lors que la publication ne porte que sur la liste des accords-cadres, pour l’information du public, je suis favorable à l’amendement.
L'amendement est adopté.
Je constate que l’amendement n° 159 rectifié a été adopté à l’unanimité des présents.
L'amendement n° 59 rectifié, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
I. - Après les mots :
en fonction
insérer les mots :
d'une part
II. - Après les mots :
métropolitain continental
insérer les mots :
et d'autre part en fonction de la participation par le biais de contrats à long terme qu'il détient le cas échéant dans les centrales nucléaires mentionnées au II
III. - En conséquence, après le mot :
continental
remplacer les mots
et en
par les mots :
ainsi qu'en
La parole est à M. Michel Teston.
Cet amendement vise à limiter l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique pour les fournisseurs qui ont conclu avec EDF des contrats leur permettant d’avoir accès à l’électricité produite par EDF en se fournissant à un coût plus faible que celui du marché.
Ces contrats de long terme sont aussi, de fait, des contrats de fourniture. Ainsi, de tels contrats existent entre EDF et GDF Suez – sur 12 % de la production de la centrale de Tricastin –, entre l’allemand EnBW et EDF – sur 17, 5 % de la production de la centrale de Fessenheim – et entre EDF et un consortium suisse conduit par Alpiq – sur 15 % de la production de la centrale de Fessenheim. Les droits de tirage de GDF Suez sur les centrales nucléaires de Chooz et de Tricastin ne représentent pas moins de 7, 7 térawattheures, obtenus à un prix inférieur à l’ARENH. Il nous paraît logique que ces droits soient décomptés de l’ARENH.
L’exposé des motifs du projet de loi précise par ailleurs que le dispositif prévoit de laisser la possibilité de déduire des droits d’un fournisseur d’accès régulé à l’électricité de base les quantités d’électricité de base dont il disposerait par le biais de nouveaux contrats conclus avec EDF.
Toujours selon l’exposé des motifs, « Un tel mécanisme contribuera à inciter EDF et les fournisseurs d’électricité à conclure des contrats adaptés, à caractère plus industriel, permettant, le cas échéant, de mieux répondre aux besoins des cocontractants que la simple vente d’électricité à un prix régulé. Ces contrats pourront, par exemple, proposer un prix de l’électricité moins élevé que le prix régulé en contrepartie d’un partage du risque entre EDF et l’acheteur ou prévoir une participation du fournisseur à des investissements réalisés par EDF. »
Cela ne concerne donc, si j’ai bien compris, que les contrats futurs. Il s’agit, par exemple, de celui de Flamanville 3 où Enel disposera d’un contrat de fourniture de 12, 5 % sur la future production.
Nous estimons que le calcul de l’ARENH doit aussi tenir compte du fait que certains fournisseurs disposent déjà d’un droit de tirage sur l’énergie nucléaire d’une partie du parc historique du fait des contrats signés avec EDF.
Il y a une légère confusion sur les contrats en participation : je l’ai dit en commission, il ne s’agit pas de participations au capital de centrales.
Pour autant, il est vrai que, dans le passé, des investissements ont bien été réalisés : si GDF Suez est propriétaire d’une partie de certaines centrales, c’est que l’entreprise a investi dans les centrales en question.
Historiquement, les échanges ont commencé avec Electrabel pour qu’EDF puisse disposer de capacités de production et être propriétaire d’électricité en Belgique afin de fournir, à partir de la Belgique, des clients situés en Belgique, en Allemagne ou aux Pays-Bas, en échange de quoi Electrabel, aujourd'hui GDF Suez, est devenu propriétaire d’une partie de ces centrales.
Pour Alpiq également, il s’est agi d’une participation à l’investissement.
Par conséquent, nous ne pouvons pas créer une « double peine » : ces entreprises ayant participé à l’investissement, elles sont propriétaires de parts de production. En déduisant aujourd'hui les droits de tirage de l’accès à l’électricité nucléaire, vous les pénalisez, et cela sans raison.
Voilà pour le passé.
En ce qui concerne l’avenir, le secrétaire d'État vous a déjà répondu. À l’avenir, il serait très souhaitable que l’on n’utilise pas l’ARENH, mais qu’il existe des contrats, quelle que soit leur forme, entre EDF et les nouveaux fournisseurs. À ce moment-là, la précision que vous souhaitez introduire dans le texte deviendra caduque.
Chère collègue, votre amendement concerne le passé et repose sur une erreur de compréhension. Vous n’avez pas bien saisi pourquoi une partie de ces productions appartient à d’autres acteurs qu’EDF, notamment Alpiq, EnBW et GDF Suez. Je vous demande de bien vouloir le retirer, car il est particulièrement injuste à leur égard. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Cet amendement est le premier d’une série d’amendements qui vont tous dans le sens des déductions sur les droits à l’ARENH. Ici, il s’agit de déductions sur les participations aux centrales existantes, mais il sera bientôt question des déductions sur l’hydroélectrique. Nous y sommes défavorables – et le Gouvernement sera défavorable à tous ceux qui porteront sur les déductions de droits à l’ARENH – pour plusieurs raisons.
La raison principale est que, si l’on souhaite favoriser l’émergence de nouveaux fournisseurs, il ne faut pas d’entrée de jeu leur couper une jambe en leur disant : tout ce vous avez aujourd'hui ne compte pas et nous le déduisons des droits à l’ARENH. Ce serait totalement contre-productif par rapport à l’objectif visé, à savoir favoriser l’émergence de nouveaux champions français, notamment pour avoir deux acteurs de taille mondiale avec EDF, d’un côté, GDF Suez, de l’autre.
Or, en l’occurrence, cet amendement vise clairement GDF Suez puisque c’est l’entreprise qui, via Suez Electrabel, bénéficie aujourd'hui des participations en question.
La deuxième raison pour laquelle nous sommes défavorables à cet amendement est d’ordre diplomatique. Des accords diplomatiques ont été conclus à l’époque des monopoles. La mesure proposée au travers de cet amendement entrerait en contradiction avec ces accords.
Enfin, avec cet amendement, comme avec tous les autres, vous prenez un risque : à partir du moment où vous dites à une entreprise que les droits dont elle bénéficie aujourd'hui seront déduits de l’ARENH, vous l’encouragez à les céder pour bénéficier d’une part d’ARENH plus importante. Autrement dit, au lieu d’organiser une production, vous la désorganisez !
Très concrètement, si je suis fournisseur alternatif et que l’on déduit de l’ARENH la petite centrale dont je suis propriétaire, j’aurai peut-être intérêt à la vendre pour bénéficier d’une part d’ARENH plus importante.
Une telle disposition n’est pas de nature à inciter les fournisseurs alternatifs à développer leurs capacités de production.
J’ai bien entendu les arguments développés par M. le rapporteur et par M. le secrétaire d'État.
Mais alors, pourquoi l’exposé des motifs du projet de loi précise-t-il que le nouveau dispositif prévoit la possibilité de déduire des droits d’un fournisseur d’accès régulé à l’électricité de base ? Pourquoi y a-t-il deux poids et deux mesures ?
Je maintiens donc mon amendement.
Tout à l’heure, M. le rapporteur a dit que l’amendement tendait à instaurer une « double peine ». En l’occurrence, vous proposez d’instaurer un double avantage !
Je ferai juste une remarque au passage. Il est vrai que les fournisseurs alternatifs ont investi. Mais EDF a également beaucoup investi. Pourtant, on oblige EDF à céder 25 % de sa production électrique !
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 61 est présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 160 est présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 7
Supprimer les mots :
et prévoit de fournir
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 61.
Cet article prévoit qu’il reviendra à la Commission de régulation de l’énergie de calculer et de fixer le volume maximal qu’EDF devra céder à chaque fournisseur. Ce calcul sera effectué en fonction des caractéristiques et des prévisions d’évolution de la consommation effective des consommateurs finals que fournit le cocontractant sur le territoire métropolitain continental.
C’est grâce à un amendement du rapporteur de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, M. Lenoir, que le fournisseur pourra obtenir des volumes d’électricité au titre de l’ARENH non seulement en fonction de son portefeuille actuel des clients qu’il fournit, mais aussi en fonction de ses propres prévisions de ventes, c'est-à-dire des achats potentiels de ses clients futurs, et ce au nom d’une concurrence équitable. Le rapporteur de l’Assemblée nationale a d’ailleurs précisé que, « afin de permettre aux fournisseurs alternatifs de commercialiser de l’électricité dans une situation de concurrence équitable, il est nécessaire de leur permettre d’obtenir des volumes d’électricité au titre de l’ARENH en fonction de leur prévision de vente ».
Autrement dit, la CRE s’appuiera sur les prévisions fournies par les fournisseurs, prévisions dont la validité, par définition, ne sera pas facilement vérifiable !
Pour M. Lenoir, le dispositif de complément de prix devrait suffire à apporter « toutes les garanties pour que l’écart entre les prévisions et la réalité des consommations ne présente pas d’intérêt financier pour le fournisseur ». Or, selon nous, rien n’est moins sûr : la prévision est un exercice extrêmement difficile dans le contexte actuel.
En revanche, une telle disposition risque d’inciter les concurrents alternatifs à amplifier le démarchage pour capter une clientèle susceptible de changer de fournisseur, à l’aide de publicités particulièrement alléchantes.
Par ailleurs, nous considérons que le mécanisme de complément de prix prévu par cet article est, en fin de compte, très peu dissuasif et que ce nouvel élément rendra encore plus difficile le contrôle des portefeuilles de clients.
Notre amendement tend donc à revenir sur la disposition introduite par le rapporteur de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, qui permet aux fournisseurs alternatifs d’obtenir des volumes d’électricité au titre de l’ARENH, non seulement en fonction du portefeuille de clients qu’ils fournissent, mais aussi en fonction de leurs propres prévisions de ventes.
La parole est à Mme Évelyne Didier, pour présenter l’amendement n° 160.
Pour prolonger le propos de notre collègue Roland Courteau, je souhaite vous faire part de ce que je constate aujourd’hui dans ma commune : les personnes âgées sont systématiquement démarchées ; on leur explique qu’elles ne risquent rien et leur fournisseur change sans qu’elles s’en rendent compte. Il y a quand même un problème dans le beau monde qu’on est en train de nous bâtir !
L’article 1er du projet de loi définit, dans son alinéa 7, les conditions dans lesquelles la Commission de régulation de l’énergie devra partager le gâteau entre les opérateurs privés – puisque c’est bien de cela qu’il s’agit !
Les députés ont précisé que les volumes alloués au titre de l’ARENH le seront sur la base de prévisions de ventes. Nous demandons, quant à nous, que ledit partage se fasse sur la base des ventes réalisées, et donc avérées, de l’opérateur privé.
La question des nouveaux entrants pourrait éventuellement soulever des problèmes dans la mesure où leur accès à l’ARENH serait différé. Cependant, les conditions étant les mêmes pour tous les opérateurs privés, cette mesure ne créerait pas de discriminations entre eux.
Il nous semble que le recours aux prévisions des fournisseurs, sans aucune garantie sérieuse quant à leur réalisation, constitue un élément trop incertain dans la répartition envisagée, d’autant que les sanctions prévues restent largement insuffisantes et donc peu dissuasives. En effet, le paragraphe V de l’article 1er prévoit un mécanisme de régularisation, destiné à jouer seulement si le volume maximal d’électricité alloué à chaque fournisseur au titre de l’accès régulé à l’électricité de base, l’ARB, calculé de manière prévisionnelle, excède les ventes effectives de ce fournisseur constatées a posteriori sur le territoire métropolitain continental. La CRE devrait notifier au fournisseur le complément de prix qu’il devra à EDF.
En fait, la sanction s’apparente à une avance sur trésorerie pour l’opérateur privé : ce n’est pas une vraie sanction ! Cette avance est assez intéressante puisque, et c’est un minimum, le complément de prix doit être au moins égal à l’écart moyen entre le prix de l’ARB et les prix observés sur les marchés.
Quels prix, quels marchés, à quel moment ? Autant de questions sans réponse, qui déterminent pourtant largement le niveau du prix ! En effet, en l’état actuel du projet de loi, un décret en Conseil d’État devra définir les modalités de calcul du complément de prix. Il est simplement précisé que ce complément tiendra compte « du coût de financement lié au caractère différé de son règlement » et de « l’ampleur de l’écart entre la prévision initialement faite par le fournisseur et la consommation constatée de ses clients finals sur le territoire métropolitain ».
Ce mécanisme de régularisation qui vise à éviter les abus dans l’évaluation des prévisions nous semble peu performant. C’est pourquoi nous vous demandons d’adopter notre amendement qui, je le répète, applique la même règle à tous les intervenants.
La commission a émis un avis défavorable.
Premièrement, les auteurs de ces amendements veulent figer la situation. Selon eux, chacun des fournisseurs concurrents devrait déclarer en début d’exercice ses clients français et n’aurait pas le droit d’envisager de gagner des clients dans l’année. Mais les choses ne se passent pas ainsi dans la réalité : la situation évolue ! Pourquoi EDF n’a-t-il conservé que 85 % de ses clients industriels ? Parce que des entreprises sont allées se fournir ailleurs… Dans la réalité, ça bouge ! La situation n’est pas plus figée en France qu’à l’étranger et il faut qu’elle continue d’évoluer. Je rappelle que, si cette loi est nécessaire, c’est parce que Bruxelles reproche à notre marché de l’électricité d’être insuffisamment ouvert.
Ces amendements sont donc contraires non seulement à l’esprit même du projet de loi, mais à la réalité : les entreprises clientes veulent faire jouer la concurrence, elles veulent pouvoir faire pression sur EDF en le menaçant de s’adresser à un concurrent s’il ne leur accorde pas de meilleures conditions. La réalité du marché est évolutive, et c’est tant mieux !
Deuxièmement, le contrôle est tout à fait facile à exercer, cher Roland Courteau : il sera effectué en fin d’année. On pourra vérifier, en fonction des estimations des fournisseurs concurrents, s’ils ont effectivement eu les clients annoncés en début d’exercice. Des sanctions sont prévues dans le cas où les ventes effectives auront été inférieures aux prévisions.
Ces sanctions sont sévères, chère Evelyne Didier ! Je vous renvoie à l’article 7 du projet de loi : elles peuvent atteindre 8 % du chiffre d’affaires de ces fournisseurs, voire 10 % en cas de récidive. Ce n’est pas négligeable ! Je puis vous assurer que les fournisseurs feront attention, en début d’année, lorsqu’ils annonceront à la CRE le chiffre d’affaires qu’ils prévoient de réaliser et le volume d’électricité qu’ils souhaitent obtenir : ils calculeront au plus près. L’article 7 répond donc à vos inquiétudes concernant les sanctions.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable.
En effet, nous souhaitons encourager les nouveaux fournisseurs. Si l’on fige en première année leur droit à l’ARENH, on ne les encourage pas à entrer sur le marché.
En revanche, et je rejoins les auteurs de ces amendements sur ce point, il ne faut pas que les fournisseurs demandent une allocation d’électricité au titre de l’ARENH évaluée de façon totalement déraisonnable. C’est pourquoi, en fin d’année, un calcul sera réalisé pour évaluer, le cas échéant, les écarts entre les prévisions et la consommation finale. Si une différence est constatée, le fournisseur devra la payer au prix du marché : il ne bénéficiera plus du prix de l’ARENH sur le « trop-plein » de clients qu’il s’est inventé.
Ce dispositif me paraît équilibré : il encourage les fournisseurs à démarcher des clients, d’une part, et les sanctionne s’ils n’ont pas respecté leurs engagements, d’autre part. C’est la raison pour laquelle j’estime, comme M. le rapporteur, que les nouveaux fournisseurs calculeront au plus juste leurs besoins sur une année donnée.
Quelque chose m’intrigue et m’amuse à la fois : si votre loi ne fonctionne pas, messieurs les ministres, si les Français se comportent comme ils se sont comportés jusqu’à présent, autrement dit si les entreprises restent fidèles à l’opérateur historique, que va-t-il se passer ? L’Union européenne va-t-elle nous punir une deuxième fois ? Irez-vous ventre à terre négocier au rabais une nouvelle reddition ? J’aimerais connaître votre opinion sur ce sujet !
Une chose est sûre : nombreux sont les fournisseurs qui seront tentés de gonfler leur clientèle potentielle. Je persiste à dire que les abus seront nombreux. Il faudra, alors, que les contrôles et les sanctions soient effectivement au rendez-vous. Nous verrons bien qui de nous aura eu tort !
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 58, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 7, première phrase
Après les mots :
métropolitain continental
insérer les mots :
ainsi que de sa propre production d’électricité de base
La parole est à M. Marcel Rainaud.
Nous avons défendu tout à l’heure un amendement qui s’inscrivait dans la même problématique que celui-ci : il s’agissait de prendre en compte, dans le calcul de l’ARENH, les contrats de participation de fourniture que certains fournisseurs ont avec EDF.
Dans le cas présent, il s’agit de limiter l’accès régulier à l’électricité nucléaire historique pour les producteurs qui sont aussi producteurs d’électricité de base. Nous considérons qu’il n’y a aucune raison pour qu’un fournisseur, qui détient aussi, dans son portefeuille de production, de l’électricité de base puisse bénéficier de l’ARENH : il semble tout à fait logique que l’on puisse déduire de son allocation au titre de l’ARENH le volume de l’électricité de base dont il dispose lui-même. Cela vaut aussi, évidemment, pour l’électricité hydraulique produite au fil de l’eau.
Il est bon de rappeler que le principal concurrent d’EDF, en l’occurrence GDF-Suez, possède pratiquement la moitié – 49, 90 % – du capital de la Compagnie nationale du Rhône, la CNR, laquelle produit 16 térawattheures d’hydroélectricité au fil de l’eau. Lors de la prise de contrôle de la CNR, en 2003, le président de Suez insistait sur le fait que cette production permettait à son groupe d’être « particulièrement compétitif sur le marché français, avec une énergie produite à bas prix ». On peut rappeler qu’en 2003 le coût de production de la CNR était effectivement particulièrement compétitif puisque, à l’époque, les prix de marché étaient inférieurs au tarif réglementaire, soit 30 euros.
Ainsi, le principal concurrent d’EDF dispose d’une grande quantité d’électricité – 8 térawattheures, soit une fois et demie la production d’une tranche nucléaire du Tricastin –, dont les coûts de production sont encore sans doute inférieurs à ceux du nucléaire historique.
Le rapport annuel de la CNR pour 2008 précisait : « Les ventes nettes d’électricité ont enregistré une très importante croissance liée à la hausse des prix. Elles s’établissent à plus d’un milliard d’euros. […] Cette performance est le résultat d’une politique de placement optimisée sur les marchés […]. En 2008, la CNR a pu profiter, grâce à son modèle intégré, d’un contexte particulièrement propice avec un prix spot en augmentation de 69 % par rapport à 2008. Ses placements sur les marchés de gros ont révélé cette année encore leur pertinence. » Le rapport précisait la répartition des ventes : 10 % sur le marché de détail, 90 % sur le marché de gros.
Donc, la majorité de la production d’électricité à bas coût est vendue sur le marché de gros, avec à la clé un bénéfice très important pour la compagnie GDF Suez. Il serait préférable que les industriels, qui vont voir disparaître le tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, le TaRTAM, et le tarif réglementé, puissent bénéficier d’une électricité compétitive, plutôt que de voir celle-ci aille alimenter les marchés de gros.
Cher collègue, vous avez clairement visé la CNR. En effet, EDF mis à part, les autres producteurs d’électricité de base sont ceux qui produisent de l’électricité hydraulique, et plus particulièrement au fil de l’eau.
La CNR fait partie aujourd’hui de GDF Suez, mais ce groupe l’a rachetée : il a donc réalisé un investissement. Vous voudriez donc pénaliser celui qui a investi, même s’il s’agit du rachat d’un investissement initial.
Vous voulez pénaliser une entreprise qui a déjà investi et qui, chaque année, paie l’impôt sur les sociétés. Je n’ai pas en mémoire le montant exact de l’impôt sur les sociétés que paie la CNR…
M. Benoist Apparu, secrétaire d’État. Il représente 24 % de son chiffre d’affaires !
M. Roland Courteau approuve.
On atteint donc un niveau quand même assez élevé.
Enfin, ce n’est pas le moment, me semble-t-il, de bouleverser ce qui va l’être de toute façon dans peu de temps. Je veux bien sûr parler des appels d’offres qui seront prochainement lancés, en France, dans le secteur hydraulique, qu’ils concernent des centrales au fil de l’eau ou les premiers barrages dont la concession sera renouvelée. Sauf erreur de ma part, c’est le cas, dès 2011, des barrages sur la Dordogne et de ceux de la zone pyrénéenne.
Il me semble donc préférable d’attendre avant de bouleverser le dispositif en adoptant cet amendement qui revient à interdire à GDF Suez, par la déduction de sa production hydraulique, de pouvoir disposer d’une partie de l’électricité provenant du nucléaire.
Une fois de plus, mes chers collègues, ce projet de loi prévoit opportunément des rendez-vous : nous verrons dans cinq ou dix ans.
La commission émet un avis défavorable.
Cet amendement, important, fait partie de toute une série qui vise à déduire de l’ARENH des droits existants dont bénéficient certains fournisseurs, comme la CNR ou encore les fournisseurs disposant de participations dans les centrales nucléaires. Ces amendements affectent notamment le deuxième champion français du secteur énergétique.
Je reviendrai sur les trois arguments que j’ai déjà avancés tout à l’heure.
Premièrement, dans cette filière, nous souhaitons l’émergence d’un deuxième champion français de taille mondiale. Si, dès le départ, nous déduisons ce qu’il détient déjà de son accès au nucléaire de base, nous l’amputons d’une partie de ces capacités.
Deuxièmement, les dispositions qui nous sont proposées encourageront les producteurs à se désengager de leur production pour augmenter leurs droits à l’ARENH. Or nous désirons tous collectivement que ces nouveaux entrants investissent dans de nouvelles productions.
Troisièmement, pourquoi cet échange asymétrique, qui peut paraître déséquilibré et défavorable à EDF ? Aujourd’hui, c’est bien évidemment sur la production d’EDF, et non sur celle des fournisseurs alternatifs, que sont fondés les prix du marché en France. En proposant de déduire les productions actuelles, par exemple de GDF-Suez, des bases de l’ARENH, les auteurs de ces amendements considèrent de fait qu’elles ont un impact sur les prix. Or ce n’est pas le cas, puisque seul le groupe EDF peut influencer les prix en raison de sa production d’électricité.
Pour ces trois raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 58, comme sur les suivants qui portent sur le même sujet.
Après réflexion et en tenant compte des multiples entretiens que nous avons eus avec les professionnels du secteur – les représentants de la CNR notamment –, ainsi que de la fameuse taxe de 24 % sur le chiffre d’affaires, nous retirons l’amendement n° 58.
L'amendement n° 58 est retiré.
L'amendement n° 56 rectifié, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 7, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Le prix de vente facturé au consommateur final répercute le coût préférentiel de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique et est orienté vers l'ensemble des coûts de fourniture.
La parole est à M. Daniel Raoul.
Cet amendement tend à prévoir que le coût préférentiel de l’ARENH soit répercuté sur le consommateur final. Sans pour autant oublier les ménages, nous nous préoccupons tout particulièrement de cette répercussion sur les industriels, car il est essentiel de garantir la compétitivité de nos entreprises.
Quelle est la situation actuelle ? En théorie, les industriels bénéficiant du TARTAM, cher à notre rapporteur et dont l’extinction est programmée pour la fin de l’année 2010, pourront continuer, grâce à l’ARENH, à avoir accès à une électricité d’origine nucléaire à un prix inférieur à celui du marché de gros.
Voulant nous en assurer, nous avons donc déposé le présent amendement.
Le dispositif de l’ARENH est prévu pour une période transitoire de quinze ans, soit jusqu’en 2025. Quant aux tarifs réglementés – bleu, vert et jaune pour les plus gros consommateurs, c’est-à-dire certains industriels –, ils ne seraient maintenus que jusqu’en 2015, soit pendant cinq ans encore.
Après cette date, je crains donc que ce ne soit le chaos !
Une fois que le TARTAM aura disparu, une fois que les tarifs réglementés n’existeront plus – ne nous leurrons pas ! –, rien ne prouve que l’électricité nucléaire soit encore accessible à des tarifs acceptables.
Les industriels qui se fourniront en électricité nucléaire chez les fournisseurs alternatifs ne peuvent pas être les perdants de cette réforme. La répercussion du tarif préférentiel de l’ARENH sur le prix de vente doit donc d’ores et déjà être perceptible par ces professionnels, qui travaillent à relativement long terme. Le prix doit en outre être orienté vers l’ensemble des coûts de fourniture – coûts de production, d’approvisionnement et de commercialisation –, tel que prévu, monsieur le rapporteur, à l’article 4.
Il s’agit là de défendre la compétitivité de nos entreprises et d’éviter une succession de délocalisations liées à cette réforme.
En présentant cet amendement, monsieur Raoul, vous faites état de votre crainte de voir les entreprises payer leur électricité trop cher demain.
A priori, le coût de l’ARENH sera très proche du TARTAM. Tel est en tout cas, comme nous le savons tous, l’objectif fixé. Dans le même temps – cette préoccupation a été exprimée tant sur les travées de l’opposition que sur celles de la majorité –, nous voulons tous que l’entreprise nationale qu’est EDF puisse continuer à être un fleuron industriel majeur, dans notre pays comme à l’échelon international. Cette situation explique la difficulté, très bien présentée, de trouver un juste prix et, j’en conviens, la question n’est pas facile à traiter.
S’agissant du consommateur final domestique, le projet de loi est très précis. Il tend à maintenir le tarif régulé pour les particuliers. Il n’est donc pas question de le remettre en cause.
C’est ce que prévoit le projet de loi que nous examinons aujourd’hui.
Pour toutes ces raisons, je juge inutile d’ajouter la précision que comporte l’amendement n° 56 rectifié, sur lequel j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable.
Cet amendement est important, mes chers collègues. Il s’agit de savoir si, demain, nous conserverons nos prix de l’électricité ou si nous les alignerons sur les prix européens.
J’ai bien écouté votre argumentation, monsieur le rapporteur, mais bien que vous affirmiez que le prix de l’ARENH sera similaire au TARTAM, vous ne nous apportez aucune garantie. L’élaboration de la loi exige de la précision, or en l’espèce tel n’est pas le cas !
Dès lors, les spéculateurs, qui, comme nous l’avons vu dans un précédemment, pourront acheter de l’électricité en France et, selon M. le secrétaire d’État, la vendre sur le marché européen, ne pourront pas être contrôlés.
On nous annonce maintenant, et ce tout à fait ouvertement, que, en matière de prix de l’électricité, aucune garantie ne peut être apportée pour les particuliers, à moyen terme, et surtout pour nos entreprises.
Je le dis comme je le pense, si nous continuons ainsi, c’est une prime à la délocalisation que nous mettons en œuvre !
Pourquoi organiser des états généraux de l’industrie si, ensuite, le prix de l’électricité est sensiblement majoré ? Mme Lagarde a déjà indiqué que ce dernier, qui a récemment subi une hausse, augmenterait d’environ 10 %. Dans ce contexte, l’explication fournie par M. le rapporteur nous conduit, bien évidemment, à la plus grande prudence.
Les auteurs de l’amendement n° 56 rectifié demandent simplement des garanties.
Dans les propos tenus – « faites-nous confiance » ; « nous verrons bien » ; « ce sera peut-être le prix de l’ARENH » –, je ne vois que des suppositions. Or, demain, quand le consommateur devra payer, il aura raison de s’en prendre à ceux qui ont élaboré la loi. Les industriels, quant à eux, délocaliseront. Comme nous l’ont expliqué ceux de la vallée de la Maurienne, si le prix de l’électricité est trop élevé, ils iront produire ailleurs, notamment en Chine, où les filières du silicium ou de l’aluminium produisent des émissions de gaz carbonique vingt-deux fois plus élevées que dans notre pays.
Sur ces questions fondamentales, le projet de loi ne nous apporte aucune garantie. Nous sommes dans le flou le plus total !
J’anticipe évidemment la réponse qui va nous être apportée : on nous encouragera à faire confiance au marché, qui devrait tout régler… Mes chers collègues, c’est à la loi que nous faisons confiance !
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 57, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 7, après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Ce volume est exclusivement réservé à ces consommateurs finals.
La parole est à M. Michel Sergent.
Cet amendement, dans le droit fil du précédent, est des plus simples : il s’agit de préciser que le volume d’électricité nucléaire historique cédé aux fournisseurs en fonction de leur portefeuille de consommateurs est exclusivement réservé à ces consommateurs finals. Autrement dit, le volume est destiné aux consommateurs qui ont précisément servi au calcul du droit à l’ARENH.
D’ailleurs, l’étude d’impact jointe au projet de loi ne dit pas autre chose. Je la cite : « Les volumes cédés aux fournisseurs alternatifs seront déterminés en fonction du rapport entre la production nucléaire du parc de référence et la consommation effective des clients situés sur le territoire français ».
C’est sans doute pour cette raison qu’il est précisé plus loin : « De manière progressive, les consommateurs bénéficiant aujourd’hui des tarifs réglementés devraient se tourner en partie vers les fournisseurs alternatifs ».
Et cela permet certainement aussi à l’étude d’impact de conclure sur les effets bénéfiques attendus de la nouvelle concurrence grâce à laquelle les moyens et gros consommateurs ne subiront pas les prix fixés sur les marchés de gros : « le dispositif permet de pérenniser la maîtrise de la facture d’électricité fondée sur la réalité industrielle des coûts compétitifs de production du parc de référence, non exposée aux aléas des prix de marché européen ».
L’adoption de l’amendement n° 57 garantirait le bénéfice de l’ARENH aux consommateurs finals, clients des fournisseurs alternatifs. Elle assurerait que l’électricité à prix coûtant de notre parc nucléaire historique mise à disposition des fournisseurs alternatifs n’alimentera pas de gros consommateurs au-delà de nos frontières et ne fera pas l’objet de valorisation par des traders sur les marchés internationaux de gros ou spot.
Le dispositif mis en place n’exclut pas ceux qui ont une activité de trading. Pour ce qui concerne celle d’EDF …
Le siège d’EDF Trading, que certains d’entre nous ont visité, est effectivement à Londres, mais l’activité visée concerne toute l’Europe – pas seulement la France – et serait de l’ordre, si je me souviens bien des propos que M. Proglio a tenus lors de son audition, de 900 millions d’euros, ce qui est très important.
En revanche, aux termes de l’article 2, sont exclus de l’ARENH ceux qui n’exercent que cette activité. Cette disposition suffit largement ! C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 57.
Même avis, monsieur le président.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 233 rectifié bis, présenté par MM. Amoudry, Hérisson, Merceron, Dubois, J.L. Dupont, Détraigne, Zocchetto et Badré, Mme Morin-Desailly et M. Deneux, est ainsi libellé :
Alinéa 7
I. - À la seconde phrase, supprimer les mots :
De manière transitoire, jusqu'au 31 décembre 2015,
II. - Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Toutefois, à partir du 1er janvier 2016, la prise en compte des catégories et du profil de consommation des clients du fournisseur ne pourra induire que trois niveaux de puissance constants différents dans l'année, pour la détermination du volume cédé au fournisseur.
La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
Les dispositions du III de l’article 1er limitent au 31 décembre 2015 la prise en compte des catégories et du profil de consommation des clients du fournisseur. De ce fait, à partir de 2016, certains usages particuliers, tels que les activités saisonnières, par exemple l’exploitation de remontées mécaniques, ne bénéficieront que très marginalement, voire pas du tout, de l’électricité nucléaire, alors que, de manière factuelle, elles devraient avoir accès à cette énergie, les centrales nucléaires produisant globalement plus en hiver pour s’adapter à la courbe de consommation française.
En effet, les fournisseurs alternatifs de ces entreprises ne pouvant disposer que d’une quantité très faible voire nulle d’énergie nucléaire pour ces usages saisonniers, leurs offres resteront intégralement définies par les prix du marché, et ces entreprises devront en conséquence consentir un coût élevé pour leur approvisionnement en électricité.
Par ailleurs, EDF étant la seule à utiliser une part de production nucléaire pour fournir ces entreprises en électricité, l’opérateur historique disposerait d’un avantage compétitif : par rapport à la concurrence, elle pourrait faire soit une offre à prix plus faible, soit une offre à prix équivalent, mais avec une marge plus forte.
Ainsi, en l’état, certaines entreprises touristiques ne pourraient pas bénéficier des effets escomptés du présent projet de loi, c'est-à-dire une concurrence accrue des fournisseurs, ainsi qu’un accès aux ressources du parc nucléaire produites dans notre pays.
L’amendement n° 223 rectifié bis a pour objet de remédier à ces inconvénients, tout en limitant la façon de prendre en compte les profils de consommation, puisque seulement trois niveaux de puissance différents dans l’année seraient identifiés. Cela permettrait de ne pas réduire la détermination des volumes à un simple ruban, sans toutefois engendrer des volumes indus d’électricité nucléaire qui augmenteraient anormalement le volume global de l’ARENH.
Mon cher collègue, en réalité, vous voulez revenir sur le caractère transitoire, jusqu’au 31 décembre 2015, de la prise en compte des catégories et du profil de consommation des clients, afin de refléter la modulation de la production des centrales nucléaires.
Le Gouvernement a accepté cette modulation de l’ARENH au cours des premières années d’application du dispositif, mais ne souhaite pas la prolonger au-delà du 31 décembre 2015.
Je vous rappelle, monsieur Amoudry, que le projet de loi prévoit une évaluation du dispositif tous les cinq ans. Le premier rendez-vous est fixé en 2015. Ce sera alors le bon moment pour faire le point et pour apprécier s’il est opportun de prolonger la modulation. C’est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 233 rectifié bis.
Un ensemble de points spécifiques, comme ceux qui concernent la SNCF, ne peut pas faire l’objet d’un traitement général. Vous le savez, les représentants des remontées mécaniques ont été reçus vendredi. Un nouveau rendez-vous est prévu le 4 octobre prochain et devrait permettre de réaliser des avancées à cet égard. Comme M. le rapporteur, je vous demande donc, monsieur Amoudry, de bien vouloir retirer l’amendement n° 233 rectifié bis.
Je vous remercie, monsieur le ministre d’État, d’avoir organisé la réunion récente avec les représentants de ce secteur professionnel au sein duquel les activités, contrairement à une idée répandue, sont extrêmement fragilisées. Pour les exploitants de remontées mécaniques, le coût de l’énergie est un élément déterminant pour de multiples raisons – la concurrence, les aléas dus aux conditions climatiques, etc.
Compte tenu de la fragilité de ce secteur, je souhaite que vous nous apportiez des assurances et que vous vous engagiez sur un objectif précis. À cette condition, je retirerai cet amendement.
Lors des travaux qui ont eu lieu en commission, je suis déjà intervenu sur cet amendement. Je souscris complètement aux propos que vient de tenir notre collègue Jean-Paul Amoudry. Il faut plus que des garanties. La période de transition, qui peut être utile dans d’autres cas de figure, ne réglera en rien le problème posé. Dans cinq ans, il sera trop tard !
Si garantie nous était apportée que les entreprises concernées auront accès à la production d’électricité nucléaire, l’amendement n° 233 rectifié bis pourrait être retiré dans de bonnes conditions.
L’amendement que nous examinons ne fait qu’évoquer localement le problème auquel sont confrontés les industriels pour pouvoir bénéficier du tarif de l’ARENH. Il s’inscrit exactement dans la même logique.
Pourquoi prévoir des traitements différents pour la SNCF et les exploitants de remonte-pentes, entre autres, dans le dos du législateur ?
Les industriels doivent connaître le tarif qui leur sera appliqué dans cinq ans eu égard à leur business plan, à leur stratégie qui s’inscrit dans la durée, quel que soit leur secteur d’activité : aluminium, équipement automobile, éclairage, etc. Or nous sommes dans le flou le plus complet !
J’admets cependant que des traitements spécifiques régissent certains secteurs qui sont des consommateurs intensifs.
Je ne comprends pas très bien que des discussions aient lieu dans le dos du législateur sur des problèmes spécifiques concernant l’ensemble des industriels.
Il n’y a aucun souci à se faire jusqu’en 2015. Aucun des exploitants évoqués ne relève du TARTAM : soit ils sont soumis au tarif réglementé et ils y resteront, soit ils sont régis par le tarif libre, et leur situation ne fera que s’améliorer. Pour la suite, un débat devra être engagé.
Cela étant, il revient au Gouvernement de traiter les cas particuliers, qu’il s’agisse de la RATP, de la SNCF, ou de l’exploitation de remontées mécaniques, activité qui, par nature, consomme l’hiver contrairement au reste de l’année. Il est parfaitement conscient que retenir, en l’espèce, un taux moyen annuel poserait une véritable difficulté. C’est la raison pour laquelle des réunions sont prévues pour trouver une solution, par arrêté ou par décret de mutualisation. Quoi qu’il en soit, la loi doit être générale.
Je ne voudrais pas polariser le débat sur les exploitants de remontées mécaniques, mais nous ne leur ferons pas croire que leur fortune sera meilleure après 2015. Voilà quelques années, on les a incités à sortir du marché régulé pour aller sur le marché libre. Pendant deux ans, ils ont obtenu quelques gains ; depuis, le rapport entre prix du marché et prix régulés est extrêmement défavorable. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons avoir la garantie absolue qu’ils auront accès au ruban nucléaire.
Ils bénéficieront demain de l’ARENH et pourront donc, s’ils le souhaitent, se voir appliquer un tarif inférieur à celui du marché actuel.
Le problème particulier des exploitants de remontées mécaniques sera traité dans le cadre d’un accord passé avec eux. Mais ils pourront de nouveau bénéficier, selon le principe général, du tarif. J’en prends l’engagement absolu.
L’amendement n° 233 rectifié bis est retiré.
L'amendement n° 55, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Après cette période, la part de production des centrales mentionnées au II prise en compte dans le calcul du volume maximal est l'électricité produite par ces centrales sous une puissance constante sur une année.
La parole est à Mme Renée Nicoux.
Selon le rapport de la commission Champsaur, l’accès à l’électricité nucléaire historique est nécessaire au développement d’un marché concurrentiel de l’électricité en France. Les fournisseurs alternatifs auront donc accès à l’électricité compétitive du parc nucléaire historique.
Il n’en demeure pas moins qu’ils disposent depuis plusieurs années de l’entière liberté d’investir dans des moyens de production électrique de semi-base. Il est dès lors indispensable, dans le souci de favoriser le développement d’acteurs industriels contribuant de manière responsable à la sécurité des approvisionnements électriques du pays, qu’ils soient dès à présent fortement incités à développer leur propre capacité de production.
Pour parvenir à cette incitation industrielle, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique doit être limité à court terme à la seule électricité de base correspondant à la fourniture d’une puissance constante tout au long de l’année.
Le présent amendement prévoit par conséquent que, au-delà de la période allant jusqu’au 31 décembre 2015 au cours de laquelle la modulation des centrales mentionnées au II est prise en compte dans l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, seule l’électricité de base soit concernée par cet accès.
Nous avons déjà évoqué à deux reprises ce sujet, qui relève de l’article 2 ayant trait à l’obligation, pour les fournisseurs alternatifs, d’investir dans la production ou dans l’effacement. Cet article est suffisant. C’est la raison pour laquelle je vous demande, ma chère collègue, de bien vouloir retirer l’amendement n° 55, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 60, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le volume maximal cédé à un fournisseur visé à l'alinéa précédent correspond à une fraction de la consommation de ses clients sur le territoire métropolitain continental. Cette fraction décroît chaque année à partir du 1er juillet 2018.
La parole est à M. Roland Courteau.
Afin de garantir le caractère transitoire du mécanisme d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, il convient d’organiser la décroissance progressive des volumes d’électricité auxquels ont accès les fournisseurs pour alimenter leurs clients.
Seule la perspective de cette réduction programmée de l’accès à la production nucléaire d’EDF est susceptible d’inciter les fournisseurs concernés à développer leur propre approvisionnement par l’investissement direct dans des moyens de production ou par des accords industriels avec d’autres producteurs.
En revanche, comme l’affirme l’Autorité de la concurrence dans son avis sur le présent projet de loi, l’absence dans la loi de tout dispositif organisé de sortie de l’accès régulé à la production d’EDF par une décroissance des volumes conduirait à un échec du dispositif avec, dans l’intervalle, un coût important pour la collectivité. Aucun opérateur n’aurait en effet intérêt à investir, et la sécurité d’approvisionnement serait ainsi mise en péril.
Nous proposons donc que cette sortie organisée débute à mi-chemin de la durée du dispositif, soit le 1er juillet 2018, et qu’elle s’effectue de manière progressive et connue d’avance sur les dernières années du dispositif NOME.
Je partage le souci de M. Courteau et tout le monde, y compris le Gouvernement, s’accorde à reconnaître que l’ARENH doit être transitoire.
Mais il est trop tôt pour préciser, dès aujourd’hui, que le volume d’électricité attribué à chaque fournisseur dans le cadre de l’ARENH doit décroître à partir du 1er juillet 2018. Des rendez-vous sont d’ores et déjà prévus tous les cinq ans, à l’occasion desquels nous aurons tout loisir de préciser cette question, et de fixer une date.
Lors du premier de ces rendez-vous, en 2015, peut-être inscrirons-nous dans la loi la date que vous nous proposez. Peut-être conseillerons-nous au contraire d’attendre encore cinq années supplémentaires avant de fixer la date exacte à partir de laquelle le volume décroîtra systématiquement.
Nous sommes d’accord sur le principe, mais nous pensons qu’il ne faut pas inscrire prématurément une date dans le projet de loi. C’est la raison pour laquelle, monsieur Courteau, la commission vous demande de bien vouloir retirer l’amendement n° 60, faute de quoi elle émettra un avis défavorable.
Nous voilà en cet instant confrontés à la question importante de la dégressivité des droits à l’ARENH. Je crains que l’adoption du présent amendement par la Haute Assemblée n’aboutisse exactement à l’effet inverse de celui qui est recherché, et probablement même à une augmentation des prix.
En effet, à partir du moment où l’ARENH est réduit, les fournisseurs alternatifs seront obligés d’acheter leur électricité sur le marché, afin de fournir leurs clients. Or le prix du marché est très supérieur à celui de l’ARENH. Par conséquent, cette situation entraînera une augmentation des prix pratiqués par les fournisseurs auprès de leurs clients.
En outre, l’amendement n° 60 vise à inciter les autres fournisseurs à investir. Or une telle incitation est déjà prévue dans le projet de loi. Effectivement, les rapporteurs des deux assemblées ont convaincu le Gouvernement d’introduire dans le projet de loi l’obligation de production.
Au cours de la période 2015-2020, des décisions seront prises dans le cadre du programme pluriannuel d’investissement, probablement après la clause de revoyure de 2015, au sujet de la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires
Quoi qu’il en soit, il me semble qu’il faut corréler les sorties de l’ARENH aux nouvelles décisions de production.
J’ajoute enfin que la part représentée par l’ARENH dans l’électricité vendue par les différents fournisseurs va mécaniquement diminuer, et ce pour une raison très simple : à partir du moment où sont développées des énergies renouvelables, la part du nucléaire français va baisser dans la part globale de la production nationale d’électricité. En d’autres termes, les droits à l’ARENH sur l’ensemble de la production d’électricité française diminueront mécaniquement.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 60.
Il est patent que le dispositif, tel qu’il est conçu, ne va pas inciter les fournisseurs alternatifs à investir : tout le monde s’accorde sur ce point.
Ce dispositif met un « biberon » à leur disposition. Dès lors, les fournisseurs alternatifs ne prendront pas le moindre risque, industriel ou financier, pour investir.
Certes, aux termes de l’alinéa 34, le rapport que le Gouvernement remettra tous les cinq ans au Parlement sur le dispositif de l’ARENH « propose, le cas échéant, au regard de cette évaluation, des modalités de fin du dispositif assurant une transition progressive pour les fournisseurs d'électricité ».
Tout d’abord, il ne s’agit que d’un rapport. En outre, rien n’est sûr. La seule certitude est que les fournisseurs alternatifs n’investiront pas.
Mais il faut dès maintenant leur annoncer la couleur, si je puis dire, et les prévenir, ce que nous faisons par le biais de l’amendement en discussion : à compter de 2018, le volume de l’ARENH va décroître s’ils n’investissent pas. Autrement dit, nous proposons de prévoir, dès maintenant, la mise en œuvre d’un sevrage progressif, sans attendre 2015. Il s’agit d’inciter ces fournisseurs à investir, en leur faisant comprendre que le jackpot ne durera pas éternellement.
Si j’ai bien écouté M. le rapporteur, le « biberonnage ne durera qu’un temps, et un sevrage devra avoir lieu. Par conséquent, ce n’est pas trahir l’esprit du présent texte que de fixer la date de ce sevrage dès à présent, au lieu de renvoyer la fixation de cette date à la clause de revoyure de 2015. Cela revient exactement au même !
Sommes-nous au moins d’accord sur le fond, à savoir qu’un sevrage doit être mis en œuvre, à une date proche, située entre 2015 et 2020 ? (Marques d’approbation sur les bancs du Gouvernement et de la commission)
L’amendement n° 60 prévoit une sortie progressive de l’ARENH par le biais d’une réduction graduelle du volume d’électricité mis à la disposition des fournisseurs. Cette diminution ne débutera qu’à la moitié de la période transitoire, afin que les nouveaux acteurs du marché puissent y trouver leur place.
Cette disposition, simple et efficace, mérite toute notre attention. Elle est simple parce qu’elle annonce, en amont, les règles du jeu d’une concurrence qui ne sera plus alors organisée artificiellement au seul profit des fournisseurs. Elle est efficace, parce qu’elle constitue la meilleure incitation possible pour encourager les fournisseurs à investir dans les capacités de production.
L’amendement n° 60 me paraît très judicieux, dans la mesure où il rappelle opportunément que la concurrence a des exigences, auxquelles les fournisseurs alternatifs ne sauraient se soustraire.
M. Roland Courteau. Puisque nous sommes d’accord sur l’objectif, je souhaite rectifier l’amendement n° 60, et je propose de rédiger la deuxième phrase de la manière suivante : « Cette fraction décroîtra chaque année à partir d'une date fixée à la suite de la clause de revoyure de 2015 ».
Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Je suis donc saisi par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés d’un amendement n° 60 rectifié ainsi libellé :
Après l'alinéa 7
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le volume maximal cédé à un fournisseur visé à l'alinéa précédent correspond à une fraction de la consommation de ses clients sur le territoire métropolitain continental. Cette fraction décroîtra chaque année à partir d'une date fixée à la suite de la clause de revoyure de 2015.
Quel est l’avis de la commission sur cet amendement rectifié ?
Je ne suis pas Mme Soleil ! Mes chers collègues, certains d’entre vous ont exprimé des doutes, parfois avec une certaine virulence, sur le fonctionnement de l’ARENH que nous entendons instaurer. Je reconnais que ce système est complexe, et je ne sais pas s’il fonctionnera correctement. Je ne m’en suis d’ailleurs jamais caché, et c’est pour cette raison que le rendez-vous de 2015 est important.
Il n’est pas nécessaire de fixer aujourd’hui la date à laquelle la sortie progressive de l’ARENH devra être enclenchée. En 2015, nous verrons ce qui fonctionne et ce qui pose problème.
J’ai bien compris, monsieur Raoul, le sens de votre intervention. Nous souhaitons tous que les fournisseurs alternatifs investissent. Certains d’entre eux ont commencé à le faire. Il est très probable que, en 2015, nous n’aurons pas la même attitude à leur égard qu’envers ceux qui n’auront fourni aucun effort.
La clause de revoyure de 2015 est un volet essentiel du présent texte. Attendons cette date ! Je ne suis pas en mesure de déterminer, aujourd’hui, à quelle date la réduction graduelle du volume d’électricité mis à la disposition des fournisseurs doit être envisagée. Je considère que la rédaction actuelle du projet de loi est bonne, dans la mesure où elle nous laisse du temps pour observer les conséquences de l’ARENH.
Je ne reviendrai pas sur la centrale du groupe POWEO située dans le département du Nord ou sur celle qui vient d’être inaugurée à Sarreguemines, en Moselle : force est de constater que certains fournisseurs alternatifs ont compris le message. Les ambitions de GDF-Suez, également, sont très fortes en matière de production, indépendamment du souhait de ce groupe de disposer d’un EPR. Il m’importe de savoir ce que feront demain d’autres fournisseurs, tel que le groupe EON, ou encore les Espagnols et les Suisses. Je parle non pas des fournisseurs qui n’ont d’autre souci que d’attendre et de prendre des parts de marché au moment où seront relancés les appels d’offres pour l’énergie hydraulique, mais de ceux qui investiront.
La centrale du groupe POWEO, dans le Nord, est un exemple particulièrement intéressant : un contrat a déjà été passé avec EDF de manière que POWEO dispose de la même quantité d’électricité de base nucléaire, à savoir 380 mégawatts. La production de cette centrale n’est utilisée par EDF qu’en période de pointe. Cela prouve, monsieur le secrétaire d’État, que votre souhait que ce marché soit dynamique et performant est déjà en passe d’être réalisé.
De telles évolutions sont rassurantes. Mais il est nécessaire d’attendre et d’observer le développement de ces tendances, plutôt que de fixer prématurément la date de la réduction graduelle du volume d’électricité mis à la disposition des fournisseurs. En 2015, faudra-t-il retenir l’année 2018 ou alors éventuellement fixer une échéance plus lointaine ?
Je partage totalement l’analyse de M. Courteau, à tel point d’ailleurs que la solution préconisée est déjà prévue dans le projet de loi.
L’alinéa 34, qui prévoit une clause de revoyure, précise, à propos de l’ARENH, que le rapport qui sera remis au Parlement « évalue son impact sur la conclusion de contrats de gré à gré entre les fournisseurs et Électricité de France et sur la participation des acteurs aux investissements […] et propose, le cas échéant, au regard de cette évaluation, des modalités de fin du dispositif assurant une transition progressive ».
Vous voulez adresser, en substance, le message suivant aux opérateurs alternatifs : « attention, un jour, ce dispositif prendra fin. » Or il se trouve qu’avec la clause de revoyure, nous prévoirons en effet, à partir de 2015, la manière d’en sortir.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 62, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 8
I. - Après le mot :
énergie
insérer les mots :
, après avoir accordé les droits relatifs aux pertes des gestionnaires de réseau,
II. - Remplacer les mots :
ce dernier
par les mots :
le volume résiduel
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Cet amendement vise à accorder une priorité à l’ARENH aux gestionnaires de réseaux. Il n’y a en effet aucune raison pour que le gestionnaire de réseau de transport d’électricité ait à payer plus cher l’électricité pour compenser ses pertes dues à l’échauffement des câbles. Car, au final, c’est le consommateur, via le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, qui subit le coût de cet achat onéreux.
L’accès des gestionnaires de réseaux au dispositif pour acquérir une partie de l’électricité nécessaire à la compensation de leurs pertes répond pleinement aux objectifs de la loi. Mais, pour cela, il convient de reconnaître à ces gestionnaires une véritable priorité dans l’accès au dispositif régulé, notamment lorsque la somme des droits des fournisseurs et des gestionnaires de réseaux excède le volume maximal d’électricité de base pouvant être cédé.
La couverture des pertes de réseaux, qui n’étaient prises en compte que dans la limite de 20 térawattheures dans le projet de loi initial, a été entièrement déplafonnée par les députés.
Aujourd’hui, les besoins du transporteur et du distributeur correspondent à 30 térawattheures environ par an. Indépendamment des 100 térawattheures prévus par le nouveau mécanisme, ces derniers pourront disposer de la totalité au prix de l’ARENH, que le surplus atteigne 20, 30, 35 ou même 40 térawattheures.
Cet amendement est donc entièrement satisfait depuis la modification apportée par les députés, et je vous demande en conséquence, madame le sénateur, de bien vouloir le retirer.
L'amendement n° 62 est retiré.
L'amendement n° 275, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéa 9, deuxième phrase
Après les mots : « Commission de régulation de l'énergie, » sont insérés les mots : « notamment par le gestionnaire du réseau public de transport, ».
La parole est à M. le secrétaire d'État.
L’objet de cet amendement est de faire intervenir la Commission de régulation de l’énergie et le réseau de transport d’électricité.
Vous savez que, dans les relations entre les nouveaux fournisseurs et EDF, un mécanisme de tiers de confiance a été prévu par l'Assemblée nationale, pour éviter que des informations de nature confidentielle ne soient directement transmises par des concurrents à EDF. Le texte ne précise toutefois pas qui doit intervenir dans ce cadre-là.
Nous souhaitons que la CRE mais aussi RTE puissent intervenir dans ce processus, afin de définir le tiers de confiance. Or comme la loi encadre précisément les obligations du réseau de transport d’électricité, il nous a semblé indispensable de préciser dans le texte sa contribution à ce processus.
Les députés ont souhaité qu’une entité indépendante organise les échanges d’informations entre EDF et les fournisseurs alternatifs, sans préciser quelle était cette entité, comment elle devait fonctionner et avec quels moyens.
Le Sénat est plus précis : il entend confier cette mission à la CRE. Par cet amendement, monsieur le secrétaire d’État, vous confortez donc notre choix et souhaitez associer également RTE, ce qui me semble évident : la CRE se serait de toute façon adressée à RTE pour obtenir les informations dont elle aurait eu besoin. Par conséquent, la commission émet un avis favorable.
M. Daniel Raoul. Même si la logique du présent texte ne nous convient pas, nous acceptons en l’occurrence de nous inscrire dans votre démarche, monsieur le secrétaire d'État, et de voter cet amendement. Vous voyez que nous sommes ouverts d’esprit !
Sourires
L'amendement est adopté.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 161, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
Par cet amendement, nous demandons la suppression de l’alinéa 10, qui prévoit d’augmenter les droits des fournisseurs pour tenir compte des quantités d’électricité qu’ils fournissent aux gestionnaires de réseaux pour leurs pertes.
Cet amendement tire la conséquence de la position que nous avons exposée tout à l’heure selon laquelle les gestionnaires de réseaux devraient avoir un accès direct à l’ARENH pour les pertes.
Je tiens à préciser que le groupe de travail mis en place par la CRE a émis des réserves, dans un rapport du mois de mars 2010 relatif aux pertes du réseau électrique, sur la solution retenue dans le rapport Champsaur.
En effet, il a souligné que « la liquidité et la représentativité des signaux de prix du marché de gros à terme risquent d’être fortement perturbés, au moins dans un premier temps », informations que vous avez d’ailleurs confirmées tout à l’heure, monsieur le rapporteur.
Compte tenu des effets induits, le groupe de travail a donc recommandé d’instaurer une surveillance du dispositif incluant les achats d’énergie destinés à compenser les pertes sur les réseaux électriques, afin de s’assurer du bénéfice pour le consommateur final.
Cette précaution n’est en effet pas inutile. Peut-être pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, nous apporter des éléments sur cette question.
Pour notre part, nous réaffirmons, par le dépôt de cet amendement de repli, nos doutes sur la gestion des pertes telle qu’elle est proposée par le projet de loi.
L'amendement n° 63, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 10
Après les mots :
volumes supplémentaires
insérer les mots :
, fixés par arrêté du ministre chargé de l'énergie en fonction du profil horosaisonnier des pertes,
La parole est à M. Roland Courteau.
L'amendement n° 63 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 161 ?
La commission émet un avis défavorable, surtout après la suppression du plafond par l'Assemblée nationale.
Il est d’ailleurs intéressant pour tous de savoir que nos réseaux d’électricité enregistrent des pertes considérables, qui ont un coût, le risque étant que celui-ci soit répercuté sur la facture du consommateur final, quel qu’il soit, industriel ou particulier.
Le mécanisme proposé est excellent et je ne souhaite pas qu’il soit remis en cause.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 64, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 10
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité intègre la diminution correspondante du coût dû au tarif d'accès à l'électricité nucléaire historique des volumes d'électricité fournis au gestionnaire du réseau de transport pour ses pertes en ligne.
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
Actuellement, le gestionnaire du réseau, RTE, fait supporter aux consommateurs le coût des pertes de réseaux électriques à travers le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le TURPE. Ce coût est élevé, car les gestionnaires passent par les marchés de gros pour s’approvisionner. Comme chacun sait – c’est le résultat de l’ouverture à la concurrence ! –, sur ces marchés, les prix sont largement supérieurs à celui de l’ARENH, ce qui alourdit encore la facture d’électricité de nos concitoyens.
Il est important que RTE puisse bénéficier de l’accès à l’électricité nucléaire historique, mais il est fondamental que ce coût préférentiel dû à l’ARENH puisse être répercuté dans le TURPE. Dans le cas contraire, les consommateurs seraient ainsi privés d’une juste baisse du TURPE.
L’adoption de l’amendement n° 64 permettrait de clarifier ce point. Logiquement, et quasiment mécaniquement devrais-je dire, si RTE bénéficie indirectement de l’ARENH, il est normal que cela engendre une baisse du TURPE, via les fournisseurs, et ainsi une diminution des tarifs d’électricité facturés aux consommateurs.
Si RTE n’achète plus cette électricité sur les marchés de gros, mais profite indirectement de l’ARENH, donc d’un coût plus raisonnable, les consommateurs finals doivent pouvoir en bénéficier en s’acquittant d’un TURPE moins élevé.
Mon cher collègue, vous voulez vous assurer que la diminution du coût de couverture des pertes de réseaux résultant du recours à l’ARENH sera bien répercutée dans une diminution du TURPE.
Cela va sans dire, en raison de la manière même dont le TURPE est construit, en application de l’article 4 de la loi du 10 février 2000. Vous avez raison de rappeler que le TURPE est la source de financement de RTE. Il n’est donc pas nécessaire de le préciser dans le cadre de ce projet de loi.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 162, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Compléter cet alinéa par les mots :
, si le dispositif entraîne une hausse des tarifs de l'électricité pour les consommateurs finals
La parole est à Mme Odette Terrade.
La question du prix de l’énergie et des tarifs de l’électricité et du gaz préoccupe largement nos concitoyens.
À la mi-août, la Commission de régulation de l’énergie a émis un avis favorable sur le projet d’arrêté visant à augmenter les tarifs réglementés de vente de l’électricité.
Pour les ménages, la revalorisation sera de 3 % en moyenne. Pour les petites, moyennes et grandes entreprises, l’augmentation sera respectivement de 4 %, 4, 5 % et 5, 5 %. Cette hausse a été saluée le jour même de son annonce par la bourse : l’action EDF a réalisé le plus fort bond du CAC 40.
Si la finalité recherchée, comme l’affirme la CRE, est de donner « à EDF, RTE, et ERDF la capacité de faire face à l’accroissement de leurs investissements nécessaires au maintien de l’intégrité du système électrique français », alors nous pourrions accepter, sous réserve qu’elle se fasse de manière équitable, cette hausse des tarifs.
Seulement l’expérience montre que les investissements ne sont pas suffisants et que notre réseau électrique se dégrade.
Dans ce contexte, le Gouvernement cherche des solutions, afin que les nouveaux entrants et concurrents d’EDF se développent sur le marché français, et indique que le dispositif n’aura pas pour conséquence d’augmenter les tarifs.
Nous ne partageons pas cette analyse. En effet, si EDF ne réalise plus de marges sur la vente d’électricité à des opérateurs alternatifs, elle répercutera ce manque à gagner sur le reste de son activité, c’est-à-dire sur la distribution aux entreprises comme aux particuliers. Dans ces conditions, comment les tarifs pourraient-ils ne pas augmenter ?
Nous craignons que le scénario envisagé par Pierre Gadonneix, l’ex-PDG d’EDF, à savoir 20 % d’augmentation des tarifs en trois ans, ne se réalise, et que l’ensemble des tarifs ne soient tirés vers le haut.
Mais puisque la droite semble persuadée que les tarifs n’augmenteront pas en raison du dispositif prévu par la loi, nous proposons donc, par le biais de l’amendement n° 162, de prendre acte de cette croyance et de permettre la suspension de son application dans le cas contraire.
L’alinéa 11 de l’article 1er prévoit que les ministres chargés de l’énergie et de l’économie peuvent suspendre le dispositif de l’ARENH en cas de circonstances exceptionnelles affectant les centrales nucléaires d’EDF.
Ce que vous voudriez, madame Terrade, c’est que soit assimilée à une circonstance exceptionnelle une future hausse des tarifs d’électricité, dont le responsable serait l’ARENH.
J’estime que vous allez un peu loin. C’est pourquoi, au nom de la commission, j’émets un avis défavorable sur l’amendement n° 162.
J’ai bien compris que certains sénateurs souhaitaient créer une relation directe entre l’ARENH et les prix payés par le consommateur.
Depuis le début, nous vous précisons que ce projet de loi n’entraînera aucune conséquence tarifaire. Par conséquent, le Gouvernement ne peut qu’émettre un avis défavorable sur l’amendement n° 162.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 19, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Après les mots :
nouvelle organisation du marché de l'électricité,
insérer les mots :
étant précisé que les fournisseurs d'électricité engagent des négociations avec les consommateurs finals qu'ils fournissent dans les trois mois de l'entrée en vigueur de la loi précitée,
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 65, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les volumes d'électricité produits par les installations hydroélectriques d'une puissance supérieure ou égale à 12 MW exploitées sur le territoire métropolitain continental par un fournisseur ou toute société qui lui est liée sont décomptés dans des conditions définies par décret ;
La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.
Il nous paraît logique que les fournisseurs disposant d’ores et déjà de ressources compétitives sur le territoire métropolitain ne bénéficient du dispositif de l’ARENH qu’en complément de leurs propres capacités de production en base. Tel est l’objet de cet amendement.
L'amendement n° 223 rectifié, présenté par MM. Fouché et Bécot, Mme Sittler, MM. Leroy, Vial, Pinton, Trucy, Courtois, Huré, Belot, Milon, Revet, Lecerf, Lorrain, Alduy, du Luart, Chatillon, C. Gautier, Beaumont et B. Fournier, Mme Bruguière et MM. Houel et P. Blanc, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les volumes d'électricité produite par les installations hydroélectriques fonctionnant au fil de l'eau, d'une puissance supérieure à 12 mégawatts, exploitées sur le territoire métropolitain continental par un fournisseur, ou toute société qui lui est liée, sont décomptés dans des conditions fixées par décret ;
La parole est à M. Alain Fouché.
Cet amendement est semblable à celui qui vient d’être présenté par M. Mirassou, mais mon intervention sera peut-être un peu plus directe.
Grâce, notamment, à la Compagnie nationale du Rhône, GDF-Suez produit de l’électricité d’origine hydraulique très compétitive. Elle doit en faire bénéficier ses clients avant de revendiquer la production nucléaire d’EDF. Or GDF-Suez revend environ 90 % de sa production sur le marché de gros, ce qui est compréhensible, compte tenu du prix de revient extrêmement compétitif de l’énergie hydraulique.
Sans porter de jugement sur ce choix, il me semble équitable que cette entreprise ne puisse revendiquer une part de l’électricité nucléaire d’EDF sous prétexte qu’elle ne dispose pas de moyens de production compétitifs. Si tel n’était pas le cas, cela reviendrait à entériner purement et simplement un transfert financier d’EDF vers GDF-Suez.
Faut-il permettre aux fournisseurs alternatifs qui disposent déjà de capacités de production d’électricité de base compétitives, grâce à leurs centrales hydrauliques, d’acquérir de l’énergie nucléaire à un tarif régulé ?
L’amendement n° 223 rectifié a pour objet de garantir l’équité. Il ne nous appartient pas de détruire une entreprise, fleuron mondial grâce au volontarisme conjugué des personnels et de l’État.
Cet amendement tend également à satisfaire Bruxelles.
Nous ne pouvons raisonnablement pas retirer à EDF sa capacité d’investissement au regard de la forte concurrence qu’elle subit, notamment de la part de GDF-Suez.
La commission émet un avis défavorable sur les amendements n° 65 et 223 rectifié, qui visent la CNR, pour trois raisons principales.
Première raison, si le présent projet de loi est aujourd’hui soumis au Sénat, c’est parce qu’une procédure relative à son électricité nucléaire, plus particulièrement aux tarifs réglementés proposés à nos concitoyens, a été engagée à l’encontre de la France. Afin d’en tenir compte, le mécanisme de l’ARENH a été imaginé.
Deuxième raison, la rente hydraulique paie déjà une quote-part, à travers la redevance, qui représente, comme M. le secrétaire d’État l’a rappelé tout à l’heure, 24 % du chiffre d’affaires de la CNR, somme non négligeable. Il ne serait pas tout à fait logique, me semble-t-il, d’ajouter une nouvelle sanction.
La troisième et dernière raison, sur laquelle je m’attarderai quelque peu, est la suivante. Le prochain renouvellement de l’ensemble des concessions hydroélectriques peut tout changer. Comme je vous l’ai indiqué tout à l’heure, l’énergie hydraulique française, détenue par EDF ou GDF-Suez, intéresse nombre de personnes. Les étrangers veulent prendre des parts de marché. EDF a l’intention non pas de se laisser faire, mais de conserver les barrages qu’elle gère d’ores et déjà et de se porter candidate pour les d’autres. Elle ne considère pas que la production au fil de l’eau est une propriété ad vitam aeternam de la CNR. Quels seront les résultats des appels d’offres et de la recherche de nouveaux concessionnaires ? Voilà pourquoi ce n’est pas le moment de remettre en cause cette situation.
Nous avons déjà évoqué ce sujet à plusieurs reprises au cours des débats. Il s’agit, en fait, de déduire tel ou tel type de production des nouveaux entrants du volume cédé dans le cadre de l’ARENH. Tout à l’heure, cette question a été étudiée de façon globale, puis à l’égard des centrales déjà exploitées en partenariat avec certains producteurs ; elle l’est maintenant plus précisément vis-à-vis de la CNR.
Je reprendrai certains arguments avancés par M. le rapporteur.
En premier lieu, la CNR paie déjà une sorte de pénalité à l’État, c'est-à-dire 24 % de son chiffre d’affaires, pas de ses bénéfices, soit 250 millions d’euros chaque année, somme non négligeable.
En deuxième lieu, nous courons le risque d’un désengagement des producteurs alternatifs. En effet, un certain nombre d’entre eux pourrait avoir intérêt à vendre leur production pour pouvoir bénéficier de volumes plus importants d’électricité cédés dans le cadre de l’ARENH. C’est un élément essentiel, car le présent projet de loi a justement pour objet de faire en sorte que les nouveaux entrants participent également à l’effort de production. Si on les encourage, en quelque sorte, à ne pas produire, leur énergie propre devant être déduite du volume pris en considération pour pouvoir bénéficier de l’ARENH, ce serait contraire à la finalité recherchée.
En troisième lieu, l’amendement « CNR » vise essentiellement, pour ne pas dire exclusivement, GDF-Suez. Or aujourd’hui, la CNR, c’est GDF-Suez, mais qu’en sera-t-il demain puisque la concession est renouvelable en 2023 ? Plus généralement, l’année prochaine, un certain nombre de concessions seront renouvelées. Quels seront les futurs attributaires de ces concessions ?
Par ailleurs, nous souhaitons favoriser l’émergence d’un deuxième champion français de taille mondiale en matière énergétique, notamment dans le domaine de l’électricité. C’est essentiel.
Enfin, je reviens sur l’argument relatif à la procédure engagée par Bruxelles.
Quel est l’objet même du présent projet de loi ? Faire profiter l’ensemble des consommateurs, quel que soit leur fournisseur – j’insiste sur ce point – du prix coûtant du nucléaire historique. Plus on déduira de la base un certain nombre de productions, moins on reflétera les prix réels du nucléaire historique.
Pour toutes ces raisons, je vous demande, monsieur Mirassou, monsieur Fouché, de bien vouloir retirer vos amendements. À défaut, comme la commission, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. Alain Fouché. Les deux amendements sont semblables. Je retire celui que j’ai déposé, mais je voterai l’amendement n° 65.
Sourires
L’amendement n° 223 rectifié est retiré.
La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur l’amendement n° 65.
Je ne reviendrai pas sur les excellentes explications de mes collègues Jean-Jacques Mirassou et Alain Fouché.
Je veux simplement en cet instant poser une question à M. le secrétaire d’État. Des rumeurs circulent…
… selon lesquelles une proposition de loi serait en gestation ; elle viserait, un jour prochain, à privatiser la CNR.
À l’Assemblée nationale, un amendement a été déposé sur ce point puis retiré. Il en fut de même au Sénat, au moment de l’examen du présent projet de loi par la commission.
Quelles sont les intentions du Gouvernement sur cette question ? Il serait gravissime de privatiser la CNR.
Cet amendement soulève une question intéressante et importante.
Hier, au cours de la discussion générale, j’ai parlé du problème de l’hydraulique, conduisant certains à se demander pourquoi, l’hydraulique étant hors sujet
Je pensais, en réalité, à certaines situations particulières, car ont été évoqués à plusieurs reprises les industries électro-intensives et le secteur de l’aluminium.
Je comprends bien la logique du projet de loi NOME : le dispositif est circonscrit à l’approvisionnement nucléaire ; le prix de l’ARENH permettra de proposer une énergie au prix coûtant compte tenu de l’obligation qui est faite. Soit !
Concernant la filière hydraulique, j’ai rappelé hier que, lors du renouvellement des concessions, on n’était plus assujetti à la loi Sapin de 1993, qui obligeait à prendre en compte les contraintes européennes.
Pour ce qui concerne l’hydraulique du fil de l’eau, nous savons bien qu’il est au cœur de l’enjeu de l’approvisionnement de l’industrie lourde et des industries électro-intensives.
Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais que la logique prévalant pour l’ARENH, c'est-à-dire offrir une électricité au prix de revient, s’applique en l’espèce, et je ne vois pas en quoi l’Europe pourrait nous le reprocher.
Par ailleurs, M. Gandois, lorsqu’il a quitté la tête de Pechiney, avait, me semble-t-il, un seul regret : n’avoir pas pu mettre en place le modèle adossé à l’hydraulique au fil de l’eau. Si tel avait été le cas, aujourd’hui, on parlerait différemment de Pechiney, ou de ce qu’il en reste.
Monsieur le secrétaire d’État, cela étant, je me range à la position du Gouvernement. Mais je souhaite attirer son attention, comme celle de la commission, sur le point suivant : si la question de l’hydraulique est évoquée, le moment venu, avec la même logique que celle qui nous anime aujourd’hui, on pourra alors vraiment venir en aide à l’industrie française.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 67 rectifié, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 14
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Le volume est réduit des quantités d'électricité de base dont dispose, sur le territoire métropolitain continental, le fournisseur ou toute société qui lui est lié, par le biais de contrats de participation dans des tranches nucléaires du parc historique ou de contrats conclus avec Électricité de France, ou toute société liée à ce dernier. Les partenaires ou les cocontractants notifient à la Commission de régulation de l'énergie les modalités de prise en compte de la quantité d'électricité devant être déduite ;
La parole est à M. Claude Bérit-Débat.
M. Claude Bérit-Débat. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que celui qui a été présenté, avec conviction
Sourires
Il s’agit, cette fois, de retirer des droits à l’ARENH les quantités de base dont dispose, sur le territoire métropolitain continental, le fournisseur ou toute société qui lui est liée, par le biais de contrats de participation dans des tranches nucléaires du parc historique ou de contrats conclus avec Électricité de France ou toute société liée à ce dernier. Une telle mesure nous semble légitime, afin de ne pas encourager une concurrence déloyale à l’égard de l’opérateur historique.
Nous avons eu l’occasion d’évoquer, à plusieurs reprises, les contrats de participation qui existent actuellement dans les centrales nucléaires et donnent un droit de tirage sur une électricité peu coûteuse, à un coût inférieur au prix de marché. Il convient donc d’en tenir compte dans le calcul des droits d’accès à l’ARENH.
L’alinéa 15 de l’article 1er du projet de loi prévoit un dispositif similaire, mais celui-ci ne sera applicable qu’aux contrats conclus avec l’opérateur historique après la promulgation de la future loi. Pour notre part, nous souhaitons que les contrats existant aujourd’hui soient également pris en compte.
Il paraît tout à fait logique que les producteurs qui bénéficient déjà d’une électricité compétitive par le biais de contrats conclus avec EDF ne puissent profiter du dispositif de l’ARENH qu’en complément des quantités d’électricité à bas coût dont ils disposent.
Cet amendement est bien plus que le petit frère, si je puis dire, de l’amendement n° 59 rectifié déposé par les mêmes auteurs : son objet est exactement le même ; seuls diffèrent la forme et la place proposée dans le texte.
La commission n’a pas changé d’avis, mon cher collègue, et émet également un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 68, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 19, première phrase
Après les mots :
en application du III
insérer les mots :
, majorés le cas échéant des volumes souscrits par ce fournisseur au titre d'un contrat visé au VII bis du présent article,
La parole est à Mme Renée Nicoux.
Cet amendement est important dans la mesure où il vise à éviter les effets d’aubaine qui pourraient être captés par des fournisseurs.
En effet, à la suite d’une décision de l’Autorité de la concurrence, certains fournisseurs ont accès à des volumes d’énergie à prix régulé à la stricte condition de les destiner à des clients finals en France. Faute de pouvoir apporter cette justification, ils devraient payer un complément de prix.
L’alinéa 39 de l’article 1er offre la possibilité aux fournisseurs ayant conclu ces contrats de les résilier sans pénalité.
Le présent amendement a pour objet de prévenir, en cas de non-résiliation, les effets d’aubaine qui résulteraient pour un fournisseur de la revente sur le marché de gros de tout ou partie des volumes d’électricité acquis soit au titre de l’ARENH, soit au titre de ces contrats, sans que la clause de complément de prix puisse s’appliquer.
En effet, la rédaction actuelle du projet de loi permet que la consommation de la même clientèle finale en France donne accès, une première fois, à cette énergie à prix régulé, puis, une seconde fois, à l’ARENH. Une partie de l’énergie servirait à alimenter la clientèle en France, l’autre serait revendue sur le marché de gros, sans que la clause de complément de prix puisse s’appliquer. Dix térawatts sont concernés chaque année, soit l’équivalent d’une fois et demie la production d’une tranche nucléaire.
Vous avez eu raison, ma chère collègue, de revenir sur l’origine des enchères AOF.
Une décision de l’Autorité de la concurrence de 2007 a fait obligation à EDF de céder une fraction de sa production par le biais d’appel d’offres aux fournisseurs alternatifs. Les enchères dites « AOF » ou «Direct Énergie », portent sur des contrats de quinze ans, pour une puissance totale de 1 500 mégawatts, à un prix calé sur le coût de production du nouvel EPR.
Le présent amendement prévoit que les volumes d’électricité attribués dans le cadre de ces enchères s’ajoutent aux droits à l’ARENH pour la définition de la clause de prix complémentaire. Mais les enchères précitées n’ont pas le même objet et ne sont pas substituables au mécanisme de l’ARENH.
Si cet amendement était adopté, les fournisseurs ayant souscrit de telles enchères se retrouveraient dans une position défavorable par rapport aux autres fournisseurs.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
J’ai bien entendu vos explications, monsieur le rapporteur. Toutefois, quels que soient les arguments que vous avez avancés – et je comprends qu’il ne faut pas pénaliser ceux qui ont joué le jeu de l’AOF –, je suis navré de vous dire que vous n’empêcherez pas les éventuels effets d’aubaine.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 69, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 19, deuxième phrase
Après le mot :
marchés
insérer les mots :
de gros
La parole est à M. Roland Courteau.
Il s’agit d’un amendement de précision.
L’alinéa 19 de l’article 1er porte sur la mise en place d’un complément de prix que les fournisseurs devront acquitter en cas de dépassement des volumes obtenus au titre de l’ARENH par rapport aux droits correspondant à la consommation de leurs clients finals sur le territoire métropolitain.
Ce complément de prix est défini de la manière suivante : il « est au moins égal à la partie positive de l’écart moyen entre les prix observés sur les marchés et le prix d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique. »
L’amendement n° 69 a pour objet de préciser qu’il s’agit de marchés « de gros ».
Il nous semble logique et, surtout, pertinent que l’écart mesuré le soit entre, d’un côté, le prix de marché de gros et, de l’autre, le prix de l’ARENH, sauf à vider de son sens cette clause de complément de prix.
L’étude d’impact fait d’ailleurs référence au marché de gros lorsqu’elle traite de cette question : le complément de prix « sera établi conformément aux prix de marché, à partir de la différence entre le prix de gros régulé et le prix en vigueur sur le marché de gros en France, et portera uniquement sur les volumes en excès des besoins de base du portefeuille de clients finals effectif. »
Les marchés évoqués à l’alinéa 19 de l’article 1er concernent bien les marchés de gros. Il n’est donc pas inutile de le préciser. En conséquence, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement.
Marques de satisfaction sur les travées du groupe socialiste.
M. Roland Courteau. Monsieur le président, je tiens à exprimer ma satisfaction. Pratiquement à minuit, après quelque dix heures de débat, l’un de nos amendements va être enfin adopté par la Haute Assemblée ! Je suis tellement heureux que je tenais à partager ce moment avec vous !
Sourires
M. le président. Je vous remercie de ce moment d’émotion, mon cher collègue !
Nouveaux sourires.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 124, présenté par MM. Courteau, Teston, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 19, avant la dernière phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
Lorsque la Commission de régulation de l'énergie constate un abus du droit à l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique, tel que défini à l'article 7 de la présente loi, ce complément est porté à une valeur comprise entre 1, 5 et 2 fois la partie positive de l'écart moyen entre les prix observés sur les marchés et le prix d'accès régulé à l'énergie nucléaire historique.
La parole est à M. Michel Teston.
Le paragraphe V de l’article 1er définit le complément de prix dont doit s’acquitter le fournisseur dans le cas où les droits qui lui sont alloués au titre de l’ARENH s’avèrent, après coup, supérieurs aux droits correspondant à la consommation constatée de ses clients finals et des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes. Il est également précisé que ce complément de prix est au moins égal à la partie positive de l’écart moyen entre les prix observés sur les marchés et le prix de l’ARENH, en tenant compte du coût de financement différé et de l’ampleur de l’écart entre les droits et les besoins.
C’est dire si la mise en œuvre de ce dispositif, qui sera assurée par la Commission de régulation de l’énergie, s’annonce très complexe du point de vue tant du calcul que du contrôle devant être exercé sur chaque fournisseur.
Nous savons déjà, eu égard aux expériences des dispositifs tels que « Direct Énergie » et « Exeltium », à quel point les ajustements ex-post et le contrôle peuvent devenir un véritable casse-tête et engendrer des dysfonctionnements importants.
En effet, la mise en œuvre des ajustements ex-post se heurte à plusieurs difficultés d’ordre pratique. Il faut ainsi, d’une part, côté demande, identifier et suivre la courbe de charge de chacun des portefeuilles clients et en extraire les consommations en nucléaire de base et, d’autre part, côté offre, identifier et suivre pour chaque fournisseur les substitutions qui s’effectuent entre les approvisionnements sur le marché de gros et les droits à l’ARENH dont ils bénéficient et qu’ils utilisent ou pas.
Pour être efficace, le dispositif du complément de prix doit éviter deux types d’écueils : les effets d’aubaine pour les fournisseurs et les systèmes compliqués de reversement entre les concurrents, les premiers pouvant engendrer des avantages indus ou des démarches commerciales trop agressives, les seconds pouvant être à la source d’ententes illicites ou, au contraire, de pressions au remboursement ou au non-remboursement.
Il appartient à la Commission de régulation de l’énergie de mettre en œuvre un mode opératoire pour éviter le second type d’écueils.
Pour ce qui concerne le premier type d’écueils, l’amendement n° 124 a pour objet de l’éviter en faisant du complément de prix une véritable pénalité, et ce dans les seuls cas où la Commission de régulation de l’énergie pourra mettre en cause la bonne foi du fournisseur, c’est-à-dire quand ce dernier tombera sous le coup de l’abus de droit à l’ARENH, prévu à l’article 7 de ce projet de loi.
Je viens de comprendre, mon cher collègue, vous avez fait cette proposition à l’article 1er, car y est évoqué le complément de prix.
En fait, vous suggérez de mettre en place une triple peine.
Une première peine existe déjà. Un complément de prix doit être payé s’il y a une différence entre le volume demandé et le volume réalisé.
Vous proposez d’instaurer une deuxième sanction en majorant de 1, 5 à 2 fois ce complément de prix.
Au surplus, je vous signale que l’article 7 du projet de loi est plus sévère encore dans la mesure où il prévoit que la CRE peut prononcer, en cas d’abus, des sanctions pécuniaires pouvant atteindre 8 % du chiffre d’affaires et 10 % en cas de récidive.
Même s’il s’agit, si je puis dire, d’un petit fournisseur alternatif, cette sanction risque d’être supérieure à celle que vous proposez d’instaurer. Imaginez le montant de la sanction financière encourue, en cas de faute, par une entreprise telle que GDF-Suez ! On peut penser que les fournisseurs seront prudents dans les volumes qu’ils demanderont.
Votre proposition est donc ridicule. Le complément de prix et la sanction prévue à l’article 7, qui est particulièrement dissuasive, peuvent peser très lourdement sur les fournisseurs qui ne se seraient pas simplement trompés dans l’évaluation de leurs clients, mais chercheraient à tricher.
C’est pourquoi la commission vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer l’amendement n° 124, qui n’a pas sa place ici ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 230, présenté par MM. Merceron, Deneux, Dubois et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 22
Après la deuxième phrase, insérer une phrase ainsi rédigée :
Afin d’assurer une concurrence réelle entre les fournisseurs d’électricité, le prix ne peut excéder le coût de la production d’électricité pris en compte dans l’élaboration des tarifs réglementés de vente d’électricité.
La parole est à M. Jean-Claude Merceron.
L’article 1er, tel qu’il est rédigé, combiné à l’article 4, fixe, pour le tarif de l’ARENH, un cadre en cohérence avec le TARTAM.
En revanche, l’article 4 prévoit que, seulement à partir de 2015, « les tarifs réglementés de vente d’électricité sont progressivement établis en tenant compte de l’addition du prix d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, du coût du complément à la fourniture d’électricité qui inclut la garantie de capacité, des coûts d’acheminement de l’électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d’une rémunération normale. »
Le système qui devrait être mis en place en 2015 semble instaurer une vraie cohérence économique dans la construction entre le tarif réglementé et le prix de l’ARENH, et évite la situation de ciseau tarifaire de l’article 1er.
En effet, à l’article 1er, en limitant la cohérence du prix de l’ARENH au seul TARTAM, on prend le risque que le montant de l’ARENH soit supérieur à celui d’autres tarifs réglementés, notamment le tarif bleu.
Cela signifie que, jusqu’en 2015, le mécanisme de l’ARENH ne devrait pas permettre aux opérateurs alternatifs de faire une offre compétitive aux particuliers. Or ces derniers représentent 86 % des sites et un tiers de la consommation d’électricité.
En outre, ce sont eux les destinataires principaux de la politique engagée afin d’améliorer l’efficacité énergétique domestique, comme la maîtrise de la consommation énergétique. Par conséquent, ce sont eux qui stimuleront la diversité et la qualité des offres commerciales. On peut penser notamment au développement industriel d’un réseau dit « communicant », en expérimentation à Tours et à Lyon.
Le projet de loi risque de prolonger pendant cinq ans encore cette situation de ciseau tarifaire en faveur d’EDF.
Le présent amendement a donc pour objet de permettre une fixation du tarif de l’ARENH en cohérence avec le coût de production de l’électricité pris en compte dans la construction du tarif réglementé, afin de mettre sur un pied d’égalité en matière de concurrence l’opérateur historique et les opérateurs alternatifs, notamment pour ce qui concerne le marché des particuliers.
La commission aimerait beaucoup que vous retiriez votre amendement, mon cher collègue.
Vous souhaitez en fait plafonner le prix de l’ARENH au niveau du coût de production pris en compte dans les tarifs réglementés de vente. Vous avez raison lorsque, dans votre démonstration, vous dites que le prix initial de l’ARENH sera cohérent avec le TARTAM, donc supérieur au niveau des tarifs réglementés.
Néanmoins, il convient de ne pas s’en tenir au seul paramètre du prix de l’ARENH. En effet, ce qui est déterminant pour un fournisseur alternatif est la compétitivité de ses conditions d’approvisionnement en général. Il faut donc apprécier l’impact combiné du prix, du volume et de la nature du produit ARENH.
C’est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit – on a évoqué le sujet tout à l’heure – que, pendant les cinq premières années, pour les petits consommateurs, le produit ARENH prendra en compte la modulation du parc nucléaire historique qui correspond à la modulation de la consommation de ce type de clients.
Dans ces conditions, le fournisseur devra acheter sur le marché une moins grande quantité d’électricité complémentaire à l’ARENH. Ainsi, le ciseau tarifaire par rapport aux tarifs réglementés pourra être significativement réduit.
C’est pourquoi, mon cher collègue, je souhaite le retrait de l’amendement n° 230 et, si tel n’était pas le cas, je serais contraint d’émettre un avis défavorable.
Nous avons eu l’occasion de discuter assez longuement de cet amendement avec son auteur. Mais je partage bien évidemment l’analyse de M. le rapporteur.
Nous savons tous que les tarifs réglementés ne prennent pas en compte l’ensemble des coûts d’EDF. C’est le cas, par exemple, des investissements nécessaires à la prolongation de la vie des centrales. Demain, ils seront pris en compte dans l’ARENH. C’est d’ailleurs l’objectif même de l’ARENH que d’avoir un coût global.
Nous sommes là devant une contradiction par rapport à d’autres débats que nous avons eus à plusieurs reprises. À ceux qui nous disent que l’ARENH ne comprend pas tous les coûts, nous répondons par l’affirmative, puisque l’on y inclut les coûts de prolongation du parc. D’autres considèrent qu’il vaut mieux se référer aux prix actuellement réglementés, mais ces derniers ne prennent pas en compte tous les coûts.
Telle est la contradiction que nous devons gérer depuis le début, et c’est le premier élément que je souhaitais évoquer.
J’en viens au second élément que je veux exposer. Je comprends votre argumentaire, monsieur Merceron. Dès lors que le prix de l’ARENH est supérieur aux prix réglementés d’EDF, cela signifie que les nouveaux entrants ne bénéficient pas de l’avantage que l’on souhaite leur donner, à savoir des prix compétitifs.
Cela dit, à partir du moment où les nouveaux entrants d’une part, développeront leur propre source d’énergie et surtout, d’autre part, devront moins s’approvisionner sur le marché avec des coûts supérieurs à l’ARENH par rapport à ce qu’ils paient aujourd’hui, ils deviendront plus compétitifs qu’à l’heure actuelle. Tel est donc le pari que fait le Gouvernement en la matière.
C’est la raison pour laquelle je vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir bien retirer votre amendement.
Nous devrons être particulièrement attentifs, d’ici à 2015, au suivi de cette opération. En effet, la situation est quand même très problématique et aléatoire, car, aujourd’hui, nous ne pouvons pas vraiment savoir ce qui va se passer.
Cela dit, monsieur le président, je retire mon amendement.
L'amendement n° 230 est retiré.
Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 70 rectifié est présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés.
L'amendement n° 260 rectifié bis est présenté par MM. Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade et Tropeano.
Tous deux sont ainsi libellés :
Alinéa 22, troisième phrase
Après le mot :
prix
insérer les mots :
, réexaminé chaque année,
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 70 rectifié.
Monsieur le président, je serai très bref.
Cet amendement vise à prévoir une révision annuelle du prix de cession de l’électricité faisant l’objet de l’accès régulé pour prendre en compte des changements éventuels dans le parc nucléaire existant.
La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l'amendement n° 260 rectifié bis.
La commission est favorable à ces deux amendements rectifiés, monsieur le président.
M. Roland Courteau. Je ne vais pas exprimer ma satisfaction une deuxième fois, monsieur le président, mais je suis prêt à le faire !
Sourires
Je mets aux voix les amendements identiques n° 70 rectifié et 260 rectifié bis.
Les amendements sont adoptés.
M. le président. Je constate que ces amendements ont été adoptés à l’unanimité des présents. Certains vont s’habituer…
Nouveaux sourires.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 125, présenté par MM. Courteau, Teston, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 22, dernière phrase
Rédiger ainsi cette phrase :
Afin de permettre le calcul du coût de revient complet du mégawatheure produit, il tient compte de l'addition :
II. - En conséquence, alinéa 23
Après le mot :
capitaux
insérer le mot :
investis
La parole est à M. Michel Teston.
Avec le VI de l’article 1er, nous abordons la question essentielle, pour assurer une juste rémunération d’EDF, de la composition du prix de l’ARENH.
Par l’adoption d’un amendement émanant du rapporteur, la commission a apporté une modification nécessaire à l’alinéa 22, afin que ce prix tienne compte de l’addition des composants qui sont prévus dans le texte initial et qui sont, en fait, les éléments constituant les charges inscrites à un compte de résultat.
Toutefois, cette modification ne nous paraît pas suffisante. En effet, l’Autorité de la Concurrence, dans son avis n° 10-A-08 du 17 mai 2010 relatif au projet de loi que nous examinons, souligne que la valeur accordée au parc actuel de centrales nucléaires est un point essentiel pour la fixation du prix de l’ARENH.
En effet, les centrales nucléaires, largement amorties au plan comptable, ont, en revanche, une valeur d’utilité très supérieure en raison de leur durée de vie de quarante ans prévue dès l’origine et de l’éventuelle prolongation d’activité de chaque réacteur qui peut être décidée par l’Autorité de sûreté nucléaire.
Dois-je rappeler, mes chers collègues, que cet avis de l’Autorité de la concurrence vise à atteindre l’efficacité de la concurrence entre les fournisseurs ?
À ce titre, il est précisé : « Le prix de l’ARENH ne doit être ni supérieur au coût de production du mégawattheure concerné, ce qui reviendrait à maintenir l’avantage actuel d’EDF que les autres producteurs ne sont pas en mesure d’égaler, ni être inférieur à ce coût, auquel cas EDF subventionnerait de fait les autres charges de ses concurrents ».
Or si le texte que nous examinons est censé apporter une réponse à la première hypothèse, tel n’est pas du tout le cas pour la seconde !
L’amendement n° 125 vise à introduire la notion de « coût de revient complet », formule reprise de l’avis précité, afin qu’elle puisse être intégrée dans les éléments pris en compte pour le calcul du prix de l’ARENH dans le décret d’application prévu au VIII de l’article 1er.
Il a également pour objet de compléter le 1°, en précisant que la rémunération doit être celle des capitaux investis, puisque, toujours selon l’Autorité de la concurrence, le coût de revient complet du mégawattheure doit tenir compte, non pas de la valeur amortie, mais bien de la valeur réelle des capitaux investis par EDF pour son parc nucléaire, capitaux dont il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler qu’ils ont été financés par l’usager, c’est-à-dire par l’ensemble des citoyens français.
À défaut d’une telle prise en compte, l’Autorité de la concurrence estime qu’EDF n’aurait plus aucun intérêt à investir dans le parc nucléaire, argument qui nous paraît décisif en faveur de l’adoption du présent amendement.
L'amendement n° 39 rectifié, présenté par MM. Beaumont, Pierre et Fouché, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 22, dernière phrase
Remplacer les mots :
tient compte de
par les mots :
s'obtient par
II. – Alinéa 23
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 1° D'une annuité en euros constants, correspondant à la rémunération et au remboursement, en valeur réelle, des capitaux investis dans le parc nucléaire ;
La parole est à M. René Beaumont.
Cet amendement va dans le sens de ce que vous souhaitiez, monsieur le secrétaire d’État, à savoir fixer un prix de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique le plus exact possible.
Celui-ci doit effectivement comprendre tous les investissements réalisés, ainsi que le remboursement non seulement des capitaux sur tous ces investissements, mais aussi de leurs placements, si j’ose dire, de façon à obtenir d’une part, les meilleurs résultats possibles et, d’autre part, à travers le prix de l’ARENH ainsi défini, des conditions permettant désormais de poursuivre l’aventure nucléaire civile française.
À défaut, comme vient d’ailleurs de l’indiquer mon collègue M. Michel Teston, EDF n’aurait désormais plus du tout intérêt à investir, car son investissement serait bien évidemment définitivement perdu.
Monsieur Courteau, je crains que l’amendement n° 125 n’apporte pas grand-chose à la rédaction actuelle du projet de loi, qui précise bien ce que doit couvrir le prix de l’ARENH, c’est-à-dire l’ensemble des coûts. Par conséquent, il n’est pas utile d’introduire un terme générique, tel que le coût de revient complet.
J’ajoute pour votre information que le Conseil d’État, après avoir examiné l’avant-projet de loi que le Gouvernement lui a soumis, a considéré que la rédaction de ce texte permettait bien de répondre à l’objectif de la couverture de l’ensemble des coûts du parc nucléaire historique.
C’est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement. Dans le cas contraire, je serais obligé d’émettre un avis défavorable.
Monsieur Beaumont, je considère que la première partie de votre amendement est très largement satisfaite, notamment par l’amendement que j’ai proposé à la commission d’adopter, lequel précise bien que le prix de l’ARENH tient compte de l’addition des 1°, 2°, 3°, 4° et 5° qui figurent aux alinéas 23, 24, 25 et 26.
Quant à la seconde partie, qui vise à assurer que les capitaux immobilisés dans le parc des centrales nucléaires seront pris en compte pour leur valeur économique réelle et pas seulement pour leur valeur comptable résiduelle, j’espère bien que tel est le cas ! Cela s’ajoute au reste, et je vous demande, monsieur le secrétaire d’État, de le confirmer à l’auteur de cet amendement.
Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur Beaumont, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement, sinon je serais obligé d’émettre un avis défavorable.
Le Gouvernement partage l’analyse du rapporteur. Cela dit, je souhaite apporter quelques précisions complémentaires.
Nous sommes bien d’accord sur le fait que le prix de l’ARENH est l’addition d’un certain nombre d’éléments, ce qui est plus précis et va plus loin que la formule qui vient de nous être proposée : la valeur comptable des capitaux investis et des investissements de maintenance, la couverture des charges d’exploitation et des charges nucléaires à long terme, c’est-à-dire, notamment, le coût du renouvellement du parc.
Bien évidemment, il prendra aussi en compte – c’est d’ores et déjà prévu dans le présent projet de loi – la rémunération des capitaux investis. C’est la raison pour laquelle il me semble que les amendements n° 125 et 39 rectifié, plus particulièrement ce dernier, sont satisfaits.
Par ailleurs, je réponds bien sûr par l’affirmative à la question que vient de poser M. le rapporteur. Dans l’esprit du Gouvernement, conformément d’ailleurs à l’avis rendu par le Conseil d’État sur le projet de loi, c’est bien l’ensemble des coûts à valeur économique, et non pas simplement à valeur comptable, qui seront pris en considération.
Après avoir entendu l’argumentation de M. le rapporteur et de M. le secrétaire d’État, j’ai relu attentivement les alinéas 22 et 23 de l’article 1er du présent projet de loi.
Très sincèrement, je ne pense pas que l’ensemble des remarques formulées par l’Autorité de la concurrence aient été prises en compte dans la rédaction actuelle. C’est la raison pour laquelle je maintiens cet amendement.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de vos explications, que j’ai bien comprises. Admettez tout de même que, dans la rédaction proposée, ce point n’était pas forcément évident Il était donc nécessaire de préciser, comme vous venez de le faire, que la rémunération des capitaux investis était bien prise en compte.
Cela étant, je retire mon amendement, monsieur le président.
L'amendement n° 39 rectifié est retiré.
La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote sur l’amendement n° 125.
Ces amendements sont intéressants. En France, en effet, l’aventure nucléaire, à laquelle nous avons assisté, voire participé de près, a été tout à fait extraordinaire. Selon moi, il est important que l’opérateur du parc nucléaire historique puisse participer au renouvellement de ce dernier. Je voterai donc l’amendement n° 125.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 164, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Du défaut de compensation pour Électricité de France des charges de service public au titre de la contribution de service public de l'électricité.
La parole est à Mme Mireille Schurch.
L’article 1er du projet de loi détaille les éléments censés déterminer le prix de l’électricité cédée par EDF aux fournisseurs de consommateurs finals sur le territoire métropolitain continental. Il est précisé que ce prix doit assurer une « juste rémunération à Électricité de France ».
Par cet amendement de repli, nous demandons que les charges résultant pour EDF du défaut de compensation des charges de service public au titre de la contribution de service public de l’électricité, la CSPE, soient prises en compte.
En effet, la CSPE a été instaurée par la loi du 3 janvier 2003, afin de compenser pour les opérateurs qui les supportent les surcoûts résultant des politiques de soutien à la cogénération et aux énergies renouvelables, ceux qui sont liés aux contrats « appel modulable », les surcoûts de production dans les zones non interconnectées au réseau électrique métropolitain continental dus à la péréquation tarifaire nationale ; sont aussi visés les pertes de recettes et les coûts que les fournisseurs supportent en raison de la mise en œuvre de la tarification spéciale de l’électricité comme produit de première nécessité et de leur participation au dispositif institué en faveur des personnes en situation de précarité, une partie des charges du TARTAM, une fois que la compensation des charges de service public de l’électricité a été effectuée et, enfin, le budget du médiateur de l’énergie.
Or, chaque année, un déficit de recouvrement induit un déficit de compensation pour les opérateurs concernés, en particulier pour EDF. Il est donc nécessaire de tenir compte de cette charge supplémentaire dans le prix de vente de l’électricité dans le cadre de l’ARENH.
L’importance et la croissance des charges financées par la CSPE expliquent que celle-ci ne les couvre plus que partiellement.
Cependant, en tout état de cause, les postes de dépenses relevant de la CSPE ne peuvent pas être considérés comme représentatifs des conditions économiques de production d’électricité par le parc de centrales nucléaires d’EDF.
Le solde de la CSPE ne peut donc pas, ma chère collègue, être ajouté aux éléments de coût qui définissent le prix de l’ARENH.
C’est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Défavorable, également, monsieur le président.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 20, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :
Alinéa 25
Après le mot :
nécessaires
insérer les mots :
à l'introduction de moyens de stockage sur le réseau et
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 15, présenté par M. Adnot, est ainsi libellé :
Alinéa 28, dernière phrase
Supprimer le mot :
initialement
Cet amendement n’est pas soutenu.
L'amendement n° 109 rectifié, présenté par MM. Courteau, Bourquin, Raoul, Botrel, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent, Muller et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 34
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Évalue son impact sur l'emploi et les relations sociales, l'évolution des tarifs facturés et les droits des consommateurs, ainsi que la mise en œuvre d'engagements nationaux et européens en matière de développement durable ;
La parole est à M. Yannick Botrel.
Le Gouvernement nous soumet aujourd’hui un projet de loi présenté comme le meilleur compromis possible pour éloigner les foudres de la Commission européenne qui a engagé des procédures contentieuses à l’encontre de notre pays.
Ce texte est assorti d’une étude d’impact, qui ne mentionne aucun impact social ou environnemental et annonce des prix compétitifs et un niveau d’investissement ragaillardi.
Dans ce contexte, pensez-vous, monsieur le secrétaire d’État, que le rendez-vous de 2015 avec le Parlement puisse passer outre un bilan plus approfondi que celui qui est strictement circonscrit au champ de la concurrence ?
Si un tel bilan est positif, chacun d’entre nous en tirera les conclusions qui s’imposent, selon ses préoccupations.
En revanche, s’il est négatif, il constituera un élément déterminant en vue d’une possible renégociation avec la Commission européenne.
La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui élargirait excessivement le périmètre du rapport d’évaluation présenté par le Gouvernement au Parlement tous les cinq ans à partir de 2015.
Il semble possible d’apprécier l’impact immédiat du dispositif de l’ARENH sur le développement de la concurrence, le niveau des prix de l’électricité ou le fonctionnement du marché de gros.
Toutefois, ce rapport d’évaluation ne doit pas se transformer en ce que j’appellerai une « revue de la politique énergétique dans tous ses aspects ».
Défavorable également, monsieur le président.
Le présent amendement a le mérite de permettre d’évaluer toutes les conséquences possibles de la loi. En effet, M. le rapporteur nous a lui-même rappelé que, ne lisant pas l’avenir dans le marc de café, il ne pouvait prévoir complètement les conséquences des mesures que nous nous apprêtons à voter.
Or nous nous interrogeons sur les conséquences tarifaires du projet de loi que nous examinons pour les consommateurs usuels et les industriels.
Si l’on constate, dans quelques années, que le consommateur se trouve lésé par les dispositions que nous avons adoptées, sur l’injonction, nous dit-on, de l’Europe, ce bilan, qui mérite d’être établi, pourra être pris en considération et utilisé comme argument dans le débat que nous aurons alors avec les instances européennes.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 110 rectifié, présenté par MM. Courteau, Bourquin, Raoul, Botrel, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent, Muller et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 34
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Évalue son impact sur l'investissement et la mise en œuvre du programme pluriannuel d'investissement ;
La parole est à M. Martial Bourquin.
Cet amendement s’inscrit dans le droit fil du précédent. Je souhaite cependant attirer votre attention sur le fait que le niveau d’investissement se mesure aussi au regard de conditions macroéconomiques. Si, dans cinq ans, la croissance se porte mieux, comme je le souhaite, cette situation aura un impact sur le niveau d’investissement général.
De la même manière, un programme d’investissement s’apprécie à moyen et long terme, ce qui renforce ma conviction de la nécessité d’examiner ces investissements, non seulement en 2015, mais aussi en 2020.
En réalité, mon cher collègue, la commission n’a pas très bien compris pourquoi vous souhaitez répéter, après l’alinéa 34, ce qui figure déjà à cet alinéa.
En effet, celui-ci précise que le rapport du Gouvernement au Parlement devra évaluer l’impact du dispositif de l’ARENH « sur la participation des acteurs aux investissements dans les moyens de production nécessaires à la sécurité d’approvisionnement en électricité », ce qui correspond exactement à ce que vous proposez.
Considérant donc l’amendement n° 110 rectifié satisfait, la commission vous demande de bien vouloir le retirer. À défaut, elle se verra contrainte d’émettre un avis défavorable.
L’amendement n° 110 rectifié est retiré.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 165, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche, est ainsi libellé :
Alinéa 36
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. Jean-Claude Danglot.
Monsieur le rapporteur, lors des débats qui se sont déroulés en commission, vous nous avez fait part de votre inquiétude de voir les opérateurs alternatifs se contenter de profiter du cadeau sans investir dans les moyens de production.
Il y a effectivement fort à parier que les investissements se feront attendre tant que les opérateurs pourront rester de simples commercialisateurs soustraits aux risques de la production industrielle. Cette crainte se trouve renforcée par le caractère échangeable des capacités et, donc, la création d’un marché.
Face à une telle défaillance de la réforme, vous avez proposé, avec le député Jean-Claude Lenoir, le dispositif figurant à l’article 2, censé inciter les opérateurs à faire des investissements. Nous considérons – nous reviendrons ultérieurement sur ce point – que ce dispositif sera largement inefficace.
Pour ce qui concerne la production, une gêne demeure. En effet, la production de base est, en France, essentiellement nucléaire. Dès lors, la solution que vous proposez et qui semble séduire certains élus de l’opposition consiste à permettre aux opérateurs privés de participer aux investissements de prolongation de la durée d’exploitation des centrales du parc nucléaire historique.
Dès l’introduction du rapport, vous soulignez, monsieur le rapporteur, qu’il « aurait été plus simple, et sans doute plus efficace, d’ouvrir la propriété des centrales nucléaires d’EDF aux participations des autres fournisseurs et des gros consommateurs d’électricité. » Vous expliquez d’ailleurs que cela existe déjà par le biais des contrats de participation. Vous avez raison en un sens : si les capacités de production doivent concerner la production de base, le nucléaire est au premier rang. Par ailleurs, si l’on veut que les fournisseurs investissent dans ces capacités, votre proposition semble logique. Cependant, elle ne nous convient pas plus que celle du Gouvernement.
Il est fort probable que, après 2025, la voie que vous préconisez sera suivie. Mais le Gouvernement se laisse le temps, afin que les opérateurs privés puissent profiter à moindre frais de la politique industrielle d’EDF.
Aujourd’hui, en rappelant cette branche de l’alternative du projet libéral, vous dénoncez les insuffisances du projet de loi en termes de capacités de production et d’effacement et vous témoignez de votre scepticisme concernant l’effectivité de la participation des opérateurs privés à un vrai projet industriel énergétique.
Le projet de loi que nous examinons est à visée commerciale. Pour notre part, nous considérons que seule une entreprise intégrée publique est à même de répondre aux impératifs de sécurité, de sûreté et d’indépendance énergétique.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, de supprimer l’alinéa 36 de l’article 1er.
L'amendement n° 71, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 36
Rédiger ainsi cet alinéa :
« 5°bis Propose, le cas échéant, des modalités particulières de fin du dispositif afin d'assurer, si nécessaire, une transition progressive pour les fournisseurs d'électricité ;
La parole est à M. Roland Courteau.
Par cet amendement, nous voulons en revenir au projet de loi dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale.
Chacun a pu lire dans la presse, ces derniers jours, quelles étaient les réelles ambitions de GDF Suez, qui souhaite devenir un opérateur nucléaire à part entière en France. C’est la raison pour laquelle il se retirerait aujourd’hui du projet de réacteur de Penly et afficherait sa détermination à construire un réacteur ATMEA dans la vallée du Rhône et sa volonté d’exploiter des centrales nucléaires de troisième génération d’ici à 2020.
Nous considérons, pour notre part, que la question de la sûreté nucléaire, mais aussi celle de la sécurité de nos approvisionnements, exige que le nucléaire demeure sous la maîtrise publique et qu’il ne soit pas banalisé comme n’importe quel autre outil de production.
Pour ces raisons, il convient donc d’en revenir au texte initial, qui permet d’envisager les modalités de fin du dispositif de l’ARENH, et d’abandonner l’idée d’une nouvelle étape post-ARENH, dès 2015, consistant à ouvrir le capital des centrales nucléaires à des opérateurs privés, ce qui pourrait correspondre à une privatisation larvée du nucléaire, à un démantèlement du parc nucléaire de l’opérateur historique et à une perte de la maîtrise publique du nucléaire.
L'amendement n° 229, présenté par MM. Merceron, Deneux, Dubois et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :
Alinéa 36
Après les mots :
le cas échéant, des modalités
insérer les mots :
permettant de contraindre les fournisseurs alternatifs à détenir, à l’issu de la période transitoire, des capacités de production d’électricité de base et de pointe, dans des proportions équivalentes à celles dont ils ont bénéficié en application des dispositions du II du présent article, et notamment
La parole est à M. Jean-Claude Merceron.
Le dispositif mis en place par le projet de loi est transitoire. Les contrats de gré à gré et l’investissement dans les capacités de production de pointe uniquement sont insuffisants pour assurer, à terme, c'est-à-dire à l’issue de la période transitoire, la pérennité de la concurrence entre les opérateurs et l’indépendance énergétique de la France.
C’est pourquoi il semble indispensable que le projet de loi permette d’ouvrir la discussion, par voie de rapport présenté au Parlement, sur l’obligation faite aux opérateurs alternatifs d’investir dans des moyens de productions de base, et notamment dans le parc nucléaire. Cela permettra de s’assurer que, à l’issue du dispositif transitoire, les opérateurs alternatifs, qui bénéficiaient jusque-là d’un accès régulé au parc nucléaire, pourront assurer, dans les mêmes proportions, la production d’énergie de base permettant de couvrir la demande de leurs clients, notamment grâce aux capacités nucléaires.
Cette disposition faciliterait en outre la réalisation par EDF de son programme d’investissements relatif à la prolongation de la durée de vie du parc nucléaire, voire à son renouvellement.
Il importe donc que le rapport prévu en 2015 prévoie explicitement les modalités visant à favoriser l’investissement des opérateurs alternatifs dans des capacités de production propres.
L'amendement n° 245 rectifié bis, présenté par MM. Vial, Sido, Milon, Saugey, Lecerf, Leclerc, Laménie et Lefèvre, est ainsi libellé :
Alinéa 36
Après le mot :
intéressés
insérer les mots :
, en particulier les fournisseurs d'électricité et les consommateurs électro-intensifs,
La parole est à M. Jean-Pierre Vial.
Au cours de nos débats, il a beaucoup été question d’entreprises et d’économie. De fait, cet amendement a pour objet de préciser, comme le mentionne l'exposé des motifs du projet de loi, le souhait de voir des fournisseurs alternatifs conclure avec EDF des contrats de gré à gré, dans une logique industrielle de participation aux investissements et aux risques, portant sur la prolongation de l'exploitation des centrales nucléaires aujourd'hui en service.
Cette possibilité doit pouvoir être ouverte aux gros consommateurs industriels d'électricité à la recherche de ce type de partenariat
Aussi, nous proposons de viser explicitement les fournisseurs d’électricité et les consommateurs électro-intensifs.
S’agissant des amendements n° 165 et 71, dont les objets sont très proches, je précise une nouvelle fois que l’alinéa 36 de l’article 1er n’a aucun caractère contraignant. Il dispose simplement que, dans le rapport qu’il présentera en 2015, le Gouvernement proposera, « le cas échéant, des modalités permettant d’associer les acteurs intéressés aux investissements de prolongation de la durée d’exploitation des centrales nucléaires ». Il offre simplement une faculté au Gouvernement.
Si j’ai sollicité la commission d’adopter cet amendement, c’est dans le but d’attirer l’attention sur une situation existante. J’ai bien pris soin de préciser avant qu’intervienne le vote que, à ce jour, rien n’empêchait EDF, en l’état actuel de la législation, de passer des contrats ou de s’associer à des partenaires.
Lors de son audition devant la commission, M. Proglio a estimé à environ 600 millions d’euros le coût de la prolongation de la durée de vie d’un seul réacteur. Son prédécesseur, quant à lui, avait parlé de 400 millions d’euros. Aussi, si je retiens le chiffre intermédiaire de 500 millions d’euros, le coût global pour les cinquante-huit réacteurs que compte notre pays se monterait à plus de 35 milliards d’euros.
Compte tenu de son endettement, des différentes charges que le législateur lui impose et de ses projets à l’international, EDF ne dispose pas des moyens lui permettant de réaliser ces investissements ; c’est pourquoi il convient d’alléger cette charge éventuelle en la partageant avec d’autres opérateurs, dans une proportion qui reste à définir – pas nécessairement la moitié.
Lors de mes auditions, j’ai évoqué cette idée auprès de tous mes interlocuteurs. Les opérateurs alternatifs sont, bien sûr, très intéressés pour prendre des participations, à hauteur de 2 % pour certains, de 10 % pour d’autres, dans la production de certaines centrales, en contribuant à l’investissement nécessaire à la prolongation de leur durée de vie.
Pour répondre par avance à Jean-Pierre Vial, je précise que de grands groupes industriels sont eux aussi très intéressés, en particulier les électro-intensifs, qui m’ont dit être prêts à prendre une participation dans une ou deux centrales, bien évidemment celles qui seraient situées à leur proximité immédiate. Même les entreprises locales de distribution d’électricité m’ont fait savoir qu’elles étaient intéressées par une participation à hauteur de 1 % ou de 2 %.
J’ai longuement débattu cette question avec les représentants de l’intersyndicale EDF lorsque je les ai reçus. Cette éventualité ne les choque pas, et la représentante de la CGT a même jugé cette idée tout à fait intéressante, ne me dissuadant à aucun moment de l’écarter. Cette perspective n’est ni taboue ni absurde. C’est pourquoi le projet de loi prévoit que le Gouvernement, dans le rapport qu’il présentera en 2015, aura la possibilité – je le répète, ce n’est pas une obligation – de proposer les modalités d’association des acteurs intéressés aux investissements de prolongation de la durée d’exploitation des centrales nucléaires.
Pour ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur les amendements n° 165 et 71.
Jean-Claude Merceron, qui a présenté l’amendement n° 229, souhaite que le rapport d’évaluation présenté à partir de 2015 propose des modalités pour contraindre les opérateurs alternatifs à détenir des capacités de production de base et de pointe à l’issue du dispositif transitoire de l’ARENH. Or ces modalités figurent déjà à l’article 2 du projet de loi, qui prévoit que chaque fournisseur doit contribuer à la sécurité d’approvisionnement en électricité en disposant de capacités directes ou indirectes d’effacement et de consommation.
Aussi, la précision que vous proposez d’apporter, mon cher collègue, n’apparaît pas nécessaire, et c’est la raison pour laquelle je vous saurais gré de bien vouloir retirer votre amendement.
En revanche, monsieur Vial, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 245 rectifié bis, qui vise à expliciter ce que recouvrent les termes « acteurs intéressés ». Je puis vous dire que lesdits acteurs sont prêts à réaliser, le jour venu, des investissements.
La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote sur l'amendement n° 165.
J’ai bien entendu les explications de M. le rapporteur, qui soulève un vrai problème de fond. Le secteur de l’énergie nucléaire sera-t-il, à terme, privatisé ou pourra-t-il faire l’objet de prises de participations privées ? Il s’agit là d’un vrai et vaste débat.
Certains pays, notamment anglo-saxons, qui avaient partiellement ou totalement privatisé leur secteur de la production d’énergie nucléaire, ont connu quelques mésaventures et ont été contraints de faire machine arrière. À tout le moins, ces questions de sécurité et d’approvisionnement méritent qu’on s’y attarde si nous voulons nous épargner de semblables déconvenues. C’est pourquoi les perspectives évoquées par M. le rapporteur ne manquent pas d’inquiéter le groupe socialiste.
Les électro-intensifs, quant à eux, avec lesquels notre collègue Jean-Pierre Vial entretient des contacts réguliers, demandent que le contrat, qui prendra fin en 2014, soit prolongé. Mais pourquoi chercher à tout prix des montages compliqués ? De surcroît, il n’est pas dit que tous aient les moyens financiers d’investir dans les centrales. Ce qu’ils demandent, c’est ce qui se pratique dans certains pays européens. D’ailleurs, un ancien ministre des finances nous a expliqué qu’il était parfaitement possible, au moyen de « niches », de faire en sorte que les électro-intensifs continuent à bénéficier d’un courant bon marché. Je sens M. le rapporteur beaucoup plus circonspect sur cette question.
Prétendre que les électro-intensifs pourront surmonter les difficultés auxquelles ils sont confrontés en prenant une participation au capital de certaines centrales est inexact. D’abord, cela prendra du temps ; ensuite, ce n’est pas à l’ordre du jour ; enfin, ils ne demandent que deux choses : la prolongation du contrat au-delà de 2014 et la possibilité de se fournir en courant meilleur marché.
Le Monde daté de ce jour annonce la conclusion d’un accord énergétique entre la Russie et la Chine – lequel concerne aussi la production d’aluminium –, qui conduira à l’émergence de deux géants mondiaux. Aussi, est-ce bien le moment d’affaiblir EDF ? Dans la perspective des pratiques de dumping auxquelles ne manqueront pas de recourir les futurs groupes qui seront constitués à la suite de cet accord entre la Russie et la Chine, n’avons-nous pas intérêt à protéger – ce n’est pas un gros mot – notre industrie et à laisser de côté les débats abstraits ? Dès lors que le contrat prend fin en 2014, certains industriels pourraient décider de se retirer, plutôt que de prendre des participations dans certaines centrales.
Certes, l’amendement de notre collègue Jean-Pierre Vial a reçu un avis favorable de la commission et du Gouvernement, mais il convient d’approfondir bien davantage la réflexion.
Cet amendement vise à inciter les opérateurs alternatifs à investir. Puisque M. le rapporteur considère qu’il est satisfait – même s’il ne l’est pas de manière aussi satisfaisante que nous l’aurions souhaité – par l’article 2 du projet de loi, je le retire, monsieur le président.
L'amendement n° 229 est retiré.
La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.
Bien que n’étant pas membre du parti socialiste, certaines dispositions prévues par ce projet de loi me posent problème, car je considère qu’elles vont trop loin. Je pense en particulier aux risques de privatisation et aux questions de sécurité. Aussi, je voterai l’amendement n° 71.
Évitons de confondre le problème de la sûreté et la question du monopole.
Nos centrales sont exemplaires non parce qu’elles sont gérées par une entreprise publique, mais parce que notre législation est particulièrement sévère en la matière et parce que l’Autorité de sûreté nucléaire, l’ASN, est spécialement vigilante et exigeante. Elle impose chaque année à EDF d’engager des travaux et mène des enquêtes très sérieuses dans nos différentes centrales. Les dépenses en travaux de maintenance non pas pour produire mais pour garantir la sécurité sont très importantes. La sûreté n’a donc rien à voir avec la question du monopole.
M. Alain Fouché s’exclame.
Monsieur Courteau, je ne vous ai pas répondu tout à l’heure lorsque vous avez évoqué le retrait de GDF Suez du projet de construction de réacteur à Penly.
Le groupe énergétique s’est retiré parce que, s’il souhaite être demain un acteur dans le nucléaire, il entend jouer le rôle d’exploitant.
Il ne voulait donc pas se contenter d’une part de 12, 5 % du capital de la société de projet de Penly, qui ne lui aurait pas permis d’avoir son mot à dire. On sait bien qu’il reste candidat à la construction d’un réacteur en France.
Si demain GDF Suez obtient l’autorisation de construire une centrale nucléaire, l’Autorité de sûreté nucléaire, qui aujourd’hui est très exigeante pour l’entreprise publique EDF, aura la même exigence à l’encontre d’une société à capital privé majoritaire ; je vous le garantis ! La sûreté et la question du monopole sont donc deux problèmes distincts qu’il ne faut pas mêler.
Par ailleurs, monsieur le sénateur, n’utilisez pas le terme de « privatisation » en parlant d’EDF ! Il n’a jamais été question de cela ! La production de sept réacteurs d’EDF est déjà répartie entre le groupe et des partenaires. Il n’est pas impossible que demain, sans même attendre 2015, d’autres partenaires s’associent à EDF sur d’autres centrales. Personnellement, je le souhaite.
En tous les cas, il ne faut pas qu’il y ait de confusion dans le débat.
Monsieur le rapporteur, en fait vous entrouvrez la porte ! Vous ouvrez une brèche !
Nul ne sait où cela va nous conduire. Je ne vous fais pas le procès de vouloir privatiser le parc nucléaire français, mais où nous conduira l’ouverture de cette brèche ? À une privatisation rampante du parc nucléaire français !
Ne jouons pas aux apprentis sorciers ! C’est grave !
En outre, vous nous affirmez à l’instant qu’EDF ne sera pas privatisée. Vous nous avez fait le coup il y a quelques années
Sourires sur les travées et du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
La parole de l’État, en effet, était engagée ! On a vu le résultat ! GDF est bien privatisé depuis maintenant quatre ans.
Je souhaiterais faire une troisième remarque, et j’espère recevoir une réponse du Gouvernement sur ce point. Monsieur le secrétaire d’État, GDF Suez souhaite construire un EPR. Répondez-moi de façon très précise : le Gouvernement va-t-il donner son feu vert au groupe ?
Je vous remercie de me répondre. Ce sera d’ailleurs la première fois que vous répondrez aux questions précises que je vous pose.
Monsieur le sénateur, comme vous le savez, il existe un programme pluriannuel d’investissements. À l’horizon de 2020, celui-ci ne prévoit pas de nouvelles centrales nucléaires en dehors de celles qui sont déjà attribuées. Votre question ne se posera donc pas avant au moins une dizaine d’années.
Je ne voudrais pas mettre le Gouvernement dans l’embarras en intervenant sur un sujet sur lequel on l’interpelle. Cependant, très sincèrement, je suis assez étonné de voir le ballottage auquel on se livre : un jour on défend l’intérêt national, un autre jour on veut des géants internationaux pour conquérir le monde ; il faut savoir ce que l’on veut !
Il y a quelques mois, j’ai eu la chance d’accompagner, avec d’autres sénateurs, le Premier ministre et des industriels au Moyen-Orient, en Syrie et en Jordanie. Dans ce dernier pays, nous avons assisté à la présentation par des industriels français d’un projet de construction d’une petite centrale correspondant à ses besoins. La France semble bien placée pour remporter ce marché, car j’ai cru comprendre qu’elle avait le meilleur projet sur le volet industriel. Il faut néanmoins compter également avec l’ingénierie financière, qui constitue souvent l’élément décisif dans ce type de projets.
Cependant, la question qui se posait était celle de l’existence d’un tel type d’équipement en France.
Nous sommes fiers que nos sociétés soient en position de leaders sur certains marchés et nous voulons participer à la conquête du marché mondial, et quand on parle du marché mondial on vient se recroqueviller en disant vous allez voir ; essayons de rester avec des sociétés françaises superprotégées de façon qu’on reste bien avec les intérêts franco-français.
Pour ma part, je pense qu’il faut savoir ce que l’on veut. Soit on reste franco-français et, dans ce cas, il ne faut pas s’étonner que les Russes, les Chinois et d’autres dominent les marchés mondiaux, soit on souhaite entrer dans la compétition mondiale et dès lors il faut des outils, des sociétés adaptées aux dimensions de ces marchés.
Mes chers collègues, veuillez m’excuser de cette intervention venue se glisser après l’interpellation du Gouvernement, mais je pense que l’on ne peut pas défendre une logique et vouloir son contraire.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 163, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article 2 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz est complété par une phrase rédigée :
« Au regard des impératifs concernant la sécurité nucléaire, Électricité de France dispose d'un monopole d'exploitation des centrales de production d'électricité d'origine nucléaire. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
Le secteur public de l’énergie est progressivement démantelé par les lois de concurrence inspirées par des directives européennes.
Systématiquement, le Gouvernement prend des engagements en assurant que la loi votée sera la dernière et que nous n’irons pas plus loin. Pourtant, force est de le reconnaître, chaque année nous y revenons, mettant encore un plus à la peine le service public de l’énergie et les opérateurs historiques.
Plus précisément, depuis quelque temps, nous sentons poindre la volonté d’en finir avec le monopole de production nucléaire détenu par EDF.
D’ailleurs, le présent projet de loi constitue une première étape, puisque s’il est trop tôt pour permettre aux concurrents d’EDF de produire directement l’énergie nucléaire, l’entreprise se voit contrainte de vendre à moindre coût sa production, pourtant issue d’un investissement colossal financé par les Français.
Ce bricolage ne laisse pas augurer un meilleur service, mais semble constituer une nouvelle étape dans le démantèlement du monopole de production nucléaire dont dispose aujourd’hui EDF.
À ce titre, GDF Suez ne cache pas ses ambitions dans ce domaine. Ainsi, selon Les Échos, le groupe énergétique veut construire une nouvelle centrale nucléaire dotée d’un réacteur de troisième génération ATMEA, plus petit que l’EPR, dans la vallée du Rhône et a écrit une lettre en ce sens au ministre d’État M. Jean-Louis Borloo.
La réponse du ministre d’État est particulièrement surprenante : celui-ci a estimé que GDF Suez « a évidemment sa place dans le dispositif nucléaire français », malgré les engagements récurrents du Gouvernement de maintenir le domaine nucléaire sous le plein contrôle de l’État. Nous restons donc plutôt circonspects.
Les déclarations du rapporteur M. Poniatowski sont également troublantes puisque celui-ci a admis regretter que le Gouvernement n’ait pas exploré la piste de l’ouverture du capital des centrales nucléaires.
Pourtant, la remise en cause du monopole public pour l’exploitation nucléaire fait peser des risques importants en termes non seulement de sécurité mais également de tarification.
Comment garantir la sécurité des installations, des personnels et des riverains lorsque l’objectif principal de l’entreprise est la rémunération des actionnaires ?
Comment garantir la sécurité nucléaire quand il faut à tout prix réduire les coûts pour augmenter les marges et quand l’intérêt privé prend le pas sur l’intérêt général ?
La sécurité nucléaire exige que l’exploitation des centrales reste de la compétence de l’entreprise publique ; c’est en tout cas notre opinion.
Selon nous, il faut donc réaffirmer que seule l’entreprise EDF dispose d’un monopole pour l’exploitation des centrales de production d’électricité d’origine nucléaire.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter en faveur de notre amendement.
Mon cher collègue, je ne veux pas remettre en cause le rôle d’EDF dans l’exploitation des centrales nucléaires aujourd’hui.
Je souhaite qu’EDF soit le propriétaire, l’exploitant même si le groupe partage déjà sa production avec d’autres pour sept de ses centrales nucléaires. Même si d’autres partenaires pourraient intervenir à l’avenir, je ne souhaite rien changer. Sur ce point, nous avons donc le même avis.
En revanche, je ne vois pas pourquoi on gèlerait ad vitam æternam dans notre pays ce monopole de possibilité d’exploiter une centrale nucléaire.
M. le secrétaire d’État a indiqué voilà quelques instants que, dans la programmation pluriannuelle d’investissements, seuls étaient prévus les projets de Flamanville et de Penly. Dans dix ans ou vingt ans peut-être, un autre acteur – nous pensons tous, bien sûr, à la seconde grosse entreprise française qu’est GDF Suez – pourrait être propriétaire et exploitant d’une centrale nucléaire.
C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur votre amendement.
Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Je souhaiterais revenir sur un point. À plusieurs reprises, dans notre discussion – le rapporteur a parfaitement répondu à cette objection il y a quelques instants –, on a essayé de créer une relation de causalité entre l’existence d’un monopole public et la garantie de la sécurité. Or cette relation ne se vérifie pas !
Je vous rappelle que, dans une multitude de pays, des centrales nucléaires ont été construites dans le cadre d’un monopole public, par l’État, sans que l’on puisse pour autant les considérer comme les plus brillantes qui soient en termes de sécurité ; je pense notamment aux centrales bâties dans les anciens pays de l’Est.
M. Jean Besson opine.
Ce n’est pas dans ces régions que la sécurité nucléaire me semble la mieux respectée.
Là encore, ce n’est pas parce c’est l’État que c’est forcément sécurisé. Ce qui garantit une sécurité réelle, c’est l’existence d’une autorité telle que celle que nous avons en France : l’Autorité de sûreté nucléaire, totalement indépendante, qui disposer une législation spécifique ; c’est cette autorité qui est le gage de la sécurité !
Ce n’est pas l’existence d’un monopole public qui garantit en tant que telle la sécurité de nos centrales, c’est le contrôle assuré par l’ASN.
Je souhaite réagir à l’intervention de M. le secrétaire d’État.
Vos propos présagent-ils l’avenir, monsieur le secrétaire d’État ?
Ici nous ne sommes pas dans les pays de l’Est mais en France, où il existe un pacte énergétique depuis la Libération. Il s’avère que, en ce concerne tant la qualité de l’entreprise EDF que la sécurité nucléaire, les choses vont bien chez nous. Puisque tout se passe bien, pourquoi faudrait-il changer ?
Monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous nous conseillez d’observer la situation d’autres pays, où les choses ne vont pas mal alors qu’ils ont des acteurs privés, vous confortez nos craintes !
La France connaît une situation intéressante, enviée en Europe. Cette situation est pour nous un point d’appui extraordinaire sur lequel nous pouvons faire levier pour conduire notre politique industrielle. Nous ne voulons pas qu’on lâche la proie pour l’ombre et c’est pourquoi nous tenons à ce que le nucléaire reste public.
Le Parlement a adopté une loi relative à la sécurité nucléaire. En matière nucléaire, nous avons un monopole public et la sécurité de nos centrales est garantie par le secteur public. Les deux éléments sont liés et fondent le modèle français. Il ne me semble pas opportun de les dissocier.
Pourquoi avoir un complexe au regard d’une obligation de concurrence qui nous est imposée par deux directives ? Notre modèle, que de nombreux pays nous envient, fait figure d’exemple en Europe, car il fonctionne très bien. Dès lors, pourquoi vouloir à tout prix regarder vers l’extérieur, le remettre en cause.
Monsieur le secrétaire d’État, je le répète, votre intervention sème un trouble supplémentaire dans notre esprit.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote sur l'article 1er.
Je ne me suis pas encore exprimé, mais je tenais à prendre la parole avant qu’intervienne le vote sur l’article 1er qui est, je le crois, l’élément central du dispositif qui nous est soumis.
Je considère que ce texte est, malheureusement, j’insiste sur ce terme, emblématique d’une spécialité bien française, qui consiste à se tirer une balle dans le pied.
Certes, j’en suis conscient, nous sommes contraints par les directives européennes sur l’ouverture des marchés de l’énergie et nous n’avons guère de choix, mais je tiens à rappeler quelques vérités qu’il ne faut pas passer trop rapidement à la trappe.
D’abord, sur le plan mondial, EDF est un champion dans le domaine de la production d’électricité, secteur ô combien sensible et stratégique. Faut-il s’en plaindre ? Assurément non !
Ensuite, que l’on soit entreprise ou particulier, en France nous pouvons payer notre électricité beaucoup moins cher que dans la plupart des autres pays.
Le différentiel de prix serait de 27 % par rapport à la moyenne européenne et atteindrait même 35 % par rapport à l’Allemagne.
Faut-il le regretter ? Évidemment non !
Le fait de faciliter l’ouverture du marché de l’électricité en France ne contribuera pas à réduire les coûts, et risque, au contraire, d’entraîner leur accroissement. De plus, cela pourrait affaiblir ce champion de l’énergie qu’est EDF : belle perspective en vérité !
Je ne voudrais pas paraître trop franchouillard et donner le sentiment de mener un combat d’arrière-garde. En l’occurrence, je le sais, la marge de manœuvre dont nous disposons est malheureusement étroite. Je tiens d’ailleurs à rendre hommage au travail qu’ont réalisé la commission de l’économie et son rapporteur afin, si je puis dire, de limiter les dégâts.
Toutefois, à titre personnel, je ne voterai pas l’article 1er du présent projet de loi.
Monsieur Détraigne, vous avez développé dans votre argumentaire deux points qui me paraissent quelque peu contradictoires : premier point, nous avons la chance d’avoir, avec EDF, un champion mondial ; second point, pas touche à la France !
Or, si EDF est un champion mondial, c’est bien parce qu’elle intervient sur des marchés extérieurs, en Allemagne et dans de nombreux autres pays.
Vous reconnaissez qu’EDF est un champion mondial, puis vous nous dites : pas touche à la France, on ne peut pas ouvrir le marché. Il y a là, me semble-t-il, une légère contradiction, monsieur le sénateur de la Marne.
Pas touche à la France, c’est pas touche à une grande entreprise comme EDF !
Nous voici parvenus au terme de la discussion de l’article 1er, qui constitue le cœur du présent projet de loi.
À la lecture de cet article, on croit rêver. Mais il s’agit, malheureusement, d’un triste cauchemar ! Finalement, et peut-être heureusement, des doutes pèsent sur l’issue et le fonctionnement du dispositif qui nous est proposé. Pour ma part, je pense – et j’espère – qu’il ne fonctionnera pas. Nous verrons ce qui adviendra dans les prochaines années.
Par ailleurs, et c’est particulièrement désagréable, une fois encore, nous allons adopter une loi avec le revolver de l’Europe sur la tempe. N’aurions-nous aucun honneur, aucune fierté ? De directive en directive, nous votons des lois sous la pression terrible de l’Europe, d’amendes de plusieurs milliards d’euros. Est-ce cela, votre Europe ? Je suis au regret de vous le dire, une telle Europe est bien triste ! Il n’est pas surprenant que certains scrutins européens aient débouché sur les résultats que nous avons connus, notamment en 2005.
Monsieur le secrétaire d’État, a-t-on déjà, en Europe, contraint une entreprise publique ou privée à vendre sa production à prix coûtant ? Y a-t-il un précédent ? J’aimerais bien le savoir. La France, une fois encore, expérimente, se livre à un bricolage inadmissible que je veux dénoncer alors que va intervenir le vote sur l’article 1er. Monsieur le secrétaire d’État, je réitère ma question : y a-t-il un précédent ?
M. le secrétaire d’État fait un signe affirmatif.
Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC-SPG.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
L'amendement n° 213, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité est ainsi modifiée :
1° À la première phrase du 1° du a) du I de l'article 5, après la deuxième occurrence du mot : « échéant », sont insérés les mots : « à ceux évités aux fournisseurs d'électricité inscrits sur une liste tenue par le ministre chargé de l'énergie et ».
2° L'article 10 est ainsi modifié :
a) À la première phrase du quinzième alinéa, les mots : « Électricité de France et les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 précitée » sont remplacés par les mots : « les opérateurs concernés ».
b) Il est ajouté trois alinéas ainsi rédigés :
« Sous réserve de la nécessité de préserver le bon fonctionnement des réseaux, Électricité de France, les distributeurs non nationalisés mentionnés à l'article 23 de la loi n°46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz et les personnes morales de droit privé auxquelles les collectivités publiques et leurs groupements peuvent adhérer au capital bénéficiant de l'agrément ministériel visé au IV de l'article 22 de la présente loi et qui sont inscrites à leur demande sur une liste tenue à cet effet par le ministre chargé de l'énergie, sont tenus de conclure, si les producteurs en font la demande, un contrat pour l'achat de l'électricité produite à partir des installations mentionnées aux 2° et 3° du présent article.
« Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'inscription sur la liste visée au précédent alinéa.
« Le ministre chargé de l'énergie désigne, par une procédure transparente précisée par décret en Conseil d'État, un acheteur de secours tenu de reprendre à son compte les contrats conclus entre un producteur et un fournisseur obligé si ce dernier est déclaré défaillant conformément aux dispositions du IV bis de l'article 22 de la présente loi. »
La parole est à M. Jacques Muller.
En préambule à la présentation de cet amendement, je tiens à rappeler qu’Électricité de France et les distributeurs non nationalisés, les DNN, sont soumis à l’obligation d’achat d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelable, en vertu des alinéas 2 et 3 de l’article 10 de la loi du 10 février 2000, et ce dans les conditions prescrites par cet article.
Par ailleurs, au titre de l’article 5 de cette même loi, l’augmentation de charge qui résulte de cette obligation est intégralement compensée par la contribution pour le service public de l’électricité, la CSPE.
C’est un dispositif excellent ; je vous invite simplement à le perfectionner.
Au regard de la loi, seuls EDF et les DNN ont accès à moindre coût aux énergies renouvelables, car ils bénéficient de la compensation liée à l’obligation d’achat. Cette situation a des répercussions non seulement sur les autres fournisseurs, mais également sur les producteurs et sur les consommateurs.
Les fournisseurs, tout d’abord, sont confrontés à un double problème : un manque d’accès à la ressource renouvelable en raison de son coût élevé sans la compensation et un manque d’accès aux consommateurs en raison du coût de revente plus élevé, toujours du fait de l’absence de compensation.
Les producteurs, pour leur part, sont confrontés à un monopsone, car ils ne disposent que d’un seul débouché pour leur production. Les autres fournisseurs ne s’approvisionnent pas chez eux, car leur prix est trop élevé.
Enfin, les consommateurs paient deux fois. Ils financent à la fois la CSPE, qui vient dans tous les cas grever leur facture, et le surcoût d’achat de kilowattheures verts lorsqu’ils s’approvisionnent chez un fournisseur qui ne bénéficie pas de la compensation.
Comme l’article 92 de la loi du 12 juillet 2010, dite « Grenelle 2 », l’a fait pour le biogaz, mon amendement tend à rétablir l’égalité entre EDF, les DNN et les autres fournisseurs, et ce sans qu’il soit besoin de modifier les autres dispositions de la loi du 10 février 2000, notamment celles qui concernent la compensation par la CSPE.
Ainsi, les fournisseurs qui en feraient la demande seraient inscrits sur une liste tenue par le ministre chargé de l’énergie et soumis à l’obligation d’achat pour être ensuite compensés par la CSPE.
Les conditions sont exactement les mêmes que celles qui sont fixées dans le cadre législatif et réglementaire actuel : le consommateur ou la collectivité ne doit pas subir de surcoût. Ainsi, les producteurs et fournisseurs ne s’enrichiront pas injustement et les consommateurs ne paieront pas, pour leur électricité, un prix plus élevé que celui qu’ils auraient acquitté sans cet amendement.
Un acheteur de dernier recours serait désigné au cas où l’un des nouveaux fournisseurs obligés serait défaillant. Cette contrainte est moins forte que pour le biogaz où l’acheteur de dernier recours est tenu de conclure un contrat si le producteur n’a pas trouvé en amont un autre acheteur.
De plus, en visant les sociétés d’économie mixte, ou SEM, les sociétés publiques locales d’aménagement, ou SPLA, et les sociétés coopératives d’intérêt collectif, ou SCIC, c’est-à-dire les seules personnes morales de droit privé au capital desquelles les collectivités publiques et leurs groupements peuvent adhérer, cet amendement concerne exclusivement les entreprises de taille humaine, ancrées sur le territoire de nos communes et dans l’économie sociale et solidaire. Il exclut par conséquent les grands groupes industriels et financiers et favorise le développement de la production d’électricité renouvelable et décentralisée.
La commission a eu du mal à se faire un avis sur cet amendement qu’elle peine à comprendre, d’autant qu’aucun argument était développé dans son objet.
Monsieur Muller, je vous ai écouté très attentivement : il me semble que votre proposition n’est pas innocente. Vous visez d’autres opérateurs qu’EDF et les DNN, mais qui exactement ? Tous les autres fournisseurs alternatifs ? Certains producteurs du secteur des énergies renouvelables que vous choisiriez ? À qui donc voulez-vous offrir ce formidable cadeau ?
Le nouveau fournisseur qui s’inscrira sur une liste pour acheter de l’électricité provenant de l’éolien et du photovoltaïque aura la garantie d’être compensé par la CSPE : il ne court donc aucun risque. Mais je sais très bien ce qui finira par se passer : il démarchera les producteurs « intéressants » et laissera les autres à EDF et aux DNN.
Votre amendement tend à donner quelque chose qui n’est pas innocent à quelqu’un qui n’est pas connu : il est trop « révolutionnaire » pour que, en l’état de mon ignorance, je n’y sois pas défavorable.
Vous avez raison, monsieur le rapporteur, cet amendement est révolutionnaire, puisqu’il vise à « booster » le développement des énergies renouvelables en s’appuyant sur un dispositif qui fonctionne, mais qui est malheureusement aujourd'hui limité à deux opérateurs.
En l’occurrence, la liste est tenue par le ministre de l’énergie et les critères prévus sont très clairs. Il s’agit de sociétés d’économie mixte, qui ne comptent pas en leur sein d’opérateurs privés à vocation spéculative. Il s’agit également de structures de type SCIC, c’est-à-dire des structures coopératives où, là encore, le profit n’est pas l’objectif privé. Enercoop, pour ne pas la nommer, est l’une de ces structures qui travaille en France.
Je constate simplement qu’une structure comme Enercoop, qui souhaite développer la production d’énergies renouvelables en garantissant à ses clients de l’énergie verte, est actuellement « plombée » par une situation de concurrence défavorable.
Je souhaite simplement rétablir la possibilité pour ces entreprises vertueuses n’ayant pas vocation à faire du profit, comme les SEM qui sont des entreprises de services, de bénéficier du dispositif de la CSPE.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 47 rectifié bis, présenté par MM. Courteau, Raoul et Repentin, Mmes Bourzai et Nicoux, MM. Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume, Mirassou, Rainaud, Teston, Bérit-Débat, Berthou, Besson, Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent, Muller et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la deuxième phrase du premier alinéa du 2° de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Les installations mettant en œuvre la cogénération utilisant la biomasse au-dessus d'une puissance de 2 MW bénéficient de cette obligation d'achat. »
La parole est à Mme Renée Nicoux.
Cet amendement visait initialement à abaisser de 5 mégawatts à 500 kilowatts la puissance installée ouvrant droit à l’application des tarifs de rachat obligatoire.
Comme vous le savez, la production d’énergie à partir de la biomasse est l’une des réponses envisagées pour répondre à l’exigence du Grenelle de l’environnement, selon laquelle 20 % de l’énergie produite en France devra provenir de sources renouvelables en 2020. Utiliser le bois comme source d’énergie s’intègre donc totalement dans cette logique.
L’engagement du Président de la République à Urmatt de tripler le tarif d’achat de l’électricité produite à partir de la biomasse s’est traduit par un arrêté tarifaire trop restrictif, qui s’applique uniquement aux installations d’une puissance électrique minimale de 5 mégawatts.
Dans la pratique, la plupart des entreprises concernées, qui sont souvent les plus proches des ressources du terrain et les mieux placées pour mettre en œuvre des réseaux de chaleur et d’électricité, ne peuvent bénéficier de ce dispositif.
De plus, privilégier ainsi l’approvisionnement de grosses installations empêche l’émergence d’installations de taille moyenne qui pourraient se développer à proximité de nos massifs forestiers.
La réglementation en vigueur incite donc au regroupement des entreprises pour atteindre le seuil de 5 mégawatts. Les producteurs sont parfois contraints d’aller s’approvisionner dans un rayon de 100 à 120 kilomètres. Cette situation engendre des dépenses importantes, n’encourage pas le développement d’une économie locale en lien avec les ressources présentes sur le territoire et ne s’inscrit pas dans une politique environnementale visant à limiter la production de gaz à effet de serre.
Il faut donc remédier à ce phénomène.
Un premier pas a été franchi en commission lors de l’examen de cet amendement, et je me réjouis qu’un consensus de fond ait alors été trouvé. M. le rapporteur a tout d’abord rappelé l’importance des installations de biomasse pour l’environnement et les territoires qui les accueillent et a ensuite proposé d’abaisser le seuil d’exigibilité à 2 mégawatts. Cette proposition me semble tout à fait intéressante et nous l’avons retenue pour présenter cet amendement.
Cependant, dans un souci d’égalité de traitement, nous aurions pu aller plus loin en abaissant ce seuil à 1 mégawatt.
En effet, lors du conseil des ministres du 26 mai dernier, Bruno Le Maire a annoncé que « La puissance des unités éligibles au tarif de rachat de l’électricité produite à partir de bois sera, à l’automne, abaissée de 5 mégawatts à 1 mégawatt pour les scieries de taille industrielle ».
Ne faudrait-il donc pas fixer dès aujourd’hui le seuil à 1 mégawatt pour toutes les installations mettant en œuvre la cogénération utilisant la biomasse ?
Nous ne pouvons pas accepter qu’il y ait une différence de traitement entre les scieries et les autres installations, car toutes participent au développement des énergies renouvelables.
De la sorte, nous favoriserions le développement de la production d’électricité à partir des ressources locales d’un territoire, tout en mettant en œuvre une gestion rationnelle de nos forêts…
… et nous permettrions le maintien et le développement de l’activité économique sur des territoires forestiers, …
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement après qu’il a été rectifié comme nous l’avions demandé à ses auteurs. Je sais que le Gouvernement y est, quant à lui, défavorable.
Les objectifs du Grenelle de l’environnement ont totalement « explosé » en matière photovoltaïque. Ainsi, nous avons atteint en décembre 2009 les objectifs de 2020. C’est la raison pour laquelle les tarifs ont diminué le 1er septembre dernier.
Pour l’éolien, nous sommes dans les clous : en effet, nous ne sommes pas loin de l’objectif avec les 800 à 1 000 mégawatts installés par an.
Concernant la biomasse, il faut distinguer entre celle qui est utilisée pour la production de chaleur, pour laquelle nous sommes tout à fait dans les objectifs fixés, et celle qui sert à la production d’électricité, et là nous sommes loin du compte. Aussi, le Gouvernement a doublé le tarif de rachat pour toutes les petites centrales comprises entre 5 et 12 mégawatts.
Dans sa version initiale, l’amendement tendait à abaisser ce seuil à 0, 5 mégawatt, ce qui était beaucoup trop bas. Je sais bien que toutes les centrales ne sont pas comparables et qu’elles ne répondent pas toutes aux mêmes normes techniques, notamment en matière de dégagement de CO2, ce qui pose problème.
En tant que rapporteur, je n’ai pas eu le temps d’approfondir la question des centrales dont la puissance est comprise entre 2 et 5 mégawatts. Mon raisonnement a donc été économique : d’une part, nous risquons de ne pas atteindre l’objectif fixé par le Grenelle de l’environnement pour la biomasse ; d’autre part, l’intérêt de la biomasse par rapport à d’autres sources d’énergie est que ce type de centrales peut être installé à peu près partout, ce qui est intéressant en termes d’aménagement du territoire. Les petites centrales combinant le bois à un autre combustible, comme la paille ou même les ordures ménagères – j’en ai visité quelques-unes qui étaient très innovantes, en Allemagne notamment –, ont une capacité importante.
M. Jacques Muller acquiesce.
Telles sont les raisons pour lesquelles j’ai émis, sous réserve de la rectification qui a été faite, un avis favorable sur cet amendement, même si je sais que ces petites centrales ne sont pas toutes irréprochables et qu’elles peuvent poser des problèmes techniques, en raison des particules rejetées dans l’air.
Effectivement, pour une fois, l’avis du Gouvernement sera divergent de celui de la commission.
Si nous sommes défavorables à cet amendement, ce n’est pas parce que nous ne souhaitons pas encourager la biomasse, bien au contraire ! Nous avons descendu le seuil d’éligibilité des tarifs de rachat de 12 mégawatts à 5 mégawatts, parce que nous souhaitons, nous aussi, encourager la biomasse à vocation électrique.
Je rejoins tout à fait M. le rapporteur lorsqu’il a évoqué l’exigence d’aménagement du territoire et la nécessité d’encourager les filières locales et les circuits courts, lesquels sont tout à fait utilisables pour la biomasse.
Je le dis d’autant plus que la région dont je suis l’élu, la Champagne-Ardenne, s’est spécialisée dans la biomasse, autour de laquelle s’est développé le pôle de compétitivité.
Mais je m’interroge sur l’efficacité économique, environnementale et sanitaire des petites centrales. Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez que les installations d’une puissance supérieure à 5 mégawatts relèvent du régime des installations classées §et sont donc soumises à un cahier des charges relativement lourd et contraignant, qui permet à l’État de contrôler la qualité.
En dessous de 5 mégawatts – c’est bien la raison pour laquelle nous avons retenu ce seuil –, l’installation est soumise au régime déclaratoire, qui ne permet pas de disposer des mêmes moyens de contrôle.
Très concrètement, comme elles ne sont pas soumises au régime des installations classées, les petites centrales de moins de 5 mégawatts ne seront pas obligées de mettre en place des filtres à particules, alors qu’elles émettent beaucoup de particules qui, pour la santé des salariés, ne sont pas exceptionnelles, c’est le moins que l’on puisse dire. Le coût de ces filtres est trop élevé pour permettre à ces structures d’être rentables sur le plan économique. Autrement dit, elles n’investiront pas pour acheter ces filtres, ce qui pose un vrai problème en matière sanitaire.
Par ailleurs, les analyses dont nous disposons montrent que, jusqu’à un certain seuil, autour de 5 mégawatts – c’est peut-être 4 ou 6 ; on pourrait en débattre –, il existe une rentabilité environnementale, ce qui était l’objectif du Grenelle de l’environnement. Or cette rentabilité environnementale n’existe pas pour les petites centrales.
Donc, j’entends bien vos arguments en termes d’aménagement du territoire, de circuits courts, mais ceux-ci sont valables pour une puissance de 5 mégawatts. À titre de comparaison, je rappelle qu’une éolienne produit 2, 5 à 3 mégawatts et qu’elle fait généralement partie d’un parc de trois, cinq, dix, douze éoliennes afin d’obtenir des volumes d’une vingtaine de mégawatts. Par conséquent, le seuil de 5 mégawatts dont nous parlons équivaut à deux éoliennes ; nous ne sommes nullement dans une dimension délirante qui nécessiterait des investissements astronomiques et interdirait les circuits courts.
Par conséquent, le seuil de 5 mégawatts me semble répondre non seulement aux exigences des circuits courts et de l’aménagement du territoire, mais également à l’efficacité environnementale ainsi qu’aux risques sanitaires liés aux filtres à particules que j’évoquais précédemment.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement.
Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais apaiser certaines de vos craintes quant aux installations classées.
Je connais des installations d’une puissance inférieure à 5 mégawatts qui ont dû faire la preuve de la qualité de leur production, qui répondent à toutes les normes en vigueur, qui ont fait l’objet d’une enquête publique et qui sont considérées comme des installations classées parce qu’elles produisent à la fois de la vapeur dans des réseaux de chaleur et de l’électricité.
La notion d’installation classée pourrait donc figurer dans l’amendement si c’est la condition pour que vous approuviez la possibilité de bénéficier du tarif de rachat à partir d’une puissance de 2 mégawatts. Peu d’unités de production sont concernées, mais cette disposition est vitale pour elles parce qu’elles sont mises dans une situation de concurrence déloyale compte tenu du coût des matières premières. En effet, les unités qui bénéficient d’un prix de rachat de l’électricité peuvent se permettre d’acheter la matière première beaucoup plus cher.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 1er.
L'amendement n° 72 rectifié, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du 3° de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité est ainsi rédigée :
« Sauf dérogation délivrée pendant une période de deux ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-788 par le préfet de département au motif pris de considérations paysagères particulières au site d'implantation, ces installations doivent constituer des unités de production composées d'un nombre de machines électrogènes au moins égal à cinq, à l'exception de celles pour lesquelles une demande de permis de construire a été déposée avant la date de publication de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement et de celles composées d'une machine électrogène de puissance inférieure ou égale à 250 kilowatts et dont la hauteur du mât est inférieure à 30 mètres et de celles bénéficiant d'une dérogation délivrée par le préfet de département motivée par des contraintes géographiques ; ».
La parole est à M. Roland Courteau.
Trois amendements du groupe socialiste ont été adoptés jusqu’à présent ; j’espère que le présent amendement le sera également.
Cet amendement concerne l’éolien et le fait que de récentes dispositions prises dans le Grenelle de l’environnement risquent de brider complètement son développement.
En effet, comme vous le savez, le développement d’un projet d’installation de production à partir d’énergie renouvelable est très long : plusieurs années.
La mise en œuvre immédiate de « la règle des cinq mâts » fait brutalement avorter des projets en développement qui ont nécessité de longues années d’études, de mesures et de concertation et dans lesquels il est impossible de modifier à la hausse le nombre de machines électrogènes pour des raisons paysagères.
L’objet de l’amendement est d’offrir, à la discrétion du préfet, une flexibilité, pendant une durée très limitée – deux ans –, pour que ces projets soient pris en compte.
Mes chers collègues, il est des territoires et des paysages qui peuvent accueillir des parcs éoliens de grande taille ; il en est d’autres qui acceptent mieux des parcs de très petite taille, par exemple de trois éoliennes.
Nous connaissons d'ailleurs des territoires à l’habitat dispersé qui accueillent pour l’essentiel des parcs éoliens inférieurs à cinq unités de production. Pourquoi ces zones seraient-elles condamnées à n’avoir de choix qu’entre des parcs composés de cinq à vingt machines ayant un impact négatif sur les paysages et pas de parc du tout ?
D’où notre amendement, mes chers collègues.
Comment vais-je arriver à convaincre mon collègue Roland Courteau que je ne souhaite pas que l’on rouvre le débat passionné auquel ce sujet a donné lieu, ici même comme à l’Assemblée nationale, …
projet de loi NOME dont ce n’est pas l’objet, même si, bien sûr, les éoliennes produisant de l’électricité, nous ne pouvons pas fermer totalement les yeux.
Il se trouve que je viens d’une région à habitat dispersé – c’est le cas de la plupart des régions françaises, d'ailleurs. Si vous implantez une éolienne, y compris en respectant une distance de six cents mètres avec les habitations, que vous le vouliez ou non, vous dévalorisez celles-ci.
Je ne souscris pas aux autres arguments avancés par les anti-éoliens. Les éoliennes de 2, 5 mégawatts, celles que vous avez évoquées, monsieur le secrétaire d’État, – les nouvelles générations d’éoliennes ont une puissance de 3 ou 3, 5 mégawatts, et les suivantes atteindront pour certaines 5 mégawatts, comme au Danemark – ne font pas de bruit, contrairement à ce que prétendent les anti-éoliens. Quant à ces grandes éoliennes qui tueraient les oiseaux, c’est également mensonger. Seules les toutes premières éoliennes, qui tournaient à toute allure, étaient dangereuses.
En revanche, il faut avoir l’honnêteté de reconnaître l’incidence d’une éolienne en termes de dévalorisation du patrimoine. Si vous avez une éolienne à côté de chez vous, bonjour les dégâts pour revendre votre bien ! En tout cas, celui-ci subira une dévalorisation.
C’est l’une des raisons pour lesquelles de nombreux projets de fermes éoliennes suscitent un rejet assez fort dans nos territoires. C’est également la raison pour laquelle le débat au Parlement fut long et passionné au moment du Grenelle de l’environnement. Voilà pourquoi je ne souhaitais pas rouvrir le dossier dans le cadre du présent projet de loi.
Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement, mon cher collègue.
Mêmes raisons, même avis, monsieur le président.
Si le Sénat persiste à suivre M. le secrétaire d’État et M. le rapporteur, je le répète, nous aurons des territoires condamnés à recevoir des parcs éoliens de grande taille alors que la spécificité des paysages ne s’y prête pas. Comme il est probable que les populations s’y opposeront, ces territoires seront privés de toute éolienne.
En ce sens, les opposants à l’énergie éolienne à l’Assemblée nationale – nous avons un différend sur cette question avec certains députés depuis des années, déjà en 2004 et en 2005 –…
Sourires.
… auront gagné sur toute la ligne !
Le rejet de cet amendement équivaudrait en réalité à se priver des parcs éoliens de taille modeste, les seuls qui soient généralement facilement acceptés par les populations car ils s’intègrent parfaitement dans l’environnement.
Mes chers collègues, je vous demande de voter en votre âme et conscience.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 14 rectifié ter est présenté par MM. Chatillon, Carle, Pointereau, Cornu, Guené, Doublet, Laurent et Bordier, Mme Sittler, MM. Revet, Lorrain, Grignon, Vial, Bailly, Milon, Leclerc, Couderc, Pierre et Belot, Mme Keller, MM. B. Fournier, Cazalet, Lefèvre, Sido, Gouteyron, Saugey, Longuet, Beaumont, Bernard-Reymond, de Rohan, Mayet, Leroy, Pinton, Gilles, Etienne et Adnot et Mme Longère.
L'amendement n° 48 est déposé par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir et Sergent, Mmes Bonnefoy et Alquier, M. Pastor et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 265 rectifié bis est présenté par MM. Vall, Plancade, Collin, Alfonsi, Baylet et Barbier, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau et Tropeano.
Tous trois sont ainsi libellés :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dixième alinéa de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette disposition ne s'applique pas aux contrats d'achat d'une durée de quinze ans qui arrivent à échéance à partir de 2012 dont bénéficient les installations de production hydroélectrique, qui pourront être renouvelés une fois à leur échéance aux mêmes conditions et pour une durée de quinze ans. »
La parole est à M. Alain Chatillon, pour présenter l'amendement n° 14 rectifié ter.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, du sort de cet amendement dépend l’avenir des petites centrales hydroélectriques !
Les contrats d’achat de leur production viennent à échéance en 2012 : que se passera-t-il alors pour les quelque 1 200 installations qui n’auront pu procéder à leur rénovation en raison du coût – il faut compter environ 500 000 euros d’investissement ? Je vous rappelle que ces centrales ont une puissance inférieure à 12 mégawatts. Elles n’auront pas de débouchés pour leur production et nous perdrons un volume annuel très important d’électricité, compromettant ainsi notre capacité à remplir l’objectif de 20 % d’énergies renouvelables.
Je vous rappelle également que l’électricité fournie par les petites centrales participe à la lutte contre l’effet de serre ; elle est produite et consommée localement ; elle évite des pertes en ligne et concourt au désenclavement de régions mal desservies par le réseau électrique ; elle est concurrentielle et bon marché. Elle joue un rôle reconnu dans la revitalisation économique locale au bénéfice direct du tissu de PME de nos régions.
Mes chers collègues, nous avons tous dans nos départements des petites centrales hydroélectriques qui appartiennent au patrimoine industriel de nos territoires ruraux. Nous y sommes donc très attachés. Pour assurer leur pérennité, je vous demande de voter cet amendement, qui leur permet de renouveler leurs contrats d’achat.
Le sous-amendement n° 278, présenté par MM. J. Blanc et Trucy et Mme Bruguière, est ainsi libellé :
Dernier alinéa de l'amendement n° 14 rectifié ter
Compléter cet alinéa par les mots :
et s'engagent sur un programme d'investissement
La parole est à Mme Marie-Thérèse Bruguière.
Il s’agit de maintenir le niveau des prix payés pour permettre les investissements assurant l’avenir, au travers d’un engagement sur un programme d’investissement.
Il s’agit d’une demande des petits producteurs d’électricité qui risquent de se retrouver dans de grandes difficultés avec cette nouvelle étape de la libéralisation.
La quasi-totalité des petites centrales hydroélectriques d'une puissance inférieure à 12 mégawatts bénéficie à l'heure actuelle de contrats d'achat d'une durée de quinze ans, qui arriveront à échéance à partir de 2012.
Ce parc de production de près de 900 mégawatts fournit un volume annuel d'environ 3 térawatts d'électricité renouvelable.
La loi du 9 août 2004 a supprimé pour les installations de production d'électricité renouvelable la possibilité de bénéficier d'un second contrat d'achat. Cette évolution législative visait à l'époque à garantir les conditions d'une concurrence régulière au sein d'un secteur électrique en voie de libéralisation. Les pouvoirs publics prévoyaient alors que la production hydroélectrique devrait, à l'échéance des contrats en cours, être négociée sur le marché de gros.
Constatant que cette perspective menaçait à court terme la pérennité de ce parc de production, le Parlement a adopté le paragraphe V de l'article 19 de la loi du 3 août 2009 mettant en œuvre le Grenelle de l'environnement, qui prévoit que l'État doit étudier les conditions dans lesquelles ces installations doivent bénéficier du renouvellement de l'obligation d'achat.
Dans le cadre du nouveau dispositif de la loi NOME, les fournisseurs alternatifs pourront s'approvisionner auprès d'EDF au tarif déterminé par la CRE, vraisemblablement inférieur au tarif d'achat dont bénéficient aujourd'hui les petites centrales hydroélectriques et sur lequel les producteurs autonomes ne seront pas en mesure de s'aligner.
Les fournisseurs alternatifs, faute d'obligation d'intégrer une certaine proportion d'électricité renouvelable dans le mix qu'ils commercialisent, ne sont donc pas susceptibles de proposer des offres d'achat à un tarif permettant d'assurer une rentabilité minimale des petites centrales hydroélectriques, mettant en péril la poursuite de leur activité.
Il nous semble donc nécessaire de permettre le renouvellement, à leur échéance, des contrats actuels, pour une nouvelle période de quinze ans correspondant à la durée prévue d'accès régulé à la base pour les fournisseurs alternatifs.
La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l’amendement n° 265 rectifié bis.
Cet amendement, comme les précédents, vise à permettre le renouvellement des contrats d’achat dans le secteur hydroélectrique pour une durée de quinze ans. En dépit du dispositif légal de 2009, qui prévoit que « l’État étudiera les conditions dans lesquelles une obligation d’achat pourra être renouvelée », aucune solution n’a encore été définie à ce jour afin de proroger les contrats d’achat au-delà de 2012.
C’est pourquoi il nous semble primordial de permettre le renouvellement de ces achats, et ce pour trois raisons principales : d’abord, parce que la durée de quinze ans est inférieure à celle qui est prévue dans tous les autres contrats désormais proposés aux nouvelles installations de production d’électricité d’origine renouvelable ; ensuite, parce que le tarif d’achat associé est très raisonnable ; enfin, parce que la petite électricité doit concourir à l’objectif d’atteindre 23 % d’énergies renouvelables en 2020.
Par ailleurs, la fin des contrats d’achat en 2012 aura des conséquences immédiates, tant pour les installations hydroélectriques que pour la communauté nationale : une cessation d’activité des centrales du jour au lendemain ; un ralentissement des activités de toutes les petites entreprises de sous-traitance de ces centrales dans le domaine de l’entretien et de la maintenance, majoritairement implantées dans des zones rurales et de montagne économiquement fragiles ; enfin, une perte de retombées fiscales ou financières pour les petites communes d’accueil.
Il semble donc totalement incohérent de vouloir orienter les producteurs autonomes vers le marché, alors que les fournisseurs alternatifs et, indirectement, les consommateurs vont continuer à bénéficier de tarifs régulés.
Aussi, à travers cet amendement, nous souhaiterions que le projet de loi prévoie une pérennisation des tarifs d’achat dans le secteur hydroélectrique par la prolongation des contrats dont bénéficient actuellement les petites centrales hydroélectriques.
L'amendement n° 226 rectifié bis, présenté par MM. Amoudry, J.L. Dupont, Détraigne, Zocchetto et Badré, Mme Morin-Desailly, M. Soulage, Mme Gourault et M. Deneux, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dixième alinéa de l'article 10 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Cette disposition ne s'applique pas aux contrats d'achat d'une durée de quinze ans qui arrivent à échéance à partir de 2012 dont bénéficient les installations de production hydroélectrique, qui pourront être renouvelés une fois à leur échéance à des conditions définies par arrêté et pour une durée de quinze ans. »
La parole est à M. Jean-Paul Amoudry.
Cet amendement va dans le même sens que ceux qui viennent d’être présentés. Je serai donc bref, les objets de ces amendements ayant déjà été très abondamment explicités ici.
Cet amendement s’inscrit dans le cadre de l’ouverture réalisée par la loi du 3 août 2009 assignant à l’État l’obligation d’étudier les conditions pour les installations hydroélectriques du bénéfice du renouvellement de l’obligation d’achat.
L’amendement que j’ai l’honneur de présenter ici se distingue cependant des trois précédents sur un point : il prévoit que ces installations pourront bénéficier d’un renouvellement à leur échéance non pas aux mêmes conditions que celles qui étaient précédemment en vigueur, mais à des conditions définies par arrêté. Cela permettra, au moment de l’échéance, d’ajuster le plus précisément possible les conditions de ce renouvellement avec les pouvoirs publics.
La commission a souhaité connaître l’avis du Gouvernement sur ces amendements. À titre personnel, je souhaite aller plus loin et me « mouiller » un peu plus.
Monsieur le secrétaire d’État, le Gouvernement, je dois le dire, a un peu ce qu’il mérite.
M. le secrétaire d’État sourit.
Les petites centrales hydrauliques de puissance inférieure à 12 mégawatts bénéficiaient du fameux contrat d’obligation d’achat pour une durée de quinze ans. La plupart de ces contrats datent de 1997 et s’achèveront donc en 2012. Les centrales ayant signé un contrat récemment – il y a deux ou trois ans pour certaines d’entre elles – bénéficieront elles aussi de ce tarif pendant quinze ans. Ces contrats ne sont pas remis en cause.
Le renouvellement des contrats arrivant à échéance a été demandé par le syndicat représentant la profession. Ce syndicat est d’ailleurs bien organisé. La preuve en est qu’il est parvenu à convaincre plusieurs de nos collègues de déposer des amendements identiques, à l’exception de l’amendement présenté par notre collègue Jean-Paul Amoudry.
Tout d’abord, je tiens à dire que le renouvellement pur et simple de ces contrats serait tout de même un peu choquant, car leur durée a été calculée afin de permettre un amortissement total. Les activités que nous évoquons sont, il faut le savoir, tout à fait rentables.
M. le secrétaire d’État opine.
Ensuite, sachez, mes chers collègues, que la profession a actuellement deux fers au feu : d’un côté, elle est en train de discuter avec le Gouvernement de l’arrêté qui va être publié, comme l’a indiqué M. le secrétaire d’État lorsqu’il a répondu aux orateurs à la fin de la discussion générale ; de l’autre, elle tente d’obtenir des parlementaires, par voie d’amendement, une disposition allant plus loin que ce qui a été négocié avec le Gouvernement. Or il s’agit d’une bonne négociation.
L’arrêté en cours de préparation prévoit en effet un contrat d’achat d’une durée d’une dizaine d’années pour ceux qui doivent ou qui vont à nouveau engager des investissements complémentaires, tout à fait justifiés.
En revanche, le renouvellement des contrats des centrales qui bénéficient de l’obligation d’achat depuis quinze ans ne se justifie absolument pas. Leur activité est tout à fait rentable et elle est amortie. D’ailleurs, si une ou deux personnes sont venues se plaindre auprès de vous et vous dire que si elles n’obtenaient pas une prolongation de leur contrat d’achat leur centrale allait mourir, ne les croyez pas ! Aucune centrale n’est à vendre en France. C’est la preuve qu’elles fonctionnent toutes très bien. D’ailleurs, si vous apprenez que l’une d’entre elles est à vendre, avertissez-moi, je suis candidat à leur rachat, car c’est intéressant ! Je plaisante, bien sûr.
Sourires.
Monsieur le secrétaire d’État, je ne pense pas que vous vous en sortirez en prenant l’engagement de publier l’arrêté. Je connais son contenu. Le sous-amendement de notre collègue Mme Bruguière est très intéressant. Je vous propose, chère collègue, de le rectifier dans un sens qui recueille l’accord, sachez-le, de la profession et donc de compléter le dernier alinéa de l’amendement n° 14 rectifié ter par les mots « sous réserve de la réalisation d’un programme d’investissement », conformément à ce qui est prévu dans l’arrêté.
« Sous réserve de la réalisation d’un programme d’investissement défini par arrêté », en effet, sinon cela poserait un problème juridique. L’arrêté doit résulter des dispositions adoptées au Sénat.
Dans ces conditions, j’émettrai un avis favorable sur ce sous-amendement et sur l’amendement n° 14 rectifié ter. En conséquence, les autres amendements n’auraient plus d’objet, y compris celui de notre collègue Jean-Paul Amoudry, qui allait pourtant dans une bonne direction.
Sourires.
Tout d’abord, il est assez classique et compréhensible qu’une profession qui a négocié avec le Gouvernement – nous avons passé des mois à négocier un arrêté, lequel a été validé par le Conseil supérieur de l’énergie – essaie ensuite d’obtenir un peu plus en faisant adopter des amendements par le Parlement, même si ce n’est pas une méthode très élégante.
Ensuite, nous n’avons pas besoin, en l’état actuel du droit, d’une mesure législative, car le dispositif que nous évoquons est d’ordre réglementaire. L’arrêté – je l’ai d’ailleurs sous les yeux – est prêt à être publié et il répond à l’attente non seulement de la profession, mais également des parlementaires.
Au fond, ce que l’on nous demande, c’est de renouveler le tarif d’achat, ce qui est naturel et compréhensible. Pour notre part, nous n’y sommes pas hostiles, à condition que des investissements soient réalisés en contrepartie. Comme l’a rappelé M. le rapporteur, les investissements correspondants aux précédents contrats sont amortis. Renouveler les contrats sans exiger de nouveaux investissements serait donc totalement injuste, pour ne pas parler d’enrichissement sans cause. Ce serait aller trop loin. Le principe du projet de loi est le suivant : vous investissez, vous avez des droits. En l’occurrence, cela reviendrait à dire : vous n’avez plus besoin d’investir, tout est amorti, mais vous avez tout de même des droits.
Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 14 rectifié ter et sur le sous-amendement n° 278, sous réserve qu’il soit modifié dans le sens souhaité par la commission, même si, je le répète, une mesure législative n’est pas nécessaire, l’arrêté étant suffisant.
Je tiens à rassurer M. le rapporteur : il n’y a pas que des centrales privées. Le budget de petites communes rurales est assis en partie sur les ressources émanant d’un certain nombre des 1 200 centrales que compte notre pays.
Par conséquent, nous aidons aussi des petites communes. Mon département en compte un certain nombre. Ce sont elles, et non le syndicat professionnel de branche, qui sont venues me solliciter. Les maires de ces petites communes sont inquiets et essaient de trouver des solutions.
J’attire votre attention sur le fait que certains investissements sont très récents. Je préférerais donc qu’on écrive « sur les programmes en cours et sur les nouveaux investissements ».
Monsieur le sénateur, si j’ai bien compris, vous souhaitez que l’on prenne en compte les nouveaux investissements et une partie de ceux qui ont été réalisés et qui ne sont pas encore amortis.
Nous sommes bien d’accord.
Permettez-moi de vous lire ce qui est prévu dans l’arrêté : « Le montant des investissements peut également intégrer le montant non amorti des investissements… ». Cela signifie que les investissements qui ne sont pas amortis aujourd'hui, je le répète, peuvent être intégrés dans le dispositif.
Le problème qui a été évoqué sur pratiquement toutes les travées est très important. Nous savons tous ce que la petite hydraulique peut apporter en termes d’emplois – on n’en a pas parlé – et de revenus pour les communes.
On le voit aujourd'hui, certaines énergies renouvelables patinent un petit peu. C’est vrai pour les éoliennes, c’est également vrai pour la biomasse. La petite hydraulique est, elle, une valeur sûre.
Monsieur le secrétaire d’État, mon département compte de nombreuses centrales hydrauliques, qui nous ont contactés. Pourriez-vous nous donner des précisions sur les investissements requis, en particulier sur leur niveau ? Devront-ils être importants afin de pouvoir bénéficier d’un renouvellement de contrat ?
Tous les élus tiennent à ces centrales. Les petits barrages constituent un attrait touristique, un atout pour la pêche. Je ne suis pas hostile à de nouveaux investissements, à condition qu’ils ne soient pas importants au point d’être dissuasifs pour les producteurs.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de bien vouloir nous apporter des précisions sur ce point.
Il s’agit effectivement d’une question très judicieuse. Si l’investissement est disproportionné par rapport à la réalité de l’installation, cet arrêté n’aurait aucun sens et ne répondrait pas à votre demande.
Je veux simplement rappeler que les installations sont aujourd’hui amorties. Quand vous fixez un tarif d’achat de l’électricité, ce tarif prend en compte un amortissement sur les quinze ans en question.
Aujourd’hui, renouveler le tarif en l’état va à l’inverse de ce que nous souhaitons tous, puisqu’il permettrait quasiment un enrichissement sans cause, la production étant déjà amortie.
Cet investissement est donc nécessaire et c’est la raison pour laquelle nous le demandons, à condition, bien évidemment, qu’il soit raisonnable.
Je ne vais pas vous le détailler dans la mesure où le calcul énoncé dans l’arrêté en question est très compliqué. Je précise simplement que cet arrêté, qui a été soumis au Conseil supérieur de l’énergie, a été négocié avec la profession. Cette dernière est ainsi d’accord avec les calculs retenus et le niveau d’investissement demandé. Aussi, il me semble que nous parvenons à un équilibre.
Madame Bruguière, que pensez-vous de la suggestion de M. le rapporteur ?
Je suis donc saisi d’un sous-amendement n° 278 rectifié, présenté par MM. J. Blanc et Trucy et Mme Bruguière, et qui est ainsi libellé :
Dernier alinéa de l'amendement n° 14 rectifié ter
Compléter cet alinéa par les mots :
sous réserve de la réalisation d'un programme d'investissement défini par arrêté
La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 278 rectifié.
A-t-on seulement prévu des dispositions pour préparer les petits producteurs à faire face à une fin annoncée de l’obligation d’achat ?
Je parle de ceux qui n’auront pas investi. Votre réponse m’intéresse tout particulièrement car nous ne souhaitons pas que ces petites installations disparaissent.
Je rappelle que les fournisseurs alternatifs iront chercher de l’ARENH, et non la production hydraulique des petites installations, et ce en raison du prix.
Si ces petites installations disparaissent, nous risquons d’être privés de plusieurs térawatts ou gigawatts d’électricité verte !
Qu’a-t-on prévu, monsieur le secrétaire d’État ?
M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, si je comprends bien, c’est la deuxième fois que je réponds à vos questions.
Sourires.
Mais trêve de plaisanterie !
En premier lieu, j’ai le sentiment – mais peut-être que je me trompe – qu’il n’y en a pas beaucoup qui vont disparaître. En effet, vu la rentabilité actuelle du système, je doute que beaucoup disparaissent et que beaucoup n’investissent pas.
Toutefois, pour ceux qui ne voudront pas investir…
… ou qui ne pourront pas investir – là encore, j’ai des doutes concernant cette seconde option, étant donné la rentabilité actuelle mais peut-être que le niveau de celle-ci leur paraîtra suffisant même sans investissement –, est prévue la possibilité de se regrouper en centrale de vente afin de pouvoir vendre leur électricité.
Voilà ce qui est rendu possible dans l’arrêté, pour permettre, par la vente groupée, la constitution de blocs d’électricité et donc des volumes plus importants.
Le sous-amendement est adopté.
L'amendement est adopté.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui mercredi 29 septembre 2010, à quatorze heures trente et le soir :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (n° 556, 2009-2010).
Rapport de M. Ladislas Poniatowski, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire (n° 643, 2009 2010).
Texte de la commission (n° 644, 2009-2010).
Avis de M. Philippe Marini, fait au nom de commission des finances (n° 617, 2009-2010).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 29 septembre 2010, à deux heures cinq.